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ment augmentée par un bâillon de bouche.<br />
- Cruel, fis-je.<br />
Je reprenais mes esprits. Ça me revint tout d’un coup. Ce n’était pas<br />
le vélo de Tony Blair - encore qu’à l’époque tout le monde l’eût volontiers<br />
assis dessus jusqu’à ce que mort s’ensuive - c’était les inventions<br />
délirantes d’un certain Tomi Ungerer. Nora, que je venais discrètement<br />
d’appeler à la rescousse, m’inonda de précisions : « Le Fornicon de<br />
Tomi Ungerer, aux éditions Jean-Claude Simoën, Paris, octobre-1978.<br />
Prix de vente chf 18.25, valeur actu<strong>elle</strong> 200’000 néos euros (pour<br />
parler snob), mon petit Briscow ! Ça te va ????? » Je contractai onze<br />
fois la main gauche pouce à l’opposé du mont de vénus, ça signifiait<br />
« Super. Merci, tu es une choute ! ». Elle crut bon d’ajouter quelques<br />
détails qui me plongèrent dans la plus grande perplexité : Ungerer était<br />
un passionné des chats et du SM. Il avait publié du SM en France dans<br />
la seule édition qui valait encore quelque chose, le Cherche Midi. Ton<br />
Fornicon est devenu rarissime. On pense qu’il s’est inspiré de l’Italien<br />
Ata Delhi au début du siècle sur qui je n’ai qu’une seule référence. Il<br />
a le goût de violer des femmes (et accessoirement des hommes) avec<br />
des mécaniques extrêmement compliquées. Note qu’en 1988 le Prix<br />
Nobel du livre pour enfants lui est décerné et qu’Arte lui a consacré<br />
une émission.<br />
Là, <strong>elle</strong> m’acheva. La coexistence des mécaniques sexu<strong>elle</strong>s les plus<br />
porn’ et du Nobel, c’était trop pour la truffe. Je fus obligé de réviser<br />
mes conceptions : je n’étais plus « in ». J’étais aussi con que tous les<br />
types qu’avait fréquentés Jack et qu’il avait trouvés ennuyeux et hypo<br />
à mourir. Tomi, qui était encore de ce monde lors des événements,<br />
me faisait savoir par-delà le mur du temps que je n’étais qu’un vieux<br />
bourge pas libéré du tout. Je me jurai de réviser ma conduite et de<br />
décrasser mon mental. Mes femmes, <strong>elle</strong>s, étaient vraiment dans le<br />
coup. Moi pas. Je datais, à quarante berges, je datais. Merde ! Une<br />
douce et ferme main féminine m’empoigna l’entrejambe et me ramena<br />
sur terre.<br />
- Et ce n’est pas tout, poursuivait ce rêve monté sur pattes et qui se<br />
prénomme Keelo-È-Ha, le mouvement des roues est converti en va et<br />
vient, l’inverse d’un moteur de voiture, somme toute.<br />
- Ingénieux, fis-je. Et ça sert à quoi ?<br />
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