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REVUE SEXOLOGIQUE
SEXOLOGICAL REVIEW
Vol. 1, nO 1, prntemps 1993
Vol. 1 No. 1 Sprng 1993
Dossier: sida / Theme: AlOS
Éditeur invité / Guest Editor:
Joseph Josy Lév
- Éditions I.R.I.S. -

La Revue seologique est u périodique scientifque qui publie, deux fois l'an,
des articles originaux se rapportant à la sexualité. / The Seological Review is a
scientfc periodical that publishes biannually articles about sexuality.
Les textes publiés dans la Reue seologique n'engagent que la responsabilité
des auteur(e)s./ Statements and opinions expressed in te Sexological Review
are the sole responsibility of the authors.
diteur/Publisher
I.R.I.S., Institut de recherches et d'informatons sexologiques, inc.
Avec la collaboration de / With the collaboration of: Département de
sexologie, Unversité du Québec à Montréal (UQAM).
Comiti de directon 1 Directon Board
Directeur / Director: André Dupras (Département de sexologie, UQAM).
Éditrice en chef / Managing Editor: Hélène Dionne (I.R.I.S.).
Production
Conception de la couverture / Cover design: Carole Breton, UQAM.
Illustration de la couverture / Cover Illustration: Ghislaine Bourdeau.
Révision et mise en pages / Revision and ediqng: Création Thiery Valens.
Impression / Printing: Ottawa Select Printng.
Assistance fnancière / Financial Suppor
La Revue sexologique est publiée grâce à une subvention du Comité des publications
de l'UQAM et au soutien financier du Département de sexologie de
l'UQAM / The Sexological Review is published thanks to a grant from the
UQAM Publications Committee, and to financial support from the UQAM
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Les articles de la Revue sexologique sont répertoriés dans ASSIA (Applied Social
Sciences Index and Abstracts), Bibliosex, Mental Health Abstracts, Pascal, Repère,
Sociological Abstracts, Studies on Women Abstracts. / Articles in the Sexological
Review are indexed in ASSIA (Applied Social Sciences Index and Abstracts),
Bibliosex, Mental Health Abstracts, Pascal, Reère, Sociological Abstracts, Studies on
Women Abstracts.
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Dépôt légal/LegaIDepos
1 er trimestre 1993 / 1st quarter 1993
Bibliothèques nationales du Québec et du Canada
ISSN 1192-4721
Envoi de poste - publications - enregistrement nO 07507
© UQAM et Les Editions I.R.I.S., 1998
Tous droits réservés / AlI rights reserved

Comité de geston 1 Managing Board
Pierre Alarie (Unité de dysfonction et de développement sexuels, Hôpital
Saint-Luc de Montréal), Joseph J. Lévy (Département de sexologie, UQAM),
Josée S. Lafond (Département de sexologie, UQAM), Jocelyne Thériault
(Département de sexologie, UQAM).
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Pierre Assalian (Department of Psychiatry, McGill University), William
Brender (Department of Psychology, Concordia University), Louise Gaudreau
(Département des sciences de l'éducation, UQAM), Catherine Hankins
(Département de santé communautaire, Hôpital général de Montréal), Louise
Marchand (Département de psychopédagogie et d'andragogie, Université de
Montréal), Michel Perreault (Faculté des sciences infirmières, Université de
Montréal), Louis Rousseau (Faculté de médecine, Université Laval), Frances
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reading committee: Joseph Josy Lévy (Département de sexologie, UQAM).
Responsable de la rubrique «Comptes rendus» 1 Book Review Editor:
Jocelyne Thériault (Département de sexologie, UQAM).
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Rutgers, La Haie), Wolf Eicher (Université de Heidelberg), Felix Lopez
(Université de Salamanque), Ant6nio Pacheco Palha (Société portugaise de
sexologie clinique, Porto), Michael Ross (University of New South Wales),
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Copenhague), Mohamed Yacoubi (Société marocaine de fertilité et de
contraception, Casablanca).
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Responsable 1 Chairman: Josée S. Lafond (Département de sexologie, UQAM).
Lise Labelle (Éditions I.R.I.S.), Jocelyne Robert (Centre de consultation et de
communication en sexologie), Daniel Sansfaçon (Département de sexologie,
UQAM).

REVUE SEXOLOGIQUE 'SEXOLOGICAL REVIEW
Vol. 1, no 1, printemps 1993 / Vol. 1 No. 1 Spring 1993
Prés entation / Intro duction
Éditorial/Editorial ..
Dossier: sida / Theme: AlOS
SOMAIRE / CONTENTS
1. Contraception et prophylaxie chez des jeunes de trois écoles
de milieu défavorisé de l'est de Montréal.
Michel PerreauIt, Angèle Bilodeau, Alain Marchand,
Natalie Savard, Gilles Forget et Jeanne TétreauIt
2. Perceptions of personal risk from sexual transmission of
HIV ........................ .... .. .... ..... ...................... ..
Eleanor Maticka- Tyndale and Joseph J. Lévy
3. Le programme d'échange de seringues de CACTUS-Montréal:
description du service et profil comportemental de la
.. 1
. ... 7
. ....... 15
. ......... 3
clientèle ........................................ 57
c.A. Hankins, S. Gendron, F. Rouah, D. Cyr, M. T. Lai-Tung,
L. Racine, A.M. Charlebois et M. Handley
4. Sexual partner choice i ijectig drug users from a
"critical incident" measure: its implications for assessing
risk of HIV spread . . ......... ........ . .................... 7
Michael W. Ross, Alex Wodak, M.E. Miller and Julian Gold
5. La dépression sexuelle chez les hommes homosexuels
séropositifs au VIH et ses corrélats psychosexuels . .. .. 93
André Dupras et Richard Morisset
6. Sida et sexualité dans la fiction romanesque
Joseph J. Lévy et Alexis Nouss
............... 109

Articles
Revue sexologique / Sexological Review
1. Une expérience de recherche qualitative: la méthodologie
de Tous les hommes le font . .. ................ . ... . ... . ..125
Michel Dorais
2 Active oral-genital sex among married and cohabiting
heterosexual adults ................... . . ................ .......... 143
Jean-Marc Samson, Joseph J. Lévy, André Dupras and
Dominique Tessier
3. La mission eugénique de la sexologie durant les années
trente en France
André Dupras et Gérard Valles ................... ... 157
Comptes rendus 1 Book Review
Marie-Paule Desaulniers, 1990
L'éducation sexuelle: définition
par Liliane Lavertu
Jean-Marc Larouche, 1991
Éros et thanatos sous l'oeil des nouveaux clercs
par André Bergeron
Willy Pasini, 1991
Éloge de l'intimité
par Réal Beaudoin
Denise Badeau et André Bergeron, 1991
La santé sexuelle après 60 ans
par Michel Goulet .............................. . .... ... .. .... .
....171
..... ... ... ... . .. ... . .. . . 174
.... ... . 175
. ................................. ...... 176

Reve sexologique, 1993, vol. 1, n 1
PRÉSENTATION
La création de la Revue sexologique peut-être interprétée comme
une action qui s'ajoute à de nombreux autres gestes posés depuis les
années 1960 pour institutionnaliser la sexologie au Québec. Le
processus d'institutionnalisation de la sexologie s'est réalisé à partir
de sa différenciation par rapport aux domaines disciplinaires existants,
de la création de nouvelles institutions sexologiques et de son entrée
dans le système universitaire. La Revue sexologique se veut un
moyen de donner une assise plus forte aux activités de recherche et
d'enseignement en sexologie. Il nous a semblé primordial de nous
doter d'un instrument pour publier des résultats de recherche sur des
questions reliées à la sexualité et de les rendre disponibles. Nous
espérons que ce périodique scientifique viendra stimuler la recherche
et intéressera les personnes désireuses de connaître les productions les
plus récentes en sexologie.
La publication d'une revue scientifique par des sexologues québécois
ne constitue pas une première tentative de ce genre. Déjà des
professeurs du Département de sexologie de l'UQAM avaient lancé
une revue nommée Études de sexologie en 1976 dont seulement un
numéro a paru. Des finissants en sexologie avaient créé la Revue
québécoise de sexologie qui a fait paraître huit numéros de 1979 à 1982.
Le temps semble être propice au lancement d'une nouvelle revue en
sexologie étant donné que des périodiques sur la sexualité ont émergé
ces dernières années afin de répondre à un besoin de diffusion des
connaissances scientifiques sur la sexualité. Mentionnons, entre
autres, le Canadian Journal of Human Sexuality publié par le Sex
Information and Education Council of Canada, dont le premier
numéro est paru à l'été 1992; il Y a aussi la revue européenne de
sexologie médicale Sexologies qui a vu le jour au mois de juin 1991.
Ces nouvelles parutions reflètent sans aucun doute l'intérêt que
suscite l'étude scientifique de la sexualité. Il se publie un très grand
nombre d'articles scientifiques de langues française et anglaise sur la
sexualité dans les périodiques scientifiques et professionnels.
L'existence de revues consacrées à la diffusion des études scientifiques
sur la sexualité s'impose afin de regrouper dans un même document
des articles qui se retrouvent le plus souvent disséminés dans
différents périodiques, ce qui rend la tâche ardue pour un intervenant

2 Revue sexologique / Sexological Review
ou un chercheur qui veut se tenir au fait de ce qui se publie en
sexologie.
Quelles idées peuvent inspirer l'orientation d'une revue qui veut
publier des résultats de recherches scientifiques sur la sexualité?
D'entrée de jeu, il faut mentionner que la Revue sexologique sera
grandement tributaire des auteurs qui soumettront des manuscrits. Il
nous paraît important d'encourager les chercheurs les plus /
chevronnés de différents pays à nous proposer des textes originaux
pouvant contribuer à l'avancement des connaissances sexologiques.
Pour assurer la qualité scientifique de la revue, les manuscrits soumis
seront évalués par trois examinateurs reconnus pour leur compétence
scientifique. Chaque numéro comportera un dossier thématique et
sera préparé sous la responsabilité d'un coéditeur invité. Les articles
rassemblés sous un thème n'auront pas la prétention d'épuiser le
sujet mais traduiront le souci de la revue de promouvoir l'étude des
multiples facettes d'une question selon des démarches et des outils
diversifiés. La possibilité est également offerte aux chercheurs de
soumettre des articles dont le contenu est en dehors du thème retenu.
En plus de ces considérations éditoriales, il nous semble important
d'énoncer certaines idées qui pourront servir à la fois de référence
pour la direction de la revue et de stimulant pour les auteurs. Un
premier objectif à réaliser serait d'obtenir la collaboration d'auteurs
oeuvrant dans différents champs d'études. En nommant le présent
périodique Revue sexologique, il n'était pas de notre intention de
limiter son accès aux seuls sexologues mais plutôt de l'ouvrir à toutes
les disciples scientifiques afin de perpétuer l'esprit interdisciplinaire
qui anime la sexologie depuis ses débuts. Les pionniers de la sexologie
moderne comme Bloch, Hirschfeld et Havelock Ellis ont proposé une
approche globale de l'étude scientifique de la sexualité en privilégiant
l'apport des différentes disciplines scientifiques. La sexologie n'a rien à
gagner à s'isoler; au contraire, son travail coopératif a permis
d'entretenir des rapports entre les différentes disciplines dans le but
d'échanger et de mettre en commun des idées ou des résultats de
recherche. Cette coopération constitue un moteur de l'avancement
des connaissances scientifiques sur la sexualité. Notre second objectif
est d'encourager l'utilisation de méthodes d'analyse variées. En
voulant créer une revue scientifique, il va sans dire que nous
privilégions les approches expérimentales qui cherchent à expliquer
les réalités étudiées à partir d'observations précises et rigoureuses. La
densité et la complexité du vécu sexuel nous invitent à être attentifs
non pas seulement à 1'« objectif» mais également au «subjectif» en

Présentation
n'oubliant pas ce que la sexualité a de non logique, d'étrange et de
bigarré. À notre avis, le gage d'une démarche prospective en sexologie
suppose la coexistence de méthodes diversifiées, du quantitatif et du
qualitatif. Notre troisième objectif est d'encourager un travail de
réflexion critique du phénomène sexuel et de son étude. Toute
donnée scientifique porte le poids d'un héritage social qu'il importe
de ne pas ignorer et de maîtriser. L'histoire de la sexologie nous
enseigne que les théories et les connaissances sexologiques sont des
,
produits institués et largement dépendants des conjonctures
socioculturelles dans lesquelles ils s'inscrivent. Il nous paraît essentiel
de situer la production de connaissances sexologiques par rapport à
des mouvements scientifiques et de replacer ces données dans leur
environnement culturel pour en arriver à mieux comprendre
comment la sexologie se fait.
Pour terminer, nous souhaitons longue vie à la Revue sexologique.
Sa longétivité dépendra grandement de la qualité de son contenu
scientifique et de sa gestion. Pour assurer son succès, nous ivitons
d'abord tous les chercheurs et les intervenants appartenant à
différentes disciplines scientifiques et soucieux de respecter les
objectifs généraux de la revue de nous soumettre des manuscrits
originaux. Nous comptons également sur la collaboration de
plusieurs personnes qui assumeront ls tâches indissociables de la
production d'une telle revue: gestion financière, définition des
orientations, évaluation des manuscrits, comptes rendus de livres,
préparation, impression et diffusion de chaque numéro. Nous
voulons les remercier d'avoir accepté de faire équipe avec nous pour
produire ce périodique.
3
André DUPRAS
Directeur de la Revue sexologique

Sexological Revie 1993, Vol. 1, No. 1
INTRODUCTION
The creation of the Sexological Review can be interpreted as
yet another effort amongst the many others that have been made
since the 1960s to institutionalize sexology in Quebec. This process of
institutionalization was achieved by differentiating it from other
existing disciplines, by establishing new sexological institutions and by
making it part of the academic system at the university level. The
Sexological Review will aim to place the accent on l promoting both
research activities and academics in sexology. We feel it is crucial to
equip ourselves with an instrument to publish research results on
sexuality-related questions so as to make these results more easily
accessible and available. We hope that this scientific periodical will
encourage research as well as inspire people interested in the latest
developments in the field of sexology.
The publication of a scientific periodical by Quebec sexologists is
certainly not the first attempt of its kind. In 1976, professors in the
sexology department of the UQAM had launched a journal called
Études de sexologie which released only one issue. Sexology graduates
had created the Revue québécoise de sexologie, which released eight
issues between 1979 and 1982. It seems appropriate to now launch a
new periodical on sexuality, since in recent years, many periodicals
have emerged as a result of the growing need for scientific knowledge
on sexuality. One of these new perioticals, the Canadian Journal of
Human Sexuality, published by the Sex Information and Education
Council of Canada, released the first issue in the summer of 1992.
There is also the European journal of medical sexology, Sexologies,
that first appeared in June 1991. These new releases no doubt indicate
a growing interest in the scientific study of sexuality. Many scientific
articles on sexuality are published in both French and English in
professional as well as scientific periodicals. The existence of journals
dedicated to the diffusion of scientific studies in sexuality is essential
to bring together articles that are often dispersed in different
periodicals and that make the task difficult for those wishing to be
kept up to date on publications in sexology.
What ideas could influence the course of a periodical on scientific
studies on sexuality? To begin with, it must be mentioned that the
Sexological Review will be largely dependent on the authors that will

Introduction
submit their manuscripts. We feel it is important to encourage the
more experienced researchers worldwide to present original papers
that will serve to contribute to the advancement of sexological
knowledge. In order to insure the scientific quality of this periodical,
the manuscripts submitted will be evaluated by three examiners
known for their scientific competence. Each issue will feature a
specifie theme which will be prepared under the responsibility of a
guest co-editor. The intention of the articles gathered under a basic
theme is not to exhausting the subject, but rather, to coincide with the
objective of the joural, that is, to promote the study of the multiple
facets of specific issues by using various tools and approaches.
Researchers will also be able to submit articles with contents other
than the themes proposed.
Besides these editorial considerations, it seems important to
implement certain ideas that could serve as both a reference for the
direction of the periodical and a motivating aspect for the authors.
Our first objective is to ob tain contributions from authors working i
various fields of study. In naming the present periodical Sexological
Review, it was not our intention to limit its access to sexologists, but
to open the door to aIl other disciplines in order to ensure the
interdisciplinary aspect of sexology that has been the focus since its
very beginnings.
The pioneers of modem sexology, Bloch, Hirschfeld and Havelock
Ellis, have proposed a global approach to the scientific study of
sexuality by favoring the contributions of the different scientific
disciplines. Sexology has nothing to gain by isolating itself. On the
contrary, its cooperative work has enabled the establishment of
relations with other fields and thus the exchange and communication
of ideas and research results. This cooperation constitutes the driving
force behind the progress of scientific knowledge on sexuality.
Our second objective is to encourage the use of various analytical
methods. In wanting to create a scientific journal, it go es without
saying that we favor the experimental approach that seeks to explain
the studied reality by using precise and rigorous observations. The
depth and complexity of this topic requires that we pay attention not
only to "objective" but also to "subjective" topics, while keeping in
mind the non logical, unusual and multicoloured facets of sexuality.
We believe that the advantage of a prospective approach to sexology
presupposes the coexistence of diversified methods, both quantitative
and qualitative.
5

6 Revue sex%gique / Sex%gica/ Review
Our third objective is to encourage a critical sense in analyzing
sexual phenomena. AU scientific data is the result of our social
heritage which should be controlled, and not ignored. The history of
sexology teaches us that sexological theories and knowledge are
instituted products that are largely dependent on the sociocultural
circumstances in which they ascribe themselves. It is absolutely
necessary to situate the acquisition of sexological knowledge in
relation to scientific movements and the data in reference to their
cultural environment. This will allow for a better understanding of
how sexology evolves in our society.
In conclusion, we hope that the Sexological Review will be an
effective tool for many years to come. Its longevity will greatly depend
on the quality of its scientific content and of its management. To
insure its success, we therefore invite aIl researchers and practitioners
in the various scientific disciplines who share a concern in meeting
the general objectives of this periodical to submit their original
manuscripts. We also rely on the collaboration of many people who
will assume tasks that are inseparable from the production of such a
journal: financial management, the formulation of definitions and
orientations, the evaluation of manuscripts and book-reviewing, and
the preparation, printing and distribution of each issue. We wish to
thank these individu aIs for joining our te am and helping to create
this periodical.
André DUPRS
Director of the Sexological Review
(Trans/ated by Nancy Boivin)

Reve seologique, 1993, vol. 1, n 1
ÉDITORIAL
LE SIDA, RÉVÉLTEUR D'UN NOUVEAU CODE SEXUEL?
Dans son roman La peste, Albert Camus écrivait: «Il y a eu autat
d'épidémies que de guerres dans l'histoire et pourtant tant les
épidémies que les guerres prennent toujours les gens par surprise. »
C'est le cas du sida qui, depuis plus d'une décennie maintenant,
constitue l'un des problèmes de santé les plus graves que doivent
affronter les sociétés moderes. Cette pandémie oblige à réévaluer nos
façons d'envisager la sexualité.
La libéralisation des moeurs sexuelles qu'ont connue les pays
industrialisés depuis les anées 1960 se voit freinée, sinon remise en
question, en raison des dangers de plus en plus manifestes associés
aux risques de transmission du VIH. Sans être l'unique voie de
contamination, l'expression érotique, associée à la liberté et au plaisir,
se retrouve alors chargée d'une valence létale puisqu'elle peut donner
la mort. La notion de prévention basée sur des connaissances
biomédicales et la mise en place d'une responsabilité concurrencent
les mots d'ordre plus archaïques liés au péché, à la culpabilité, au
châtiment.
Assistons-nous alors à l'émergence d'un nouvel ordre sexuel
imposé par la menace du sida et à une réflexion sur les limites de
l'érotisme articulée sur une éthique de la responsabilité? Un sondage
mené à Montréal n'a pas permis d'observer la présence d'une vague
antisexuelle à l'égard de la prémaritalité, de l'extramaritalité et de
l'homosexualité avec l'avènement du sida (Dupras et al., 1989). Il s'est
plutôt produit une prise de conscience du nouveau potentiel létal de
la sexualité et de la nécessité de prendre des précautions, sans que les
pratiques réelles ne suivent toujours ces perceptions.
S'ouvre alors, parallèlement à la recherche biomédicale, tout un
ensemble de questions sexologiques portant sur les configurations
sexuelles à risque et les facteurs sociopsychologiques qui les sous­
tendent, qu'ils soient liés à des dimensions ethnoculturelles (Maticka­
Tyndale et Lévy, 1992) ou à des styles de vie où se conjuguent quête de
sensations et utilisation d'alcool et de drogues (Lévy et al., 1993). Tout
ce champ complexe où valeurs, perceptions et comportements

8 Revue sexologique / Sexological Review
s'enchevêtrent nécessite alors un tamisage théorique et expérimental
qui interpelle les chercheurs et les intervenants tant en sexologie que
dans les domaines de la promotion de la santé.
Le choix de la problématique du sida pour le premier numéro de la
Revue sexologique obéit à cette nécessité de mieux saisir ce
phénomène essentiel. Le dossier que nous proposons ici présente
quelques pistes de réflexion qui peuvent alimenter le débat sur les
répercussions de cette pandémie sur les valeurs et les pratiques
sexuelles.
Le développement de moyens contraceptifs de plus en plus efficaces
a certes contribué à libéraliser les moeurs sexuelles. Utilisée d'une
manière efficace, la contraception a réduit les craintes d'une
reproduction non désirée; la pilule anticonceptionnelle constitue sur
ce plan l'une des découvertes les plus importantes de la période
moderne. Cependant, la liberté qu'elle procure a son revers dans la
mesure où elle dissuade ses usagères de recourir au préservatif, l'un
des moyens de se prémunir contre la transmission du VIH.
Si, avant le sida, il s'agissait souvent d'éviter une grossesse non
désirée, il s'agit à présent de se soustraire à une possibilité de
contamination. Le condom peut alors jouer un double rôle
contraceptif et prophylactique avec une efficacité théorique incertaine.
Comme le démontre l'étude de Perreault et de ses collègues publiée
dans le présent dossier, il faut maintenant relever le défi complexe de
développer de nouvelles attitudes et pratiques chez les jeunes afin de
maintenir les gains sur le plan de la réduction des grossesses non
désirées en même temps que de prévenir le sida.
L'adoption de comportements sexuels sécuritaires est devenue le
nouveau mot d'ordre des campagnes de prévention du sida. Dans ce
contexte, il est indispensable de comprendre le processus de
changement des comportements sexuels à risques en s'appuyant sur
les travaux réalisés en psychologie et en sociologie. À ce sujet, on peut
supposer que la résistance à la modification des comportements
sexuels peut être redevable à des processus cognitifs, comme nous le
démontrent Maticka-Tyndale et Lévy dans leur étude sur la
perception du risque. Ainsi, les erreurs de jugement systématiques
contribuent au maintien de conduites sexuelles à risque.
En plus de l'inventaire des mécanismes cognitifs, d'autres
prédicteurs psychologiques et sociologiques doivent être identifiés afin
de construire des modèles explicatifs multidimensionnels de
l'adoption de comportements sexuels à risque. Cet appel lancé aux
chercheurs constitue un défi de taille puisqu'il est essentiel de prendre

tditorial
en considération les caractéristiques propres à chaque « groupe cible»
visé par l'intervention préventive. Les études réalisées à Montréal par
l'équipe de Catherine Hankins et à Sydney, en Australie, par l'équipe
de Michael Ross auprès des utilisateurs de drogues injectables
viennent témoigner de la nécessité d'adapter les modèles
psychosociaux de prévention aux réalités vécues par ce groupe de
personnes.
Avec l'extension de la séropositivité, plusieurs recherches ont porté
sur les répercussions de ce diagnostic sur les pratiques sexuelles des
personnes atteintes. Les enquêtes épidémiologiques ont effectivement
révélé que les hommes homosexuels séropositifs ont réduit les
pratiques à risques et utilisent davantage le condom que les hommes
homosexuels séronégatifs (Calzavara et al., 1991 ; Catania et al., 1991).
Cependant, ces résultats occultent souvent la détresse psychosexuelle
qui suit l'annonce de la séropositivité. Le texte de Dupras et Morisset
dans le présent dossier témoigne des répercussions graves de la
dépression sexuelle sur la vie sexuelle d'un groupe d'homosexuels et
signale l'importance d'assurer la meilleure qualité de vie sexuelle des
personnes séropositives, question qui a fait l'objet d'une
recommandation lors de la Be Conférence internationale sur le sida
(Gorna,1992).
À l'instar des autres épidémies comme la peste ou la syphilis, le sida
commence à se répercuter sur le plan de la création artistique et
littéraire dont rendent comptent les pièces de théâtre, les films et les
romans publiés dans la dernière décennie. In memoriam,
mentionnons dans ce domaine les oeuvres du romancier Hervé
Guibert, décédé récemment du sida. Cette création, à la fois
témoignage et réflexion, pourra devenir un matériau ethnographique
essentiel pour comprendre la construction culturelle de cette
épidémie et ses répercussions sur le plan de la sensibilité érotique.
Cette perspective d'analyse encore inchoative trouve un écho dans
l'article de Lévy et Nouss qui explore les différences entre l'imaginaire
littéraire inspiré de la syphilis et celui suscité par le sida, montrant
certaines continuités mais surtout des ruptures liées au refus de la
maladie. La quête de la jouissance sexuelle pose alors les limites de la
liberté et nécessite l'exploration de nouvelles expressions érotiques où
la contrainte du «safe-sex» ne signifie pas de renoncer à une
imagination toujours à l'affût de nouvelles ressources érogènes.
Les articles publiés dans ce premier dossier confirment donc
l'empreinte du sida sur les mentalités et les pratiques sexuelles de
notre époque. Suivre de près les nouveaux modes de pensée et
9

10
Revue sexologique / Sexological Review
d'expression de la sexualité, évaluer comment ils se développent et se
mettent en place pour affronter l'épidémie, contourner les dangers de
l'endémie et, espérons-le, la vaincre, c'est l'une des tâches de la
sexologie à laquelle la Revue sexologique désire contribuer.
RÉFÉRENCES
Joseph Josy LÉVY
Professeur
Département de sexologie
Université du Québec à Montréal
CALZAVARA, L.M.; COATES, R.A.; JOH NSON, K.; READ, S.E.;
FAREWELL, V.T. ; FANNING, M.M.; SHEPHERD, F.A. ; MACFADDEN,
D.K. (1991). «Sexual behavior changes i a cohort of male sexual
contacts of men with HIV disease: a three-year overview », Canadian
Journal of Public Health, 82, 150-156.
CATANIA, J.A.; COATES, T.J.; STALL, R.; BYE, L.; KEGELES, S.M.;
CAPELL, F. ; HEN NE, J. ; MCKUSICK, L.; MORIN, S.; TURNER, H.;
POLLACK, L. (1991). «Changes i condom use among homosexual
men i San Francisco », Health Psychology, 10 (3), 190-193.
DUPRAS, A.; LÉVY, J.J.; SAMSON, J.-M.; TESSIER, D. (1989). La
sexualité des Montréalais et le sida. Longueuil: I.R.I.S.
GOR NA, R. (éd.) (1992). Conference summary report of the VIII
International Conference on AIDS/III STD World Congress.
Amsterdam: Harvard AIDS Institute.
LÉVY, J.J. ; DUPRAS, A.; SAMSON, kM. (1993). Facteurs de risques face
au sida chez les étudiants universitaires de Montréal. Rapport de
recherche. Montréal: Département de sexologie, Université du
Québec à Montréal.
MATICKA-T YN DALE, E.; LÉVY, J.J. (1992). Sexualité, contraception et
sida: variations ethnoculturelles. Montréal: Éditions du Méridien.

Sexological Review 1993, Vol. 1, No. 1
EDITORIAL
AlOS, HERALDING A NEW CODE OF SEXUAL CONDUCT
In his novel The Plague, Albert Camus wrote "There have been as
many plagues as wars in history; yet always plagues and wars take
people equally by surprise." This is true of AIDS which, for over a
decade now, has become one of the most serious health problems
modern societies must face. It has become a pandemic that is forcing
us to rethink the way we look at sexuality.
The liberation of sexual mores witnessed by industrialized countries
since the 1960s has come to an abrupt stop. In fact, society has even
reevaluated this position because of the increasingly obvious dangers
associated with the risks of HIV transmission.
Erotic expression, which is associated with freedom and pleasure,
and which is not the only way the virus can be transmitted, now has
the potential of becoming a lethal weapon. The notion of prevention
based on biomedical knowledge and responsibility is competing with
antiquated notions of sin, guilt and chastisement.
Are we then witnessing the emergence of a new sexual code
imposed by the threat of AIDS and considering putting new limits on
eroticism, basing ourselves on ethics of responsibility? A survey in
Montreal has not come to the conclusion that an anti-sexual wave has
swept the city with regard to premarital sex, extramarital sex or
homosexuality with the advent of AIDS (Dupras et al., 1989). There is,
however, a heightened awareness of the new lethal potential of
sexuality and of the need to take precautions. In reality, though, not
everyone puts these theories into practice.
At the same time as this biomedical research is being conducted, a
number of questions of a sexological nature are being dealt with
concerning the sexual risk configurations and the underlying
sociopsychological factors, be the y of ethnocultural dimensions
(Maticka-Tyndale and Lévy, 1992) or connected to lifestyles where
sensation seeking, alcohol and drug use all come into play (Lévy et al.,
1993). This complex field where values, perceptions and behaviors
have become entangled needs a theoretical and experimental "sifting"
which requires the work and understanding of sexology researchers
and other professionals as well as health-care providers.
We have chosen to discuss the AIDS problem in the first issue of
the Sexological Review because of the need to better understand this

12 Revue sexologique / Sexological Review
phenomenon. We are proposing here sore theories and thoughts for
the debate on the repercussions of this pandemic on our sexual values
and practices.
The development of increasingly effective methods of contraception
has certainly contributed to liberalizing sexual mores. In fact, effective
contraception has reduced the fears of unwanted pregnancy. Oral
contraceptives constitute one of the most important discoveries of our
times, but the freedom it has provided has had a reverse effect in that
it dissuades people from using condoms, one of the me ans of
prevention against the transmission of HIV.
Before AIDS, people were worried about unwanted pregnancies;
today the problem is also how to eliminate the possibility of
contamination. The condom can then play a double role: that of a
contraceptive and that of a prophylactic whose efficiency has
theoretically not been confirmed. As demonstrated in the study
conducted by Perreault and his colleagues and published in this
review, we must now respond to the complex challenge of developing
new attitudes and practices in young people to main tain the gains
made in the reduction of unwanted pregnancies as we work on
preventing AIDS.
The adoption of safe sexual behaviors has become the new slogan of
AIDS prevention campaigns. In this context, we must understand the
process governing changes in sexual behaviors, using psychological
and sociological literatures. We can thus assume that the resistance to
modifications in sexual behaviors may be attributed to cognitive
processes such as those demonstrated by Maticka-Tyndale and Lévy in
their study on risk perception. Systematic errors in judgment thus
contribute to maintaining risk-producing sexual behaviors.
In addition to these various cognitive mechanisms, other
psychological and sociological predictors must be identified to build
multidimensional explanatory models of the adoption of risk­
producing sexual behaviors. This constitutes a sizeable challenge for
researchers since they must take into consideration the characteristics
of each "target group" aimed at by prevention intervention. The
studies carried out in Montreal by Catherine Hankins and her team,
and in Sydney, Australia, by Michael Ross's team with intravenous­
drug users show the necessity of adapting psychosocial models of
prevention to the real-life situations of this group of persons.
With the spread of seropositivity, several researchers have focused
on the repercussions of this diagnosis upon the sexual practices of
persons infected with HIV. Epidemiological studies have, in fact,

Editorial 13
revealed that seropositive homosexual men engage in fewer risk­
producing behaviors and use condoms more than seronegative
homosexual men (Calzavara et al., 1991; Catania et al., 1991).
Meanwhile, results often conceal the psychosexual distress which
follows the diagnosis of seropositivity. Dupras and Morisset's paper in
the present issue conveys the serious repercussions of sexual
depression on the sexual life of a group of homosexuals and signaIs
the importance of insuring the best quality of sexual life for
seropositive persons, a question which was the object of a
recommendation at the Eighth International Conference on AIDS
(Gorna, 1992).
As was the case with other epidemics such as the plague or syphilis,
AIDS is beginning to be felt in artistic and literary creations such as
plays, films and novels of the last decade. The works of the novelist
Hervé Guibert, who died of AIDS recently, is one such example. This
creation, which is a testimony as weIl as a deliberation, may weIl
become ethnographic mate rial that is essential for understanding the
cultural make-up of this epidemic and its repercussions on erotic
awareness. This analysis perspective which is still taking shape is also
found in Lévy and Nouss's article exploring the differences between
the literary fiction inspired by syphilis and that inspired by AIDS.
Although comparison does show similarities, it mostly conveys
dissimilarities associated with the denial of the disease. The quest for
sexual enjoyment then poses limits to freedom and compels us to
explore new erotic expressions where the constraints of safe sex do not
preclude giving way to an imagination that is forever searching for
new erogenous possibilities.
The articles published in this first issue thus confirm the mark that
AIDS has made on the sexual attitudes and practices of our times. In
the fight against this epidemic, it is not likely that we will return to
socio-sexual configurations resembling those which preceded the
contemporary period. We should thus closely follow the
development of new modes of thinking and expressions of sexuality
and see how they affect our ability to avoid the dangers of the
epidemic, or confront it and hopefuIly, overcome it. The Sexological
Review plans to actively participate in this course.
Joseph Josy LÉVY
Professo r
Department of Sexology
Université du Québec à Montréal

14 Revue sexologique / Seological Review
REFERENCES
CALZAV ARA, L.M.; COATES, RA; JOH NSON, K.; RE AD, S.E.;
FAREWELL, V.T.; FANNING, M.M.; SHEPHERD, F.A; MACFADDEN,
D.K. (1991). "Sexual behavior changes in a cohort of male sexual
contacts of men with HIV disease: a three-year overview," Canadian
Journal of Public HeaIth, 82, 150-156.
CATANIA, J.A; COATES, T.J.; STALL, R; BYE, L.; KEGELES, S.M.;
CAPELL, F.; HE NNE, J.; MCKUSICK, L.; MORIN, S.; TURNER, H.;
POLLACK, L. (1991). "Changes in condom use among homosexual
men i San Francisco," Health Psychology, 10 (3), 190-193.
DUPRAS, A; LÉVY, J.J.; SAMSON, J.-M.; TESSIER, D. (1989). La sexualité
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Amsterdam: Harvard AIDS Institute.
LÉVY, J.J.; DUPRAS, A; SAMSON, J.-M. (1993). Facteurs de risques face
au sida chez les étudiants universitaires de Montréal. Rapport de
recherche. Montréal: Department of Sexology, Université du Québec
à Montréal.
MATICKA-TY N DALE, E.; LÉVY, J.J. (1992). exualité, contraception et
sida: variations ethnocuIturelles. Montréal: Editions du Méridien.
(Translated by Maria Nengeh Mensah)

Reve sexologique, 1993, vol. l, n l, 15-34
CONTRACEPTION ET PROPHYLIE CHEZ DES JEUNES DE
RÉSUMÉ
TROIS ÉCOLES DE MILIEU DÉFAVORISÉ DE LIEST DE
MONTRÉALl
Michel PERREAULT*, Angèle BILODEAU**,
Alain MARCHAHD***, Natalie SAVARD**,
Gilles FORGET**, Jeanne TÉTREAULT**
La popularité des anovulants s'accompagne d'une baisse dans l'utilisation
du condom chez les jeunes alors que le condom demeure le seul moyen de
se protéger des MTS et du VIH. Une étude n'a trouvé aucun lien entre la
perception de contrôle et les croyances quant aux avantages et aux désa­
vantages inhérents à l'utilisation du condom chez 334 jeunes des niveaux
secondaire III et IV de trois écoles de milieu défavorisé de l'est de Montréal
placés de façon aléatoire dans un contexte hypothétique d'utilisation ou de
non-utilisation de la pilule. Par contre, une auto-efficacité relative à la
contraception perçue comme élevée entraîne une meilleure perception de
contrôle, des croyances plus grandes quant aux avantages et plus faibles
quant aux désavantages inhérents à l'utilisation du condom, quelles que
soient les caractéristiques socio-démographiques de ces jeunes.
Mots clés
Contraception; prophylaxie; condom; MTS ; sida.
Dans un contexte où seul le condom peut protéger des MTS en
général et du VIH en particulier, son utilisation en plus de la pilule,
Cette recherche a été réalisée grâce à une subvention du Programme national de
recherche et de développement en santé du ministère de la Santé nationale et du
Bien-être social du Canada, Concours sida de janvier 1990. Nos remerciements à
Johanne Otis, du Département de santé communautaire de l'Hôpital Charles­
Lemoyne, qui a agi comme consultante.
* Professeur-adjoint à la Faculté des sciences infirmières de l'Université de
Montréal, c.P. 6128, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3J7. Chercheur associé
au Département de santé communautaire de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont
et au Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la Prévention (GRASP) du
Département de sociologie de l'Université de Montréal.
** Département de santé communautaire de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont.
*** Agent de recherche du Groupe de recherche sur les aspects sociaux de la
prévention du Département de sociologie de l'Université de Montréal.

16 Revue sexologique / Seological Review
celle-ci étant toujours considérée comme la méthode contraceptive
théoriquement la plus efficace, ouvre la discussion sur la nécessaire
adoption de comportements de double protection. L'évaluation d'un
projet visant à assurer une contraception plus efficace auprès de
jeunes de trois écoles de milieu défavorisé de l'est de Montréal offrait
l'occasion d'explorer si une situation hypothétique de double
protection influençait de façon significative la perception de contrôle
des jeunes dans l'utilisation du condom, ainsi que leurs croyances
quant aux avantages et aux désavantages inhérents à l'utilisation du
condom.
Baisse de l'utilisation du condom et popularité des anovulants
Toutes les recherches sur l'utilisation de méthodes contraceptives à
l'adolescence suggèrent une diminution, au cours des années, de
l'utilisation des méthodes sous contrôle mascu)in et une popularité
accrue des anovulants (Morrison, 1985). Dans les premières
recherches, effectuées de 1965 à 1970, les adolescentes et adolescents
qui utilisaient une méthode contraceptive optaient pour le condom
dans une proportion allant jusqu'à 60 % alors que, depuis les années
1975 et 1976, seulement 39 % choisissaient le condom. Cette
diminution de l'utilisation du condom s'accompagne d'une
utilisation sans cesse croissante des anovulants pour atteindre 75 %
des utilisateurs et utilisatrices d'une méthode contraceptive.
Si l'usage du condom à l'adolescence a diminué au cours des trente
derières années, cette baisse de popularité s'est aussi observée dans le
développement de la vie sexuelle des jeunes. Ainsi, une étude auprès
d'un échantillon de 1059 adolescents et adolescentes de 14 à 18 ans,
représentatif de la population scolaire de niveau secondaire III, IV et
V des écoles de la région de Montréal (Fortin et al., 1986), a montré
que chez les 40 % d'adolescents sexuellement actifs, le condom était
nettement le contraceptif le plus utilisé lors d'une première relation
sexuelle alors que la pilule était la méthode la plus utilisée lors de la
dernière relation sexuelle. Dans une étude effectuée auprès de 52
classes de secondaire V choisies au hasard dans 14 écoles situées sur le
territoire du DSC Charles-Lemoyne (Otis et al., 1991), la pilule a été
utilisée par 18 % des jeunes sexuellement actifs lors de la première
relation sexuelle alors que le condom l'avait été à 54,6 %. Par contre, la
pilule s'avère une méthode contraceptive dont la popularité s'accroît
chez les adolescents tout au long de leur vie sexuelle active, alors que
celle du condom diminue (p 0,001). Ainsi, si les anovulants sont
devenus une méthode populaire à l'adolescence, le condom demeure

Contraception et prophylaxie chez des élèves de milieu défavorisé 17
la seule méthode de contraception utilisée de façon significative lors
de la première relation sexuelle (Morrison, 1985, p. 489).
Contraception et prophylaxie: deux univers de recherche parallèles
Selon Brooks-Gunn et Furstenberg (1990) :
[... ] les préoccupations sociales sont tellement centrées sur les
conséquences procréatrices des relations sexuelles à l'adolescence que les
risques de MTS ont reçu jusqu'à maintenant très peu d'attention et la
signification de la relation sexuelle dans le répertoire de l'expérimentation
et de l'expression de la sexualité a été évitée (p. 59).
Cependant, avec l'épidémie de sida, de plus en plus de recherches se
penchent sur l'utilisation du condom à des fins prophylactiques, mais
sans tenir compte du contexte contraceptif. La recension des écrits
montre que les recherches auprès des jeunes sur la contraception et la
prophylaxie constituent en général deux univers parallèles. Riphagen
(1989) a souligné que les 10 % de femmes qui utilisaient le condom en
plus de la pilule dans une étude suédoise de 1987 et les 12 % dans une
recherche danoise de 1988 motivaient toutes leur choix par la
nécessité de se protéger du VIH et des MTS avec le condom et d'une
grossesse indésirée avec la pilule. À ce sujet, Segal (1989) a conclu:
[... ] le commentaire du Dr Riphagen suggère que le public devance en
quelque sorte la communauté scientifique [ . . . ] puisque nous ne
connaissons relativement que peu de choses sur la relation entre la
transmission hétérosexuelle du VIH et la contraception (p. 578).
Deux chercheuses canadiennes ont commencé à étudier cette
relation. Maticka-Tyndale (1989) rapporte que le fait de prendre la
pilule rend difficile l'utilisation du condom par des jeunes femmes
qui ont un partenaire régulier, celles-ci ayant peur d'éveiller des
soupçons quant à leur intégrité, ou craignant de mettre en cause celle
du partenaire, en exigeant le port du condom, en plus de prendre la
pilule, pour prévenir une éventuelle MTS ou une contamination par
le VIH.
Par ailleurs, une étude du DSC Charles-Lemoyne (Otis et al., 1991) a
montré que si la perception des avantages et des désavantages
inhérents à l'utilisation du condom demeure relativement stable
dans les cas où il serait utilisé en plus de la pilule lors d'hypothétiques
relations sexuelles, la perception du contrôle face à son utilisation
décroît de façon significative si on utilise aussi la pilule contraceptive.
Ainsi, les jeunes perçoivent que le port du condom serait plus difficile
quand la partenaire utilise la pilule. Quand, au contraire, il n'y a pas
utilisation de la pilule, son installation de même que la persuasion du

18 Revue sexologique / Sexological Review
partenaire seraient perçues comme moins difficiles. Finalement, il
serait plus difficile d'avoir des condoms à sa portée quand la
partenaire utilise déjà la pilule. Selon cette étude, les principaux
obstacles à l'utilisation du condom répertoriés par la littérature
(Sherris, 1983) s'accroîtraient nettement quand il y a déjà utilisation de
la pilule comme méthode contraceptive.
Une double protection ?
Dans le contexte actuel d'une endémie de MTS à l'adolescence et
d'une potentielle épidémie de transmission du VIH dans cette
population, les objectifs prophylactiques, qui deviennent impérieux,
ne rendent pas moins importantes les préoccupations face à la
nécessaire prévention des grossesses à cet âge. Ou bien les campagnes
d'éducation et d'information devraient viser à la fois des objectifs
contraceptifs et prophylactiques par la seule promotion du condom,
ou bien il faudrait promouvoir à la fois l'utilisation des anovulants,
considérés actuellement comme la méthode théoriquement la plus
efficace pour prévenir les grossesses, et celle du condom, seule
méthode efficace pour se protéger des MTS en général et du VIH en
particulier. La promotion d'une double protection peut amener des
difficultés nouvelles pour les jeunes (et les moins jeunes!):
l'utilisation du' condom en plus des anovulants est un acte qui peut
rendre encore plus complexe l'interaction des déterminants de la
contraception, comme le suggèrent les études d'Otis et al. (1991) et de
Maticka-Tyndale (1989), tout en introduisant des déterminants
potentiels de la prophylaxie pratiquement ignorés par les recherches
jusqu'à maintenant.
La réalisation d'un post-test pour l'évaluation du projet
SEXPRIMER, une intervention planifiée par le Département de santé
communautaire de l'Hôpital Maisonneuve-Rosemont pour prévenir
les grossesses à l'adolescence (Bilodeau et aL, 1991a), offrait l'occasion
de réaliser rapidement et à peu de frais, auprès d'étudiantes et
d'étudiants de trois écoles de milieu défavorisé de l'est de Montréal, la
vérification d'hypothèses quant aux effets des déterminants de
l'utilisation du condom et des anovulants.
Modèle d'analyse
Dans un cadre de recherche qui ne permettait pas, contrairement à
celui d'Otis et al. (1991), de retourer auprès des sujets pour vérifier
les liens entre les déterminants psychosociaux de l'intention d'utiliser
le condom et les déterminants de l'utilisation effective du condom,

Contraception et prophylaxie chez des élèves de milieu défavorisé 19
trois des déterminants construits par Otis ont été retenus: les
croyances comportementales quant aux avantages et celles relatives
aux désavantages du port du condom selon la théorie de l'action
raisonnée de Fishbeln et Ajzen (1975), ainsi que la perception du
contrôle du port du condom selon la théorie du comportement
planifié de Ajzen et Madden (1986).
Comme les jeunes de cet âge ne sont pas tous actifs sexuellement au
sens d'avoir une relation sexuelle avec pénétration (taux de 49,6 %
chez les jeunes du projet SEXPRIMER), les sujets ont été placés de
façon aléatoire dans un contexte hypothétique d'utilisation ou de
non-utilisation de la pilule afin d'observer les différences possibles
quant aux croyances comportementales et à la perception de contrôle
face au port du condom. Le modèle d'analyse retenu (figure 1) pose
comme hypothèse qu'un contexte d'utilisation ou de non-utilisation
de la pilule influencerait directement les croyances et la perception de
contrôle quant à l'utilisation du condom. Toutefois, cette relation
serait modifiée par les déterminants d'une contraception efficace.
Enfin, des caractéristiques socio-démographiques viendraient
contrôler les relations entre contexte hypothétique, déterminants
d'une contraception efficace, croyances comportementales et
perception de contrôle quant à l'utilisation du condom tout en
pouvant influencer directement ces croyances et cette perception.
Échantillon
MÉTHODOLOGIE
Les données de l'étude recueillies en juin 1990 proviennent de trois
écales classées par le Conseil scolaire de l'île de Montréal comme
appartenant à un milieu très défavorisé dans les secteurs Hochelaga­
Maisonneuve et Rosemont. Ces deux secteurs de l'est de Montréal
présentent un taux de fécondité chez les moins de 20 ans deux fois
plus élevé que celui du Québec (33,7 par opposition à 15,1 selon le
Registre des naissances du ministère de la Santé et des Services
sociaux, Québec, 1986). Des 500 sujets de niveau secondaire III et IV
susceptibles de répondre à la fois au questionnaire de prétest et de
post-test du projet SEXPRIMER, 348 ont pu être joints après des
absences ou abandons en cours d'année. Des 348 qui ont pu répondre
au questionnaire sur les croyances comportementales et la perception
de contrôle quant au port du condom, 334 ont été retenus à la suite des
mesures d'imputation accomplies sur la banque de données afin
d'obtenir toujours le même nombre de répondants pour chaque
question.

