aRRIaGa LOS ESCLAVOS FELICES, OUVERTURE PASTORALE (1820) né à BilBao le 27 janvier 1806 — 50 ans jour pour jour après mozart ! —, Juan crisóstomo <strong>de</strong> arriaga y balzola connait une carrière d’<strong>en</strong>fant prodige. organiste à guernica, son père déménage avec sa famille à bilbao <strong>en</strong> 1804. il donne une instruction musicale soli<strong>de</strong> à chacun <strong>de</strong> ses huit <strong>en</strong>fants, <strong>en</strong> particulier à son fils ca<strong>de</strong>t Juan crisóstomo dont le tal<strong>en</strong>t se manifeste très tôt. le jeune homme reçoit <strong>en</strong>suite l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t <strong>de</strong> Fausto sanz, virtuose du violon, et rejoint <strong>de</strong>s <strong>en</strong>sembles <strong>de</strong> chambre qui jou<strong>en</strong>t régulièrem<strong>en</strong>t au domicile <strong>de</strong>s familles les plus aisées <strong>de</strong> bilbao. son opéra Los Esclavos felices est représ<strong>en</strong>té avec succès à bilbao alors qu’il n’a que 14 ans. À 15 ans, il est admis au conservatoire <strong>de</strong> paris, où il étudie le violon avec guérin puis baillot, ainsi que le contrepoint et la fugue avec François- Joseph Fétis. dans sa Biographie universelle <strong>de</strong>s musici<strong>en</strong>s (1835-1844), ce <strong>de</strong>rnier témoigne : « ses progrès tinr<strong>en</strong>t du prodige ; moins <strong>de</strong> trois mois lui suffir<strong>en</strong>t pour acquérir une connaissance parfaite <strong>de</strong> l’harmonie ; et, au bout <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux années, il n’était aucune difficulté du contrepoint et <strong>de</strong> la fugue dont il ne jouât. … les progrès <strong>de</strong> ce jeune artiste dans l’art <strong>de</strong> jouer du violon ne fur<strong>en</strong>t pas moins rapi<strong>de</strong>s : la nature l’avait organisé pour faire bi<strong>en</strong> tout ce qui est du domaine <strong>de</strong> la musique ». Fortifié par cette sci<strong>en</strong>ce nouvelle, arriaga <strong>de</strong>vi<strong>en</strong>t luimême assistant <strong>de</strong> Fétis, tout <strong>en</strong> continuant à composer et à réviser ses œuvres antérieures. À l’aube d’une carrière prometteuse, il est malheureusem<strong>en</strong>t atteint <strong>de</strong> tuberculose et s’éteint à paris le 17 janvier 1826, dix jours seulem<strong>en</strong>t avant son 20 e anniversaire. son corps est <strong>en</strong>terré dans une fosse commune <strong>de</strong> montmartre et ses effets personnels r<strong>en</strong>voyés à sa famille. Plus <strong>de</strong> 20 titres. après sa mort, l’œuvre d’arriaga subit les outrages du temps. <strong>de</strong>s manuscrits s’égar<strong>en</strong>t ou sont gravem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>dommagés. <strong>de</strong>s œuvres sont publiées <strong>de</strong> manière altérée ou sous la forme d’arrangem<strong>en</strong>ts… les recherches les plus réc<strong>en</strong>tes ont permis d’établir que le catalogue d’arriaga dépasse 20 titres, parmi lesquels on note <strong>de</strong>ux ouvertures, une Symphonie à grand orchestre, quatre pièces pour piano, <strong>de</strong>s variations pour quatuor à cor<strong>de</strong>s, <strong>de</strong>ux motets et l’opéra Los Esclavos felices (« les esclaves heureux »). <strong>de</strong> cet opéra créé à bilbao <strong>en</strong> 1820 ne subsiste malheureusem<strong>en</strong>t que l’« ouverture pastorale ». le livret <strong>de</strong> luciano comella avait déjà été mis <strong>en</strong> musique par le compositeur madrilène blas <strong>de</strong> laserna <strong>en</strong> 1793. À la création, arriaga s’était réfugié dans une avant-scène, « <strong>en</strong> proie à une gran<strong>de</strong> panique et à un s<strong>en</strong>tim<strong>en</strong>t <strong>de</strong> honte, jusqu’au mom<strong>en</strong>t où la salle éclata <strong>en</strong> un tonnerre d’applaudissem<strong>en</strong>ts, qui le fir<strong>en</strong>t sortir <strong>de</strong> sa cachette ; il remercia, très ému, le public <strong>en</strong> le saluant avec effusion. » l’Ouverture pastorale est la plus longue <strong>de</strong>s ouvertures composées par le « mozart basque ». c’est une musique pleine <strong>de</strong> vie et d’inv<strong>en</strong>tion mélodique, qui fait p<strong>en</strong>ser au jeune rossini. articulée <strong>en</strong> trois volets (Andantino pastoral, Allegro assai, Più mosso), « elle vaut […] par la richesse et le traitem<strong>en</strong>t <strong>de</strong>s