Décembre - Nervure Journal de Psychiatrie

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■ EDITORIAL G. Massé
Quelle réforme
de la loi de 1990 ?
Les trois réunions de consultation
qui ont eu lieu en novembre
et décembre derniers,
associant une vingtaine d’organisations
de professionnels de
la psychiatrie, de familles et de patients
et concernant la réforme de
la loi du 27 juin 1990, ont abouti à
des positions communes.
Si certains points comme la modification des
commissions départementales des hospitalisations
psychiatriques ou la création d’une
obligation de soins en ambulatoire devraient
être retenus sans difficulté, les points d’achoppement
portent sur la création d’un fichier
national des personnes ayant été hospitalisées
d’office, la séparation stricte entre hospitalisation
à la demande d’un tiers et hospitalisation
d’office et le pouvoir donné aux maires
de décider de cette dernière.
L’occasion est donnée de tenir compte et de
valoriser le travail de réflexion mené depuis
longtemps par les associations d’usagers, de
familles et les professionnels, afin d’éviter des
réponses de façade.
C’est parce que le soin extrahospitalier n’a
pas été suffisamment valorisé et intégré dans
une politique de la ville que, pour certains, la
frontière demeure encore ténue entre psychiatrie
et enfermement, malades et délinquants,
hôpital et prison. Il ne l’a pas été suffisamment
parce qu’il n’a pas été assez porté
par les institutions, toutes les institutions, notamment
celles concernées par les effets indirects
du soin.
Souvent, la délinquance n’est que le résultat
d’une absence de prévention transversale associant
des démarches sociales, policières, judiciaires
et sanitaires alors que comme l’ont
rappelé récemment J-L. Senon et coll. (1) les
risques majorés concernent notamment des
patients aux antécédents de violence, en rupture
de soins ou non observants, abusant d’alcool
ou de drogues, présentant une clinique
(suite page 3 )
Société en mutation,
santé mentale en crise
C
’est parce que la psychiatrie souffre d’une réelle
carence d’information et de débat que l’Union
Nationale des Cliniques Psychiatriques Privées
(UNCPSY) a organisé le 9 octobre 2006, au Sénat, un
colloque pour permettre d’échanger sur les grandes
thématiques liées à la santé mentale. Ce colloque
après un accueil par Alain Milon, Sénateur de Vaucluse
et une introduction de Jacques Gayral, Président
de l’UNCPSY, regroupait trois tables-rondes.
La psychiatrie : un miroir de
notre société
Les maladies mentales aujourd’hui en
France
Pour Louis Masquin (Psychiatre et Directeur de la
Clinique Belle Rive), l’objet de la psychiatrie n’est
pas le trouble mental, mais l’être humain souffrant de
Le transsexualisme
De tout temps, des personnes ont refusé
leur sexe d’origine et ont voulu vivre
dans l’autre sexe. C’est seulement en
1953 que le terme « transsexualisme »
a été inventé par Harry Benjamin et
identifié comme une entité autonome,
distincte de la psychose et de la
perversion.
Nous proposons de donner un aperçu sur les
connaissances actuelles concernant le transsexualisme.
Après avoir rappelé la définition et les
diagnostics différentiels, nous indiquerons le
protocole de prise en charge du patient demandant
une réassignation hormono-chirurgicale du sexe, puis
nous évoquerons les différentes études épidémiologique,
étiologiques et thérapeutiques en cours.
Enfin nous évoquerons l’aspect sociétal du transsexualisme.
Aspect clinique
Définition
Dans la CIM-10 (dixième révision de la classification
■ HOMMAGE À
B.Devaux, F.-X. Roux
Jean Talairach est né le 15 janvier 1911 à Perpignan.
Il s’intéressa très précocement à la troisième
dimension et tout particulièrement à ce qui était
enfoui : enfant, il aimait jouer dans des caves et des
souterrains ; avec son ami Julian de Ajuriaguerra il
avait dessiné pour les Alliés, durant l’occupation allemande,
un plan détaillé des galeries souterraines des
anciennes carrières de Paris. Violoniste talentueux,
Talairach reçut une formation en musique tout en
cultivant une passion pour l’architecture - il aimait
dessiner les plans de ses demeures -, mêlant ainsi l’art
et la géométrie. Rien donc, durant son enfance, ne le
portait vers la médecine. Sans doute son oncle, qui
dirigeait l’Ecole Navale de Santé à Bordeaux, a-t-il
finalement influencé son choix puisqu’il commença ses
études de médecine, à Montpellier où Rouvière fut
l’un de ses premiers professeurs d’anatomie, avant
de les finir à Paris.
Sous l’influence de son cousin Henry Ey, Psychiatre à
l’Hôpital Sainte-Anne, c’est vers la Psychiatrie, spé-
trouble mental. Comme la société, la psychiatrie a
connu de profondes évolutions ces dernières décennies.
Les psychoses retiennent encore l’attention des
psychiatres, avec des évolutions très importantes : la
transformation radicale du devenir des patients, le
développement de nouveaux diagnostics avec, en
particulier, celui des troubles bipolaires et entrées
dans la psychose par la consommation de drogues.
Environ 30% des Français sont concernés par les
troubles psychiques, qui sont la deuxième cause d’arrêt
de travail.
Deuxième cause d’invalidité après les maladies cardiovasculaires,
la dépression peut toucher tous les âges
et elle concerne 15 à 20% de la population générale.
La dépression nous interroge à tous les niveaux :
médical, biologique, psychologique, sociologique et
spirituel. L’évolution rapide du monde dans tous les
domaines, le bouleversement radical des repères
des maladies, Organisation Mondiale de la Santé,
1993) on retrouve le transsexualisme sous le point
F64 intitulé « Troubles de l’identité sexuelle ».
La définition du transsexualisme (F64.0) est la suivante
:
« Il s’agit d’un désir de vivre et d’être accepté en tant que personne
appartenant au sexe opposé. Ce désir s’accompagne
habituellement d’un sentiment de malaise ou d’inadaptation
envers son propre sexe anatomique et du souhait de subir
une intervention chirurgicale ou un traitement hormonal afin
de rendre son corps aussi conforme que possible au sexe
désiré.
Directives pour le diagnostic
Pour faire ce diagnostic, l’identité de type transsexuelle doit
Jean Talairach
■ COLLOQUE
(suite page 9 )
■ FMC C. Berthon
Au même moment, une publication
danoise a attiré l’attention sur la
réassignation hormono-chirurgicale du
sexe (cas de Georges Jorgensen), ce qui
eut pour conséquence un très grand
nombre de demandes de changement de
sexe dans le monde.
cialité qu’il a toujours considérée comme la plus difficile
de toutes, qu’il s’est orienté.
Le parcours de l’homme et du
médecin ...
Jean Talairach arrive ainsi à l’Hôpital Sainte-Anne à 26
ans, en 1937, pour y préparer l’Internat des Hôpitaux
Psychiatriques de la Seine, qu’il obtient en 1938. Sa
thèse de Doctorat en Médecine, qu’il a soutenue en
1940, avait pour sujet « Les psychoses ovariennes ». Il
aurait sans doute poursuivi une carrière psychiatrique
s’il n’avait pas rencontré, un jour de 1942, Marcel
David, l’un des deux premiers élèves de Clovis Vincent,
neurochirurgien à l’Hôpital de la Pitié. David
avait besoin d’assistants pour former son équipe neurochirurgicale,
alors hébergée dans le Service de Pneumologie
et d’Anatomie Pathologique du Pr Delarue
à l’Hôpital Paul Brousse à Villejuif ainsi que dans le
(suite page 7 )
DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007 1
(suite page 3 )
ISSN 0988-4068
n° 9 - Tome XIX - 12/2006•01/2007
Tirage : 10 000 exemplaires
Directeur de la Publication et de la
Rédaction : G. Massé
Rédacteur en chef : F. Caroli
Rédaction : Hôpital Sainte-Anne,
1 rue Cabanis - 75014 Paris
Tél. 01 45 65 83 09 - Fax 01 45 65 87 40
Abonnements :
54 bd La Tour Maubourg - 75007 Paris
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Prix au numéro : 9,15 €
E-mail : info@nervure-psy.com
AU SOMMAIRE
EDITORIAL
Quelle réforme de
la loi de 1900 ? p.1
FMC
Le transsexualisme p.1
HOMMAGE À
Jean Talairach p.6
COLLOQUE
Société en mutation,
santé mentale en crise p.9
PSYCHOSE ET CRÉATION
Vie et œuvre de
Robert Schumann p.12
CLINIQUE
Trouble schizoaffectif :
entre schizophrénie et
trouble bipolaire p.14
Pour un abord corporel
après un traumatisme p.15
HISTOIRE
Une petite histoire de la
sectorisation psychiatrique
à Lille p.17
HUMEUR
Même pas peur ! p.18
DIALOGUE DE LA
DÉFINITION MINIMALE
Qui suis-je ? Qui est Je ? p.19
ANNONCES
PROFESSIONNELLES p.22
ANNONCES EN BREF p.23
TROUBLES BIPOLAIRES ET
ENVIRONNEMENT
est le thème de la table ronde
qui réunit dans le prochain numéro
Jean-Michel Azorin, Michel Dubec,
Béatrice Laffy-Beaufils, Frédéric Rouillon,
Philippe Carrière et Jean-Paul Chabannes.

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
avoir été présente d’une manière persistante
pendant au moins deux ans, ne pas
être un symptôme d’un autre trouble mental
tel qu’une schizophrénie, et ne pas être
associée à une autre anomalie sexuelle
génétique ou chromosomique ».
Dans le DSM IV (Diagnostic and statistical
manual of mental disorders, American
Psychiatric Association, 1994) le
diagnostic de Transsexualisme du DSM
III a été remplacé par celui de Trouble
de l’Identité de Genre. On utilise aussi
le terme « dysphorie de genre » qui
désigne la souffrance psychique résultant
du stress de vivre dans un corps ne
correspondant pas au sexe perçu intérieurement.
Les quatre critères diagnostiques principaux
chez les adolescents et adultes
(code 302.85) sont :
A. Identification intense et persistante à
l’autre sexe (ne concerne pas exclusivement
le désir d’obtenir les bénéfices culturels
dévolus à l’autre sexe).
Chez les adolescents et les adultes, la perturbation
se manifeste par des symptômes
tels que l’expression d’un désir d’appartenir
à l’autre sexe, l’adoption fréquente des
conduites où on se fait passer pour l’autre
sexe, un désir de vivre et d’être traité
comme l’autre sexe, ou la conviction qu’il
(ou elle) possède les sentiments et les réactions
typiques de l’autre sexe.
B. Sentiment persistant d’inconfort par rapport
à son sexe ou sentiment d’inadéquation
par rapport à l’identité de rôle correspondante.
Chez les adolescents et les adultes, l’affection
se manifeste par des symptômes tels
que : vouloir se débarrasser de ses caractères
sexuels primaires et secondaires (p. ex.
demande de traitement hormonal, demande
d’intervention chirurgicale ou d’autres
procédés afin de ressembler à l’autre sexe
par une modification des caractères sexuels
apparents), ou penser que son sexe de naissance
n’est pas le bon.
C. L’affection n’est pas concomitante d’une
affection responsable d’un phénotype hermaphrodite.
D. L’affection est à l’origine d’une souffrance
cliniquement significative ou d’une
altération du fonctionnement social, professionnel
ou dans d’autres domaines importants.
Diagnostics différentiels
Le diagnostic de transsexualisme est
distinct du point F66 intitulé « Problèmes
psychologiques et comportementaux
associés au développement sexuel et
à l’orientation sexuelle » ou encore du
point F65 intitulé « Troubles de la préférence
sexuelle » et qui correspond à ce
qu’on appelait auparavant les « perversions
sexuelles ».
Il est notamment important de distinguer
le transsexualisme du « Transvestisme
fétichiste » (F65.1) défini comme
suit :
« Le port de vêtements du sexe opposé,
principalement dans le but d’obtenir une
excitation sexuelle. Ce trouble doit être
distingué du fétichisme simple dans la
mesure où les vêtements et les accessoires
fétichistes ne sont pas seulement
portés, mais sont agencés pour créer l’apparence
d’une personne du sexe opposé.
Plusieurs articles vestimentaires sont
habituellement portés ; il s’agit souvent
d’un ensemble complet incluant perruque
et maquillage. Le transvestisme fétichiste
se distingue du transvestisme transsexuel
par son association claire avec
une excitation sexuelle et par le besoin de
se débarrasser des vêtements une fois
l’orgasme atteint et l’excitation sexuelle
retombée. Des antécédents de transvestisme
fétichiste sont habituellement rapportés
par les transsexuels et constituent
probablement, dans ces cas, une phase
précoce du développement d’un transsexualisme
».
Les autres diagnostics différentiels sont :
- schizophrénie avec idées délirantes
de thématique de métamorphose
sexuelle,
- psychopathie avec demande de traitements
hormonaux féminisants à visée
utilitaire (prostitution).
Le transsexualisme
- intersexuation, qui exclut le diagnostic
de transsexualisme par définition.
Prise en charge
médicale
Les standards de soins
internationaux
La Harry Benjamin International Gender
Dysphoria Association ou HBIGDA est
une association internationale qui
regroupe des professionnels du monde
entier soignants des transsexuels. Elle
édicte, depuis 1979, des « guidelines »
thérapeutiques détaillées qui proposent
des schémas cliniques précis pour
la prise en charge des patients souffrant
de problèmes d’identité sexuelle.
La 6 ème et dernière version date de
2001.
Certains médecins s’y réfèrent, d’autres
rédigent leur propre protocole.
Le protocole parisien
Il est établi par B. Cordier, C. Chiland,
T. Gallarda en 2001. Il guide l’évaluation
d’une demande de traitement hormono-chirurgical
(THC), il suggère les
bilans à pratiquer et recommande une
pratique collégiale. Il n’a aucune base
légale et il n’est pas définitif. Néanmoins,
il semble reconnu par la Sécurité
sociale, le Conseil de l’Ordre des
médecins et des tribunaux.
Il consiste en une période d’observation
d’une durée de 2 ans minimum
comprenant une évaluation et un suivi
psychiatrique, un bilan endocrinien et
chirurgical, ainsi qu’une expérience de
vie réelle, « real life test », où le sujet
se présente et vit au quotidien comme
une personne du sexe désiré.
L’évaluation psychiatrique est basée
sur des entretiens réguliers au cours
desquels un examen psychiatrique
complet est réalisé, et la psychobiographie
du patient est minutieusement
reconstituée. La rencontre avec la famil-
Quelle réforme de la loi de 1990 ?
paranoïde productive avec persécution
ou syndrome d’influence,
hallucinations impérieuses, une clinique
pseudoneurologique ou une
personnalité psychopathique sous-jacente.
Favoriser l’accès au soin nécessite
d’aborder des besoins en espérant, au
mieux, une demande directe qui
n’existe souvent pas car médiatisée
par un tiers. Répondre aux besoins
de soins sans demande de celui qui
souffre consiste à agir avec d’autres
métiers que ceux de la psychiatrie en
sachant que chacun ne peut pas, mais
aussi, ne doit pas exercer selon les logiques
des autres et doit donc les respecter.
De fait, traiter dès que possible, éviter
les rechutes, maintenir la continuité
des soins de manière fiable, implique
une répartition des rôles et une
coordination liés aux risques inhérents
à la pathologie ce qui nécessite
un investissement des multiples intervenants
situés en première ligne.
L’adaptation du concept de secteur
recouvre, ni plus ni moins, cette évidence,
ne pas lui rester fidèle en esprit
mais aussi et surtout en pratique
consiste à ne pas investir une réalité
et donc à favoriser, faute de mieux,
des réponses répressives sans efficacité.
Ce qu’il faut donc, c’est renforcer et
rendre efficient l’existant, dans l’esprit
du plan psychiatrie et santé mentale
:
- agir sur les facteurs structurels d’in-
le apporte des informations précieuses.
Cette évaluation a pour but d’établir
un diagnostic positif de trouble de
l’identité de genre, de s’assurer que le
trouble est stable et persistant et d’évaluer
les éventuelles conséquences psychosociales.
Un bilan psychologique est réalisé par
des psychologues cliniciens ayant acquis
une expérience dans ce domaine, il
comporte des tests de niveau (Binoit-
Pichot) et des tests de personnalité
(Rorschach et MMPI).
Le bilan endocrinien consiste en un
examen clinique détaillé (caractères
sexuels secondaires et organes génitaux
externes) et en des examens complémentaires
(caryotype, bilan hormonal…).
Il permet d’éliminer une
affection responsable d’un phénotype
hermaphrodite (critère diagnostique
du trouble de l’identité de genre) et
de s’assurer de l’absence de contreindications
à la prescription d’un traitement
hormonal ultérieur.
Le bilan chirurgical consiste en un examen
clinique permettant de constater
l’état des organes sexuels, de rechercher
des anomalies physiques susceptibles
de gêner une éventuelle intervention
ultérieure et d’éliminer une
contre-indication opératoire.
Chacun des spécialistes consultés
délivre une information complète et
éclairée au patient.
Au terme de ces 2 années d’évaluation,
une commission constituée d’un
psychiatre, d’un endocrinologue et d’un
chirurgien se réunit et décide de la
démarche thérapeutique la plus adaptée.
Si les critères diagnostiques d’un
syndrome transsexuel primaire sont
réunis, si le trouble a des conséquences
psychosociales majeures et s’il n’y a
pas de contre-indication d’ordre psychiatrique,
endocrinologique ou chirurgical,
alors l’indication thérapeutique
d’une THC est retenue. Cette décision
doit être prise à l’unanimité. Un certificat
médical attestant le diagnostic et
sécurité de la psychiatrie : site, organisation
et spécification des unités sur
le plan de la pathologie accueillie et
de l’accueil aux urgences, de la graduation
de la sécurisation, des effectifs,
de la formation, de la flexibilité
de la filière hospitalière ;
- mieux organiser les services ambulatoires
(information-communication,
continuité, réponse téléphonique/régulation,
mobilité, réactivité, procédures
en cas de signalement ou de
rupture de traitement, développement
d’équipes mobiles réactives, autoriser
les soins ambulatoires sous
contrainte) ;
- associer systématiquement l’entourage
comme ressource dans les soins,
pour limiter les ruptures avec le patient,
faciliter l’intervention auprès de
lui s’il n’est pas ou plus demandeur,
disposer d’une information plus actualisée
;
- développer des conseils locaux de
prévention en santé mentale, coordonnés
par les élus ;
- lutter contre l’isolement du malade
dans la cité (continuité des soins, développement
de l’accompagnement
social : SAVS, SAMSAH), développer
les formations au traitement des
comorbidités ;
- développer un dispositif de vigilance
à partir d’indicateurs. ■
(1) SENON J-L., MANZANERA C., HU-
MEAU M., GOTZAMANIS L., Les malades
mentaux sont-ils plus violents que les citoyens
ordinaires ? L’Information Psychiatrique 2006,
82, 645-652
l’indication thérapeutique, co-signé par
le psychiatre, l’endocrinologue et le chirurgien,
est adressé au médecin conseil
national de la Sécurité sociale en vue
d’obtenir une entente préalable pour la
prise en charge de l’intervention chirurgicale.
Le même certificat, mentionnant
seulement les initiales du
patient, est adressé, pour information,
au Conseil national de l’ordre des
médecins.
Le traitement hormonochirurgical
Dès que la décision de THC a été prise,
le traitement hormonal peut être initié.
Il comporte deux phases : la première,
dont les effets sont réversibles, prévoit
un traitement anti-hormonal, antiandrogénique
chez l’homme et progestatif
puissant bloquant la stimulation
ovarienne chez la femme. La
deuxième phase, dont les effets sont
irréversibles ou partiellement réversibles,
comporte une oestrogénothérapie
chez l’homme et la prescription de
testostérone chez la femme.
Les interventions chirurgicales : chez
l’homme, il s’agit d’une castration bilatérale
suivie de la création d’un néovagin,
de grandes lèvres, d’un néo-clitoris
et d’une urétrostomie périnéale ;
chez la femme, il s’agit d’une mammectomie
et d’une hystéro-ovariectomie
non conservatrice, éventuellement
complétée par une phalloplastie.
Le transsexuel opéré devra recevoir
un traitement hormonal substitutif
durant toute sa vie.
Le traitement psychologique
Au cours de l’évaluation et ensuite,
quelle que soit la décision thérapeutique,
une prise en charge à visée psychothérapique
est vivement recommandée.
Différentes formes de
psychothérapies sont utilisées : comportementale
ou psychanalytique, individuelle,
familiale ou groupale. Elles
ont pour but de permettre une meilleure
adaptation à la transformation
sexuelle avec la prise en compte de
ses répercussions sur le fonctionnement
mental et des éventuelles désillusions.
La psychothérapie de type analytique
est difficile, car, comme l’écrit C.
Chiland, le sujet transsexuel « ne parle
pas le langage du désir et du conflit » et
« la situation est particulièrement difficile
avec ces patients qui mettent tout sur
la scène corporelle et rien sur la scène
psychique. Notre univers de pensée leur
est étranger, nos interprétations leur
paraissent ridicules et inopérantes. Parfois
un éclair d’insight jaillit, mais l’étincelle
retombe rapidement ».
Aspect de la recherche
Sur le plan épidémiologique
La prévalence du transsexualisme est
particulièrement difficile à évaluer. La
plupart des données sont issues de
centres spécialisés qui recensent les
demandes de THC qui leur sont adressées.
Cependant certains patients ne
font pas appel à ces centres spécialisés
mais à des psychiatres et des chirurgiens
indépendants, ou recourent à des
voies illégales. Les données produites
connaissent d’importantes variations
suivant les pays. Par exemple, à la fin
des années 1960, la prévalence estimée
était beaucoup plus faible aux
Etats-Unis (1/100 000 hommes et
1/400 000 femmes) qu’en Suisse
(1/37 000 hommes et 1/103 000
femmes). Plus tard, les études menées
en Angleterre (1/34 000 hommes et
1/108 000 femmes), en Australie
(1/24 000 hommes et 1/150 000
femmes), ainsi qu’en Allemagne
(1/42 000 hommes et 1/104 000
femmes) confirment les taux de prévalence
antérieurs en Suisse établis par
Walinder. Le DSM-IV a regroupé ces
différents résultats et donne une
prévalence moyenne de1/30 000
LIVRES
FMC ■ 3
Eduquer à la sexualité
Un enjeu de société
Patrick Pelege et Chantal Picod
Dunod, 25 €
L’idée d’une éducation à la sexualité
pour les jeunes semble avoir fait son
chemin dans l’opinion publique. Du
reste, de nombreux ouvrages lui ont
été consacrés, qu’ils soient historiques,
philosophiques, polémiques ou pédagogiques.
Depuis 1994, l’Education
nationale s’en est ressaisie et a
mené une réflexion sur la place et la
légitimité de l’école dans cette éducation.
Cette réflexion a débouché
sur les circulaires de 1996 et 1998,
la loi de 2001, et sa circulaire d’application
de 2003 rendant obligatoire
l’éducation à la sexualité de la maternelle
à la terminale. Pour que cette
réflexion ne reste pas du côté des
vœux pieux, des formations des
personnels intervenants auprès des
jeunes, mais aussi de formateurs
d’adultes ainsi que des outils pédagogiques
ont été développés ces dix
dernières années.
Les deux auteurs de cet ouvrage ont
été impliqués dans cette réflexion, à
partir d’actions de formations et divers
écrits dont les références sont
données au fil de l’ouvrage. Ce travail
définit l’éducation à la sexualité
par rapport à l’éducation sexuelle, et
quelle part de cette éducation revenait
à l’institution publique.
Contrairement aux idées reçues, l’entrée
privilégiée de l’institution scolaire
pour ce qui constitue les séquences
d’éducation à la sexualité
n’est pas du côté de la biologie ou
de la reproduction, de la contraception
et des IST/VIH sida laissés au
cours de SVT, mais se situe résolument
du côté du champ social.
L’ouvrage traite de ces aspects en six
chapitres qui abordent une perspective
anthropologique de la sexualité,
les modèles familiaux et sociaux qui
balisent l’identité sexuelle, la construction
sociale de l’homophobie et du
sexisme, la place et la question des
images et des représentations médiatisées,
dont celles de la pornographie,
le développement psychosexuel
de la naissance à l’âge adulte,
les enjeux relationnels et éthiques de
l’éducation à la sexualité.
Perversions
Aux frontières du trauma
Sous la direction de Joyce Aïn
Erès, 23 €
Sont présentées, dans cet ouvrage,
les communications et conférences
préparatoires au Carrefour sur les Perversions,
qui s’est tenu à Toulouse en
octobre 2005 à l’initiative de l’Association
Carrefours et Médiations. Il
s’agit d’un thème d’actualité, lorsqu’on
sait, par les praticiens de terrain,
que le pourcentage d’agresseurs
sexuels en prison est passé en quelques
années de 4% (avant 1990) à 25%
(à partir de 1995) (Claude Balier). Augmentation
traduisant non pas celle
du nombre des pervers sexuels mais
plutôt une plus grande prise de
conscience de ce genre de délits et
donc une élaboration et une application
plus rigoureuse de la loi (loi
du 17 juin 1998).
En termes intra-psychiques, la question
est difficile car la perversion, « c’est
le monde en deçà de la représentation,
des affects, des éprouvés, le monde où
l’autre, l’être humain, est traité comme
objet (...) jetable après avoir servi ».
L‘art peut proposer une figurabilité
des éprouvés. Le psychanalyste peut,
dans certains cas, malgré toute la difficulté
d’une telle entreprise, être
comme « support à faire qu’un patient
puisse passer de l’irreprésentable au
représentable, d’en-deçà de la dépression
à la dépressionde la douleur
à la souffrance » (Alain Roucoules).
M. Goutal

4
■ FMC
hommes et 1/100 000 femmes.
Le sex ratio varie selon le pays et les
études. Il y a plus d’hommes que de
femmes qui demandent un changement
de sexe, les chiffres variant de
8:1 à 2,5:1, la moyenne étant 3:1. Une
exception est la Pologne où le sex ratio
est de 5,5 femmes pour 1 homme.
Certains disent que cette particularité
pourrait être due à des critères diagnostiques
différents en Pologne,
d’autres qu’il pourrait s’agir d’une différence
de conception du statut féminin
dans les pays de l’Est, mais aucune
hypothèse n’a été confirmée.
Sur le plan étiologique
Hypothèses psychologiques
Pour Stoller le transsexualisme rend
compte d’une impossibilité pour l’enfant,
qui vit avec sa mère une symbiose
étroite et aconflictuelle, de quitter
une identification primaire féminine,
et une impossibilité d’identification au
père du fait de son absence.
C. Chiland renouvelle l’approche clinique
à partir de ses observations d’enfants
dysphoriques de genre et de leurs
parents. Elle remet en question les positions
de Stoller : pour elle le garçon
ne vivrait pas son union avec sa mère
comme aconflictuelle, l’identification à
la femme idéalisée parait défensive face
à une image féminine redoutable. De
plus, les pères joueraient un rôle, non
pas par leur absence, mais en raison
de leur difficulté à assumer leur virilité.
Son hypothèse est que par leur vécu,
leurs fantasmes, leurs conduites, père et
mère délivrent au garçon des messages
conscients et inconscients qu’il interprète
comme s’il ne pouvait se sentir
exister qu’en tant que membre de
l’autre sexe.
Hypothèses biologiques
Ce sont les plus récentes, elles donnent
lieu à de nombreux travaux de
recherche.
L’hypothèse d’une anomalie génétique,
et notamment d’une anomalie du gène
HY (situé sur le chromosome Y, contrôlant
l’expression de l’antigène HY présent
à la surface de toutes les cellules
mâles), n’a pas été confirmée.
L’hypothèse d’une anomalie de l’imprégnation
hormonale du cerveau dans
les périodes pré et/ou périnatales, émise
à partir de l’observation de modèles
animaux expérimentaux et de modèles
humains pathologiques (hyperplasie
congénitale des surrénales, testicules
féminisants,…), reste purement théorique.
L’hypothèse d’un dimorphisme anatomique
sexuel cérébral a été émise. Le
transsexualisme serait lié à une discordance
entre la différenciation sexuelle
génitale et la différenciation sexuelle
cérébrale, qui apparaît très précocement
au cours du développement sous
l’influence des hormones sexuelles. Un
dimorphisme sexuel cérébral a été ainsi
observé au niveau de l’hypothalamus :
aire préoptique (le SDN : noyau sexuellement
dimorphe, Swaab et al., 1985 ;
INAH-2 et INAH-3 : noyau interstitiel
de l’hypothalamus antérieur, Allen et al.,
1989) et noyau du lit de la strie terminale
(BST : « bed nucleus of the stria
terminalis », dont la partie centrale BSTc
a un volume 2,5 fois plus grand chez
l’homme que chez la femme, Allen et
al., 1990). Peu d’études ont porté sur
les sujets transsexuels. Zhou et al. ont
montré, en 1995, que la BTSc des
transsexuels M->F avait un volume
comparable à celui de femmes témoins,
et, en 2000, que le nombre de neurones
à somatostatine dans la BTSc
chez le transsexuel correspondait au
sexe qu’il revendiquait. Selon ces
auteurs, ces différences observées ne
peuvent pas s’expliquer par un traitement
oestrogénique ou par une orchidectomie.
La poursuite des explorations
est nécessaire. Les noyaux
sexuellement dimorphes ont une implication
sur le comportement sexuel des
animaux étudiés.
Cependant, aucune conclusion ne peut
être appliquée à l’homme sans
recherche complémentaire. Le sentiment
d’identité sexuée semble propre
à l’homme, étant lié en particulier au
langage. Une meilleure appréciation
des déterminants et des conséquences
cliniques du dimorphisme cérébral est
nécessaire.
Une autre piste de recherche est l’approche
neuro-cognitive, étudiée par
B.A. Shaywitz et S.F. Witelson, partant
des différences d’aptitudes cognitives
homme-femme. L’hypothèse étant qu’il
existe une « latéralité hémisphérique »
des fonctions cognitives, différente selon
le sexe, qui serait sous influence hormonale.
Mais la valeur de ces différences
cognitives reste encore actuellement
ininterprétable à un niveau
comportemental. De plus, l’influence
de nombreux facteurs, notamment
environnementaux, sur les aptitudes
cognitives, reste à évaluer.
Enfin, à coté des hypothèses étiopathogéniques
sus décrites, il faut faire
une place aux explications socio-culturelles.
La dichotomie sociale entre le
genre féminin et le genre masculin
apparaît comme une donnée structurelle
de la société. Certains pensent
que c’est l’offre hormono-chirurgicale
qui a suscité et suscite toujours la
demande de « réassignation ».
Sur le plan thérapeutique
Les études catamnestiques, permettant
d’apprécier l’efficacité des thérapeutiques,
sont difficiles à réaliser (grand
nombre de perdus de vue et de refus
de participer aux études).
Dans la grande majorité des cas, les
transsexuels sont satisfait du THC, avec
seulement 10% de sujets insatisfaits en
moyenne (B. Lundström, et al., 1984 ;
R. Green, D. Fleming, 1990), insatisfaction
qui disparaît le plus souvent
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
dans l’année suivant le traitement chirurgical.
Il n’y a que de très rares cas de
regrets post-opératoires : moins de 1%
de patients F->M et 1,5 % de patients
M->F (F. Pfäfflin, 1992 ; Aj. Kuiper,
1991), liés notamment à des erreurs
diagnostiques, une absence de real life
test ou un traitement chirurgical inadapté.
Le taux de suicide est d’environ 1%,
cependant ces suicides ne sont pas
nécessairement imputables à la réassignation
hormono-chirurgicale du sexe.
Les complications des traitements chirurgical
(étude de J. Eldh et al., 1997) et
endocrinien (étude de P. Van Kesteren
et al., 1997) sont rares du fait de