FIGURE 1
1
o
Modèle d'analyse des croyances comporementales
e perception de contrôle du por du condom
(
Déterminants d'une contraception efficace
(Recension des écrits,
Bilodeau et Tétreault, 1988)
o
0

I
TABLEAU 1
Distribution de la perception de contrôle de l'utilisation du condom
INDICATEURS 1 2 3 4 5 6 7 Écart
N % N % N % N % N % N % N % X type
Acheter moi-même 7 (21,6) 82 (24,6) 5 (16,2) 58 (17,4) 38 (11,4) 18 (5,4) 12 (3,4) 3,03 1,67
des condoms
<
Assumer le coût 89 (26,6) 97 (29,0) 80 (24,0) 46 (13,8) 10 (3,0) 6 (1,8) 6 (1,8) 2,50 1,35 V
des condoms
a
Me procurer des 8 (25,1) 73 (21,9) 74 (22,2) 52 (15,6) 3 (10,2) 11 (3,2) 6 (1,8) 2,82 1,57 <
condoms quand je le
1'
veux, à différents
.. . .
endroits
(
Convaincre le 87 (26,0) 78 (23,4) 91 (27,2) 47 (14,1) 21 (6,3) 8 (2,4) 2 (0,6) 2,61 1,35
a
nouveau partenaire <
sexuel d'utiliser
le condom
Installer le condom 67 (20,1) 6 (19,8) 49 (14,7) 81 (24,3) 31 (9,3) 17 (5,1) 23 (6,7) 3,26 1,77
,
A voir des condoms 78 (23,4) 100 (30,2) 65 (19,5) 48 (14,4) 27 (8,0) 10 (2,7) 6 (1,8) 2,69 1,46
à portée de la main
au moment de
la relation sexuelle
c
<
1 = Extrêmement facile 2 = Très facile 3 = Assez facile 4 = Ni facile ni difficile
5 = Assez difficile 6 = Très difficile 7 = Extrêmement difficile

Contraception et prophylaxie chez des élèves de milieu défavorisé 23
Plusieurs variables, retenues comme déterminantes d'une
contraception efficace selon une recension des écrits (Bilodeau et
Tétreault, 1988), ont été utilisées à partir du questionnaire de post-test
du projet SEXPRIMER: (1) la connaissance de la fertilité, mesurée par
le risque de grossesse attribué à la première relation sexuelle; (2) les
connaissances des moyens de contraception mesurées par la somme
d'une batterie de huit indicateurs codés 0 et 1 et qui varie entre 0 et 8
avec un a de 0,37; (3) les connaissances des ressources par la somme
d'une batterie de six indicateurs codés 0 et 1 variant entre 0 et 6 ; (4) les
attitudes sexuelles, mesurées au moyen de la version française de « A
Psychological Self-portrait », section 6 des « Sexual Attitudes» d'Offer
(1981), selon huit indicateurs codés de 1 à 6 pour un score variant
entre 0 et 40, avec un a de 0,71; (5) l'auto-efficacité relative à la
contraception, mesurée par une échelle à 18 items traduite et validée
en français (Bilodeau et aL, 1991b) à partir de celle de Levinson (1986),
qui l'a construite selon la théorie de l'apprentissage social de Badura
(1977). Cette échelle présente pour les adolescentes un a de 0,78 et sa
validité concomitante a été démontrée par le recours à un critère
fiable, soit celui des comportements de contraception et particulièrement
l'indice de contraception efficace au dernier mois (r = 0,48,
P 0,0001). Son adaptation pour les garçons présente un a de 0,72 et la
validité concomitante de cette échelle avec les comportements de
contraception chez les garçons a été démontrée (r = 0,30, P 0,10 au
dernier mois); (6) l'échelle d'attention parentale et l'indicateur de
l'appréciation globale de la relation familiale de Tousignant et al.
(1988), l'attention du père et celle de la mère étant mesurées
séparément par un ensemble de dix indicateurs codés 0 et 1 et dont la
somme produit un score pouvant varier de 0 à 20 (a de 0,84) ; (7) la
fréquence et le degré de difficulté des échanges entre le sujet et ses
parents sur la sexualité et la contraception, selon l'appréciation du
sujet, formés de quatre indicateurs codés 0 à 3, ce qui donne des
échelles variant de 0 à 12, avec un a de 0,75 pour la fréquence des
échanges et de 0,79 pour le degré de difficulté; le fait d'être
sexuellement actif défini comme le fait d'avoir déjà eu une relation
sexuelle avec pénétration du pénis (1 = sexuellement actif, 0 = non
actif).
Les caractéristiques socio-démographiques suivantes ont été
retenues: le sexe (1 = fille, 0 = garçon) ; l'âge, qui varie de 14 à 19 ans;
le niveau d'étude (1 = secondaire IV, 0 = secondaire III); l'origine
ethnique (1 = origine francophone québécoise, 0 = autre) et la structure
familiale (1 = vivant avec père et mère, 0 =
autre).

I
TABLEAU 2
Distribution de croyances comporementales infuençant le por du condom
INDICATEURS 1 2 3 4 5 6 7 Écart
N % N % N % N % N % N % N % X type
V
CROYANCES COMPORTEMENTALES
SUR LES DÉSAVANTAGES DU PORT DU CONDOM
I
0
U
1'
47 (14,1)
6 (19,5)
Interromprait 87 (26,0) 40 (12,0) 61 (18,3) 26 (7,8) 8 (2,3) 3,08 1,75
la relation
I
Diminuerait 86 (25,8) 7 (21,6) 4 (12,3) 3,09
37 (11,1) 53 (15,9)
14 (4,3) 30 (9,0) 1,82
le plaisir
t
IQ
Serait agaçant 62 (18,6) 69 (20,7) 29 (8,7) 76 (22,6) 65 (19,5) 20 (6,0) 13 (3,9) 3,37 1,73
<
I
6 (19,8)
63 (18,7)
La relation serait 4 (13,2) 30 (9,0) 6 (19,2) 3,79
45 (13,5) 22 (6,6) 1,83
moins naturelle
4 (12,6)
94 (28,1)
Cela m'inquiéterait 2 (6,6) 32 (9,6) 7 (21,6) 51 (15,3) 21 (6,2) 4,23 1,61 .
1
35 (10,5)
73 (21,9)
Non-confiance 8 (25,1) 27 (8,1) 71 (21,3) 29 (8,7) 3,14 1,83
15 (4,4)
entre les partenaires
1 = Extrêmement improbable 2 = Très improbable 3 = Légèrement improbable 4 = Ni probable ni improbable
5 = Légèrement probable 6 = Très probable 7 = Extrêmement probable

TABLEAU 2 (suite)
Distribution de croyances comporementales infuençant le por du condom S
:
i
Écart (
INDICATEURS 1 2 3 4 5 6 7
N % N % N % N % N % N % N % X type
g
..
1
a
CROYANCES COMPORTEMENTALES
SUR LES AVANTAGES DU PORT DU CONDOM
2 (0,6) 3 (0,9) 8 (2,4) 6 (1,8) 80 (24,0) 230 (68,8) 6,50 l,OS -
'.
.
5 (1,5)
Protégerait
d'une MTS
4 (1,2) 4 (1,2) 13 (3,9) 22 (6,6) 97 (29,0) 189 (56,6) 6,26 1,81 9
5 (1,5)
Procurerait
un sentiment de
sécurité
Q
C
8 (2,4) 5 (1,5) 10 (3,0) 10 (3,0) 108 (32,3) 183 (54,8) 6,17 1,39 ,
V
10 (3,0)
Éviterait une
grossesse
1 = Extrêmement improbable 2 :: Très improbable 3 :: Légèrement improbable 4 = Ni probable ni improbable :
5 = Légèrement probable 6 = Très probable 7 = Extrêmement probable
C
d
S·
,
t
V

26 Reve sexologique / Sexological Review
Méthode d'analyse
L'analyse de régression multiple a été utilisée afin de vérifier le
modèle présenté à la figure 1. Dans un premier temps, le contexte
hypothétique est introduit dans l'équation. Puis, on ré-estime
l'équation en introduisant les déterminants d'une contraception
efficace afin de vérifier l'impact de ces variables sur la relation de base
et sur les variables dépendantes. Finalement, on ré-estime le modèle
de régression en introduisant les caractéristiques socio­
démographiques. Pour les déterminants d'une contraception efficace
et pour les caractéristiques socio-démographiques, la procédure de
l'inclusion hiérarchique a été utilisée afin de sélectionner les variables
devant faire partie de l'équation en fixant la probabilité d'entrée à
pO,05.
RÉSULTATS
Le tableau 1 démontre que les jeunes des trois écoles se perçoivent
comme ayant du contrôle sur l'utilisation du condom puisqu'il leur
apparaît généralement facile de faire face à ce qui est reconnu comme
des obstacles habituels à l'utilisation du condom.
Sur le plan des croyances comportementales, la très grande majorité
croient aux avantages inhérents à l'utilisation du condom alors que la
plupart ne croient pas à ses désavantages (tableau 2).
Les tableaux 3, 4 et 5 présentent les résultats de l'analyse de
régression. Sur le plan de la perception de contrôle de l'utilisation du
condom (tableau 3), le contexte hypothétique d'utilisation ou de non­
utilisation de la pilule n'a pas d'impact sur cette perception, même
lorsque mis en relation avec les déterminants d'une contraception
efficace et les caractéristiques socio-démographiques. Ce sont plutôt les
attitudes par rapport à la sexualité, l'auto-efficacité relative à la
contraception et l'activité sexuelle réelle qui influencent la perception
de contrôle de l'utilisation du condom. Ainsi, plus les attitudes par
rapport à la sexualité sont positives, plus l'auto-efficacité relative à la
contraception perçue est élevée - si on est actif sexuellement -,
moins on perçoit d'obstacles à l'utilisation du condom et plus on
perçoit donc de contrôle sur l'utilisation du condom. Par ailleurs, si
on est un garçon, on perçoit moins d'obstacles et cette variable ne
modifie pas significativement les relations entretenues entre les
déterminants d'une contraception efficace et la perception de contrôle.
Ce modèle explique 34 % de la variance.

S
TABLEAU 3
Résultats de l'analyse des régressions multiples - Perception de contrôle du por du condom
Contrôlée
::
Contrôlée
Relation
par les déterminants
par les déterminants
C
de base et les variables
de la contraception
socio-démographiques
g-
::
b T b T b T
..
.
Contexte hypothétique . -l,50 -1,93 -1,07 -1,13 -1,06 -1,67 "
a
Connaissances sur la fertilité \
Connaissances sur l'efficacité contraceptive
'.
Connaissance des ressources
-
Attitude par rapport à la sexualité . -0,28 -4,62*** -0,25 -4,28***
g
Auto-efficacité relative à la contraception .. -0,20 -5,88*** -0,23 -6,87***
Attention parentale
Fréquence des échanges parents/ enfants V
Difficultés avec les parents
,
Activité sexuelle réelle .. -1,93 -2,45* -1,83 -2,40* V
Âge
Sexe
. 3,43 4,47***
:
Niveau d'étude
Origine ethnique c:
Structure de la famille
CONSTANTE .. 17,84 32,98*** 35,96 17,26** 34,08 16,58*** Q
R2 .. 0,01 0,29 0,34 V-
1
.. . .
d
* = p D,OS ** = P 0,01 *** = P D,DOl

1t
TABLEAU 4
Résultats de l'analyse des régressions multiples - Croyances comporementles sur les as du por du condom
Contrôlée
Contrôlée
par les déterminants
Relation
par les déterminants
et les variables
socio-démographiques
de base
de la contraception
b T b T b T
Contexte hypothétique • 0,25 0,70 0,25 0,79 0,26 0,84
(
Connaissaces sur la fertilité
V
Connaissaces sur l'efficacité contraceptive
0
Connaissance des ressources &
Attitude par rapport à la sexualité ."
Auto-efficacité relative à la contraception • 0,07 4,05*** 0,06 3,54*** (
.. . .
Attention parentale U
Fréquence des échanges parents/enfants
0
Difficultés avec les parents &
Activité sexuelle réelle @" -
Âge
Sexe
• 1,07 2,81**
Niveau d'étude
"
Origine ethique
Structure de la famille
CONSTANTE • 18,83 18,99*** 15,51 18,25*** 15,09 17,73 * **
R2 • 0 0,05 0,08
* = p0,05 ** = P 0,01 *** = P 0,001

TABLEU 5
Résultats de l'analyse des régressions multiples - Croyances comporementles sur les du por du condom
désvanta
S
:
C
Contrôlée
Contrôlée
Relation par les déterminants
par les déterinnts
de base et les variables
de la contraceptIon
socio-démographiques
2'
b T b T b T
.. .
"
a
-
Contexte hypotétique • 0,04 0,04 -0,20 -0,25 0,01 0,01
Connaissances sur la fertilité
Connaissances sur l'efficacité contraceptive
9
Connaissance des ressources
è.
Attitude par rapport à la sexualité
Auto-efficacité relative à la contraception
• -0,17 -3,98*** -0,15
Attention parentale
Fréquence des échanges parents/ enfants V
Difficultés avec les parents
Activité sexuelle réelle • 2,65 3,17*** 1,72 1,82 V
. 1,15 2,18*
Sexe
:
Niveau d'étude
Origine ethnique
-2,64 -2,25*
Structure de la famille
Q
,
CONSTANTE
20,17 33,73* 27,45 12,56*** 10,82 1,23
-3,52***
,
Q
â
V·
° 0,07 0,10
R2 ---- ------------
* p 0,05 ** = P 0,01 *** =
=
P 0,001

30 Revue sexologique / Sexological Review
Pour ce qui est des croyances comportementales aux avantages
inhérents à l'utilisation du condom (tableau 4), le contexte
hypothétique n'a pas, là non plus, d'impact même lorsque les
déterminants d'une contraception efficace et les caractéristiques socio­
démographiques sont introduits dans l'équation. Seuls l'auto­
efficacité relative à la contraception et le sexe contribuent à des
croyances plus élevées aux avantages de l'utilisation du condom, le
sexe n'influençant cependant pas l'impact de l'auto-efficacité relative
à la contraception sur les croyances aux avantages de l'utilisation du
condom. Ainsi, une auto-efficacité relative à la contraception élevée et
l'appartenance au sexe féminin mènent à des croyances
significativement plus élevées aux avantages inhérents à l'utilisation
du condom. Ces deux variables expliquent 8 % de la variance.
Il n'y a pas non plus d'impact du contexte hypothétique sur les
croyances aux désavantages de l'utilisation du condom (tableau 5),
même lorsque l'on introduit les déterminants d'une contraception
efficace et les caractéristiques socio-démographiques dans l'équation.
On observe plutôt que l'auto-efficacité relative à la contraception et
l'activité sexuelle réelle influencent cette variable dépendante.
Cependant, lorsque ces relations sont contrôlées par l'âge et l'origine
ethnique, l'effet de l'activité sexuelle disparaît. Une perception élevée
de l'auto-efficaèité relative à la contraception et le fait d'être d'origine
québécoise francophone contribuent à réduire la croyance aux
désavantages de l'utilisation du condom, alors que plus l'âge des
sujets est élevé, plus on croit aux désavantages. Ces variables
contribuent à expliquer 10 % de la variance.
DISCUSSION
Les résultats de l'analyse de régression multiple démontrent que le
contexte hypothétique d'utilisation ou de non-utilisation de la pilule
n'a aucun impact sur la perception de contrôle de l'utilisation du
condom, ni sur les croyances aux avantages ou aux désavantages de
l'utilisation du condom chez les jeunes des trois écoles. Ce sont plutôt
certaines caractéristiques de ces jeunes qui influencent leur perception
de contrôle et leurs croyances.
L'auto-efficacité relative à la contraception apparaît nettement
comme le facteur le plus déterminant. Son effet se maintient même
quand on introduit des variables socio-démographiques telles que
l'âge, le sexe, le niveau d'étude, l'origine ethnique et la structure de la
famille.

Contraception et prophylaxie chez des élèves de milieu défavorisé 31
Ce lien est facile à établir sur le plan théorique puisque l'auto­
efficacité mesure le degré de conviction qu'a l'adolescente ou
l'adolescent de devoir et de pouvoir exercer un contrôle sur sa
sexualité et sa contraception dans différentes situations sexuelles, afin
d'assurer une contraception efficace. Cette perception générale
s'applique aussi à une perception de contrôle liée spécifiquement à
l'utilisation du condom, moyen qui peut servir à des fins tant
contraceptives que prophylactiques. De plus, elle accentue les
croyances des jeunes aux avantages de l'utilisation du condom et
diminue leurs croyances aux désavantages. Il apparaît indiqué de
consacrer des efforts à accroître les habiletés tant cognitives
qu'instrumentales et affectives pour permettre aux jeunes d'exercer
leur propre contrôle sur leur sexualité et leur contraception.
Il en est de même sur le plan du développement d'attitudes
positives face à la sexualité, qui peuvent amener une perception plus
élevée de contrôle dans l'utilisation du condom même si ces attitudes
ne semblent pas influencer les croyances quant aux avantages et aux
désavantages de l'utilisation du condom.
Le fait que les garçons manifestent une perception plus élevée de
contrôle de l'utilisation du condom n'est pas des plus surprenant
puisqu'il s'agit d'un moyen contraceptif et prophylactique qui leur est
destiné et qui est donc plus naturellement à leur portée. Cependant,
comme les filles croient davantage que les garçons à l'intérêt d'utiliser
le condom, il y aurait lieu d'élaborer des approches spécifiques pour
rendre plus à leur portée l'utilisation du condom, tout en essayant
d'accroître les croyances aux avantages d'utiliser le condom chez les
garçons.
Le fait que les jeunes sexuellement actifs perçoivent davantage de
contrôle sur l'utilisation du condom est des plus encourageant, mais
laisse entiers les questionnements quant à la baisse de la popularité du
condom chez les plus âgés qui croient plus aux désavantages
inhérents à l'utilisation du condom.
Finalement, même si les croyances sont élevées quant aux
avantages inhérents à l'utilisation du condom et faibles quant aux
désavantages, cela est plus net chez les jeunes d'origine québécoise
francophone en ce qui concerne les désavantages. Il y aurait lieu
d'élaborer des activités plus ciblées à l'égard des diverses
communautés culturelles qui croient plus aux désavantages inhérents
à l'utilisation du condom.

32 Reve sexologique / Sexological Review
CONCLUSIONS
Si la popularité de la pilule est reliée à une baisse d'utilisation du
condom, comme semblent le montrer les statistiques sur la
contraception ainsi que les études de Maticka-Tyndale (1989) et d'Otis
et al. (1991), l'emploi d'un contexte hypothétique d'utilisation ou de
non-utilisation de la pilule ne montre aucun effet sur la perception de
contrôle de l'utilisation du condom et sur les croyances aux avantages
et aux désavantages inhérents à son utilisation chez les jeunes de trois
écoles de milieux défavorisés de l'est de Montréal.
D'autres recherches devraient examiner ce lien en utilisant un tel
contexte hypothétique auprès d'autres échantillons, ou en se
concentrant sur des échantillons suffisamment grands d'adolescentes
et d'adolescents sexuellement actifs pour étudier les facteurs en cause
sans placer les jeunes dans un contexte hypothétique. En effet, le
condom est le seul moyen prophylactique dont disposent les jeunes
pour se protéger des MTS en général et du VIH en particulier. Ses
visées contraceptives semblent actuellement négligées au profit de la
pilule, qui n'a malheureusement aucune portée prophylactique. Dans
un contexte d'endémie de MTS et de potentielle épidémie de
transmission du VIH chez des personnes qui, vu leur jeune âge, ont
toujours intérêt à éviter les grossesses, les recherches sur les liens
entre contraception et prophylaxie devraient s'accélérer, d'autant plus
que les résultats de la présente recherche indiquent que le fait d'être
sexuellement actif accroît la perception d'un plus grand contrôle sur
l'utilisation du condom : pourquoi donc cette utilisation est-elle si
faible dans les faits?
Entre-temps, i apparaît tout à fait idiqué d'accroître les efforts pour
habiliter les jeunes à exercer un meilleur contrôle sur leur sexualité et
leur contraception en général, puisqu'une meilleure perception de
leur auto-efficacité relative à la contraception amène une meilleure
perception de contrôle dans l'utilisation spécifique du condom, ainsi
que de plus fortes croyances aux avantages et de plus faibles croyances
aux désavantages de l'utilisation du condom, et ceci quelles que soient
les caractéristiques socio-démographiques des jeunes des trois écoles
où l'enquête a été effectuée. Des programmes en ce sens devraient être
élaborés et évalués.
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34 Revue sexologique / Sexological Review
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CONTRCEPTION AND PROPHYLAY AMONG TEENAGERS IN THREE
ABSTRCT
UNDERPR/VILEGED HIGHSCHOOLS OF THE EASTERN PART OF
MONTRE AL
The pill is more popular among teenagers while condom' s use decreases as
they grow in a context where the condom stays as the only mean to protect
against STD's and HIV. A research found no re/ationship between the
perception of barriers, beliefs in the advantages and disadvantages in
condom' s use among 334 teenagers of grade II and IV in three highschools
located in poor areas of the eastern part of Montreal that were randomly
distributed into an hypothetical situation of use or non-use of the pill. A
greater perceived contraceptive self-eficacy was associated to the perception of
less barriers to condom's use and to greater be/iefs in the advantages and
lesser be/iefs in the disadvantages of condom 's use, whatever the socio­
demographic characteristics of those teenagers.
Key Words
Contraception; prophylaxy; condom; STD's; Aids.

SUMMARY
Sexological Review 1993, Vol. 1, No. 1, 35-55
PERCEPTIONS OF PERSONAL RISK
FROM SEXUAL TRANSMISSION OF HIV
Eleanor MA TICKA-TNDALE*
Joseph J. LÉVY**
The development of a perception of personal susceptibility or
insusceptibility to HIV infection as a result of sexual activity is examined
using data collected from 866 CEGEP students in Montreal in the winter of
1988-1989. The influence of eues, as conceptualized in the Health Belief
Model, judgmental heuristics, as conceptualized by Kahneman and Tversky
(1972, 1979), and the preventive actions which young adults claimed to be
taking on risk perception were examined using both survey and interview
data. Contingency table and logit analyses of survey data led to the
conclusion that men's risk perceptions were most strongly influenced by
contact with friends who had been tested for HIV, and secondarily by
having had more than one coital partner. While these factors also
influenced risk perception on the part of women, they only held for women
who were not currently in a relationship. Analysis of interviews suggested
that judgmental heuristics played an intervening role which explained the
development of particular perceptions and the gender differences found in
logit analyses.
Key Words
AIDS; risk perception; sexual risk behaviors; young adults.
Preventing AlOS requires a voluntary change in behaviors which
permit the transmission of the human immunodeficiency virus
(HIV). Oespite relatively widespread dissemination of information
about HIV transmission and methods of prevention, empirical work
has documented the persistence of risky behaviors. This leads to the
question, "Why do people continue to take risks?" ln a review of
health promotion research, Mays et al. (1989) suggest that the key
factor motivating preventive action is a perception of personal
* Department of Psychiatry, Faculty of Medicine, University of Calgary, Foothills
Hospital, 1403 29 St. N, Calgary (Alberta) T2N 219.
* * Département de sexologie, Université du Québec à Montréal, c.P. 8888,
succursale A, Montréal (Québec) H3C 3P8.

36 Revue sexologique / Sexological RevÎew
susceptibility or risk. This paper examines the development of a
perception of risk for sexual transmission of HIV among young adults
using the results of surveys and in-depth interviews collected from a
sample of 17-22 year old students attending Montreal CEG EPs
(Collèges d'enseignement général et professionnel) in the winter of
1988-1989.
Perception of susceptibility
Two approaches have been taken to understanding risk perception,
that of the Health Belief Model (Becker, 1974; Rosenstock, 1974) and
that of Classical Decision Theory (Kronenfeld and Glik, 1990). In the
Health Belief Model, risk perception, triggered by various cues, is one
of three causal factors which form an additive relationship to produce
preventive actions. A review of research on AIDS prevention suggests
that the general lack of effective preventive action is primarily a result
of a lack of perceived susceptibility (Dawson and Cynamon, 1988;
Dupras et al., 1989; King et al., 1988; Masters, Johnson and Kolodny,
1988; Bauman and Siegel, 1987; Dawson et al., 1987; Results Group,
1987). Consequently, researchers using the Health Belief Model have
turned to an examination of the cues which are likely to trigger a
perception of personal risk. Four such cues have been empirically
identified: direct contact with AIDS through friends (Joseph et al.,
1987); living in an area where there is a high rate of AIDS (Calabrese et
al., 1986; DiClemente et al., 1987); taking a blood test associated with
identification of AIDS (Kutchinsky, 1988); and participation in
educational programmes or possession of at least a minimal level of
awareness of AIDS (Becker and Joseph, 1988).
The work of Kahneman and Tversky (1972, 1979) and Weinstein
(1980, 1982) in Classical Decision Theory focuses on understanding
how individuals develop perceptions of personal susceptibility or
insusceptibility. Kahneman and Tversky have identified three
judgmental heuristics which are operational in developing personal
perceptions. In the first, the representativeness heuristic, personal
susceptibility is based on one's perceived similarity to those believed
or known to be at risk. This is illustrated in the work of Weston and
Jeffrey (1988) and Patton (1986) who relate the absence of risk
perception to the association of AIDS with "badness", deviant
lifestyles and stigmatized behaviors, categories which few individuals
are prepared to see as representative of themselves. I the second, the
availability heuristic, susceptibility is influenced by the ease with
which one can imagine, recall or conceptualize threatening situations

Perceptions of personal risk from sexual transmission of HIV 37
or circumstances. This is illustràted in the research of Macdonald
(1982) and Jedlick and Robinson (1987) who found that young adults
had difficulty conceptualizing of se x, described as an "act of love", as
associated with disease. Finally, in the third, the anchor-point
heu ris tic, one's own susceptibility is assessed relative to a personal
"safe baseline" of behavior, which may or may not be objectively safe.
Tyndale' s research on contraception (1981) and Joseph et al.' s on
responses to AlOS (1987) demonstrate the use of peer and own
experience as anchoring points. Tyndale found that individu aIs who
had not themselves ever been pregnant and who were not aware of
any friends who had been, perceived their own and their friends'
actions as not likely to produce pregnancy. Their actions became the
anchoring points for judging whether contraception was required.
Similarly, Joseph et al. found that prior or baseline sexual behavior
functioned as a "safe" anchoring point for evaluating whether
changes were required (1987, p. 247). Prior research on AlOS suggests
that the judgmental heuristics are used to produce what Weinstein
refers to as an "optimistic bias", i.e. a belief that one is not susceptible
(Posterski and Bibby, 1988, p. 44; Bauman and Siegel, 1987, p. 340-343;
Results Group, 1987, p. 24).
Taken together, the approaches of the Health Belief Model and of
Classical Decision Theory lead to questions of the relative influence
and potential integration of cues and judgmental heuristics in
understanding the development of personal risk perception.
Hypotheses and Models
The separate influences of cues and heuristics on risk perception
were tested in three hypotheses. The first, based on the Health Belief
Model, addressed cues:
HYPOTHESIS 1: Exposure to cues (measured by participation in AIDS
education, having heard of Safer-Sex, having been tested for HIV, and
knowing others who have been tested) increases the likelihood of
perceiving of oneself as at risk to HIV infection.
The second was based on the anchoring point heuristic:
HYPOTHESIS 2: Having already engaged in risky actions (measured as
participation in coitus or anal intercourse and having had more than one
coital partner) reduces the likelihood of perceiving of oneself as at risk.
The third was based on the representativeness and availability
heuristics:

38 Revue sexologique / Sexological Review
HYPOTHESIS 3: Being in a relationship reduces the likelihood of perceiving
of one self as a t risk.
The relative influence and potential interaction of cues and
heuristics was examined in an exploratory fashion. Survey and in­
depth interview data were used for both hypothesis testing and
explora tory analysis.
Respondents
METHODOLOGY
One thousand students were selected from seven Montreal CEGEPs
using a two-staged stratified sampling technique. In the first stage,
colleges were selected to insure language, ethnic, religious, and
income diversity of respondents. In the second stage, classes in courses
required of aIl students were sampled. Between October 1988 and
January 1989, aIl students attending the selected classes were invited to
complete questionnaires exploring their beliefs, attitudes, knowledge,
and sexual behaviors. I addition, a volunteer subsample of twenty­
five students from among those surveyed (13 women and 12 men)
participated in minimally structure d, depth interviews further
exploring their sexual conduct and risk reduction activities, and in
particular their personal perceptions of HIV risk and risk reduction.
Of the 954 returned questionnaires, 866 met the samplig criteria of
age (17-22 years), marital status (never married), and completion of
the questionnaire. The sample included 363 (42%) males and 503
(58%) females. Of these, 486 (56%) reported coital experience, with 154
(54%) women and 127 (63%) men reporting that they had had more
than one coital partner. Though 79% and 75% of the coitally active
men and women respectively reported they had used condoms at
sore time, only 28% and 26% (respectively) reported frequent or
regular use in the past six months. Clearly, the majority of these
young adults had engaged in sexual activities which placed them at
risk for HIV infection.
Questionnaire Design
AH variables were measured using self-report responses to
questions selected from prior research on sexual transmission of HIV.
Questions were pre-tested on a sample of CEGEP students and
modified based on pre-test results. The reliability and validity of
measures was assessed using inter-item measures of association of
different aspects of the same concept (coefficients ranged from .72 to

Perceptions of personal risk frm sexual transmission of HIV 39
.997), comparison of results in this research with those of Kig's (1988)
Canada-wide findings and the research in which the measures were
originaIly developed, and using Piazza's (1980) technique of criterion
validation. AlI approaches supported a daim of high reliability and
validity of measures.
Variable Measurement
Risk or susceptibility perception was operationalized using Joseph et
al. 's question, "Considering aIl the different things that may
contribute to AIDS, induding your own past and present behavior,
what would you say are yOuf chances of getting AIDS?" (1987).
Responses were dichotomized to reflect Weinstein's observation that
'people act as if risk is a dichotomy (1988, p. 149). Those responding,
"almost certain 1 won't" were coded as perceiving no personal risk,
the remainder of respondents as perceiving a personal risk.
Independent variables were also dichotomized. Cues were
measured with four variables: based on the work of Kutchinsky (1988),
respondents were asked whether they had ever taken an ELISA test
(the blood test to identify potential contact with HIV); based on the
work of Joseph et al. (1987) respondents were asked whether any
friends had taken an ELISA test; based on the work of Becker and
Joseph (1988), respondentswere asked whether they had participated
in an AIDS education programme, and whether they had ever heard
of Safer-Sex. Participation in "risky actions" was measured for the
anchor-point heuristic with responses to three questions: whether
respondents had ever participated in sexual intercourse; whether
respondents had ever participated in anal intercourse; and whether
respondents had had more th an one coital partner. Finally, the
availability and representativeness heuristics were measured based on
the work of Macdonald (1982) and Jedlick and Robinson (1987) with
the single question of whether coitaIly active respondents were
currently "in a relationship".
Method of Analysis
The hypothesized association between each independent and the
dependent variable was tested using contingency table analysis and
chi-square (X2) measures of association. Logit analysis was used to
explore and test multiplicative main and interactive effects of aIl the
independent variables on the odds (converted from log odds) of
perceiving of oneself as susceptible to HIV infection. Analysis was
performed in two stages. In the first, eues and their iteraction with

40 Revue sexologique / Sexological Review
coital experience were modeled. The cues with the best fit between
expected and observed frequencies were then modeled together with
the remaining indicators of prior sexual activity and current
relationship status. In each of the analyses, a hierarchy of models was
tested to assess the size and significance of the exclusive effec of each
independent variable, the main effects of several or aIl the
independent variables combined, and the interaction effects of
various independent variables. Expected ceIl frequencies were
compared to observed frequencies under each set of conditions using a
likelihood ratio X2 test to determine the preferred model (Alba, 1987;
Knoke and Burke, 1980). Data were analyzed separately for men and
women in all logit procedures.
Analysis of interviews followed the method of constant comparison
of Glaser and Strauss (1967). The focus of analysis was on
understanding interviewees' common-sense knowledge about HIV
risk, the heuristics applied to establishing a perception of risk, and the
strategies employed for risk reduction.
SURVEY RESULTS
As seen i Table 1, there was no evidence of a general optimistic
bias in the young adults responding to the survey. For the en tire
sample, as wel1 as for those who had participated in coitus or anal
intercourse, there was a near equal number who perceived they were
and were not at risk. Perception of susceptibility was, however,
significantly associated with two of the four cues, contact with others
who had been tested for HIV infection, and having been tested
oneself. Though 63% of respondents had participated in AIDS
education programmes and 64% had heard of Safer-Sex, neither of
these were associated with risk perception. As already noted, there was
no association with coital experience, but for those who were coitally
active, perceived susceptibility was associated with having had more
than one partner. Finally, there was a negative association between
currently being in a relationship and perceived susceptibility. From
these bivariate analyses there is support for the first and third
hypotheses but not for the second. In fact, the number of partners
appears to be functioning as a cue (more than one partner triggering a
perception of personal risk) rather than an anchor point (Hypothesis 1
rather than 2). Of note in Table 1, are the low percentages reporting
anal intercourse and testing for HIV, necessitating the exclusion of
these variables from multivariate logit analysis.

SEX
Perceptions of personal risk from sexual transmission of HIV 41
TABLE 1
Percentage who perce ive themselves to be susceptible to HIV
infection and X 2 statistics indicating signifcance of relationships
Percent who perceive
themselves ...
not
susceltible susceltible
N X 2
male 53 47 3 0 .948
female 53 47 5
Ql
participated in no 49 51 3 2.52 .113
AIDS education yes 55 45 5
heard of no 51 49 312 .408 .523
Safer Sex yes 54 46 5
"contact - friend no 55 45 6 7.41 .007
tested for HIV yes 44 56 182
contact - self- no 54 46 8 19.90 .000
tested for HIV yes 14 86 :
EXPERIENCE
coitally active no 56 4 376 3.00 .083
yes 50 50 4
participated in no 51 49 412 .45 .503
anal intercourse yes 46 54 74
no. of partners 1 60 40 205 11.65 .001
>1 43 57 21
SEXUAL RELATIONSHIP CQNTEXT
in relationship no 40 60 146 7.46 .006
yes 54 46 3
Table 2 reports results for the first stage of logit analysis in which the
main and interactive effects of hypothesized cues on the odds of risk
perception were tested. As seen in the R2 analogues, cues alone and i
interaction had a relatively weak association with perceived
susceptibility for both men and women. The only interaction which
showed promise was that between coital experience and contact with
people tested for HIV. This is evident when comparing the
improvement in models represented in the R2 analogues, particularly
for models 2 and 7.
P

42 Revue sexologique / Sexological Review
MQDE
TABLE 2
Statisties for fit of logit models of pereeived risk
by eues for men and women separately
LRX2 d P R2analogue
Men
1. [ ] 28.439 15 .019
2 [Cl 25.149 14 .033 .12
3. [E] 26.471 14 .0 .07
4 [H] 28.206 14 .013 .01
5. [1 ] 26.322 14 .024 .07
6. [e, E, H, 1] 22.175 11 .023 .22
7. [CI, C, Il 15.349 12 .2 .46
8. [El, E, 1] 24.695 12 .016 .13
9. [Hl,H,I] 22.633 12 .031 .20
10. [CI, C, l, E, H] 14.015 10 .172 .51
11. [El, C, l, E, H] 22.169 10 .014 .22
12. [HI, C, l, E, H] 18.556 10 .0 .35
13. [CI, El, HI, e, l, E, H] 9.876 8 .274 .65
14. [CHI, CEl, e, l, E, H] 8.207 6 .2 .71
15. [CHEl, CHI, CEl, CI, El, HI, C, l, E, H] 6.586 5 .253 .7
Women
1. [ ] 13.579 15 .558
2 [Cl 8.991 14 .832 .34
3. [E] 12.564 14 .561 .07
4 [H] 13.297 14 .503 .02
5. [I] 12.302 14 .582 .09
6 [C,E,H,I] 6.887 11 .808 .49
7 [Cl,C, Il 5.581 10 .831 .57
8. [El, E,l] 11.155 12 .516 .18
9. [HI, H, 1] 11.971 12 .4 .12
10. [CI, C, l, E, H] 5.810 10 .831 .57
11. [El, C, l, E, Hl 6.764 10 .747 .50
12. [HI, C, l, E, H] 6.649 10 .758 .51
13. [CI, El, HI, C, l, E, H] 5.443 8 .70 .60
14. [CHI, CEl, CI, El, HI, C, l, E, H] 4.805 6 .569 .65
15. [CHEl, CHI, CEl, CI, El, HI, C, l, E, H] 2.921 5 .712 .78
N: AlI coefficients are parameters of the multiplicative logit model and
are maximum-likelihood estima tes calculated using SPssx, version 4.1.
Variables have been dichotomized as folIows:
C Contact with people tested for HlV (0 - none, 1 - some)
E Education (0 - none, 1 - some)
H Heard of Safer-Sex (0 - no, 1 - yes)
I Sexual Intercourse (0 - no, 1 - yes)
Perceived Susceptibility (0 - none, 1 - some)
R2 analogue = 1 - LR;O 2 / SRxo2

Perceptions of peronal risk tom sexual transmission of HIV 43
Since only the cue "contact with others tested for HIV infection"
demonstrated a significant association with perceived susceptibility, it
alone was combined with the two variables representing sexual
experience and relationship context ("more than one partner" and
"current relationship status") in the second logit analysis. Only data
·
for those who were coitally active were used in this analysis. As is
evident in Table 3, there was an interaction between "contact" and
"more than one partner" (compare model 7 to models 2 and 3) for
both men and women. For women, there was also an interaction
between "more than one partner" and "current relationship status"
(note the gain in R2 analogue from model 9 to model 11 in women as
compared to the lack of gain in men). Thus, for men, model 7, while
for women, model Il, was the preferred model for explaining risk
perception.
The coefficients for the variables measuring contact with a tested
person, prior number of partners, relationship context, and
interactions for the preferred models (7 for men, 11 for women) are
presented in Table 4. Coefficients represent multiplicative changes in
the odds or likelihood of men or women perceiving themselves to be
susceptible to HIV infection. What is evident here is that having had
more than one partner and contact with HIV testing each increased
the odds of perceiving of oneself as susceptible, supporting the
contention that both are operating as cues (Hypothesis 1). Where both
factors existed, however, the interaction between these two variables
eliminated the significant influence of "more than one partner" (.87 x
1.15 = .96 for men, .88 x 1.19 = 1.05 for women). In addition, for
women, current relationship status had the hypothesized suppressant
effect on the likelihood of risk perception (Hypothesis 3), both on its
own and in interaction with the number of partners. When all three
conditions existed (a woman had contact with HIV testing, had more
than one partner, and was currently in a relationship), only the effect
of relationship remained (.88 x .86 x 1.19 x 1.11 = 1.00). Thus, for
coitally active men the major influence on risk perception was contact
with HIV testing (Hypothesis 1), while for women it was current
relationship status (Hypothesis 3), with the number of partners only
having an influence in the absence of contact and, for women, also in
the absence of a relationship.

