Vieillir chez soi, un enjeu de société - Le CLEIRPPA
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VIEILLIR ET SE SENTIR EN SÉCURITÉ CHEZ SOI.<br />
REGARD SUR LE SENTIMENT D’INSÉCURITÉ<br />
ET LA VICTIMATION DES PERSONNES ÂGÉES<br />
Cet article porte sur le problème social <strong>de</strong> l’insécurité,<br />
non pas <strong>de</strong> l’insécurité sociale mais <strong>de</strong> ce<br />
qu’on peut qualifier d’insécurité civile, celle qui<br />
renvoie au problème <strong>de</strong> l’insécurité quotidienne à<br />
laquelle tout <strong>un</strong> chac<strong>un</strong> peut être confronté (vols,<br />
agressions...) Étant entendu que ces <strong>de</strong>ux formes<br />
d’insécurité (sociale et civile) sont étroitement<br />
liées, l’<strong>un</strong>e bien souvent entretenant l’autre 1 . Ce<br />
que je souhaite abor<strong>de</strong>r ici est l’articulation entre<br />
le désir <strong>de</strong> « vieillir <strong>chez</strong> <strong>soi</strong> » et le be<strong>soi</strong>n légitime<br />
<strong>de</strong> sécurité ; <strong>un</strong> be<strong>soi</strong>n qui, comme le montre<br />
bien le sociologue anglais David Garland dans La<br />
culture du contrôle, est <strong>de</strong>venu <strong>un</strong> principe structurant<br />
<strong>de</strong> la vie quotidienne. Ce principe conduit<br />
tout <strong>un</strong> chac<strong>un</strong> à inventer <strong>de</strong> nouvelles routines,<br />
<strong>de</strong> nouvelles manières <strong>de</strong> « vivre <strong>chez</strong> <strong>soi</strong> » et dans<br />
les espaces publics.<br />
Cette articulation, je l’abor<strong>de</strong>rai au travers <strong>de</strong><br />
<strong>de</strong>ux questions.<br />
1) <strong>Le</strong>s personnes âgées nourrissent-elles <strong>un</strong>e plus<br />
gran<strong>de</strong> inquiétu<strong>de</strong> face au risque d’insécurité ?<br />
Je m’intéresserai ici aux représentations <strong>de</strong>s<br />
personnes âgées à l’égard <strong>de</strong> ce problème social<br />
et à leurs « peurs » : peur <strong>chez</strong> <strong>soi</strong> et peur dans<br />
leur quartier le <strong>soi</strong>r. Là encore comme lors <strong>de</strong>s<br />
interventions précé<strong>de</strong>ntes, on verra qu’il existe<br />
<strong>de</strong>s idées reçues, <strong>de</strong>s clichés, qui méritent d’être<br />
interrogés et déconstruits.<br />
2) <strong>Le</strong>s personnes âgées sont-elles plus exposées<br />
que les autres catégories <strong>de</strong> la population au<br />
risque d’agression ? Y a-t-il <strong>de</strong>s inégalités entre<br />
territoires (territoire urbain/territoire rural) ?<br />
Y a-t-il <strong>de</strong>s inégalités liées au genre (hommes/<br />
femmes) ? Ici, c’est donc la question <strong>de</strong> la victimation<br />
que j’abor<strong>de</strong>rai en comparant la catégorie<br />
<strong>de</strong>s personnes âgées à <strong>un</strong>e autre catégorie, celle<br />
<strong>de</strong>s « je<strong>un</strong>es ».<br />
Pour répondre à ces <strong>de</strong>ux questions, je m’appuierai<br />
sur les résultats <strong>de</strong> l’enquête « Sentiment<br />
d’insécurité et victimation » conduite tous les <strong>de</strong>ux<br />
ans <strong>de</strong>puis 2001 par la Mission Étu<strong>de</strong>s Sécurité<br />
<strong>de</strong> l’IAU Île-<strong>de</strong>-France. Elle repose sur <strong>de</strong>s entretiens<br />
téléphoniques auprès <strong>de</strong> 15 000 franciliens<br />
dont 3000 personnes âgées <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 65 ans.<br />
SOMMAIRE<br />
Qu’en est-il du sentiment<br />
d’insécurité <strong>chez</strong> les<br />
personnes âgées ?<br />
Tanguy <strong>Le</strong> Goff, sociologue<br />
Quand on parle du sentiment d’insécurité, il<br />
faut bien distinguer <strong>de</strong>ux dimensions 2 qui ne sont<br />
pas nécessairement corrélées :<br />
- la peur personnelle : peur vécue ou liée à la<br />
crainte d’agression pour <strong>soi</strong> et ses proches, elle<br />
est liée à l’exposition à la victimation et s’appuie<br />
sur <strong>de</strong>s faits ;<br />
- la « peur sociale » ou « préoccupation sociale<br />
pour l’insécurité ». Elle renvoie à l’état général<br />
<strong>de</strong> la <strong>société</strong>, à <strong>de</strong>s jugements <strong>de</strong> valeur sur les<br />
normes à respecter (elle est très subjective).<br />
Je n’insisterai pas sur la première dimension,<br />
la préoccupation sécurité, dans la mesure où elle<br />
est très volatile et fortement dépendante <strong>de</strong>s<br />
discours politiques et médiatiques. Elle constitue<br />
<strong>un</strong> indicateur utile <strong>de</strong> l’opinion publique sur<br />
l’insécurité mais s’avère peu éclairante dans le<br />
cadre d’<strong>un</strong>e analyse du lien entre désir <strong>de</strong> sécurité<br />
et souhait <strong>de</strong> « vieillir <strong>chez</strong> <strong>soi</strong> ». La secon<strong>de</strong> composante<br />
du sentiment d’insécurité, celle concernant<br />
les peurs personnelles (peur <strong>chez</strong> <strong>soi</strong>, peur dans le<br />
quartier ou encore peur dans les transports) est<br />
en revanche riche d’enseignements sur ce point.<br />
J’en retiendrai simplement <strong>de</strong>ux :<br />
- le premier est que l’âge et le genre constituent<br />
les <strong>de</strong>ux facteurs les plus déterminants<br />
sur le fait d’avoir peur d’être agressé ou volé le<br />
<strong>soi</strong>r dans son quartier. Pour preuve, ces quelques<br />
chiffres : les hommes âgés <strong>de</strong> 15/24 ans disent<br />
pour 9 % d’entre eux éprouver « <strong>un</strong>e peur dans<br />
leur quartier le <strong>soi</strong>r » contre 39 % <strong>de</strong>s femmes du<br />
même âge. <strong>Le</strong>s hommes âgés <strong>de</strong> 75 ans et plus<br />
déclarent pour 9 % d’entre eux et 53 % pour les<br />
femmes. Dans les espaces publics les femmes<br />
éprouvent donc <strong>un</strong> sentiment <strong>de</strong> vulnérabilité<br />
physique qui se renforce avec l’âge. Il contribue à<br />
nourrir <strong>un</strong> sentiment d’insécurité même dans <strong>un</strong><br />
espace où la personne à <strong>de</strong>s repères comme son<br />
quartier. Celui-ci a pour conséquence <strong>un</strong> ajustement<br />
<strong>de</strong>s pratiques <strong>de</strong>s personnes âgées selon