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
l’amélioration sensible de ces thérapeutiques.
Plusieurs études ont porté sur les facteurs
prédictifs d’une évolution favorable
ou défavorable après l’opération.
Les principaux critères de bon pronostic
sont : absence de trouble mental
associé, stabilité psychique et émotionnelle,
âge < 30 ans au moment de
la demande, « real life test » d’un an
minimum, homosexualité, psychothérapie
préalablement à la chirurgie, prise
de conscience des limites et des conséquences
de la chirurgie.
Des études évaluent la réassignation
hormono-chirurgicale de sexe chez
l’adolescent. Les arguments d’une prise
en charge précoce sont : apparition des
caractères sexuels secondaires évitée,
retentissement scolaire et relationnel
moins important et donc un meilleur
pronostic. Cependant, la difficulté du
diagnostic de transsexualisme à l’adolescence
associé à l’irréversibilité des
sanctions thérapeutiques et aux responsabilités
médicales et éthiques en
jeu, impose une grande prudence. On
sait que, chez l’adolescent ou le jeune
adulte, des questionnements autour de
l’identité de genre et une demande de
transformation hormono-chirurgicale
apparaissant circonscrits en première
instance peuvent refléter des questionnements
identitaires beaucoup plus
globaux, symptomatiques d’une psychose
débutante. Une étude de suivi
prospective (Cohen-Kettenis and van
Goozen, 2001) conclut qu’un diagnostic
avec des critères stricts est
nécessaire et suffisant pour justifier un
traitement hormonal chez l’adolescent
transsexuel.
Aspect sociétal
Les associations
Actuellement, via l’abondante littérature
sur ce sujet, le développement
d’associations, de revues spécialisées,
et surtout d’Internet, les transsexuels
sont souvent bien informés. Ils arrivent
en consultation avec leur autodiagnostic
et l’unique demande de réassignation
hormono-chirurgicale du sexe.
Les possibilités ouvertes par le World
Wide Web sont utilisées, ce qui
témoigne d’un intérêt mondial pour le
transsexualisme. En ce qui concerne
les sites francophones on peut citer :
Caritig (Centre d’Aide, de Recherche et
d’Information sur la Transsexualité et
l’Identité de Genre) : http://www.caritig.org/,
Association du syndrome de
Benjamin : http://www.asbfrance.org/,...
Transmettre et témoigner
Effets de la violence politique
Colloque 30-31 mars 2006
Le but de ces associations, au travers de
réunions, publications, marches
annuelles, colloques, conférences,
débats, est de soutenir les personnes
concernées, de les informer sur les
plans médical, juridique et social, de
les orienter vers des centres spécialisés,
de sensibiliser le public, et de participer
à la recherche. Certaines militent
pour une déclassification
psychiatrique réfléchie de la transsexualité.
Sur le plan juridique
Au-delà du domaine médical, le transsexualisme
pose des questions juridiques.
En effet, le changement de sexe
ne peut être complet sans modification
de l’état civil.
Les solutions adoptées varient selon
les pays.
En France, le changement de prénom
n’a pas posé de problème important :
pour faciliter la vie quotidienne des
personnes transsexuelles, la jurisprudence
a très vite reconnu que la conviction
d’appartenance à l’autre sexe
constitue « l’intérêt légitime » requis par
l’article 60 du code civil pour permettre
ce changement.
Cependant, cette seule modification
n’est pas suffisante pour assurer aux
transsexuels une vie conforme à leur
nouveau sexe. Il est apparu nécessaire
de modifier les actes d’état civil, en y
inscrivant ce changement.
Mais la question du changement de
sexe entraîne de nombreuses difficultés
juridiques, notamment en matière de
droit de la famille (mariage, divorce,
enfants), tant en ce qui concerne la
situation du transsexuel avant modification
de l’état civil, qu’après.
En 1982, M. Henri Caillavet, sénateur
du Lot avait élaboré une proposition de
loi tendant à autoriser les traitements
chirurgicaux et reconnaître le changement
d’état civil des transsexuels.
Cependant, ce texte n’a pas eu de suite.
En 1988, M. Guy Braibant, président
de la section des rapports et des études
du Conseil d’État, est chargé par le Premier
Ministre, M. Michel Rocard, de
constituer un groupe de travail pour
réfléchir sur la question du transsexualisme.
Dans ses conclusions, G.
Braibant préconisait de ne pas légiférer
sur cette question, contrairement à
beaucoup de nos voisins européens,
mais plutôt de faciliter le changement
de sexe lorsqu’il le faut.
Le législateur n’est donc pas intervenu.
Plusieurs raisons ont été invoquées
La question de la transmission aux générations futures concerne tout individu,
communauté, société, victimes de violations des droits humains. Le
trauma lié à la violence politique et à la torture ne peut être mis sous silence,
il appelle à être nommé afin de pouvoir se dire, s’inscrire et ainsi se transmettre
dans la filiation générationnelle. En l’absence de transmission, là où
le trauma ne fait que «trou» dans l’histoire individuelle ou collective, un retour
traumatique sous des formes diverses - violences, souffrances psychiques
ou corporelles est inévitable.
Dire, écrire et, plus généralement, représenter le trauma nous amènent à la
question du témoignage. Qu’est-ce qu’un témoignage ? Quels sont ses objectifs
et ses enjeux ? A qui s’adresse-t-il ? Comment le témoignage (écrit,
parlé, filmé, dessiné ... ) vient-il interroger les limites du transmissible ?
Le but du colloque est de repérer les lieux toujours différents du retour de
ce qui fait malaise dans notre civilisation et de questionner les modes habituels
de penser la violence aujourd’hui.
Ce colloque, le troisième organisé par l’association, rend hommage à Primo
Levi, chimiste et écrivain italien, rescapé des camps d’extermination nazis.
Primo Levi est mort le 11 avril 1987. Pour commémorer cette date anniversaire,
les deux thèmes choisis sont ceux qui l’ont accompagné tout au long
de sa vie : la transmission et le témoignage.
Inscription
Ce colloque qui aura lieu à la Maison Internationale de la Cité Universitaire
de Paris, s’adresse à toutes celles et ceux qui s’interrogent sur ce que « l’homme
fait à l’homme » et qui s’y confrontent dans leurs réflexions et pratiques professionnelles.
Plus d’information sur le site Internet de l’Association Primo
Levi. www.primolevi.asso.fr/colloques. E-mail : colloque@primolevi.asso.fr
pour justifier cette abstention : risque de
voir les demandes (médicales et judiciaires)
se multiplier, menace de fragilisation
du droit de la famille, difficulté
de légiférer dans un domaine lié à la
médecine qui est en constante et rapide
évolution. En outre, les principes
d’ordre ontologique peuvent se contredire
: liberté individuelle, respect de la
vie privée, intégrité physique, morale…
Parallèlement, les tribunaux qui ont été
saisis de cette question ont rendu des
décisions qui ont évolué dans le temps.
En application du principe régissant le
droit français de « l’indisponibilité de
l’état des personnes », les tribunaux ont
tout d’abord refusé la modification de
l’état civil.
Le premier ayant admis cette modification
a été le Tribunal de Grande Instance
de Toulouse en 1976.
Mais, en 1987, la Cour de Cassation
estimait toujours, au contraire, que le
changement de sexe ne résultant pas
d’une cause étrangère à la volonté de
l’intéressé, l’acte de naissance n’avait
pas à être rectifié (arrêt du 3 mars
1987).
Le 25 mars 1992, la Cour Européenne
des droits de l’homme a condamné la
position des tribunaux français qui
avaient refusé le changement d’état
civil d’un transsexuel, en déclarant que
cette personne était quotidiennement
placée dans une situation incompatible
avec le respect de la vie privée (principe
posé par l’article 8 de la Convention
Européenne de sauvegarde des droits
de l’homme).
La Cour de Cassation en a tiré les
conséquences et, dans un arrêt du 11
décembre 1992, rendu en assemblée
plénière, elle a admis que la modification
de l’état civil pour un « transsexuel
vrai » ne violait pas la règle de l’indisponibilité
de l’état des personnes mais,
au contraire, assurait le respect de la
vie privée et le droit d’établir des relations
avec d’autres êtres humains,
notamment dans le domaine affectif,
pour le développement et l’accomplissement
de sa propre personnalité.
Depuis, la Cour de Cassation a réaffirmé
cette position à plusieurs reprises.
Désormais, la modification de l’état
civil est possible lorsque quatre conditions
sont réunies :
- reconnaissance médicale du syndrome
du transsexualisme, excluant tous
troubles mentaux et autres troubles de
l’identité du genre, effectué au moyen
d’une expertise judiciaire très complète
confiée à des spécialistes, (bien que
parfois, la remise d’attestations émanant
de plusieurs médecins reconnus
pour leur compétence en la matière
et qui ont suivi la personne concernée
est de nature à se révéler suffisante) ;
- réalisation d’une THC, dans un but
thérapeutique ;
- apparence physique le rapprochant
du sexe qu’il revendique ;
- et comportement social correspondant
au sexe revendiqué.
Les tribunaux ont eu, jusqu’à maintenant,
peu d’occasion de se prononcer
sur les autres aspects de la vie familiale.
Les juges seront amenés à trancher
au fur et à mesure des cas qui leur
seront soumis.
Ainsi, la Cour de Cassation (arrêt du 18
mai 2005) a validé la décision de la
cour d’appel d’Aix en Provence qui a
annulé la reconnaissance de paternité
d’un transsexuel (à l’origine de sexe
féminin, ayant obtenu la modification
de son état civil) qui se trouvait contraire
à la réalité biologique, mais a admis
un droit de visite à son profit pour tenir
compte de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Par ailleurs, la Cour européenne des
Droits de l’Homme a pris position sur
certains points, et les solutions ainsi
adoptées par cette juridiction européenne
devront s’imposer également
aux tribunaux français.
Dans un arrêt de la Grande Chambre
du 11 juillet 2002 (Aff. Christine
Goodwin c/ Royaume-Uni), elle a
considéré qu’en application de l’article
12 de la Convention Européenne des
Droits de l’homme, aucune raison ne
justifie que les transsexuels soient privés
du droit de se marier. Elle a de plus
déclaré que « la non-reconnaissance juridique
de la nouvelle identité sexuelle de
la requérante et de son statut juridique de
transsexuel au Royaume-Uni, en particulier
dans les domaines de l’emploi, de
la sécurité sociale et des pensions, constitue
une méconnaissance par l’État défendeur
de son obligation positive de lui
garantir le droit au respect de sa vie privée
prévu par l’article 8 de la Convention
».
Conclusion
Le transsexualisme est une affection
rare et encore peu connue qui génère,
chez le patient, une souffrance intense.
La réassignation hormono-chirurgicale
du sexe est un traitement lourd et
irréversible avec des conséquences
majeures. Cela nécessite donc un diagnostic
précautionneux et une
approche pluridisciplinaire. Ce traitement
est plus palliatif que curatif, mais,
sans celui-ci, la dysphorie de genre persiste
et les risques évolutifs sont la
dépression, la désinsertion socioprofessionnelle,
l’isolement affectif, des
tentatives de suicide ou des automutilations.
L’amélioration de la prise en charge
médicale et la création d’unités spécialisées
devrait permettre de mieux
étudier cette maladie tant sur le plan
épidémiologique, étiologique que thérapeutique.
■
C. Berthon
Service du Dr. Caroli, CH Sainte-Anne,
Paris 14ème
Bibliographie
(1) CIM-10/ICD-10, Classification Internationale
des Maladies, Dixième révision,
chapitre V, Troubles mentaux et troubles du
comportement, critères diagnostiques pour
la recherche, OMS, Masson, 1994.
(2) DSM IV, Diagnostic and Statistical
Manual of Mental Disorders (IV), 1996,
category 302.85
(3) Harry Benjamin International Gender
Dysphoria Association’s, Standards of Care
for Gender Identity Disorders, Sixth Version,
Symposium publishing, Düsseldorf,
2001 ou sur www.hbigda.org
(4) CORDIER B., CHILAND C., GAL-
LARDA T., 2001, Le transsexualisme, proposition
d’un protocole malgré quelques divergences,
Ann Méd Psychol, n°159, pp.
190-195
(5) CHILAND C., CORDIER B., Transsexualisme,
EMC 2000, 37-299-D-20, 1-
11.
(6) MASCLET L., La prise en charge thérapeutique
du patient transsexuel : réflexions
autour d’un cas masculine de dysphorie de
genre, thèse pour le doctorat de médecine,
Paris IV, 2000.
(7) COHEN-KETTENIS P.T., GOOREN
L.J.G., Transsexualism: A review of etiology,
diagnosis and treatment, Journal of Psychosomatic
Research 1999, Vol 46, 4, 315-
333.
(8) CHILAND C., Que penser du transsexualisme
? Evol. Psy., 1996, 61, 1, 45-
53.
(9) MICHEL A., MORMONT C., LEGROS
J.J., A psycho-endocrinological overview of
transsexualism, European Journal of Endocrinology,
2001, Vol 145, Issue 4, 365-
376.
(10) WALINDER J., Incidence and sex ratio
of transsexualism, Sweden, British Journal
of Psychiatry 1968, 119, 195±196.
(11) ZHOU J.-N., HOFMAN M.A., GOO-
REN L.J.G. & SWAAB DF., A sex difference
in the human brain and its relation to
transsexuality, Nature 1995, 378, 68±70.
(12) COHEN-KETTENIS P., VAN GOO-
ZEN S., Sex reassignment of adolescent transsexuals:
a follow-up study, Journal American
of child adolescent psychiatry, 1997, 36(2),
263-271.
(13) Question écrite n°15380 de M.Roger
MADEC (Paris-SOC), la possibilité ouverte
aux personnes de genre transsexuel de bénéficier
d’un changement d’état civil, p.2995,
JO Sénat du 30.12.2004.
LIVRES
FMC ■ 5
L’erreur médicale
Sous la direction de Claude
Sureau, Dominique Lecourt,
Georges David
Presses Universitaires de France,
10 €
Depuis 2005, le Centre Georges Canguilhem
et l’Académie nationale de
médecine organisent des séminaires
communs dont le premier a été consacré
à l’étude de la filiation. Le second
séminaire organisé en janvier 2006,
avait pour thème les « effets indésirables
» induits par les soins médicaux
et portait un titre volontairement provocateur
: De l’infaillibilité médicale.
Le choix de ce thème reflète l’une des
préoccupations de la pensée médicale,
mais aussi sociétale et juridique,
face à une médecine de plus en plus
performante avec des risques croissants
qu’il convient de maîtriser. Il
s’agissait d’inaugurer un débat entre
praticiens du milieu médical, juristes,
philosophes, assureurs, sans oublier
les patients devenus des « usagers du
système de santé ».
Cet échange d’expériences montre
une évolution : la prise en compte
d’une nécessaire et réelle « prévention
» se substitue à la notion de la
seule « compensation » des éventuels
dommages liés à une intervention
médicale. Cette recherche d’une action
efficace de prévention suppose
un changement de culture de la
part de l’ensemble des personnes du
monde de la santé. La décision de
publier ces débats relève de cette volonté
de favoriser le développement
de la culture qualité-sécurité, de promouvoir
une solidarité renforcée
concernant l’appartenance à un
ensemble humain et technologique
dont l’efficacité dépend, non seulement
compétence individuelle, mais
aussi de la conscience d’une co-responsabilité
dans l’efficacité du système
de distribution des soins.
Légendaire mélanésien
précédé de
Mélanésie, invention
plastique et imagination
légendaire
Micheline et Vincent Bounoure
Avant-propos de Michel
Lequenne
L’Harmattan, 22,50 €
Micheline et Vincent Bounoure ont
été parmi les membres les plus actifs
du groupe surréaliste de Paris, et après
la mort de Breton, en 1966, les premiers
à s’opposer aux tentatives de
liquidation du surréalisme. Pris de la
même passion que Breton pour les
arts océaniens et les civilisations sauvages,
ils leur ont consacré quarante
années de recherches et de travaux,
dont témoignent, parmi d’autres publications,
La Peinture américaine (Rencontre,
1967), Vision d’Océanie (Dapper
1992) et Le Surréalisme et les arts
sauvages (L’Harmattan, 2001), que
vient compléter cet ouvrage.
Micheline et Vincent Bounoure, conjuguant
leur savoir d’océanistes et leurs
dons de poètes montrent comment
« invention plastique et imagination
légendaire » se font écho en Mélanésie,
parce que l’une et l’autre témoignent
du « plus grand effort immémorial
pour rendre compte de
l’interpénétration du physique et du
mental, pour triompher du dualisme
de la perception et de la représentation,
pour ne pas s’en tenir à l’écorce
et remonter à la sève », selon la formule
d’André Breton.

6
LIVRES
■ HOMMAGE
Michel Foucault
Savoir et pouvoir de la médecine
Bernard Vandewalle
L’Harmattan, 14,50 €
Foucault a voulu interroger les formes
de problématisation qui sont celles
de notre époque. L’hypothèse de
B. Vandewalle est que la médecine
constitue à la fois un modèle possible
pour cette interrogation philosophique
(dans la pratique du diagnostic) et le
lieu majeur de cette interrogation, à
mesure que la problématisation médicale
est au cœur de nos sociétés
hantées par les normes biopolitiques.
On comprend ainsi que Foucault a,
toute sa vie, fait porter sa réflexion
sur la médecine et ses enjeux, explorant
la dimension archéologique
du savoir médical, la dimension généalogique
du pouvoir que la médecine
exerce et enfin sa capacité de
problématiser le sujet sous l’angle de
l’éthique.
La dernière rupture opérée par Foucault
est méthodologique. Il a sans
doute révolutionné la pratique philosophique
en faisant porter l’analyse
sur ce qu’il appelle archive, sur
la sédimentation d’un discours où le
plan d’un hôpital se révèle aussi important,
et peut-être plus, qu’une référence
philosophique traditionnelle,
où la référence à Bichat ou à Pinel
sera jugée plus opérante que celle
qui ferait appel à Hegel ou à Kant.
Foucault a concentré son attention
sur l’archive grise des hôpitaux et des
asiles, préférant la prose des discours
cliniques ou administratifs à la poésie
philosophique de discours plus
séduisants, mais aussi placés plus loin
de leurs objets. L’archive de Foucault,
ce seront aussi les voix anonymes issues
de toutes ces vies minuscules
interpellées par le pouvoir médical
ou psychiatrique et amenées à avouer
une certaine « vérité » sur soi.
Wallon et Piaget
Pour une Critique de la
psychologie contemporaine
Emile Jalley
L’Harmattan, 41 €
Wallon et Piaget sont, probablement,
les deux plus grands psychologues
de la culture francophone et aussi
européenne.
Le point le plus intéressant de leur
dialogue consiste dans l’étroite complémentarité
de leurs deux approches
au plan des applications pédagogiques
: Wallon analyserait plutôt la
composante « littéraire », et Piaget davantage
la composante « scientifique »,
d’où se forme le courant unique de
la pensée de l’enfant puis de l’adulte.
Cet ouvrage représente pour l’auteur
une étape dans la tentative d’une critique
générale des disciplines psychologiques,
en particulier de la psychologie
objective. S’il est facile de
critiquer la psychanalyse, il l’est moins
de critiquer la psychologie scientifique,
dont un examen attentif montre
que la scientificité est à questionner.
L’affaire du Livre noir de la psychanalyse,
débutant en 2005, touche, audelà
de la question relativement limitée
des psychothérapies, à la
confrontation entre la psychanalyse
et l’ensemble des sciences cognitivesneurosciences
- dont la psychologie
et la psychiatrie biologique -, et plus
largement entre deux conceptions de
la culture occidentale, l’une de type
nord-américain, l’autre européenne.
C’est ce que les péripéties laborieuses
de la construction européenne risquent
de montrer progressivement.
Il est clair que le dialogue encore très
actuel entre Wallon et Piaget est impliqué
dans ce débat.
Hommage à Jean Talairach
Service de Neurologie de l’Hôpital
d’instruction militaire du Val-de-Grâce.
Jean Talairach accepta le poste, aux
côtés d’autres Psychiatres de l’Hôpital
Sainte-Anne qui s’orientaient, eux, vers
la Neurologie : Henri Hecaen et Julian
de Ajuriaguerra. Jean Talairach débutait
donc une carrière de neurochirurgien
tout en poursuivant son cursus de psychiatre
: en 1944, il était Chef de Clinique
des Maladies Mentales et de l’Encéphale
dans le Service du Professeur
Jean Delay et neurochirurgien conventionné
au Val-de-Grâce ; en 1945 il
était Médecin des Hôpitaux Psychiatriques
et en 1947 Neurochirurgien-
Assistant à l’Hôpital Paul-Brousse de
Villejuif. C’est à cette période qu’il pratiqua
sa première intervention stéréotaxique.
A la mort de Pierre Puech en
1950, Marcel David prit la succession
de ce dernier à l’Hôpital Sainte-Anne
avec toute son équipe. Jean Talairach
devint ainsi Neurochirurgien-Adjoint
au Centre Neurochirurgical des Hôpitaux
Psychiatriques de la Seine en
1950. Le Radiologue Hermann Fischgold
rejoignit le groupe et développa à
Sainte-Anne la Neuroradiologie à partir
de 1951, tout en participant au
développement de l’Electroencéphalographie
en France. En 1952 un Neurologue
de la Salpêtrière, Jean Bancaud,
rejoignait l’équipe de Marcel David et
allait jouer un rôle fondamental dans le
développement de la chirurgie de l’épilepsie.
Un arrêté préfectoral du 10 juillet 1958
créa, à la demande de Marcel David, la
section de Stéréotaxie du Service de
Neurochirurgie. Cette section, qui comportait
12 lits et une salle d’opération
spécifique, fut confiée à Jean Talairach.
Avec son collègue neurochirurgien
du Val-de-Grâce Pierre Tournoux, un
Neurochirurgien arrivé de Hongrie
cette même année, Gabor Szikla, Jean
Bancaud et Alain Bonis, Neurologue
clinicien arrivé dans l’équipe en 1956,
Talairach s’entourait d’hommes illustres
qui apportèrent tous leur pierre à l’édifice
de la Stéréotaxie de Sainte-Anne.
En septembre 1958, la salle d’opération
d’un genre nouveau, « réservée à la
Neurochirurgie stéréotaxique et à l’exploration
neurophysiologique du cerveau
», fut construite dans le pavillon de
Chirurgie de l’Hôpital Sainte-Anne.
Cette salle de dimensions importantes
en largeur comme en hauteur pour y
loger un appareillage de téléradiologie,
fut surnommée « la chapelle ».
En 1960, Marcel David quitta l’hôpital
Sainte-Anne pour prendre la chaire de
Neurochirurgie de la Pitié. Son Service
fut alors scindé en deux : un service
de 60 lits (Neurochirurgie A) qui sera
dirigé par Gabriel Mazars et un second
de 25 lits (Neurochirurgie B ou stéréotaxique)
dirigé par Jean Talairach.
La même année furent créés un service
d’Anatomie Pathologique et une
Unité de Neuroradiologie. En 1961,
les principales activités du Service de
Neurochirurgie Stéréotaxique concernaient
la Chirurgie de l’épilepsie, la
Chirurgie stéréotaxique de la maladie
de Parkinson, l’irradiation interstitielle
des tumeurs cérébrales et de l’hypophyse.
Cette approche nouvelle en
Neurochirurgie, et ces applications innovantes
vont attirer de nombreux élèves
français et étrangers au cours de cette
période. Talairach fut nommé Professeur
de Neurochirurgie en 1966.
Sous l’impulsion des Cliniciens et des
Chercheurs du Service de Neurochirurgie
B, qui souhaitaient disposer d’un
secteur de recherche afin de développer
l’étude des mécanismes fondamentaux
de l’épilepsie, en parallèle aux
recherches cliniques effectuées dans
leur service, un nouveau bâtiment sera
construit en 1970 aux côtés du pavillon
de chirurgie. Ce bâtiment va abriter
deux unités de Recherche dont l’une,
l’Unité INSERM U 97, créée le 1 er Jan-
vier 1971 pour « l’exploration fonctionnelle
stéréotaxique et thérapeutique chirurgicale
des épilepsies », sera sous la
direction de Jean Talairach. Les travaux
de l’Unité U 97 porteront sur l’étude de
modèles animaux d’épilepsie partielle,
de différents neuromédiateurs et de
leurs récepteurs, de potentiels évoqués
cognitifs chez l’homme, ... Les équipes
de chercheurs et cliniciens se succéderont
aux côtés de Talairach jusqu’à son
départ à la retraite en 1980.
Sa retraite en octobre 1980 fut célébrée
à l’Abbaye de Royaumont à l’occasion
du Congrès Européen de Stéréotaxie
présidé par Gabor Szikla. Mais il ne
quittait pas tout à fait Sainte-Anne.
Dans le bureau qu’il conservait il continuait
à travailler à ses futurs atlas, qui
parurent en 1988 et 1993. Dans son
ancien Service, l’activité de Stéréotaxie
continuait sous la direction de Gabor
Szikla, entouré de Claudio Munari et
d’Antonino Musolino. A la retraite de
Gabriel Mazars en 1983, les deux Services
de Sainte-Anne, séparés depuis
1960, fusionnèrent pour ne former à
nouveau qu’un Service, sous la direction
de Jean-Paul Chodkiewicz. Au
décès de Gabor Szkila, en octobre
1983, Louis Merienne rejoignait le
groupe des Stéréotacticiens du Service
pour s’occuper plus spécifiquement
de la radiochirurgie par accélérateur
linéaire, poursuivant et développant
avec l’équipe de Radiothérapie de l’Hôpital
Tenon le travail pionnier d’Osvaldo
Betti à Sainte-Anne puis à l’Institut
Antartida de Buenos Aires. Une
équipe nouvelle succéda à l’ancienne,
pour permettre à la Stéréotaxie et à la
Chirurgie des épilepsies partielles de
poursuivre leur route à l’hôpital Sainte-
Anne.
Les débuts de la
stéréotaxie ...
En 1942, aux origines de la carrière
neurochirurgicale de Jean Talairach, il
n’était pas encore question de Stéréotaxie.
En 1946, le Physiologiste Genevois
A. Monnier exprimait devant la
Société de Neurologie de Paris le souhait
que « les laborieuses expériences de
localisation des fonctions nerveuses des
centres sous-corticaux chez l’animal trouvent
un jour une application pratique et
que l’électrode du physiologiste remplace,
dans un avenir prochain, le bistouri
du neurochirurgien ». Voeu prémonitoire.
La Stéréotaxie française naquit à
l’issue d’une conférence du Professeur
Jean Lhermitte à l’Hôpital Paul-Brousse
sur le «Thalamus, filtre sélectif de la
douleur », en novembre 1947. De la
discussion qui suivit la conférence, entre
Jean Lhermitte, Henri Hecaen et Julian
de Ajuriaguerra, il fut proposé à l’Assistant
du Dr Marcel David, Jean Talairach,
de fabriquer un instrument (un
« bidule » selon les propres termes
d’Ajuriaguerra) capable de permettre,
chez l’homme, une exploration physiologique
du thalamus. Poussé par le
sentiment de fausse précision des interventions
de Neurochirurgie fonctionnelle
réalisées alors, Jean Talairach se
mit à l’oeuvre. Pour atteindre de façon
certaine et en toute sécurité le thalamus,
il lui fallait mettre au point une
méthode qui répondait à trois problèmes
: instrumental, radiologique et
anatomique. La stéréotaxie humaine
était née, du moins en Europe, car Jean
Talairach ignorait qu’à la même époque
- et pour être exact quelques mois
avant lui - Spiegel et Wycis avaient réalisé
à Philadelphie, en octobre 1947,
la première intervention stéréotaxique
chez l’homme, une thalamotomie dorsomédiane
pour une psychose suivie
d’une thalamotomie para-commissurale
pour un petit mal épileptique.
La première intervention chirurgicale
stéréotaxique eut lieu le 7 décembre
1948, à l’hôpital Paul Brousse. Entou-
ré de son patron, Marcel David, d’Henri
Hecaen, de Julian de Ajuriaguerra et
de Monnier, Jean Talairach réalisait à
l’aide d’un appareillage stéréotaxique,
une électrocoagulation des noyaux thalamiques
ventropostéro-médian (noyau
semi-lunaire de Flechsig) et noyau centromédian
chez un patient de 72 ans
atteint d’algies faciales sévères post-zostériennes.
Les suites ne furent marquées
que par une hypoesthésie transitoire
de l’hémiface et les douleurs
disparurent ... pendant 6 mois.
Les travaux
anatomiques
Au cours des années 1940, les travaux
de Neurophysiologie s’intéressaient
essentiellement aux formations grises
souscorticales. 1949 et 1950 furent
dévolues au repérage des noyaux gris
centraux par l’iodo-ventriculographie. Il
fallait trouver une solution satisfaisante
aux trois problèmes posés par la Stéréotaxie
: instrumental, radiologique et
anatomique. Le problème instrumental
était celui d’une fixation rigide, immobile
et reproductible de la tête du malade,
adaptable à toutes les formes et
tailles de crâne, et celui d’une instrumentation
capable d’atteindre n’importe
quel point de l’encéphale. Avec
Jean Sabaton, technicien de génie, Jean
Talairach conçut et fit fabriquer par la
Maison Alexandre son premier cadre
stéréotaxique (1947). Le problème
radiologique était celui d’une définition
d’une structure cérébrale dans les
trois plans de l’espace sans déformation
par les moyens radiologiques disponibles
; la téléradiographie orthogonale
de face et de profil, le centrage
reproductible des tubes à rayons X
réglaient ce problème et permettaient
de faire la preuve de l’exactitude du
repérage. Le problème anatomique,
enfin, était à la fois le plus difficile à
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
résoudre et à la fois le plus intéressant.
L’absence de rapport constant entre
les structures osseuses et les noyaux
gris centraux et l’absence de proportionnalité
entre les dimensions du cerveau
et celles des noyaux imposait une
identification directe de structures cérébrales.
Le ventricule était alors la seule
structure visible par les examens radiologiques
à contraste iodé ou aérique. La
netteté des deux commissures - commissure
blanche antérieure Ca et postérieure
Cp - qui bordent le 3 ème ventricule
sur les ventriculographies iodées,
leur position sur la ligne médiane et
leurs rapports avec les formations grises
diencéphaliques en faisaient deux excellents
repères radiologiques. La ligne
qui les unit - ligne de base Ca-Cp devenait
ainsi un plan d’orientation général
des structures. La ligne bicommissurale
Ca-Cp a été publiée en 1952
(Presse Médicale, 1952, 28, 605-609).
L’année 1952 marqua aussi le début
des explorations neurophysiologiques
dans l’épilepsie.
Sous l’impulsion de la Neurophysiologiste
Mme Dell, chercheur à l’INSERM,
Talairach explora en même temps les
noyaux gris centraux et le cortex et
abandonna la corticographie superficielle,
comme la pratiquait Penfield à
Montréal, pour s’intéresser au cortex
enfoui accessible au moyen d’électrodes
profondes. A cette même époque, il
commençait ses travaux anatomiques
sur les cerveaux de cadavres (ceux-ci
étaient amenés en salle d’opération la
nuit pour y être radiographiés avant
d’être coupés en tranches au laboratoire
!) et corrélait ses observations avec
celles des repérages radiologiques pratiqués
chez les patients épileptiques.
Ces travaux furent consacrés par la
publication du premier Atlas, l’Atlas
d’Anatomie Stéréotaxique, publié chez
Masson en 1957. Cet Atlas concernait
le repérage des noyaux gris centraux en
fonction de la ligne de base Ca-Cp.
Cette même année Ruggiero, Neuroradiologue,
publiait un livre sur l’Encéphalographie
Fractionnée. Celle-ci fit
Résultats de la 1 ère enquête nationale
sur la prise en charge de la douleur chez les
patients psychotiques
L’Institut UPSA de la Douleur a annoncé le 7 décembre 2006 les résultats
de la 1ère enquête nationale sur la prise en charge de la douleur chez les patients
psychotiques dans les Centres Hospitaliers de psychiatrie. Cette enquête
a été présentée dans le cadre de la 1ère Journée Nationale « Douleur et
santé mentale » organisée par Djéa Saravane et Yvan Halimi.
Méthodologie de l’enquête
Le questionnaire a été envoyé à 811 chefs de service de psychiatrie des
Centres Hospitaliers (CH) et des Centres Hospitaliers Spécialisés en psychiatrie
(CHS) ainsi qu’à 203 chefs de service de pharmacie des CHS.
L’ensemble des 11 questions posées évoquait l’opinion des répondeurs sur
la qualité de la prise en charge de la maladie mentale et des troubles somatiques
associés, sur la formation et sur les pratiques d’évaluation et de traitement
de la douleur.
Le taux de réponse a été de 17,8% traduisant l’intérêt des professionnels de
santé interrogés.
Les résultats
• Seulement 30% des patients psychotiques sont suivis régulièrement par un
médecin traitant.
• 70% des CHS n’ont pas de centre de lutte contre la douleur.
• 75% des chefs de service estiment que leurs équipes ne sont pas formées
à la prise en charge de la douleur.
• 68% des psychiatres formés à la douleur n’utilisent pas l’Echelle Visuelle
Analogique.
• 55% des pharmaciens sont tout à fait favorables à l’utilisation des opioïdes
forts à visée antalgique contre 23% des psychiatres.
Les alarmes
• 7 patients psychotiques sur 10 ne sont pas suivis par un médecin traitant.
Leur espérance de vie est diminuée de 9 à 12 ans par rapport à la population
générale. Cette surmortalité importante est liée à des pathologies organiques
non détectées et non prises en charge, telles que les pathologies cardiovasculaires,
le diabète, les pathologies infectieuses, le cancer.
• Les patients psychotiques sont des malades qui souffrent comme les autres
et cette douleur a une incidence importante sur le vécu de leur maladie. Mais
l’évaluation de leur douleur est une problématique récente. Les patients psychotiques
n’ont pas la même expression de la douleur que les autres.
• Les psychiatres et les soignants ne sont pas toujours conscients de la nécessité
de prendre en charge les douleurs somatiques chez ces patients et se
sentent démunis : ils sont peu ou pas formés et manquent d’outils adaptés
à l’évaluation de la douleur et au suivi du patient psychotique. ■
F.C.