44 Revue sexologique / Sexological Review
TABLE 3
Statisties for ft of logit models of pereeived risk
by eues, experienee and relationship for men and women separately
MODE LRX2 d P
Men
Women
R2 analogue
1 [ ] 13.138 7 .09
2 [Cl 4.748 6 .57 .64
3 [N] 12.070 6 .0 .08
4 [R] 12.194 6 .058 .07
5 [C,N ] 3.971 5 .554 .70
6 [C,N, R] 3.298 4 .50 .75
7 [CN,C,N] 1.208 4 .87 .91
8 [RN,R,N] 11.040 4 .026 .16
9 [CN,C,N,R] .56 3 .904 .96
10 [RN,C, N,R] 11.040 4 .026 .16
11 [CN, RN, C, N, R] .429 2 .807 .97
12 [CNR, CN, R, C, N, R] .194 1 .659 .99
1 [ ] 29.758 7 .00
2 [Cl 24.763 6 .00 .17
3 [N] 16.190 6 .013 .46
4 [R] 20.630 6 .02 .31
5 [C,N] 12.787 5 .0 .57
6 [C,N,R] 6.377 4 .173 .79
7 [CN,C,N] 9.997 4 .041 .66
8 [RN, R, N] 6.268 4 .IB .79
9 [CN,C,N,R] 3.792 3 .285 .87
10 [RN,C,N,R] 6.268 4 .1BO .79
11 [CN,R, C, N, R] .332 2 .847 .99
12 [CNR, CN, R, C, N, R] .331 1 .5 .99
N: AIl coefficients are parameters of the multiplicative logit model and
are maximum-likelihood estima tes calculated using SPssx, version 4.1.
Variables have been dichotomized as follows:
C : Contact with people tested for HIV (0 - none,1 - sore)
N : Number of partners (0 - 1 only,1 - more than 1)
R : Relationship (0 - no, 1 - yes)
Perceived Susceptibility (0 - none, 1 - sore)
R2 analogue = 1- LRX1 2 /SRX0 2

Perceptions of personal risk from sexual transmission of HIV 45
TABLE 4
Preferred logit models of pereeived risk by eues, experienee and
relationship eontext for men and women separately
Men
MODEL: number 7
[CN,C,N]
Predetermined variables:
Constant
C
N
R
C
RN
Women
1
[CN, RN, C, N, R]
Multiplicative increase in odds
Main effects
.92 .87
1.22** 1.11 *
1.15** 1.19**
.87
.80**
Interaction effects
.8
.8
Note: All coefficients are parameters of the multiplicative logit model and
are maximum-likelihood estimates calculated using SPSSX, version 4.l.
Variables have been dichotomized as follows:
C Contact with people tested for HIV (0 - none, 1 - sore)
N : Number of partners (0 - 1 only, 1 - more than 1)
R : Relationship (0 - no, 1 - yes)
Perceived Susceptibility (0 - none, 1 - sore)
Coefficients have been converted from log odds to odds.
*
Estimate significant at p < .10
* * Estimate significant at p < .05
eues
INTERVIEW RESULTS
Information obtained through in-depth interviews was used to
elaborate the process involved in developing perceptions of
susceptibility. First, with respect to the influence of cues on
perception, interview results clarified the absence of an effect of
participation in educational programmes about AIDS or awareness of
Safer-Sex on perception of risk. Though both interviewees and
respondents to the survey demonstrated high levels of knowledge
about HIV transmission and prevention (for details consult Maticka­
Tyndale, 1990, 1991); interviewees also exhibited uncertainty and

46 Revue sexologique / Sexological Review
confusion. When the source of confusion was explored, both media
reports and educational campaigns were cited. For example,
interviewees recaIled that early campaigns implicated saliva as a
possible mode of transmission of HIV, with wet kissing a risky
activity. Later campaigns portrayed a lower level of risk for kissing
once the role of saliva in transmission had been clarified. This
"clarification" produced confusion and uncertainty among young
adults. For them, the change in reported risk of kissing gave ample
reason to question aIl media or educational reports, as illustrated by
the foIlowing quotation:
You know, 1 don't think they reaUy know aU the ways [HIV might be
transmitted]. They keep changing their minds. 50 you can't reaUy trust
what they say, can you?
Thus, the first hypothesis obtained additional support in interviews.
Judgmental Heuristics
The operation of the three judgmental heuristics as mechanisms for
interpreting knowledge and information was evident in how
knowledge was translated into personal perceptions.
Representtiveness Heurstc
The representativeness heu ris tic was displayed in several
comparisons which young adults made. First, their city was compared
to others where risk was perccived to be greater:
Montreal right now isn't very infected, but a bigger city like Ta [Toronto]
or New York, you'd have to worry ...
Second, much as in the association between AIDS and
"undesirables" discussed by Weston and Jeffrey (1988) and Patton
(1986), partners were compared to the "type of person" who was
believed to be infected, or to sources which were likely to produce
infected partners:
Ya, we aU have to worry, but since l'm not gay 1 guess 1 don't have to
worry as much ...
1 can tell when 1 look at them ...
1 just pick them up ... but none of these places are sleazy - not the kind
where you find bikers and stuff, ...
... you know if you meet someone through friends, you know they're OK.

Perceptions of personal risk fm sexual transmission of HIV 47
Avaiabilt Heurstc
The availability heuristic operated on two levels. The first was the
inability to conceptualize of a truly incurable disease:
Even if 1 get it ... you don't get sick for six maybe more years ... so by that
time they'Il be able to treat it.
They found a cure for everything else, it's just a matter of time.
The second was in an elaboration of the role of relationship which
was seen in analyses of survey data. As in Macdonald's (1982) and
Jedlick and Robinson's (1987) research, a relationship based on "trust"
and "love" was not one which could easily be conceptualized as
exposing one to infection, as evidenced in the following quotation:
After aIl, 1 don't have sex with just anyone, it has to be someone special,
and then 1 trust him. You have to have trust, otherwise, what is there.
Together, the evidence for the representativeness and availability
heuristics provided additional support for the third hypothesis.
Anchor-Point Heurstic
Finally, the anchor-point heuristic, not supported in analyses of
survey data, was evident in interviews. Current behaviors were not
considered risky because they were the same as those of friends, none
of whom were infected. Thus, the invisibility of HIV infection within
friendship groups contributed to the anchor-point heuristic:
... but 1 don't know anyone who has gotten it that way . . .
1 don't see anyone who's got it, so 1 figure we're safe.
Judgmental Heuristics and Self-Protection
In the Health Belief Model, risk perception is also influenced by a
feedback from the actions which have been taken. Interviews
provided evidence of the operation of judgmental heuristics in
interpreting actions and in their ultimate influence on risk
perception. Interviewees discussed three preventive actions: selection
of infection free partners, relationship-based coitus and use of
condoms.
Parner Selection
Careful partner selection, to insure no sexual partners were likely to
be infected, was the primary strategy described by interviewees for self
protection. Young adults reported either that they had changed their

48 Revue sexologique / Sexological Review
strategies of partner selection to insure partners were not infected, or
they perceived that the existing strategies were already adequate to
keep them risk free. Specifie strategies icluded selection of partners
from within friendship groups, on reference from friends, and at
familiar locations or locations not believed to be frequented by
infected individuals. In each instance, the primary influence on
perceiving these strategies to be effective was the invisibility of HIV,
i.e. implementation of the representativeness heuristic.
Relatonship-based Coitus
Trust and "good communication" were cited as the characteristics of
relationship-based coital partnerships, which insured safety. When
the meaning of trust and communication were explored, however, it
appeared that the difference in the role which relationships played for
men and for women, found in the logit analysis, was based on a
difference in the meanings which they ascribed to relationships. For
women, being in a relationship meant trusting their partners to
disclose (described as good communication) if they had engaged in
prior activities which might have exposed them to infection. For
men, being in a relationship reduced the likelihood that their partners
would have engaged in any prior risky activities, i.e. they would not
enter into a relationship with a woman of "a certain type or history".
Rather than trusting their partners to disclose, as women did, men
trusted that there was nothing to disclose.
Condom Use
The implication of this difference in meaning was seen in gender
differences in the use of condoms for HIV prevention. For women,
entering a relationship was most often accompanied by use of oral
contraceptives. Su ch use gave women no easy, non-challengig way
to introduce condoms.
No, 1 can't ask him to use a condom, not when l'm on the pill, that
would be like saying 1 don't trust him or he shouldn't trust me.
The availability heuristic, Le. an inability to perceive of relationship
sex as exposing oneself to risk, was clearly evident in the descriptions
provided by women of their strategies for HIV protection. Though
they at times doubted whether the y were "safe" from HIV in their
relationships, they described such concern as both minor compared to
the other concerns related to coitus (e.g. pregnancy and emotional
hurt) and as a potential betrayal of the trust which they expected of
themselves and their partners:

Perceptions of persona! risk from sexua! transmission of H!V 49
J'ai confiance en lui, en ce qu'il me dit. Peut-être qu'il ne me dit pas la
vérité, mais j'ai tout de même confiance que c'est la vérité.
The consequence was that women relied on trust rather than
condoms for self-protection.
Unlike women, men did not describe any difficulties in introducing
condoms into coital partnerships. Most men described using condoms
in virtually all new partnerships:
1 use condoms at first, until 1 get to know a girl, until 1 can trust her and
know something about her past.
Even when the partnership became a relationship and the female
partner was using oral contraception, if a man doubted his partner's
past, he used condoms. Thus, for men, in interviews as in surveys,
relationship status was not the key factor influencing their perception
of susceptibility, or their risk reducing actions, instead, the existence of
cues which alerted them to the possibility that their partner might be
infecte d, were the primary influences.
DISCUSSION
Survey and interview results suggested that both cues and
judgmental heuristics influenced risk perception, though somewhat
differently for men than for women. The results further suggested
ways in which judgmental heuristics could be integrated into the
Health Belief Model for a more comprehensive understanding of the
development of risk perception.
In the Health Belief Mode! risk perception is influenced by cues and
by a feedback effect from preventive action. The former was evident
in the analysis of survey responses in the influence of contact with
friends who had been tested for HIV and having had more than one
coital partner. This relationship held for both men and women.
Interviewees elaborated on the feedback from action to perception, in
their daims that the preventive actions they were taking (particularly
careful partner selection, a preference for relationship-based sex and,
primarily for men, a selective use of condoms) were providing them
with effective protection and that they were consequently at low risk
for infection. Judgmental heuristics operated in the interpretation of
cues and actions, with the interpreted cues and actions then
influencing risk perception. The representativeness heu ris tic made it
possible for young adults to believe they could select "safe", i.e. non­
infected, partners since it fostered the belief that only certain types of
people were likely to be infected and that one was less likely to

50 Revue sex%gique / Sex%gica/ Review
encounter infection in certain locations. The belief of these young
adults that the y were selecting safe partners was corroborated in the
operation of te anchor-point heuristic since none of the young adults
interviewed knew anyone who was infected. Consequently, their
actions and those of their friends were considered to be "safe". FinaIly,
for women, the availability heuristic, as measured by current
relationship status, had the strongest influence on risk perception,
over-riding that of aIl other factors in the logit analysis. Interviews
with women identified trust and the meaning which women ascribed
to trust, as the specific aspect of relationships which made them
incongruent with risk. Women trusted their partners to be honest and
to protect them. This trust was central to women's perception of
relationship and meant not only that women perceived their
relationship to be free of risk, but also that an introduction of
condoms into the relationship by them constituted a violation of that
trust.
For men, trust was also central to relationships, but it had a different
meaning. Men trusted themselves, and most specifically their ability
to select non-infected relationship partners or to introduce condoms
when necessary. It appears that the difference in the meaning ascribed
to trust, with men taking a more agentic role (i.e. trusting their
selections and actions) might explain the absence of a relationship
effect in favor of effects of specifie cues on men's perception of risk.
Integration of survey and interview results also elaborated on the
development of an optimistic bias. The apparent contradiction
between an absence of evidence of an optimistic bias in the survey
results and the clear evidence of optimistic bias on the part of aIl
interviewees may have resulted from the different kinds of
information obtained in the two methods. Interviewees were able to
verbalize qualifications and conditions for their answers while survey
respondents were restricted to the unqualified selections which were
offered. The qualifications offered in interviews suggested that
interviewees drew a distinction between global or general statements
(i.e. what is the case for people in general) and personal statements
(i.e. what is the case for me). Though survey questions requested
personal information and assessments, it is not possible to
retrospectively ascertain whether respondents provided personal or
general answers. Clearly, this is an important area for further
exploration since it has implications both for survey design and for
understanding risk perception.

Perceptions of persona! risk from sexua! transmission of H!V
The distinction drawn between the general and personal, and the
feedback from actions to perceptions also contributed to an
understanding of the absence of any apparent ifluence of education
on risk perception. Though interviewe es had learned, in educational
programmes, that HIV could be transmitted through sexual
intercourse and that condoms offered protection, they rarely felt they
needed to use condoms in their own coital activity because their
partners were not likely to be infected. Thus, though they had
participated in AIDS education and had the information necessary for
self-protection, the intervention of judgmental heuristics led to an
interpretation that this knowledge was not directly applicable to them.
CONCLUSIONS
Research to date has established that risk perception is an important
motivator of preventive action (see Mays et al., 1989 for a review).
While the influence of cues and current actions on risk perception is
central to the Health Belief Model, the model does not address the
process by which such influence is exerted. The research reported here
contributes to an understanding of the process involved in
developing a perception of personal risk or safety. From our work we
would conclude that judgmental heuristics are central to this process.
There are limitations to the generalizability of the findings of our
work. The first rests in the sample which consisted exclusively of
CEGEP students between the ages of 17 and 22 years who had never
been married. It is not possible to know whether the findings reported
here apply to those outside this sampling frame or whether they will
hold as these students age. The second limitation is the time frame of
the research. Since completion of this work early in 1989 there have
been many changes in AIDS prevention initiatives. Information
about AIDS and methods of prevention is more widely available, and
educational programmes have been shifting their focus from merely
providing information about transmission and prevention to
addressing factors which motivate or impede preventive action and
perception of personal risk. One would expect the effect of su ch
programmes to be decidedly different than what was found in this
study. Finally, this research uncovered a limitation in survey research
in general, the difficulty of knowing the meaning which individuals
attach to particular questions and response choices. This is a
limitation which plagues survey research and one which supports the
need for both careful survey design and the use of in-depth data
collection techniques as an adjunct to surveys.
51

52 Reve sexologique 1 Sexological Review
Recognizing these limitations, from the results of this work we
would conclude that aU three judgmental heuristics intervened
between cues and actions on the one hand and risk perception on the
other. Their effect in our sample was to create an optimistie bias
which made these young adults feel they were not at risk of HIV
infection. For both men and women, the processes used for self­
protection primarily involved partner selection and relationship­
based sexual activity. However, when the ways in which each of these
offered protection were explored, it was clear that they differed for
men and women.
Our findings suggest two directions for future research. First, as
educational programmes change it will continue to be important to
monitor and evaluate their impact and to adjust them based on the
findings of these evaluations. This research demonstrates the
importance of taking judgmental heuristics into account both in
further development of theories explaining preventive action, and in
designig and evaluating intervention programmes.
Second, the differences in the meaning of trust and the place of
relationship for men and women require further investigation. Such
investigation should address the implications of such difference for
the development of single non-gender specifie models as compared to
gender distinct theoretical and measurement models.
In addition, research is needed to explore the implications of such
gender differences for understanding decision-making by men and
women and the dynamics of cross-gender interactions and
relationships.
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Perceptions of personal risk from sexual transmission of HIV 55
PERCEPTIONS DU RISQUE PERSONNEL FACE À L TRNSMISSION
RÉSUMÉ
SEXUELLE DU VIH
L'acquisition d'une perception de la susceptibilité ou de la non-susceptibilité
personnelle à l'infection au VIH à la suite d'une activité sexuelle est
examinée à partir de données recueillies auprès de 866 étudiants de cégeps de
la région de Montréal durant l'hiver 1988-1989. L'influence des indices
conceptualisés dans le Health Belief Model, l'heuristique évaluative
conceptualisée par Kahneman et Tversky (1972, 1979) et les actions
préventives que les jeunes disent prendre relativement à la perception des
risques ont été examinées à partir de données quantitatives et qualitatives. Les
tables de contingences et les analyses logit des données quantitatives nous
amènent à conclure que la perception des risques chez les hommes était
infuencée essentiellement par le contact avec des amis qui avaient passé le
test sérologique pour dépister le VIH et, secondairement, par le fait qu'ils
avaient eu plus d'une partenaire sexuelle. Ces facteurs intervenaient aussi sur
la perception des risques chez les femmes, mais seulement chez celles qui
n'avaient pas actuellement une relation avec un partenaire. L'analyse des
entrevues suggère que l'heuristique évaluative joue un rôle significatif dans
l'acquisition de perceptions particulières et explique les différences entre les
perceptions féminines et masculines révélées par les analyses logit.
Mot cés
Sida; perception du risque; comportements sexuels à risque; jeunes adultes.

Revue sexologique, 1993, vol. l, n l, 57-75
LE PROGRAMME D'ÉCHANGE DE SERINGUES DE CACTUS­
RÉSUMÉ
MONTRÉAL: DESCRIPTION DU SERVICE ET PROFIL
COMPORTEMENTAL DE L CLIENTÈLE!
C.A. HANKINS*, S. GENDRON, F. ROUAH,
D. CYR, M.T. LI-TUNG, L. RACINE,
A.M. CHARLEBOIS, M. HANDLEY
Un utilisateur de drogues injectables (UDI) sur dix fréquentant le service
d'échange de seringues CACTUS-Montréal était infecté par le virus
d'immunodéficience humaine (VIH) en décembre 1990. Parmi 1327 UDI
n'ayant eu que des relations hétérosexuelles durant les sept jours ayant
précédé leur visite à CACTUS, 70 % des femmes contre 33 % des hommes
ont eu plus de un partenaire sexuel (p < 0,001). Parmi ceux qui ont eu deux
partenaires de sexe opposé ou plus, les femmes utilisaient le condom plus
souvent que les hommes avec toutes les catégories de partenaires: 60 %
contre 40 % avec des partenaires réguliers (p < 0,001),83 % contre 46 % avec
des partenaires occasionnels (p < 10-6),et 88 % contre 43 % avec des clients
(p < 10-5). Les résultats de l'enquête font ressortir l'urgent besoin de
programmes innovateurs visant la réduction du risque de transmission
sexuelle du VIH par les UDI à leurs partenaires, afin de freiner la
progression de l'épidémie hétérosexuelle.
Mots clés
Utilisateurs de drogues injectables (UDI) ; infection par le VIH ; condom;
partenaires sexuels.
INTRODUCTION
La présence du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) s'est
manifestée à Montréal dès la fin des années quatre-vingts parmi les
utilisateurs de drogues injectables (UDI). Des épreuves sérologiques
effectuées sur des échantillons provenant d'une clinique de
désintoxication ont permis d'établir une prévalence d'infection par le
*
Étude subventionnée par le Programme national de recherche et de
développement en matière de santé. Projet nO 660S-3463-AIDS.
Centre d'études sur le sida - Département de santé communautaire de l'Hôpital
général de Montréal, 980, rue Guy, bureau 300-A, Montréal (Québec) H3H 2K3.

58 Revue sexologique / Sexological Review
VIH de 3,9 % (Bruneau et al., 1988). Lors d'une étude explorant les
facteurs de risque pour l'infection par le VIH parmi les détenues d'un
établissement de détention à sécurité intermédiaire pour femmes,
14,6 % d'un groupe de 130 UDI furent trouvées infectées par ce virus
(Hankins et al., 1989a). Il n'était donc pas irréaliste en 1989 de croire
que le taux d'infection par le VIH parmi les UDI de Montréal pouvait
être de l'ordre de 10 %.
Si l'on se fie à l'expérience d'autres grands centres urbains, un
pourcentage de 10 % représente un seuil critique à partir duquel
l'épidémie de l'infection par le VIH peut devenir explosive dans une
communauté d'UDI (Robertson et al., 1986; Berkelman et al., 1989 ;
Novick et al., 1988; Vanichseni et al., 1990; Friedman et Des Jarlais,
1991). En réponse à cette situation pour le moins alarmante, le projet
de démonstration UDI-SIDA Montréal fut élaboré et soumis pour
financement en mars 1989 (Hankins et Racine, 1989b). Ce projet,
ensuite désigné par l'acronyme CACTUS-Montréal (Centre d'action
communautaire auprès des toxicomanes utilisateurs de seringues), est
le fruit d'une action concertée entre partenaires de sept organismes du
réseau de la santé et du milieu communautaire intéressés ou
directement engagés auprès de toxicomanes à Montréal. Ce
regroupement a formé un organisme sans but lucratif afin de gérer
une subvention de deux ans provenant, en parts égales, des
gouvernements provincial et fédéral.
Dès ses débuts, le projet CACTUS-Montréal comportait deux
objectifs principaux. Le premier était de réduire la transmission du
VIH associée au prêt et à l'emprunt de seringues parmi les UDI. Le
deuxième était de réduire la transmission du VIH associée aux
activités sexuelles non protégées parmi les UDI, et entre les UDI et
leurs partenaires sexuels on-UDI. Pour atteindre ces objectifs, trois
volets d'intervention furent élaborés: l'échange de seringues
souillées pour des seringues stériles à partir d'un site fixe;
l'instauration de sessions éducatives en milieu carcéral; et
l'ouverture d'une clinique médicale sans rendez-vous à l'intérieur
d'un service hospitalier externe en désintoxication. À cette
intervention s'est ajouté un programme d'évaluation financé par le
Programme national de recherche et développement en matière de
santé (Hankins et al., 1989c).
Les données obtenues jusqu'en décembre 1990 dans le contexte de
l'évaluation menée au site fixe où l'échange de seringues a eu lieu,
font l'objet du présent article. Ce site est ouvert depuis le 9 juillet 1989,
sept soirs par semaine, de 21 h à 4 h. Une équipe de quatre

Le programme d'échange de seringues de CACTS-Montréal
infirmiers(ères) y assure les services et a également participé à la
collecte de données servant à l'évaluation du projet.
MÉTHODOLOGIE
À l'aide d'un court formulaire, des données sur le sexe, l'âge, la
langue d'expression de même que le matériel et les services dispensés
ont été recueillis pour tous les clients du site (figure 1) permettant
ainsi une description du profil de la clientèle et un suivi du
fonctionnement du projet.
Un deuxième formulaire composé de 6 questions portant sur les
habitudes de consommation de drogues par injection, le nombre, le
genre et le type de partenaires sexuels, et l'utilisation du condom au
cours des sept jours précédents a fourni l'information nécessaire à
l'analyse descriptive de comportements présentant des risques pour la
transmission du VIH (figure 2).
Lors de la cueillette de données, chaque client du site fixe s'est vu
attribuer un code alphanumérique. Ce code était composé de la date de
naissance, d'une indication du sexe et des initiales de l'individu (ou
de deux ou trois lettres de son choix). À chaque visite, le client
inscrivait son code sur le premier formulaire mentionné ci-dessus, à
l'endos duquel le personnel infirmier notait le matériel et les services
dispensés. De plus, un soir par semaine, suivant un horaire aléatoire
généré par un programme informatisé, tous les clients furent priés de
remplir le questionnaire portant sur les comportements. Au cours de
cette soirée hebdomadaire, une période de trois heures était consacrée
à la cueillette d'échantillos sanguins pris au bout du doigt et
recueillis sur papier buvard par des membres de l'équipe
d'évaluation. Ces échantillons étaient fournis sur une base volontaire
et on leur apposait ensuite un code numérique aléatoire pouvant être
lu par lecteur optique (figure 3). Ce code barre numérique était
également appliqué sur le questionnaire, ce qui permettait d'établir un
lien entre le résultat sérologique et les données comportementales
tout en conservant l'anonymat de l'échantillon parvenu entre les
mains du personnel de laboratoire.
Des épreuves micro-ELISA et micro-immunoblot pour la détection
et la confirmation de la présence d'anticorps au VIH ont été effectuées
au Laboratoire de rétro virologie du Centre fédéral sur le sida, à
Ottawa. Les résultats sérologiques furent ensuite entrés sur micro­
ordinateur à l'aide d'un lecteur optique et communiqués au Centre
d'études sur le sida du Département de santé communautaire de
l'Hôpital général de Montréal (DSC HGM) par modem. Ces
59

0
o
FIGURE 1
Formulaire de cueillette de données sociodémographiques et
de compilâiion du matériel et des serices dispensés
Réseré au personnel
1. Matériel
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FIGURE 2
Formulaire de cueillette de données comporementales
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62 Revue sex%gique / Sex%gica/ Review
FIGURE 3
Barre code numérique
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* Z 9 0 Z Z *
procédures ont minimisé le potentiel d'erreurs relié à la transcription
de données. La saisie des données issues des formulaires administrés
au site fixe a été effectuée sur micro-ordinateur au DSC HGM et les
analyses statistiques ont été réalisées au moyen du logiciel SAS (SAS
Institute Inc., 1987).
À la section suivante, les données concernant l'achalandage au site
fixe, les services dispensés, le taux d'échange de seringues et la
séroprévalence des anticorps au VIH sont compilées selon trois
périodes: de juillet à décembre 1989, de décembre 1989 à juillet 1990, et
de juillet à décembre 1990. Les données décrivant le profil de la
clientèle proviennent de la troisième période et ont été soumises à des··
analyses comparatives selon le sexe. Afin d'éviter une
surreprésentation des clients utilisant fréquemment les services du
site fixe, chaque individu est représenté une seule fois dans ces
dernières analyses par le questionnaire ayant recueilli le plus de
réponses.
Achalandage et matériel distribué
LES DONNÉES DE L'ÉVALUATION
Le tableau 1 présente une compilation du nombre total de visites et
du matériel distribué à la clientèle au cours des trois premiers
semestres de fonctionnement. Le nombre moyen de visites par
semaine a augmenté de façon importante entre le premier et le
troisième semestre, soit de 621 à 1 268 (test t: t = 6,3 ; 9 dl; P = 0,0001).
Avec ce nombre croissant de visites, la quantité de condoms distribués

Le programme d'échange de seringues de CACTUS-Montréal
TABLEAU 1
Compilation du nombre de visites
et du matériel distribué
Semestre 1 Semestre II Semestre III
Juil. 89-déc. 89 Déc. 89-juil. 90 Juil. 90-déc. 90
Total des visites 14 904 26 063 30 438
Nombre moyen de 621 9311 12682
visites par semaine
Condoms 41 421 53 522 65 883
Eau de javel 9 27 621
Eau distillée 1039 2729 4234
1 Test t Semestre 1 vs Semestre II : 2,67, Il dl; P = 0,02
2 Test t Semestre II vs Semestre III : 3,25, 11 dl; P = 0,008
par semestre est passée de 41 421 à 65 883, et les demandes en eau de
javel et en eau distillée pour le nettoyage des seringues souillées ont
également augmenté en nombre.
Une compilation du nombre de seringues rapportées par les clients
et distribuées par le personnel infirmier est présentée au tableau 2. Au
premier semestre, 10 688 seringues ont été rapportées par les clients,
tandis que ce nombre a plus que quintuplé pour atteindre 59 401 au
troisième semestre. Une augmentation importante a également été
notée entre ces deux semestres quant au nombre de seringues
distribuées: de 24 267 à 79 570. Ces derniers chiffres comprennent la
seringue incluse dans la trousse de prévention remise principalement
aux nouveaux clients. Pour calculer le taux d'échange de seringues, le
nombre de seringues retournées fut divisé par le nombre de seringues
données. Le taux d'échange au premier semestre était de 44 % et a
augmenté à 75 % aux deuxième et troisième semestres. Il est à noter
que la différence entre les taux des premier et deuxième semestres
(X2 = 18,8, 1 dl; P = 0,00 002) reflète en partie des changements quant à
la politique d'échange de seringues à CACTUS.
63

64 Revue sexologique / Sexological Review
TABLEAU 2
Compilation des seringues
Semestre 1 Semestre II Semestre III
Juil. 89-déc. 89 Déc. 89-juil. 90 Juil. 90-déc. 90
Seringues retournées 10 688 49 681 59 401
Seringues données 20 210 56 717 65 940
Trousses 4057 9924 13 630
Taux d'échange* 44% 75%
* Taux d'échange = (seringues retournées) / (seringues données + trousses)
Semestre 1 vs Semestre II : y} = 18,67, 1 dl ; P = 0,00002
TABLEAU 3
Séroprévalence des anticorps au VIH
parmi la clientèle du site fIe de CACTUS
Nbre Nre de
d'analyses positifs Proportion IC95%
Semestre 1 3 2 6,8* 4,1 -9,4
Semestre II 270 3 13,0* 10,9 -15,0
Semestre III 246 2 10,2 6,7 -14,6
* ". = 6,02, 1 dl; P = 0,014.
Chaque individu n'est représenté qu'une seule fois par semestre.
L séroprévalence des anticorps au VIH
Le tableau 3 permet de constater que la séroprévalence des anticorps
au VIH parmi la clientèle du site fixe de CACTUS fournissant un
échantillon de sang sur papier buvard a augmenté de façon
significative entre les premier et deuxième semestres, soit de 6,8 %
(23/340) à 13,0 % (35/270) (X2 = 6,0, 1 dl; P = 0,014). Parmi les 246
volontaires chez qui on a effectué un prélèvement au cours du
troisième semestre, le taux était de 10,2 % (IC 95 %: 6,7-14,6). Quant au

Le programme d'échange de seringues de CACTS-Montréal
profil comportemental, aucun écart significatif n'a été détecté entre les
personnes ayant refusé et celles ayant accepté de participer à l'étude
volontaire de séroprévalence, ou entre les personnes séropositives et
séronégatives.
Caractéristiques et profil comporemental de la clientèle
Un total de 1982 individus ont répondu au questionnaire,
partiellement ou en totalité, au moins une fois pendant le troisième
semestre: 651 femmes et 1 331 hommes, pour un ratio
homme/femme d'environ 2 pour 1. La langue d'expression était le
français chez 72 % de cette clientèle. L'âge médian des femmes était de
26 ans (écart: 14 à 60 ans) et celui des hommes de 29 ans (écart: 12 à 70
ans) (test de médiane: p = 0,0001). Le nombre médian d'années
d'injection était de quatre ans pour les individus des deux sexes.
Parmi les sujets ayant répondu à la question, 87 % (919/1 060) ont
indiqué s'être injecté de la cocaïne au cours des sept jours ayant
précédé la cueillette de données, les femmes et les hommes dans la
même proportion. Plus de femmes que d'hommes se sont injecté de
l'héroïne: 81 % (96/119) contre 69 % (144/210) (X 2 = 5,0, 1 dl; P = 0,03).
Globalement, le ratio d'utilisation de cocaïne par rapport à l'héroïne
sur une période de sept jours est de 3,8 pour 1. Une description plus
détaillée des comportements à risque reliés à la consommation de
drogues injectables a fait l'objet de communications antérieures
(Hankins et al., 1990a; 1991a; 1991b). Les analyses suivantes ont pour
but d'explorer les comportements sexuels de la clientèle du site fixe.
La distribution de la clientèle féminine et masculine selon le genre
des partenaires sexuels au cours des sept jours ayant précédé la collecte
des données est présentée au tableau 4. Parmi les sujets ayant répondu
à la question, 88 % des femmes (466/531) ont eu des partenaires
masculins seulement alors que 59 % des hommes (473/796) n'ont eu
que des partenaires féminines (X2 = 122,2, 1 dl; P < 10-6). Huit pour
cent des femmes (41/531) n'ont eu que des partenaires féminines et
36 % des hommes (285/796) ont eu des partenaires masculins
exclusivement (X 2 = 134,0, 1 dl; P < 10-6). Enfin, 4 % des femmes
(24/531) et 5 % des hommes (38/796) ont eu des relations sexuelles
avec des individus des deux sexes (X 2 = 0,01, 1 dl; P = 0,94). Tout
considéré, plus de femmes ont rapporté avoir eu des partenaires
sexuels de sexe opposé, tandis que plus d'hommes indiquent avoir eu
des partenaires sexuels de même sexe. Une faible proportion de
clients, approximativement égale pour les femmes et les hommes, a
65

66 Revue sexologique / Sexological Review
TABLEAU 4
Distribution de la clientèle selon le sexe des répondants
Partenaires féminines
Partenaires masculins
Partenaires féminines et
masculins
et le genre des parenaires sexuels<
Femmes Hommes
(N = 531) (N = 796)
n
41
466
24
(%)
n
(8) 473
2
(88)X 285
(4) .. 3 • 38
(%)
(59)
(36)

Le programme d'échange de seringues de CACTUS-Montréal 67
TABLEAU 5
Distribution de la clientèle selon le genrel e le nombre
de parenaires sexuels, contrôlant pour le sexe du répondant
1 partenaire
2+ partenaires
Partenaires
féminines Ô
(N = 41)
n (%)
14 (3)
27 (66)
Femmes
(N = 507)
Partenaires
masculinsY
(N = 466)
n (%)
141 (30)
325 (70)
Partenaires
masculins Ô
(N = 285)
n (%)
140 (49)
145 (51)
Hommes
(N = 758)
Partenaires
fémininesY
(N = 473)
n (%)
315 (67)
158 (33)
I: Le genre des partenaires sexuels au cours des sept jours ayant précédé la
collecte des données
ô: Activité homosexuelle exclusivement
y: Activité hétérosexuelle exclusivement
p < 0,0005). Lorsque l'on examine les données pour les femmes, il n'y
a pas de différence statistiquement significative quant à la proportion
de celles ayant eu plus de 2 partenaires féminines (27/41 = 66 %)
comparativement à celles ayant eu plus de deux partenaires masculins
(325/466 = 70 %) (X 2 = 0,1, 1 dl; P = 0,73). Par contre, en ce qui concerne
les hommes, une plus grande proportion de ceux n'ayant eu que des
partenaires masculins ont eu plus de deux partenaires sexuels: 51 %
(145/285) contre 33 % (158/473) parmi les hommes n'ayant eu que des
partenaires féminines (X 2 = 21,9, 1 dl; P < 10-6). Néanmoins, il
demeure que parmi les hommes ayant participé exclusivement à des
activités homosexuelles, une moindre proportion ont eu des
partenaires multiples (51 % ou 145/285) comparativement à la
clientèle féminine dans son ensemble (69 % ou 352/507) (X 2 = 26,1, 1
dl ; P < 10-6).
Puisque c'est par voie de transmission hétérosexuelle que le VIH
peut se propager de la population UOI à la population générale,

68 Revue sexologique / Sexological Review
l'utilisation du condom parmi la clientèle de CACTUS représente un
intérêt incontestable. L'utilisation du condom parmi les clients ayant
indiqué n'avoir eu que des partenaires de sexe opposé dans les sept
jours ayant précédé la collecte de données est exposée au tableau 6. Ce
tableau résume les données quant à l'utilisation régulière du condom
(c.-à-d. «chaque fois ») selon le nombre et le type de partenaires
sexuels tout en tenant compte du sexe des répondants. Parmi les
femmes n'ayant eu qu'un partenaire sexuel, il n'y a pas de différence
statistiquement significative quant à l'utilisation régulière du condom
selon que le partenaire a été régulier, occasionnel ou commercial
(X 2 = 5,4, 2 dl; P = 0,07). Le pourcentage global d'utilisation du
condom s'établit à 36 % (61/169) pour ces femmes «monogames ».
Parmi celles ayant eu deux partenaires ou plus, la proportion de
femmes utilisant le condom avec un partenaire régulier (60 %) est
moindre qu'avec des partenaires occasionnels (83 %) ou des clients
(88 %) (X 2 = 53,1, 1 dl; P < 10-6). Enfin, les femmes ayant des partenaires
multiples utilisent le condom sur une base régulière plus
fréquemment que celles étant «monogames» avec chaque type de
partenaire sexuel: 31 % contre 60 % avec des partenaires réguliers
(X 2 = 26,5, 1 dl; P < 10-6) ; 48 % contre 83 % avec des partenaires
occasionnels (test de Fisher: p = 0,001); et 52 % contre 88 % avec des
clients (test de Fisher: p < 10-4).
En ce qui concerne les hommes, parmi ceux n'ayant eu qu'une
partenaire sexuelle, l'utilisation régulière du condom semble à peine
plus fréquente avec les partenaires occasionnelles qu'avec les
partenaires régulières (X 2 = 3,7, 1 dl; P = 0;056), pour une proportion
globale de 33 % (105/315). Chez les hommes ayant eu deux partenaires
sexuelles ou plus, il n'y a pas de différence statistiquement
significative selon le type de partenaire sexuel (X 2 = 0,8, 2 dl; P = 0,68)
avec une moyenne d'utilisation régulière du condom se situant aux
alentours de 43 %. Les hommes ayant des partenaires multiples
n'utilisent pas plus le condom que les hommes dits «monogames»
parmi cette clientèle d'UDI avec activité hétérosexuelle exclusive:
40 % contre 31 % avec des partenaires régulières (X 2 = 2,1, 1 dl;
P = 0,15); et 46 % contre 50 % avec des partenaires occasionnelles
(X 2 = 0,03, 1 dl ; P = 0,86).
Finalement, les femmes et les hommes n'ayant eu qu'un partenaire
régulier ou occasionnel semblent utiliser le condom dans une même
proportion: 31 % dans l'ensemble avec les partenaires réguliers et
49 % avec les partenaires occasionnels. Par contre, parmi ceux et celles

Le programme d'échange de seringues de CACTUS-Montréal
TABLEAU 6
Utilisation du condom pani les clients hétérosexuels
dans les sept jours ayant précédé la collecte des données
selon le nombre et le type de parenaires sexuels,
contrôlant pour le sexe
(43)
69
Femmes Hommes
1 partenaire 2+ partenaires 1 partenaire 2+ partenaires
n/N (%) n/N (%) n/N (%) n/N (%)
Condoms
avec 38/123 (31) 148/247 (60)
partenaires
réguliers
Condoms
avec 10/21 (48) 106/128 (83)
partenaires
occasionnels
Condoms 13/25 (52) 201/228 (88)
avec clients
:
89/283 (31) 43/108 (40)
16/32 (50) 41/89 (46)
1/6 (17) 9/21
Utilisation du condom à chaque relation sexuelle dans les sept jours
ayant précédé la collecte des données
ayant eu deux partenaires sexuels ou plus, les femmes indiquent avoir
utilisé régulièrement le condom dans une plus grande proportion que
les hommes avec chaque type de partenaire sexuel: 60 % contre 40 %
avec des partenaires réguliers (X2 = 11,4, 1 dl; P = 0,0007) ; 83 % contre
46 % avec des partenaires occasionnels (X2 = 30,8, 1 dl; P < 10-6); et
88 % contre 43 % avec des clients (test de Fisher: p < 10-5).
Commentaires
Ces données fournissent des pistes de réflexion quant à la pertinence
du service ainsi qu'aux besoins des UDI à Montréal face à la
prévention du VIH.
Le service est utilisé par un nombre croissant d'individus et la
quantité de matériel distribuée a augmenté en dépit de politiques
nouvelles plus restrictives instituées en cours de route. Par exemple,

70 Revue sexologique / Sexological Review
au cours des premiers mois de fonctionnement, une approche plus
libérale quant à la distribution de seringues a été instaurée pour
encourager les VOl à fréquenter le site. À partir du deuxième
semestre, les personnes se présentant sans serigue n'en recevaient
désormais qu'une seule, et le nombre maximum de seringues
pouvant être échangées a été limité à 15 par personne. Ainsi, un client
ne pouvait recevoir qu'un maximum de 16 seringues par soirée, soit
15 seringues échangées plus la seringue additionnelle de la trousse.
Ceci a contribué à augmenter le taux d'échange de seringues noté au
tableau 2.
Plusieurs questions se posent quant à la portée des résultats en ce
qui concere la séroprévalence du VIH et le profil de la clientèle.
Premièrement, malgré les efforts du personnel des équipes
d'intervention et d'évaluation d'obtenir des données du plus grand
nombre d'individus possible, il n'en demeure pas moins que
l'information a été obtenue auprès de volontaires. Le fait qu'aucune
différence statistiquement significative quant aux données
sociodémographiques et comportementales n'ait été détectée entre
ceux ayant refusé et ceux ayant accepté de participer à l'étude de
séroprévalence, permet de croire que ces résultats peuvent être
généralisés à l'ensemble des clients du site fixe. Cependant, la majorité
des personnes approchées pour participer à l'étude avaient répondu
aux questions comportementales à cause du jumelage de la soirée des
questionnaires avec la soirée de séroprévalence. Ceci peut avoir
introduit un biais qui restreint la capacité de généraliser les résultats
aux clients qui n'ont jamais répondu au questionnaire. Par contre,
ceux ayant répondu au questionnaire sont représentés dans les mêmes
proportions selon le sexe et ont le même âge médian que l'ensemble
de la clientèle de CACTUS.
Deuxièmement, les questions ayant trait aux comportements se
rapportent à ce que les individus ont fait au cours des sept jours ayant
précédé la collecte de données. Il est possible que les activités pendant
cette période ne soient pas représentatives des habitudes générales de
tous les sujets. L'ampleur de cette possibilité demeure une iconnue.
Il n'en demeure pas moins qu'une période de rappel plus longue
.
risquerait d'itroduire un biais de mémoire.
Troisièmement, la validité de l'information obtenue par le biais de
questionnaires auto-administrés peut être mise en doute. Les
individus fréquentant le site sont souvent pressés d'en ressortir au
plus tôt et leurs facultés peuvent être affaiblies par les drogues et
l'alcool. Le personnel infirmier a tenté d'assister les clients qui en