thèmes ; certains [ayant] une allure ouvertem<strong>en</strong>t opératique , comme celui prés<strong>en</strong>té par les flûtes, prétexte à un brillant développem<strong>en</strong>t orchestral. » (Judith ortega). arriaga a donné son nom à l’opéra <strong>de</strong> bilbao. ROdRIGO CONCIERTO SERENATA POUR HARPE (1952) Huit concertos. s’il est mondialem<strong>en</strong>t connu comme auteur du Concerto d’Aranjuez pour guitare (1938-1939), Joaquin rodrigo n’<strong>en</strong> a pas moins composé plusieurs œuvres pour orchestre et huit concertos (pour guitare, 2 guitares, 4 guitares, flûte, harpe, violon, violoncelle et piano). Né près <strong>de</strong> Val<strong>en</strong>ce <strong>en</strong> 1901, Joaquin rodrigo perd la vue à trois ans. À Val<strong>en</strong>ce, il étudie avec antich, puis poursuit ses étu<strong>de</strong>s à paris avec paul dukas. il y r<strong>en</strong>contre égalem<strong>en</strong>t manuel <strong>de</strong> Falla qui lui manifeste <strong>de</strong> l’intérêt. ses premières œuvres lui val<strong>en</strong>t un rapi<strong>de</strong> succès <strong>en</strong> espagne. il revi<strong>en</strong>t <strong>en</strong> France dans les années 1930 pour étudier la musicologie avec andré pirro et maurice emmanuel, et ne retourne <strong>en</strong> espagne qu’<strong>en</strong> 1939, après la guerre civile. dét<strong>en</strong>teur <strong>de</strong> nombreux prix et récomp<strong>en</strong>ses, il est un <strong>de</strong>s principaux représ<strong>en</strong>tants espagnols d’un néo-classicisme aux couleurs nationales. directeur du départem<strong>en</strong>t musical <strong>de</strong> la radio Nationale d’espagne et professeur à l’université <strong>de</strong> madrid, Joaquin rodrigo est anobli <strong>en</strong> 1991 par le roi Juan carlos. il meurt à madrid <strong>en</strong> 1999, à près <strong>de</strong> 98 ans. séréna<strong>de</strong>. comman<strong>de</strong> du harpiste espagnol Nicanor Zabaleta, le Concierto Ser<strong>en</strong>ata (« concerto séréna<strong>de</strong> ») est un concerto pour harpe et orchestre écrit <strong>en</strong> 1952. À son propos, rodrigo <strong>de</strong>vait déclarer : « [ce concerto] recrée le madrid du XViii e siècle que barbieri 1 recréa au siècle suivant, et le relie avec le côté espagnol <strong>de</strong>s sonates <strong>de</strong> scarlatti et soler. » cette remarque met <strong>en</strong> évid<strong>en</strong>ce l’une <strong>de</strong>s préoccupations perman<strong>en</strong>tes <strong>de</strong> rodrigo <strong>de</strong> construire <strong>de</strong>s ponts musicaux reliant l’héritage culturel espagnol, dans toutes ses phases, avec le prés<strong>en</strong>t. le premier mouvem<strong>en</strong>t est baptisé Estudiantina (Allegro ma non troppo), du nom <strong>de</strong> ces sociétés d’étudiants qui chant<strong>en</strong>t <strong>en</strong> rue <strong>en</strong> s’accompagnant souv<strong>en</strong>t d’une guitare. son premier thème, volubile joyeux, est énoncé à la harpe puis repris par les v<strong>en</strong>ts. un second thème, énoncé par les cor<strong>de</strong>s et vivem<strong>en</strong>t ponctué par les cuivres, pr<strong>en</strong>d les traits d’une marche militaire un peu grinçante. comme le dit lui-même rodrigo : « plutôt qu’un thème, c’est davantage un refrain ». une longue cad<strong>en</strong>ce <strong>de</strong> la harpe précè<strong>de</strong> la réexposition. le mouvem<strong>en</strong>t c<strong>en</strong>tral, un Intermezzo con Aria (Adagio), s’ouvre par une alternance <strong>de</strong> solos <strong>de</strong> harpe et <strong>de</strong> solos d’orchestre. au c<strong>en</strong>tre, un épiso<strong>de</strong> fugué (Allegro mo<strong>de</strong>rato) r<strong>en</strong>oue avec l’écriture baroque, au moins dans la forme. l’orchestre se d<strong>en</strong>sifie progressivem<strong>en</strong>t avant <strong>de</strong> laisser la harpe conclure dans un climat extatique. <strong>en</strong>fin, le finale baptisé Sarao (Allegro <strong>de</strong>ciso) dépeint une « soirée » dansante, traversée <strong>de</strong> rythmes <strong>en</strong>fiévrés typiquem<strong>en</strong>t espagnols. la création du Concierto Ser<strong>en</strong>ata eut lieu le 9 novembre 1956 à madrid, par Nicanor Zabaleta, dédicataire, et l'orchestre National d'espagne dirigé par paul Kletzki. 1 Francisco as<strong>en</strong>jo Barbieri (1823-1894). compositeur espagnol considéré comme le père <strong>de</strong> la zarzuela et le créateur du théâtre musical auth<strong>en</strong>tiquem<strong>en</strong>t espagnol. 2 3 éric mairlot