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
Séminaire Déviance et Santé Mentale
Centre de Recherche Psychotropes, Santé Mentale, Société
(CNRS -INSERM Université Paris 5)
faire un pas en avant à la méthode de
repérage stéréotaxique du cortex cérébral.
En effet, les travaux d’anatomie
stéréotaxique de Jean Talairach ne pouvaient
se limiter aux formations souscorticales.
Jean Talairach avait une vue
d’ensemble du cerveau et recherchait
un système de repérage « universel »
des structures cérébrales, une ligne de
base « globale » valable à la fois pour les
noyaux gris et pour les structures corticales.
En outre, l’expérience acquise
dans les enregistrements stéréo-électro-encéphalographiques
(SEEG) des
malades épileptiques imposait de réduire
les corrélations anatomo-électrocliniques
à un système de référence commun.
Dans un livre édité chez Masson
en 1958, L’exploration chiurgicale stéréotaxique
du lobe temporal dans l’épilepsie
temporale, Talairach décrivit une
ligne de base temporale passant par le
plancher de la corne du ventricule latéral.
Mais cette ligne de base n’était
valable que pour le lobe temporal et fut
vite abandonnée. En fait, les travaux
anatomiques sur le télencéphale et le
dessin d’épures opératoires pour les
cortectomies ayant montré la validité de
la ligne de base Ca-Cp, Talairach la
compléta par le tracé de lignes perpendiculaires
Vca et Vcp, puis d’un
quadrillage tridimensionnel du cerveau,
proportionnel aux dimensions propres
de chaque individu. Le but était atteint.
Il s’est matérialisé par le second Atlas
paru en 1967, sur l’anatomie stéréotaxique
du télencéphale, toujours édité
chez Masson.
Les applications
cliniques de la
stéréotaxie
Pour une sociologie des troubles du comportement
chez l’enfant et l’adolescent
Philippe Le Moigne, Michel Kokoreff
Jeudi 25 janvier 2007 : Dominique Youf, CNFE - PJJ, L’idiome de la responsabilité
: ses attendus et ses implications pour la justice des mineurs.
Jeudi 22 février 2007 : Cyrille Canetti, Psychiatre à la prison de Fleury-Mérogis,
La psychopathie : du diagnostic psychiatrique à la réalité pénitentiaire.
Jeudi 29 mars 2007 : Philippe Le Moigne, Sociologue, Cesames, Mineurs multirécidivistes
: une sociologie de la relation judiciaire.
Jeudi 26 avril 2007 : Christian Laval, Sociologue - Orspere, Le secteur socioéducatif
face à la question clinique.
Jeudi 31 mai 2007 : Richard Rechtman, Psychiatre, Anthropologue, La psychopathologie
comme traumatologie : les jeunes sont-ils « malades » des
circonstances ? »
Jeudi 28 juin 2007, Michel Kokoreff, Sociologue, Cesames, La nouvelle donne
des politiques de prévention : entre ordre gestionnaire et idéologie sécuritaire.
Neurochirurgie de l’épilepsie
C’est certainement dans le domaine
de l’épilepsie que Talairach consacra,
aux côtés de son Collègue neurologue
Jean Bancaud, la majorité de ses travaux.
Dès l’arrivée de celui-ci en 1952
commence l’ère des enregistrements
intracérébraux chez les patients épileptiques.
Les premiers enregistrements
opératoires furent réalisés par Mme M.
B Dell et Jean Bancaud, dans le thalamus
et diverses régions corticales dans
des épilepsies frontales.
En 1953, Henri Hecaen rentre d’un
séjour d’un an à Montréal où il a observé
Wilder Penfield et Herbert Jasper
réaliser des enregistrements électrocorticographiques
cérébraux au cours
d’interventions pour épilepsie rebelle.
Cette approche neurophysiologique,
clinique et opératoire inspire Jean Bancaud
qui réfléchit alors à une méthode
capable d’explorer les structures cérébrales
au cours des crises d’épilepsie.
Il observe Jean Talairach mettre au
point sa méthode stéréotaxique. La
convergence de ces deux hommes et
de leurs travaux prenait corps. Malgré
les critiques et les railleries de bien de
leurs contemporains, Marcel David crut
au projet et fit construire en 1958 dans
son Service la Salle d’opération dédiée
à la neurochirurgie stéréotaxique. Cette
salle devait permettre le repérage neuroradiologique
stéréotaxique fondé sur
un équipement de téléradiologie mobile
et les explorations neurophysiologiques
cérébrales.
Le mariage entre l’anatomie cérébrale
- observée par la méthode stéréotaxique
- et la neurophysiologie cérébrale
- révélée par la clinique et l’électroencéphalographie
- donna naissance
à la Stéréo Electro-EncéphaloGraphie
(ou SEEG, qui ne prendra ce nom
qu’en 1962). La première implantation
intracérébrale d’électrodes pour
explorer l’activité de différentes structures
cérébrales simultanément avec
celle du scalp et enregistrer les crises
chez un patient épileptique aura lieu
le 3 mai 1957. Les électrodes étaient
fabriquées à Sainte-Anne par Sabaton,
rigides, stérilisables, à plusieurs contacts.
La SEEG fit faire un immense bond en
avant dans la compréhension des
mécanismes spatiaux et temporels qui
sous-tendent les crises d’épilepsie, chez
un patient donné comme d’une façon
générale. L’anatomie stéréotaxique
décrite par Jean Talairach fournissait
un corps à l’interprétation dynamique
des crises d’épilepsie et un fondement
à la démarche corrélative entre la
sémiologie, l’anatomie et la neurophysiologie
indispensable à la chirurgie de
résection dans l’épilepsie rebelle. La
première intervention de ce type, qui
sera appelée plus tard « cortectomie »
eut lieu en janvier 1960. Avant cette
date et depuis 1957, les interventions
stéréotaxiques pour épilepsie partielle
rebelle étaient une destruction sélective
ammonienne et amygdalienne par
implantation de grains d’Yttrium radioactif.
Le rapport présenté devant la Société
de Neurochirurgie de Langue Française
en 1974 « Approche nouvelle de la
neurochirurgie de l’épilepsie » résumait
14 années de collaboration, celle d’une
équipe qui entourait Jean Talairach et
Jean Bancaud : A. Bonis, S. Geier, G.
Szkila, E. Bordas-Ferrer, C. Schaub, P.
Tournoux, P. Buser, S. Trottier, P. Chauvel,
J.M. Scarabin, C. Munari, pour ne
citer qu’eux. Leurs travaux donnaient à
la chirurgie de l’épilepsie ses lettres de
noblesse. Cette méthodologie des corrélations
anatorno-électro-cliniques possédait
l’originalité d’aborder les mécanismes
d’une crise d’épilepsie de façon
structurée, anatomique, spatiale et temporelle,
le tout dirigé dans une perspective
opératoire.
LIVRES ET REVUES
La sociologie de Max Weber
Catherine Colliot-Thélène
La Découverte
Max Weber
Sociologie des religions
Textes réunis, traduits et
présentés par Jean-Pierre
Grossein
Tel Gallimard
Le premier livre fournit des éléments
d’information relatifs à la formation
scientifique et à la carrière de Weber,
ainsi qu’un aperçu général des différentes
parties de son œuvre.
Les deuxième et troisième chapitres
traitent de ce que l’on appelle communément
la « méthodologie » wébérienne.
On distinguera son épistémologie,
c’est-à-dire sa conception de
la nature de la connaissance en sociologie
et en histoire, ainsi que des
relations entre les différentes sciences
humaines et sociales, et sa « méthodologie
», entendue au sens strict de
la systématisation des procédures de
l’argumentation.
La sociologie wébérienne conjugue
le point de vue de l’historien et les exigences
de la théorie, tandis que le troisième
chapitre explicite ce qu’est la
sociologie « compréhensive », et les
rapports qu’elle entretient avec la psychologie
et la théorie juridique. Sous
le titre « Rationalités », le quatrième
chapitre évoque les ambiguïtés des
notions de de « rationnel, rationalité,
rationalisation ». A l’encontre des interprétations
qui font de la rationalisation
le maître mot de la pensée de
Weber, et sans nier l’importance centrale
que possède ce thème dans l’ensemble
de son œuvre, l’auteur le considère
moins comme une solution que
comme un problème, c’est-à-dire
comme le point de condensation d’une
ambivalence qui traverse toutes les
dimensions de ses analyses. Le dernier
chapitre recentre le programme
de connaissance de Weber autour des
notions de « conduite de vie » et de
« puissances sociales », à la lumière desquelles
se laisse reconstituer la cohérence
entre ses positions épistémologiques
et ses analyses concrètes.
Jean-Pierre Grossein a rassemblé dix
textes écrits par Max Weber, entre
1910 et 1920, qui donnent une vue
générale des fondements théoriques
de sa sociologie des religions. On sait
les difficultés d’accès à une œuvre inachevée,
en remaniement, difficultés
aggravées pour le lecteur français par
le caractère lacunaire et l’incertitude
des traductions. La réunion de ces
textes de synthèse, empruntés pour
l’essentiel aux deux grandes entreprises
qu’a mené Weber au cours des
années 1910 - le travail d’élaboration
des catégories sociologiques d’Economie
et société et les études comparatives
sur L’Ethique économique des
religions mondiales -, a été conçue
pour faciliter l’entrée dans une des
pensées-source de la philosophie et
des sciences sociales contemporaines.
Traduits par Jean-Pierre Grossein, présentés
dans l’ordre chronologique, ils
permettent de se faire une idée précise
du développement de la réflexion
wébérienne dans le sillage de L’Ethique
protestante et l’esprit du capitalisme et
de prendre la mesure de sa portée
systématique.
Le recul de la mort
L’avènement de l’individu
contemporain
Paul Yonnet
Gallimard, 25 €
Le passage à une mortalité infantile
faible est incompatible, à terme, avec
le maintien d’une fécondité élevée, ce
qui valide le postulat de la théorie de
la Transition démographique dont le
déclenchement est historiquement tardif.
Quand la transition démographique
apparaît, c’est le plus souvent après
la scolarisation massive des filles, voire
leur accès à des études longues, et
après un décollage économique rapide,
ou du moins en accompagnement
de celui-ci. Ce ne fut pas le cas
en France, aux débuts de la révolution
démographique. En France, la
baisse de la fécondité est précédée
d’une baisse de la mortalité infantile
et aux âges jeunes.
Mais l’explication paraît insuffisante
pour expliquer le déclenchement d’un
ouragan contraceptif à partir de 1790
qui n’est pas dû à des causes économiques.
Mélange de déchristianisation
et d’excès dans la volonté de pouvoir
de l’Eglise, voies trouvées pour
s’opposer à la tentative de contrôle
social sexuel par l’institution ecclésiale,
résistance au pessimisme d’inspiration
janséniste, mais aussi tonalité
d’une Contre-Réforme visant le
contrôle strict de la libido, conséquence
de l’extraordinaire floraison de la foi
catholique.
Au-delà, et en prolongement, on peut
tenter de comprendre l’attitude des
élites urbaines, qui sont les précurseurs
et les vecteurs de la baisse de
la fécondité, au point d’adopter des
comportements de limitation de leur
propre descendance anticipant de
deux siècles ceux de la population
française. L’état des rapports de classes
en France ouvre la fenêtre de la contraception
dans une élite dissuadée du
pouvoir politique par l’absolutisme.
La restriction des naissances est bien
alors la conséquence d’une personnalisation
de l’enfant, lui-même envers
d’une dépersonnalisation de l’avenir
collectif, proprement politique, dans
les élites écartées de ce monde sérieux.
Il y a donc trois facteurs : la
baisse de la mortalité infantile et infanto-juvénile
; la Contre-Réforme ;
l’absolutisme. Mais la Révolution agrège
le phénomène et, le diffusant, le fait
changer d’échelle. Quand bien même
ce ne serait pas la baisse de la mortalité
infantile qui aurait déclenché la
baisse de la fécondité , mais l’inverse :
la baisse de la fécondité retentit sur
la mortalité infantile. Les conséquences
psychologiques sur la femme et sur
l’enfant ont été les mêmes : peu à peu,
libération de l’angoisse de la mort ;
apparition de l’enfant du désir ; d’un
être singulier, prémédité et irremplaçable,
conçu pour lui-même et non
pour être un élément parmi d’autres ;
libération de la femme des astreintes
de la reproduction de l’espèce ; et libération
pour la société.
Ecrits allemands - I
Fichte
Ecrits allemands - Il
Philosophie du droit
Philosophie sociale et
phénoménologie
Georges Gurvitch
Textes traduits et édités par
Christian Papilloud et Cécile Rol
L’Harmattan, 31 € chaque volume
De Georges Gurvitch (1894-1965), on
retient son parcours académique en
France, où il a été professeur à la Sorbonne.
On a salué son engagement
lorsqu’il fallut reconstruire la sociologie
durkheimienne après la Deuxième
Guerre mondiale. On connaît enfin
son rôle dans la mise en place des
premières unités du Centre National
de la Recherche Scientifïque. Sa revue
les Cahiers Internationaux de Sociologie
paraît aujourd’hui encore.
En revanche, on ignore souvent les
influences qui ont guidé sa vie intellectuelle
et imprégné I’œuvre de celui
qu’on nommera le « pape de la sociologie
française » après-guerre.
Sur la base d’un matériel bio-bibliographique
inédit, les éditeurs éclairent
le détour de Gurvitch par l’Allemagne
en publiant le premier des trois volumes
de ses écrits allemands consacré
à son travail méconnu sur Fichte.
Après un article préparatoire paru au
HOMMAGE ■ 7
début des années 1920, Gurvitch y
revient en détail à l’occasion de sa
thèse de doctorat, traduite en français
pour la première fois dans ce recueil.
Il la défend à Berlin, où il pensait faire
carrière. Au lendemain des révolutions
russes et allemandes, et après la Grande
Guerre, la prise en compte de la doctrine
morale de Fichte lui semble alors
inéluctable pour que les sciences sociales
retrouvent leurs marques.
Convaincu, Gurvitch revient longuement
sur Fichte, lui consacrant une
notice dans l’Encyclopédie des Sciences
Sociales d’Alvin Johnson et d’Edwin
Seligman, ou publiant la recension
d’un livre de Marcel Guéroult sur Fichte,
deux contributions reprises dans le
premier volume.
Le deuxième volume contient une
contribution sur le philosophe du droit
Otto von Gierke, sur Proudhon, sur le
philosophe autrichien du droit Anton
Menger et, enfin, sur Gustav Radbruch.
Hormis ce dernier, ces articles paraissent
pour la première fois en français.
Les contributions que Gurvitch consacre
à la philosophie sociale et à la phénoménologie
portent sur Edmund Husserl,
Emil Lask et Nikolaï Hartmann,
deux articles préparant les Tendances
actuelles de la philosophie allemande.
Suivent une recension commune du
Fichte de Xavier Léon et du Hegel de
Jean Wahl, inédite en français, ainsi
qu’un article sur la philosophie sociale
de Karl Krause. L’ouvrage se termine
par un article critique portant sur la
théorie de la valeur du philosophe
néo-kantien Heinrich Rickert.
Ces textes révèlent la permanence des
thématiques fichtéennes et, plus généralement,
de la tradition allemande
dans les travaux de Gurvitch. Ils attestent
de son effort pour établir une
synthèse critique des traditions philosophiques,
au profit d’une science
de la morale pratique dont il cherchait
les sources européennes. Gurvitch a
trouvé en France la patrie d’adoption
de son projet, mais aussi une terre de
débats féroces que l’exacerbation des
nationalismes en Europe ne manquera
pas d’aiguiser. Marginale, sa présence
à l’intérieur du champ socio-philosophique
franco-allemand invite néanmoins
à certaines redéfinitions. En témoigne
en fin d’ouvrage une collection
de matériaux bio-bibliographiques
inédits.
Art et psychanalyse
Savoirs et clinique n°7, Erès, 28 €
Le titre de ce numéro reprend celui
du sixième colloque de l’ALEPH, qui
s’est tenu les 11 et 12 décembre 2004
au musée des Beaux-Arts de Tourcoing.
Dans son éditorial Franz Kaltenbeck
relève que : « La psychanalyse
ne s’applique pas à l’art mais au symptôme
clinique qui est l’expression d’une
satisfaction sauvage et douloureuse de
la pulsion. Dans l’art se créent des œuvres
qui sont, elles aussi, des symptômes, puisqu’il
faut les déchiffrer. Mais ces symptômes
éveillent nos désirs en proposant
des images et des langages nouveaux
à notre sensibilité. Ils nous donnent ainsi
des aperçus sur les régions les plus opaques
de notre propre jouissance ».
Psychiatrie de l’adulte
Formations médicales et
paramédicales
Pierre André
4 ème édition révisée et augmentée
Heures de France, 27 €
Cet ouvrage pédagogique est destiné
à la formation des médecins et des
paramédicaux. Sont abordées les diverses
pathologies mais sont également
traitées : la relation de soin, le
projet thérapeutique ; les psychothérapies
; les principales situations d’urgence
; les médicaments psychotropes ;
la législation et l’organisation des soins
en psychiatrie. On trouve en fin d’ouvrage
un lexique des termes de psychiatrie,
psychologie et médecine.

8
LIVRES
■ HOMMAGE
Les sens et l’intelligence
Traité de psychologie 1
Alexander Bain
Avec une préface de Serge
Nicolas et une étude critique de
John Stuart Mill
L’Harmattan, 48 €
Il s’agit, en fac simile, de la traduction
de l’ouvrage de Bain : Les sens et l’intelligence
(1855). La reproduction de
l’ouvrage est précédée d’une introduction
sur la vie et l’œuvre de Bain
accompagnée d’une présentation critique
donnée par John Stuart Mill en
1859 sur la psychologie de Bain.
Fondateur de la psychologie scientifique
anglaise, l’influence d’Alexander
Bain (1818-1903) sur ses contemporains
a été incontestable. L’ouvrage
qui le fit connaître, Les sens et l’intelligence
(1855), constitue le premier
livre de son grand traité de psychologie
considéré comme un des premiers
manifestes de la nouvelle psychologie
anglaise du XIX e siècle qui
eut tant d’influence sur la psychologie
française et la psychologie allemande
naissantes. La psychologie de
Bain est une psychologie associationniste
qui prend sa source dans
les écrits de Hume, Hartley, James
Mill et James Stuart Mill. Si l’on compare
les travaux de Bain avec ceux
de ses prédécesseurs immédiats, on
perçoit que de grandes différences
existent. Le style est plus scientifique,
il n’est pas celui d’un orateur dont le
discours est embelli de longues citations
poétiques. La méthode de Bain
est scientifique et non pas introspective
et spéculative. Les nouveautés
que l’on peut percevoir dans
l’œuvre de Bain sont, d’abord, son
insistance sur la valeur de la physiologie
pour la psychologie ; ensuite sa
foi en l’application des méthodes
quantitatives en psychologie même
s’il n’a jamais expérimenté lui-même.
Bain est connu pour être le fondateur,
en 1876, de la fameuse revue
philosophique Mind.
Vocabulaire de
psychosociologie
Références et positions
Sous la direction de
Jacqueline Barus-Michel
Eugène Enriquez
André Lévy
Erès, 23 €
Cette nouvelle édition qui a réduit
son format et son prix de manière significative,
est un ouvrage de référence
sur la psychosociologie :
repères conceptuels et méthodologiques,
auteurs précurseurs et fondateurs
de la discipline.
Les articles ont été rédigés par les
chefs de file de la psychosociologie
qui ont contribué à diffuser l’influence
de la discipline dans divers domaines
(sciences de l’éducation, formation,
pédagogie, enquête sociale et économique
- travaux sur l’opinion publique,
études de marché ou de motivation
- compréhension, analyse et
traitement des situations sociales, en
psychothérapie ou dans le travail social
en général) et ont renouvelé les
perspectives concernant les groupes
et les relations de groupe, les structures
d’organisation, les processus de
changement, le traitement des conflits
sociaux et leurs incidences sur les
personnes.
Pour chaque notion, son ou ses rapporteurs
ont indiqué le contexte
d’émergence, explicité les significations,
esquissé une analyse critique
et montré leur intérêt sur le plan de
la théorie et de la pratique psychosociologique.
Irradiation interstitielle des
tumeurs cérébrales
A la suite des travaux pionniers d’Ajuriaguerra
en 1954 sur l’implantation
cérébrale de grains d’or radioactif,
Gabor Szkila s’est intéressé très tôt à
cette technique d’irradiation focale. Son
mémoire d’Assistant Etranger en 1958
portait sur les « Effets histologiques tardifs
de l’implantation de l’Au198 dans le
cerveau humain ». Les premières irradiations
interstitielles en conditions stéréotaxiques
ont été réalisées dès 1953,
destinées au traitement de tumeurs
jugées inopérables. L’émission y de l’or
radioactif (Au 198 ) permettait certes une
importante irradiation in situ, la dosimétrie
était rudimentaire et les résultats
furent dans l’ensemble décevants et
des lésions de radionécrose étendues
furent observées à moyen et long
terme. L’utilisation des émetteurs radioactifs
β comme I’Yttrium ou le Rhenium
s’avéra beaucoup plus sûre et
plus fiable : la pénétration tissulaire de
ces produits était beaucoup plus réduite,
leur demi-vie beaucoup plus courte,
ils réalisaient des lésions de nécrose à
l’emportepièce de petit diamètre. Ils
furent donc choisis pour les destructions
focales de la chirurgie fonctionnelle
: l’Yttrium 90 fut utilisé pour le
traitement de la maladie de Parkinson :
Débutée en 1954, cette méthode fut
utilisée jusqu’au milieu des années
1980.
Dès 1973, Gabor Szkila s’intéressa à
l’irradiation interstitielle des tumeurs
cérébrales en combinant la méthodologie
stéréotaxique de Talairach à une
irradiation calculée et rationalisée. Ses
travaux trouvaient leur couronnement
lors du Congrès européen de Stéréotaxie
à l’Abbaye de Royaumont en
1979. Mais l’expérience clinique en
matière de tumeurs cérébrales fut plus
modeste que les travaux expérimentaux
: l’irradiation interstitielle était réservée
à des tumeurs hémisphériques
malignes jugées inopérables, et des
tumeurs du 3 ème ventricule (pinéalomes,
crâniopharyngiomes).
Biopsies stéréotaxiques des
tumeurs cérébrales
Si la méthodologie stéréotaxique permettait
de prélever des fragments tissulaires
avec un haut degré de fiabilité
et de sécurité, même dans des localisations
hautement fonctionnelles, dans
un but purement diagnostique, Talairach
lui préférait son versant thérapeutique,
irradiations interstitielle ou
endocavitaire par exemple. C’est l’arrivée
de Catherine Daumas-Duport en
1972 qui marquera le début d’une
nouvelle approche des tumeurs cérébrales
par l’étude conjointe de la clinique,
des documents radiologiques
disponibles et des prélèvements multiples
et orientés des différentes composantes
tumorales. La méthodologie
stéréotaxique permit l’étude de leur
configuration spatiale, de corrélations
entre l’Histologie et l’Imagerie, à la base
de nouvelles classifications des tumeurs
cérébrales, de choix thérapeutiques
individuels et de données pronostiques
fondées sur des groupes homogènes
de lésions.
Chirurgie stéréotaxique
hypophysaire
Avec le but de détruire une tumeur
hypophysaire sans en réaliser l’exérèse
par une voie chirurgicale lourde, la première
intervention stéréotaxique sur
l’hypophyse eut lieu en 1954, à l’aide
d’un appareillage stéréotaxique adapté
au cadre. En 1964, un appareil indépendant
et dédié à la chirurgie hypophysaire
fut construit par la Maison
Alexandre. La destruction hypophysaire
était réalisée par l’implantation
sous contrôle radiographique d’isotopes
émetteurs y (Iridium 192 et Or 198),
qui créaient une radionécrose de tissus
tumoraux (adénomes, craniopha-
ryngiomes) ou du parenchyme hypophysaire
pour le traitement de syndromes
de Cushing, de rétinopathies
diabétiques, d’exophtalmie maligne, ou
de cancers hormonodépendants polymétastasés.
Cette activité fut coordonnée,
jusqu’au début des années 1980,
par Claude Schaub, neuroendocrinologue
de l’équipe de Jean Talairach.
Chirurgie de la douleur
A la suite des travaux expérimentaux
de Mme M. B Dell sur le thalamus,
Talairach pratiqua des coagulations
sélectives de noyaux thalamiques (VPL
ou VPM selon la topographie douloureuse)
pour le traitement des douleurs
du syndrome thalamique. Les effets
observés étaient en général transitoires.
Plus efficaces furent les destructions
stéréotaxiques des fibres thalamo-pariétales,
qui permettaient une suppression
des douleurs ou une amélioration
notable à long terme chez plus de 50%
des malades.
Psychochirurgie
De formation initialement psychiatrique,
Jean Talairach a décrit avec ses
Maîtres Jean Delay, puis Henri Hecaen
et Marcel David diverses manifestations
psychiatriques rencontrées dans
des pathologies organiques. Dans le
grand Hôpital psychiatrique parisien, il
était logique qu’il s’intéressa à la Chirurgie
des désordres psychiques. Reprenant
la technique de Freeman et Watts,
il réalisa dans son Service, entre 1946
et 1949, 137 lobotomies préfrontales.
Recherchant une technique plus sélective
et moins délabrante que la lobotomie,
il pratiqua des destructions
stéréotaxiques sélectives : thermocoagulations
fasciculaires dans le centre
semi-ovale ou thalamotomies du noyau
ventral antérieur. Les dernières lobotomies
pratiquées à Sainte-Anne furent
antérieures à 1980.
Neurochirurgie des mouvements
anormaux
Dès 1947 Talairach s’intéressa au traitement
des dyskinésies par une intervention
corticale portant sur les aires 4,
6 et 8. En 1950 il réalisa sa première
intervention stéréotaxique pour le traitement
des mouvements anormaux :
une thermocoagulation des tractus
putamino-caudés, de l’anse lenticulaire
et du globus pallidus chez une patient
éveillée atteinte d’un hémiballisme. il
démontrait alors que seule une intervention
sur les fibres pallidofuges entraînait
une cessation des mouvements
anormaux.. A partir de 1952, il commença
à traiter des syndromes parkinsoniens
par diverses techniques stéréotaxiques
- électrolyse, thermocoagulation
ou irradiation à l’Or 198
puis à I’Yttrium 90 - et dans divers
cibles : anse lenticulaire, globus pallidus,
noyau ventral latéral du thalamus,
sous l’influence des travaux d’Hassler.
Laissant ultérieurement à Gérard Guiot
et à son équipe de l’hôpital Foch la primauté
de la chirurgie des mouvements
anormaux pour s’intéresser essentiellement
à l’épilepsie, la technique qu’il
mit au point et qui resta pratiquée à
Sainte-Anne jusqu’à la fin des années
1980 était l’implantation par voie frontale
de deux grains d’Yttrium 90, l’un
dans le Globus Pallidus interne et l’autre
dans la partie postérieure du noyau
Ventral Latéral du thalamus (correspondant
aux noyaux Vop et Vim).
Les productions
scientifiques
Son premier article date de 1949 et
s’intitule « Recherches sur la coagulation
thérapeutique des structures sous-corticales
chez l’homme » (Revue Neurologique,
1949, 81, 1,1-24). Auparavant, il avait
depuis sa thèse en 1940 participé à la
rédaction de plus de 10 articles sur des
sujets de Psychiatrie (comprenant les
manifestations psychiques rencontrées
dans les tumeurs cérébrales et à l’issue
d’interventions neurochirurgicales). En
1949 il présentait, devant l’audience
du IVè Congrès Neurologique International,
une communication sur le
sujet « Lobotomie préfrontale limitée par
électrocoagulation des fibres thalamofrontales
à leur émergence du bras antérieur
de la capsule interne ».
Il écrira ensuite, jusqu’à sa retraite, près
de 50 articles originaux - en plus de
ceux dont il est co-auteur, dont une
quarantaine avec Jean Bancaud -, 3
Atlas de stéréotaxie (Atlas d’Anatomie
Stéréotaxigue, 1957 ; Atlas &Anatomie
Stéréotaxique du Télencéphale, 1967 ; et
celui écrit avec Gabor Szkila, Angiography
of the Human Brain Cortex,
1977), 3 livres et plus de 10 chapitres
de livres, 2 rapports devant la Société
de Neurochirurgie, sans compter les
communications scientifiques ni les
articles didactiques. Il écrira et publiera
bien après sa retraite ses deux derniers
Atlas (Co-planar Stereotactic Atlas of the
Human Brain, Thieme, 1988 et Referentially
Oriented Cérébral MRI Anatomy,
Thieme, 1993). Son œuvre inclut
l’ensemble des domaines d’application
de la neurochirurgie fonctionnelle, lui
conférant une surprenante modernité.
La Neurochirurgie stéréotaxique est
bien la mère de la chirurgie à invasion
minimale guidée par l’imagerie que l’on
connaît aujourd’hui.
L’Ecole de stéréotaxie
son rayonnement
Jean Talairach aura formé des élèves
illustres français et étrangers. Bien des
neurochirurgiens de son époque viendront,
par curiosité ou par souci de formation
à une méthodologie aussi rigoureuse
que séduisante et innovante, se
former à son contact. En France, ses
élèves neurochirurgiens stéréotacticiens
se nomment Robert Sedan, Alim-Louis
Benabid, François Cohadon, JeanMarie
Scarabin, Serge Blond, Youenn Lajat,
Daniel Legars, Jean-Claude Peragut,
sans oublier Geier et Micheletti. A
l’étranger, Patrick Kelly (USA), Mark
Rayport (USA), Claudio Munari (Italie),
Antonino Musolino (Italie), B.
Mempel (Pologne), M. Bordas-Ferrer
(Paraguay), Osvaldo Betti (Argentine),
L. Covello (Italie), T. Hori (Japon), Takeda
(Japon), Robert Rand (USA), Vladimir
Petrov (Russie), Antonio Delgado-
Escueta (USA), Signorelli (Italie),
Bernouilly (Suisse), Serrano (Chili), Prosalentis
(Grèce), Guy Bouvier (Canada),
Manrique (Espagne), Cinca (Roumanie),
Valençak (Autriche), Zervas
(USA), Waltregny (Belgique) et bien
d’autres figurent parmi ses élèves.
L’histoire de Jean Talairach est celle
d’un Homme passionné, en quête perpétuelle
d’une compréhension des phé-
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
nomènes pour mieux les contrôler. Elle
est celle d’un Maître qui s’est entouré
d’une équipe sans cesse renouvelée de
Cliniciens et de Chercheurs français et
étrangers qui ont eux aussi par leur travail
acquis un renom et contribué à
celui de l’équipe. Elle est celle d’un lieu,
le Centre Hospitalier Sainte-Anne,
devenu par la personnalité du Maître
une Ecole de Neurochirurgie Stéréotaxique
et Fonctionnelle reconnue audelà
des frontières. Elle est une leçon de
volonté, de ténacité, d’une démarche
innovante et visionnaire. Convaincre
que la neurochirurgie passait par une
vision spatiale organisée de l’anatomie
cérébrale ? Gageure à l’époque, évidence
indiscutée aujourd’hui. L’idée
valut à son auteur critiques et incrédulité
de ses contemporains. Qu’importe.
L’œuvre est là pour témoigner.
Suivre la route d’un pionnier de génie
n’est pas simple, mais lorsque sa création
atteint son plein accomplissement,
modèle de simplicité et de logique, elle
devient accessible à tous, modulable,
évolutive, en deux mots actuelle et
vivante. Mémoire d’une utopie féconde,
mélange d’imaginaire et du réel qui
s’y bâtit. ■
Bertrand Devaux et
François-Xavier Roux*
*Hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris
Ce texte a été publié dans le Bulletin de la Société
de Neurochirurgie de Langue Française
de décembre 2003 et dans le Bulletin de l’Association
du Musée et du Centre Historique
Sainte-Anne, numéro de novembre-décembre
2006.
6ème Journée AFPSYMED
L’élève bouc émissaire, sa place dans l’école
23 mars 2007, CH Sainte-Anne, Paris
Traitement du trouble de
la personnalité borderline
F. Mehzan
Masson
F. Mehzan, psychologue clinicienne
attachée à l’Hôpital Sainte-Anne,
présente diverses approches thérapeutiques
proposées dans le trouble
de la personnalité borderline. Elle
insiste surtout sur l’urtilisation des
théories cognitives et comportementales,
qu’elles soient individuelles
ou de groupe, dont de nombreuses
variantes peuvent s’adapter au trouble
borderline. Elle décrit, en particulier,
des techniques récentes, comme la
thérapie cognitive émotionnelle, et
plaide pour l’usage d’une approche
intégrative, la thérapie des schémas,
conçue par Jeffrey Young à New
York, pour aider ces patients souvent
très difficiles à prendre en charge.
Un ouvrage complet pour un lecteur
peu familier avec les développements
récents des TCC.
Ch. Spadone
L’élève « bouc émissaire » est fréquemment décrit dans l’école, quelque soient
l’âge et le type d’enseignement. Il fait très régulièrement l’objet d’attaques de
ses camarades de classe et est repéré par l’institution. Cette place conduit cet
élève à exprimer sa souffrance par des symptômes comportementaux et/ou
psychiques. Il trouve régulièrement appui auprès de l’infirmerie de l’établissement.
L’aveu de cette position par l’élève est rare, par méconnaissance ou
par peur. La qualité de l’observation de l’institution scolaire aura une place
déterminante pour aider ce jeune. La solution ne peut qu’associer une approche
individuelle et collective pour la gestion du groupe classe.
Les conséquences de ce positionnement peuvent être redoutables, de l’échec
scolaire au trouble somatique et psychique conduisant à une tentative d’échappement
scolaire. Plus troublants, les essais de rescolarisation montrent parfois
un positonnement à l’identique de ce jeune, posant alors le problème
de son organisation psychopathologique singulière.
Cette 6 ème journée d’AFPSYMED (associant des psychiatres et des médecins
de l’éducation nationale) proposera une réflexion sur ce thème en associant
des regards croisés, psychopathologiques et sociologiques. L’approche psychologique
individuelle croisera la dimension institutionnelle sur l’école pour
une élaboration conjointe et indissociable de ces enjeux.
Renseignements : Mme Sylvie Lecuyer, Secteur 15 de Paris - CMP Tiphaine, 23 rue
Tiphaine, 75015 Paris. Tél. 01 45 75 03 50 - Fax 01 45 79 20 40.
E-mail : s.lecuyer@ch-sainte-anne.fr