Le programme d'échange de seringues de CACTUS-Montréal
éprouvaient le besoin afin d'obtenir des informations complètes, mais
ceci peut aussi avoir influencé les réponses. Pour vérifier la validité
de l'information obtenue à CACTUS, ces données font actuellement
l'objet d'une analyse comparative avec les données obtenues dans le
cadre d'une entrevue confidentielle effectuée avec des UDI en milieu
carcéral (Hankins et al., 1990b).
Quatrièmement, malgré l'absence d'une augmentation de la
séroprévalence des anticorps au VIH entre le deuxième et le troisième
semestre, il est encore trop tôt pour supposer qu'il y a eu une
diminution dans la progression de l'épidémie. Il n'est pas possible, à
partir d'une séroprévalence qui apparaît stable, de conclure que
l'incidence s'est stabilisée. Par exemple, des UDI connaissant leur
statut séropositif peuvent diminuer ou arrêter leurs habitudes
d'injection et cesser de visiter CACTUS. Il en serait de même pour
ceux devenant malades, n'ayant plus les forces nécessaires pour
atteindre le site fixe. De plus, les nouvelles recrues au comportement
UDI risquent moins d'être déjà infectées. Un grand débit de ces
personnes à CACTUS pourrait donc influencer le taux d'infection
vers le bas. En somme, des mesures transversales de séroprévalence
ne reflètent pas nécessairement les dynamiques de transmission du
VIH dans une population.
Par ailleurs, si l'on suppose que la connaissance d'un statut
séropositif peut mener à une diminution des comportements à risque
(Martin et al., 1990; Van den Hoek et al., 1990), le fait qu'il n'y ait pas
de différences statistiquement significatives entre les comportements
des personnes séropositives et séronégatives peut porter à croire que
la majorité des personnes séropositives ne connaissent pas leur statut.
Cela suggère également que les personnes séronégatives ont
essentiellement les mêmes comportements que les personnes
séropositives et risquent alors de contracter le VIH. En fait, la
prédominance de l'utilisation de la cocaïne parmi la population
d'UDI fréquentant CACTUS sous-tend l'existence d'un risque élevé
d'acquisition du VIH par voie sexuelle. Le lien entre l'utilisation de la
cocaïne et une fréquence élevée de relations sexuelles non protégées a
été démontré dans plusieurs études (Chaisson et al., 1990; Wolfe et al.,
1990).
En dépit des limites énumérées ci-dessus, les données concernant
l'utilisation régulière du condom sont inquiétantes. La fréquence
d'emploi régulier du condom parmi les hommes ayant des
partenaires multiples est faible comparativement aux femmes dans la
même situation et ne diffère pas selon le type de partenaire sexuel. Par
71

72 Revue sexologique / Sexological Review
ailleurs, il semble que les femmes utilisent le condom moins souvent
avec leurs partenaires réguliers, ce qui risque davantage de les exposer
à une infection éventuelle puisque ces derniers sont souvent eux
aussi UDI. Le manque de pouvoir de négociation des femmes dans
leurs relations intimes (Fullilove et al., 1989; Nyamathi et Flaskerud,
1990; Tunstall et al., 1990) et la croyance qu'une personne «n'est plus
à risque» lorsqu'on la connaît, sont vraisemblablement en grande
partie responsables de cet état de choses. Lorsqu'elles se retrouvent
dans des relations moins intimes, ou du moins des relations où elles
sont peu dépendantes, telles que des relations commerciales ou avec
des partenaires occasionnels, l'usage du condom apparaît plus
fréquent. À la lumière de ces résultats, des efforts supplémentaires
devraient être ciblés sur la clientèle masculine de CACTUS pour
déterminer les barrières à l'utilisation du condom et encourager
l'adoption de ce comportement préventif.
CONCLUSION
La possibilité qu'il y ait environ un UDI sur dix vivant avec le VIH
en décembre 1990 représente une menace importante de transmission
de ce virus aux partenaires sexuels des individus de cette population,
vu les comportements décrits. Bon nombre d'études provenant des
États-Unis et du Royaume-Uni indiquent qu'au moins 40 % des UDI
ont des partenaires sexuels non-UDI (Brown et Primm, 1988; Klee et
al., 1990, 1991). Dans plusieurs pays d'Europe et dans certaines régions
des États-Unis, entre 60 et 100 % des cas de transmission
hétérosexuelle parmi des non-UDI sont le résultat de contacts sexuels
soit avec un UDI, soit avec une personne ayant contracté l'infection
d'un UDI (Brettle, 1991). Plus particulièrement, il semble qu'une
majorité d'hommes UDI préfèrent avoir des partenaires sexuelles ne
faisant pas usage de drogues (Des Jarlais et al., 1984). Cette situation
favorisant la transmission hétérosexuelle, combinée au fait
qu'environ un tiers des femmes UDI sont en âge de procréer (Brettle,
1991), il appert que la transmission materno-foetale du VIH peut
atteindre des proportions substantielles là où il y a une concentration
importante d'UDI (Sittitrai et al., 1990).
Bref, la situation à Montréal apparaît dynamique et instable. Avec
une séroprévalence atteignant un taux de plus de 10 % parmi les
utilisateurs de drogues injectables fréquentant ce site d'échange de
seringues, le seuil critique est déjà franchi et le risque de transmission
sexuelle à l'intérieur et à partir de cette population montréalaise est
réel. Il est incontestable qu'un effort soutenu doit être dirigé vers la

Le programme d'échange de seringues de CACTS-Montréal
mise au point de modes d'intervention ayant pour but de réduire le
risque de transmission sexuelle du VIH dans la population
d'utilisateurs de drogues injectables à Montréal.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier Nathalie Paquette, Mélanie Jalbert, Isabelle
Mayr et Andrea Daley. Nous voulons également témoigner notre
reconnaissance à l'équipe d'intervenants et de bénévoles du site fixe
de CACTUS-Montréal ainsi qu'à tous les clients qui ont pris le temps
de participer à cette enquête. Enfin, nous remercions Sylvie Gauthier
pour la mise en page du manuscrit et Marie-Andrée Leblanc pour la
révision du texte.
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ABSTRCT
THE CACTUS-MONTREAL NEEDLE EXCHANGE PROGRAMME:
DESCRIPTON AND BEHA VIOURL PROFILE OF THE CLIENTELE
One in ten injection drug users ([DU) attending Montreal's needle exchange
CACTUS was infected by the human immunodeficiency virus (HI V) in
December 1990. Among 1327 IDU who engaged exclusively in heterosexual
activity du ring the 7 days prior ta their visit ta the exchange, 70% of women
versus 33% of men had more than one sexual partner (p

Sexological Review 1993, Vol. 1, No. 1, 77-92
SEXUAL PARTNER CHOICE IN INJECTING DRUG USERS FROM
A "CRITICAL INCIDENT" MEASURE: ITS IMPLICATIONS FOR
ABSTRACT
ASSESSING RISK OF HIV SPREAD
Michael W. ROSS*, Alex WODAK**,
M.E. MILLER***, Julian GOLD****
A critical incident (proportional percentage) measure was used to describe
the nature and distribution of the last and second-last sexual partner in
1,245 injecting drug users (IDUs) interviewed in Sydney, Australia.
Proportions were relatively stable across last and second-last contact. For
males, last sexual contact was heterosexual non-prostitue female for three
quarters, for females 85% of last contact was with a heterosexual non­
prostitute male. A greater proportion of the partners of females were IDUs
(75%) compared with men (59%). Homosexual contact for the last sexual
contact was 13% for males and 12% for females: no respondent described
their contact as bisexual, suggesting that partners are characterized by act
rather than identity. Only 4% of respondents had not had at least one sexual
contact in the past year. These data indicate that it is possible to estirate
proportions of risk for HIV spread from data on last sexual contact in IDUs.
Keywords
Intravenous drug us ers; sex; epidemiology; HIV; risk behaviour.
INTRODUCTION
Injecting drug users (IDUs) play a significant role in the
transmission of HIV infection in many developed and more recently
sore developing countries, accounting for more than half the
heterosexual infection, as weIl as a substantial proportion of vertical
transmission. Fordyce, Blum, Balanon and Stoneburner (1991) have
reported that there is considerable transmission from male IDUs to
* National Centre in HIV Social Research, University of New South Wales, 345
Crown Street, Surry Hills, NSW 2010, Sydney, AUSTRALIA.
** Alcohol and Drug Service, St. Vincent's Hospital, and the National Drug and
Alcohol Research Centre, University of New South Wales.
*** Directorate of the Drug Offensive, New South Wales Department of Health.
**** Albion Street AlOS Centre, Sydney Hospital.

78 Revue sexoloSique / Sexolosical Review
female sexual partners in New York City, with a ratio which is stable
over time. They suggest that in this population, 1.5% of sexually
active women between the ages of 15 and 44 will have intercourse
with male IDUs per year (this estimate also takes account of the
proportion of male IDUs who have female IDU partners). A second
avenue of risk involves male prostitutes: Morse, Simon, Osofsky,
Balson and Gaumer (1991) report that 52% of male street prostitutes
interviewed in New Orleans were IDUs. Further, they note that 80%
identified themselves as heterosexual or bisexual, that 42% had a
regular female sexual partner, and that 70% never used condoms with
their regular female partner. Risks for HIV transmission to and from
other populations included the fact that 26% of these men had a
steady partner who was an IDU, 45% reported unsafe needle practices,
and one third of the clients were estimated by the prostitutes to be
bisexual men (men who have sex with both men and women, who
would thus have their own female partners).
Sexual activity has often been assumed to be depressed in opioid
users partly as a consequence of their pharmacological actions, but
Klee, Faugier, Haynes, Boulton and Morris (1990) note that despite
decreased libido, 81% of her sample of IDUs in Northern England had
had sexual intercourse in the past six months, and 32% had done so
with more than one partner (although there was no comparison with
similar non-opioid users). While there are major gender and ethnie
variations in high-risk sexual behaviour among IDUs (Lewis &
Watters, 1991), most studies indicate that the majority of IDUs to be
sexually active: Donoghoe, Stimson and Dolan (1989) reported that
more than three quarters of clients at a London needle and syringe
exchange had been sexually active in the past three months. Darke,
Hall and Carless (1990) found a similar proportion (78%) of Sydney
IDUs studied had had sex in the past month, 30% of the sample had
had more than one partner and 21% reported sex with partners they
described as "casual." Two thirds of their sample reportedly never
used condoms with regular partner(s).
Male IDUs are reportedly less likely to have partners who are IDUs
than female IDUs. Sasse, Salmaso, Conti and Rezza (1991) found in an
Italian study that women were more likely to have only IDU partners
(as opposed to non-using or a combination of using and non-using
partners: 43% versus 17% for males). Salmaso and Sasse (1991)
concluded that IDU women in Italy are more likely to have shared
injecting equipment and had sex with an HIV-seropositive partner.
Sasse et al. have also reported that 90% of women who only have IDU

Sexual Parner Choice in Injecting Drug Users
partners report only one partner i the past two years. Male IDU s are
thus apparently more likely to transmit HIV to non-IDU partners, as
also noted by Morse et al. (1991). Sexual orientation in IDUs may also
be a source of significant variation in HIV prevalence: Ross, W odak,
Gold and Miller (1992) have shown that there is a steep gradient of
HIV infection reported from heterosexual men through bisexual men
to homosexual men in a study of IDUs in Sydney where HIV was first
epidemic in non-IDU homosexual men.
Other studies have also found that condom use is inconsistent in
IDUs. Jones and Vlahov (1989) found that only 18% of their IDU
sample used condoms more than half the time, and Magura, Shapiro,
Siddqui and Lipton (1990) reported that a similar 11% of a sample of
IDUs in methadone maintenance programmes in New York used
condoms all the time with two thirds reporting that they never used
condoms. Ross, Wodak, Gold and Miller (1992) noted that in addition
to a gradient of HIV prevalence across sexual orientation in IDU men,
there was a gradient of condom use where heterosexual men reported
using condoms less frequently and homosexual men using them
more frequently for penetrative sex.
Evidence of sexual as well as injecting HIV risk in this population is
also provided by the proportions of IDUs who report sexually
transmissible diseases (STDs). Van den Hoek, Couthino, Van
Haastrecht and Van Zadelhoff (1988) indicated that there was a high
proportion of laboratory-confirmed STDs reported in Amsterdam
prostitutes, and later (Van den Hoek, Van Haastrecht & Couthino,
1990) also self-reports in non-prostitute IDUs. Similarly, Ross, Gold,
Wodak and Miller (1991) found that more than half of IDU women
and a third of IDU men in Sydney reported at least one STD in their
lifetime (with a mean sample age of 28 years). Similar data are
reported by Mulleady and Sherr (1989) from London. Besides acting as
markers for risky sexual activity, STDs may also act as a co-factor for
HIV transmission. In the case of a reported history of STDs, it is
possible that an even higher proportion have asymptomatic or
unconfirmed STD infections (Pepin, Plummer, Brunham, Piot,
Cameron & Ronald, 1989).
Despite these findings, there is sore indication that there is a
reduction in high risk sexual practices in IDUs, although not as large
as in injecting practices (Donoghoe, Stimson & Dolan, 1989; Wodak &
Moss, 1990; Klee et aL, 1991). The present study is intended to provide
specifie data on the proportional percentage of sexual risk for HIV
transmission in a large sample of IDUs in order to better estimate risks
79

80 Revue sexologique / Sexo/ogical Review
of HIV transmission. The model used by Fordyce et al. (1991) has
relied on estimation of potential for HIV spread from IDUs to non­
IDUs from sexual activity of women at risk of HIV infection, rather
than by estimation from sexual contacts of IDUs since precise data on
such contacts does not exist.
METHOD
This study formed part of a national HIV-IDU research project.
Sydney, the largest city in Australia with 4 million population in the
greater urban area is the capital of New South Wales and is considered
the drug and prostitution capital of the South Pacific (Harcourt &
Philpot, 1990). Respondents were obtained by three forms of
advertising. First, by interviewers distributing cards with study details
and the telephone and address of the interview site, and the
indication that IDUs would be paid $A 20 for an anonymous
interview, to attenders at needle and syringe exchanges, treatment
agencies, and respondents to advertising. Second, by putting
advertisements with the same message in employment and social
security offices, needle exchanges and pharmacies which sold needles
and syringes; and third by placing the same advertisement in a
popular free central city magazine. Interviews took place in an
unmarked building several blocks from the centre of the drug-using
subculture in the Kings Cross-Darlinghurst are a of Sydney, with direct
access off the street into a waiting room. These interviews were
conducted in an individu al private cubicle by interviewers who had
extensive personal or professional experience in the are a of injecting
drug use. A single receptionist recorded initiaIs of first and surnames
and date of birth and where respondents were suspected or recognized
as having attended previously, these data were checked to ensure that
there was no double interviewing (respondents were not aware that a
matching check was being carried out by the receptionist who took
their initiaIs and date of birth and allocated the next available
interviewer). If a match did occur, the original interview was
retrieved and handed to the interviewer who compared the
demographic data after the first section of the interview had been
completed and terminated the interview if the data were identical. In
addition, interviews were conducted by one interviewer in the
Western suburbs of Sydney to obtain a broader geographical
distribution of injecting drug users: these interviews were conducted
at a community health centre under the same conditions. All data
were entered on the interview schedule by the interviewer. Payment

Seual Parner Choice in Injecting Drg Users
took place at the completion of the interview preceding the blood
collection. Interviews were conducted between May and Oecember
1989.
The study employed an interview schedule which had been piloted
on over 100 injecting drug us ers and subsequently modified. Sections
covered demographics, drug use behaviour, use of new
equipment/reuse of own equipment, sharing of injection equipment,
cleaning of injection equipment, disposaI of used injection
equipment, social context of injecting drug use, sexual history,
knowledge and attitudes about HIV / AlOS, HIV / AlOS prevention
behaviours, sources of HIV / AlOS information, HIV / AlOS antibody
testing, and modules on treatment and prison use if appropriate.
Response possibilities ranged from closed options to open-ended
questions. AlI response possibilities were provided on show-cards
where appropriate (a copy of the full 36 page interview schedule is
available from the first author on request). The interview took on
average 1.25 hours to complete. Sexual orientation of respondents was
defined by gender of sexual partners in the past five years with
bisexuals reporting at least one sexual contact with males and females
in this period.
The question under consideration in this study was worded "For
each of the last two people you have had sex with, please tick to show
their se x, whether they were heterosexual, homosexual or bisexual, a
prostitute (male or female), or an intravenous drug user." An
example was provided ("FOR EXAMPLE: if the last person you had sex
with was a bisexual woman wo used intravenous drugs, you would
fill in the first line like this ... " ), and a row each for person 1 and
person 2 with boxes for ticks under the headings Male, Female;
Homosexual, Heterosexual, Bisexual; Prostitute; IV Orug User. The 24
possible combinations of variables were computed and tabulated by
frequency for both the last and second-Iast sexual partner. For each
variable, cases with missing data were excluded from analysis. Missing
data could occur because either respondents did not know the details
of their last sexual parter, or because they reported no sexual activity
in the past year. Data for time elapsed between last and second-Iast
sexual encounter were not obtained. For males and for females, the
differences in category frequencies were compared for last and second­
last sexual partners by the X2 test. Estimation of HIV prevalence in this
sample has been reported elsewhere (Ross, Gold, Wodak & Miller,
1991): 6.8% reported HIV infection from the results of previous HIV
testing or had serological markers of HIV infection.
81

82 Revue sexologique / Sexological Review
Sam pie Characteristics
RESULTS
A total of 1,245 respondents who had injected drugs in the last two
years were interviewed: these included 908 males, 331 females, and six
male to female transsexuals (who have been excluded from this
analysis). Characteristics of the males and females are described
separately (means ± SDs are given where appropriate).
Mean age was 27.9 ± 6.7 for males (females 26.3 ± 7.6), and modal
highest level of education was sore high school (57.2% of the males,
53.5% of the female sample). Modal employment status was social
security benefits or pension for 59.2% of males and 58.5% of females,
with only 13.5% (16.7%) employed full- or part-time and 20.0% (13.7%)
unemployed. The majority of males (50.8%) and females (57.6%) had
been on benefits or pension for over one year, and a further 38.2%
(32%) for over a month. The sample was predominantly Australian­
born (79.2% of males, 84.6% of females) with the majority of the
remainder (15.5% of males, 12.3% of females) being born in the UK,
New Zealand, or North America. Mean number of children was
0.6 ± 1.3 for males, 0.9 ± 2.7 for females, with the mean number of
children financially dependent on the respondent being 0.1 ± 0.5
(0.6 ± 2.1). The mean number of other people financially dependent
on the respondent was 0.2 ± 2.6 for males and 0.1 ± 0.4 for females.
Nearly half the males (45.2%) and less than a fifth of the females
(19.6%) had been to prison, with a mean time of 3.6 ± 3.8 (4.9 ± 8.4)
years since release. Just over half (55.4% of males, 54.1% of females)
had moved to Sydney from elsewhere, on an average of 4.8 ± 7.7
(4.9 ± 8.4) years ago.
Drug Treatment
A majority of both males (63.8%) and females (55.9%) had been in
sore form of drug treatment, which had ended on average 2.3 ± 4.6
(2.3 ± 5.5) years ago. The most common previous treatments were
Methadone maintenance (19.7% of males, 21% of females),
detoxification (40.1% of males, 48.5% of females) and inpatient
rehabilitation (13.0%) for males and counselling (10.2%) for females.
For those currently in treatment (30.4% of males, 15.7% of females),
the most common treatment was Methadone maintenance (39% of
males and 49.1% of females) followed by therapeutic community
(26.6% of males, 12% of females).

Drg Use
Sexual Panner Choice in Injecting Drug Users
Most respondents were currently injecting with the majority having
injected within hours (17.2% of males, 20.3% of females) or days
(33.9% of males, 30.9% of females) of the interview: only 6.7% of
males and 2.7% of females had not injected within the year. Mean age
of first injection of a drug was 18.6 ± 4.4 years for males, 18.1 ± 3.8 for
females, and mean age of injecting a drug once a month or more was
20.0 ± 4.6 (19.0 ± 4.4) years. Average frequency of injecting (or for those
not currently injecting, when they were last injecting) per typical
month was 49 ± 66 times for males, 53 ± 66 times for females. The
drugs most commonly injected in the last typical using month (more
than one could be nominated) were heroin (67.1% of males, 70.1% of
females), amphetamines (34.6% of males, 32.2% of females) and
cocaine (13.2% of the male and 15.1% of the female sample).
Sexual Parners
For male respondents, partner numbers for the past year were,
female partners mean 6.1 ± 11.1,median 3.0 (n : 846,0: 6.6%, missing
data: 6.8%), male partners mean 5.4 ± 18.0, median 0.0 (n : 421,
0: 64.4%, missing data: 53.6%). For female respondents, male
partners for the past year were mean 13.5 ± 28.3,median 2 (n : 313,
0: 3.5%, missing data: 5.4%),and female partners for the past year
were mean 1.9 ± 6.1, median 0, (n: 200, 0: 58.5%, missing
data: 39.6%). Percentages given here and in the tables are based on
excluded missing data and thus when missing data percentages are
ad de d, will sum to >100%. For self-identified sexual orientation, group
sizes for males were homosexual 50,bisexual 117, heterosexual 719,
and for females, lesbian 10, bisexual 95, and heterosexual 220.
Differences for sexual orientation have been described elsewhere
(Ross, Wodak, Gold & Miller, 1992),as has sexual behaviour of the
sample (Ross, Wodak & Gold, 1992).
The results of the nature of the last sexual contact are described in
Table 1. It is apparent that for male respondents, the proportional
percentage of the last sexual contact was heterosexual female nonprostitute
for nearly three-quarters (74.1%). Nearly one-third (31.5%)
were women who did not inject drugs, 11.2% were female prostitutes,
and a further 13.3% of last contacts were with male partners. For
female respondents, the proportional percentage of the last sexual
contact followed a similar distribution, with a greater proportion
(85.3%) of last sexual partners being heterosexual non-prostitute men.
However, a greater proportion of partners of women were IDUs
83

84 Revue sexologique / Sexological Review
TABLE 1
Nature of last sexual contact of
Injecting Drug Users
RESPONDENTS
Males Females
n=699 n=258
SEXAL PARTNERS n % n %
Male Homosexual Prostitute IOU 4 (0.6)
Non-IOU 2 (0.3)
Not prostitute IOU 17 (2.4) 3 (1.2)
Bisexual Prostitute mu
Non-IOU
Not prostitute mu
Non-IOU
Non-IOU 42 (6.0) 0
Heterosexual Prostitute IOU 1 (0.1) 4 (1.6)
Non-IOU
Not prostitute mu 11 (1.6) 16 (63.6)
Non-IOU · 16 (2.3) 56 (21.7)
Female Homosexual Prostitute mu 1 (0.4)
Non-IOU
Not prostitute mu 1 (0.1) 9 (3.5)
Non-IOU 3 (0.4) 3 (1.2)
Bisexual Prostitute mu
Non-IOU
Not prostitute IOU
Non-IOU
Heterosexual Prostitute mu 78 (11.2) 3 (1.2)
Non-IOU 6 (0.9) 2 (0.8)
Not prostitute IOU 29 8 (42.6) 9 (3.5)
Non-IOU 220 (31.5) 4 (1.6)
(75.0%) compared with partners of the male respondents (58.6%). Over
one i ten (11.8%) of the last sexual contacts were with other women.
No respondent described bisexual contacts.
The nature of the second-Iast sexual contact is described i Table 2.
Again, for females for the second-Iast sexual contact 61.3% were with
IOUs, compared with 45.9% for males. It is apparent that while there is
general similarity between last and second-Iast partner on most

Sexual Parner Choice in Injecting Drug Users
TABLE 2
Nature of second-Iast sexual contct of
Injecting Drug Users
RESPONDENTS
(7.4)
85
Males Females
n::699 n:: 258
SEXAL PARTNERS n % n 0 /0
Male Homosexual Prostitute mu 1 (0.2)
Non-IDU 2 (0.3)
Not prostitute mu 15 (2.3) 1 (0.4)
Bisexual Prostitute mu
Non-IDU
Not prostitute mu
Non-IDU
Non-IDU 45 (7.0) 2 (0.8)
Heterosexual Prostitute mu 3 (0.5) 1 (0.4)
Non-IDU
Not prostitute mu 8 (1.2) 114 (47.9)
Non-IDU 13 (2.0) 76 (31.9)
Female Homosexual Prostitute mu 1 (0.4)
Non-IDU
Not prostitute mu 2 (0.3) 8 (3.4)
Non-IDU 2 (0.3) 1 (4.2)
Bisexual Prostitute mu
Non-IDU
Not prostitute mu
Non-IDU
Heterosexual Prostitute mu 48 6 (2.5)
Non-IDU 12 (1.9)
Not prostitute mu 22 0 (34.0) 1 (6.3)
Non-IDU 276 (42.7) 4 (1.7)
categories, for both male and female respondents the IDU status of the
heterosexual non-prostitute was reversed (for last contact, 42.6% IDU
and 31.5% non-IDU partners; for second-Iast, 34.0% IDU and 42.7%
non-IDU partners). These differences between the last and second-Iast
contact categories were significant for both males (X2 = 29.6, df:: 12,
p = .003) and females (X2 :: 24.4, df:: 11, p :: .01). Again, no respondent
noted bisexual contacts.

86 Revue sexologique / Sexological Review
Twenty-seven of the males and 37 of the females indicated that
prostitution was a regular form of income for them. For the female
prostitutes, there were approximately equal proportions whose last
(56.8%) and second-Iast (48.6%) partners were IDUs. For the total
sample, 4.0% indicated that they had had no sexual partners in the
past year.
DISCUSSION
The representativeness of samples of IDUs is problematic as the size
and characteristics of the drug-using population in a corunity has
never been defined confidently. However, this is a large sample,
recruited systematically, and the demographic characteristics are
comparable with other studies of IDUs in Australia. Self-report of
sexual behaviours (Mc Law s, Oldenburg, Ross & Cooper, 1990) and
drug use behaviours (Darke, Hall, Heather, Ward & Wodak, 1991) in
IDUs has been demonstrated to be of acceptable reliability and validity
provided that, as in this study, data are collected following specific
guidelines. Although reliability and validity may be an additional
source of error, this is unlikely to result in systematic bias. The effect
of excluding cases with missing data (those who reported no sexual
activity in the past year, or did not know the characteristics of their
sexual partners) is unknown. Further, this study, in common with
most otJer published studies on sexual behaviour in IDUs, lacks a
control group of comparable non-IDUs, so that comparisons with
sexual activity in peers cannot be made.
With these caveats, it is possible to provide data on sexual parter
selectivity and contact rates between infected and uninfected
populations. Fordyce et al. (1991) have developed a model which
estimated the average numbers of sexual partners per year among
women aged 15-44 along with estimates of sexual activity. However,
their model relies on back-calculation from the susceptible
population. In order to calculate from the infected population, it is
necessary to provide data on the sexual parter choice in the potential
transmitters of HIV (both forward calculation and back calculation
also require data on HIV prevalence). Until now, precise data on
sexual partner choice in IDUs have not been available. While Sasse et
al. (1991) provided data on whether IDUs had exclusively IDU
partners, exclusively non-IDU partners, or a combination of both IDU
and non-IDU partners in their major study in Italy, further precision
for estimation of the type of sexual partners of IDUs is lacking. What
is needed is a clear indication of the range and frequency of types of

Sexual Panner Choice in Injecting Drug Users
sexual partners of IOUs and an indication of their variability over
time.
These data indicate that proportional percentage of sexual contact in
Australian IOUs is obtainable. Sexual partners are clustered about
heterosexual contacts, with there being a tendency for male IOUs to
have more IOU heterosexual partners in the data on the last sexual
contact, but this being reversed for IOU status for the second-Iast
sexual contact. This reversaI of IOU status of partner did not occur for
the female respondents, where for both the last and second-Iast sexual
contact, heterosexual partners were more likely to be IOUs. This could
also possibly reflect a greater certainty about regular as opposed to
casual partners. These data suggest that the evidence for female IOUs
being more likely to have IOU sexual partners is supported, but that
the situation is mu ch less stable for male IOUs. Certainly the clear
distinction between male and female IOUs in terms of proportional
percentage of IOU partners which has been made in previous work is
less clear in the second-Iast sexual contact, suggesting again that, at
least in this sample, while there is a tendency for male IOUs to have a
lower proportion of IOU sexual partners than females, the difference
is not of great magnitude. This is supported by the significant
difference between both males and females for last and second-Iast
sexual contact proportional percent ages, which suggests more mixing
of IOU and non-IOU contacts that previous evidence would suggest.
The lack of bisexual contacts being noted by any respondent suggests
that either bisexuality is not coron or is not coronly recognized
or discussed. This has implications for recognition that partners may
have had both same- and opposite-sex partners and suggests that it is
not likely to be considered or suspected. In particular, it is interesting
from an examination of Tables 1 and 2 to note that the sexual
orientation of same-gender sexual contacts has been labelled as
heterosexuaI. This is particularly interesting as it suggests that the
respondents labelled their sexual contacts on a binary classification
system, probably according to the sexual partner's predominant or
previous apparent sexual partners. These data suggest that this
population may not utilize the concept of "bisexual" and consequently
that HIV education campaigns which emphasize risk of bisexual
contact may not have much impact. The concept of "bisexuality" may
have more practical significance to behavioural epidemiologists than
the general population. As bisexual contact may be a major risk for
transmission from the subpopulation with male-to-male contact to
women, this has serious implications for spread of HIV.
87

88 Revue sexologique / Sexological Review
For homosexual partners, the data suggest that for male
respondents, homosexual contacts are twice as likely to be non-IDUs.
This finding is consistent with the epidemic in Sydney spreading from
homosexually active men to IDUs. It may also provide one
explanation as to why the growth of the HIV epidemic in its first ten
years in Australia has been slower in IDUs compared with that in
other developing countries. A corollary of this is that there will be
potentially greater spread of HIV in non-IDU heterosexual people
when the pool of infected IDUs enlarges. For female respondents, the
tendency is for the converse to occur (i.e., for lesbian contacts to be
more likely with other IDU women). These data on same-sex contacts
(13.3% for males, 12.2% for females for the last contact) are higher
than general population estima tes of the number of men in the
general Australian population who report same-sex contact with
other men in their lifetime (11.2%; 6.1% in the past year: Ross, 1988)
and even higher for women who reported sex with another woman
in their lifetime (4.6%; 2.7% in the past year in the same study).
It must be emphasized that the identification of the sexual
orientation of partners (where this is known by the respondent) is
likely to be based on admission of self-identity of the partner or sore
other form of disclosure rather than by observation of their sexual
behaviour, and thus same-gender sexual contacts with apparently
heterosexual partners is reported. This could also be a function of
error variance, and thus these data, particularly those where small
percentages are reported, should be interpreted with caution. Further,
because of the stigmatized nature of homosexual (and to a lesser
extent bisexual) contacts, the tendency is probably toward under­
reporting. Nevertheless, it is of interest that around three-quarters of
the sample were able to give sufficient detail about sexual partners to
make an assessment of possible partner involvement in potentially
risky sexual activities.
In estimating level of risk in sexual contacts of IDUs, a critical
variable is whether the nature of the sexual contact was such as to
potentially transmit HIV. We have reported that for this sample,
between a quarter and a third of the time heterosexual men use
condoms for vaginal sex with aH partners, and between a quarter and
a half of the time heterosexual women use condoms for vaginal sex
with aH partners (Ross, Wodak & Gold, 1992), with there being lower
proportions for regular partners and higher proportions for
homosexual and to a lesser extent bisexual men for penetrative sex.

Sexual Partner Choice in Injecting Drg Users
It is thus possible, from these data, to estimate a one-year
proportional percentage for at-risk activities in this sam pIe by
providing data on the proportional percentage of sexual contacts in
IDUs as well as number of partners. The small number of cases who
reported no sexual contact in the past year (less than 5%) suggests that
these estima tes are reasonably accu rate although deady the
proportion of non-sexually active respondents must be taken into
account in estimation of HIV infection risk. A knowledge of the
distribution of partner type and number is essential to estimating HIV
spread from and within IDUs, particularly to heterosexual persons
with no other risk factors. However, a knowledge of the precise HIV
infection risk is also needed, and this would involve not only a
description of the type of sexual partner, but also the precise nature of
the sexual interaction on the last sexual encounter. We do not have
such data for this sample. Co-factors, such as STDs, and the fact that
intoxication during sexual activity is commonly reported for IDUs,
will also affect HIV transmission and the probability of safer sex.
ln addition to the advantages of more accurate estimation of the risk
of HIV transmission among and from IDUs, there are two further
significant advantages in the method used in this study. The use of a
"critical incident" as opposed to a general recollection of sexual
behaviour is more likely to aid ace urate recall of incidents past by
seeking recall of the context and actors in a specifie interaction.
Second, in an epidemiological sense, it can act, in a sufficiently large
sample, to give a proportional estima te of the distribution of
behaviours. To use this, additional information on frequency of such
behaviours within a specifie period as well as partner numbers is
required. Temporal distribution of sexual behaviour must also be
taken into account, as there are large seasonal distributions in STD
rates which suggest that sexual behaviour is not evenly distributed
across the year. Using last and second-Iast contacts in a sufficiently
large and hopefully as representative as possible a sample can also
provide an index of reliability or stability of the behaviours being
investigated as weIl as data on context.
ln summary, these data both demonstrate the use of a "critical
incident" (proportional percentage) measure to identify as accurately
as possible the distribution of types of individuals with whom sexual
behaviours are engaged in, and the relative stability of such data by
using as a comparison the previous sexual encounter. These data
suggest that the difference between male and female IDUs in terms of
IDU partners is not as great as has previously been estimated, and that,
89

90 Revue sex%gique / Sex%gica/ Review
particularly for male IDUs, there is more instability (mixing across
occasions) between IDU and non-IDU partners. Homosexual contact
accounted for more than one in ten of contacts for both males and
females, but bisexuality of partners was not recognized by any
respondent, suggesting that it is either not discussed or not considered
an option, and that it may have limited use as a risk concept in HIV
risk reduction campaigns, at least for IDUs. These latter points also
have major implications for spread of HIV beyond the commonly
recognized transmission groups in Western societies.
ACKNOWLEDGMENTS
This study was funded by a Commonwealth AIDS Research Grant
and forms part of a national study of HIV infection risks in IDUs. The
work of Michael Drury, Jill Thomas, SaI Renshaw, Peter Karlsson,
Vivienne Griffin, Leslie Armstrong, Neil Carroll, Simon Nimmo,
Helen Johns, Vanessa French, Leanne Alvos and Paul Fleming on
this study is gratefully acknowledged, as are the helpful comments of
Dr Jonathan Elford.
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92 Revue sexologique / Sexological Review
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L'ÉVALUATION DU RISQUE DE TRNSMISSION DU VfH CHEZ LES UDf:
UNE TECHNIQUE DES cc INCIDENTS CRITIQUES APPLIQUÉE AU CHOIX DU
RÉSUMÉ
PARTENAIRE SEXUEL
Cette étude a utilisé une technique des incidents critiques (pourcentages
proportionnels) pour décrire la nature et la distribution des dernier et avant­
dernier contacts sexuels chez 1 245 utilisateurs et utilisatrices de drogues
intraveineuses (UDV interviewés à Sydney, en Australie. Les proportions se
sont révélées relativement stables quant au dernier et à l'avant-dernier
contact sexuel. Chez les trois quarts des hommes, le dernier contact sexuel est
survenu avec une femme hétérosexuelle non-prostituée; chez 85 % des
femmes, le dernier contact est survenu avec un homme hétérosexuel non­
prostitué. Une plus grande proportion des partenaires des femmes étaient
UDI (75 %) en comparaison des partenaires des hommes (59 %). Le dernier
contact fut de nature homosexuelle chez 13 % des hommes et chez 12 % des
femmes; aucun(e) répondant(e) n'ayant décrit ses contacts comme bisexuels,
on peut déduire que les partenaires sont caractérisés par l'acte et non par
l'identité. Seulement 4 % des répondant(e)s n'avaient pas eu au moins un
contact sexuel au cours de la dernière année. Ces données indiquent qu'il est
possible d'évaluer les proportions de risque de transmission du VIH à partir
de données sur le dernier contact sexuel chez les UDI.
Mot cés
Utilisateurs de drogues intraveineuses; sexualité; épidémiologie; VIH;
comportement à risques.

Revue sexologique, 1993, vol. 1, no 1, 93-107
LA DÉPRESSION SEXUELLE CHEZ LES HOMMES
HOMOSEXUELS SÉROPOSITIFS AU VIH ET SES CORRÉLATS
RÉSUMÉ
PSYCHOSEXU ELSI
André DUPRAS*
Richard MORISSET**
La présente étude a examiné les liens entre des tendances psychosexuelles et
la dépression sexuelle chez quatre-vingt-huit hommes homosexuels
infectés par le virus du sida. Les analyses statistiques ont permis de
constater que la dépression sexuelle est corrélée positivement avec l'anxiété
sexuelle, la peur de la sexualité, le contrôle externe de sa vie sexuelle, le
changement de ses relations intimes et l'adoption d'attitudes homophobes.
La satisfaction, l'estime et l'affirmation sexuelles sont corrélées
négativement avec la dépression sexuelle. Plus les hommes sont dépressifs,
moins ils s'engagent dans des activités sexuelles, moins ils pratiquent des
comportements sexuels sécuritaires et moins ils cherchent des solutions
pour surmonter les difficultés sexuelles. Des programmes de consultation
doivent être mis sur pied pour aider les hommes homosexuels séropositifs
à surmonter leur dépression sexuelle et à promouvoir leur santé sexuelle.
Mots clés
Dépression sexuelle; homosexualité; séropositivité; tendances
psychosexuelles.
INTRODUCTION
L'annonce de la séropositivité au VIH déclenche un état de
dépression sexuelle chez de nombreuses personnes infectées par le
virus du sida. Cette réaction dépressive se traduit par la présence d'un
ensemble de symptômes précis, d'intensité variable et persistant dans
le temps qui entraînent des difficultés du fonctionnement sexuel
Ce texte fut présenté sous forme d'affiche à la 8e Conférence internationale sur le
sida tenue à Amsterdam du 19 au 24 juillet 1992.
Professeur au Département de sexologie de l'Université du Québec à Montréal,
c.P. 8888, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3P8.
* * Professeur titulaire à la Faculté de médecine de l'Université de Montréal et chef du
service de microbiologie et de maladies infectieuses de l'hôpital Hôtel-Dieu de
Montréal, Québec.

94 Revue sexologique / Sexological Review
général de l'individu. En s'inspirant de la définition clinique de la
dépression proposée par De Montigny (1980), il est possible de dégager
les symptômes suivants de la dépression sexuelle: la tristesse sexuelle
caractérisée par un malaise, une insatisfaction ou une douleur par
rapport à la sexualité qui empêche de se réjouir de sa vie sexuelle; le
désintéressement sexuel qui se manifeste par une baisse de la
motivation et une diminution de l'intérêt concernant les activités
sexuelles; le ralentissement sexuel qui prend l'aspect d'une baisse de
la libido et de la fréquence des activités sexuelles; l'isolement sexuel
qui s'exprime dans un comportement d'évitement des stimuli
sexuels.
Des chercheurs ont observé la présence de symptômes de dépression
sexuelle chez des hommes homosexuels infectés par le virus du sida,
plus particulièrement une diminution de l'intérêt sexuel et une baisse
de la satisfaction sexuelle. Gudefin et al. (1989) de même que Geels et
al. (1990) ont noté une chute importante du désir sexuel chez les
hommes homosexuels séropositifs. Fanning et al. (1992) rapportent
que la baisse du désir sexuel est plus fréquente chez les personnes
sidéennes (65 %) que chez les personnes séropositives (48 %), mais ces
dernières seraient plus perturbées lors de l'activité sexuelle (88 %) que
les personnes sidéennes (57 %). Green et al. (1992) signalent que 7 %
de leur échantillon de personnes séropositives et sidéennes ont subi
une altération de leur satisfaction sexuelle.
La détérioration de la vie sexuelle chez les personnes séropositives
peut prendre la forme de difficultés sexuelles. Meyer-Bahlburg et al.
(1991) ont observé que les hommes homosexuels séropositifs
signalaient davantage de manque d'intérêt sexuel, d'absence de plaisir
sexuel et de troubles de l'érection que les hommes homosexuels
séronégatifs; ils n'ont toutefois pas observé de différences
significatives entre les deux groupes concernant les troubles de
l'orgasme. Rochet et al. (1990) rapportent que 29 % des sujets
homosexuels séropositifs de leur étude présentaient des problèmes
sexuels. Un pourcentage élevé de personnes sidéennes semblent
rencontrer des problèmes sexuels puisque Tindall et al. (1992) ont
constaté que .51 % des hommes homosexuels ayant atteint un niveau
avancé de la maladie du sida avaient des difficultés sexuelles.
La dépression sexuelle chez les personnes séropositives
témoignerait de leurs difficultés d'adaptation psychosexuelle à leur
nouvelle condition de vie. Elles sont confrontées à des contraintes
sexuelles imposées et à des accommodements exigés par la
séropositivité. Cette situation les oblige à remettre en question leurs

La déprssion sexuelle chez les hommes homosexuels séropositif
façons de penser et d'agir en matière de sexualité. Le bouleversement
de leur vie sexuelle peut atteindre les différentes composantes de la
sexualité, entre autres la perception de leur corps, de leur identité
sexuelle et de leurs rapports sexuels. Par la présente étude, nous avons
voulu approfondir les répercussions sexologiques de la séropositivité
en reconnaissant les composantes psychosexuelles de la dépression
sexuelle chez un groupe d'hommes homosexuels infectés par le virus
du sida.
Les sujets
MÉTHODOLOGIE
Pour réaliser les objectifs de l'étude, nous avons eu recours à un
échantillon non probabiliste composé de volontaires. Au point de
départ, nous avons sollicité et obtenu la collaboration de médecins
omnipraticiens, de psychologues et de travailleurs sociaux oeuvrant
dans des cliniques privées ou publiques reconnues pour leur clientèle
considérable de patients séropositifs. Nous demandions à ces
personnes relais de profiter de la consultation médicale ou
psychosociale pour remettre un questionnaire au patient.
Parallèlement, des enveloppes contenant le questionnaire ont été
distribuées dans des lieux publics fréquentés par des hommes
homosexuels.
Les participants devaient répondre aux critères d'inclusion
suivants: être de sexe masculin, d'orientation homosexuelle, âgé de
18 ans et plus, francophone, séropositif au VIH et aux stades CDC 2
(asymptomatique) ou CDC 3 (symptomatique sans signes physiques
associés au sida). Les personnes aux stades CDC 4 ayant des maladies
associées au sida de même que celles ayant des troubles psychiatriques
n'étaient pas admissibles.
Ces stratégies de recrutement nous ont permis de joindre 88
hommes homosexuels séropositifs. Comme l'indique le tableau 1, les
répondants sont âgés de 23 à 62 ans et leur moyenne d'âge est de 35,1
ans. La plupart d'entre eux sont nés au Canada (93,2 %). La majorité
des sujets sont célibataires (78,4 %) et vivent seuls (44,3 %) ou vivent
en couple avec un partenaire homosexuel (33 %). Le tiers des sujets
(33 %) ont un diplôme universitaire tandis que 27,3 % ont un diplôme
de niveau collégial ou ont débuté des études universitaires. Sur les
plans de l'emploi et du revenu, 60,2 % des sujets ont un emploi à
temps plein et 45,4 % ont u revenu supérieur à 30 000 $.
La majorité des sujets se considèrent peu ou non religieux (65,9 %)
et assistent rarement ou jamais (71,6 %) à des services religieux.
95

96
Revue sexologique 1 Sexological Review
TABLEAU 1
Réparition des répondants au questionnaire
selon ceraines caractéristiques personnelles
Âge
N %
Moins de 30 ans 25 28,4
30 à 34 ans 17 19,3
35 à 39 as 30 34,1
40 ans et plus 16 18,2
Situation de famille
Célibataire 69 78,4
Marié 1 1,1
Séparé 5 5,7
Divorcé 12 13,7
Veuf 1 1,1
Habitation
Seul 39 44,3
Partenaire homosexuel 29 33,0
Épouse 1 1,1
Ami(s) 14 15,9
Membre(s) de la famille 5
Scolarité
53
5,7
Secondaire ou 17 19,3
professionnel (en partie)
Professionnel (terminé) ou 18 20,4
collégial (en partie)
Collégial (terminé) ou 24 27,3
université (en partie)
Université (terminée) 29 33,0
Situation d'emploi
Temps plein 60,2
Temps partiel 17 19,3
Sans emploi 18 20,5
Revenu
Moins de 20 000 $ 27 30,7
20 000 à 29 999 $ 21 23,9
30 000 à 39 999 $ 17 19,3
40 000 $ et plus 23 26,1

La dépression sexuelle chez les hommes homosexuels séropositif
Religiosité
TABLEAU 1 (suite)
N 0/0
Très 2 2,3
Assez 2 31,8
Peu 3 43,2
Non X 22,7
Pratique religieuse
Très souvent 1 1,1
Souvent 6 6,8
Parfois 18 20,5
Rarement 2 28,4
Jamais 3 43,2
Spiritualité
Très importante 2 23,9
Assez importante 3 39,8
Peu importante 2 29,5
Pas importante 6 6,8
Diagnostic
Moins de 23 mois ' 30,7
24 à 47 mois 2 32,9
48 mois et plus 3 36,4
Mode de contamination
Rapports sexuels 7 88,7
Injection 2 2,3
Autre 1 1,1
Mixte 4 4,5
Ne savent pas 3 3,4
Stade de la maladie
Asymptomatique 6 71,6
Sym ptoma tique 2 28,4
Décompte de lymphocytes
Moins de 200 3 37,S
200 à 499 2 33,0
500 et plus 2 29,5
97

98 Reve sexologique / Sexological Review
Soulignons toutefois que 63,7 % des sujets rapportent que la vie
spirituelle est assez ou très importante pour eux. Les sujets savent
qu'ils sont séropositifs au VIH depuis 37,7 mois en moyenne. La
plupart des sujets (88,7 %) pensent qu'ils ont été infectés lors d'une
activité sexuelle. Par rapport aux stades de la maladie, 71,6 % se
décrivent comme asymptomatiques et 28,4 % ont des symptômes
physiques persistants non associés au sida. Le décompte de
lymphocytes T4 des sujets s'élève en moyenne à 313,4.
Le questionnaire
La «Multidimensional Sexuality Scale» de Snell et Fisher (1991),
composée de 60 questions, a été utilisée pour mesurer 12 tendances
psychosexuelles: (1) l'estime sexuelle indique que l'individu s'évalue
positivement par rapport aux différents aspects de sa vie sexuelle (e de
Cronbach de 0,76) ; (2) la préoccupation sexuelle traduit la tendance à
être absorbé et obsédé par sa vie sexuelle (e de 0,88) ; (3) le contrôle
sexuel interne fait référence à la conviction que l'on maîtrise
personnellement sa vie sexuelle, qu'on l'influence et qu'on la dirige
(e de 0,62); (4) la conscience de soi sexuel fait appel à la prise de
conscience de sa dynamique sexuelle intérieure (e de 0,67) ; (5) la
motivation sexuelle indique la détermination à s'engager dans des
activités sexuelles (e de 0,76) ; (6) l'anxiété sexuelle fait référence à
l'inconfort et aux tensions ressentis à l'égard de sa vie sexuelle (e de
0,81) ; (7) l'affirmation sexuelle mesure la tendance à s'affirmer dans
les différents aspects de sa sexualité (e de 0,76); (8) la dépression
sexuelle reflète la tendance à évaluer son vécu sexuel d'une manière
négative et à se sentir déprimé à l'égard de ses capacités de vivre une
relation d'intimité (e de 0,86); (9) le contrôle sexuel externe renvoie à
la croyance qu'on n'a pas d'emprise sur sa sexualité, qu'elle est
déterminée par des forces extérieures à soi (e de 0,80); (10) la
perception sociale de sa sexualité fait référence à l'importance accordée
aux réactions et aux opinions des autres concerant sa sexualité (e de
0,65) ; (11) la peur de la sexualité témoigne des craintes à s'engager
dans des activités sexuelles (e de 0,80) ; (12) la satisfaction sexuelle
témoigne que la vie sexuelle correspond aux attentes de l'individu (e
de 0,90). Pour chacun des énoncés, les sujets ont indiqué, sur une
échelle de Likert en 5 points (de « Tout à fait différent de moi» = 0 à
«Exactement comme moi» = 4), le degré de similarité entre ce qu'ils
vivent et ce qui les décrit. Pour chaque échelle, les scores possibles
s'étalent de 0 à 20.

La dépression sexuelle chez les hommes homosexuels séropositif
La « Sexual Function and Dysfunction Scale » de Gellman et Murray
(Gellman, 1985) a permis d'évaluer la présence d'une inhibition de
l'appétence sexuelle ou de modifications psychophysiologiques de la
réponse sexuelle; cet instrument a retenu notre attention parce qu'il
utilise le modèle de Kaplan (1974) de la dysfonction sexuelle (troubles
du désir sexuet de l'excitation sexuelle et de l'orgasme) et q'il
permet de reconnaître huit difficultés sexuelles (manque de désir
sexuel; impuissance primaire, secondaire et situationnelle;
éjaculation précoce; inhibition éjaculatoire primaire, secondaire et
situationnelle) et de savoir si le répondant considère le trouble
rencontré comme un problème. Pour être classés dysfonctionnels, les
participants devaient indiquer qu'ils avaient rencontré l'une de ces
difficultés selon l'une des fréquences suivantes: parfois, souvent ou
presque toujours.
Une autre section du questionnaire portait sur l'impact de la
séropositivité sur leur vie sexuelle individuelle et relationnelle.
L'instrument utilisé est une version adaptée de la «Intimate
Relationship Sc ale » de Hetherington et Soeken (1990) qui présente 12
énoncés conçus pour mesurer les changements de comportements, de
sentiments et d'émotions sexuels à la suite d'un événement. Deux
séries de 12 énoncés portant sur la relation sexuelle furent construites
afin de tenir compte du type de partenaire sexuel (occasionnel ou
régulier). Les répondants indiquaient le degré de changement pour
chacun des énoncés en utilisant une échelle de réponse de type Lykert
en cinq points (beaucoup moins, moins, comme avant, plus,
beaucoup plus) permettant ainsi d'obtenir une échelle s'étalant de 12
(changement positif) à 60 (changement négatif). Le coefficient de
fiabilité pour l'échelle de modifications de la relation sexuelle avec
des partenaires occasionnels est de 0,82; pour l'échelle concernant le
partenaire régulier, le coefficient est de 0,90.
Le «Nungesser Homosexual Attitudes Inventory» (Nungesser,
1983), traduit en français, a été utilisé pour mesurer les attitudes à
l'égard de l'orientation homosexuelle; cet instrument comprend 34
énoncés répartis en trois sous-échelles: (1) les attitudes vis-à-vis de ses
sentiments et comportements homosexuels, (2) les attitudes à l'égard
de l'homosexualité en général; (3) les attitudes envers la divulgation
de son homosexualité. Les répondants devaient indiquer leur opinion
à l'égard de ces énoncés en utilisant une échelle de type Lykert en 5
points (tout à fait en désaccord; en désaccord; indifférent; d'accord;
tout à fait d'accord). L'addition des scores des trois sous-échelles
permet d'établir un continuum dont les extrémités sont 34 (attitude
99

100 Revue sexologique / Sexological Review
négative) et 170 (attitude positive). Le coefficient de Cronbach pour
cette échelle est de 0,89.
Une autre section du questionnaire mesurait l'écart entre les
objectifs de santé sexuelle visés et ceux atteints. Les objectifs ont
permis de construire trois échelles. Avoir des activités sexuelles
comprend quinze comportements sexuels dont la séquence débute par
les baisers sensuels et se termine par la pénétration anale (e de 0,86).
Avoir des pratiques sexuelles sécuritaires est constitué de sept objectifs
associés au fait de connaître et de pratiquer le sécurisexe (e de 0,91).
Avoir du support regroupe sept objectifs faisant référence à la
recherche de solutions pour surmonter des difficultés sexuelles (e de
0,86). Les sujets devaient indiquer le degré d'importance et d'atteinte
(pas, peu, assez ou très important) de chacun des objectifs présentés.
RÉSULTATS
Le tableau 2 présente la seule variation significative de la dépression
sexuelle qui fut observée en tenant compte des caractéristiques
personnelles des participants. Ainsi, la dépression sexuelle devient de
plus en plus présente au fur et à mesure que la maladie du sida
progresse.
La dépression sexuelle est davantage prononcée chez les participants
rapportant des problèmes sexuels. Le tableau 3 indique que les 25
sujets ayant rencontré des difficultés sexuelles et les ayant jugées
comme problématiques se disent plus dépressifs que les sujets
fonctionnels (sans difficulté sexuelle) ou ceux qui ne considèrent pas
leurs difficultés sexuelles comme problématiques.
Les analyses de corrélation ont permis d'établir des correspondances
entre la dépression sexuelle et des tendances psychosexuelles (tableau
4). Signalons d'abord que plus les participants sont dépressifs, plus ils
sont anxieux par rapport à la sexualité; de plus, ils craignent
davantage les relations sexuelles, leur vie sexuelle est davantage régie
par les opinions des autres et, de plus, ils ont subi plus de
changements négatifs; ils ont davantage d'attitudes négatives à
l'égard de l'homosexualité. Mentionnons également que plus les
sujets sont dépressifs, moins ils sont satisfaits de leur vie sexuelle,
moins ils s'estiment sexuellement, moins ils s'affirment dans leurs
relations sexuelles en plus de moins s'engager dans des activités
sexuelles. Les répondants plus dépressifs ont moins souvent recours
aux pratiques sexuelles sécuritaires et font moins de démarches pour
trouver une solution à leurs difficultés sexuelles.

DURÉE
La déprssion sexuelle chez les hommes homosexuels séropositif 101
TABLEAU 2
Variation de la dépression sexuelle
dans les mois qui suivent la découvere de la séropositivité
Moins de 24 mois
24 à 47 mois
48 mois et plus
N
27
29
32
M
0,79
1,04
1,44
TABLEAU 3
ET
1,01
1,02
l,OS
F p
2,96 0,05
Variation de la dépression sexuelle
entre les sujets fonctionnels, dysfonctionnels et non problématiques
GROUPE N M ET F p
Fonctionnels 30 0,85 0,95 4,15 0,02
Dysfonctionnels 25 l,59 1,22
Non problématiques 25 1,0 0,73
Des analyses de régression multiple ont permis d'établir que
l'insatisfaction sexuelle (1 = - 0,58) et l'anxiété sexuelle (1 = 0,41) ont
été les deux principales variables explicatives de la dépression
sexuelle.
DISCUSSION
Des manifestations de dépression sexuelle chez des hommes
homosexuels séropositifs relatées dans des rapports cliniques
(Clément, 1988; George, 1990; Gochros, 1992) ont été retrouvées dans
la présente étude. Dans les mois qui suivent la découverte de la
séropositivité, on assiste à une diminution importante de l'intérêt
sexuel chez de nombreux hommes homosexuels infectés par le virus
du sida. Une aalyse de trente entretiens (Dupras et Morisset, 1991) de
même qu'une analyse quantitative des besoins sexuels et des facteurs

102 Revue sexologique / Sexological Review
TABLEAU 4
Corrélations entre la dépression sexuelle
et les variables psychosexuelles
VARIABLE r P
1. Anxiété sexuelle 0,84 0,0001
2. Peur des relations sexuelles 0,61 0,0001
3. Contrôle sexuel externe 0,55 0,0001
4. Changement de la relation intime 0,45 0,007
avec partenaire régulier
5. Changement de la relation intime 0,47 0,0001
avec partenaire(s) occasionnel(s)
6. Homophobie -0,38 0,0001
7. Satisfaction sexuelle -0,77 0,001
8. Estime sexuelle -0,70 0,0001
9. Affirmation sexuelle -0,62 0,0001
10. Activités sexuelles -0,45 0,0001
11. Pratiques sexuelles sécuritaires -0,44 0,0001
12. Support -0,42 0,0001
déterminants des dysfonctions sexuelles chez les sujets de la présente
étude (Dupras et Morisset, 1992a, b) ont permis de reconnaître la peur
d'infecter son partenaire sexuel comme le principal facteur explicatif
de la baisse de l'intérêt sexuel chez des hommes homosexuels
séropositifs. Ainsi, la crainte de transmettre le virus du sida
entraînerait des réactions anxiogènes, un inconfort lors des activités
sexuelles et une insatisfaction sexuelle qui viendraient à leur tour
provoquer un état de dépression sexuelle.
Soulignons également que ces réactions de dépression sexuelle par
rapport à la sexualité ne se limitent pas dans le temps à une phase
transitoire qui se résorbe six mois ou un an après l'annonce de la
séropositivité. Selon les analyses de variance effectuées dans la
présente étude, l'état de dépression sexuelle perdure et même
s'amplifie au cours des années. Cette donnée de recherche rejoint celle
de Rochet et al. (1990) concernant le peu de réinvestissement de la
sexualité chez les sujets homosexuels séropositifs de son enquête avec
un recul de deux ans en moyenne. Au risque d'une aggravation des

La dépression sexuelle chez les hommes homosexuels séropositif 103
symptômes, les hommes homosexuels séropositifs ne sont pas enclins
à demander du support pour surmonter leur dépression sexuelle.
Modrcin et Wyers (1990) ont également observé que les hommes
homosexuels sont réticents à demander l'aide d'un professionnel
pour surmonter leurs problèmes relationnels. La même réaction se
produit lorsqu'ils sont aux prises avec des situations stressantes reliées
à la séropositivité. Lamping et al. (1990) ont effectivement constaté
que les personnes séropositives ou sidéennes connaissent les services
en santé mentale mais qu'elles les utilisent rarement. De la même
façon, les hommes homosexuels vont probablement se fier à leurs
capacités personnelles pour surmonter leurs difficultés sexuelles et
hésiteront à demander l'aide d'un proche par apathie sexuelle ou par
crainte d'être davantage stigmatisés.
La dépression sexuelle produit une perturbation du fonctionnement
sexuel général qui se manifeste par des troubles de l'inhibition du
désir sexuel, de l'érection et de l'éjaculation. La détresse psychologique
et la détresse sexuelle constituent certes les principales causes de la
dysfonction sexuelle chez les hommes homosexuels séropositifs. Dans
leur étude, Lamping et al. (1992) ont constaté que la séropositivité
entraîne une détresse psychologique caractérisée par des sentiments de
dépression, d'angoisse, de colère et d'inquiétude. Comme il a été
vérifié dans la présente étude, il est compréhensible qu'un bon
nombre d'hommes homosexuels infectés par le virus du sida
connaissent des troubles sexuels. Derogatis et al. (1981) ont noté chez
les sujets ayant une inhibition du désir sexuel des réactions de
dépression, de somatisation et d'anxiété phobique. Tondo et al. (1991)
de même que Safir et Almagor (1991) ont observé chez des hommes
ayant des troubles de l'érection des traits dépressifs et anxiogènes.
L'effet nocif de la dépression sexuelle sur l'équilibre psychique se
manifeste dans la tendance des participants plus dépressifs à s'engager
dans des activités sexuelles à risque élevé. Le manque d'estime et
d'affirmation sexuelles viennent miner leur efficacité à adopter des
comportements sexuels sécuritaires et à convaincre leur partenaire
d'éviter des pratiques sexuelles risquées. Dans le même sens, Kelly et
al. (1991) ont constaté que la dépression était corrélée positivement
avec la présence d'activités sexuelles à risque élevé chez des hommes
homosexuels séropositifs. Avoir une vie sexuelle sécuritaire peut être
difficile pour ces derniers étant donné que, pour Kelly (1991), changer
le comportement à haut risque est une tâche exigeante qui implique
l'acquisition de nouvelles habiletés, la modification du style de vie et
le soutien de l'environnement pour assurer le renforcement des

104 Revue sex%gique / Sex%gica/ Review
acquisitions. L'état dépressif n'encourage pas, au contraire, ce
processus de changement d'autant plus qu'ils ont tendance à rejeter
leur propre homosexualité. Sur ce derier point, Wolcott et al. (1986)
de même que Nicholson et Long (1990) rapportent que les attitudes
négatives à l'égard de l'homosexualité sont associées à des troubles de
l'humeur et à des réactions d'évitement chez les hommes
homosexuels séropositifs. Il devient alors impérieux que le suivi
psychosocial mette l'accent sur le développement d'une vision
positive de soi et de sa sexualité s'il veut induire l'adoption de
comportements sexuels sécuritaires chez les hommes homosexuels
infectés par le virus du sida.
De nombreuses personnes séropositives pourraient bénéficier d'un
counseling sexologique qui viendrait clarifier leurs émotions par
rapport à la sexualité et dénouer des crises sexuelles qu'elles peuvent
vivre. D'ailleurs, les conflits sexuels constituent l'une des difficultés
qui motivent les personnes séropositives à demander l'aide d'un
intervenant (Hanan et aL, 1991). Une intervention sexothérapeutique
de groupe semblable à celle expérimentée par Levine et al. (1991) pour
réduire la dépression chez les personnes séropositives pourrait être
tentée pour les aider à surmonter leur dépression sexuelle. Selon les
données recueillies, cette activité devrait avoir comme principal
objectif de réduire l'insatisfaction sexuelle et l'anxiété sexuelle chez
les participants. Cette intervention aurait certes pour conséquence
d'améliorer la qualité de vie des personnes séropositives.
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La dépression sexuelle chez les hommes homoseuels séropositif 107
PSYCHOSEXUAL CORREL TES OF SEXUAL DEPRESSION AMONG
ABSTRCT
HIV-POSITVE GAY MEN
The objective of this study was to examine psychosexual tendencies
associated with sexual depression among HIV positive gay men. Eighty­
eight HIV seropositive gay males were recruted from various health care
providers' practices and from community groups of Montreal. Psychosexual
tendencies were assessed by the Multidimensional Sexuality Questionnaire
of Snell and Fisher (1991), the Intimate Relationship Scale of Hetherington
and Soeken (1990), and the Nungesser Homosexual Attitudes Inventory
(1983). Sexual anxiety, fear of sexuality, external sexual control, changes in
intimate relationship with regular or occasional partner, and homophobia
were positively related with sexual depression. Sexual satisfaction, sexual
esteem, and sexual assertiveness were negatively related with sexual
depression. Men who reported being more sexually depressive a/so reported
/ess sexual activities, safer sex practices, and coping efforts concerning sexua/
matters. Counseling programs shou/d be deve/oped to reduce sexual
depression and promote sexua/ health among HIV positive gay men.
Keywords
Sexua/ depression; homosexua/ity; seropositivity; psychosexua/ tendencies.

La dépression sexuelle chez les hommes homoseuels séropositif 107
PSYCHOSEXUAL CORREL TES OF SEXUAL DEPRESSION AMONG
ABSTRCT
HIV-POSITVE GAY MEN
The objective of this study was to examine psychosexual tendencies
associated with sexual depression among HIV positive gay men. Eighty­
eight HIV seropositive gay males were recruted from various health care
providers' practices and from community groups of Montreal. Psychosexual
tendencies were assessed by the Multidimensional Sexuality Questionnaire
of Snell and Fisher (1991), the Intimate Relationship Scale of Hetherington
and Soeken (1990), and the Nungesser Homosexual Attitudes Inventory
(1983). Sexual anxiety, fear of sexuality, external sexual control, changes in
intimate relationship with regular or occasional partner, and homophobia
were positively related with sexual depression. Sexual satisfaction, sexual
esteem, and sexual assertiveness were negatively related with sexual
depression. Men who reported being more sexually depressive also reported
less sexual activities, safer sex practices, and coping efforts concerning sexual
matters. Counseling programs should be developed to reduce sexual
depression and promote sexual health among HIV positive gay men.
Keywords
Sexual depression; homosexuality; seropositivity; psychosexual tendencies.

RÉSUMÉ
Revue sexo!ogique, 1993, vol 1, n 1, 109-124
SIDA ET SEXUALITÉ DANS L FICTION ROMANESQUE
Joseph J. LÉV"
Alexis NOUss ..
Depuis l'apparition du sida, plusieurs romans, tant en langue française
qu'en langue anglaise, ont exploré les répercussions que cette épidémie
soulève quant à l'expression de la sexualité. À partir d'une analyse de
contenu de ces romans, les thèmes sociosexuels dominants sont comparés à
ceux que révèle la production littéraire sur la syphilis afin de dégager les
continuités et les ruptures dans la perception de la maladie et de l'érotisme.
Mots clés
Sida; fiction romanesque; homosexualité; érotisme; syphilis.
INTRODUCTION
L'épidémie du sida a certes provoqué, dans la pensée
contemporaine, une réflexion fondamentale sur les rapports entre la
maladie, la médecine et l'éthique, mais elle a aussi entraîné une
réévaluation des modèles sociosexuels dominants dont les prémisses
liées à la libéralisation sexuelle se voient remises en question
(Altman, 1986). À l'instar des autres épidémies ou maladies, le sida a
eu des répercussions sur le plan artistique et littéraire (Crimp, 1988 ;
Gilman, 1988; ÉQUINOXE, 1991), donnant notamment naissance à une
fiction romanesque considérable dont l'analyse est à ses débuts (voir
ÉQUINOXE, 1991 ;Lévy et Nouss, 1992). Comme l'a montré Laplantine
(1986), le matériau romanesque constitue une source d'informations à
partir de laquelle il est possible de dégager les constructions
socioculturelles de la maladie et les fantasmes qui l'entourent. C'est,
par exemple, le cas de la syphilis qui, au XIx e siècle, a servi de thème
important dans la création littéraire (Wald Lasowski, 1982). Selon cet
auteur, le traitement littéraire de la syphilis fait apparaître les lignes
de force essentielles suivantes: (1) la syphilis est une métaphore de la
modernité: elle est analogue à la circulation de l'argent «dont
. Professeur au Département de sexologie, Université du Québec à Montréal,
c.P. 8888, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3P8 .
•• Professeur au Département de linguistique et de traduction, Université de Montréal.

110 Revue sexologique / Sexologieal Review
l'anonymat fonde tous les rapports sociaux au coeur du monde
industriel» (id., p. 32); (2) elle est incarée par la prostituée, figure
anonyme, «centre-sexe unique sur lequel vont et viennent et se
branchent, un instant, des rayons subalternes» (id., p. 50); (3) elle
amplifie l'excitation sexuelle, intensification analogue à celle que
permettent l'alcool ou les drogues: « Syphilis est l'exotisme même, le
seul vrai excitant supérieur, capable de fouetter le désir, d'allumer
l'imagination» (id, p. 43). Revendiquée comme un choix, une
élection, elle présente donc un aspect valorisateur lié à l'épreuve
initiatrice qu'elle constitue; en même temps, cependant, la syphilis
introduit dans la relation sexuelle inquiétudes, anxiétés, peurs et
soupçons généralisés qui obligent à une réévaluation de la sexualité et
à un rapport obsessif avec cette dimension de l'être. Ce modèle
sociosexuel se retrouve-t-il dans le cas du sida? C'est ce que l'analyse
d'un corpus romanesque permet de révéler.
MÉTHODOLOGIE
Quatorze romans ou récits d'auteurs français de même que quinze
romans et recueils de nouvelles d'auteurs américains parus entre 1987
et 1992 constituent le corpus utilisé (Lévy et Nouss, 1992). Dans ce
corpus, la problématique du sida est essentiellement circonscrite au
milieu homosexuel, certains romans esquissant toutefois ses
répercussions sur le monde hétérosexuel. Les textes peuvent être
classés en deux types d'écriture selon qu'ils appartiennent à une
inspiration intimiste ou à une préoccupation davantage
sociopolitique. Les premiers, comprenant un nombre restreint de
personnages, traitent de l'expérience subjective du sida et de ses
contrecoups sur l'environnement familial ou amical. Les seconds
sont bâtis selon une structure plus complexe: l'intrigue et les
personnages sont plus détaillés et font une bonne part à l'analyse
politique et scientifique du phénomène. À partir d'une
lecture
attentive et répétée du corpus, nous avons dégagé les thèmes centraux
ainsi que les récurrences et les écarts significatifs portant sur la
construction de la maladie et de la sexualité. Cette méthodologie est
inspirée de celle élaborée par Glaser et Strauss (1967) et utilisée dans
l'analyse qualitative de corpus romanesques (voir, par exemple,
Merriam, 1980). Cette méthodologie, la «grounded theory», consiste à
comparer des données issues du corpus dans un processus de
catégorisation qui est concomitant au processus d'analyse.

Sida et sexualité dans la fiction romanesque
ANALYSE
111
Tout comme la syphilis à son époque, le sida est nettement associé à
la modernité, et ce à plusieurs niveaux. La notion de moderité ou de
nouveauté est accolée à un référent épidémique plus ancien ayant
marqué la conscience occidentale: la peste joue surtout ce rôle. Dans
notre corpus, le sida est dénommé « la nouvelle peste » (Fernandez,
1988, p. 75), « la peste modere » (Hocquenghem, 1989, p. 140), « cette
peste de fin de siècle » (Navarre, 1991, p. 12), « version modere de la
peste» (Luria, 1985, p. 73). Le corpus ne fait nullement mention
directe de la syphilis comme référent généalogique. La non-létalité de
la syphilis dans l'imaginaire social contemporain, son association
avec la prostitution et l'hétérosexualité peuvent expliquer cette
absence. En second lieu, le sida est associé étroitement aux
mécanismes de circulation socioculturels et sexuels. L'Afrique qui,
dans la pensée occidentale, est associée à l'instinctif, au primaire ainsi
qu'au sexe, a une place privilégiée dans l'étiologie supposée de la
maladie, comme ce fut déjà le cas pour la syphilis (Wald Lasowski,
1982; Bibeau, 1991). Quelques romans y font référence en amplifiant
toutefois la dimension fantasmatique par la liaison établie avec la
sorcellerie et le maléfique dont les anthropologues ont montré
l'importance dans les modèles médicaux africains ou modernes
(Fainzang, 1989). À une régression psychologique individuelle
provoquée par la maladie s'ajoute une régression phylogénétique
d'ordre fantasmatique liée au continent noir, qui insiste en particulier
sur l'origine simiesque de la transmission du virus:
[ . ..] J'ai vécu en Afrique et nous connaissions depuis longtemps le sida
même si nous ne l'appelions pas ainsi, nous savions que les singes
étaient un réservoir de virus et que certaines espèces comme le singe vert
y étaient particulièrement sensibles. (De Mellis, 1988, p. 18-19)
Muzil, ignorant la teneur de ce qui le rongeait, l'avait dit sur son lit
d'hôpital, avant que les savants le découvrent: « C'est un machin qui
doit nous venir d'Afrique. » Le Sida, qui a transité par le sang des singes
verts, est une maladie de sorciers, d'envoûteurs. » (Guibert, 1990, p. 17;
voir aussi Chapsal, 1988, p. 11)
L'accusation qui, à la Renaissance, attribuait aux marins la
transmission de la syphilis connaît un nouvel avatar lié aux
développement des échanges internationaux. Le développement du
tourisme et ses corollaires sexuels, la réputation de libertinage des
équipages d'avion aisi que leur mobilité intercontinentale extrême

112 Revue sexologique / Sexological Review
constituent un ensemble de facteurs qui expliquent la désignation de
cette catégorie socioprofessionnelle. L'avion représente aussi la
modernité dans son paradigme circulatoire et, à ce titre, la perception
du sida, tout en fonctionnant d'après des modèles épidémiques
archaïques, choisit dans la fabrication de ses représentations des
éléments mythiques mais contemporains:
Bernard had an image of airline stewards (flight attendants, whatever
euphemism you cared to choose) as sheer vectors of sexual transmission,
their buttocks a blur ail the time they weren't actually handing out soft
drinks and headphones. (Mars-Jones, 1988, p. 88-89)
Le thème de l'échange et de la circulation constitue une perspective
importante dans l'interprétation de l'épidémie qui s'inscrirait dans
une vision cyclique de l'histoire. Elle serait l'aboutissement de la
modernisation des moeurs sexuelles et l'expression de ses limites:
Ne trouves-tu pas étrange, et stimulante pour la réflexion, la coïncidence
de ces deux faits: d'une part la libération des moeurs, la rupture de toutes
les contraintes qui subordonnaient le plaisir à l'amour, le sexe au
sentiment. [ .. .] Toute plénitude, peut-être, porte en elle le ferment de sa
destruction. Tout ce qui se réalise trop parfaitement appelle le germe
exterminateur. (Fernandez, 1988, p. 86-87)
La thèse économique se rapproche des modèles que Georges Bataille
(1980) a élaborés autour de la «part maudite» et qui associent
l'échange économique et l'échange sexuel comme faisant partie d'un
même mouvement. Walter Benjamin (1982) a par ailleurs montré le
lien vital dans la modernité entre la circulation de l'argent et la
mobilité sexuelle, lien affirmant le règne de la consommation et de la
marchandise. La dynamique de propagation du sida l'inscrit d'emblée
dans cette perspective:
Le Sida est là-
C'est un virus fiduciaire! D'après les banques, il y a trop de liquidités,
c'est-à-dire de monnaie liquide, dans le monde, et pas assez
d'investissements. Alors c'est cette voie, la voie liquide qu'a prise le Sida
pour contraindre l'Europe, en fait tout l'Occident, États-Unis et Russie
compris, à partager avec le tiers monde et les pays en voie de
développement. [... ] Et ce partage, le partage du mal- à défaut du partage
des biens! - a lieu sous les auspices de l'amour. .. De la grande cari tas
amoureuse! De l'orgie, quoi...
[.. .] Eh bien, voilà que le partage de ce à quoi ils s'attendaient le moins,
celui de la mort, leur est imposé! Par la nature, en plus, cette salope!
(Chapsal, 1988, p. 152-153)

239)
Sida et sexualité dans la fiction romanesque
113
Dans un processus déjà évoqué pour la syphilis, le mouvement de
conquête des pays pauvres par les pays riches entraîne un effet inverse
où les conquérants rapportent un mal qui leur sera funeste:
- [... ] Et par une voie qu'ils n'avaient pas songé à interdire, qu'aucun
barrage douanier n'est en mesure de fermer, la voie du sexe et du sang !...
Désormais, la route que prenaient nos ancêtres pour aller dépouiller les
peuples primitifs et les continents lointains, la route de la soie, la route de
l'or, la route de l'ivoire et de l'ébène, fait enfin retour! Elle est devenue
la route du sang contaminé [ ... ]. (Chapsal, 1988, id.)
Contrairement au modèle littéraire de la syphilis, notre corpus ne
contient pas la figure de la prostituée (qui incarnait la circulation
sexuelle responsable de la transmission syphilitique), les rares femmes
y étant essentiellement présentées comme des victimes. La figure de
l'homosexuel, qui n'a jamais été véritablement intégrée dans la
conscience occidentale, la remplace alors, devenant un révélateur des
perceptions par la plupart des minorités sexuelles et des fantasmes
qu'elle entretient sur leur vie sexuelle, synonyme de circulation et
d'échange et donc responsable de la propagation virale. La libération
sexuelle est une des dernières de la société moderne et le groupe gay
est, par son style de vie, à la pointe de cette émancipation, certains de
ses membres revendiquant une dynamique de libre échange où le
désir peut s'exprimer avec le minimum d'interdits:
[I]t was the result of natural forces magnified by great numbers, into a
phenomenon. Tandem notions of attachment and sex were meticulously,
scrupulously disentangled. For them as for no other generation, it could
be either, instead of both or neither one. (Ferro, 1989, p. 89-90)
But you've misunderstood the sexual revolution. It was much less about
being promiscuous than about seeing that sex can be healthy and natural,
that human nature is good, not sinful. The major aim was education and
willingness to talk about our bodies without guilt or embarrassment.
Ironically AIDS has forced that education and frank talk. (Johnson, 1987,
p. 219; voir aussi Fernandez, 1988, p. 37; Champagne, 1988, p. 20, 71 ;
Duplechan, 1989, p. 154; Collard, 1989, p. 16-17, 38-39; Mains, 1989, p. 151,
Le sida qui, dès son origine, a été associé à l'homosexualité (

114 Revue sexologique / Sexological Review
réintroduit dans le groupe homosexuel un ensemble de tensions qui
remettent en question les acquis des luttes menées pour éliminer ou
réduire la discrimination homophobe, ce qui affecte le bien-être
psychologique des gays et leur visibilité sociale:
"My friends didn't grow up having sex in bathrooms with strangers. We
wanted to take our boyfriends home for Sunday dinner with the family.
It's different now. Because of AIDS, because of other things too, [...]
different attitudes." (Champagne, 1988, p. 102)
"1 think even if 1 did have my health back l'd be very disoriented," he
began. "Because the gay world seems to have gone in a very different
direction. l'm like the last remaining guest at a party; everyone has gone
home but l'm not ready to. 'Last caU.' It's fear. 1 wasn't prepared for the
conservative eighties. My friends aU belonged to a different period."
(Redon, 1988, p. 103)
Cette autodépréciation peut aller jusqu'à faire attribuer l'origine de
l'infection à des structures psychologiques particulières aux
homosexuels, comme le narcissisme:
[ . ..] Kirkegaard said people who are infinitely interested in themselves are
drawn to sickness. And aren't gay men infinitely interested in
themselves, anyway? And isn't AIDS the perfect narcissistic illnèss-a
need to indulge oneself? (Redon, 1988, p. 34)
Les homosexuels, les plus jeunes en particulier, sont de nouveau
soumis aux aléas d'une identité qui ne semble pas pouvoir se libérer
d'une fatalité récurrente et incontournable que semble suggérer
l'épidémie. Celle-ci réintroduit dans l'existence homosexuelle un
ensemble de contraintes que les luttes sociopolitiques et personnelles
avaient amoindries. Le pessimisme face au futur se conjugue à
l'évaluation des acquis et aux combats ultérieurs à mener. Le retour à
des relations interpersonnelles problématiques ainsi que les
sentiments de peur et de solitude attendent ceux qui revendiquent
cette orientation sexuelle:
Gay liberation was such a relief. It meant we did'nt have to be lonely
anymore. But now AIDS has spoiled the dreams of a future with easy
relationships. [...] We've aU been trying to create a world that the next
generation of gay kids could grow up in without feeling the terror and the
loneliness, now we've got to create a world they can grow up into
without disease. Oohnson, 1987, p. 42-43)
Dans cette perspective, le sida devient un moyen de renforcer la
conscience identitaire homosexuelle:

Sida et sexualité dans la fiction romanesque
[... ] Maybe something has always existed to keep us fighting for our lives,
fighting to be ourselves. Maybe it is another test, a way of making us
stronger. Or maybe it is just another disease, like syphilis before
penicillin. Maybe it is just a coincidence that it affected gay men first.
(Champagne, 1988, p. 126-127)
115
En établissant directement et brutalement le lien entre éros et
thanatos ( < Le prix de la sexualité, c'est la mort... » - Hocquenghem,
1989, p. 290; «Sex equals death. Libido equals Thanatos» - Feinberg,
1991, p. 19), entre éros et la maladie (

116 Revue sexologique / Sexological Review
Dirk Ainley didn't get fucked. [ ... ] Nonetheless his ass was never in the
air, so there wasn't any way he could have picked up the virus. For all the
shifting definitions of what constituted safe, one article of faith still held
in the bombed-out world they moved in: if you'd never been a bottom,
you were home free. (Monette, 1990, p. 100) ;
l'évaluation intuitive de la vie sexuelle des partenaires:
- Mais je t'assure, m'a-t-elle dit, on ne risque rien! Je suis saine! Tous
les types avec qui j'ai fait l'amour aussi... Rien que des copains! Aucun
ne se pique ... en tout cas, plus L.. Et ils ne sont pas homos, je le saurais, tu
penses ... (Chapsal, 1988, p. 159) ;
et la prise en considération des caractéristiques phénotypiques ou
morales qui indiquent le statut sérologique des partenaires:
Besides, 1 can just look at Billy, she told herself, and see that he's healthy.
He's strong. He's handsome. He's clean. He's so innocent and kind.
People like that don't get these awful diseases. (Johnson, 1987, p. 74)
Dans le troisième modèle, le sida entraîne une réévaluation de la
place de la sexualité et la définition d'une gestion sexuelle visant à
minimiser les risques. Certains renoncent à toute forme de relation
sexuelle, sublimant la pulsion érotique par un ensemble d'activités de
substitution:
The entire city is career-crazed, since it's too dangerous to fuck. They
work, cook, clean, garden, dress, and socialize with a vengeance. The
result is San Francisco without the hills. (Ferro, 1989, p. 71)
Cette continence forcée peut donner lieu à une activité
fantasmatique liée à la frustration:
One spring day 1 started thinking about dick aga in. Dick, dick, dick. It crept
into my dreams-me, who hadn't been able to wrap his hand around
even his own for months. Dick. 1 saw them, big ones, drooling in front of
my face. Shaving, 1 looked at my face in the mirror. Flushed from my
shover, it was pink, like a dick. (Preston, 1989, p. 35)
La zoophilie ou les poupées gonflables apparaissent aussi comme
des substituts possibles (Chapsal, 1988, p. 60-61). Chez ceux qui
décident de rester sexuellement actifs, le registre des conduites
sexuelles est réévalué en fonction des critères du safe-sex :
Fear of AIDS had not compelled him to limit his activities, only to reduce
their scope. He had as much sex as ever, but it was "safe sex," the rules
outlined clearly from the beginning: no kissing, no fluid exchange, no
collusion of mucus membrane areas. (Leavitt, 1988, p. 174)

Sida et sexualité dans la fiction romanesque
Blum had developed an incentive for protecting himself. "1 always
consider myse/f negative for the virus," he'd say. "And everybody else
positive. That gives me lots of reason to protect myself-I don't have to
ever get AIDS." [...] He knew how to make love and play sexually without
letting any semen into his body. He'd become a great frotteur, an
aficionado of innocent sex, boyish sex-when aIl that mattered was
feeling another body against yours, without any need to penetrate or
perform. Oohnson, 1987, p. 100-101)
Hajo took more and more precautions when they made love. When
Mark compared their love-ma king with his own heavy sex scenes of the
1970s (losing consciousness in leather harness, the smell of poppers, his
legs coated in grease) he had to admit how ta me a porno movie of Hajo
and him would look. (White, 1988, p. 218-219)
117
La gestion du désir passe alors par un état d'esprit de constant qui­
vive nécessitant des révisions importantes du style de vie.
L'utilisation des excitants chimiques ou de l'alcool, qui ont pour
fonction de réduire les inhibitions ou d'amplifier les états de
conscience érotiques, est découragée, car ces substances interfèrent
avec la vigilance nécessaire à la mise en place des pratiques
sécuritaires:
Now they say you should never drink or take drugs if you have sex
because it breaks down your inhibitions and you find yourself "going aIl
the way," getting come down your throat or up your ass and then you're
paralyzed with fear the next morning. (Indiana, 1989, p. 88)
La peur du sida modifie aussi la hiérarchie des activités sexuelles et
le plaisir qui leur est attaché, ce qui nécessite une recodification
érotique problématique, dans la mesure où la spontanéité de
l'expression érotique est entravée:
l'm afraid to even touch it this soon because 1 might smear sore precum
accidentally on his nipples and suck them afterward. 1 feel confined, a
million invisible strands of thread forming a skein of restriction.
(Feinberg, 1989, p. 318-319)
They spawled on the sofa, and Neil gave Bernard one of his trademark
kisses, an amorous stubbled plosive full on the ear. In a world where
bodies had unrestricted access to each other, this would come near the
bottom of Bernard's list of favourite gestures. He braced himself for the
detonation. In essence, he thought it was about as erotic a gesture as
dropping a firework through someone's letter-box. But he could not now
afford to despise any permissible act, and he had worked on his reactions

118 Reve sexologique / Sexological Review
until the symbolic sensation gave him pleasure. (Mars-Jones, 1988, p. 85;
voir aussi White, 1988, p. 218-219; et Champagne, 1988, p. 59-60)
L'érotisme peut devenir moins génitalisé et plus diffus, sans
cependant éliminer complètement les appréhensions. Cette approche
apparaît en particulier dans les nouvelles du recueil Hot Living
(comme la nouvelle «Champagne») traitant de pratiques sexuelles
sécuritaires (recours aux massages, aux caresses des zones érogènes
génitales et extragénitales) qui maintiennent l'intérêt érotique:
Neil was curled sweetly against him in sleep. Neil's sexuality seemed to
Bernard altogether caressive rather than penetrational; that was certainly
the role he pIayed with Bernard, and the role Bernard played with him.
(Mars-Jones, 1988, p. 87)
Having "safe sex" prevents us from doing many of the usual things, and
so we spend hours just touching each other's bodies. He kisses my hands
and feet, plays with the hairs at the back of my neck, presses his cock
against my beUy. (Champagne, 1988, p. 45)
Cette perspective n'est pas sans rappeler celle de l'amour courtois
(Nelli, 1963) où le registre érotique se base essentiellement sur les
caresses, les attouchements et les étreintes, la relation sexuelle étant
secondaire. Cependant, le choix d'une sexualité fondée sur des
principes sécuritaires peut aussi amplifier les insatisfactions sexuelles.
Les relations sexuelles interfémorales, moins risquées, sont
préconisées comme succédané des relations anales dans « Friends »
(Johnson, 1989) et «A Nice Jewish Boy from Toronto» (Rubin, 1989).
Les pratiques auto ou allomasturbatoires, de couple ou de groupe
(comme dans « Jerk» - Witomski, 1989) permettent un exutoire
sexuel (Collard, 1989, p. 29; Champagne, 1988, p. 26 et 128). Le recours
au matériel pornographique, écrit ou imagé, sert aussi de support
fantasmatique à la masturbation (hampagne, 1988, p. 19). À
l'extrême, le lien érotique entre partenaires ne passe plus par une
rencontre physique mais par un rapport essentiellement imaginaire.
La conversation téléphonique devient un excitant sexuel entre
amants ou partenaires anonymes qui utilisent les services disponibles
transcontinentalement (( Talk to Me Like Lovers Do» ou « Phone
Today» dans Hot Living). Dans « Under Glass» (Hot Living), la
combinaison du téléphone et de l'exhibitionnisme sert de support aux
activités masturbatoires. Comme le note Pollak (1988), ces formes
d'expression modifient profondément la sexualité en insistant
essentiellement sur sa composante psychique.