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
sociaux et des valeurs, le poids de l’individualisme,
les profonds changements
qui en résultent, font que l’être humain
manque de repères et de racines, vit
parfois une profonde dévalorisation,
une augmentation du sentiment d’insécurité
et une confrontation à une
perte de sens qui est au cœur de la
dépression.
Le suicide s’inscrit essentiellement dans
ce contexte de dépression. On déplore
ainsi entre 11 000 et 12 000 suicides
par an. Chez les personnes âgées,
80% au moins des gestes suicidaires
surviennent ainsi dans un contexte
dépressif et l’on sait le drame du suicide
chez les jeunes.
L’angoisse est partout aujourd’hui. Il y
a une explosion de la demande « psy »
et l’on attend une réponse dans l’urgence.
La consommation de psychotropes
est très importante. En 2004, la
Sécurité sociale a payé 315 millions
d’antalgiques et 122 millions d’hypnotiques
et de tranquillisants. Encore que
prescription ne veuille pas dire consommation.
Est-ce à dire que les Français
ont mal, sont mal et/ou qu’ils vont
mal ?
Par ailleurs, il est certain que les changements
de repères structurants pour
l’être humain se reflètent encore au
niveau des troubles de la personnalité
avec augmentation des troubles de type
borderline, diagnostic fréquemment
retenu aujourd’hui.
Enfin, il convient de mentionner un
autre changement : la place du malade
par rapport à sa maladie.
Autrefois très passif et sommé de suivre
ce qui lui était imposé, il est devenu
un partenaire et, si possible, l’acteur de
son traitement. La nécessité de l’information
est aujourd’hui un truisme et
il faut aller plus loin dans l’implication
du patient.
Les troubles des adolescents, des
révélateurs de notre société
Pour Philippe Jeammet, l’adolescent
est particulièrement intéressant car il
est, à la fois, révélateur de ce qu’il a
reçu pendant son enfance, en particulier
de ses parents et de ses éducateurs,
et de ce dont il hérite sur le plan génétique.
Avec la puberté, et l’adolescence
proprement dite, il va devoir prendre
une distance par rapport à son enfance
et ses parents, ce qui va l’obliger à
prendre la mesure de ses ressources
personnelles internes. Cette remise en
cause de l’adolescent met en évidence
ses insécurités. L’adolescent nous
apprend que plus on est en insécurité,
plus on est vulnérable et plus on a
besoin de recevoir une aide extérieure,
mais plus ce besoin est aussi ressenti
comme une menace pour l’autonomie.
Les plus vulnérables d’entre eux, en
quête d’un apport extérieur, vont, de ce
fait, être très environnement-dépendants
et susceptibles de devenir le
miroir des courants de pensée et de
comportements qui parcourent le
monde adulte.
Les adolescents les plus dépendants
sont les plus sensibles à la déception
et seront tentés d’y répondre par des
comportements d’opposition. En s’opposant,
ils ont le sentiment d’exister.
Ils se protègent de l’angoisse d’abandon
et, en même temps, se rassurent
sur leur capacité à sauvegarder leur différence
et à ne pas se soumettre aux
adultes. Malheureusement, si leurs
capacités d’opposition l’emportent sur
le besoin de recevoir et de se nourrir de
ce qui serait nécessaire à leur développement,
un cercle vicieux risque de
s’installer et de les amener à s’opposer
d’autant plus aux adultes qu’ils en
deviennent, en fait, plus dépendants.
Derrière ces comportements se cache
la peur de ne pas être à la hauteur, de
ne plus être eux-mêmes, de perdre la
maîtrise de la situation, voir parfois leur
identité. Le refus et la destructivité leur
donnent, à bon compte, le sentiment
de redevenir actifs et peuvent les rassurer,
mais en les enfermant dans des
Société en mutation, santé
mentale en crise
comportements qui, sans être tous
pathologiques, sont en revanche pathogènes
dans la mesure où ils ne sont
pas tant choisis que dictés par la peur
et qu’ils les privent de la nourriture et
des apports qui leur seraient nécessaires
pour s’épanouir. Au fond, la
pathologie, c’est l’enfermement dans
ces conduites d’attaque et de sabotage
de nos potentialités.
La solution de la destructivité est en
quelque sorte la créativité du pauvre,
c’est-à-dire de celui qui se sent impuissant
et dépassé. Elle est d’autant plus
tentante que le plaisir comme la réussite
sont aléatoires, nous font dépendre
des autres et ne durent jamais. L’échec
et la destruction sont toujours accessibles,
à portée de main, ne dépendent
que de soi et peuvent être sans fin
quand on commence à les mettre en
oeuvre. Ce n’est pas un plaisir, ce n’est
pas un choix, mais on comprend que
cela puisse devenir une tentation pour
des sujets à la dérive et en quête de
se sentir exister et d’avoir un effet sur
les autres.
Les comportements pathogènes chez
les adolescents et les jeunes adultes
sont un exemple du mode d’expression
du mal-être, un reflet de notre
évolution sociale. Les troubles dépressifs
et les violences gratuites sont en
effet révélateurs des maux de notre
société. Une société qui refuse les
limites, rejette les normes et les
contraintes, une société qui remet continuellement
tout en cause engendre
nécessairement des êtres n’ayant plus
de repères, n’acceptant aucun cadre et
pouvant devenir violents, envers les
autres et envers eux-mêmes.
L’enfant et l’adolescent ont besoin de
l’adulte, ne serait-ce que pour s’opposer.
Or, aujourd’hui, on constate une
difficulté des adultes à poser des limites,
à signifier qu’il faut se respecter soimême
et respecter l’autre. Malheureusement,
la société ne renvoie plus de
feedback pour dire que l’on ne peut
pas laisser des enfants s’abîmer.
La diffusion par la psychiatrie du modèle
d’une compréhension psychologique
de l’enfant et de l’adolescent en souffrance,
qui est né dans un cadre éducatif
relativement strict, a eu un succès
excessif. Dans un cadre beaucoup
plus permissif, la « psychologisation »
actuelle a contribué à disqualifier l’éducatif,
empêchant le cadre éducatif,
notamment la famille, l’école, de jouer
son rôle constructif de limites, abandonnant
ces enfants à leurs impulsions
et à leurs émotions incontrôlées. De
ce fait, les « psy » n’apportent de nos
jours, plus une ouverture compréhensive
à l’écoute des enfants, qui s’est
généralisée excessivement, mais ils sont
amenés à poser des cadres éducatifs
qui n’existent plus par ailleurs.
Soigner en toute transparence
Pierre Decourt, psychiatre et psychanalyste
a relevé que si la psychiatrie
est aujourd’hui en crise, la résolution
de l’énigme de la maladie mentale
constitue le premier défi pour le psychiatre.
Il doit également faire face aux
exigences d’une société ne supportant
plus l’aléatoire et qui demande des
réponses claires, parfois définitives avec
des résultats si possible quantifiables.
Plus encore, une méthode thérapeutique
peut être délaissée faute d’être
attestée par des preuves concluantes.
Tout l’enjeu consiste bien à transmettre,
à une société qui demande des
comptes, la complexité de ce qui spécifie
la pathologie mentale sans tomber
dans un réductionnisme démagogique
et trompeur.
Par exemple, si l’on veut comprendre
quelque chose à un traitement du syn-
drome anxiodépressif, il faut pouvoir à
la fois se fonder sur le diagnostic clinique,
mais également faire preuve
d’intelligence et d’intuition. Il s’agit ainsi
de faire appel à l’histoire du sujet, donc
de prendre en considération sa propre
capacité à donner du sens à un symptôme.
La complémentarité des approches
médico-psychologiques est une exigence
dont la plupart des responsables
ont pris conscience depuis longtemps.
Ainsi, bien des équipes au sein des institutions
sont composées de médecins,
de psychologues, de psychanalystes
ayant des compétences dans le champ
tant somatique que psychopathologique.
Cette double approche indispensable
reflète la complexité du fonctionnement
de l’être humain et sa
richesse. A l’heure de la transparence
illusoire, on mesure la difficulté et la
nécessité de transmettre cette complexité.
A l’inverse, on peut prôner une relation
fondée sur la transmission par le psychiatre
de ses doutes, de ses convictions,
mais aussi de ses incertitudes,
dans le cadre d’un engagement sur le
mode de la vérité. Il s’agit là du contraire
de ce qui se passe aujourd’hui, où
l’on déshumanise le patient et où l’on
fait du psychiatre un simple entomologiste
de l’humain.
Les évolutions du métier de
psychiatre face aux nouvelles
expressions des maladies
mentales
Olivier Lehembre, vice-président de la
Fédération Française de Psychiatrie a
relevé que l’évolution des maladies
mentales est certes un miroir de l’évolution
de notre société, mais les pathologies
sont aussi fonction du dispositif
de soins mis en place car les patients
expriment leur souffrance psychique
en fonction des lieux et des personnes
qu’ils rencontrent. Les pathologies évoluent
également en fonction de nos
capacités à les entendre. Aujourd’hui,
les troubles du comportement sont très
présents dans les consultations et dans
les soins.
Les conditions d’exercice évoluent en
fonction de facteurs conjoncturels tels
que la démographie, l’environnement
institutionnel, les pratiques psychiatriques,
les pathologies et la société.
Les psychiatres sont de plus en plus
débordés et de moins en moins nombreux
; ce constat est préoccupant.
Dans ces conditions, les psychiatres
peuvent-ils offrir un dispositif de soins
adapté à la variété des situations cliniques
?
La disponibilité, l’accueil et l’écoute
sont essentiels pour la prise en charge
des patients. Le cadre matériel et l’environnement
importent également :
notre outil de soin mérite d’être régulièrement
pensé et revu. Si la psychiatrie
est une spécialité pluridisciplinaire,
elle présente néanmoins une
certaine unité et une richesse culturelle.
Par ailleurs, on déplore l’apparition
de modes successives, qui permettent
de braquer un temps le projecteur sur
une pathologie, puis de la délaisser au
profit d’une autre, tout en laissant certaines
autres maladies dans l’ombre.
En tant que représentant de la Fédération
française de psychiatrie, Olivier
Lehembre a souligné la nécessité pour
notre pratique de ne pas être tiraillée
entre un trop grand nombre d’approches
différentes, qui sont source de
malentendus et d’erreurs dans la prise
en charge. A l’inverse, il convient de
prendre conscience de la complémentarité
nécessaire entre le public et le
privé, l’hospitalisation et l’ambulatoire,
la psychiatrie des adolescents et celles
des adultes. Tous les cloisonnements
doivent être surmontés.
Changer notre regard
sur les maladies
mentales
L’image de la psychiatrie dans
les médias
Brigitte-Fanny Cohen (journaliste à
France2, chronique santé de Télématin)
a vu évoluer, pendant un peu plus de
quinze ans, l’image de la psychiatrie à
la télé, mais aussi dans la presse écrite.
Il lui semble aujourd’hui que l’image
de la psychiatrie dans les médias est
plurielle... pour ne pas dire brouillée.
Parce que la psychiatrie, dans les
médias grand public, est un concept
vaste englobant différents visages de
la santé mentale : les troubles du comportement
(comme l’anxiété, les phobies,
l’hyperactivité de l’enfant...), les
maladies (comme la dépression, la
Catherie Geoffray a exposé dans le cadre des Expositions « Rencontres-Dialogues
» au Centre de Santé Jean Moulin, 8 bld de Champigny, 94210 La
Varenne, du 11 au 19 décembre 2006.
Ces expositions sont organisées par l’APPRESS (Association pour la Prévention,
la Promotion, la Recherche Expérimentale Sanitaire et Sociale.
Le vernissage de l’exposition a eu lieu en présence de Monsieur Michel Gellion,
Directeur du CH « Les Murets » et du Docteur Bernard Martin, Psychiatre
Chef de service et les Equipes du Secteur de Saint-Maur Joinville.
LIVRES
COLLOQUE ■ 9
Le dossier médical
aujourdhui et demain
Tenue - Transmission -
Conservation
Questions juridiques pratiques à
l’attention du psychiatre
Pfizer
Ce « Dossier médical aujourd’hui et
demain : tenue - transmission - conservation
» constitue un outil pratique
d’utilisation composé d’un guide juridique
regroupant plus de 100 questions-réponses
sur le dossier médical
; un CD-ROM comprenant des
modèles de lettres pouvant être utilisées
dans le cadre de la prise en
charge de patients, pour l’évaluation
des pratiques professionnelles et de
l’accréditation des services, du respect
des règles de bonnes pratiques ;
des diaporamas de formation reprenant
les points importants de la réglementation
; des fiches de transmission
du dossier médical ; des textes
de référence ; des questions sous la
forme d’un post-test d’évaluation des
connaissances sur le dossier médical.
La prise en charge des
mineurs en psychiatrie
Maxence Cornier, Anne de
Crevoisier
Préface de Bertrand Welniarz
L’Entreprise Médicale Editions, 39 €
Cet ouvrage aborde, sous forme de
« questions-réponses », les principes
et limites de la règle de l’autorité parentale
qui gouverne les relations
entre les soignants, les patients mineurs
qu’ils prennent en charge et
leurs représentants légaux ; les principaux
droits des patients mineurs et
les conditions juridiques encadrant
la délivrance des soins : obligation
d’information, recueil du consentement,
conduite à tenir en cas de
refus de soins, respect du secret professionnel,
modalités d’accès au dossier
médical ; la réglementation régissant
l’accueil et l’hospitalisation
des mineurs : au moment de leur admission,
lors de leur séjour hospitalier
et à l’occasion de leur sortie ; les
risques juridiques encourus par les
professionnels et les établissements
en cas de dysfonctionnement dans
la prise en charge sanitaire des mineurs.
Femmes handicapées : la vie
devant elles
avec le parrainage de Simone Veil
Femmes handicapées
citoyennes
avec le parrainage de Lucie Aubrac
Association « Femmes pour le dire,
Femmes pour agir »
L’Harmattan, 13,50€ et 12,50€
Ces livres, coordonnés par Mandy
Piot, rendent compte des forums des
25 novembre 2003 et 16 novembre
2005 organisés par l’association
« Femmes pour le dire, Femmes pour
agir » qui a été créée en avril 2003
afin de promouvoir, par tout moyen
à sa disposition (forums, conférences,
groupes de parole, ateliers, etc.), la
citoyenneté de la femme handicapée
tout au long de sa vie et dans tous
les secteurs de la société.
La difficulté d’intégration dans la vie
de la cité, dans l’entreprise, dans l’accès
à la culture est encore plus grande
lorsqu’il s’agit d’une femme handicapée
qui vit une double discrimination
: celle d’être femme et celle d’être
handicapée. Les statistiques le montrent
sans ambiguïté comme les témoignages
des intéressées ellesmêmes.