Sida et sexualité dans la fiction romanesque
119
Élément essentiel dans la prévention de la transmission du virus, le
préservatif fait l'objet d'évaluations contradictoires. Pour certains,
outre ses difficultés d'utilisation et d'insertion, le préservatif amplifie
la distance érotique en diminuant les sensations de plaisir, d'où son
rejet volontaire et conscient malgré les risques encourus lorsque l'un
des partenaires est séropositif:
You could never quite lose yourself in lovemaking, since foreplay no
longer led directly to insertion, but rather to the peeling of a foi! packet
and the usually clumsy rolling of the latex down the length of the penis,
[...] and, on top of that, five out of six times the condom snaps or mushes
up, at the end of the night you've got scads of wet latex sticking here and
there aIl over the apartment. (Indiana, 1989, p. 87-88)
Après l'amour nous étions d'accord pour dire que je ne mettrais plus de
capote [...]. Nos vies culminaient dans cette pénétration: nous n'allions
pas laisser un morceau de latex voiler le plaisir. (Colla rd, 1989, p. 76-77 ;
voir aussi Hocquenghem, 1989, p. 163; et Feinberg, 1989, p. 239)
Pour d'autres, en revanche, le préservatif est perçu comme un objet
de civilisation incontournable qui fait partie de la panoplie de la
modernité et dont le rôle dépasse la fonction sexuelle pour devenir
un élément essentiel de la sexualité contemporaine:
Évidemment, i! y a cet article d'hygiène que chacun connaît désormais et
que je peux demander.
Exiger.
[... ] Un petit rien qui fait toute la différence.
Une marque de familiarité, mais aussi de respect. On est intimes, mais
pas tant que ça. Qu'un dernier voile de pudeur, d'ailleurs transparent,
nous sépare encore quelque temps, ma bien-aimée ...
Cantique des Cantiques pour temps modernes! (Chapsal, 1988, p. 168)
1 make my teenage son carry around rubbers. l demand this from him.
There is no room for compromise ... You never know when it might rain.
(Barrus, 1988, p. 263)
CONCLUSION
Les répercussions sociosexuelles du sida dans les représentations
romanesques recoupent en partie celles que Wald Lasowski rapporte
dans le traitement littéraire sur la syphilis. Le thème de la modernité
et de la circulation continue de jouer un rôle important dans
l'interprétation de l'apparition du sida et de sa diffusion. On assiste,
cependant, à un déplacement significatif dans la référence sexuelle: la

120 Revue sexologique / Sexological Review
figure de la prostituée laisse place à celle de l'homosexuel comme
vecteur dominant de transmission épidémique. Ce n'est plus le sexe
féminin qui est « malsain par essence, gouffre de perdition, foyer de
corruption» (Wald Lasowski, 1982, p. 155), mais les pratiques
homosexuelles associées, tout comme la prostitution, à la
promiscuité, référence centrale dans la construction socioculturelle du
sida.
Comme le soulignent Clatts et Mutchler (1989, p. 17), la promiscuité
devient alors une « métaphore symboliquement explosive de
l'antisociabilité devenue folle» et sur laquelle se greffe tout un
ensemble de référents (vice, perversion, déviance sociale). Le sida ne
fixe plus l'attention sur la sexualité féminine, davantage socialisée et
intégrée dans le monde contemporain qu'elle ne l'était au XIxe siècle,
mais sur l'homosexualité qui, dans les représentations sociales et
biomédicales, reste encore déviante, source de désordre et de
contagion. S'il est vrai que le sida introduit dans le rapport à
l'érotisme, comme la syphilis, des aspects perturbateurs qui se
manifestent par une obsession face à la sexualité et par une évaluation
relative des risques, il ne provoque pas, contrairement à la syphilis
(du moins au XIxe siècle), une fascination quant à la crainte de la
contamination qui jouerait dans le sens d'un aiguisement ou d'un
renouvellement du désir.
Loin d'être un excitant, le sida affecte négativement le rapport à la
jouissance en remettant en cause les acquis d'une sexualité
récemment libérée de nombreux interdits. Cette épidémie contribue
donc à un recul de l'autonomie sexuelle (dans le choix tant des
partenaires que des pratiques) et du plaisir qui en dérive, obligeant à
une gestion complexe de la vie érotique. Les pratiques préventives,
nées des impératifs sécuritaires, souvent difficiles à adopter,
interviennent sur la spontanéité de la relation érotique, thématique
moins présente dans la littérature sur la syphilis. Le corps soumis· à
une réorganisation érogène s'éloigne du référent génital et l'usage du
préservatif accentue la distance sexuelle. Celle-ci peut être encore
amplifiée par le recours aux moyens de communication modernes qui
cérébralisent profondément la sexualité.
Au lieu de favoriser « l'étreinte absolue» (Wald Lasowski, 1982,
p. 156) comme la syphilis, le sida mène à une disjonction érotique qui
en court-circuite les dimensions sensuelles. Ces contrastes peuvent
s'expliquer par plusieurs facteurs. Comme le note Wald Lasowski, la
moindre fascination à l'égard de la syphilis au xxe siècle correspond à
une transformation de la sensibilité érotique en rupture avec

Sida et sexualité dans la fiction romanesque
121
l'hypocrisie bourgeoise qui nourrissait le rapport à la prostitution et
au sexe. La perception de la maladie et de la mort, par ailleurs, tend
aussi à se modifier avec les progrès de la médecine et de l'hygiène.
Ainsi, dans notre corpus, la maladie est rarement esthétisée et ne
s'articule pas sur une dimension initiatique. Contrairement à la
syphilis, qui réfute la mort en la devançant par le délabrement
corporel que la maladie entraîne, le sida, d'emblée signe de mort,
menace certaines des valeurs essentielles de notre époque: occultation
de la mort, toute-puissance de la médecine, importance de l'esthétique
du corps associée au maintien de la jeunesse, hédonisme sexuel.
Cette épidémie oblige donc à une révision de la perspective érotique
actuelle, qui n'est pas sans rappeler le modèle sexuel de la Grèce
antique où l'inquiétude entourant l'usage des aphrodisia tournait
autour de trois pôles: «la forme même de l'acte, le coût qu'il
entraîne, la mort à laquelle il est lié» (Foucault, 1984, p. 141) ; elle
impose une réflexion sur l'opposition excès-tempérance.
Ce sont là les mêmes enjeux de la sexualité à l'époque du sida. Entre
l'expression d'un désir qui ne peut renoncer à la liberté et la
conscience des dangers qui l'entourent, ces textes romanesques
mettent en relief les contradictions essentielles qui modulent
l'érotique contemporaine confrontée aux obsédantes questions de la
jouissance et de la maîtrise de soi.
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124 Revue sexologique / Sexological Review
ABSTRACT
AIDS AND 5EXUALIT IN NOVELS
Since the beginning of the AlDS epidemic, several novels, both in French
and English, have explored the impact of this disease on the expression of
sexuality. Following a content analysis of these novels, the dominant socio­
sexual themes are compared to those present in the literature on syphilis in
order to extract continuities and changes in the perception of illness and
eroticism.
Keywords
AlDS; novels; homosexuality; eroticism; syphilis.

Revue sexologique, 1993, vol. 1, r 1, 125-141
UNE EXPÉRIENCE DE RECHERCHE QUALITATIVE:
L MÉTHODOLOGIE DE TOUS LES HOMES LE FONT . . . !
RÉSUMÉ
Michel DORIS*
S'appuyant sur une recherche conduite et publiée par son auteur, cet article
expose une méthode de recherche qualitative basée sur le recueil de
carrières sexuelles. Décrivant des techniques et des principes reliés à la
construction empirique de la théorie et à l'induction analytique, l'auteur
retrace les principales étapes de l'analyse des données ainsi que la
modélisation qui a permis d'en faire la synthèse.
Mots clés
Recherche qualitative; carrières sexuelles; événements clés; construction
empirique de la théorie; modélisation.
INTRODUCTION
Après avoir décidé de mener une recherche sur la sexualité
masculine, je fus confronté à des choix méthodologiques. Opterai-je
pour une recherche quantitative ou qualitative? Combien d'hommes
interviewer? À quel type d'analyse soumettre les données
recueillies? Comment rapporter cette analyse de façon vivante et
dynamique? La quête de réponses à ces questions fut l'occasion
d'apprentissages aussi marquants que les résultats mêmes de mon
étude. C'est pourquoi j'ai cru pertinent de faire connaître aux lecteurs
et lectrices de la Revue sexologique la méthode que j'ai été amené à
mettre au point afin de répondre à mes interrogations. Je crois, en
outre, qu'elle ouvrira des pistes aux chercheurs et aux étudiants de
second et de troisième cycles, d'autant plus que les discussions métho­
dologiques au sujet de la recherche qualitative et de l'utilisation des
carrières sexuelles sont encore peu nombreuses en langue française 2 .
2
Chercheur, consultant et formateur en sexologie et en intervention sociale.
c.P. 492, succursale C, Montréal (Québec) H2L 4K4.
Dorais, M. (1991). Tous les hommes le font: parcours de la sexualité masculine.
Montréal: Le Jour et VLB éditeur.
La parution récente des ouvrages de Michelle Lessard-Hébert et al. (1990) comble
assurément un vide.

126 Revue sexologique / Sexological Review
UN CHOIX QUALITATIF
Critiquant une certaine vision de la science, le professeur
britannique Stanislav Andreski (1975) écrit:
[. ..j Il est dommage que nous n'ayons pas davantage d'ouvrages qui, sur la
base d'une observation attentive et prolongée, décrivent avec sensibilité
les aspects sociaux de la réalité qui échappent aux questionnaires et aux
statistiques. Cette rareté s'explique par la vaste créance accordée au dogme
selon lequel, d'une part, rien ne vaut la peine- d'être connu qui ne peut
être quantifié et, d'autre part, toute information qui s'insère dans un
tableau devient par là même scientifique [. . .j. Afin d'éviter les
malentendus, je dois une fois encore répéter que j'apprécie pleinement
l'utilité de la quantification lorsque celle-ci se fait de façon sensée et
honnête. Ce contre quoi je m'élève, c'est, d'une part, le tabou mortel qui
veut que l'on ne s'intéresse qu'à ce qui peut être quantifié, et d'autre part,
le respect superstitieux accordé à tous les griffonnages qui ressemblent à
des mathématiques (p. 122, 150 et 151).
Certes, le jugement est sévère, mais il porte à la réflexion.
Comment, en effet, ne pas reconnaître qu'on a trop longtemps axé la
recherche sur ce qui était quantifiable, comme si les nombres avaient
une valeur scientifique intrinsèque, alors que le vécu ou le discours, à
moins d'être quantifiés, n'en auraient aucune. Cette tendance
explique pourquoi il y a trop souvent divorce entre une pratique
d'intervention sexologique essentiellement axée sur des aspects
qualitatifs et des recherches qui tiennent parfois peu compte de la
dimension subjective de la vie amoureuse.
Heureusement, la conception uniquement quantitative de la
recherche n'a-plus le monopole. En sexologie, l'étude d'Hélène
Manseau (1990), fournit un bon exemple de ce renouveau. Son
approche a d'ailleurs incité de plus en plus d'étudiants et étudiantes à
la maîtrise en sexologie, à l'Université du Québec à Montréal, à opter
pour des études de type qualitatif. La diversité de leurs apports montre
la richesse de cette méthode dans le champ de la recherche
sexologique. Le qualitatif est en effet susceptible de nous livrer des
informations que ne saurait nous fournir le quantitatif, en
introduisant des éléments issus directement du vécu des gens et non
de catégories prédéterminées, si pertinentes soient-elles. L'auteure
Barbara Ehrenreich va jusqu'à écrire:
Tableaux, graphiques, coefficients de corrélation, etc., ne rendent pas par
eux-mêmes une étude « scientifique ». En fait, je dirais que toute étude
du comportement humain qui néglige - et ne met pas en valeur - le

Recherche qualitative: méthodologie de Tous les hommes le font... 127
côté subjectif des expériences est fondamentalement non scientifique
(dans Shere Hite, 1983, p. 17).
Face à mon propre objet d'étude, la sexualité masculie, je dus me
rendre compte que les données quantitatives sur la sexualité humaine
étaient par ailleurs déjà nombreuses. Tant en Amérique qu'en
Europe, des enquêtes scientifiques d'envergure nous ont révélé
comment se répartissaient les attitudes et les comportements sexuels
des hommes et des femmes d'aujourd'hui3. Cependant, la
compréhension des dynamiques qui provoquent ces attitudes et ces
comportements a généralement été négligée. Autrement dit, si nous
savons avec qui et quand fonctionne notre érotisme (du moins quant
à certaines variables), nous n'avons encore que peu d'hypothèses
permettant d'en connaître le comment et le pourquoi autrement
qu'en termes de fonctionnement biologique. Or, si la biologie explique
comment et pourquoi nous arrivons à ressentir du plaisir, elle
n'explique ni la directionnalité, ni l'intensité du désir ou de la passion
amoureuse. Le pari de la recherche entreprise était précisément
qu'une approche qualitative utilisant la technique des carrières
sexuelles permette, par induction et par construction empirique de
théorie, de dégager certaines dynamiques du vécu sexuel masculin.
Voyons comment.
Des histoires de vie sous forme de carrières sexuelles
Qu'est-ce qu'une carrière sexuelle? La carrière sexuelle désigne les
grandes lignes de l'histoire de la vie sexuelle d'une personne, c'est-à­
dire la succession d'événements, de partenaires et de pratiques qui ont
jalonné son développement érotique. La notion de carrière sexuelle
est empruntée aux sociologues de l'école interactionniste symbolique
(dite aussi école de Chicago). Dans un article écrit en 1986, Sexual
Scripts, W. Simon et J. H. Gagnon (1986) l'emploient dans un sens
analogue. L'expression «carrière» possède alors la même
consonnance que lorsque utilisée pour étudier une carrière
professionnelle, délinquante ou musicale, par exemple, comme l'a fait
le sociologue interactionniste bien connu Howard Becker (1985).
3
Pour les États-Unis, je fais notamment allusion aux travaux d'Alfred Kinsey (1948,
1953), à ceux de l'Institut américain qui porte aujourd'hui son nom, et aux
enquêtes de Shere Hite (1977, 1983). Au Canada, le sondage annuel de la revue
MacLean sur les moeurs des Canadiens et Canadiennes est aussi révélateur. Enfin,
pour la France, on pense aux sondages régulièrement menés par certains
magazines, tel Le Nouvel Observateur, sur la vie sexuelle contemporaine.

128 Revue sexologique / Sexological Review
Quelles sont les prémisses de l'utilisation de carrières sexuelles à des
fins de recherche? Même en admettant que la mémoire soit sélective
et interprétative dans sa reconstruction et sa retransmission du passé,
la reconstitution de ce dernier fourit précisément des indications sur
la signification ou l'importance que l'individu accorde aux choses et
aux événements. Or, lorsque l'on recherche comment les hommes
construisent et interprètent leurs conduites sexuelles, cette
subjectivité, loin d'être nuisible, s'avère primordiale. La carrière
sexuelle rapportée par la personne ne reflète-t-elle pas la somme des
interactions qui l'ont influencée de façon significative? Notre
cerveau ne recrée-t-il pas constamment la réalité en interprétant les
données qu'il enregistre selon la perspective qu'il privilégie, ceci
parmi une infinité de perspectives possibles? Comme l'a écrit le
philosophe américain Hilary Putnam (1990), il n'existe de vérité
qu'interprétative et de réalité que contextuelle. Paradoxalement, notre
vision subjective de la réalité procure cependant de précieux éléments
d'information objective sur qui nous sommes, quelles influences
nous avons subies et comment nous percevons les choses.
L'utilisation d'histoires de vie4 et plus précisément ici de carrières
sexuelles offre, en outre, l'avantage de faire ressortir l'universel du
singulier. Franco Ferrarotti (1983) a bien saisi cet avantage lorsqu'il
écrit:
Combien faut-il de biographies pour atteindre une vérité sociologique,
quel matériel biographique sera le plus représentatif et nous donnera le
premier des vérités générales? Ces questions n'ont peut-être aucun sens.
Parce que - en toute lucidité, allons jusque là - notre système social est
tout entier dans tous nos actes, dans tous nos rêves, nos· délires, oeuvres,
comportements, et l'histoire de ce système est tout entière dans l'histoire
de notre vie individuelle. [ ...] Bien loin de refléter le social, l'individu se
l'approprie, le médiatise, le filtre et le retraduit en le projetant dans une
autre dimension, celle, en définitive, de sa subjectivité. Il ne peut en faire
abstraction, mais il ne le subit pas passivement, au contraire, il le
réinvente à chaque instant (p. 50-51).
Comme l'a déclaré Gaston Pineau (1983), le plus personnel est aussi
le plus universel. Ce paradoxe de l'universel dans le singulier fonde
la valeur scientifique des histoires de vie ou carrières sexuelles
4
Ce que l'un de ses propagateurs, Daniel Bertaux, appelle l'approche biographique
ou, plus précisément encore, l'approche multibiographique, tout en précisant
qu'(, il n'y a pas une approche biographique, avec ses règles et ses interdits, ses
canons et ses techniques d'analyse. Il y a plusieurs façons d'utiliser les récits
autobiographiques». L'auteur cite notamment l'illustration ou l'élaboration de
concepts et d'hypothèses (Bertaux, 1976, p. 76).

Recherche qualitative: méthodologie de Tous les hommes le font. .. 129
comme méthode de recherche. L'auteur va jusqu'à conclure que
« l'étude approfondie d'un seul cas particulier peut révéler plus de
vérités universelles que la comptabilisation statistique de X cas
particuliers ».
De la construction empirique de la théorie
Voyons maintenant en quoi consiste la méthode de construction
empirique de la théorie (< grounded theory», Glaser et Strauss, 1967).
O pourrait dire que la construction empirique de la théorie consiste à
élaborer, à comparer et à confronter des hypothèses générées par
l'analyse de carrières sexuelles, ceci au fur et à mesure que ces
dernières sont rassemblées. Comment définir la construction
empirique de la théorie? Et, surtout, comment fonctionne-t-elle ?
Passant en revue différentes façons d'en arriver à construire de la
théorie en sciences sociales, les méthodologues Selltiz et al. (1977)
décrivent bien le processus de construction empirique:
La deuxième façon que les théoriciens ont d'inventer les explications 5
consiste à observer les caractéristiques des événements à l'étude afin de
tenter de faire des généralisations à partir des données. Ce que l'on
recherche, ce sont les similarités et les différences des concepts en
présence ou en l'absence de ce que nous essayons d'expliquer. Est-ce que Y
se produit aussi chaque fois que X se produit? Est-ce que Y est toujours
absent chaque fois que Z se produit? Y ne se produit-il qu'en présence de
W et jamais en son absence? Si l'on peut répondre par l'affirmative à
certaines de ces questions ou à toutes, on a alors une base pour faire des
tentatives de généralisation. Le problème consiste donc à relier ces
généralisations aux assises fragiles à une théorie qui aurait une base
empirique plus large. Pour commencer, on se forme des impressions sur
« ce qui va avec quoi ». Ces observations constituent la base de ce que l'on
appelle généralisation inductive, qui consistera à tirer des conclusions
très générales à partir de l'observation d'un nombre limité de cas d'un
événement (p. 27c28).
Cette méthodologie consiste donc essentiellement à définir les
éléments d'importance et leurs interrelations dans une problématique
donnée, ceci non pas à partir d'un schème conceptuel établi a priori,
mais sur le terrain même, au fur et à mesure que les données
s'accumulent. C'est une méthode qui vise non pas à vérifier une
théorie pré-établie, mais à en élaborer une de façon inductive et
systématique, à partir de données empiriques. En somme, si on la
compare à d'autres méthodes, la construction empirique de la théorie
présente les caractéristiques suivantes:
5
La première façon étant la lecture et la critique des thèses des autres chercheurs.

130
2.
6.
Revue sexologique / Sexological Review
1. Son but n'est pas de vérifer une ou plusieurs théories existantes,
mais plutôt de générer de nouveaux concepts et de nouvelles
hypothèses à partir de l'observation empirique, ce qui permettra
ultimement l'émergence de nouvelles théories.
La logique d'analyse utilisée est, au départ, davantage de type
inductif que de type logico-déductif. En effet, plutôt que d'établir a
priori un cadre théorique rigide et des hypothèses à vérifier, le
chercheur privilégie la démarche inversé: il observe d'abord la
situation, ses acteurs et leurs interprétations. À partir de là, il tente
d'établir des concepts, des hypothèses et des explications
pertinentes, esquisses qu'il cherche ensuite à corroborer ou à
réfuter tout au long de sa recherche.
3. La méthode utilisée pour arriver à ce résultat est de poser les
données empiriques recueillies comme point de départ principal
de la recherche, plutôt que de viser à confirmer ou à infirmer des
hypothèses ou des théories pré-établies. Ceci ne signifie pas que les
théories existantes soient ignorées; elles servent plutôt à clarifier,
à comparer et à confronter la théorie émergente à mesure qu'elle
prend forme.
4. L'observation et/ou l'interview semi-dirigée sont les principaux
moyens utilisés pour recueillir les données empiriques servant à
la construction empirique de la théorie.
5. La comparaison constante et systématique ( < analyse transver­
6
sale», Contandriopoulos et al., 1989, p. 62) entre les données
recueillies de la part des informateurs ou des répondants est la clé
de voûte de cette méthode. Par exemple: y a-t-il des convergences
entre les données? Quelles sont les divergences? Comment
expliquer les unes et les autres? Contrairement aux autres types
de recherche, la construction empirique de la théorie rend
indissociables les processus de cueillette des données, de leur
codification ou annotation, puis de leur analyse comparative (qui
consiste à comparer chaque source de données avec toutes les
autres pour en dégager certaines constantes - ou ruptures - ceci
afin de confronter et de raffiner les hypothèses théoriques qui
émergent à mesure qu'avance la recherche).
La théorisation est conçue comme un processus continu, alors que
la recherche traditionnelle conçoit trop souvent la théorie comme
Ce qui n'empêchera pas, au besoin, l'élaboration d'un cadre de référence ou cadre
conceptuel théorique, qui devra cependant être très large.

Recherche qualitative: méthodologie de Tous les hommes le font. .. 131
un tout achevé, une doctrine, dont l'élaboration est réservée à
quelques « grands penseurs ».
7. Ce qui rend scientifique la méthode de construction empirique de
la théorie, c'est la recherche de saturation - c'est-à-dire de non­
contradiction - des données interprétées par la théorie
émergente (démarche qui rejoint quelque peu la logique de la loi
des grands nombres utilisée en recherche quantitative).
8. Le chercheur travaille à partir d'un échantillon théorique ouvert,
d'après certaines données topologiques initiales7. Autrement dit,
l'échantillon n'est pas arrêté définitivement à l'avance puisque ce
qui importe est moins le nombre de cas étudiés ou leur stricte
représentativité que leur faculté de compléter ou de confronter les
données déjà recueillies 8 .
9. La théorie et la science sont dès lors conçues comme des champs
ouverts à l'exploration et à la critique. Si le monde que nous
voulons décrire est en mouvement continu, il n'y a pas de raison
pour que nos explications de ce monde ne soient pas aussi en
évolution, d'où la pertinence des théories empiriquement
ancrées.
10. La méthode de construction empirique de la théorie est pluraliste,
en ce sens qu'elle a été appliquée de façons différentes par divers
chercheurs, dans le cadre de recherches fort dissemblables.
Enfin, comment ne pas noter combien la construction empirique de
théorie à partir d'histoires de vie ou de carrières sexuelles présente
une certaine filiation avec la pratique sexologique, qui consiste
notamment à écouter pour mieux comprendre et, pour ce faire, à
dresser d'abord « l'historique» de la personne aidée? L'histoire de la
personne n'est-elle pas l'un des matériaux les plus riches qui soient
pour saisir qui elle est et comment elle (ré)agit ? Nous sommes notre
histoire individuelle et collective. L'ancêtre Freud et ses fidèles
7 En l'occurrence, dans la recherche que j'ai conduite, afin de tenir compte d'une
certaine diversité ou homogénéité en matière d'âge, de situation de famille, de
style de vie, de préférence sexuelle, de statut social, etc.
8 Voir à ce sujet Taylor et Bodgan (1984), p. 83 et suivantes. Dans le cas présent, une
certaine diversité, voire un contraste entre les répondants composant l'échantillon
du chercheur, furent favorisés, sinon recherchés, afin de donner tout son sens au
principe de saturation qui, si le chercheur choisissait des répondants trop
homogènes, perdrait en signification. Par ailleurs, une relative homogénéité - en
matière de catégorie d'âge, par exemple - entre les répondants est cependant
nécessaire afin de pouvoir effectuer une certaine généralisation des données
recueillies.

132 Revue sex%gique / Sex%gica/ Review
l'avaient bien compris puisque c'est en partie sur la base de quelques
histoires de vie qu'ils élaborèrent leurs théories. Soulignons aussi que
plusieurs chercheurs et théoriciens modernes de la sexualité
humaine, tels Alfred Kinsey (1948, 1953), Shere Hite (1977, 1983) et
Robert Stoller (1984) ont aussi - fût-ce en partie - basé leur oeuvre
sur des récits de carrières sexuelles 9 . Peu d'entre eux en ont cependant
fait un usage systématique: ces récits servaient davantage à illustrer
qu'à générerlO une théorie, ou encore visaient-ils à compléter des
données de nature quantitativell.
L'inducion analyique
Comme on l'aura noté, ce qui contribue à rendre scientifique la
méthode de construction empirique de la théorie utilisant des
carrières sexuelles, c'est la recherche active à la fois des ressemblances
entre les cas étudiés et de leurs divergences, notamment à partir de
«cas négatifs» qui remettront en question les représentations que se
fait le chercheur sur la base des entretiens réalisés jusque là -
approche résolument poppérienne (Popper, 1982 et 1985). Cette
procédure s'appelle l'induction analytique.
Daniel Bertaux (1976) explique clairement ce en quoi consiste la
recherche de saturation par induction lorsqu'il écrit:
9
10
11
Les répétitions ne peuvent manquer d'attirer l'attention [...j. C'est à partir
d'elles qu'il faut développer la théorisation. Et si, une fois dégagé
clairement le caractère de ce qui se retrouve dans de nombreux cas, il
apparaît qu'il s'agit bien d'un « objet sociologique », c'est-à-dire qu'il
s'agit de quelque chose qui relève du social et non du psychologique, du
collectif et non de l'individuel, alors on peut affirmer avoir atteint un
premier niveau de saturation. Une fois que la construction d'une
représentation mentale a atteint, grâce à une première étape de
saturation, une forme raisonnablement cohérente [. ..], il ne reste plus
qu'à chercher systématiquement à la détruire: si elle résiste, elle aura
prouvé sa solidité. [. .. ] On cherchera donc systématiquement à rencontrer
des « cas de figure» qui contrediraient le modèle. Il s'agit en général de
personnes qui appartiennent à des catégories qu'on a mal ou peu
Si les histoires de vie recueillies par Alfred Kinsey devaient s'insérer dans un
appareillage statistique d'envergure, la dimension statistique devient, chez Shere
Hite, plutôt indicative, l'accent étant mis sur les récits de vie des répondants.
Quant à Robert St olier, il base ses théories sur l'analyse très approfondie de
quelques cas uniquement. Son livre, L'excitation sexuelle, n'en comporte qu'un
seul.
C'est en partie le cas des recherches de Gauthier (1976), de Wolff (1981) et de Friday
(1981).
C'est dans une certaine mesure le cas des recherches de Kinsey (1948, 1953), de
Pietropinto (1978) et de Hite (1977, 1983).

Recherche qualitative: méthodologie de Tous les hommes le font... 133
explorées. [...] La recherche systématique de ce que Lindesmith a appelé les
« cas négatifs », ceux qui contredisent le modèle provisoirement saturé,
contribue à la fois à la vérification du modèle et à son raffinement.
Menée systématiquement, [...] elle aboutit à la reconstruction du modèle
(ou théorie) qui finit par atteindre sa forme stabilisée, définitive, celle de
la véritable saturation. Et le miracle s'accomplit: [...] une description qui
va en profondeur, au coeur des phénomènes, et qui n'aurait jamais pu
être trouvée par le moyen de questionnaires. Ainsi est résolu le problème
qui semblait insoluble et dont la non-résolution cantonnait toute
approche qualitative au stade exploratoire: le problème de la
généralisation sans échantillon représentatif l 2.
L'induction analytique permet ainsi de généraliser les découvertes
obtenues par la construction empirique de la théorie, complétant la
démarche scientifique de cette dernière par un effort de réfutation des
hypothèses envisagées jusque là. Comme l'a si bien écrit Howard
Becker (1986), spécialiste reconnu en recherche qualitative:
Même si la biographie ne fournit pas, par elle-même, de preuve décisive
en faveur d'une hypothèse, elle peut être un cas négatif qui nous oblige à
déclarer inadéquate la théorie proposée. Dire cela, c'est avoir un point de
vue sur la généralisation scientifique qui mérite quelques commentaires.
Nous pouvons décider d'accepter une théorie si elle explique, disons,
95 % des cas qui sont de son ressort. Beaucoup d'éminents savants le font.
À l'inverse, on peut dire qu'une théorie qui n'explique pas tous les cas est
inadéquate et que des facteurs autres que ceux proposés par la théorie sont
à l'oeuvre pour produire le résultat que nous voulons expliquer. C'est
essentiellement une question de stratégie. Si nous admettons comme
normale l'existence d'une exception à toutes les règles, nous ne
chercherons peut-être pas d'autres facteurs explicatifs avec autant
d'obstination que dans le cas inverse. Mais si nous considérons ces
exceptions comme des réfutations potentielles de notre théorie, nous
serons incités à les examiner de plus près. Plus fondamentalement, le cas
négatif aidera une analyse scrupuleuse en suggérant la direction que doit
prendre la recherche. L'examen du cas négatif révélera des propriétés
différentes de celies de cas par ailleurs similaires, ou bien révélera des
processus dont les aspects n'ont pas été entièrement compris. Si nous
connaissons le cas assez en détail, comme nous le permet un document
biographique, notre recherche a plus de chances de réussir: c'est dans ce
sens que la biographie est une utile pierre de touche pour la théorie
(p. 107.
Becker va encore plus loin lorsqu'il fait observer que l'utilisation de
récits de vie à des fins d'analyse inductive «peut, plus que toutes
12 Dans Desmarais, D. et Greil, P. (1986), p. 28-29. Notons que l'auteur parle
d'échantillon non représentatif du point de vue statistique; l'échantillon qualitatif
est plutôt représentatif sur le plan théorique, en permettant de circonscrire de près
une réalité méconnue.

134 Reve sexologique / Sexological Review
autres techniques [ ... ] donner un sens à la notion tellement utilisée de
déroulement de processus. [ ... ] La formation d'un acte individuel
[étant] un processus dans lequel la conduite est continuellement
remodelée pour tenir compte des attentes des autres, exprimées dans
la situation immédiate, ou anticipées par l'acteur [ ... ], une biographie
bien faite nous donnera les détails de ce processus [ ... ]. La biographie
décrira ces séquences cruciales d'interactions dans lesquelles de
nouvelles voies de l'action collective et individuelle sont forgées,
dans lesquelles de nouveaux aspects de la personnalité surgissent»
(p. 108).
Comment la construction empirique de la théorie et l'induction
analytique se marient-elles? M'inspirant quelque peu des indications
de Barry A. Turner (1981), lui-même un adepte de la méthode de
Glaser et Strauss, j'ai mis au point une méthode d'analyse pouvant
être décomposée en dix étapes. Par ordre chronologique, on pourrait
les décrire de la façon suivante:
1. Élaboration de catégories conceptuelles13 à partir des données
recueillies. Ce sont, en quelque sorte, les thèmes qui ressortent de
notre analyse.
2. Saturation des catégories conceptuelles, en accumulant pour
chacune suffisamment de confirmations empiriques, jusqu'à ce
qu'il soit clair que toutes les informations recueillies, anciennes et
nouvelles, recoupent ces catégories (sinon, on les repense, on les
remplace ou l'on en ajoute).
3. Définition de plus en plus précise des catégories conceptuelles,
une fois qu'elles semblent relativement établies.
4. Utilisation de ces catégories comme guides dans la classification
ou la reclassification du matériel recueilli, dans l'émergence de
nouvelles catégories conceptuelles, et comme stimulant à la
réflexion théorique.
5. Élaboration de liens entre les catégories conceptuelles et
formulation d'hypothèses au sujet de la nature de ces liens. Cette
étape figure parmi les plus décisives: quelles corrélations existe-til
entre les diverses données recueillies?
6. Vérification des hypothèses concernant les liens reliant les
catégories conceptuelles, en tentant de spécifier les conditions
dans lesquelles ces hypothèses et ces liens se vérifient.
13 Ce sont, en l'occurrence, les « événements critiques» émergeant des carrières
sexuelles des répondants.

Recherche qualitative: méthodologie de Tous les hommes le font... 135
7. Lorsque ces hypothèses ne conviennent pas à un ou plusieurs cas,
les reformuler, les modifier ou tout simplement les abandonner
au profit de formules plus heureuses. Procéder ainsi jusqu'à ce
que les hypothèses du chercheur aient été testées avec un éventail
suffisant de cas divers - y compris des cas apparemment
atypiques - pour qu'une certaine généralisation soit possible.
8. Établissement de comparaisons avec d'autres hypothèses et
théories existantes (qu'elles soient complémentaires ou
concurrentes) : en quoi la nouvelle théorie en train d'émerger de
nos hypothèses serait-elle plus heuristique?
9. Vérification logique de la théorie émergente: tient-elle dans tous
les cas, y compris dans des « cas limites» inclus ou exclus dans la
recherche? Cette recherche de confrontation de la théorie en
émergence est primordiale: seul le succès de cette démarche
pourra permettre de valider les résultats de la recherche.
10. Unification et simplification de la théorie émergente, afin que
tous ses éléments s'intègrent harmonieusement, sans
contradiction.
La section suivante de ce texte permettra de comprendre plus
concrètement comment ces différentes étapes se recoupent et se
succèdent.
Computation et modélisation
Le travail de computation14 - c'est-à-dire d'organisation des
données - s'avère ici fondamental. Comme l'a écrit Michel
Duchamp (Duchamp et al., 1989) :
La computation (du latin co mputare: comparer, confronter,
comprendre ... ) peut être considérée comme un système à caractère
cognitif, visant à organiser ou à produire de l'information.[ ... ] Comme
activité de l'esprit, la computation vivante organise les données
disponibles en fonction d'un problème à résoudre. Grâce à elle, ce qui est
information à l'état brut, en ordre dispersé, potentiellement utile mais en
soi insaisissable et sans véritable signification, devient information utile,
ordonnée, agencée, signifante (p. 36 et suiv.).
La méthode de computation retenue en fut une d'analyse par
synthèse, aussi appelée analyse structurale ou modélisation. L'analyse
structurale est basée sur l'idée qu'il est possible de considérer toute
réalité comme la combinaison d'éléments ou de types d'éléments
organisés selon des lois ou des règles qui constituent précisément ce
1 4 Ce terme est emprunté à Edgar Morin (1986), p. 36 et suivantes.

136 Revue sexologique / Sexological Review
qu'on appelle la structure. Quand la nature de ces éléments a été
clairement établie, le travail du chercheur est d'établir les règles
restrictives qui lui permettront, en utilisant la quantité minimale
d'éléments ou de types possibles et le nombre minimal de règles
nécessaires pour les combiner, de reconstruire dans un «modèle»
simulé la réalité observée. Reste ensuite à critiquer ce simulacre, puis
à recommencer les opérations précédentes jusqu'à ce que le modèle
obtenu paraisse refléter fidèlement tous les cas observés. En d'autres
mots, il s'agit de saisir le modèle de fonctionnement d'un
phénomène au lieu de le réduire à ses composantes, et d'articuler ses
éléments pour en comprendre le fonctionnement. Le modèle est ainsi
une réplique de choses qui existent vraiment, sa principale
caractéristique étant de dégager les types de liaisons qui existent entre
les éléments constitutifs d'un phénomène.
L'objectif de la recherche conduite étant de saisir la dynamique ou la
trame présente dans la carrière sexuelle des répondants, il fallait
trouver le moyen de mettre en ordre la mosaïque des données
recueillies puis des catégories conceptuelles et des hypothèses générées
à partir de leur analyse. Comment « modéliser» tout cela? Jaillit ainsi
l'idée de synthétiser chaque carrière sexuelle à l'aide d'un tableau
comprenant les «événements critiques» significatifs dans
l'expérience de chaque répondant et les corrélations ou les liens
causaux et chronologiques entre ces événements - ceci d'après une
méthode suggérée par Miles et Huberman (1984, p. 130 et suiv.). Bien
sûr, il est ardu de différencier corrélation et causalité lorsqu'on utilise
une méthode rétrospective, vu la difficulté de distinguer a posteriori
les causes des effets. Cependant, comme le faisait remarquer le
professeur Adélard Tremblay (1968) :
La transposition du modèle expérimental des sciences naturelles ne peut
pas s'effectuer aux disciplines humaines, pour la simple raison que, dans
ces sciences, la causalité est multiple et qu'il est souvent impossible
d'identifier l'ensemble des facteurs critiques et de les ordonner dans une
suite temporelle lorsqu'ils ont été identifiés. On peut parler, pour ces
sciences, de véritable « chaîne causale» ou d'une série de facteurs qui
influent, à des degrés divers, sur les comportements des individus selon
les circonstances de culture et de situations sociales dans lesquelles ces
individus agissent (p. 132-133).
C'est dans cette perspective que les « événements critiques » issus de
mon enquête furent reliés les uns aux autres par un réseau de
«flèches directionnelles » composant certaines chaînes causales. Ces
événements critiques ou événements clés sont, rappelons-le, des

Recherche qualitative: méthodologie de Tous les hommes le font. . . 137
événements ou des expériences que le répondant (et, quoique dans
une moindre mesure, le chercheur, qui n'échappe pas à une certaine
sélectivité) estime avoir été marquants pour lui (Miles et Huberman,
1984, p. 125). Bref, ce sont des événements qui, pour toutes sortes de
raisons propres au répondant, ont laissé des traces dans sa mémoire et,
pour une part qui reste à déterminer, dans ses comportements. En
termes interactionnistes symboliques, l'acteur se désigne ainsi à lui­
même - et par la suite aux autres - les choses qui ont un sens ainsi
que le sens qu'elles revêtent. À propos des flèches directionnelles,
maintenant, disons qu'elles visaient à restituer de façon systémique
les corrélations (qu'est-ce qui va avec quoi ?) ou les liens causaux
(qu'est-ce qui a provoqué quoi ?) et chronologiques (dans quel ordre se
sont succédé ces événements?) établis par le répondant et par le
chercheur entre les différents événements critiques rapportés dans
chaque carrière sexuelle.
Une fois ce modus operandi instauré, chaque événement critique,
chaque corélation et chaque lien causal ou chronologique entre deux
événements étaient notés puis comparés avec ceux émergeant des
autres carrières sexuelles recueillies. Par exemple, tels événements
clés ou telle corrélation entre eux étaient-ils confirmés ou infirmés
dans tous les cas? Un tableau résumant le parcours dynamique de sa
carrière sexuelle fut ainsi établi pour chaque répondant, à partir de
l'entrevue puis de son analyse. À mesure que la recherche avançait, la
cartographie de chaque carrière sexuelle était ensuite comparée avec
les autres. Lorsque quelques carrières furent colligées, il fut possible
d'esquisser un premier «tableau synthèse» de l'ensemble des
carrières sexuelles analysées jusque-là. Ce sont les innombrables
remaniements - en fait, des centaines - de ce tableau qui donnèrent
le tableau final autour duquel gravite l'étude, schéma intitulé
« Parcours dynamiques de la sexualité masculine» et présenté à la
page suivante.
La démarche poursuivie exigea conséquemment un incessant
mouvement d'aller-retour entre les données brutes (entrevues et
analyses sommaires) et la conceptualisation ou modélisation
théoriques qui en ressortaient (tableaux individuels et tableau
synthèse des carrières sexuelles, définition des concepts et discussion
des hypothèses générées par les événements clés rapportés et par leurs
interactions). Selon Miles et Huberman (1984), le recours à des
tableaux de type «réseaux de causalité» permet en outre au chercheur
de se faire une «carte mentale » de ses données tout au long de sa
recherche, ce qui facilite d'autant la comparaison, la confrontation et

-- w
C
Tableau 1 - dynamiques de la carrière sexuelle masculine
Nouvelles interactions sociales (socialisation continue)i
Parcours
1
SOcialisatio
goise . - sexualité subie / abus --. inhibition
l
primaire - -.
eXIStentielle
l
identité et
orientation
sexuelles
/.. • •
/fanlasmf
recher e de.. •
,
/
besoins élaboration excitation modèles
sexu/ fil'll'batiOn sexuels
r
,
/ affectifsrr
curiosité lensions plaisir
' . mécanismes .. . Xx
V
o
&
.'
sexuelle = désir d'érotisation (6) sexuel
et cor lérentarité " ,
p
. +} salsfaction sexuel
"
chOlX e .. . conduites sexuellesinterprétations tris
l t
non sat/'sfaite Si résistance :
routmlsahon
contrat •
.. . .
V
o
&
$,
<
ambivalence conflit /
..
,
et significations t , fantasmes
, ,
partenaIres
J msahsfachon compensatoires
continente
(exploratoires)
•
"
dévalorisation
10, .
•
f ruls t ra l'
1
non-actualisation t /
pressions
;on"in"t' 1 incit",
en avant
fuite
'
parents
et proches pairs
attentes
des partenaires
(ennui 1 déception 1
, désintérêt
nouveau(x) choix de partenaire(s)
désérotisation)
..

Recherche qualitative . méthodologie de Tous les hommes le font... 139
la vérification desdites données. En effet, en dessinant les réseaux de
causalité qui émergent entre les événements critiques de chacune des
carrières sexuelles, puis en comparant (par analyse transversale) et en
synthétisant les différents schémas obtenus à mesure que les récits
s'additionnent, j'avais toujours sous les yeux, quel que soit l'état
d'avancement de la recherche, une photographie des résultats obtenus
à ce jour. Cette méthode permet de travailler simultanément à la
description des phénomènes étudiés et à leur explication plausible
puisque, à toutes les étapes de la recherche, les données amassées se
trouvent quasi simultanément analysées, confrontées, et discutées. En
procédant de cette façon, les schémas descriptifs et explicatifs
préliminaires, forcément très succincts, acquièrent davantage
d'ampleur, de pertinence, de précision et de nuance à mesure que de
nouvelles données. et analyses sont compilées. Chaque nouvelle
carrière sexuelle analysée contribue ainsi à confirmer, à raffiner ou à
réfuter les concepts et les corrélations ou chaînes causales déjà
esquissées, bref à tester la pertinence de l'analyse réalisée.
Validation
Comme l'a écrit René Thom (1981, p. 123): «C'est finalement la
satisfaction intellectuelle à la vue du modèle qui est le critère dernier
de sa validité.» Cela dit, une tentative de validation externe des
résultats obtenus a été effectuée de deux façons: d'abord en vérifiant
avec quelques-uns des répondants si la modélisation effectuée dans le
tableau synthèse «Parcours dynamiques de la carrière sexuelle
masculine» correspondait bien au cheminement qu'ils m'avaient
rapporté; deuxièmement, en testant le même schéma explicatif
auprès d'hommes ne faisant pas partie de l'échantillon de la
recherche. Ces deux démarches furent très concluantes, les deux
groupes n'ayant pas de mal, une fois fournies un minimum
d'explications, à retracer leur propre cheminement sexuel à travers les
événements critiques et les chaînes causales du tableau synthèse.
CONCLUSION
La démarche expérimentée en rédigeant Tous les hommes le font . . .
fut, comme je l'ai déjà dit, très féconde en apprentissages. Elle m'a
permis de découvrir des aspects méconnus de la recherche et de
résoudre certains problèmes épineux pour qui mène une étude
qualitative. Je ne prétends pas que mes solutions soient les meilleures
et encore moins que la perspective présentée soit achevée. Tout
simplement ai-je voulu ici faire connaître quelques réflexions,

140 Revue sexologique / Sexological Review
techniques et découvertes qui donneront peut-être le goût à d'autres
explorateurs de se lancer dans semblable aventure. La connaissance
n'est-elle pas une quête sans fin ?
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ABSTRACT
AN EXPERIMENT IN QUALITATIVE RESERCH:
THE METHODOLOGY OF TOUS LES HOMMES LE FONT ... 15.
Based on a research conducted and published by the author, this paper
exposes a qualitative research method utilizing sexual careers. Focusing on
techniques and methods of grounded theory and induction analysis, the
author recalls the main stages of the data analysis of such research.
Keywords
Qualitative research; sexual careers; key events; grounded theory; mode/.
1 5 Dorais, M. (1991). Tous les hommes le font: parcours de la sexualité masculine.
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SUMMARY
Sexological Review, 1993, Vol. 1, No. 1, 143-156
ACTIVE ORAL-GENITAL SEX AMONG MARRIED AND
COHABITING HETEROSEXUAL ADULTSI
Jean-Marc SAMSOW, Joseph J. LÉVY*,
André DUPRAS*, Dominique TESSIER**
Incidence, frequency and correlates of active oral-genital sex were
investigated arong 212 rarried or cohabiting heterosexual adults. Results
have shown that oral-genital sex was present in the sexual script of a large
rajority of individuals. Incidence was significantly related to age, length of
relationship, education, incare and religiosity. As for the frequency of this
sexual behavior, it was associated with age, length of relationship,
occupation, as well as with satisfaction of one's sexual life and of one's
sexual partner. Parenthood and the number of children were also shown to
have a negative bearing on the rate of this behavior.
Keywords
Oral-genital sex; fellatio; cunnilingus; sexual behavior; heterosexuality.
INTRODUCTION
Among the behavioral changes that have affected contemporary
sexual scripts, oral-genital sex is one of the most salient. The incidence
of oral sex in the individual or the couple's sexual life seems to have
substantiaIly increased during the last three decades. Oral-genital
sex-overlooking if it was active or passive-is considered more than
ever a common foreplay element of intercourse (Rubenstein and
Tavris, 1987), and has become an intrinsic part of the sexual scenario
of a very large majority of couples. While Kinsey et al. (1948, 1953)
have reported that about half of the couples experienced this
behavior, the number of couples would since have raised weIl over
80% (Hite, 1976; Tavris and Sadd, 1977; Gagnon and Simon, 1987;
Rubenstein and Tavris, 1987; Wyatt et al., 1988). While sore studies
This study was made possible by grants from the Radio-Québec T program Parler
pour parler, and from the Montreal newspaper La Presse.
Professors at the Département de sexologie, Université du Québec à Montréal,
c.P. 8888, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3P8.
* * Département de santé communautaire, Hôpital Saint-Luc, Montréal.

144 Revue sexologique / Sexological Review
(Mahoney 1980; Young, 1980; Newcomer and Udry, 1985; Roche 1986)
have indicated differences between men and women among college
or university students, this sexual behavior seems, in the adult
populations, to occur as mu ch among women as among men
(Gagnon and Simon, 1987; Whitley, 1989). However, incidence of this
behavior seems to decline with age. And it would be slightly lower
among college populations (OeLamater and MacCorquodale, 1979).
Studies have also reported that this behavior was related to socio­
psychological variables. Among women, oral-genital sex has been
shown to be related to high self-esteem, to the evaluation of sex as
associated to pleasure and expression of love, to lower sex anxiety, and
to a masculine sex-role orientation (Whitley, 1989). As for men, these
relationships were not substantiated, suggesting that other unknown
variables may play a role in male oral-genital scripts. Sex-guilt and
religiosity may also influence the incidence of oral-genital activity
(Herold and Way, 1983; Mahoney, 1980; Young, 1980; Whitley, 1989).
As for the frequency of oral-genital se x, Herold and Way (1983) have
reported that, during the month prior to the investigation, two college
women out of five did experience fellatio or cunnilingus less than
once a week, one out of four once or twice a week, and about 10%
three or more times a week, while 25% of university unmarried
females reported no oral-genital sex. Even if more religious individ­
uals tended to avoid any oral-genital activity, religiosity did not seem
to have a deterrent effect on the frequency of oral-genital sex. But
more frequent oral-genital behaviors were found to be associated with
higher dating commitment, higher dating frequency, lower guilt over
oral-genital sex, higher self esteem and higher intercourse frequency.
As for college students of both sexes, the frequency of oral-genital sex
was shown to be closely related to the frequency of coitus: "Nearly aIl
pers ons, both male and female, who reported frequent oral-sex,
reported frequent coitus (but not vice-versa)" (Gagnon and Simon,
1987, p. 15). However, many questions remained unanswered about
the correlates of this activity among couples from the general
population. The present study wants to contribute to a better
knowledge of this sexual behavior, in investigating the incidence,
frequency and correlates of active oral-genital sex among married and
cohabiting heterosexual adults living in Montreal.
METHOD
Data for the present study were collected as part of a larger project
related to individual concerns about AlOS, that was described in detail

Active Oral-Genital Sex among Heterosexual Adults
elsewhere (Dupras et aL, 1989b). Subjects were selected by random
145
dialing within the Montreal are a, Canada, where more than 90% of
the population are white Caucasian, and more than 80% speak
French. Of the 1,204 French speaking, 18 years and over selected
persons, 41,8% had volunteered to participate in the study and to
receive by mail, by the end of 1987, a questionnaire on the frequencies
of their individual sexual behaviors. The participation rate was
equivalent to similar postal surveys about sexual behaviors (Greatorex
and Packer, 1989). A total of 407 useable questionnaires were returned.
Three facts may have contributed in explaining this high return rate
(81.5%): questionnaires were sent only to volunteers; a $5-bill
incentive was included in each questionnaire; and two recall phone
calls were made to each subject. The present study is concerned only
with respondents who were exclusively heterosexual, and who were
married or cohabiting-123 women and 89 men. Their mean age was
36.9 years, and women were significantly younger than men, with
mean ages of 34.4 and 40.2 years, respectively. There were 112 subjects
between 18-34 years of age, 61 were between 35-54, and 38 were 55 years
and over-one woman failed to indicate her age. The 149 married
subjects were significantly older than the 63 cohabiting subjects, with
me an ages of 40.7 and 27.9 years, respectively. Forty-nine subjects have
indicated living with their current partner for less than 5 years­
among whom 15 for less than 2 years; 59 from 5 to 10 years; 61 from 11
to 20 years, and 40 for 21 or more years-three individuals failed to
indicate the duration of their relationship. Seventy subjects were
childless, 50 had one child, 55 two children, and 37 three and more
children. Respondents have been categorized in two groups according
to their main occupations (Bureau International du Travail, 1976): 48
subjects were non-manual workers (professionals, business pers ons,
salespersons, office employees), and 111 manual workers (craftsmen,
foremen, skilled, semi-skilled or unskilled workers), the remaining
being jobless or of undefined occupations.
The questionnaire's main focus was on individual knowledge,
attitudes and sexual behaviors as related to concerns about AIDS
(Dupras et aL, 1989b). Among questions related to personal sexual
behaviors, subjects were asked how many times, during 1987, they had
stimulated with the mouth the genitals of their regular sexual
partner. The subjects were also presented with four questions
addressing satisfaction with one's sexual life. That is, satisfaction with:
a) the frequency of sexual relations with one's regular partner; b) the
strength of one's sexual pleasure; c) the intensity of one's sexual

146 Revue sexologique 1 Sexological Review
desire; and d) with one's sexual life as a whole. An individual sexual
satisfaction composite score was calculated for each subject with the
above four questions used as a scale, Cronbach a = .87. An additional
question reported on the subject's general satisfaction in regard to
his/her regular sexual partner. Subjects were also asked about their
attitudes toward sexual permissivity (Dupras et al., 1989a); how
religious they would rate themselves-from very to not at aIl
religiaus-, and how frequently they attend religious services-from
always to never.
RESULTS
As it will be shown, variables leading to the inclusion of oral-genital
sex in one's sexual scenario are not the same as the correlates of the
frequency of this sexual behavior. Hence, findings about incidence of
oral-genital sex will be presented first. In the next section, attention
will be focused on the rates of oral-genital se x, presented only for the
168 active subjects-that is those who have effectively engaged in
active oral-genital sex during 1987.
Incidence
Among married or cohabiting heterosexual respondents, 79.7%
have reported the presence of active oral-genital behaviors in their
sexual scenarios during 1987, as many men (77.5%) as women (81.8%).
However, the incidence of this sexual behavior was strongly
associated with age. Whereas 90.1 % of subjects aged 18-34 years have
reported having performed oral-genital sex during 1987, 81.2% of
those aged 35-54 did so, as compared to only 37.9% in the 55 years and
older group (X2 = 39.1, P < .001), the difference being significant only
with the latter group.
The type of relationship also seemed to have an influence on the
occurrence of oral-genital sex. Among cohabiting subjects, 87.9% have
reported they had performed this sexual behavior during 1987, against
73.5% among married individuals (X2 = 13.1, P < .001). Moreover,
among new dyad subjects-whose relationship has lasted less than
two years-aH have reported incidence of oral-genital sex. The
proportion was 92.5% among yaunger dyad subjects-whose
relationship has lasted from two to ten years-, and significantly
lower, 64.6%, among aider dyad subjects-whose relationship has
lasted more than ten years-(x2 = 27.1, P < .001).
Subjects with higher than average education-13 years or more of
schooling-were significantly more numerous in engaging in oral-

Active Oral-Genital Sex amang Hetersexual Adults
genital sex than subjects with less schooling, 87.9% and 73.7%
respectively (X2 = 6.4, P < .01). The same was true for income: among
lower than average income subjects, 87% have performed oral-genital
147
sex, as compared to 73.9% among higher than average (X2 = 5.5, P =
.019). And more religious subjects were less prone to this behavior
th an less religious one s, 71.3% and 88.1% respectively (X2 = 8.8, P =
.003). On the other hand, church attendance did not seem to influence
the presence of active oral-genital sex in one's sexual scenario.
However, variables that we shall see later did correlate with the
frequency of oral-genital behaviors-that is, parenthood, number of
children, occupation, individual sexual satisfaction, and satisfaction
towards one's sexual partner-did not seem to bear influence on the
presence of this behavior in one's sexual script.
Frequency
Among the 168 active subjects, oral-genital sex had occurred on the
average 66.6 times during 1987-1.3 times a week-as often among
males as among females, M = 65.5 and 67.4 times, respectively.
ANOV A analysis has shown that the rate of oral-genital behaviors
varies significantly according to age (F = 7.1, P = .001), this behavior
being more frequent among 18-34 years old subjects, M = 85.5, than
among 35-54 years old, M = 43.2, and than among 55 and older ones,
M = 19.4. Within each age bracket, no differences were found between
males and females.
Cohabiting subjects engaged in active oral-genital sex significantly
more often, M = 93.1, than married subjects, M = 51.9, (t = 2.7, P < .01),
but this difference did not remain significant when age was controlled
for. As for the length of relationship, new dyad subjects had a higher
frequency of active oral-genital sex, M = 142.3, than yaunger dyad, M =
74.2, and alder dyad subjects, M = 41.5, (F = 10.6, P < .01). Furthermore,
childless subjects did perform active oral-genital sex more often
during 1987, M = 98.3, than subjects who were parents, M = 49.8,
(t = 3.1, P < .01). And in this later group, the rate of active oral-genital
sex was higher for parent of a single child, M = 70.4, than of two or
more children, M = 36.9, (t = 2.9, P < .001). As for occupations, non­
manual workers had performed less frequent active oral-genital sex,
M = 52.8, than manual workers, M = 97.2, (t = 3.0, P = .004). These
differences on parenthood, on parity, and on occupation remained
significant wh en age, length of relationship or both were controlled
for.

148 Revue sex%gique / Sex%gica/ Review
ln our sarple, individual sexual satisfaction composite scores were
not correlated with age, r = -.014, nor with the length of relationship,
r = -.007. However, the 101 more satisfied subjects have reported
significantly more active oral-genital behaviors, M = 84.2, than the 66
less satisfied subjects, M =40.5, (t = 4.0, P < .001). As for satisfaction of
one's regular sexual partner, no significant correlation was found
with age, r = .041, nor with the length of the relationship, r = -.047, but
it was found with the frequency of oral-genital se x, r = -.306. Hence,
about half of the active subjects (n = 82) indicated they were Jully
satisfied of their regular sexual partner, the satisfaction of the others
ranging from very much to not at all. As anticipated, Jully satisfied
subjects reported a significant higher rate of active oral-genital sex,
M = 90.8, than less satisfied ones, M = 42.1, (t = 4.0, P < .001).
DISCUSSION
During 1987, 20.8% of married or cohabiting heterosexual adults in
the present study have performed NO active oral-genital sex with
their regular sexual partner. That is less than the percentages of
around 40% reported by Hunt (1974) for married couples, but close to
the various percentages reported by Gagnon and Simon (1987).
Contrasting with college population (Wilson and Medora, 1990), data
from the present study did not show any significant difference
between male and female adults concerning the acceptability of active
oral-genital sex as measured by the incidence and the frequency of this
behavior. These results are in line with those reported by Gagnon and
Simon (1987) and by Whitley (1989), for in our sample, women and
men did not significantly differ neither on religiosity, church
attendance, number of children, length of relationship, nor on
attitudes toward sexual permissiveness (Dupras et aL, 1989a). Indeed
women in our sample were younger than men. But analysis broken
down by age groups still revealed no differences between men and
women.
However, incidence was much more present among younger
married or cohabiting individuals, and a particular gap has been
observed in our data among older individuals, since only 38% of
those in their mid-fifties or older have reported it. These results are
comparable to the tendencies reported earlier for France by Simon et
al. (1972), where a similar break was observed by the age of 50, the drop
being larger among lower education individuals. Associated with the
number of'years married, this sharp drop would match the decline
with that age period, of oral-genital sex as a preferred sexual activity

Active Oral-Genital Sex amang Heterasexual Adults
(Turner and Adams, 1988). But among young and mid-life people, a
wider endorsement of oral-genital sex as an intrinsic component of
one's sexual script may also reflect sexo-cultural developments
observed in the United States (Gagnon, 1977; Simon and Gagnon,
1986) as well as in Quebec (Lévy and Dupras, 1989), and characterized
by an increasing acceptance that the individual may be favorably
enriched by erotic pleasure.
This sexo-cultural tendency also seems to be reflected by the fact that
oral-genital sex was present among a large number of couples whose
relationship was 20 years old or less. But for subjects whose couple
was older than 20, the percentage was greatly reduced, reaching only
43.6%. This lower incidence did not seem, in our data, associated with
satiation or boredom with sex, since these latter subjects have not
indicated a lower sexual satisfaction score, nor a lower index of
satisfaction towards their sexual partner. However, it might reflect an
age effect (Simon and Gagnon, 1986), and/or a contingent cohort
effect, these subjects being of a generation for whom oral sex was less
appealing or relatively tabooed (Gagnon, 1977). It may also reflect the
fading of sexual activity itself as the preferred leisure activity shared
with one's partner (Mancini and Orthner, 1978).
Contrasting with the findings of Young (1980), church attendance
149
did not seem, in our data, to bear influence on the incidence of active
oral-genital sex. On the other hand, religiosity did: religious people,
more th an others, discarded this behavior from their sexual scripts.
This last outcome seems in agreement with previous studies among
married couples (Tavris and Sadd, 1977), among male and female
college students (Mahoney, 1980), and also single university females
(Herold and Way, 1983), but it is contrasting with the findings of
Whitley (1989). However, according to our data, religiosity seems to
operate only at the level of the decision to exclude active oral-genital
behavior from one's sexual script, for neither church attendance nor
religiosity did significantly have weight, in the general population, on
the annual frequencies of this sexual behavior. Similar results have
been reported among single university females by Herold and Way
(1983). The present distinctive effects of religious attitudes and church
attendance may be understood, at least for the population concerned
by our study, as a consequence of the loss of prestige and of
membership the Catholic Church has undergone during the last two
decades. Attendance to the Sunday mass has fallen, in Quebec, from
85% of the population in 1965 to 35% in 1990 (Lemieux, 1990).
Unreceptiveness by church goers to the Church's formaI moral

150 Revue sexologique / Sexological Review
discourse on sexuality, judged by many lay people and by few
clergymen, as superseded and unrealistic (Guindon, 1976, 1980; Bibby,
1990), can also be a factor. Indeed, on other matters related to sex­
premarital sex, abortion, and family planning-churchgoers born after
1935, today yourrger tan 55, were found in a very large percentage not
to follow the prescriptions from the pulpit (Bibby, 1990). Our data on
oral-genital sex would substantiate the drastic reduction of the
powerful influence that the Catholic Church has had over each and
every aspect of the individual's sexual life in Quebec, particularly
during the early 70s (Samson, 1970, 1979; Desjardins, 1990).
It has been reported that individuals with a higher level of
education, more easily include oral sex in their sexual script (Kinsey et
aL, 1948; Simon et aL, 1972; Hunt 1974; Gebhard and Johnson, 1979).
However, data collected in 1969-1970 by Weinberg and Williams (1980)
did not substantiate this tendency, even if they have shown that
initial oral-genital sex was experienced later among men and women
with college education. Data from the present study indicated that
oral-genital sex seemed still prone to specific socio-cultural
differentiations. Incidence of this behavior was more prevalent
among respondents with higher education and with higher income­
but this was not the case among non-manu al workers as compared to
manual workers. Logistic regression analysis denoted that income was
by far the most significant variable in the scripting of the oral-genital
behavior. These findings concur with those of House et al. (1990), who
have indicated that among low income non-college educated women,
60% have reported cunnilingus, compared to 87% among women
interviewed by Wyatt et al. (1988). Indeed, a more accepting attitude
toward oral-genital sex seemed at work among lower-socioeconomic
individuals, but data from the present study tended to show that
members of middle and upper classes, as they prèviously did
(Ferdinand, 1968), would still include more oral-genital behavior in
their sexual scenarios than lower classes.
As for the frequency of oral-genital sex among married and
cohabiting individuals, our data suggested that a somewhat different
set of background variables seemed relevant. On the average, active
subjects-those who have engaged in oral-genital sex during 1987­
have reported 1.3 oral-genital activities a week, as compared to 2.13
coitus a week (Samson et aL, 1991). A positive correlation, r = .61, was
found between both sexual behaviors. These data strongly support
that both these sexual behaviors seem nowadays closely associated in
the regular sexual scenarios of most heterosexual married or

Active Oral-Genital Sex amang Heterasexual Adults
151
cohabiting adults, and the double standard related to gender seems to
have faded away, indicating, nowadays, a more equal expression of
erotic preferences.
As it was the case for the presence of oral sex in one's sexual script,
age seems to have a deterrent effect on the frequency of oral-genital
sex among married or cohabiting heterosexuals. Indeed, differences in
the oral-genital rates between married and cohabiting individuals
were the effect of age since cohabitors were much younger th an
married people.
ln the case of intercourse, a honeymoon effect has been reported,
substantiated by the rate of coitus being much higher during the first
two years of the relationship (James, 1981; Kahn and Udry, 1986;
Samson et al., 1990, 1991). But as for oral-genital se x, no similar effect
was found. No significant differences were found between subjects
whose relationship was in its first year and those in its second year;
neither between the first two years as compared to the third and
fourth.
On the other hand, parenthood and the number of children-which
had no bearing on the presence of active oral-genital experience­
seemed to have a genuine impact on the frequency of oral-genital
behaviors by reducing its rate. A similar effect was noted in the rates
of coitus (Samson et al., 1991). But even when the frequency of coitus
was held constant, parents, and those who had more than one child,
performed oral-genital sex less often than others. And this remained
true when subjects of 55 years and over were discarded from the
analysis. Factors which may explain the specific influence of children
on the frequency of active oral-genital se x, are difficult to identify.
Tentatively, one could suggest that this effect could be linked to the
fatigues related to the rearing of children, particularly when they are
numerous. It could also be the expression of deeper stresses among
the couples, since the birth of a child brings new adjustments and new
negotiations within the couples (Belsky and Rovine, 1990) and often
may contribute to the deterioration of the quality of the interpersonal
relationship (Cowan and Cowan, 1988). This could particularly
undermine the partners' affective bonds and their roman tic
behaviors, and thus cou Id act as a direct deterrent on their sexual life
(Bigras et al., 1991), affecting both its quantity and its quality. For, in a
manner similar to oral-genital sex and independently of age, the rates
of non-coital genital caressing outside the context of sexual relations
were also lowered when children were present in the household
(Samson and Lévy, 1989).

152 Revue sexologique / Sexological Review
Among active subjects, oral-genital sex was found to be significantly
less frequent among non-manual workers, as for their rates of coitus
(Samson et al., 1991). And the rates of oral sex remained lower among
non-manu al workers, even wh en education, income, and the
frequencies of coitus, were independently or simultaneously
controlled for. These findings are contrasting with most data on oral­
genital sex. Detailed analyses between both occupation groups have
shown that neither age, religiosity, parenthood nor parity seemed to
be involved, but that this effect was genuine only among subjects
whose relationships were five years old or less. No explanation could
be found with regard to these findings.
Sexual general satisfaction towards one's sexual partner was also
correlated to higher oral-genital frequencies, as it was the case for the
frequencies of coitus (Samson et al., 1991). As Trussell and Westoff
(1980) have concluded about intercourse, subjects in our study who
have indicated they enjoyed sex more, have had oral-genital activities
more often. It is however difficult to ascertain if this indicates a true
relationship, for it might be the effect of a bias in reporting one's
sexual behaviors. Indeed, Catania et al. (1990) have indicated that a
positive evaluation of one's own sexual satisfaction could
inadvertently bring about the reporting of higher frequencies of sexual
behaviors.
The present study has shown that, indeed, oral-genital behaviors
were, nowadays, intrinsic and important elements in the sexual
scripts of married or cohabiting individuals. As it was the case for
coitus, age seemed the key stone in the incidence and the rate of this
sexual behavior. But a parting seems to occur near the fiftieth
anniversary, older men and women being less prone to perform oral­
genital sex. Since there was a marked increase in the frequency of oral­
genital behaviors during the 70s (Gagnon and Simon, 1987) and the
80s (Rubenstein and Tavris, 1987; Wyatt et al., 1988), one could
consider that a cohort effect, more than a chronological age effect,
might be at play, albeit the present data cannot directly confirm this
line of interpretation.
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RÉSUMÉ
OROGÉNITALITÉ ACTIVE CHEZ DES ADULTES HÉTÉROSEXUELS
MARIÉS OU ·VIVANT EN COHABITATION
On a questionné 212 adultes, mariés ou vivant en cohabitation, à propos de
leurs activités orogénitales. Les résultats indiquent que l'orogénitalité fait
partie du scénario sexuel de la très grande majorité des adultes. L'âge, la

156 Revue sexologique / Sexological Review
durée de la relation, la scolarisation, le revenu et la religiosité influencent
signiicativement la présence de ce comportement. Par ailleurs, la fréquence
de ces gestes sexuels est associée à l'âge, à la durée de la relation, à
l'occupation professionnelle, ainsi qu'à la satisfaction vis-à-vis de sa propre
vie sexuelle et à l'égard de son ou de sa partenaire. Le fait d'être parent, de
même que le nombre d'enfants, ont un effet négatif sur la fréquence de ce
comportemen t.
Mots cés
Orogénitalité; fellation; cunnilingus; comportement sexuel;
hé térosexuali té.

RÉSUMÉ
Revue sexologique, 1993, vol. l, no l, 157-170
L MISSION EUGÉNIQUE DE L SEXOLOGIE
DURANT LES ANNÉES TRENTE EN FRANCE!
André DUPRAS*
Gérard VALLES**
Durant les années 1930, la peur de la dépopulation et de la dégénérescence,
associée à une doctrine de l'hygiène sociale, a contribué au développement
de l'eugénisme et à l'élaboration de programmes hygiéniques. L'Associa­
tion d'études sexologiques fondée en 1931 par le docteur Toulouse a fait la
promotion d'une sexologie eugénique et hygiénique durant les années
trente. L'analyse du projet sexologique du docteur Toulouse permet de
constater que les débuts de la sexologie médicale française furent marqués
par la sensibilité de son « fondateur» aux préoccupations de son époque
concernant la quantité et la qualité de la population.
Mots clés
Sexologie; France; histoire; eugénisme.
INTRODUCTION
Au début des années 1900, des médecins européens ont
institutionnalisé la sexologie en créant des organisations vouées au
développement des connaissances scientifiques sur la sexualité. En
Allemagne, le Dr Magnus Hirschfeld a contribué au lancement de la
sexologie en publiant en 1908 la première revue de sexologie. En
Angleterre, le Dr Henry Havelock Ellis réalisa une série d'études de
psychologie sexuelle qui lui vaudra le mérite d'être considéré comme
l'un des fondateurs de la sexologie. En France, un personnage aussi
important que Hirschfeld ou Havelock Ellis ne semble pas avoir
existé, ce qui laisse entendre que la sexologie française serait née dans
des conditions obscures.
*
Communication présentée au séminaire de la Commission internationale de
démographie historique tenu au 17" Congrès international des sciences
historiques, Madrid.
Professeur au Département de sexologie, Université du Québec à Montréal,
c.P. 8888, succursale A, Montréal (Québec) H3C 3P8.
* * Psychiatre et secrétaire fondateur de la Société française de sexologie clinique
(Paris).

158 Revue sexologique / Sexological Review
Une incursion dans le passé de la sexologie française nous a permis
de découvrir l'existence de l'Association d'études sexologiques fondée
le 10 juillet 1931 par le Dr Édouard Toulouse. Quelques rares ouvrages
ou articles consacrés aux mouvements néo-malthusiens français vont
mentionner son existence mais les auteurs ne jugeront pas utile de lui
consacrer plus de quelques lignes, laissant ainsi l'impression au
lecteur que l'AES a joué un rôle effacé dans l'histoire de la population
française et ne mérite pas qu'on s'y attarde.
En se basant sur les descriptions actuellement disponibles de l'AES,
les sexologues intéressés à connaître leur passé en déduiront
rapidement qu'il s'agit d'un épisode malheureux de leur histoire qu'il
faut vite oublier, ou tout au moins qu'il faut laisser dans le purgatoire
du semi-oubli. Ainsi, Donzelot (1977) dénonce le dirigisme totalitaire
d'Édouard Toulouse et d'un autre membre actif de l'AES, Sicard de
Plauzoles ; ces derniers auraient voulu instaurer un mode de gestion
médicale de la sexualité qui aurait pris la forme d'une police sexuelle.
Par contre, McLaren (1983) de même que Guerrand et Ronsin (1990)
les présentent comme de respectueux démocrates soucieux de
sauvegarder l'ordre social.
La pensée sexologique du Dr Toulouse a tout de même retenu notre
attention puisqu'elle met en cause les finalités recherchées par les
sexologues. L'étude du projet sexologique du Dr Toulouse nous incite
à paraphraser Canguilhem (1979) en posant la question suivante:
«Où veulent en venir les sexologues en faisant ce qu'ils font? »
L'examen des idées véhiculées par l'AES révèle que la réponse à cette
interrogation n'est pas simple et commande une analyse sociohisto­
rique minutieuse si l'on désire comprendre les motivations qui
animaient les personnes oeuvrant au sein de l'AES.
L'étude de la mission de la sexologie durant les années 30 en France
s'annonce difficile puisque le Dr Toulouse a adopté des positions
idéologiques opposées qui paraissent difficilement conciliables. En
parlant du rôle joué par le Dr Toulouse dans le développement de la
psychiatrie en France, Bonnafé (1975) le décrit à la fois comme un
homme de gauche et un personnage extraordinairement réaction­
naire. «Il faudrait une étude historique d'une richesse, d'une qualité,
d'une finesse qui échappent à notre propos actuel, pour comprendre
la complexité de tout cela ... » (p. 59) souligne Bonnafé. Il n'y a pas de
doute que cette invitation concerne également la pensée sexologique
du Dr Toulouse.
L'étude du passé de la sexologie française se complexifie encore plus
lorsqu'on découvre le principal motif qui a poussé le Dr Toulouse à

Mission eugénique de la seologie durant les années trente en France 159
instituer la sexologie: diminuer le nombre des individus tarés. De
fait, les thèmes eugéniques abondent dans les propos sexologiques du
Dr Toulouse, ce qui laisse présager que l'eugénisme constituera l'une
des principales finalités de la sexologie naissante. Russett (1989) tente
de confirmer cette hypothèse en démontrant que la question raciale et
la question sexuelle constituaient pour la sexologie victorienne deux
volets d'une même problématique. Le projet sexologique du Dr
Toulouse s'inscrit dans cette lignée: il préconisera un interven­
tionnisme médical afin de « favoriser la naissance d'êtres bien doués,
et d'éviter dans la mesure du possible la création d'individus tarés»
(Toulouse, 1931a, p. 603). Toutefois, il serait tout à fait inexact
d'étiqueter Toulouse comme eugéniste de droite puisque sa
philosophie entretient des liens avec le féminisme, le néo­
malthusianisme et le pacifisme.
Nous nous proposons dans cet essai de présenter le projet
sexologique du Dr Toulouse en mettant en relief son approche
« synthétique» de la question sexuelle. La recherche expérimentale
lui a permis de développer un esprit de synthèse. Son souci de
rassembler et de combiner en un tout différents éléments se manifeste
dans sa conception à la fois positive et négative de l'eugénisme. La
création d'une association ayant pour but de regrouper des
personnalités de diverses disciplines et opinions qui étudieront la
sexualité sous différents angles reflète encore une fois son approche
synthétique, approche qui le conduira d'ailleurs à préconiser du
même coup une police sanitaire et des mesures préventives en
matière d'hygiène sexuelle.
ÉDOUARD TOULOUSE: HOMME DE SCIENCE ET RÉFORMATEUR
D'origine marseillaise, Édouard Toulouse débuta ses études de
médecine dans sa ville natale pour les terminer à Paris. En 1889, il fut
nommé à l'Internat des Asiles d'aliénés de la Seine; deux ans plus
tard, il soutenait sa thèse de doctorat sur La mélancolie sénile chez la
femme. Après avoir créé en 1897 et dirigé par la suite le « Laboratoire
de psychologie expérimentale » de l'École des Hautes Études, il devit
l'année suivante médeci-chef de l'asile de Villejuif.
Le Dr Toulouse a voulu donner à la psychiatrie un solide
fondement psychologique en la dotant de méthodes expérimentales
pour l'examen psychique précis des individus. Observateur rigoureux
animé d'un esprit méthodique, il se mit à examiner Zola, puis
Poincaré, afin de percer les mystères de la supériorité intellectuelle. Il
constata l'insuffisance de ses moyens d'investigation et fit oeuvre

160 Revue sexologique / Sexological Review
créatrice en s'efforçant d'inventer les outils qui lui manquaient. Avec
Noël Vaschide et Henri Piéron, il créa toute une série d'appareils, de
techniques et de méthodes d'examen qui furent présentés et décrits en
1904 dans le livre « Technique de psychologie expérimentale ». Les
méthodes psychotechniques qu'il a mises au point furent appliquées
au milieu du travail grâce à la collaboration d'Henri Laugier et de
Jean-Marie Lahy (Schneider, 1989). De plus, Édouard Toulouse a su
faire entrer dans la pratique courante en psychiatrie des examens
systématiques de psychologie et de physiologie; il a ainsi fabriqué et
appliqué des tests pour l'examen des aliénés.
Édouard Toulouse est également connu pour son travail de réforme
du milieu asilaire. Dans un texte commémoratif, Gourevitch et Postel
(1967) ont décrit les actions et les luttes menées par le docteur
Toulouse dans ce domaine. Rappelons les plus importantes: il y eut
d'abord la désaliénation de l'asile dont le nom fut changé pour
« hôpital psychiatrique )), qui fut rendu accessible et ouvert et qui prit
une dimension humaine. Ces transformations se sont ensuite
concrétisées par l'ouverture à Sainte-Anne, le ter juin 1922, d'un
service libre de prophylaxie mentale ayant les caractéristiques
suivantes: importance de l'infrastructure (dispensaire, service social)
qui prolonge l'hôpital au dehors, souplesse du régime des
mouvements d'entrées et de sorties, importance des méthodes
d'investigation psychologique et des analyses de laboratoire,
amélioration du bien-être physique et psychologique des malades. En
1920, il fonda la Ligue française d'hygiène mentale afin d'éclairer les
masses sur la prophylaxie mentale. Comme action concrète, il proposa
la création de dispensaires psychiatriques oeuvrant à cette tâche de
prévention sociale.
Édouard Toulouse se préoccupa également de l'éducation du public.
Il publia des articles dans Le Journal et La Revue bleue afin d'éclairer
les lecteurs de sa lanterne scientifique. Les bouleversements socio­
économiques du début du siècle le conduisirent à écrire des essais sur
la transformation des moeurs sexuelles. Parmi ses principaux
ouvrages, mentionnons Les confits intersexuels et sociaux (1904) et La
question sexuelle et la femme (1919). En créant l'Association d'études
sexologiques en 1931, il a porté son action prophylactique dans les
diverses sphères de la sexualité.
L question sexuelle et eugénique
Dans un ouvrage consacré à la question sexuelle, Édouard Toulouse
a décrit les conditions de vie sexuelle en vigueur au début du siècle

Mission eugénique de la sexologie durant les années trente en France 161
pour arriver à suggérer des règles de vie. Un premier constat
s'imposait: le processus de modernisation de l'Europe s'est
accompagné d'une modification des valeurs, des aspirations et du
genre de vie des femmes. La Première Guerre mondiale est venue
accélérer ce phénomène d'émancipation de la femme. Le conflit
mondial a bouleversé les moeurs sexuelles et encouragé une plus
grande liberté sexuelle chez les jeunes filles. Édouard Toulouse
reconnaissait que les femmes avaient été trop longtemps asservies par
le préjugé sexuel qui les maintenait dans un état d'inégalité: «Il n'y a
rien eu de plus funeste que le préjugé sexuel qui évitait par exemple
d'instruire les femmes sur les maladies vénériennes et les livrait sans
défense à des hommes imprudents ou coupables, qui les
contaminaient et souillaient les sources de la génération» (Toulouse,
1919, p. 25). Il observa que les jeunes filles de son époque étaient plus
averties, osant penser et agir en faisant fi du préjugé que certains
entretenaient à leur endroit.
Édouard Toulouse a appuyé certaines revendications du
mouvement de libération féminine, notamment le vote des femmes.
Son intérêt pour la condition féminine peut nous aider à établir les
conditions historiques de la production des discours et des pratiques
scientifiques sur la sexualité au début du siècle en France. La remise
en question du statut de la femme coïncide avec les origines de la
sexologie française. La nouvelle conjoncture socio-économique
affectait, à des degrés divers, la condition de vie des femmes de
l'ensemble des pays occidentaux. Havelock Ellis en Angleterre et Iwan
Bloch en Allemagne, pour ne citer que ces pionniers de la sexologie
moderne, se sont penchés sur la question des femmes. Le Mouvement
de la réforme sexuelle fera de l'émancipation de la femme l'un de ses
objectifs. Le Dr Toulouse reprit à son compte cette démarche de
fondation de la sexologie en se prononçant sur la vie sexuelle des
femmes tout en demeurant sur le terrain de la science. C'est
également sur les bases positives de l'hygiène corporelle et spirituelle
qu'il proposa d'édifier la nouvelle morale sexuelle qu'imposait la
nouvelle conjoncture socio-économique.
La question de la femme constitue le pivot autour duquel va se
développer le projet sologique du Dr Toulouse. Les nouvelles
conditions de vie des femmes soulevaient les problèmes de liberté
sexuelle, de l'union libre et du mariage, de la procréation et de la
progéniture. Édouard Toulouse va exposer non seulement les
bienfaits mais également les méfaits de la libéralisation des femmes. Il
dénoncera le libertinage des jeunes et celui des couples vivant en

162 Revue sexologique / Sexological Review
union libre puisqu'il « expose aux maladies qui vicient et stérilisent
les sources de la race» (Toulouse, 1919, p. 73). Pour accroître la natalité
et améliorer la qualité de la progéniture, il déconseillait les compor­
tements pouvant mettre en danger la procréation (ex. : alcoolisme,
prostitution) ; il préconisait des mesures sociales (ex. : casier sanitaire,
avantages fiscaux, éducation sanitaire, services prophylactiques) afin
d'augmenter le taux de natalité et d'améliorer la race.
La préoccupation du corps médical à l'égarà de la prévention des
maladies familiales et de l'amélioration de la qualité de la population
remonte bien avant les propositions eugéniques d'Édouard Toulouse
et de Sica rd de Plauzoles. Dans un texte sur l'eugénisme en France,
Léonard (1985) cite des projets eugéniques formulés au début du 1ge
siècle, voire même au 18e· siècle. D'après Schneider (1986),
l'eugénisme des années 1930 a ceci de particulier qu'il deviendra plus
sévère et restrictif. Des mesures draconiennes comme la prohibition
du mariage, la stérilisation et la restriction de l'immigration seront
proposées pour éliminer les «dysgéniques». La peur de la
dépopulation et de la dégénérescence de même que la crise
économique sont des facteurs qui ont contribué à l'émergence d'idées
eugéniques négatives.
Dans ses écrits, Édouard Toulouse préconisera à la fois un
eugénisme positif et négatif. Ainsi, il va exhorter ses concitoyens à
donner naissance à de beaux enfants. Les plus sains et les plus aptes
sont invités à se reproduire et engendrer des enfants qui auront de
bonnes dispositions biologiques. Pour assurer la qualité de la
reproduction, il faut s'en remettre à la science: « La repopulation doit
être organisée, comme toute autre industrie humaine, d'une manière
positive et rationnelle» (Toulouse, 1919, p. 146). Ainsi, la femme
exerce une fonction maternelle comme une professionnelle, bien
avisée par la médecine.
En contrepartie, Toulouse souhaite que des efforts soient déployés
pour diminuer la naissance et la présence d'êtres anormaux et
indésirables. Il faut d'abord une politique d'immigration basée sur
une sélection rigoureuse afin d'écarter les individus tarés, déficients
ou pervers. Il importe également que les personnes impropres à la
procréation (ex.: alcooliques, tuberculeux, miséreux) soient
empêchées d'enfanter. Nombre deces «produits» de mauvaise
qualité, de ces «déchets» humains, aboutiront à l'hôpital ou en
prison. Le Dr Toulouse (1931a) va suggérer des études scientifiques,
sous l'égide d'une association, afin de mieux connaître ce problème
sexologique et d'y trouver des réponses rationnelles:

Mission eugénique de la sexologie durant les années trente en France 163
«L'Association est émue notamment par le nombre d'anormaux qui, du
fait des tares héréditaires, constituent la clientèle permanente des asiles
d'aliénés, des services de chroniques des hôpitaux et des organisations de
répression pénale, dont le budget global est écrasant - population qui
entretient des maux physiques et moraux sans nombre, des désordres
sociaux continus, et qui, en transmettant les tares, affaiblissent la race. Elle
cherchera quels moyens seront les plus capables d'enrayer ce fléau»
(p. 598).
Préoccupé par la qualité de la race française, le Dr Toulouse élabore
un programme eugénique sévère comprenant des solutions extrêmes.
Ainsi, il ose proposer la stérilisation des indésirables dans un but jugé
louable: éviter de transmettre les tares héréditaires et de perpétuer la
mlsere. Toulouse partage avec les néo-malthusiens cette
préoccupation eugéniste. Béjin (1988) signale que ceux-ci étaient d'avis
que la dégénérescence de l'espèce humaine justifiait un contrôle de la
procréation. Mentionnons que Toulouse (1931b) va reprendre à son
compte les arguments néo-malthusiens et en faire une composante de
la problématique sexologique: «Pour que les peuples soient à leur
aise et vivent en paix, on voit donc que la population devrait être
proportionnée aux ressources, et non pas seulement à la surface du
sol» (p. 430). Comme prophylaxie natale, il va retenir des mesures
néo-malthusiennes comme l'implantation de cliniques de limitation
des naissances et d'avortement.
Le projet sexologique du Dr Toulouse est apparu à un point donné
où les moeurs sexuelles étaient bouleversées, où la dégénérescence
suscitait beaucoup d'inquiétudes hygiéniques. Au début du siècle, la
psychiatrie reconnaissait de plus en plus l'influence de la sexualité sur
le comportement de l'individu et sur la vie collective. Le Dr Toulouse
croyait fermement que l'instinct sexuel était de tous nos penchants
« celui dont l'exercice immodéré est le plus funeste à la collectivité»
(Toulouse, 1919, p. 74). Il souhaitait que les spécialistes de la sexualité
unissent leurs savoirs et esquissent des solutions rationnelles afin que
la fonction sexuelle puisse s'exercer en dehors de tout danger de
contagion et de démoralisation.
L'INSTITUTIONNALISATION DE L SEXOLOGIE
Le projet de Toulouse de regrouper en une association des
personnes intéressées par l'étude de la question sexuelle se réalisa le
10 juillet 1931. L'Association d'études sexologiques (AES) fut fondée
avec Monsieur Justin Godart, ministre de la Santé publique; le Dr
Toulouse en fut le président et le Dr Jean Dalsace le secrétaire.