10
LIVRES
■ COLLOQUE
L’entreprise interrogée par
le handicap psychique
Claire Le Roy-Hatala et Jean-
François Coldefy
Coordinateurs du numéro
FASM Croix-Marine, 14 €
Au-delà de la rémunération qu’il apporte,
le travail reste une source majeure
de reconnaissance sociale et
contribue à renforcer l’estime de soi,
même si l’on confond souvent reconnaissance
sociale et salariat. On
assiste alors à ce paradoxe que des
personnes exclues du travail s’enferrent
dans une recherche éperdue
d’un emploi salarié, dans le déni de
leurs troubles ou le refus d’une reconnaissance
de travailleur handicapé,
tandis que dans le même temps
les entreprises fabriquent du handicap,
quitte à récupérer celui-ci pour
valoriser leurs statistiques du nombre
de personnes handicapées qu’elles
accueillent comme l’évoquent plusieurs
contributions de ce numéro.
La Loi du 11 février affirme également
que les personnes concernées
ont droit à une compensation. Mais
s’il faut reconnaître que pour les personnes
en situation de handicap psychique,
la mise en place des GEM
considérés comme une forme de compensation
collective, constitue une
avancée remarquable, il faut aussi
s’interroger sur les formes de compensation
qu’il faudrait inventer dans
le champ du travail et de l’entreprise.
C’est une contribution à cette réflexion
que propose ce numéro qui montre
que la seule expertise des psy ne suffit
pas et que de nouveaux partenariats
doivent se développer.
Gouvernement et
gouvernance des territoires
Dossier réalisé par Patrick Le
Galès
Problèmes politiques et sociaux
mars 2006 n°922
La Documentation Française, 9,20€
Les limites des modes d’action publique
fondés sur une vision centralisée
du rôle de l’Etat ont conduit à
l’apparition d’autres modes de pilotage
que l’on désigne sous le terme
de « gouvernance ».
La gouvernance peut être définie
comme un processus de coordination
d’acteurs, de groupes sociaux,
d’institutions pour atteindre des buts
discutés et définis collectivement.
Dans un contexte de décentralisation,
d’européisation et de mondialisation,
elle amène à repenser les manières
de gouverner, à construire un
intérêt général rattaché à un territoire
et à mettre en œuvre des stratégies
collectives. Dans ce cadre plus ouvert,
les expérimentations se sont
multipliées, qu’il s’agisse de pratiques
de gestion, de concertation, d’élaboration
de projets et d’un intérêt collectif
territorialisé, de création de
réseaux et de coalitions. Des organisations
variées participent au gouvernement
ou à la gouvernance locale
(sociétés d’économie mixte,
associations, promoteurs, entreprises
de services urbains, chambres de commerce
et d’industrie, PME ou grandes
entreprises, artisans,...), à côté des
consultants désormais très présents.
Tout ceci contribue à faire évoluer le
rôle du politique.
On assiste à une transformation dans
le rapport entre élus et citoyens, entre
régulation politique et intervention
de la société civile qui va dans le sens
de l’autonomie des différents acteurs,
de la juridicisation des relations et
des conflits, de la concertation. Cependant,
les gouvernements locaux
restent bien présents, leur expertise
et leur influence politique tendant
plutôt à s’accroître.
schizophrénie, la psychose maniacodépressive...)
et les faits divers (dont le
plus tristement célèbre est le double
meurtre de Pau)...
De fait, par la diversité des sujets abordés,
la psychiatrie a trouvé une place
importante dans les médias. Elle occupe
le terrain. Dans tous les cas, on ne
peut certainement pas dire qu’elle en
est absente, surtout si l’on compare à la
place qu’elle avait il y a quinze ou vingt
ans. A l’époque, la psychiatrie était très
peu abordée. Quand elle l’était, les
reportages privilégiaient son côté spectaculaire
: la folie, le fou dangereux,
l’enfermement dans des unités spécialisées...
Aujourd’hui, les médias privilégient
davantage une santé mentale plus
« banale », plus dédramatisée dans les
rubriques « psycho » de la presse féminine,
comme dans certaines émissions
de télévision, les patients racontent leur
dépression, leurs troubles bipolaires,
leur boulimie. Ils témoignent de la
maladie mentale comme ils parleraient
du psoriasis ou du cancer. Sans honte,
sans gêne. A des heures de grande
écoute. Dans des émissions où l’audimat
« cartonne » : Envoyé spécial, Ça se
discute, Zone interdite... Dans des
magazines au tirage très important :
Marie-Claire, Elle etc. Un tabou est
donc tombé. Certains troubles mentaux
sont même surmédiatisés : l’hyperactivité
de l’enfant ou la dépression,
par exemple, car ils sont aussi, il faut
bien le dire, l’objet d’un marketing sousjacent
et très actif.
Revers de la médaille de cette médiatisation
de la santé mentale : certains
troubles, à force d’être banalisés, paraissent
peut-être plus anodins qu’ils ne le
sont. L’anorexie en est sans doute
l’exemple le plus frappant : tant de
jeunes filles sont venues raconter
devant les caméras leurs difficultés à
se nourrir, leur mal-être, on a tant pointé
du doigt l’anorexie des top-models,
que l’on a presque fait de cette maladie
une maladie de civilisation, le symptôme
d’une jeunesse qui se cherche. Estce
que l’anorexie est toujours perçue
par le public comme une maladie mentale
? Une maladie mentale grave, qui
nécessite une prise en charge médicale
? Qui peut conduire à la mort ? Ou
n’est-elle plus, aux yeux des néophytes,
qu’un désir de maigreur de jeunes filles
victimes de la mode ? On peut se poser
la question.
Quels enjeux pour la psychiatrie
d’aujourd’hui ? Quel avenir pour
la psychiatrie ?
Pour Richard Rechtman, psychiatre et
anthropologue, il est vrai que la santé
mentale est très présente dans le débat
actuel, dans les magazines et les conversations
quotidiennes. De ce point de
vue, on peut considérer qu’il s’agit
d’une bonne nouvelle pour les psychiatres.
Cependant, cette soudaine
visibilité de la santé mentale traduit un
changement de société. Il convient ainsi
de relever un paradoxe apparent :
jamais les psychiatres n’ont été, à ce
point, sollicités sur la scène sociale,
jamais la psychiatrie n’a connu une
telle visibilité publique, mais non plus le
sort des malades mentaux n’a semblé
plus incertain.
Du point de vue de la société, la santé
mentale est un enjeu majeur de gouvernance.
Il n’existe pas de définition
précise de la souffrance psychique, mais
on peut l’envisager comme « la souffrance
expérimentée par quelqu’un qui
n’est pas malade mental ». Le devenir
des nouvelles formes d’une souffrance
psychique touchant préférentiellement
les sujets réputés « normaux »
semble ainsi cristalliser les espérances
d’une santé mentale positive.
Aujourd’hui, on s’adresse à une population
réputée normale, dont on entend
la souffrance, laquelle va également
permettre de légitimes des actions
publiques. Cependant, certains restent
exclus de ce nouveau langage, comme
les chômeurs ou les malades mentaux,
qui ne réussissent pas à saisir les modalités
contemporaines de l’expression
publique. Ceux dont on ne parle pas,
bien qu’ils souffrent, restent donc totalement
invisibles dans notre société.
La psychiatrie a longtemps servi cette
conception en gérant la maladie mentale,
la déviance, la folie. Ainsi, on a
traité le problème de la maladie mentale
comme celui de la misère. En tant
que clinicien et citoyen, Richard Rechtman
estime que l’action principale à
mener consiste à restaurer une cruciale
part de subjectivité.
Un regard sur la folie
Patrick Coupechoux (journaliste, auteur
de Un monde de fous. Comment notre
société maltraite ses malades mentaux,
Ed Seuil 2006) a indiqué en préambule
qu’au terme d’une longue enquête
menée pour réaliser son ouvrage, il
n’a quasiment entendu parler du problème
de la folie autrement que par
le biais de la dangerosité. Même les
chaînes de télévision les plus respectables
contribuent à ce phénomène.
Quelle que soit leur responsabilité, la
question du regard porté sur la folie
ne dépend pas uniquement des médias,
mais de la société elle-même. Le regard
posé par celle-ci sur la folie a, en effet,
bien évolué depuis le Moyen Age. A
partir du Front populaire et de l’aprèsdeuxième
guerre mondiale, un fort
mouvement de désaliénisme a vu le
jour. Pour la première fois, il était clairement
formulé que la folie appartenait
à l’humanité et surtout, à la richesse
de l’humanité. Il fallait donc faire en
sorte que les fous puissent vivre avec les
autres hommes.
Il semble que la tendance actuelle
consiste à revenir à l’enfermement, à
une maîtrise de la folie. Cela n’est pas
étranger au fonctionnement social
actuel marqué par la compétition entre
les individus, avec ses corollaires, l’exclusion
et l’abandon des plus faibles : la
société ne sait que faire des chômeurs,
des personnes âgées, des handicapés,
des malades mentaux. Le vieux thème
de l’inutilité sociale refait surface.
Comme toujours, la folie interroge.
Cependant, celui-ci n’est plus une collectivité
articulée autour de solidarités.
Aujourd’hui, la société néolibérale place
les individus dans une permanente
concurrence, dans le « chacun pour
soi ».
Ainsi, la vision de l’homme est en train
se modifier. La pensée dominante n’en
fait que le produit de la physiologie ou
de la génétique. Il ne s’agit pas, évidemment,
de nier l’importance des
recherches effectuées dans ce domaine.
Mais la vision biologique de l’existence
liée à de puissants intérêts économiques
et à une vision managériale et technocratique
qui recherche uniquement l’efficacité,
conduit à la négation du sujet.
A un moment donné, la personne disparaît
au profit d’un simple profil, d’un
objet qu’il faut « gérer ».
L’un des aspects de cette gestion est
la « criminalisation » de la folie. A été
présenté récemment un projet de loi de
prévention de la délinquance, qui assimile
malades mentaux et dangerosité.
Ce projet produit un amalgame inquiétant
entre malade mental et délinquant,
et remet au goût du jour l’idée du fou
dangereux. Obsédée par la sécurité,
notre société entend maîtriser la folie et
ravive la peur du fou, en assimilant
folie et dangerosité, en associant délinquants,
criminels et malades mentaux.
Ensuite, nous avons aujourd’hui une
vision très technocratique de la maladie
mentale. Pour faire face à l’urgence,
on fait appel à l’hôpital et à la médication.
Pour régler le problème de la
« chronicité », on repousse ceux qui
souffrent dans les bras du social. Les
fous sont ainsi rejetés au bout de la
longue chaîne des exclus. On les retrouve
dans les familles, dans la rue, en prison
; laquelle prend la place, pas même
de l’asile, mais de l’hôpital général, du
« grand renfermement » du XVII e siècle,
décrit par Michel Foucault dans son
Histoire de la folie à l’âge classique.
La question essentielle ne consiste donc
pas à se figer sur le passé, mais à tenir
bon sur la vision humaniste de la folie
que les désaliénistes du secteur et de la
psychothérapie institutionnelle d’aprèsguerre
avaient développée. La société
dans son ensemble doit prendre
conscience de l’urgence à regarder de
nouveau le fou comme un autre soimême.
L’enjeu de la réhabilitation des
patients en psychiatrie
Pour Alain Nicolet, psychiatre et Président
de la Clinique Pen An Dalar, en
réalité, le grand enfermement est notre
regard sur la maladie. S’il est vrai que la
presse spécialisée a accompli de grands
progrès, la presse généraliste, quant à
elle, a encore beaucoup à faire. Il
conviendrait que cette dernière change,
pour faire évoluer l’information du fait
divers vers le fait médical (ce qui intéresse
actuellement la presse autour de
la maladie mentale est davantage le
premier). De fait, il existe plusieurs
manières de relater un même événement.
Nous avons besoin d’être accompagnés
sur le thème de l’éducation en
matière de santé mentale.
Par ailleurs, la notion de guérison doit
être évoquée comme un noeud central
: la guérison peut parfois consister
à aller mieux, à faire le deuil de certaines
ambitions. Toutes les personnes
imprévisibles sont-elles des malades
mentaux ? Il s’agit là d’une question
importante, qui renvoie à la stigmatisation
de la maladie mentale.
Au-delà de leur propre maladie, les
patients souffrent de troubles qui touchent
à leur estime de soi et à leurs
liens sociaux. Du fait de la peur de la
récidive ou de la décompensation, les
patients tombent alors dans les pathologies
secondaires de la maladie que
sont les stratégies d’adaptation, les
échecs familiaux, les troubles cognitifs,
les conduites antisociales et les échecs
professionnels. Il faut apprendre aux
patients à vivre avec et veiller à ne pas
passer notre temps à leur renvoyer des
images non valorisantes.
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
On ne peut qu’être favorable à une
déontologie de l’information psychiatrique
et déplorer le très faible nombre
d’études sur les termes utilisés dans la
maladie mentale. La presse doit nous
aider à faire connaître les progrès réalisés
et à confirmer que lorsqu’un
patient est pris en charge, il va mieux et
que son pronostic s’en trouve amélioré.
Il convient aujourd’hui d’imaginer des
principes de réhabilitation psychosociale
qui considèrent qu’audelà des
symptômes, l’évolution des habilités
sociales et relationnelles est essentielle.
Le regard extérieur que les soignants et
la société portent sur les maladies mentales
est l’un des facteurs de la guérison
et de l’amélioration de l’état des
patients.
Santé mentale : un
avenir en forme de défi
politique
Une volonté politique
Denis Reynaud (secrétaire général de
l’UNCPSY et Directeur de la Clinique
du Mont Suplan) a énuméré les six
défis essentiels qui ont été relevés par
I’UNCPSY.
• Convaincre le pouvoir politique de
donner une véritable priorité à la psychiatrie.
Lorsque l’on examine ce qui se
passe dans nos établissements, on
constate un effet de ciseau entre une
demande de soins en augmentation
constante et une offre qui ne cesse
d’être réduite.
• Stopper la montée en puissance irraisonnée
de la « psychiatrisation » de la
société. Il faut distinguer ce qui relève
du social de ce qui relève du psychiatrique.
• Se garder de « judiciariser » la psychiatrie.
Comme bien d’autres secteurs
de la société, la psychiatrie est malheureusement
de plus en plus soumise
à une forme de « judiciarisation ».
• Ne plus penser à la psychiatrie uniquement
en termes de coûts. Il s’agit
également d’envisager la psychiatrie en
termes de ressources (nombre de journées
de travail rendues à la société,
nombre de personnes ayant quitté leur
La dépression semble plus fréquente chez les
femmes et chez les personnes isolées, selon une
étude de la Drees
Les femmes présentent entre 1,5 et deux fois plus de risques de vivre un épisode
dépressif que les hommes, montre une étude de la Direction de la recherche
des études de l’évaluation et des statistiques (Drees)*, qui met aussi
en évidence la vulnérabilité des personnes isolées à cette pathologie.
Pour étudier les facteurs de risque des épisodes dépressifs en population générale,
la Drees a repris trois études sur ce thème : l’enquête en santé mentale
en population générale 1999-2003 (OMS et Drees), le baromètre santé
2004-05 de l’Institut national de prévention et d’éducation à la santé (Inpes)
et l’enquête décennale santé 2002-03 (Insee et Drees).
L’analyse montre qu’à âge, formation, situation conjugale et professionnelle
identiques, une femme présente entre 1,5 et deux fois plus de risques qu’un
homme de vivre un épisode dépressif. Cet écart entre hommes et femmes
face aux troubles dépressifs doit cependant être nuancé, en raison d’un éventuel
biais de sous-déclaration. Il semble que la situation économique et sociale
soit étroitement liée au risque de dépression : le tissu familial et relationnel
et l’insertion professionnelle diminuent le risque de troubles dépressifs.
Le risque d’un célibataire de vivre un épisode dépressif est entre 1,5 et 2,4
fois plus élevé que pour une personne mariée. L’analyse montre aussi que
les circonstances d’une rupture d’un couple (deuil ou séparation) influent sur
le risque dépressif.
Concernant l’impact de l’activité professionnelle, l’étude montre que la prévalence
de l’épisode dépressif parmi les personnes qui occupent un emploi
est de un ou trois points moins élevée que celle des personnes qui ne travaillent
pas. L’étude montre également que le risque de vivre un épisode dépressif
n’est pas constant tout au long de la vie. Même si l’impact de l’âge sur
la dépression est moins marqué que celui des conditions de vie personnelles
et professionnelles, il semble que les personnes âgées de 60 à 75 ans sont
moins vulnérables aux troubles dépressifs que les plus jeunes.
Cette observation mérite cependant d’être nuancée, car les personnes vivant
en institution (maison de retraite ou structures médicalisées) sont peu ou pas
représentées dans les échantillons étudiés. Enfin, l’étude montre que les facteurs
de risque d’ordre économique et social restent prépondérants pour les
épisodes dépressifs majeurs. ■
B.L.
*Etudes et résultats n°545, décembre 2006, Facteurs de risque des épisodes dépressifs en
population générale

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
Fresnes, Histoires de fous
Catherine Herszberg
Seuil
Ce livre témoignage a été largement
commenté à juste titre par les médias.
Je le trouve poignant pour deux
raisons essentielles. D’abord, de manière
générale, collective, il fait état
sans sensationnalisme de la réalité
carcérale réservée aux malades mentaux
(mais également aux non malades).
Les lecteurs non avertis du problème
spécialisé de la maladie mentale
en prison pourraient croire en lisant
Catherine Herszberg qu’il s’agit d’une
fiction ou d’une exagération. Et non,
ce que la journaliste relate avec talent,
ce sont de vraies histoires de
fous, des drames actuels et véridiques
qui se passent dans les geôles françaises.
Contrairement au livre de Véronique
Vasseur qui avait tendance à forcer
le trait sur une présumée mauvaise
administration pénitentiaire, ce document
est tout en nuances. Le problème
des prisons est avant tout dans
les mains des politiques et de certains
professionnels ; probablement pas
dans celles de la plupart des citoyens,
bien contents de voir les méchants
enfermés et heureux de ne pas les y
voir en sortir. Parmi les professionnels
concernés et surtout lorsqu’il
s’agit d’un problème sanitaire, le positionnement
des psychiatres est essentiel.
Les psychiatres exerçant en
prison s’enfonceront-ils de plus en
plus dans une collaboration à l’enfermement
carcéral des malades mentaux
et au risque de voir leur état de
santé empirer ? Les psychiatres et les
soignants des hôpitaux psychiatriques
continueront-ils dans leur refus d’admettre
des maladies mentales graves,
à fortiori s’ils sont délinquants ? Et
les experts psychiatres continuerontils
à responsabiliser de grands ma-
situation de handicap).
• Concevoir la psychiatrie comme une
complémentarité. Il s’agit d’une complémentarité
entre le publie et le privé,
mais également entre les différents
types de prise en charge.
• Modifier réellement l’image de la psychiatrie
dans la population. Actuellement,
le Plan de santé mentale prévoit
des budgets importants dans ce domaine,
mais aucune mise en place n’a été
effectuée à ce jour.
La situation de la santé mentale
Gérard Massé, coordinateur de la Mission
nationale d’appui en santé mentale,
a rappelé que les politiques sont
des interlocuteurs centraux avec lesquels
les techniciens doivent travailler
au quotidien, pour les éclairer. On estime
aujourd’hui que le pourcentage des
personnes atteintes de maladies mentales
s’élève à 3 à 4% de la population,
alors que la souffrance psychique
réelle touche en fait 40% des Français
à un moment de leur existence.
Si le réseau des acteurs de soins en
France est satisfaisant en comparaison
de ses pays voisins, il est en revanche
nécessaire de faire évoluer le dispositif
actuel de soins car une crise d’organisation
liée à des problèmes institutionnels
se fait jour.
Le principal enjeu porte sur une véritable
politique de santé mentale associant
la prévention, le soin et l’insertion,
notamment pour la population souffrant
de psychoses. Dans ce cadre, il
s’agit de formuler des objectifs à la hauteur
d’une réelle insertion des patients.
Alors que l’on constate le poids croissant
des usagers, qui interpellent les politiques
sur la psychiatrie, on déplore une
absence d’évaluation des techniques de
soin, laquelle conduit souvent à des
débats idéologiques stériles.
Patients, familles, usagers : tous demandent
davantage de soins et de meilleu-
lades du moment qu’une once de lucidité
leur fait admettre qu’un vol alimentaire,
même s’il est commis pour
subsister, est digne d’une sanction
pénale ?
Je trouve poignant cet ouvrage pour
une deuxième raison. La juste description
de Fresnes, son volume froid,
ses clairs obscurs, ses bruits, son organisation
particulière, son ordonnance
quasi-militaire, les contrastes
des ambiances (le CNO vs le reste de
la détention par exemple) me rappelle
que j’y ai travaillé. J’ai quitté
Fresnes il y a dix ans, mais si je retrouve
bien l’immuabilité des lieux,
par contre les conditions de travail
des psychiatres semblent s’être considérablement
dégradées avec une augmentation
quantitative et qualitative
considérable du nombre de détenus
présentant des pathologies mentales
gravissimes. N’oublions pas qu’il y a
quelques mois, Christiane de Beaurepaire,
le médecin chef du SMPR lançait
un cri d’alarme très médiatisé sur
la situation sanitaire que son équipe
rencontrait.
Catherine Herszberg pose la question
de la maladie mentale en prison avec
des mots justes, dans un style limpide
qui ne laisse aucune excuse au
citoyen tout venant pour ne pas lire
ce livre. On notera tout particulièrement
le passage sur les UHSA (unités
spécialement aménagées) décrites
comme « l’affirmation officielle qu’il
est légitime de les (les malades mentaux)
emprisonner, et qu’il est de surcroît
légitime de les punir le de les soigner
au même endroit ». Ce qui fait
dire à un soignant dans l’avant-dernier
chapitre : « au rythme où ça va,
on finira par rouvrir les chambres à
gaz ». Si le propos peut sembler exagéré
quand il est extrait du contexte
du livre, vous verrez en lisant les faits
horrifiques qui y sont relatés que
l’exaspération et le désespoir de ce
re qualité. Les moyens nécessaires sont
de plus en plus importants et complexes.
Ils doivent s’articuler avec les
autres dispositifs, sociaux et médicosociaux.
Cependant, les budgets des démarches
psychiatriques, sociales et médicosociales
sont différents. Plus globalement,
il ne sera pas possible de proposer
une réponse de santé globale
sans y intégrer un volet « santé mentale
» conséquent. Les besoins sont importants
et posent la question de l’articulation
entre la médecine-chirurgie obstétrique
et le soin psychiatrique. Faut-il
proposer dix RMN de plus ou mettre
en place de façon conséquente des
équipes psychiatriques d’intervention
à domicile ?
Le Plan français de santé mentale a un
réel rôle structurant dans l’ensemble
des régions et le Parlement européen
prendra bientôt position sur la santé
mentale et évoquera notamment les
points suivants :
- la santé mentale en tant que priorité
de santé (les pays de l’est de l’Europe
en sont bien plus conscients que nous) ;
- la santé mentale des enfants et des
adolescents ;
- la santé mentale au travail et le chômage
;
- la santé mentale et le vieillissement
de la population.
Il importe bien sûr de distinguer ce qui
relève de l’offre de soins des actions
de promotion et de prévention, tout
en s’attachant à soigner l’image de la
psychiatrie, qui doit être améliorée.
Face à cette situation, un débat politique
et démocratique doit être ouvert.
La psychiatrie française ne franchira les
différents obstacles auxquels elle est
confrontée que grâce à une volonté
politique affirmée.
C’est pourquoi les relations obligatoires
des techniciens du soin avec les politiques
sont si importantes dans notre
discipline.
soignant sont bien compréhensibles.
Une journaliste nous tend la perche
pour témoigner de ce que l’on fait.
Qu’attendons-nous, les soignants en
prison pour dire qu’il y a un problème,
un gros problème ? C’est en tout cas
ce que le SMPR de Baie-Mahault a
tenté d’exprimer lors des journées
des secteurs de psychiatrie en milieu
pénitentiaire à la Rochelle le 6 et 7
novembre dernier, en évoquant la
nécessité d’un nouveau paradigme.
Nos propositions en ont surpris certains.
Elles sont très critiquables mais
elles étaient surtout motivées par le
fait qu’on ne peut pas continuer sur
les modalités actuelles. Elles partent
d’un malaise qui ne peut tenter de se
soulager qu’en réfléchissant à des
« portes de sortie ».
Mais il n’y a pas que les psy sur terre
pour changer quelque chose. On peut
toujours espérer que ce livre en ces
temps de précampagne électorale intéressera
quelques candidats et sensibilisera
un peu plus que quelques
citoyens.
Marcel David
Auto-érotismes, narcissismes
et pulsions du moi
Jean-Michel Porret
L’Harmattan, 17,50 €
L’objectif principal de cet ouvrage est
de retracer les rapports (conjonctifs
et disjonctifs) qui existent entre les
auto-érotismes et les narcissismes au
cours du développement normal du
psychisme et en tenant compte de la
seconde théorie freudienne des pulsions
(opposition entre pulsions érotiques
et pulsions de destruction dans
le ça). En outre, est proposée une vision
générale des pulsions du moi, à
savoir des pulsions qui, sous formes
directes ou transformées, sont à l’œuvre
dans le moi.
Le point de vue des politiques
André Vantomme (Sénateur PS de
l’Oise) a rappelé que pendant vingt
ans, il a présidé à la destinée d’une ville
de 10 000 habitants, qui compte un
centre hospitalier spécialisé employant
2 800 personnes, dont une centaine
de psychiatres.
Il a découvert la psychiatrie et ses problèmes
dans le cadre d’un grand établissement
bicentenaire, qui a été un
asile et a su évoluer pour désormais
mettre le patient au cœur du dispositif
de soins, et est intimement persuadé
de la complémentarité des actions du
public et du privé. Il a évoqué un certain
nombre de mesures prises par le passé.
• On ne peut que s’interroger sur la
diminution draconienne du nombre
de patriciens sans parier de la pratique
du numerus clausus, qui a engendré
de graves problèmes.
• La fermeture des écoles d’infirmières
a été interrompue en catastrophe, dans
la mesure où la « solution » des infirmières
espagnoles ne pouvait être satisfaisante
à terme.
• La suppression de lits psychiatriques
est dramatique et affecte plus particulièrement
la région parisienne.
• La création du diplôme d’Etat d’infirmier
a entraîné la suppression de la
spécificité du diplôme d’infirmier psychiatrique.
Dans certains établissements,
les anciens titulaires du poste d’infirmier
psychiatrique partent à la retraite,
alors que les plus jeunes débutent leur
carrière sans disposer d’une formation
initiale adéquate.
• Les problèmes d’attractivité et les disparités
régionales en matière de santé
sont criants. Dans la ville dont André
Vantomme a été maire et qui présente
un taux de chômage de 9%, 169
postes d’infirmier sont aujourd’hui
vacants.
• Le PLFSS n’est pas suffisamment
conséquent.
• La situation est catastrophique dans
les prisons. Les défis consistent à concilier
le soin et l’incarcération, à humaniser
les conditions de vie dans les prisons
et à accueillir dans les hôpitaux
psychiatriques des personnes parfois
dangereuses et violentes.
• Sous couvert de lutte contre la délinquance,
le ministre de l’Intérieur intervient
dans le domaine de la santé, alors
que ce dernier relève de la compétence
du ministère de la Santé.
Marie-Anne Montchamp (ancien
Ministre et Député UMP du Val-de-
Marne) a précisé qu’elle a rencontré
pour la première fois la question de la
santé mentale lorsqu’elle a préparé la
loi sur l’égalité des droits et des chances,
la participation et la citoyenneté des
personnes handicapées. A cette occasion,
elle a été confrontée de plein
fouet à cette problématique, notamment
lors de ses rencontres avec des
associations de patients.
Dans ce cadre, elle a dû conduire un
certain nombre d’arbitrages en faveur
de l’inclusion du handicap psychique
dans le champ du handicap et du développement
d’une approche politique
spécifique. Il faut dire à l’ensemble de
nos compatriotes que l’on peut être
privé d’autonomie lorsque l’on est
sourd ou aveugle, mais également
lorsque l’on est affecté de troubles psychiques.
Le concept de handicap psychique est
un point d’équilibre permettant d’ouvrir
des droits spécifiques. Nos compatriotes
doivent savoir que la maladie mentale
n’est pas simplement une série de
symptômes, mais peut être un véritable
empêchement à la libre participation
et à la citoyenneté.
En matière de santé mentale, le politique
est plus que jamais dans son rôle
d’arbitrage. Il doit répondre à la question
de savoir jusqu’où aller le plus loin
pour faire avancer une question sensible
sur un sujet douloureux, tout en
ne basculant pas dans une vulgarisation
excessive. Aujourd’hui, il est temps
que les politiques se saisissent du problème
des troubles psychiques, qui
constitue une véritable priorité de santé
publique, collective. Il s’agit de faire en
sorte que la question de la santé mentale
ne soit plus seulement l’affaire des
spécialistes, mais constitue également
une partie de notre conscience collective
plus éveillée.
Pour y parvenir, il est nécessaire de
recueillir un certain nombre de données,
notamment sur les coûts évités
par la prise en charge médicale. Il s’agit
également de déspécialiser cette thématique
et sans doute d’aborder la
question du bien-être psychique
comme un projet politique pour les
Français. Il y a là un objet de préoccupation
qui ne concerne pas uniquement
le ministre de la Santé et qui doit
prendre le risque de définir des priorités
pour l’époque actuelle et les dix
ans à venir.
En tant qu’élue, Marie-Anne Montchamp
a la conviction que notre société
est mûre pour ce changement.
Au-delà de la contribution du politique,
il faut refonder un investissement collectif,
c’est-à-dire trouver, au-delà des
arbitrages, des points d’entrée convaincants
et durables.
Conclusion
Dans sa conclusion, Jacques Gayral a
précisé qu’il est bien évident qu’il n’est
pas possible de traiter exhaustivement
lors d’un colloque qui ne dure que
quelques heures une question aussi
vaste,
Cependant, ont été réunis des parlementaires,
des journalistes, des médecins,
des représentants des hôpitaux et
des cliniques afin de lancer des pistes
de réflexion, avec un objectif qui
consiste bien à faire de la psychiatrie
et de la santé mentale une cause
nationale. ■
COLLOQUE ■ 11
LIVRES ET REVUES
Les recours aux soins
spécialisés en santé
mentale
François Chapireau
Etudes et Résultats nvembre 2006
n°533, DREES
Le recours aux soins spécialisés en
santé mentale est appréhendé par
l’enquête santé de INSEE en 2003 à
travers la déclaration que font les personnes
d’avoir consulté un psychiatre,
un psychologue ou un psychanalyste,
ou d’avoir été hospitalisées dans un
service de psychiatrie. Trois dimensions
de la santé mentale sont ici
prises en compte pour les caractériser
: avoir déclaré un trouble psychique,
avoir recouru à une consultation
non programmée « pour le
moral » et enfin connaître des difficultés
sociales. Neuf consultants sur
dix se sont adressés à un seul des
trois spécialistes en santé mentale
considérés. Ce sont en majorité des
femmes (70%) et dans plus de la moitié
des cas des personnes seules. Ce
recours est le plus souvent motivé
par un trouble psychique avec une
propension plus forte à consulter
quand le niveau de formation des
enquêtés est élevé. Cependant, les
caractéristiques des patients sont différentes
selon les praticiens. Les psychiatres
reçoivent surtout des adultes
en forte détresse psychique et aux
parcours professionnels perturbés,
mais avec des caractéristiques assez
diversifiées du point de vue socioprofessionnel.
La clientèle des psychologues
est pour moitié composée
de jeunes de moins de 20 ans, qui
présentent souvent des troubles psychiques
et physiologiques associés.
Les personnes qui consultent un psychanalyste,
bien qu’elles aient un niveau
de formation plus élevé que la
moyenne, sont plus difficiles à cerner
dans la mesure où leur rythme
de consultation déclaré ne correspond
pas aux standards de la cure
analytique. Enfin, celles qui ont été
hospitalisées en psychiatrie cumulent
de lourdes difficultés sociales et un
important recours aux soins non psychiatriques.
Histoire de l’hystérie
Etienne Trillat
Préface de Jacques Postel
Editions Frison-Roche, 35 E
Dans sa préface, Jacques Postel relève
qu’il était temps de republier
cette « Histoire de l’hystérie » que son
auteur avait confiée à la collection
que dirigeait alors Claude Quétel, chez
Seghers. C’est en 1986 que paraissait
dans « Médecine et Histoire », ce
livre qui allait obtenir le prix de la
« Société Française de Médecine » dès
l’année suivante.
La meilleure partie de l’ouvrage reste
celle qui recouvre la deuxième partie
du XIX e siècle et les débuts de la
découverte freudienne : sur Charcot
avec « l’hystérie pénétrant enfin dans
le temple de la Science », sur la place
de l’hystérie à cette époque dans l’ensemble
des « névroses », sur le conflit
entre l’école de Paris et celle de Nancy
sur le rôle de la suggestion et la nature
de l’hypnose, sur P. Janet et sa
« psychasthénie », sur l’importance des
observations du jeune S. Freud sur
l’hystérie dans sa découverte de l’inconscient
et l’invention de la psychanalyse,
sur le rôle aussi de la religion
et de la culture dans l’abord de
l’hystérie. On se souvient, à ce propos,
de la phrase des Goncourt dans
leur journal : « La religion est une partie
du sexe de la femme ».

12
LIVRES
■ PSYCHOSE ET CRÉATION
Psychanalyse des limites
Didier Anzieu
Textes réunis et présentés par
Catherine Chabert
Dunod, 26 €
Catherine Chabert a fait le choix de
publier dans cet ouvrage des textes
de Didier Anzieu qui ont tous trait à
la psychanalyse des limites, car le
changement dans la nature de la souffrance
des patients qui demandent
une analyse engage davantage de
patients limites ou narcissiques, donc
de patients qui souffrent d'un manque
de limites.
A côté des ouvrages synthétiques de
Didier Anzieu qui ont jalonné son
parcours et qui ont constitué les pôles
d'attraction de sa pensée, un certain
nombre d'articles ont soutenu sa démarche,
les uns ayant été plus tard
repris dans un livre, les autres laissés
à leur édition d'origine.
Les cinq points proposés peuvent être
résumés ainsi :
- il faut compléter la perspective topique
sur l'appareil psychique par
une perspective plus strictement topographique,
c'est-à-dire en rapport
avec l'organisation spatiale du Moi
corporel et du Moi psychique ;
- il faut compléter l'étude des fantasmes
relatifs aux contenus psychiques
par celle des fantasmes concernant
les contenants psychiques ;
- compléter la compréhension du
stade oral comme reposant sur l'activité
de succion par la prise en considération
du contact corps à corps
bébé/mère ;
- compléter le double interdit œdipien
par un double interdit du toucher
qui en serait le précurseur ;
- enfin, il faut compléter le setting psychanalytique
classique par des aménagements
éventuels, et par la prise
en compte de la disposition du corps
du patient et de sa représentation de
l'espace analytique au sein du dispositif.
Ils ont tué leurs enfants
Approche psychologique de
l’infanticide
Odile Verschoot
Préface de Sophie Marinopoulos
Imago, 20 €
Sans antécédent judiciaire, ni maladie
psychiatrique avérée, le geste infanticide
surgit d’un double désir :
le désir fou de garder en soi l’enfant
que l’on craint de perdre et, en
éliminant la descendance, celui de
conserver sa place de « nourrisson
psychique » au sein de la famille initiale.
Au cours de sa pratique de psychologue
en milieu pénitentiaire, Odile
Verschoot a recueilli la parole douloureuse
de ces parents meurtriers.
Elle a enquêté avec eux - et non pas
simplement sur eux - pour tenter de
comprendre.
Le crime filicide a un fondement passionnel,
mais se distingue toutefois
du « crime passionnel » (tel que le définissait
autrefois le code pénal) du
fait de la filiation entre meurtrier(ère)
et victime. Les causalités socio-économiques,
exogènes et médico-légales
ne suffisent jamais à « expliquer
» pourquoi un parent tue son
enfant. Seule la problématique de
l’abandon, au cœur du fonctionnement
psychique inconscient, fonde
ce processus meurtrier. L’enfant procréé
pour combler échoue dans cette
mission que son parent lui avait assignée.
L’élimination de la descendance permet
au meurtrier de revenir à sa place
initiale d’enfant.
Laurence François : En février 1842,
Clara reprend sa carrière de soliste, le
couple part en tournée dans le nord.
Mais Robert abandonne le voyage
après 6 semaines et rentre seul au
domicile conjugal. Il ne compose plus
jusqu’au retour de Clara fin avril, sort,
boit de l’alcool, se déprime...
Marc Kowalczyk : Quintette avec
piano en Mi b majeur, Opus 44 (1842,
2 violons, 1 alto, 1 violoncelle et 1
piano)
Ecrite en 5 jours, c’est la première
œuvre célèbre pour cette formation.
Schumann s’est enfin décidé à s’ouvrir
à d’autres instruments, sur les conseils
de Liszt et de Clara. Malgré tout, Schumann
confie au piano la partie principale
(on peut même dire que le piano
est concertant). Le piano est noté sur la
partition « sempre con molto sentimento
». A ce sujet, Nietzsche souligne
« l’ivrognerie du sentiment chez Schumann
». L’écriture contrapuntique est
jugée obsessionnelle, asymétrique et
pleine de ruptures. On remarque le
grand lyrisme du permier mouvement ;
un air de musette et un style fugato à
la Bach dans le quatrième mouvement.
L.F. : Un nouveau silence fait suite à
cette explosion créatrice : en 1843
Schumann semble épuisé par ce qu’il
nomme une « dépression nerveuse », il
a de multiples malaises et consulte les
docteurs Müller, père et fils, homéopathes.
Il fait la connaissance de Berlioz
en février.
Sa deuxième fille, Elise, naît le 25 avril
1843. Puis il prend le poste de professeur
de composition au conservatoire
de Leipzig, dirigé par son ami Mendelssohn
et accepte la réconciliation
forcée que lui demande Wieck. Il décline
l’offre de la maison d’édition de
l’Allgemeine Muzikalische Zeitung d’en
reprendre la direction, ce qui aurait
mis définitivement sa famille à l’abri
du besoin. Parallèlement, il délaisse sa
propre revue, et finit par la revendre à
un de ses collaborateurs. Il pose sa candidature
à la succession de Mendelssohn
comme chef d’orchestre au
Gewandhaus, qui lui est refusée au
profit de Niels Gade. De son côté,
Clara triomphe dans une tournée de
concerts en Russie entre janvier et mai
1844 en exécutant parfois certaines
de ses œuvres. Schumann l’accompagne,
mais il ne se sent toujours perçu
que comme le mari de la virtuose et en
est blessé. Il est insomniaque, souffre de
vertiges, tremblements des membres,
ruminations, crises de larmes, rhumatismes,
de prurit diffus. Il est quasi
mutique, ce qui est remarqué dans les
soirées mondaines où il reste en retrait
et murmure des choses inintelligibles
quand on s’adresse à lui. Le journal
intime est interrompu : « j’éprouve de la
difficulté à m’exprimer en paroles ou par
écrit et un quart d’heure au piano me
permet d’en dire plus long ». Sa correspondance
se raréfie et devient laconique.
Son médecin lui intime le repos
et l’interdiction de travailler, qu’il ne
respectera pas. Des douleurs d’oreille,
des acouphènes, comme des trompettes
lui résonnent dans la tête, même
la musique lui est pénible. Il boit, fume
et ne parvient plus à travailler.
En août 1844, il débute des séances
d’hydrothérapie, très en vogue à
l’époque, suivant les conseils du Dr
Josephson de Stockholm une cure de 6
semaines de bains froids en mer du
Nord dans l’île de Nordeney, puis des
bains de rivière dans l’Elbe qui coule à
Dresde, à Baden-baden, à Carlsbad ou
dans le lac Léman…Il. tente de se lier
d’amitié avec Richter, Reinich ou Wagner
et fait un nouveau séjour décevant
à Vienne. Las, à l’automne, il prend la
décision de quitter Leipzig pour Dresde,
la ville la plus musicale de l’Allemagne,
et se retire donc du conservatoire.
En novembre 44, Ernestine von
Friecken, sa première fiancée décède.
En 1845, Schumann tente d’autres
remèdes pour sortir de son état, dont
des séances magnétiques du Dr Helbig,
un disciple de Mesmer, qui pratique
l’hypnose. Celui-ci note que son
patient souffre « d’hallucinations auditives
liées à un excès non physiologique
de travail de composition, d’une insomnie
persistante ; mais également de la
peur des montagnes, des constructions
élevées, des outils en métal, des clefs, des
médicaments et des poisons ».
« Il y a au dedans de moi un battement
de tambour et pendant plusieurs jours
de la trompette, je ne sais qu’en faire »,
écrit Schumann.
A force d’obstination il se remet à la
composition, puis craque de nouveau :
l’année 1846 est pauvre, une nouvelle
série de bains de mer n’entraîne aucune
amélioration. Une série de concerts
est décevante à Vienne, tandis qu’une
autre est plus satisfaisante à Prague. La
mort brutale de Mendelssohn le 4
novembre 1847, par hémorragie cérébrale,
lui ajoute une nosophobie : un
matin il est persuadé d’être victime
d’une crise d’apoplexie et refuse de se
lever. En 1848, il devient chef de 2
chœurs à Dresde, brigue divers postes
qui lui sont refusés.
Sur le plan familial, quatre autres
enfants naissent entre 45 et 49 (Julie ;
Emile qui meurt à 16 mois en juin 47 ;
Ludwig et Ferdinand).
M.K. : Trio n°1 en Ré mineur, Opus
63 (1847, Violon, violoncelle et piano)
Clara vient de finir son Trio avec piano
en Sol mineur et c’est naturellement
que Schumann compose le sien. Son
âme tourmentée s’exprime à son aise :
le langage est tendu, l’écriture est serrée,
saccadée, avec de grands mouvements
ascendants et descendants. L’ardeur
romantique du 1er mouvement est
reprise au Final. La mélodie de 7
mesures irrégulières, notée « avec énergie
et souffrance », est jouée au violoncelle
sul ponticello (joué près du chevalet,
son fondamental appauvri, rend
un son étrange et cristallin). Le piano
est scintillant et très aigu. Le 4ème
mouvement appartient à une « époque
d’humeurs sombres » selon Schumann.
La lassitude du monde est décrite au
piano grave, avec des retards, des
modulations de majeur à mineur, de
longues phrases et des tensions musicales.
L.F. : L’année 1849 est prolifique :
Schumann, emporté dans une euphorie
créatrice, s’achète un piano beaucoup
trop cher, les mélodies se pressent
dans son esprit, il écrit dans des lettres
à Hiller : « jamais je n’ai été plus actif, ni
plus heureux en art », « »j’ai trouvé dans
le travail une consolation aux terribles
évènements extérieurs ». Son humeur
quotidienne loin d’être exaltée exprime
donc toujours la douleur de vivre. Son
frère aîné Karl décède en avril, Robert
reste le dernier de sa famille. En juin, il
évoque dans son journal ses « stupides
ruminations hypochondriaques ». Chopin
décède à Paris en octobre. Le 3
décembre il écrit à Hiller, « il faut créer
tant qu’il fait jour ».
M.K. : Marchenbilder, Opus 113
(1849, Alto et piano)
Ces 4 méditations lentes, écrites en 5
jours, portent, selon Sandrine Blondet
(Harmonia Mundi), des « images de
contes de fées » […] des « frémissements
inquiétants de l’alto comme étouffés par
la brume des accords immatériels du
piano ». Après la course folle, on assiste
à une « expression mélancolique »
avec un ostinato de basses. Schumann
utilise l’alto pour son timbre mystérieux,
poétique et proche de la voix
humaine. Brahms, influencé certainement
par cette œuvre, composera plus
tard deux sonates pour alto. Le 1er
mouvement exprime en Ré mineur
des regrets aux deux instruments qui se
répondent ; le 4ème mouvement est
une berceuse en Ré majeur.
L.F. : Le 25 juin 1850, la création de
son opéra Genoveva au théâtre de
Leipzig, qui a été longtemps repoussée,
ne remporte qu’un succès d’estime
et peu de bonnes critiques, ça le désespère.
Le couple Schumann déménage
alors à Düsseldorf, le 2 septembre 50
et là, Robert prend la direction de l’orchestre
de la ville, à la suite de Hiller. Il
lui a fallu une année de réflexion avant
d’accepter (il doit surmonter sa peur
de vivre dans une ville qui possède un
asile d’aliénés). Il s’agit d’une des plus
lourdes responsabilités qu’il ait eu à
assumer jusque-là. L’accueil y est plutôt
chaleureux. Une fille, Eugénie naît en
décembre 1851. En 1582, Schumann
suit une nouvelle cure de bains dans le
Rhin. L’angoisse est toujours présente,
accompagnée de vertiges et de douleurs
diffuses. Malgré cela, il compose
sans trêve et, en avril, poursuit une balnéothérapie
en Hollande.
En 1852, dès sa deuxième saison d’orchestre,
la bonne entente entre Schumann
et ses musiciens s’érode : on lui
reproche son hermétisme. Robert est
tellement concentré sur la musique ou
rêveur qu’il oublie jusqu’à la présence
des musiciens ; ou encore s’adresse à
eux d’une voix assourdie, inaudible. Sa
baguette lui échappe de la main, à tel
point qu’il l’y attache avec une ficelle.
Dirigeant l’orchestre lors d’une messe,
il continue à brasser de grands mouvements
alors que le chœur s’est tu et
que le prêtre a repris la parole. Asthénique,
il est obnubilé par la vitesse
d’exécution des œuvres et fait toujours
ralentir les tempi. Il a de gros troubles
de mémoire et d’attention. On lui
reproche sa programmation : pas assez
de Mozart, Berlioz, Liszt, Wagner ou
de musique française. En réalité, il dirige
surtout les compositions qu’il est
encore capable de maîtriser. A partir
de l’automne 1852 une hallucination
auditive de la note La l’envahit, son
activité se réduit.
M.K. : Requiem latin, Opus 148 (1852,
Solistes, chœur et orchestre)
En 1849, Schumann écrit à un ami :
« Je me suis orienté vers l’église ». En
effet, juste avant ce Requiem, Schumann
a composé une Messe latine,
Opus 147.
Les mélodies sont régulières et sans
surprise. Schumann a, en quelque sorte,
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
Psychose et création : vie et
œuvre de Robert Schumann
2ème partie
Michel Henry
Pensée de la vie et culture
contemporaine
Colloque international de
Montpellier
Beauchesne, 24 €
Michel Henry (1922-2002) a renouvelé
les travaux sur l’essence de la
manifestation et l’affectivité, la phénoménologie
de la corporéité et l’incarnation,
l’auto-révélation et l’autodonation
de la vie, la phénoménologie
matérielle et la phénoménologie de
l’invisible, la chair et la subjectivité
transcendantale, la philosophie du
christianisme. La critique de l’objectivisme
galiléen des idéologies scientistes,
la dénonciation des formes
politiques, médiatiques et culturelles
de la barbarie moderne, l’affirmation
de la primauté de l’individu vivant
contre toutes les abstractions économiques,
réifications techniques ou
hypostases sociales ont conduit Mi-
domestiqué Florestan et Eusebius, il a
fait un compromis avec la société bourgeoise
de son époque. Ce compromis
sera encore plus visible avec ses Scènes
du Faust (achevées en 1853) où le
grand thème de Faust n’est pas traité
avec les problèmes modernes, mais
avec les regrets du passé et les charmes
de la paix domestique. Schumann
oublie le « déchirement du monde »
selon Heine, sa musique est statique
comme figée.
L.F. : Après le premier concert de la
saison 1853, il est incapable de diriger
jusqu’à la fin du programme. Une situation
plutôt humiliante se met en place :
on ne lui laisse plus diriger que ses
propres œuvres…puis le couperet
tombe le 19 novembre 1853 : on lui
demande sa démission. Dans le même
temps Clara note : « Il ressent une
angoisse insupportable ; il ne peut dormir
et devient sporadiquement la proie d’une
agitation anxieuse incoercible, il parcourt
la chambre en gémissant ». Son journal
ne comporte plus que quelques mots
par jour « pénibles souffrances » ; « triste
épuisement de mes forces ». La même
année, il rencontre Johannes Brahms,
âgé de 20 ans, dont la présence permet
une brève amélioration de 3 mois. Il
écrit un dernier article annonçant un
nouveau génie. Schumann se prend
de passion pour le spiritisme, pratique
courante à l’époque, passion qui l’accapare
d’autant plus qu’il s’isole de plus
en plus. Il affirme que « les tables tournantes
savent tout » et s’adresse aux
esprits avec l’aide de sa table de salon,
qu’il récompense de ses services en
demandant à Clara de lui confectionner
un nouveau tapis (de table). Eugénie
Schumann écrit dans une lettre à
Brahms : « Il semble que l’esprit ne suit
plus le fil de sa pensée que par un effort
spasmodique ». Une dernière joie musicale
survient en janvier 1854 : Brahms
et Joachim organisent un festival Schumann
à Hanovre qui est un triomphe
complet, puis une tournée en Hollande
avec Clara.
M.K. : La troisième période, de 1853
à 1854, est considérée comme la période
de fin. Cette période, avec puis sans
Clara, peut aussi être appelée fantomatique
en raison du retard de l’exécution
de certaines créations, et surtout
du caractère mystérieux qui
entoure certaines œuvres.
Concerto pour violon en Ré mineur, A
23 (1853, Violon et orchestre)
Ce concerto, écrit en 13 jours, est dédié
chel Henry à défendre la vie, à célébrer
les valeurs de l’esprit, de l’art
et de la culture jusqu’à la vérité de
la vie absolue portée par les paroles
du Christ. Le colloque international
de Montpellier - « Michel Henry.Phénoménologie
de la vie et culture contemporaine
» - a tenu à rendre hommage
à cette œuvre qui a ouvert de nombreux
horizons de recherche.
D’abord pour le renouvellement de
la phénoménologie et la réinterprétation
de l’histoire de la philosophie
(Eckhart, Descartes, Spinoza, Maine
de Biran, Kant, Hegel, Kierkegaard,
Marx, Schopenhauer, Nietzsche, Husserl,
Heidegger notamment), mais
aussi dans tous les domaines du
« Monde de la vie » et de la praxis humaine
: la théologie, les sciences de
l’homme et de la vie, la psychologie
et la psychanalyse, l’économie politique,
l’esthétique et la création artistique,
l’éducation et la thérapie,
l’éthique et la politique.

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
L’Ecole de Psychosomatique
L’Ecole de Psychosomatique* (http://www.ecole-psychosomatique.org/) a,
depuis sa création en 1983, deux pôles d’activité et d’élaboration : le champ
psychosomatique, dans une perspective interdisciplinaire, et les psychothérapies.
Ce second axe, initié par la question des approches spécifiques et développé
à partir des méthodes d’évaluation, a été investi sur un mode très
actif après l’expertise collective sur l’évaluation des psychothérapies, en mettant
en ligne une documentation scientifique sur le domaine (http://www.techniques-psychotherapiques.org/),
et en travaillant sur le développement de recherches
en conditions naturelles selon une méthodologie de cas isolés
systématisés.
L’EPS vient d’être agréée (Organisme agréé EPP) par la Haute Autorité de
santé pour son programme « Initier une psychothérapie, en suivre l’évolution, en
évaluer les résultats ». Deux autres cycles commenceront en mars prochain.
Leur finalité est de proposer aux praticiens un cadre méthodologique qui
leur permette de formaliser, en groupes de pairs, les principales questions qui
se posent dans leur pratique, à commencer par celles des bases diagnostiques
et des critères à partir desquels se pose une indication de psychothérapie
(questions incluses dans le référentiel d’autoévaluation de la HAS portant sur
le dossier patient en pratique ambulatoire). ■
P.C.
*L’Ecole de Psychosomatique (chez le Dr JM THURIN - 9, rue Brantôme - 75003 Paris).
à son ami violoniste Joseph Joachim.
Ce dernier refusa de le créer car il ne
possède pas de Final (point important
pour les solistes où ils peuvent exceller…),
mais il est surtout jugé injouable
et « nuisible par ses imperfections ». La
partition, retravaillée par plusieurs compositeurs
dont Paul Hindemith, dut
attendre novembre 1937 pour être
créée (soit 84 ans plus tard !) à Berlin
par Georg Kulenkampf (et non Yehudi
Menuhin comme initialement
prévu…).
L.F. : Schumann débute l’écriture du
Dichtergarten (le jardin des poètes),
une anthologie des écrits de poètes sur
la musique, qui ne verra jamais le jour.
Le 6 février 1854, il écrit à son ami le
violoniste Joachim : « la nuit tombe
déjà », et puis il lui adresse aussi un
courrier énigmatique dans lequel il
explique que deux écritures sont
mêlées l’une à l’encre sympathique qui
va disparaître et l’autre secrète qui apparaîtra
plus tard. Son comportement
étrange déroute ses proches. Il devient
insomniaque. Les hallucinations se font
plus précises, ne se résumant plus à la
simple note La. Clara décrit qu’elles
sont pour lui comme une musique
céleste aux résonances merveilleuses,
puis qu’elles deviennent affreuses et
diaboliques, « les démons lui affirmaient
qu’il serait damné et qu’ils venaient le
chercher pour l’entraîner en enfer, puis ce
sont des tigres, des hyènes ». Elle décrit
aussi des hallucinations visuelles le 13
février : « les yeux ouverts, fixés vers le
ciel ; il croyait fermement que des anges
planaient autour de lui et lui apportaient
de célestes inspirations ». Schumann dit
qu’il ne doit « pas cesser de lire la bible ».
Il demande à Clara de le quitter de
peur de lui fasse du mal. Les thèmes
délirants mystiques, de damnation et
de culpabilité (il s’accuse à nouveau de
crimes dont celui d’avoir tué sa mère),
s’enrichissent d’éléments du syndrome
d’influence : il se plaint que l’on fouille
son cerveau, qu’on le transperce. Dans
une accalmie le dimanche 26 février
il décide de demander son internement
: « il ne se sent plus du tout maître
de ses esprits » ; il est seulement renvoyé
chez lui avec un garde malade.
Le lendemain au lever, fameux 27
février, il annonce à Clara qu’il n’est
pas digne de son amour, tente de travailler
et finalement sort en robe de
chambre, pieds nus, enjambe un pont
et se précipite dans le Rhin glacé après
y avoir jeté son alliance. Repêché par
des mariniers, il est ramené à son domicile,
parmi la foule des masques prêts
pour le Carnaval du soir (c’est Mardi
gras). Il est conduit cinq jours plus tard
à la clinique privée du Dr Richarz à
Endenich près de Bonn, où il restera
28 mois.
M.K. : Chants de l’aube, Opus 133
(1853, Piano)
Schumann avoue : « Une étrange rougeur
s’élève dans le ciel. Je ne sais si c’est
l’aube ou le couchant ». Ces cinq pièces
qui manquent peut-être d’énergie ou
de souffle, sont, selon Schneider, « des
chants de la nostalgie du chant ». Le
contrepoint y est remarquable, avec
des dissonances imprévues et des
contretemps. Le quatrième mouvement
nous touche par son flux de
notes continuel d’où finit par se dégager
un thème évanescent.
Thème et 5 variations en Mi b majeur –
Variation des Esprits, A 24 (février
1854, Piano)
Cette œuvre, témoin de ses obsessions
et de ses hallucinations sonores,
contient un chant céleste écrit « sous
la dictée des anges ». Schumann écrit
le thème en Mi b majeur, puis les variations
la nuit du 27 février, après sa
chute dans le Rhin. Petit à petit, ce
chant céleste devient destructeur avec
des tonalités démoniaques…
Cette œuvre, qui est la dernière censée
de Schumann, est assez scolaire, sans
magie particulière.
L.F. : Durant son séjour, Schumann
ne recevra aucune visite de Clara,
quelques rares lettres. Elle est pourtant
enceinte d’un garçon qu’il ne connaîtra
pas : Félix, qui naît le 11 juin 1854.
En revanche, il verra de nombreux
artistes dont les musiciens Grimm, Dietrich,
Wasielewski, la poétesse Bettina
von Armin et surtout Joachim et
Brahms. Son état alterne entre des
moments de lucidité et d’autres d’apathie
avec balbutiements. Les mécanismes
et les thèmes du délire s’enrichissent
: ruine, persécution, châtiment
(« les instances divines ont ordonné que
je soit brûlé en enfer : j’ai fait trop de
mal »), grandeur (il signe ses lettres
« Robert Schumann, membre d’honneur
du ciel »). Il se perd en activités stéréotypées
: classement, inscription de séries
de chiffres sur ses papiers, son écriture
devient illisible et s’assortit d’inscriptions
mystérieuses et cabalistiques.
Brahms note qu’il ne s’exprime plus
que part « lambeaux de mots ». Il se
montre souvent agité et violent envers
le personnel qu’il soupçonne de l’empoisonner,
on doit l’attacher à son lit.
Six mois après son arrivée à Endenich,
l’état de Schumann s’améliore
temporairement, lui permettant de se
promener et de jouer du piano. Puis il
s’aggrave : le délire repart de plus belle,
mêlant fausses reconnaissances et fabulations.
Il se coupe de la réalité, ne
reconnaît plus personne. Il tremble,
refuse de se lever et de s’alimenter ce
qui entraîne une déchéance physique
et une cachexie importante. Il fait un
autodafé de manuscrits et de lettres de
Clara en avril 1856.
Le 23 juillet 1856, le Dr Richarz adresse
un télégramme à Clara la priant d’accourir
si elle souhaite revoir son époux
vivant. Clara accourt, Robert la reconnaît
et lui sourit : « il est un mort vivant »
confie-t-elle à ses proches. Il décède le
mardi 29 juillet 1856 à 16 heures et
sera enterré à Bonn 2 jours plus tard.
Clara, seule avec 7 enfants, lui survi-
vra 40 ans encore. Elle continuera plusieurs
années les tournées et aura à
cœur de perpétuer la musique de son
mari.
Je ne m’étendrai pas dans une longue
discussion diagnostique en ce qui
concerne les troubles présentés par
Robert Schumann.
Les informations qui le concernent ont
été recueillies grâce à l’abondante correspondance
qu’il a tenue avec sa famille,
son épouse et ses amis, ainsi que la
lecture de son journal intime, elles ont
donc une forte tonalité subjective. Le
rapport d’hospitalisation du Dr Richarz
dont la description des symptômes est
imprécise, a disparu jusqu’en 1990, où
une partie a été remise à l’académie
des Arts de Berlin par un de ses descendants,
le compositeur Aribert Reimann.
Pour des raisons mystérieuses, ce
rapport n’a été accessible qu’à quelques
privilégiés, bien que le patient soit décédé
depuis plus de 150 ans ! Clara a
sciemment censuré les biographes en
ce qui concerne la santé mentale de
son époux afin de conserver intacte sa
mémoire et son oeuvre. Enfin, la donnée
essentielle qui nous manque, est
celle de la relation transférentielle.
Avant la réapparition des carnets du
Dr Richarz, de nombreuses hypothèses
ont été émises avec chacune leurs partisans,
évoquons-les ensemble brièvement.
Celle de la névrose, dont les argumentations
les plus abouties se font en
faveur d’une personnalité phobo-obsessionnelle.
On retrouve chez Robert Schumann
des traits de caractère sadique anal.
Son entêtement et sa ténacité dans sa
lutte pour obtenir la main de Clara ; sa
parcimonie dans la gestion de son
argent : il consigne tant ses dépenses
que ses projets ; son collectionnisme
à travers sa correspondance classée et
un répertoire de celle qu’il envoie, il
tient également de nombreux carnets
de citations et plusieurs catalogues de
ses œuvres ; son emploi du temps et
son journal intime sont aussi très rigoureusement
organisés, y sont même
consignées les relations sexuelles du
couple. Son travail musical est très
méthodique avec Clara, même lorsqu’ils
sont jeunes mariés, leur journal à
3 semaines de mariage indique qu’ils
travaillent le clavier bien tempéré ; il
a également des doutes et hésitations à
prendre certaines décisions comme son
poste de chef d’orchestre ; il souffre
de phobies multiples (nosophobies,
acrophobie, phobie d’impulsion) et
d’obsessions phobiques.
Celle du trouble de l’humeur : dont
les partisans considèrent les moments
dépressifs de Schumann comme des
récurrences mélancoliques avec un ultime
accès délirant le conduisant à Endenich
et un unique épisode qualifié d’hypomaniaque
en 1849, du fait de la
productivité artistique particulièrement
élevée de cette année. Il m’a semblé
que si les variations d’humeur sont souvent
évoquées dans le journal de Schumann,
lors des phases qu’il nomme
mélancoliques, c’est plutôt la symptomatologie
anxieuse qui est au premier
plan associée à des préoccupations
métaphysiques ou une sensation de
vide.
On ne retrouve pas les symptômes
classiques des dépressions endogènes :
pas d’autodévalorisation, de péjoration
durable de l’avenir, de culpabilité ou
d’incurabilité, pas de ralentissement,
pas d’anhédonie, d’atteinte du trépied
instinctuel ou de tentatives de suicide.
L’inspiration et la productivité artistique
sont fluctuantes, ce qui semble habituel
chez tout créatif. Il me semble plus
prudent de parler d’épisodes dépressifs
réactionnels avec angoisse massive,
survenant à la suite à de pertes
(deuil, déceptions, échecs).
L’hypothèse d’une psychose, de la schi-
zophrénie est la plus souvent évoquée,
notamment par Bleuler, devant les
angoisses envahissantes et précoces
avec recours à l’alcool pour les apaiser
; le repli et le caractère introverti
de Schumann dès l’adolescence, les
difficultés qu’il éprouve de plus en plus
dans les contacts sociaux jusqu’au
mutisme ; les phobies multiples, extensibles
et irrationnelles ; les ruminations
obsessionnelles évoluant vers les idéations
parasitaires annonciatrices de l’automatisme
mental ; puis l’éclosion vers
43 ans d’un fléchissement des activités,
d’une apathie, de troubles du cours
de la pensée, de bizarreries comportementales,
des hallucinations et du délire.
Le caractère familial du trouble est
à prendre en considération : schizophrénie
chez sa sœur Emilie et chez
son fils Ludwig, interné dès l’âge de
20 ans et ce pendant toute sa vie.
Après la réapparition des carnets de
Richarz, une nouvelle hypothèse a été
proposée.
Celle de la paralysie générale, une
démence d’apparition progressive liée
à une syphilis contractée dans sa jeunesse.
Celle-ci n’est contagieuse que
dans ses phases primaires (chancre) et
secondaire (roséole), ce qui expliquerait
que Clara ait été épargnée.
La maladie débute 5 à 10 ans après
l’infection initiale et peut évoluer durant
10 à 30 ans. Les signes de début sont
une baisse de l’activité intellectuelle
avec perte d’énergie et d’initiative, des
troubles de l’attention et de l’affectivité,
des céphalées, des douleurs fulgurantes
et des périodes d’aphasie. A la
phase d’état, on note un affaiblissement
du jugement, des propos et des
actes illogiques et absurdes. La parole et
l’écriture sont difficiles, la mémoire
s’érode laissant place à la fabulation.
L’humeur est instable, le sujet enclin à
des colères brusques et injustifiées.
L’évolution se fait vers le désintérêt et
l’indifférence. Sont retrouvées des hallucinations
et illusions auditives, des
idées délirantes de grandeur et de persécution.
Puis ce sont des troubles
moteurs, une maladresse, des tremblements,
des secousses musculaires.
Les automatismes sont préservés, permettant,
par exemple, la pratique d’un
instrument de musique. Enfin l’amaigrissement,
l’apathie totale et la mort
surviennent en l’absence de traitement.
Mais ce tableau était largement confondu
à cette époque avec les états terminaux
d’autres maladies mentales.
L’autopsie grossière qui a été réalisée
permet d’éliminer à priori une tumeur
cérébrale ou un autre processus expansif,
mais pas de confirmer ou d’infirmer
l’hypothèse de la neurosyphilis.
Un indice supplémentaire intéressant
en faveur de cette hypothèse est une
anisocorie remarquée par un portraitiste
en 53.
L.F. et M.K. : En conclusion, la maladie
présentée par Robert Schumann
semble multifactorielle. Qu’il s’agisse
d’une névrose obsessionnelle avec
moments dépressifs masquant une psychose
de révélation tardive ou d’une
lente démence syphilitique, quelle que
soit la nature de son atteinte, le créateur
s’est tu lorsqu’elle l’a terrassée.
Nous espérons que ce 4 mains vous
aura plu et vous aura donné envie d’en
savoir plus et de réécouter l’œuvre de
ce grand compositeur qu’est Robert
Schumann. ■
Laurence François*,
M. Marc Kowalczyk**
*Assistante, service du Dr Caroli, C.H. Sainte-
Anne, Paris
**Compositeur et musicologue, http://musikayak.free.fr
Bibliographie
1) FRANÇOIS-SAPPEY B., Robert Schumann,
Fayard, 2000, 1180 p.
2) MECKEL C., Approche clinique et psychopathologique
des troubles mentaux de
PSYCHOSE ET CRÉATION ■ 13
Robert Schumann, Thèse de médecine,
Lyon 1, 1999, 102 p.
3) POUGET R., La maladie de Robert Schumann,
Bulletin de l’Académie des sciences
et lettres de Montpellier, 1998, 29, 1-10.
4) SCHNEIDER M., La tombée du jour,
Seuil, 1989, 121 p.
5) THOMAZEAU E., Robert Schumann,
maladie et scénario tabou, Thèse de médecine,
Lille 2, 2002, 103 p.
LIVRES
Biographie de l’Inconscient
Salomon Resnik
Préface de René Kaës
Dunod, 22 €
Selon René Kaës, proposer une biographie
de l’inconscient constitue une
entreprise audacieuse.
Pour Salomon Resnik, il s’agit de bien
autre chose que de composer une
histoire du concept de l’inconscient.
Le chapitre qui donne son titre à l’ouvrage
décrit le cheminement de ses
préconceptions à travers
les catégories de l’obscur, de l’occulte,
du caché, du secret et de l’énigmatique.
Ce propos initial est éclairé et
enrichi par deux autres thèmes : l’inconscient
est aussi la biographie de
l’homme ; il écrit sa vie, et le trajet et
l’expérience de la cure la lui fait
connaître. Enfin Salomon Resnik sait
aussi qu’il propose en même temps,
dans ce livre, une véritable autobiographie
de son rapport à l’inconscient.
Le lecteur qui se laisse porter
par une pensée suggestive et associative
découvrira que si l’auteur tente
de « rendre plus visible » son inconscient,
il invite celui qui le lit à rendre
le sien moins opaque.
Faut-il avoir peur de nos
enfants ?
Politiques sécuritaires et
enfance
Sous la direction de Gérard
Neyrand*
La Découverte, 6,90 €
En septembre 2005, l’Inserm a publié
un rapport consacré aux « troubles
des conduites chez l’enfant » qui préconise
le « repérage des perturbations
du comportement dès la crèche et l’école
maternelle ». Cette idée d’une détection
dès le berceau de la délinquance
future a trouvé un écho dans les procédures
de surveillance et de contrôle
qui jalonnent désormais les parcours
des enfants. Le soupçon pèse aujourd’hui
sur les coupables supposés
- parents démissionnaires, populations
migrantes ou précaires... - et
parcourt la chaîne des institutions :
école, justice, médecine, action sociale...
Cet ouvrage revient sur les remous
que ces visées sécuritaires ont
provoqué et propose une analyse critique.
Les principaux domaines en
lien avec l’enfance sont ainsi abordés
par différents spécialistes, qu’ils
soient sociologues, enseignants, praticiens
hospitaliers, pédopsychiatres,
magistrats...
Avec des contributions de Michèle Becquemin,
Bernard Defrance, Michel Dugnat, Philippe Pignarre,
Annick Sauvage, Odile Sauvage-Déprez,
Frédéric Jésu, Taïeb Ferradji, Evelyne Sire-Marin.
Pour en finir avec l’alcoolisme
Réalités scientifiques contre
idées reçues
Philippe Batel
La Découverte, 16 €
La compréhension des mécanismes
biologiques, génétiques, physiologiques
et psychologiques impliqués
dans le processus d’alcoolisation s’est
améliorée. L’étude des rapports de la
société avec l’alcool a également permis
de fournir des connaissances aujourd’hui
étayées. En s’appuyant sur
la synthèse des données publiées
dans des expertises collectives de l’Inserm
et sur son expérience, Philippe
Batel expose en termes accessibles
les principaux progrès et apports de
la recherche en alcoologie.