164 Revue sexologique / Sexological Review
L'Association d'études sexologiques avait pour but «l'étude des
problèmes de la sexologie et de leurs rapports avec la vie sociale»
(Bulletin de l'AES, vol. l, nO l, mai-juin 1932, p. 6). Pour atteindre ce
but, elle s'était donné les moyens d'action suivants: la propagande (la
presse, la parole, l'image), la publication d'un bulletin et d'un
périodique, les consultations médicales, les fondations de dispensaires
et de sections, et éventuellement la création d'un institut de sexologie.
De grandes commissions de travail ont été créées, dont entre autres les
commissions scientifique, politique, sociale, juridique et religieuse,
qui jouaient un rôle de conseiller technique et étudiaient les questions
soumises par le conseil d'administration et le président.
L'AES était une association d'études qui voulait se prononcer sur
des problèmes sociaux et moraux après avoir approfondi chaque
question retenue pour étude. Parmi les questions jugées prioritaires, il
y avait la prophylaxie anticonceptionnelle, la prostitution, la
continence et l'hygiène individuelle, et enfir la différenciation
sexuelle. Pour arriver à formuler des règles et des conseils en ces
matières, il fallait examiner selon la méthode scientifique leurs
aspects sociaux, moraux, juridiques et esthétiques. Édouard Toulouse
souhaitait que l'AES poursuive son action sur un terrain scientifique
et médical. Il trouvait logique que les activités de l'AES conduisent à
la création d'une chaire de sexologie, à la Faculté de médecine de Paris
d'abord puis en province. Il prévoyait aussi la mise sur pied de centres
de recherche et d'examens sexologiques dotés d'une infirmerie, d'un
laboratoire, d'un service de documentation et d'une revue de
vulgarisation.
Pour guider l'AES dans ses prises de position et ses actions, Édouard
Toulouse va créer, le 3 février 1932, la Société de sexologie. Le but de
cette dernière était l'étude scientifique de la sexualité. Elle se
distinguait de l'AES par son caractère strictement scientifique. Elle
avait pour mandat de répondre aux demandes d'avis scientifiques
émanant de l'AES. Le Dr Toulouse refusa d'en assumer la présidence
et confia cette importante fonction au professeur Achard, secrétaire
général de l'Académie de médecine. En créant la Société de sexologie,
Édouard Toulouse faisait oeuvre de fondation: « Il a pris l'initiative
de la création de la Société scientifique de sexologie, qui fournira les
meilleures bases d'études à l'AES pour son action générale et qui, par
la discipline et la coordination qu'elle imposera aux travaux, aidera
fortement à la constitution d'une science nouvelle: la sexologie»
(Bulletin de la Société de sexologie, mai 1932, tome l, vol. l, p. 1-2).

Mission eugénique de la sexologie durant les années trente en France 165
Édouard Toulouse a rapidement constaté les limites des méthodes
monodisciplinaires traditionnelles. Il a préconisé une approche
globale qui tienne compte de la totalité de l'individu. Au n Congrès
international d'hygiène mentale (Toulouse, 1938), il affirmait: «Je ne
crois pas au travail dispersé, trop analytique, qui aboutit à des études
fragmentaires sur des faits artificiellement séparés, morphologiques,
neurologiques, chimiques, endocriniens, psychologiques, alors que la
personne est la synthèse de tout cela ... » (p. 22).
Pour ce qui est de l'étude scientifique de la sexualité, il va proposer
une démarche qui correspond à ses croyances scientifiques. Lors de la
séance inaugurale de la Société de sexologie tenue le 9 mars 1932, il
soulignait la complexité des problèmes sexuels à étudier, ce qui
imposait une approche multidisciplinaire: «Quand on étudie un de
ces problèmes, on se rend vite compte qu'aucune des disciplines
existantes ne peut arriver seule à les résoudre d'une manière
satisfaisante. Il faut s'adresser à des compétences différentes: hommes
de science, médecins, sociologues, juristes. C'est par la coordination de
tous ces efforts qu'on pourra arriver à une activité efficace»
(Toulouse, 1932a, p. 18). C'est dans cet esprit de convivialité qu'il avait
fondé l'Association d'études sexologiques. Il avait invité des
personnalités éminentes de différents champs d'action et disciplines à
se joindre à cette association. Fidèle à sa vision de la science, il a créé
une Société de sexologie ouverte à tous les chercheurs voulant
contribuer au développement des connaissances scientifiques sur la
sexualité.
Cette vision d'ensemble qu'il voulait insuffler aux études
scientifiques de la sexualité transparaît dans les travaux réalisés par la
commission de prophylaxie anticonceptionnelle. Monsieur Basch
indiquait dans son préambule que le problème de la prophylaxie
anticonceptionnelle se pose au médecin, au moraliste, au
jurisconsulte, au législateur, à l'économiste et au sociologue. Les
membres de cette commission ont étudié la question en tenant
compte des droits et devoirs des individus et de la collectivité en cette
matière, de la condition de vie des femmes et des individus de classes
défavorisées, de la réglementation de l'ordonnance médicale et de la
Loi de 1920 réprimant l'avortement et la propagande anticoncep­
tionnelle. À sa réunion du 15 février 1933, l'AES présentait les
conclusions des commissions ayant étudié les différents aspects du
problème de la natalité.
En somme, elle a repris et rendu formelles les propositions du Dr
Jean Dalsace pour diminuer le nombre des anormaux: «Ajoutons au

166 Revue sexologique / Sexological Review
'birth-control' et à l'avortement légal la stérilisation des anormaux,
des tarés et des aliénés, organisons le certificat prénuptial, renforçons
les lois contre l'avortement clandestin dont nous avons démontré
l'inefficacité dans l'état actuel des choses - et nous verrons
disparaître ce fléau» (Bulletin de l'AES, vol. l, n° 2, mai 1933, p. 39).
LE SEXOLOGUE: POLICIER ET ÉDUCATEUR
La référence policière est souvent évoquée dans les écrits du Dr
Toulouse. Ainsi, dans son ouvrage traitant de la Question sociale
(1931c), il décrit la misère comme un délit; le miséreux crée le mal
autour de lui, menaçant les gens en santé. Il souhaite l'établissement
d'une loi d'hygiène et l'intervention directe d'une police préventive
afin d'interdire les modes d'existence qui mettent en danger la santé
et la moralité. Il est convaincu que des mesures coercitives sont
nécessaires pour rendre obligatoire l'hygiène: « Aussi la collectivité
devra-t-elle intervenir. Des commissaires de la misère, assistés de
médecins, pénétreront dans un intérieur dès qu'il sera notoire que le
délit de misère est commis et qu'il y a danger pour l'entourage» (p.
45). En imposant ainsi des moyens de lutte méthodique pour
combattre la misère, il espérait la faire disparaître en une génération.
Pour Édouard Toulouse, les actions contraignantes de la « police
sanitaire» sont indispensables pour faire respecter les règles
d'hygiène. Ce pouvoir policier a moins pour rôle d'assommer et
d'emprisonner les miséreux que de prévenir les risques de contagion
en les neutralisant et, si possible, en les réhabilitant. Toulouse
préconise un nouvel esprit policier en matière de santé publique en
l'associant à la prévention. On assiste avec Toulouse non pas à un
« déclin de la tonalité policière» devant l'avènement d'une nouvelle
conception de l'hygiène publique au début du siècle, comme
l'affirment Murard et Zylberman (1984), mais à sa transformation en
police préventive. L'hygiène sociale préconisée par Toulouse n'est pas
seulement répressive et législatrice mais également préventive et
éducatrice. Pour assurer le bonheur des individus, il faut d'abord les
éduquer: « C'est donc par l'éducation qu'il faut commencer
l'émancipation du travailleur. Lui apprendre une existence saine,
plus digne, plus intellectuelle, ce sera lui imposer des besoins plus
grands et la volonté ferme de les satisfaire» (Toulouse, 1931c, p. 91).
Ces conceptions de la prophylaxie sociale se retrouvent dans le
projet sexologique d'Édouard Toulouse. Dans la préface du manuel de
sexologie de Hesnard (1933), Toulouse rappelle le rôle contrôlant de la
sexologie en ces termes: « Les connaissances positives de ces faits

Mission eugénique de la seologie durant les années trente en France 167
peuvent seules aider à comprendre que l'acte sexuel ne saurait être
d'ordre exclusivement privé, qu'il doit souffrir le contrôle et la
surveillance collectifs» (p. 10).
À ses yeux, la transmission de tares héréditaires est un crime, un
attentat du même ordre que les coups et blessures. Le médecin a donc
le devoir d'empêcher les alcooliques de se marier et de procréer
puisqu'ils engendrent des débiles physiques et mentaux, des
épileptiques et des mort-nés. Pour éviter cette détérioration de la race,
il propose une application stricte du certificat prénuptial et
l'établissement du casier sanitaire: Toulouse croyait que, pour être
efficace, l'action « policière» de la sexologie devait se doubler d'une
composante préventive. En plus d'être conseiller, le médecin
sexologue devait lutter contre les préjugés et les intérêts qui étaient
contraires à l'hygiène sexuelle. À titre d'exemple, Édouard Toulouse
considérait que l'éducation sexuelle s'imposait afin de combattre
l'ignorance et le préjugé en matière de sexualité: « Quelques
informations sûres au sujet de la fonction sexuelle feraient plus pour
le bonheur des individus et la paix des ménages que tous les conseils
moraux, dépourvus d'efficacité parce qu'ils sont suspendus dans le
vide» (Toulouse, 1919, p. 284). Il revenait au médecin de renseigner
les jeunes sur les dangers du libertinage, de même que les couples sur
les dangers de certains vices héréditaires. Les propos du Dr Toulouse
corroboraient ceux émis par le Dr Fiaux (1907) qui concluait son
rapport de la Commission extra-parlementaire du régime des moeurs
en ces termes: « C'est encore aux médecins qu'il appartiendra, comme
professeurs d'hygiène déjà tout désignés, de donner à la jeunesse ces
éléments indispensables de science naturelle relative à l'hygiène
sexuelle, à la pathologie sexuelle; les médecins sont ici les premiers
éducateurs de moralité altruiste et individuelle » (p. 604).
Pour Édouard Toulouse, l'action réglementaire et administrative
des médecins sexologues doit être accompagnée d'une éducation
sanitaire. Cette dernière doit remettre en question les opinions
susceptibles de constituer des entraves à l'acceptation et à l'application
de nouvelles règles de vie sexuelle qui obéissent aux impératifs de la
rationalité sexologique. Pour être forts et sains, les Français doivent
modifier leurs opinions et adhérer au nouvel idéal biologique que
Toulouse (1932b) leur propose:
« En définitive, il s'agit d'entreprendre une campagne d'opinion pour
que les meilleurs citoyens les plus sains et les plus aisés - surtout les
paysans qui vivent dans les milieux les plus salubres - ne laissent pas,
comme ils le font trop souvent, le soin de perpétuer la race aux plus

168 Revue sexologique / Sexological Review
déshérités dont le salaire minimum est hors de proportion avec les
besoins d'une grande famille, et, ce qui est pis, ,aux plus tarés parce que
plus imprévoyants, aux alcooliques et aux anormaux» (p. 1047).
Dans l'esprit d'Édouard Toulouse, la sexologie constitue une science
policière et préventive, attachée à la fois à la surveillance des moeurs
sexuelles et à l'éducation sexuelle. Pour réaliser sa mission, la
sexologie doit amalgamer la méthode réglementaire avec la méthode
expérimentale si elle veut être efficace. La sexologie aura de bons
résultats à condition d'adopter une vision globalisante et une
organisation synthétique en prenant comme modèles la science ou
l'industrie.
CONCLUSION
« Il était donc naturel que la France soit la pionnière dans la grande
tâche de limiter la reproduction selon les besoins non seulement de
l'économie domestique mais d'une existence raisonnable et
humaine. » Cet extrait d'un message de félicitations que Havelock
Ellis avait envoyé à la revue « Le problème sexuel» (1933, nO 2, p. 2)
pourrait s'appliquer à la contribution du Dr Toulouse à l'émergence
de la sexologie française. Son oeuvre de psychiatre et de psychologue
l'a conduit à se pencher sur le problème sexuel, à institutionnaliser la
sexologie française. Il était bien placé en tant que psychiatre pour saisir
les problèmes sexuels que vivaient les gens de son époque. En
s'attaquant à la problématique de la fécondité et de l'eugénique, il
reprenait à son compte les préoccupations des sociétés occidentales au
début du siècle. Il a voulu aborder ces questions et y trouver des
solutions en demeurant sur le terrain de la science. La concordance
entre sa pensée sexologique et ses conceptions psychiatriques
témoigne de l'unité de son oeuvre. Pour lui, la psychiatrie devait
assumer la tâche de l'hygiène et de la prophylaxie mentale en
recherchant des règles d'action pour tous les champs de l'activité
sociale. À ce titre, la psychiatrie doit dicter des règles de vie en matière
de sexualité.
Pour Édouard Toulouse, la sexologie constituait un instrument
puissant et efficace qui devait être au service d'une «biocratie », d'une
gestion de la vie humaine fondée sur une coopération entre les
sciences et la politique. Il voulait que les pouvoirs publics soient
conseillés par les connaissances rationnelles plutôt que par des
préjugés. Dans un livre paru l'année même de la fondation de l'AES,
il présentait les objectifs de sa mission sociale en ces termes: «J'ai
voulu préparer les esprits aux changements nécessaires, les libérer des

Mission eugénique de la seologie durant les années trente en France 169
préjugés les plus entravants et les amener à concevoir un état juste et
équitable de biocratie» (p. v). En tant que technicien biologiste, il
espérait voir disparaître la misère par des moyens de lutte
méthodique. Le rôle de l'hygiène mentale était de dicter des règles et
de proposer des mesures efficaces pour assurer l'évolution sociale.
Selon cette vision du progrès social, Toulouse avait mandaté l'AES
pour construire un « code de la sexualité» qui devait tenir compte des
idées rationnelles et s'appuyer sur les sciences de la vie.
RÉFÉRENCES
BÉJIN, André (1988). «Néo-malthusianisme, populationnisme et
eugénisme en France de 1870 à 1914 », Histoire de la population
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170 Revue sexologique / Sexological Review
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TOULOUSE, Édouard (1932b). «Hygiène mentale et eugénique », Vu
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TOULOUSE, Édouard (1938). «Discours du président du congrès au Ile
Congrès international d'hygiène mentale », La prophylaxie mentale,
(44),20-23.
ABSTRCT
EUGENIC SEOLOGY IN FRNCE DURING THE 19305
During the 19305, the fear of depopulation and degeneracy, associated with a
social hygienic doctrine, has contributed to the development of eugenics
and of hygienic programs. The Association d'études sexologiques created in
1931 by Dr. Toulouse was promoting an eugenic and hygienic sexology
during the 1930s. An analysis of Toulouse's sexological project shows that
the beginning of the French medical sexology was influenced by the
awareness of its "founder" towards the preoccupations of its time
concerning the quantity and the quality of the population.
Keywords
Sexology; France; history; eugenism.

Revue sexologique, 1993, vol. 1, n 1
COMPTES RENDUS 1 BOOK REVIEW
Marie-Paule Desaulniers, L'éducation sexuele: définition
Ottawa, Éditions Agence d'ARC, 1990, 231 pages
« Il n'existe pas de réponse à la question de l'éducation sexuelle; seules
existent de nombreuses interrogations ... » (p. 19)
Qu'est-ce que l'éducation sexuelle et qu'est-ce qu'elle n'est pas?
Marie-Paule Desaulniers essaie de trancher ce débat dans un ouvrage
engagé et passionné, L'éducation sexuelle: définition. Elle tente d'y
clarifier le concept d'éducation sexuelle en le départageant d'autres
formes d'intervention qui lui sont associées, pour ensuite en proposer
une définition dite positive. Ce travail d'analyse s'inscrit dans le
champ de la philosophie de l'éducation.
Le chapitre deux constitue véritablement le coeur de l'ouvrage.
Marie-Paule Desaulniers y poursuit une longue entreprise de
clarification où peu à peu se mettent en place les éléments constitutifs
de sa définition de l'éducation sexuelle. Clarification, tout d'abord, de
la notion de sexualité; il faut bien admettre que cette tentative n'est
pas tout à fait réussie. Pourtant, les pistes de réflexion sont multiples
et diversifiées: apport de différentes approches théoriques
(étymologique et mythique, biologique, érotique, psychosociale),
distinction entre la sexualité humaine et certains domaines auxquels
elle est associée (la génitalité, la nature, l'instinct, le sacré). Cependant,
cette tentative de dégager ce qui fait de la sexualité une sexualité
« humaine» ne convainc pas vraiment, même quand l'auteure
affirme, par exemple, que la sexualité humaine relève plus du désir
que de l'instinct - surtout quand cette affirmation de principe se
double d'une définition assez nébuleuse et approximative du désir,
comme celle que l'on retrouve à la page 61 : « Le désir, c'est la pulsion
sexuelle indifférenciée, orientée par les relations humaines dès la
naissance et même avant, selon certains psychanalystes. Le désir, c'est
aussi l'intégration de la tendresse, de l'amour, de la violence et de la
dépendance dans les relations humaines; il structure la personnalité
en partant de la pulsion sexuelle. »
Le deuxième mouvement de l'analyse nous semble plus
intéressant. Il tente, par un jeu de proximité et de distance, de

172 Revue sexologique / Sexological Review
comparer et de démarquer le champ de l'éducation sexuelle d'autres
domaines auxquels elle est souvent liée: l'éducation affecti\'f'
érotique, morale, religieuse, corporelle, sociale, l'éducation à la santé
et esthétique. Cela donne lieu à une réflexion nuancée où l'on mesure
à quel point il est difficile de tracer une ligne de démarcation entre
l'éducation sexuelle et .. d'autres formes d'éducation. L'ouvrage
distingue ensuite le sens de l'éducation sexuelle de celui qu'on lui
impute faussement. L'éducation sexuelle n'est ni information
sexuelle ni sexologie, confusion effectivement très fréquente dans le
discours et dans la pratique autant chez les enseignants et éducateurs
que chez les futurs éducateurs-sexologues. Elle n'est pas non plus
initiation sexuelle ou pornographie. Enfin, des éléments de définition
sont apportés par l'analyse des arguments contre l'éducation sexuelle,
qu'ils soient d'ordre psychologique, pédagogique, philosophique,
moral ou politique, et par des réponses à ces arguments.
Tout au long de sa discussion, Marie-Paule Desaulniers présente des
éléments de définition concernant l'éducation sexuelle auxquels,
incontestablement, la plupart des éducateurs-sexologues pourraient se
rallier. L'accent est mis sur la formation globale de l'individu, la
compréhension, la conscientisation et l'intégration de la sexualité à
un projet de vie, avec une ouverture sur le bonheur et la
responsabilité plutôt que sur les interdits, et ce à travlrs un langage
scientifique.
Cependant, la «définition positive de l'éducation sexuelle»
présentée au chapitre trois laisse perplexe. L'auteure choisit en
premier lieu d'énumérer, dans une longue liste, les éléments du
contenu de l'éducation sexuelle. En quoi cette présentation constitue­
t-elle une définition? On peut se demander aussi en quoi certains de
ces éléments se démarquent du contenu d'une formation en
sexologie. Les éléments énumérés sont-ils tous pertinents pour la
formation des enfants et des adolescents? Quelle est la position de
l'auteure face à ce contenu? Aussi devient-il difficile de saisir une
définition cohérente marquée par une certaine systématisation. Enfin,
l'auteure donne une place primordiale au langage dans sa définition
de l'éducation sexuelle. Cette référence au langage, tout en amenant
un questionnement pertinent, voire important, nous laisse dans le
flou. Pourquoi le langage scientifique est-il le seul probablement
acceptable s'il est marqué, comme elle le dit, de neutralité affective et
d'asepsie ne permettant pas l'intégration de la dimension émotive de
la sexualité? À quoi doit-on ou peut-on se référer lorsqu'il est
question de parler de sexualité «comme un adulte» ? Face à cette
r

Comptes rndus / Book Review
définition de l'éducation sexuelle, il semble qu'effectivement nous
devions nous contenter de nombreuses interrogations.
Certes, l'ouvrage contient une analyse des confusions, erreurs et
préjugés face à l'éducation sexuelle. Cependant, dans son exposé, tout
en dénonçant un certain discours qui ne serait que rhétorique ou
militant, l'auteure elle-même n'échappe pas à certaines formes de
jugement qui se présentent souvent sous les apparences d'arguments
ou d'explications: «La rhétorique de l'embarras ne sert que la
173
démission des éducateurs plus intéressés à mener tranquillement leur
carrière qu'à éduquer les jeunes» (p. 21). [ ... ] «Ils [la majorité des
éducateurs] acceptent également la répression de la sexualité
adolescente, refusant de prendre en compte la curiosité sexuelle,
interdisant les flirts, les fréquentations, les relations sexuelles
adolescentes et la masturbation. [ ... ] les changements sociaux les
perturbent, les virements de cap les laissent pantois; en un mot, ils
sont traditionnels» (p. 127-128). Face à certaines affirmations,
d'aucuns se demanderont à quelle décennie du xxe siècle l'auteure
fait référence, d'autres pourront croire que l'analyse se consacre aux
résistances des éducateurs plutôt qu'à la définition de l'éducation
sexuelle comme telle.
L'éducation sexuelle: définition s'est donné comme objectif
d'élucider le concept d'éducation sexuelle pour que l'on comprenne
mieux ce qu'elle est afi de la réaliser. Bien que le travail de déblayage
soit réel, il nous apparaît regrettable qu'il n'apporte pas de proposition
suffisamment claire et cohérente quant à la définition de l'éducation
sexuelle pour permettre l'élaboration d'hypothèses susceptibles
d'orienter le travail des éducateurs. Cependant, ce livre contient des
pistes intéressantes en ce qu'il ouvre la porte à de nombreux
questionnements et peut ainsi constituer un instrument de réflexipn
pour toute personne qui s'intéresse à l'éducation sexuelle des enfants,
des adolescents ou des adultes et s'y engage. L'approche utilisée -
aborder l'éducation sexuelle par le biais de sa contiguïté à d'autres
formes d'éducation, par ses contresens et par l'analyse des arguments
en sa défaveur - est originale et prometteuse. Enfin, ce livre a le
mérite de fournir des éléments de réponse à une question qui, jusqu'à
maintenant, n'avait que trop peu retenu l'attention dans la littérature
sur l'éducation sexuelle.
Liliane Lavertu
Éducatrice-sexologue

174 Revue sexologique / Sexological Review
Jean-Marc Larouche, Éros et thanatos sous l'oeil des nouveaux clercs
Montréal, VLB éditeur, 1991, 202 pages
Un bon titre aguichant pour un séminaire de sociologie: éros et
thanatos sous l'oeil de nouveaux clercs. On y traitera, dans une
perspective historique, de manipulation symbolique et de lutte de
pouvoir au sujet du sexe et de la mort dans une microsociété en
mutation. C'est néanmoins le thème d'un livre sérieux qui présente
des événements colligés aux archives sans parti pris, sauf celui de la
distanciation, de la mise entre parenthèses de la subjectivité et de
l'évaluation critique. Par la seule vertu immanente de la description
phénoménologique, les événements fondateurs de la sexologie et de
la thanatologie s'inscriront tout naturellement dans les processus de
la sécularisation et de la postsécularisation à la sauce québécoise et au
coulis uqamien.
L'auteur n'a pas ménagé les ressources de sa culture polyvalente
pour suivre les dossiers de ces deux champs d'études en émergence à
travers les dédales procéduraux de l'UQAM (Université du Québec à
Montréal). Mais pourquoi avoir succombé aux airs ringards des
pompes ... académiques, tant dans le titre à thèse (pourquoi sous l'oeil
et non sous le stylo ?) que dans les spéculations sur la sexologie par
opposition à la sexosophie ou à la thanatologie et par opposition à la
thanatosophie? Un certain académisme s'observe aussi dans la
volonté insistante d'affirmer plus que de démontrer que la
manipulation symbolique est le moteur de ces démarches d'insertion,
sous l'aura universitaire, des préoccupations au sujet de l'éducation à
la sexualité ou de l'éducation à la mort.
L'ensemble du livre montre que l'auteur a bien cerné les intentions
des initiateurs de la sexologie universitaire: affirmation de l'idéal
d'interdisciplinarité, projet d'étudier la globalité du phénomène
sexuel, sentiment d'urgence pour une intervention scolaire au sujet
des conduites sexuelles de la nouvelle jeunesse née de la révolution
tranquille. Le succès de l'implantation de la sexologie à l'université
n'a pas eu, selon l'auteur, son pendant dans le domaine de
l'éducation sexuelle scolaire. Dommage pour la thèse du pouvoir de
la manipulation symbolique des sexologues de la première comme de
la seconde génération!
La section du livre consacrée à la mise en place de programmes
universitaires en thanatologie profite d'un souci épistémologique
mieux affirmé. Le projet des thanatologues participe d'un courant

Comptes rendus / Book Review
175
social porteur d'initiatives dans le domaine des soins palliatifs. Les
intentions des promoteurs de la thanatologie universitaire
s'articulent autour de deux pôles: permettre, d'une part, aux vivants
- plus particulièrement aux mourants - de récupérer leur mort
occultée par la société sécularisante, et éviter, d'autre part, la
professionnalisation de la mort dans une société postsécularisée. Les
tensions entre ces deux objectifs de la démarche thanatologique à
l'UQAM sont bien mises en évidence et la position critique de
l'auteur, même à peine esquissée, laisse place à une dynamique de
résolution de ces tensions à l'égard surtout de la pratique des
diplômés intervenant auprès des mourants et de leurs proches.
L'auteur avertit, en page 146: «[...] n'utilisant qu'une méthode
phénoménologique descriptive, cette recherche se limite au vécu
exprimé par les sujets ... » C'est la force de ce livre de présenter avec
rigueur les diverses séquences de la mise en place de la sexologie et de
la thanatologie dans le système universitaire. C'est aussi les limites
inhérentes à l'attitude du spectateur qui se veut impartial; il prépare
les matériaux pour une éventuelle étude critique qui profiterait de ce
survol historique pour faire comprendre les enjeux théoriques et
pratiques de telles entreprises, par-delà les rôles circonstanciels et les
interventions ponctuelles, en utilisant diverses grilles de lecture et
d'analyse de données patiemment recueillies.
Willy Pasini, Éloge de l'intimité
André Bergern
Professeur, UQA
Paris, Payot, 1991, 288 pages. Trad. Marie-France Brouillet
Ce livre nous raconte, pour commencer, la place qu'a tenue
.
l'intimité dans différentes sociétés, de l'Antiquité à nos jours.
L'auteur nous décrit l'intimité et croit que les valeurs qui y sont
rattachées reviennent à la mode. Pasini tente ensuite de distinguer
trois formes d'intimité - corporelle, sexuelle et affective -, puis
d'établir la distinction entre le besoin d'intimité et le désir d'intimité,
celui-ci, pour lui, se rapprochant davantage de l'intimité véritable.
Pour l'auteur, la peur de l'intimité est à la base de bien des
psychopathologies ainsi que de la majorité des problèmes sexuels tels
que les perversions, les paraphilies et les dysfonctions sexuelles. Ces
hypothèses sont accompagnées de nombreuses observations

176 Revue sexologique / Sexological Review
individuelles. À la fin du volume, il consacre une section au lien qui
existe entre l'intimité corporelle et l'image corporelle ainsi qu'au
langage du corps. Pasini croit également que beaucoup de problèmes
d'infertilité sont causés par la peur de l'intimité véritable.
Il termine son volume par une réflexion sur l'intimité dans la
relation thérapeutique et particulièrement entre sexologue et cliente
ou client.
L'auteur fait vraiment le tour de la question en ce qui concerne
l'intimité. Les liens qu'il établit entre les différentes parties du livre
font en sorte que la lecture est facile. La traduction me semble assez
bien faite et le texte est clair et précis. De plus, les nombreux exemples
que l'auteur apporte aident le lecteur à bien saisir ce qu'il nous
explique.
Par contre, les fondements théoriques sur lesquels reposent ses
hypothèses mériteraient d'être beaucoup plus élaborés. Ses
explications font appel à des bases psychodynamiques. En effet, il nous
dit que l'origine de l'intimité future se retrouve au stade prénatal et se
poursuit dans la petite enfance, et que sa période critique a lieu au
moment du complexe d'Oedipe. Cependant, cette partie nous laisse
sur notre appétit.
Pasini mentionne à quelques reprises l'importance de l'intimité
avec soi pour en arriver à une intimité avec l'autre. Il me semble qu'il
aurait pu traiter davantage de l'intimité personnelle, laquelle me
semble fondamentale dans toute la question de l'intimité véritable.
De plus, j'aurais aimé que l'auteur explique au lecteur comment
établir une plus grande intimité avec soi et une meilleure intimité
avec l'autre. Il se contente de dire que pour résoudre les problèmes
d'intimité, il faut suivre une thérapie.
Malgré ces quelques lacunes, je recommande à tous les sexologues,
éducateurs et thérapeutes la lecture de ce livre qui peut leur fournir
des pistes de réflexion intéressantes.
Réal Beaudoin
Sexologue-thérapeute
Denise Badeau, André Bergeron, La santé sexuelle après 60 ans
Montréal, Éditions du Méridien, 1991, 361 pages
Pour remédier à l'absence d'un ouvrage québécois traitant « de la
sexualité des personnes âgées sous l'angle qui les préoccupe le plus, à

Comptes rendus / Book Review
savoir, la santé sexuelle comme élément de la santé globale» (p. 11),
Denise Badeau et André Bergeron ont écrit un livre qui nous invite à
découvrir toute la vie dans la vieillesse. Les auteurs ont saisi cette
occasion pour rendre accessible à une population élargie les résultats
d'une étude exploratoire portant sur le vécu sexuel des personnes
âgées du Québec à travers les événements significatifs de leur vie
sexuelle.
La santé sexuelle après 60 ans contient treize chapitres. Denise
Badeau et André Bergeron postulent qu'une «personne en santé
sexuelle contribue à assurer sa santé intégrale ... » (p. 51). Selon ces
auteurs, l'observation attentive des personnes âgées sur le plan de la
sexualité, de l'identité, de l'image corporelle et de l'estime de soi
supporte cette hypothèse.
Soulignons que le livre est destiné aux divers intervenants
oeuvrant auprès des personnes âgées, aux étudiants qui s'intéressent à
l'étude de la gérontologie et de la gériatrie, aux bénévoles et aux
177
professionnels qui oeuvrent auprès des personnes âgées, ainsi qu'aux
personnes âgées soucieuses de l'amélioration de leur santé globale. Ce
sont principalement les étudiants et les intervenants qui bénéficieront
de cet ouvrage.
La personne âgée nous est présentée comme quelqu'un dont la
présence fut à certaines occasions gênante et à d'autres enrichissante.
Pour en faire l'illustration, Badeau et Bergeron retracent le rôle et
l'influence des aînés dans l'histoire ancienne, au Moyen-Orient, en
Grèce, à Rome et dans l'Occident chrétien. Le lecteur averti pourra
reconnaître au passage les idées annonçant la formation de certaines
théories contemporaines qui tentent d'expliquer le vieillissement
biologique.
Les théories biologiques, psychologiques et sociales du
vieillissement sont énoncées dans le second chapitre. Certains
événements comme le départ des enfants, la retraite, la perte du
conjoint, le déracinement, l'incapacité physique, l'anticipation de sa
propre mort sont aussi explicités. Les intervenants, les étudiants et les
personnes âgées auraient sûrement apprécié que les auteurs discutent
de l'impact de certaines de ces théories psychologiques et sociales sur
la santé sexuelle des individus. Par exemple, quel est l'impact de la
théorie de l'activité sur la conception que les personnes âgées se font
de la santé sexuelle?
C'est dans le troisième chapitre qu'on commence à sentir le vent
californien qui souffle sur La santé sexuelle après 60 ans. Le lecteur
pourra constater qu'il existe plusieurs analogies entre les

178 Reve sexologique / Sexological Review
caractéristiques qui définissent le massage californien et la défiition
de la santé globale proposée par Badeau et Bergeron. En France, le
massage californien porte aussi le nom de massage « essentiel­
holistique )) . Les défiitions de la santé et de la santé sexuelle qui nous
sont proposées s'appuient sur celles formulées par l'Organisation
mondiale de la santé. La conception holiste de l'être humain nous est
présentée comme un ensemble de systèmes intégrés et organisés en
interaction qui essaie de s'adapter aux modifications variées du
milieu de vie.
Trois facteurs, selon Badeau et Bergeron, peuvent affecter la santé
sexuelle: les attitudes envers la sexualité, le mode de vie et la
sexualité, la sexualité polyvalente. Dans le quatrième chapitre,
quelques-uns des avantages de l'activité sexuelle sont mentionnés.
Vous pourrez y lire que pour l'octogénaire l'activité sexuelle constitue
un effort physique qui combat l'ankylose. Les auteurs ne font pas de
l'activité sexuelle une nouvelle panacée. L'expression de la sexualité
chez une personne âgée peut procurer un bien-être physique en
favorisant, par exemple, l'activation de la circulation sanguine, et des
satisfactions psychologiques en permettant une forme d'affirmation
de la vie.
À la lecture du compte rendu de la démarche méthodologique et des
résultats obtenus dans l'étude exploratoire effectuée par Denise
Badeau et André Bergeron, quelques interrogations surgissent. La
traduction du questionnaire « Aging Sexual Attitudes and Knowledge
Scales-ASKAS)) de Charles B. White a-t-il été soumis à des études
chez des sujets québécois aux fins de validation? L'échantillonnage
était-il « respectable et satisfaisant)) (p. 93) ou était-il « restreint)) (p.
159)? En plus des éléments comme la relation avec les parents,
l'éducation sexuelle reçue, les fréquentations, la nuit de noces,
l'influence de la venue des enfants, cette étude a permis à certaines
personnes âgées d'exprimer leur vécu sexuel. Les quatre histoires de
vie sont très intéressantes parce qu'elles sont généreuses,
authentiques et qu'elles permettent de constater que la vie sexuelle
suit les mouvements de la croissance humaine.
Badeau et Bergeron traitent aussi des maladies, des handicaps, des
médicaments et de certaines interventions médicales qui influencent
la réponse sexuelle humaine. Les maladies cardio-vasculaires et leurs
effets sur la sexualité sont fort bien décrits et les auteurs tiennent

Comptes rendus / Book Review
compte de l'aspect affectif et relationnel. Chapunoff (1991)1, qui a
publié récemment un livre portant spécifiquement sur ce thème, n'a
pas décrit avec autant de nuances les répercussions psycho-affectives
de ces maladies sur la sexualité. Par contre, l'effet du diabète sur la
fonction sexuelle fait l'objet d'un trop bref traitement. La partie
179
décrivant l'effet des médicaments sur la fonction sexuelle est écrite
simplement. Elle se veut explicative mais des exemples plus précis
auraient facilité la compréhension du lecteur peu habitué à lire ce
genre d'informations.
Le neuvième chapitre encourage la réflexion sur les besoins affectifs
et sexuels des personnes âgées et sur leur expression. De plus, Badeau
et Bergeron proposent des pistes d'intervention qui pourront être très
utiles aux intervenants. Les éléments de réponse sont formulés sous
forme d'objectifs et cette formule permettra à chacun d'être créatif
dans son domaine d'activités.
Par la suite, les auteurs prennent pour matière d'étude la nature de
l'éthique et la sexualité à l'âge avancé. L'éthique est définie comme
«la promotion de ce qui est le plus humain dans les diverses
conduites humaines» (p. 250). Des exemples précis de besoins et de
comportements nous interrogent sur certains thèmes: l'intimité,
l'amour et le plaisir, la séduction, la violence faite aux personnes
âgées. Il faut parcourir ce chapitre parce qu'il fait un constat
implacable de plusieurs situations de détresse vécues par les
personnes âgées. Les intervenants pourraient y trouver l'étincelle
nécessaire pour proposer une réflexion commune dans leur milieu de
travail.
Badeau et Bergeron résument des techniques comme le co-conseil,
la technique de solution des problèmes, le processus de clarification
des valeurs pour démontrer leur utilité dans le domaine de la
sexualité des personnes âgées. De plus, selon les auteurs, certaines
approches thérapeutiques comme la musicothérapie, la thérapie par
l'art et la zoothérapie permettraient aux personnes âgées de tenir un
rôle actif dans le recouvrement de leur santé. Comme ces méthodes
d'intervention éveillent et maintiennent une certaine vigilance
sensorielle, elles pourraient contribuer à un mieux-être global
nécessaire à la santé sexuelle.
Dès 1985, Denise Badeau et André Bergeron ont écrit sur la
symbolique de la sexualité et de la mort. Dans le douzième chapitre de
CHAPUNOFF, Edouardo (1991). Sex and the Cardiac Patient. Floride: Bendy
Books,Inc.

180 Revue sexologique / Sexological Review
La santé sexuelle après 60 ans, les multiples pertes que nous subissons
durant notre vie sont mises en évidence. Chacune de ces pertes est
suivie d'une réaction de deuil, c'est-à-dire d'un détachement. Les
étapes du deuil sont expliquées et des attitudes d'accompagnement
lors de cette expérience sont proposées. Il est aussi question du suicide
chez les personnes âgées, une situation de crise que tout intervenant
doit savoir reconnaître. D'autres types de mort, comme la mort
psychologique et sociale, précèdent la mort physique. Comment
accompagner la personne âgée qui se meurt? Quelles attitudes doit-on
adopter en présence de la personne mourante? Ce sont là des
questions qui sont abordées par les auteurs.
Le dernier chapitre présente une liste utile et bien documentée de
ressources et de services à l'intention des personnes âgées et de toute
personne intéressée.
Selon Badeau et Bergeron, 1'« amélioration de la santé sexuelle
aurait comme conséquence une amélioration de la santé globale» (p.
348). Même si les auteurs n'avaient pas comme objectif de démontrer
le bien-fondé de cette affirmation, ils auraient pu illustrer davantage
leur propos en liant les uns aux autres les éléments qu'ils ont décrits.
Dans le massage californien, en «ramassant» le corps, les
mouvements globaux aident la personne à se centrer sur elle-même et
ses émotions. Il me semble que le lecteur aurait apprécié une réflexion
qui fasse l'exercice d'intégrer, unifier et organiser toutes ces données
constitutives de la santé.
La santé sexuelle après 60 ans est un ouvrage intéressant. Il propose
une perspective élargie de la sexualité des adultes âgés. Au lieu
d'élaborer une conception «pathologique» du vieillissement, les
auteurs ont choisi de faire valoir la santé globale, celle qui s'enrichit
d'une santé sexuelle. De très belles histoires de vie viennent
témoigner de la vie dans la vieillesse.
Ce livre décrit aussi plusieurs types de besoins qui influencent la
santé. Il formule des objectifs d'interventions structurées pouvant
servir de point de départ pour définir de nouvelles attitudes.
Enfin, ce livre sous-entend qu'Éros ne fait pas que mimer la mort, il
perturbe la fin de la vie pour l'encourager à l'adaptation et non au
renoncement.
Michel Goulet
Sexologue-thérapeute

"1
Denise Badeau (directrice)
Revue sexologique / Sexological Review 185
"
Université du Québec à Montréal LA MAITQIE
Case postale 8888. succursale A
Montréal (Québec) Canada
H3C 3P8 EN EXOLOGIE
Un pro8ramme jeune, sérieux, dynamique
L'objectif principal du programme est de permettre aux étudiants
d'approfondir et de systématiser leurs connaissances en sexologie et
de former de futurs chercheurs ou des professionnels aptes à oeuvrer
sur le marché du travail.
Compte tenu des intérêts diversifiés de la clientèle et de la multiplicité
des rôles possibles pour les futurs professionnels en exercice, deux
concentrations sont offertes.
La concentration counseling vise à former un professionnel
capable d'aider les gens à résoudre les difficultés liées à l'expression
de leur sexualité.
La concentration recherche-intervention vise à former un
professionnel capable d'agir en tant qu'agent de développement,
de coordination et d'évaluation de l'éducation sexuelle ou un futur
chercheur en mesure de travailler à des problématiques reliées à
l'érotisme humain dans ses fondements biologiques, ontogénétiques
et socioculturels, incluant les aspects éducatifs.
Pour atteindre cet objectif, deux profils sont offerts: le profil sans
mémoire de recherche et le profil avec mémoire.
Le programme a aussi pour objectifs de relier la sexualité à
l'ensemble des autres phénomènes humains et de favoriser une
approche interdisciplinaire des sujets étudiés.
Grade: Maîrise ès ars (M.A.)
Pour de plus amples informations sur ce programme, s'adresser à :
Diane
Domingue (secrétaire)
Elles se feront un plaisir de vous répondre.
tél. : (514) 987-425
tél. : (514) 987-3

186 Revue sexologique / Sexological Review
SIDA ET SANTÉ MENTALE
L revue Santé mentale au Québec présente dans son volume
XII, nO l, un dossier international sur le sida et la santé
mentale dans lequel se retrouvent des travaux cliniques et de
recherche approfondis sur ce thème d'actualité. Les
problématiques suivantes y sont étudiées:
• La promotion de la santé mentale chez les personnes
infectées par le VIH ;
• La détresse psychologique chez les personnes infectées par
le VIH ;
• Les conséquences du sida dans la vie des hémophiles ;
• Le vécu et l'engagement des aidants naturels;
• L'intervention psychosociale auprès des personnes infectées
par le VIH ;
• L'intervention de crise auprès des personnes séropositives ;
• Les effets de l'infection périnatale au VIH ;
• L'intention des femmes infectées par le VIH d'avoir des
enfants;
• Les besoins sexuels des hommes homosexuels séropositifs au
VIH;
• La qualité relationnelle des couples gais et les conduites
sexuelles à risques ;
• Les répercussions psychiatriques de l'infection au VIH ;
• L'accompagnement spirituel de la personne séropositive ou
sidéenne.
Pour vous procurer un exemplaire (au prix de 15 $CAN ou 90 FF),
prière de faire parvenir un chèque ou mandat postal à l'ordre de : /
To order a copy (C$15 or FF90j, please send a cheque or a money
order to:
Santé mentae au Québec, C.P. 548, succursale Place d'Armes,
Montréal (Québec), CANADA, H2Y 3H3