14
LIVRES
■ CLINIQUE
De l’irritation et de la folie
François-Joseph-Victor Broussais
Introduction de Serge Nicolas
L’Harmattan, 45 €
Il s’agit de la reproduction fac simile
de l’édition originale du livre de 1828
qui n’avait jamais été réédité.
C’est en mai 1828 que Broussais a
investi le champ philosophique enpubliant
contre Cousin un traité De
l’irritation et de la folie. Il s’agit de la
première critique du point de vue
« physiologique » de la psychologie
éclectique. Une grande partie de l’ouvrage
est consacrée à une critique
des « psychologistes » dont Théodore
Jouffroy était le chef de file.
Broussais voit dans le spiritualisme
un obstacle à la science et le caractère
pseudo-expérimental de la psychologie
de Jouffroy le confirme pleinement.
A travers le concept d’irritation, il combat,
dans la première partie de son
ouvrage, la psychologie de son temps.
La seconde partie traite de la folie
considérée selon la doctrine physiologique,
et ralliée au phénomène de
l’irritation.
La doctrine physiologique de Broussais
s’était construite en opposition
à la doctrine médicale idéologique
fondée par Pinel, dominante au cours
des deux premières décennies du
XIX e siècle. Broussais refuse toute nosographie
en médecine mentale
comme ailleurs, annulant ainsi la
spécificité de la psychiatrie. Pour lui,
l’irritation est la cause de la folie.
Les thèses organicistes de Broussais
n’eurent pas de succès dans le milieu
psychiatrique où les nouveaux savants
spiritualistes voulaient annexer
la psychiatrie à la philosophie en renouant
avec le vitalisme. La doctrine
physiologique de Broussais se construisit
ainsi en opposition à la nouvelle
doctrine médicale éclectique développée
par une génération de médecins
qui voyaient dans les conceptions
philosophiques de Victor Cousin
une voie prometteuse.
Repenser le maintien à
domicile
Enjeux - Acteurs - organisation
Bernard Ennuyer
Dunod, 26 €
Le maintien à domicile est l’objectif
prioritaire de la « politique de la
vieillesse ». pourtant, comme le confirme
un récent rapport de la Cour des
comptes, il n’y a jamais eu de véritable
mise en place d’une politique
cohérente en France.
Ce livre repense le maintien à domicile
en l’articulant à sa finalité éthique :
quelle place pour les « personnes
âgées », et notamment pour les plus
fragiles, celles qui ont des difficultés
de vie quotidienne et cumulent, bien
souvent, santé dégradée, isolement
social et faibles ressources ?
Certaines notions sont interrogées :
le vieillissement et la vieillesse, l’incapacité
et le handicap, le domicile
et le chez soi, l’aide professionnelle
et le soutien familial, la coordination,
l’évaluation, la formation, les politiques
publiques, leur choix et leur financement.
En dernier lieu, le questionnement
sur les limites du maintien
à domicile et sur ses coûts fait apparaître
le déficit actuel des politiques
publiques. On se restreint, de jour en
jour, à une technique instrumentale,
à un arsenal de dispositifs réglementaires
et de procédures normalisées,
au détriment d’une perspective
éthique du maintien des personnes
âgées dans leur cadre de vie et dans
leur rôle d’acteur social.
Le trouble schizoaffectif est une affection
fréquente. Il représenterait
entre 10 et 30% des admissions pour
trouble psychotique en milieu psychiatrique
(1).
Ce concept a connu de nombreux
changements dans sa définition depuis
la première description par Kasanin en
1933 de la « psychose schizoaffective
», entité spécifique par son apparition
brutale, son évolution favorable
et la présence simultanée de symptômes
schizophréniques et affectifs (5, 8).
Les troubles schizoaffectifs sont classiquement
considérés comme des
formes intermédiaires entre la schizophrénie
et les troubles bipolaires, tant
sur le plan de la symptomatologie que
du pronostic (8).
Cependant, dans les classifications
actuelles (DSM IV, CIM 10), ces derniers
paraissent clairement individualisés
(2, 8). Il s’agit en fait d’une entité clinique
parfaitement décrite en terme
de catégorisation, mais toujours controversée
quant à son appartenance au
groupe des schizophrénies ou celui des
troubles bipolaires.
Son statut nosographique se trouve
face à un dilemme : s’agit-il d’un continuum
psychotique entre la schizophrénie
et le trouble bipolaire ou d’une
entité morbide distincte et indépendante
?
Nous tenterons dans ce travail
d’émettre quelques éclaircissements sur
ce sujet à partir d’une étude comparative
de patients atteints de schizophrénie,
de trouble bipolaire et de trouble
schizoaffectif.
Méthodologie
Nous avons mené une étude rétrospective,
descriptive et comparative dans
laquelle nous avons inclu les patients
présentant un trouble schizoaffectif de
type bipolaire, un trouble bipolaire de
type I ou une schizophrénie indifférenciée
selon les critères du DSM IV,
hospitalisés la première fois entre les
mois de janvier 1988 et décembre
2002, suivis pendant au moins 3 ans
dans le service de psychiatrie « E » de
l’hôpital Razi.
Les données ont été recueillies à partir
du dossier médical et ont concerné les
variables sociodémographiques, les
antécédents familiaux psychiatriques,
la personnalité prémorbide, l’adaptation
prémorbide (par l’estimation de
l’EGF durant l’année précédant le début
de la maladie : EGF1), les caractéristiques
cliniques (l’âge de début de la
maladie, la présence d’évènement précipitant
dans les 4 semaines précédant
le début des troubles et le mode de
début de la maladie (aigu : < à 4
semaines, subaigu : entre 1 et 6 mois,
insidieux : > à 6 mois), les variables
évolutives (le nombre d’hospitalisation,
la qualité des intervalles entre les hospitalisations,
la qualité de l’insertion
professionnelle et l’évaluation globale
du fonctionnement à long terme :
EGF2).
L’échantillon a été réparti en trois
groupes en fonction du diagnostic
porté:
G1 : schizophrénie, G2 : trouble bipolaire,
G3 : trouble schizoaffectif. Nous
avons procédé à la comparaison de
ces trois groupes en fonctions de ces
divers paramètres.
La saisie des données ainsi que l’analyse
statistique descriptive et comparative
ont été effectuées à l’aide du logiciel
SPSS dans sa 10ème version. Le seuil
de significativité a été fixé à 5%
(p < 0,05).
Résultats
90 patients ont été colligés et répartis
équitablement sur les trois groupes.
L’analyse des variables sociodémographiques
n’a pas objectivé de différences
significatives concernant l’âge moyen, le
sexe, le statut matrimonial et le niveau
socioéconomique entre les trois
groupes. (Voir tableau I)
Concernant les antécédents familiaux
psychiatriques, les 3 groupes étaient
différents (p=0,001) : les schizophrènes
avaient plus d’antécédents familiaux
de schizophrénie (20%), les bipolaires
avaient quant à eux plus d’antécédents
familiaux de trouble bipolaire (20%),
tandis que les schizoaffectifs avaient
autant d’antécédents familiaux de schizophrénie
que de trouble bipolaire
(6,7%).
De plus, ils étaient les seuls à avoir des
antécédents de trouble schizoaffectif.
(fig1)
Une différence significative a été retrouvée
entre les trois groupes concernant
la personnalité pré-morbide. En effet,
celle de type schizoïde était plus fréquemment
retrouvée chez les schizophrènes
(46,7%, p=0.0004) ; tandis
que le tempérament hyperthymique
était plus noté chez les bipolaires
(33.3%, p=0.0002).
Les schizoaffectifs se plaçaient dans
une position intermédiaire avec 30%
de schizoïdie et 20% d’hyperthymie.
L’évaluation du fonctionnement prémorbide
(EGF1) a objectivé une différence
entre les trois groupes (p=0,003).
Les patients schizophrènes avaient
l’EGF le plus bas (60) suivis des schizoaffectifs
(70) puis des bipolaires (80).
Quant aux variables cliniques, l’âge de
début des troubles était légèrement
plus bas chez les schizophrènes et les
schizo-affectifs que chez les bipolaires,
mais la différence n’était pas significative.
(22,3 ans ; 22,5 ans versus 24
ans, p= 0,196)
Un événement précipitant était retrouvé
chez près de la moitié des bipolaires,
du quart des schizoaffectifs mais
seulement chez 6,7% des schizophrènes.
(fig 2)
Enfin, 2/3 des patients bipolaires
avaient un mode de début aigu, ce
même taux était retrouvé chez les
patients schizophrènes qui avaient
débuté leur maladie sous un mode insidieux.
Le groupe des schizoaffectifs occupait
une place intermédiaire tout en étant
plus proche des schizophrènes. (fig 3)
Sur le plan évolutif, les trois groupes
étaient comparables au niveau du
nombre d’hospitalisations, évalué à une
moyenne de 1,6.
La qualité des intervalles entre les hospitalisations
était différente dans les
trois groupes (p=0,0004). En effet
83,3% des bipolaires étaient en rémission
entre les hospitalisations, 90% des
schizophrènes présentaient une persistance
des symptômes psychotiques.
Quant aux schizoaffectifs, 20% étaient
en rémission, 46,7% avaient une persistance
de symptômes psychotiques
et/ou thymiques et 33 ,3% avaient une
persistance de symptômes résiduels
minimes. (fig 4)
Concernant l’insertion professionnelle
à long terme, la grande majorité des
schizophrènes (93,3%) étaient sans profession,
suivis des schizoaffectifs (60%),
puis des bipolaires (23%) (p=0,0006).
Enfin, comparés aux schizophrènes, les
patients schizoaffectifs, avaient un
meilleur fonctionnement à long terme
(EGF2 : 60 versus 40) mais moins
bon que celui des bipolaires (EGF2 :
60 versus 80) (p=0,0002).
Discussion
Notre étude rétrospective expose inéluctablement
à des biais méthodologiques.
Nous nous sommes retrouvés face à
des difficultés inhérentes au fait que
toutes les données étaient recueillies à
partir des dossiers médicaux, parfois
incomplets, d’autres fois manquant de
précision. Les patients n’ayant pas été
vus, nous n’avons pas eu l’occasion de
recourir aux échelles qui auraient sûrement
apporté plus d’objectivité. De ce
fait, nous nous sommes plus intéressés
à l’aspect diachronique qu’à l’aspect
synchronique.
Variables socio-démographiques
L’analyse des variables socio-démo-
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
Trouble schizoaffectif :
entre schizophrénie et trouble
bipolaire
20
15
10
5
0
TSA
TB
SC
80
70
60
50
40
30
20
10
0
100
80
60
40
20
0
6,7%
graphiques n’a pas montré de différence
dans les trois groupes. Ceci permet
de limiter les biais causés par ces
facteurs.
La prédominance masculine étant liée
à un biais de recrutement (répartition
conforme à la population de l’hôpital
Razi), certes retrouvée dans les trois
groupes, était plus nette chez les schizophrènes
et les schizoaffectifs (76,7%,
83,3% versus 70%). Ce résultat a été
Figure 4 : Qualité des intervalles entre les hospitalisations
20%
Figure 1 : Antécédents familiaux psychiatriques
20%
20%
3,3%
83,3%
0%
6,7%
33,3%
TSA
TB
SC
10%
3,3%
3,3%
Schizophrénie Trouble bipolaire Trouble schizoaffectif
23,3% 23,3%
Figure 3 : Mode de début des troubles
26,7%
46,7%
6%
TSA
TB
SC
0% 0%
Figure 2 : Evénéments précipitants dans les 4 semaines précédant
le début des troubles
6,7
23,3%
0 10 20 30 40 50 60
66,7% 66,7%
TSA
TB
SC
p=0,0001 (S)
10%
50%
6%
Aigu Subaigu Insidieux
p=0,0004 (S)
Rémission Persistance des
symptômes
résiduels minimes
53,3%
90%
Persistance de
symptômes
psychotiques et/ou
thymiques

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
Tableau I : Variables socio-démographiques
rapporté dans l’étude de Torrey en
99 (6).
Antécédents familiaux
Dans notre étude, 60% des patients
avaient des antécédents familiaux psychiatriques
dont la nature n’a pu être
précisée. En effet, ces informations
étaient recueillies auprès de l’entourage
des patients souvent de faible niveau
d’instruction. Ceci pourrait expliquer
les taux relativement bas d’antécédents
familiaux par rapport aux données de
la littérature.
Chez nos patients schizophrènes, la
fréquence d’antécédents familiaux de
schizophrénie (20%) rejoint celle de la
littérature qui l’estime entre 8 et
30% (11).
Les schizo-affectifs avaient autant d’antécédents
familiaux de schizophrénie
que de trouble bipolaire (6,7%), résultat
retrouvé dans une étude tunisienne
précédente (7) et dans celle menée par
Béguin en 1994 qui a relevé 16% d’antécédents
familiaux de schizophrénie
et 16% de trouble de l’humeur (3).
Ces patients avaient également, comme
ce qui est rapporté dans la plupart des
études (7), plus d’antécédents familiaux
de trouble bipolaire que les schizophrènes,
et plus d’antécédents familiaux
de schizophrénie que les bipolaires,
se trouvant ainsi dans une
position intermédiaire et distincte.
Personnalité et tempérament
Il est classiquement décrit dans la littérature
une forte corrélation entre la
personnalité schizoïde et la schizophrénie
d’une part, allant de 30 à 48%
selon les études (1), et entre le tempérament
hyperthymique et le trouble
bipolaire d’autre part (9). Dans notre
étude des résultats similaires étaient
constatés.
Par ailleurs, la fréquence de personnalité
schizoïde au sein des schizoaffectifs,
était significativement inférieure
à celle chez les schizophrènes. Bien
que très peu d’études aient porté sur ce
sujet, ce résultat est conforté par celui
d’Opjordsmoen en 98 (13). Elle était
également significativement supérieure
à celle chez les bipolaires. Quant au
tempérament hyperthymique, les trois
groupes étaient significativement distincts,
plaçant le trouble schizoaffectif
dans une situation médiane.
Fonctionnement pré morbide
Nous avons noté un EGF1 chez les
schizoaffectifs supérieur à celui des schizophrènes
et inférieur à celui des bipolaires.
Les schizoaffectifs auraient, par
conséquent, un fonctionnement pré
morbide intermédiaire.
Nos résultats concordent avec ceux de
la littérature et notamment ceux de
Möller et col en 2000 et Bottlender et
col en 2002 qui ont comparé schizophrènes
et schizo-affectifs (12).
Paramètres cliniques
L’âge de début plus précoce dans la
schizophrénie et le trouble schizo-
Schizoaffectifs Bipolaires Schizophrènes p
n = 30 n =30 n =30
Age moyen (ans) 32.5 29.5 32 0.44
Sexe (%) Masculin
Féminin
Statut matrimonial
à l’admission (%)
83.3
16.7
70
30
76.7
23.3
0.47
Célibataire 80 70 80
Marié
Divorcé
16.7
0
30
0
16.7
0
0.56
Veuf
Niveau socioéconomique
(%)
3.3 0 3.3
Bas 50 36.7 70
Moyen 43.3 56.7 26.7 0.14
Elevé 6.7 6.7 3.3
affectif retrouvé dans notre étude a été
relevé par certains auteurs dont Benabarre
(4, 6).
Par ailleurs, nous avons noté une
moindre fréquence de facteurs précipitants
par rapport à ce qui est classiquement
rapporté dans la littérature.
En effet, certains évènements de vie
ont pu être sous-estimés par l’entourage.
Nous avons relevé moins d’événements
précipitants et plus de début insidieux
chez les schizophrènes, suivis des schizoaffectifs
puis des bipolaires. Il semble
que le mode de début insidieux soit
prépondérant dans la schizophrénie (11),
de même, il y aurait moins d’évènement
précipitants par rapport aux schizoaffectifs
(13).
Benabarre a rapporté les mêmes
conclusions dans son étude (4).
Paramètres évolutifs
L’étude des données évolutives a objectivé
une différence entre les trois
groupes :
Comparés aux schizophrènes, les schizoaffectifs
avaient une meilleure insertion
professionnelle, un meilleur fonctionnement
à long terme (EGF2) et
des intervalles entre les hospitalisations
de meilleure qualité.
Cependant, leur évolution était moins
bonne que celle des bipolaires.
Harrow et col. dans une étude prospective,
comparant, sur 10 ans, le profil
évolutif de ces 3 populations avaient
trouvé un pronostic du trouble schizoaffectif
meilleur que celui de la schizophrénie
mais moins favorable que
celui du trouble bipolaire (10).
Cette même équipe, à partir d’une
étude de suivi sur 7 ans avait conclu
que les patients souffrant de schizophrénie
présentaient un niveau de récupération
symptomatique plus faible
avec des rémissions moins fréquentes et
de plus mauvaise qualité ainsi qu’un
fonctionnement social plus altéré (6).
Ces conclusions sont également confortées
par l’étude de Benabarre et col. (4).
Conclusion
Cette étude nous fait pencher vers une
vision binaire où figurent d’un côté la
schizophrénie, de l’autre le trouble
bipolaire, deux maladies distinctes
par leur étiopathogénie, leur évolution,
leur pronostic…
Il apparaît clairement au travers de
notre travail et sur la base de paramètres
épidémiologiques, cliniques
et pronostiques, que le trouble schizoaffectif
se situe dans une position
intermédiaire entre schizophrénie et
trouble bipolaire.
Bien qu’il se montre comme une
entité distincte, il ne s’agit là que
d’une première étape, une ébauche
de réponse à un problème complexe.
■
Olfa Dakhlaoui,
Dhouha Becheikh,
Fakhreddine Haffani
Service de psychiatrie « E », Hôpital Razi Tunis.
Bibliographie
(1) AZORIN J.M, KALADJIAN A,
FAKARA E, Aspects actuels du trouble
schizoaffectif, l’Encéphale 2005, 31, 359-
65.
(2) American Psychiatric Association,
MINI DSM IV, Critères diagnostiques
(Washington DC, 1994 ), Traduction
française par J.D. Guelfi et al., Masson,
Paris, 1996, 384 pages.
(3) BÉGUIN T, Schizophrénie dysthymique,
Enquête sur l’évolution, Encéphale
1994, 20, 385-92.
(4) BENABARRE A, VIETA E, COLOM
F, MARTINEZ-ARAN A, REINARES M,
GASTO C, Bipolar disorder, schioaffaective
disorder and schizophrenia: Epidemiologic,
clinical and prognostic differences,
Eur Psychiatrry 2001, 16, 167-72.
(5) COUSIN F, Des symptômes thymiques
dans les schizophrénies aux
troubles psycho-affectifs, l’Encéphale
1999, Sp IV, 4-7
(6) DEMITV C, THIBAUT F, Schizophrénies
et troubles bipolaires : vers un
continuum ? Interpsy 2004, 29-30.
(7) FERCHIOU A, Trouble schizoaffectif
: problématique nosographique, diagnostique
et pronostique. A propos de 50
cas, Thèse de doctorat en médecine,
Tunis 2005.
(8) GOURION D, Les troubles schizoaffectifs
revisités à la lumière de l’hypothèse
neurodéveloppementale : continuum ou
dichotomie ?
(9) GUELFI JD, BOYER P, CONSOLI S
et all. Psychiatrie. Puf, France 2001,
128p.
(10) HARROW M, GROSSMAN L.S,
HERBENER E.S, DAVIES E.W, Ten-year
outcome: patients with schizoaffective disorders,
schizophrenia, affective disorders and
mood-incongruent psychotic symptoms,
British Journal of Psychiatry 2000, 177,
421-26.
(11) KAPLAN HI, SADOCK BJ, Synopsis
de psychiatrie. Sciences du comportement,
Psychiatrie clinique,Masson,
Williams et Wilkins, France, Paris, 1998,
1676p.
(12) MÖLLER HJ , BOTTLENDER R,
WEGNER U, Long-term course of schizophrenic,
affective and schizoaffective
psychosis: focus on negative symptoms
and their impact on global indicators of
outcome, Acta Psychiatr Scand 2000,
102 (suppl 407), 54-7.
(13) OPJORDSMOEN S., Long-term
course and outcome in unipolar affective
and schizoaffective psychosis, Acta Psychiatr
Scand 1989, 79, 317-26.
Les Jeudis de l’Infirmerie Psychiatrique
Dans le cadre de l’enseignement du Dr Michel Gourevitch
Le Dr Michel Dubec
Expert national agréé par la Cour de Cassation, donnera une conférence
sur :
NUREMBERG 1946 :
la contagion d’une idée délirante criminelle
Le Jeudi 22 Février 2007 à 14h
Salle de conférences,
rez-de-chaussée
Infirmerie Psychiatrique, 3 rue Cabanis, 75014 Paris
Renseignements : 01 53 73 66 07 ou 06
Pour un abord
corporel après un
traumatisme
Ce texte traite de la pertinence d’une
approche corporelle dans la prise
en charge immédiate et post-immédiate
d’un traumatisme. Les sujets traumatisés
se trouvent dans un état de
désorganisation profonde. Leurs capacités
cognitives étant perturbées, ils sont
parfois en deçà de toute capacité de
verbalisation. L’hypothèse de ce travail
est de s’appuyer non sur la parole
comme a pu le suggérer la technique
du debriefing, mais sur le corps pour
amener le sujet à retrouver un sentiment
de sécurité et de conscience de
soi. Pour étayer cette hypothèse, je vais
aborder le traumatisme sous l’angle de
notions anciennes mais qui gardent, à
mon sens, un intérêt clinique les
concepts d’enveloppe psychique et
physique. Puis j’évoquerai la technique
quelque peu oubliée du pack comme
abord envisageable dans ce contexte.
Enfin je présenterai deux vignettes cliniques
et terminerai par les interrogations
que soulève cette hypothèse de
travail.
D’abord, de brefs rappels. Le terme
traumatisme dérive du mot grec trauma
qui signifie blessure, on perçoit d’emblée
la notion d’effraction. L’agression
est classiquement violente et inattendue,
cest une véritable rencontre avec
la mort. Cette expérience dépasse toute
possibilité de repérage elle est du
domaine de l’irreprésentable. Le traumatisme
échappe ainsi à la parole et
à la symbolisation. Le sujet débordé
dans ses capacités d’élaboration se trouve
dans un état de sidération.
Barrois définit le trauma comme coupure
des liens avec le monde, rupture
de sens, intériorité envahie par l’angoisse
de néantisation et bris de l’unité
de l’individu.
D’autres auteurs considèrent cette
désorganisation comme une défense.
Il y a déréalisation et dépersonnalisation.
Une partie de l’expérience n’est
pas intégrée au reste de la conscience.
Ferenczi va dans ce sens dans ses
« réflexions sur le traumatisme » et parle
d’une défense d’urgence. L’autodestruction
de la cohésion psychique est la
seule solution accessible au sujet pour
le délivrer de l’angoisse. La désorganisation
psychique est la soupape à la
destruction totale.
On peut considérer que le sentiment
de conscience de soi est ainsi brutalement
et profondément perturbé. Avançons
un peu en nous penchant sur
cette notion. Le sentiment d’existence
peut être grossièrement rapporté à la
présence dun contenu et d’un contenant
psychiques. Le contenu serait la
capacité d’associer ses pensées en une
chaîne ininterrompue et cohérente. Le
contenant serait une instance dont la
fonction est de contenir l’excitation
psychique, d’entraver les passages libres
des quantités d’excitation à l’intérieur
du psychisme. D. Anzieu reprend cette
notion avec le moi peau. Celui-ci vise
à envelopper tout l’appareil psychique,
il « remplit une fonction de maintenance
du psychisme ». Son instauration « assure
à l’appareil psychique la certitude et la
constance d’un bien être de base ». Le moi
peau trouve son étayage sur la peau
réelle. De la même manière qu’à l’origine
toute activité psychique s’étaie sur
une fonction biologique, le moi peau va
se constituer à partir des diverses fonctions
de la peau. Anzieu rappelle que la
première qualité de la peau est de retenir
à l’intérieur le bon, c’est une sorte de
sac contenant. Elle a aussi pour rôle
de délimiter l’intérieur et l’extérieur,
c’est la barrière qui permet de se protéger
des agressions extérieures. Enfin,
c’est une surface qui n’est pas hermé-
CLINIQUE ■ 15
tique, elle permet les échanges et la
communication ; bref, la peau contient,
sépare, protège et permet l’échange.
On voit comment elle va servir d’étayage
à la constitution de l’enveloppe psychique.
C’est par la relation à la mère et le holding
décrit par Winnicott que cette
enveloppe va pouvoir se développer.
La mère soutient le corps du bébé par
son contact cutané, son regard, Ses
paroles. Selon Bion, les éléments B sont
des éléments non pensables qui ne
peuvent se lier entre eux et que l’enfant
projette dans le psychisme de sa mère.
Ces éléments vont être transformés
grâce la capacité de rêverie de la mère
et devenir pensables pour le bébé. La
mère a donc une fonction de pareexcitation.
La fonction psychique du
bébé va progressivement se développer
par intériorisation de ce holding.
On comprend assez facilement que si
le moi peau est fragile il ne parvient
pas suffisamment à garantir le filtrage,
à contenir et le sentiment de sécurité et
de cohésion interne s’en trouve alors
altéré. Mon hypothèse est qu’en cas
de traumatisme, il y a effraction psychique
et fragilisation du sentiment
d’existence. L’enveloppe psychique est
mise à mal. Il serait alors intéressant
de tenter de consolider le sentiment
de soi en agissant sur cette enveloppe.
Ce qui m’amène à aborder le dernier
point de cette réflexion : le pack. Le
holding dont nous avons parlé a inspiré
la technique de l’enveloppement
humide ou pack.
Autrefois assez souvent utilisé, il est
actuellement un peu oublié.
Cette technique est issue des traitements
par l’eau. Depuis les temps
anciens, l’élément liquide est reconnu
comme bienfaisant. Autrefois employée
à visée purificatrice et parfois de manière
abusive, elle est utilisée par Magnan
en 1893 pour humidifier des draps qui
viennent recouvrir le corps du patient.
Cette technique est proposée surtout
pour contenir les patients agités. Ce
n’est qu’après la deuxième guerre mondiale
et avec Paul Sivadon que l’eau
est utilisée comme un médiateur symbolique.
La technique du pack favorise le sentiment
de sécurité, la prise de conscience
de soi, de l’existence corporelle et de
la relation avec les objets et les personnes.
Le patient est amené à retrouver
du sens à ses émotions et à les verbaliser.
Woodburry en 1966 parle de
l’enveloppement anaclitique comme
un moyen d’enrayer la crise de morcellement
et les troubles chroniques
du schéma corporel chez le psychotique.
L’effet thérapeutique se fonde
sur la dimension relationnelle de la
technique. L’entourage soignant fait
partie intégrante du processus. Il y a
au moins deux personnes, un psychiatre
et un infirmier par exemple. Le
sujet, enveloppé dans les draps humides
connaît une réactivation de l’angoisse et
de ses mécanismes de défense. Le
corps soignant contient ces projections
par un environnement physique, il soutient
par le regard, touche, masse le
sujet. Il tente aussi de restituer les projections
sous forme bonifiée par une
mise en mots de leurs propres ressentis.
Il se crée une sorte d’enveloppe à
partir de l’action pare-excitante des soignants.
Le sujet vit la sensation d’être.
Puis va se créer un champ intermédiaire
que certains comparent à un
objet transitionnel. C’est un espace de
paroles, même de jeu entre les soignants
et le sujet qui retrouve une capacité
à verbaliser. Cette technique fait
évidemment penser à ce qui peut se

16
■ CLINIQUE
LIVRES ET REVUES
Autismes
Etat des lieux du soin
Sous la direction de Graciela C.
Crespin
Cahiers de Préaut
L’Harmattan, 13 €
Après les deux premières livraisons,
qui ont abordé la prévention et l’état
actuel des recherches et débats entre
psychanalyse et neurosciences, cette
troisième livraison des Cahiers de Préaut
aborde la délicate question du soin.
Un premier état des lieux donne la parole
aux différentes approches, autant
de la clinique de l’autisme que celle
du bébé.
Des praticiens de tous bords ont l’occasion
de présenter leurs approches,
qu’elles soient d’inspiration psychodynamique
ou cognitivo-comportementale,
et de les discuter. Les approches
du soin mère/bébé, qu’il
s’adresse aux difficultés relationnelles
précoces ou aux problèmes de prématurité
sont également présentées.
La partie centrale de ce Cahier est
consacrée à des observations cliniques.
Les femmes et la science
Gérard Chazal
Ellipses
L’histoire des femmes en science montre
que le fait de les tenir à l’écart des
sciences tient à des raisons idéologiques,
religieuses, sociales et politiques.
Lorsque les barrages et les
contraintes imposées par ces raisons
non biologiques cèdent, des femmes
peuvent devenir des scientifiques exemplaires.
Certes, cela ne va pas, encore
aujourd’hui, sans difficulté. Si Marie
Curie obtint deux prix Nobel, si elle occupa,
non sans mal, un poste à la Sorbonne,
elle n’est pas entrée à l’Académie
des sciences. Pour voir une
femme dans cette assemblée, il faudra
attendre 1980 avec la mathématicienne
Yvonne Choquet-Bruhat. Aujourd’hui,
il y a seulement trois femmes
sur 130 membres. La National Academy
of Sciences aux Etats-Unis, avec
33 femmes sur 1329 membres ne fait
guère mieux. Pas mieux la Royal Society
avec 29 femmes sur 909 membres.
Ce livre retrace quelques grands moments
de l’histoire des femmes en
science de l’Antiquité grecque à nos
jours.
Il se limite à l’occident car c’est la science
occidentale qui a triomphé et s’est imposée
au monde entier aujourd’hui et
c’est par rapport à cette science que
les femmes aujourd’hui peuvent définir
leur place dans le monde encore
très masculin de la science.
Les marques du corps
Sous la direction de Didier Lauru
et Jean-Jacques Lemaire
Enfances & Psy 2006 n°32
Erès
Ce numéro montre que l’inscription corporelle
chez l’enfant ou l’adolescent
(cicatrices, scarifications, tatouages,
piercing...) revêt de nombreux aspects
selon qu’elle est subie ou agie.
Le rôle des cicatrices dans la maladie
de l’enfant est abordé au travers de la
clinique de la maladie chronique de
l’enfant (Catherine Graindorge), des lésions
corporelles somatiques ou accidentelles
(MarieThérèse Aeschbacher),
dans le trauma à l’adolescence (Jean-
Yves Le Fourn) ou dans la maladie somatique
et le handicap, visible ou invisible
(Patrick Alvin).
Les coups et blessures sont autant
d’autres traumatismes que l’enfant ou
l’adolescent aura à intégrer dans sa
psyché, et il est important alors de ne
pas négliger les divers aspects de la
prise en charge médicale et psychologique
(Annie Soussy).
Dans la pratique contemporaine, on
a aussi affaire à de nombreuses histoires
de scarifications (David Le Bre-
ton) ou, autrement dit, à des violences
cutanées auto-infligées (Xavier Pommereau).
Il peut s’agir symboliquement
d’un sacrifice (Carina Basualdo) ou bien
d’une démarque du regard inscrite
dans la violence du politique comme
du pubertaire (Véronique Bourboulon).
Sur un autre plan, l’inscription corporelle
est également « agie » quand il y
a recours au tatouage et/ou piercing
comme affirmation de soi, d’une saga
infantile (Elisabeth Darchis), d’appartenance
à un groupe social, religieux,
ethnique, avec une place spécifique
pour la circoncision (Philippe Scialom).
Mais la marque corporelle peut aussi
tenter de relayer une virilité défaillante,
une position de leadership... ou encore
soutenir une écriture symbolique
(Catherine Grognard). Le registre sera
différent selon qu’il relève d’effets de
mode, de séduction, de crise identitaire
(Bruno Rouers) avec ses formes
d’imitation, d’opposition, de provocation
ou de défi.
Imaginaire de la famille
Imaginaire et inconscient 2006, n°18,
L’Esprit du Temps, 21 €
Une récente journée d’études du Groupe
International du Rêve Eveillé en Psychanalyse
a été consacrée à la famille,
pas d’un point de vue sociologique ou
éthique, mais du point de vue où nous
assistons au travail de l’imaginaire.
Ce numéro publie les interventions de
la Journée d’études auxquelles s’ajoutent
de nouveaux articles. La mythologie
constitue le socle de ce travail.
Aux mythes venus de l’Antiquité et à
la réflexion qu’ils suscitent, succèdent
diverses études mettant en évidence
dans nos vies d’aujourd’hui la construction
de mythes auxquels nous participons,
la construction du roman familial
avec en écho l’étude du roman
familial, que ce soit chez le romancier
ou dans les contes.
La représentation de la maison comme
symbole du vécu familial, est présenté
comme révélateur à la fois d’une réalité
et de ce qui s’en imagine.
Quatre analyses de livres concernent
certains aspects du vécu familial.
Des « intermèdes » sont consitués par
des extraits de textes de Claudie Obin,
conteuse, qui participe à la Journée
d’études et a séduit par sa manière de
parler des mythes fondateurs de la
Grèce antique, mythes dans lesquels
nous assistons à la dramatique de
l’amour, de la haine, de la vie et de la
mort, qui sillonnent nos vécus familiaux.
Accompagner ou
contraindre ?
Psychotropes 2006 n°2
De Boeck
Comme à l’accoutumée, ce numéro se
compose d’un dossier et de quelques
articles hors thématique.
Pour le dossier a été retenu le thème
abordé par l’ASPSTA lors de ses journées
nationales qui se sont tenues à
Limoges les 20 et 21 octobre 2005 et
dont le titre était : « Soigner ou punir ».
Au-delà de la référence à Michel Foucault,
le titre de ce congrès mettait en
exergue le fait que « ce sont d’abord
l’interdit, la répression et la punition qui
ont marqué l’abord contemporain du
phénomène de dépendance ou d’addiction
: sous forme d’interdit et de pénalisation
de l’usage », ainsi que le rappelle
Jean Harbonnier.
La loi de 1970, qui considère l’usage
simple comme un délit, incarne cette
tentation de l’éradication par l’interdit.
Le législateur pourrait s’inspirer de
ce « précepte » émis dès le XVIII e siècle
par les disciples de Cesare Beccaria :
« Punir pas plus qu’il n’est juste, pas plus
qu’il n’est utile », la punition de l’usage
simple apparaissant à la fois injuste et
inutile.
Claude Jacob présente la notion de
contrat dans son article, où il pose les
questions nécessaires à une telle dé-
marche : « Comment et pourquoi créer
un espace spécifique, pourquoi le contrat,
et quel contrat rend l’institution habitable,
à quelles conditions, pourquoi et
comment organiser les échanges ». En
résumé, définir un lieu de rencontre, un
lieu thérapeutique où « chacun y parle
en son nom ».
Pour éviter ces risques de confusion, intervenants
en toxicomanie et représentants
du système judiciaire ont souvent
travaillé ensemble pour respecter
la compétence de chacun afin que l’action
des uns ne nuise pas à la mission
des autres.
Le dispositif POSS initié dans le département
de la Marne, présenté par Alain
Rigaux, participe de ce type de réflexion.
Jean-Pierre Assailly présente un mode
de lecture des mises en danger de soi
chez l’adolescent. Cette conduite est interprétée
comme un modèle socio-
jouer au cours du holding maternel
et fait appel à des vécus et des mouvements
très archaïques.
Revenons, maintenant, au sujet traumatisé
qui est profondément bouleversé,
confronté à des angoisses massives
de mort, un vécu impossible à
élaborer et assimiler. Le sujet perd une
certaine conscience de soi et est en
incapacité de pouvoir verbaliser son
vécu. Son enveloppe psychique est
mise à mal. Il serait intéressant, d’autant
que le sujet témoigne d’une incapacité
à pouvoir bénéficier d’un debriefing,
de travailler à partir de cette
enveloppe fragilisée en cherchant à la
consolider. En reconstituant une enveloppe
pare-exctitante, le sujet pourra
peut-être retrouver plus facilement un
sentiment de cohésion et d’existence.
J’aborderai la question de la mise en
pratique après la présentation des
vignettes cliniques.
Cas cliniques
Une femme de 35 ans se présente
pour un arrêt de travail. Elle est infirmière
et a été, le jour même, victime
d’une agression à l’hôpital. Un patient
s’est jeté sur elle lorsqu’elle a refusé
d’accéder à sa demande. Il l’a prise par
le cou, l’a jetée à terre et a commencé
à la rouer de coups lorsque des collègues
alertés par le bruit sont venus
la secourir. Elle est encore sous le choc.
Elle a pensé mourir. Tout de suite après
l’agression, elle a été conduite auprès du
médecin du travail qui a tenté de lui
faire verbaliser ses émotions. Pour l’heure,
elle souhaite simplement avoir son
arrêt de travail et retourner auprès des
siens. Elle accepte de revenir pour une
réévaluation. C’est lors des consultations
suivantes qu’elle raconte son expérience.
Face au médecin du travail, elle
se sentait incapable de penser, encore
moins de verbaliser. Elle trouvait, de
plus, incongru de parler de cette expérience
intime à un étranger. Son seul
souhait était de retrouver ses proches,
d’être entourée par eux sur un plan
affectif et physique. Elle avait ressenti
clairement le besoin d’être soutenue,
rassurée, blottie dans les bras protecteurs
d’un proche qui lui tiendrait des
propos rassurants.
L’évolution fut rapidement favorable.
Elle eut quelques cauchemars dont le
contenu retraçait, en partie, le scénario
de l’agression. Elle eut pendant
quelques jours des réminiscences de
l’épisode sous forme de flashs lorsqu’elle
croisait un homme au profil de
l’agresseur. Mais rapidement ce syndrome
de répétition débutant a disparu.
Elle reprit le travail et retrouva un
fonctionnement habituel et satisfaisant.
Je n’ai plus eu, ensuite, de ses nouvelles.
La deuxième vignette clinique relate
un traumatisme beaucoup plus grave. Il
s’agit d’une femme âgée de 39 ans qui
a subi durant son enfance et son adolescence
des viols répétés perpétrés par
son père. Lors de sa première consultation,
nous sommes à distance du trau-
séquentiel dans lequel la causalité ne
serait pas linéaire.
Maurice Corcos, dans son texte « La force
et le sens », montre que les conduites à
risques, lorsqu’elles deviennent addictives,
ne tiennent pas seulement lieu de
culpabilité comme dans la majorité des
névroses, « mais d’identité de compensation
face à un vide identificatoire » et
installent « un néo-système de régulation
du relationnel avec une source de jouissance
perverse (dans la honte qui semble
devenir l’excitant esentiel) qui fixe le sujet
à ses objets infantiles ».
Enfin, Marie-Madeleine Jacquet aborde
le moment clé que représente la fin des
prises en charge ou des psychothérapies,
moment particulièrement intense
réactivant ou réactualisant bien souvent
les problématiques de séparation,
de prise d’autonomie et de reconnaissance
individuelle.
matisme, il n’y a pas de symptomatologie
évoquant un PTSD. En revanche,
on retrouve une phobie du toucher et
des troubles d’ordre sexuel. Ces derniers
apparaissent lorsqu’elle rencontre
des hommes pour lesquels elle éprouve
des sentiments. Le toucher devient
impossible et l’acte sexuel insupportable.
Elle a l’impression d’être une
prostituée et se dégoûte. D’autre part,
il existe un fonctionnement de clivage,
avec une mise à distance de ses
affects et le sentiment de ne plus reconnaître
ni habiter son corps. Elle ne ressent
plus rien. Elle tente un travail de
psychothérapie, mais il est laborieux,
elle se défend... La première relation
thérapeutique, vraie, vécue comme
telle, est la rencontre avec un ostéopathe
; il parle de lier le corps à la psyché.
Il lui dit que son corps est un bout
de bois mort, que son dos est comme
une grille de métro. Puis, débute un
travail avec une psychomotricienne qui
la touche, la masse. Son corps est enfin
pris en compte. La patiente travaille
sur le contours de son corps et sa représentation.
Progressivement, elle reconstitue
ou se constitue une enveloppe
physique. C’est à ce moment là que
lors d’un exercice de respiration, elle
est prise d’une violente angoisse, association
refoulée d’une effraction ancienne.
Elle parle pour la première fois de
ses agressions... d’abord dans un langage
très cru puis plus nuancé et avec
davantage de contrôle.
Actuellement, elle reconnaît que parmi
toutes les thérapeutiques dont elle a
bénéficié, les plus opérantes pour elle
ont été les traitements corporels ; sans
elles, toute tentative d’élaboration en
psychothérapie serait restée vaine...
Ces exemples soulèvent de nombreuses
questions. Il est possible que
le besoin de passer à nouveau par le
corps ait été d’autant plus prégnant
qu’il y a eu atteinte physique dans les
deux cas. Y aurait-il eu la même
demande en cas d’absence d’atteinte
corporelle ? On peut supposer que oui,
puisque au-delà du traumatisme physique,
c’est aussi d’une effraction psychique
dont il est question.
Une autre inconnue se pose : il semble
que pour le premier cas, l’enveloppe
psychique semblait d’assez bonne qualité
avant d’avoir été mise à mal. Il ne
s’agit que d’une agression ponctuelle
survenant à l’âge adulte. La demande
du sujet était plutôt de consolider une
enveloppe à priori bien constituée.
Pour la deuxième femme, la problématique
est différente. Le traumatisme
a eu lieu durant une longue période
où l’enfant puis l’adolescente avait à
se construire. Il est probable que la personnalité
s’est organisée autour du trauma,
et que son sentiment de soi s’en est
trouvé fragilisé. Qu’a-t-elle trouvé dans
ces séances de psychomotricité ? La
consolidation ou la constitution d’une
enveloppe physique et psychique ?
Il est évident que le soignant n’aura
pas de réponse à ces questions lorsqu’il
se trouve pour la première fois
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
Comprendre l’anxiété pour
mieux la traiter
Sous la coordination de Philippe
Nuss
Editions Médicales
Ce recueil témoigne de la diversité des
situations cliniques dans lesquelles
l’anxiété s’exprime, rend compte de la
complexité des tableaux rencontrés en
pratique quotidienne. Plusieurs cliniciens
illustrent, à l’aide de situations cliniques
qu’ils ont rencontrées, les différents
troubles anxieux. Ils font part de
démarches cliniques, diagnostiques et
thérapeutiques tout en cheminant avec
l’histoire immédiate du patient.
Cette démarche, avec ses incertitudes,
ses anecdotes, ses paradoxes, fait partager
la démarche intellectuelle de leurs
auteurs et témoigne aussi de leur expertise.
face à un traumatisé. C’est au cours
du suivi que pourra être évaluée cette
problématique et donc posé le type
d’approche corporelle la mieux adaptée.
Car elle reste aussi à définir : les
bras d’un proche, un enveloppement
dans une couverture, un pack, le tout
en tachant de l’intégrer dans la relation
à l’autre comme nous l’avons vu ?
Réaliser, de manière systématique, une
prise en charge corporelle est sûrement
aussi inappropriée que d’imposer systématiquement
un debriefing. Il est probable
que si cela peut avoir un effet
contenant et restructurant, pour
d’autres cela peut correspondre à une
nouvelle intrusion. Peut-être faut-il seulement
proposer un soutien de cet
ordre ; et ce aussi bien au décours
immédiat qu’à distance du traumatisme.
De même que le sujet a parfois besoin
de temps pour verbaliser son expérience,
il est peut-être opportun de respecter
sa disponibilité physique.
Il faut aussi être prudent sur le risque
régressif que cette prise en charge
implique. Peut-être cela peut-il se faire
en ne prolongeant pas trop les séances.
Il faudrait aussi veiller à les intégrer
dans la relation à l’autre pour inciter
le sujet à rétablir un contact et un lien
au monde extérieur. En réalité, avant
de craindre d’accentuer un éventuel
retrait défensif, il me semble surtout
important de savoir reconnaître et
accueillir cet état inhérent au traumatisme
pour l’accompagner et permettre
une mobilisation.
Qui pourra réaliser cette approche ?
La patiente du premier cas clinique a
témoigné de son besoin d’être entourée
des siens.
Est-ce imaginable de proposer et d’organiser
un accompagnement par un
proche ? Proche qu’il faudra aussi savoir
accompagner... Quel type d’enveloppe
ce proche pourra-t-il alors réaliser ?
Probablement en fonction de ce qu’il
est, de sa propre capacité à pouvoir
contenir ... Encore beaucoup d’inconnues
et de variables incertaines ... il
s’agit en effet d’un facteur essentiellement
humain. Mais ne sous-estimonsnous
pas la force de ce soutien ?
S’il ne s’agit pas de proches, on imagine
difficilement le psychiatre spécialiste
de l’urgence, assurer seul ce type de
prise en charge. Les infirmiers et les
psychométriciens y auraient probablement
toute leur place.
Je terminerai sur cette réflexion : finalement,
je n’ai soulevé qu’une hypothèse
bien banale. Une main sur l’épaule
est pour certains le geste le plus
naturel du monde lorsque l’on a à soutenir
quelqu’un. Il est vrai que ce geste,
le contact en général, est soumis aussi
pour des raisons culturelles à des résistances
multiples. Peut-être faudrait-il
travailler pour revenir à des actes naturels,
archaïques pour faire face à des
choses qui relèvent du même ordre...■
Dr E. Botvinik
Service Dr G. Vidon, Hôpital Esquirol

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
CHUT !
Une petite histoire de la sectorisation psychiatrique à Lille (1966-2006)
C
’est en 1966 qu’a été créé à Saint-
André-Lez-Lille le Centre Hospitalier
Ulysse Trélat (CHUT), devenu au
fil du temps Centre de Soins et d’Hygiène
Mentale Ulysse Trélat (CSH-
MUT), Centre Hospitalier Spécialisé
Ulysse Trélat (CHSUT) et site Ulysse
Trélat de l’Etablissement Public de
Santé Mentale de l’Agglomération de
Lille (EPSMAL)... Il a pris la suite de
l’hôpital-hospice suburbain (1945-
1958), lui-même héritier de l’hospice
des Incurables (1907-1939). Son appellation
rend hommage aux aspects novateurs
de l’œuvre d’un grand aliéniste
du XIXème siècle.
Le Conseil Général du Nord a acquis
l’établissement des hospices civils de
Lille, dans le but d’expérimenter à Lille
et dans sa banlieue immédiate, la politique
de sectorisation psychiatrique,
que la circulaire du 5 mars 1960 vient
d’officialiser. En 1974, le plan départemental
de lutte contre les maladies
mentales, l’alcoolisme et les toxicomanies
confie au CHUT la mission de desservir
à titre définitif, les trois secteurs de
Lille (59G22, 59G23 et 59G24) et, à
titre provisoire, les deux secteurs de
Denain (59G33 et 59G34). Cette mission
a été redéfinie au fur et à mesure
du transfert de la gestion des secteurs
provisoires à Denain, de 1982 à 1996,
et au moment de la création de l’intersecteur
de toxicomanie de Lille
Métropole (59T01), en 1994. Enfin,
en 1998, le CHUT a été fusionné avec
le Centre Hospitalier de Lommelet
(CHL) pour donner naissance à l’Etablissement
Public de Santé de Saint-
André (EPS).
Les murs
A Saint-André, l’hôpital est construit
dans un parc de deux hectares largement
ouvert sur la ville. Au centre, le
bâtiment principal, sur le plan pavillonnaire,
où l’influence du style 1900 n’est
pas étrangère (Dubuisson 1902-1906).
Il a été modernisé dans sa totalité en
1964, et à nouveau, pour partie, en
1987 et 1993-94. A la périphérie s’élèvent
les quatre cliniques, le centre social
et le pavillon de l’administration, sobre
reflet de l’architecture hospitalière des
Trente-Glorieuses (Delrue 1970-1971
et 1981).
Sur les secteurs, à Lille comme à
Denain, le patrimoine immobilier n’a
pas le caractère pérenne et parfois
monumental de l’hôpital. Consultations
médico-psychologiques et accueils thérapeutiques
vont d’un lieu à l’autre, et
les mètres-carrés, loués ou mis à disposition
par les collectivités, ont beaucoup
augmenté.
Le 174 rue de Wazemmes à Lille fait
exception : cet hôtel particulier, datant
de la fin du siècle dernier, sis sur la
seule artère partagée entre les trois secteurs
lillois - tout un symbole - et acquis
par le CHUT, associe désormais le
Centre de Jour des Quatre-Chemins
(1983) et le Centre d’Accueil Permanent
Ilôt-Psy (1992), tous deux intersectoriels.
A Denain, les dispensaires
de la place Baudin, maisons bourgeoises
du début du siècle construites en enfilade,
deviennent la référence majeure
à côté des antennes de Bouchain, Douchy,
Escaudain, Wallers...
A proximité de l’hôpital, l’Institut de
Formation en Soins Infirmiers occupe
un bâtiment construit en 1981. Il
regroupe une école base (1966) et une
école cadre (1984), et porte le nom
de Georges Daumezon, en souvenir
de ce pionnier de la sectorisation psychiatrique.
Les hommes
Le mérite revient aux médecins directeurs,
les docteurs M. Champion et H.
Nicaise d’initier la politique de secteur
et aux directeurs Messieurs J.L. Lesieur,
J.J. Montagne, Madame 0. Didier, Messieurs
E. Svahn, J.M. Toulouse, J.C. Bué
de l’appliquer. Et il ne faut pas sousestimer
le rôle tenu par Madame A.
Dams, cadre administratif, laquelle se
voit souvent confier l’intérim de direction.
De leur côté, les présidents de
Commission Médicale, les Docteurs J.
Boulin, J.P. Provoost, M.H. Leborgne,
M. Cabal, J. Bieder, J. Debiève, assurent
pleinement leurs responsabilités.
Cette politique est régulièrement
approuvée par le Conseil d’Adminis-
SÉMINAIRE DU JEUDI
Rencontres cliniques
Hôpital Esquirol - Secteur 75G1O/11 (Porte 19) - 10h3O
ASSOCIATION E.C.A.R.T. Psy
Enseignement.Création.Analyse.Recherche.Transmission
2007
Thème : Impossible - mais quand même !
« Il y a trois métiers impossibles - Eduquer, Soigner, Gouverner »
Sigmund Freud
18 janvier 2007 : Amaro de Villanova, Psychanalyste à la Société de Psychanalyse
Freudienne et Psychanalyste à la Clinique de La Borde. Interviendra sur le
thème : De l’impossible répit, dans le travail avec un patient schizophrène.
15 février 2007 : Jean-Claude Aguerre, Psychanalyste, Directeur de publication
aux Editions Erès. Interviendra sur le thème : Je dis toujours la vérité, mais
pas toute.
8 mars 2007 : Anne-Marie Picard, Professeur à l’Université américaine, auteur
d’une thèse de doctorat « Le Corps lisant : Lecture, psychanalyse et différence
sexuelle ». Interviendra sur le thème : L’écriture matricide.
26 avril 2007 : Patrice Cannone, Psychologue service d’oncologie CHU La
Timone à Marseille. Interviendra sur le thème : La clinique de l’impossible.
10 mai 2007 : Florence Reznik, Psychologue-Psychanalyste. Interviendra sur le
thème : D’impossible - mais quand même ! à Quand même, l’impossible.
Journée de l’association E.C.A.R.T. Psy à l’hôpital Esquirol sur inscription
8 juin 2007 - Impossible - mais quand même !
Florence Reznik : Fondatrice de l’Association ECART Psy et Responsable du séminaire.
Le programme des séminaires est disponible sur le site www.ecart-psy.org
tration du CHUT, qui est présidé successivement
par Messieurs M.
Deplanck, G. Merheim, A. Valette, J.C.
Dubus. Doit être mentionnée ici l’aide
apportée, dans le cadre de la resocialisation,
par l’Association Ulysse Trélat,
l’Association de santé mentale du
Valenciennois, l’Association de santé
mentale de Lille et l’Association Germinal,
toutes fédérées à la Croix-Marine.
Les effectifs du personnel du CHUT
évoluent favorablement au fil des ans,
même si l’on note un fléchissement
quantitatif, à périmètre comparable, à
partir des années 1980, et un changement
qualitatif à partir des années
1990.
A l’origine, l’hôpital est correctement
doté. Il bénéficie par la suite de l’expansion
économique des années 1970.
Mais les effectifs soignants sont réduits
au début des années 1980 par le glissement
de postes infirmiers et de surveillants
au profit de l’école Daumezon,
puis en 1994 par la transformation
de postes infirmiers en postes d’aide-soignants.
Sur le plan qualitatif, lors de l’ouverture,
le choix d’une équipe pluridisciplinaire
est fait : médecins spécialistes,
infirmiers, assistants sociaux, psychologues,
psychomotriciens, que viennent
aider des vacataires très spécialisés, tels
les psychanalystes. Il est remis en cause
dans les années 1990 avec l’apparition
d’ergothérapeutes, d’aide-soignants,
d’aides médico-psychologiques... Il est
vrai que les changements de statut des
personnels, les contraintes budgétaires,
la réduction du nombre d’intervenants
extérieurs ne permettent plus le maintien
du cadre unique infirmier.
L’administration et le corps médical
vont toujours au devant des revendications
légitimes du personnel soignant,
en particulier de celles des infirmiers,
qui souhaitent une amélioration de leur
formation et de plus grandes responsabilités
dans leur exercice professionnel.
Ils n’ont pas attendu les textes officiels
pour assurer un enseignement de
qualité, se soucier de la formation permanente
et promouvoir les agents ;
quant aux réunions de service et de
pavillons, et aux cahiers d’observation
du malade, ils anticipent dès 1966 les
conseils de service et de soins infirmiers,
et les dossiers de soins infirmiers,
officiels depuis la réforme de 1993.
Les soins
Au CHUT, l’approche du malade est
médico-psycho-sociale. Les soins sont
intimement liés à la prévention et à la
post-cure, surtout dans les secteurs, et
la vie institutionnelle est analysée dans
chaque pavillon de l’hôpital, où la mixité
est de règle depuis 1968. L’ensemble
des soins dispensés augmente et se
diversifie depuis trente ans. Ils connaissent
un fléchissement à l’hôpital et un
développement considérable sur les
secteurs.
A l’hôpital, le nombre de lits d’hospitalisation
temps plein passe de 367 en
1966 à 249 en 1998. Quatre des cinq
services sont restructurés (Denain-Bouchain
et Denain-Wallers 1987, Lille-
Sud 1992, Lille-Est 1994) et l’intersecteur
de toxicomanie existe depuis
1994 (10 lits). L’hospitalisation de jour
peut se faire soit à Saint-André (20
places aujourd’hui dispersées dans les
différents services lillois), soit à Lille
(25 places depuis 1997) ; l’une et
l’autre de ces formules ont atteint leur
rythme de croisière. L’hospitalisation
de nuit, quant à elle, tend à tomber en
désuétude (12 lits). Enfin, des appartements
thérapeutiques et associatifs,
gérés à Saint-André mais situés à Lille
ou dans sa banlieue proche, fonctionnent
depuis 1988 (36 places).
LIVRES ET REVUES
Penser la crise de l’école
Revue du M.A.U.S.S. n°28
La Découverte, 30 €
Nous sommes, bel et bien, confrontés
à une crise grave de la transmission
des connaissances institutionnellement
légitimes. Pour sortir des
querelles particulièrement féroces en
France sur la question de l’Ecole, ce
constat implique d’évaluer la part respective
des facteurs endogènes - spécifiques
au système scolaire - et exogènes
de la crise. Le seul fait de poser
que la crise scolaire est multi-dimensionnelle
à la fois crise des méthodes,
des finalités, du sens, de l’autorité,
du rapport aux publics et aux
emplois, permet une approche plus
sereine et plus juste de la question.
Sans doute faudra-t-il commencer par
s’attaquer à une réforme en profondeur
et radicale de l’université, de
loin le secteur le plus sinistré de tout
le système d’enseignement français.
Il n’en a pas été question dans ce numéro
déjà trop volumineux qui serait
devenu totalement indigeste et
aussi, raison plus troublante et plus
grave, parce que la littérature un peu
structurée et informée sur l’université
est aussi maigre et rare que les
écrits et libelles sur l’école surabondent.
Il faudra donc organiser et,
presque, contribuer à faire naître ce
débat si urgent, que tout le monde
semble s’évertuer à l’éviter.
Faisant la transition entre la discussion
menée ici sur l’école et le débat
à organiser sur l’université, l’article
de Stéphane Beaud montre comment,
dans les premiers cycles universitaires,
ceux qu’il appelle « les enfants
de la démocratisation » sont voués à
un destin d’échec massif si prévisible
qu’on ne leur demande en fait, que
de travailler. Et d’ailleurs, ils travaillent
le plus souvent à côté de leurs études.
Tout se passe comme si on faisait
semblant de leur prodiguer un enseignement
supérieur digne de ce
nom et qu’ils faisaient semblant de
travailler.
Abrégé de psychologie
William James
Traduction de E. Baudin, G.
Bertier, avec une étude de
Emile Boutroux
Préface de Serge Nicolas
L’Harmattan
En 1878, William James (1842-1910)
s’est engagé à écrire un manuel de
psychologie qu’il comptait terminer
en deux ans. L’ouvrage lui a demandé
dix années de plus, et fut tout autre
chose qu’un manuel. La publication
en 1890 des deux volumes des Principes
de psychologie marque une date
importante dans la carrière de James.
C’était, comme on le fit remarquer
alors, une nouvelle « déclaration d’indépendance
», qui établit la réputation
scientifique de son auteur et étendit
son influence. Les proportions des
deux volumes du livre étaient énormes,
et James entreprit, sur la demande
de son éditeur, d’en rédiger un résumé
plus accessible, qui parut aux
Etats-Unis sous le titre de Psychology :
Briefer Course en 1892. En composant
cet abrégé de psychologie, James
a voulu lui donner la forme d’un livre
à mettre entre les mains des élèves.
Il a ainsi écarté tout ce qui a trait à
l’histoire et à l’examen critique des
doctrines, aux discussions métaphysiques
et, en général, tout ce qui ne
présente qu’un intérêt spéculatif.
Est proposée ici une traduction intégrale,
la seule actuellement disponible,
de l’Abrégé de psychologie réalisée
par E. Baudin et G. Bertier. Cette
réédition de cette traduction est précédée
par un texte de James publié
par le philosophe E. Boutroux.
HISTOIRE ■ 17
Guide de l’éducateur de
jeunes enfants
2 e édition
Bruno Le Capitaine
Annick Karpowicz
Dunod
Ce guide identifie le métier d’éducateur
de jeunes enfants, en décrit le
contour, en précise le savoir-faire en
cinq parties.
Un rappel historique met en valeur
les expressions contemporaines de
la profession. Une mise en perspective
de la situation de la profession
est proposée à travers sa formation,
réformée en 2005, et son cadre d’emploi.
Une synthèse à partir des notions
d’accueil et d’accompagnement
éducatif spécifient le positionnement
professionnel avec une approche du
contexte idéologique et institutionnel
de la fonction éducative mais
aussi une présentation actualisée du
cadre réglementaire et institutionnel.
Le multi-accueil tend à devenir la
norme, en réponse à la diversité et
à l’hétérogénéité des demandes des
parents, salariés ou indépendants
aux horaires de travail de plus en
plus atypiques. Dans ce contexte, les
professionnels sont appelés à repenser
leurs pratiques sans rien lâcher
sur l’essentiel.
Les éducateurs de jeunes enfants formés
les prochaines années investiront
un domaine en expansion. Le
nombre de structures d’accueil de la
petite enfance ne cesse d’augmenter,
à l’initiative des collectivités territoriales
comme à celle d’associations
ou de sociétés privées, sans
résorber pour autant l’écart entre
l’offre et la demande, notamment en
milieu rural.
Cultures et développement
cognitif
Numéro thématique coordonné
par Bertrand Troadec
Enfance 2006 n°2
PUF, 22 €
Le nouveau-né est un individu déjà
équipé pour répondre de façon différenciée
à de nombreuses stimulations
de son environnement. Mieux
même, il est capable de faire des
choix, de rechercher certaines stimulations
plus que d’autres, de
« construire » en quelque sorte, ses
interactions. La culture ne serait-elle
plus qu’une affaire individuelle ?
Il n’est que de prendre en compte la
diversité des savoir-faire, des expressions
artistiques, des préférences
cognitives selon les pays, pour comprendre
qu’un processus de « sculpture
de l’esprit » s’interpose entre le
petit en développement et les possibilités
d’expérience que lui offre l’environnement.
De cette sculpture de l’esprit, il est
question, tout au long du numéro
thématique coordonné par Bertrand
Troadec, qui montre la relation entre
culture et développement cognitif,
rassemble des grands noms de la
psychologie comme Jérôme Bruner
et Patricia Greenfield, et donne à de
nombreux auteurs reconnus l’occasion
de présenter des études collaboratives
comparant le développement
cognitif dans diverses cultures
rurales et urbaines à la Réunion, en
Côte-d’Ivoire, au Sénégal, en Inde...
Ce numéro propose un ensemble
d’informations qui devrait aider à
mieux comprendre l’apport de la culture
dans ce qui fait que notre construction
cognitive n’est pas une aventure
solitaire et sans support. Il se termine
par un hommage à Carol Feldman,
spécialiste de psychologie culturelle,
qui vient de nous quitter.

18
LIVRES
■ HISTOIRE ■ HUMEUR
Adultères
Aldo Naouri
Odile Jacob, 22,90 €
Pédiatre nourri à l’enseignement des
textes bibliques et talmudiques, ainsi
qu’à la psychanalyse (surtout Lacanienne),
Aldo Naouri nous livre ici ses
réflexions à propos des adultères. Au
pluriel parce que les histoires qu’il
rapporte sont nombreuses et variées,
tirées de son expérience de pédiatre
qui, depuis longtemps, s’intéresse
aussi à ce qui fait symptôme chez les
parents, au-delà du symptôme de
l’enfant. Ici donc, les adultères, des
pères ou des mères.
On lui sait gré de laisser de côté les
raisons apparentes souvent mises en
avant (les différentes formes de
mésententes ou d’insatisfactions
sexuelles). Mais on sera, sans doute,
un peu déçu de l’interprétation assez
univoque qu’il en donne, aussi bien
chez l’homme que chez la femme, et
pour des situations apparemment
très différentes les unes des autres.
Pour lui en effet, dans les deux sexes,
l’ombre de la mère est toujours présente.
Chez l’homme, « la rencontre
avec le corps d’une femme, -quel que
soit son rang, met toujours cette femme
en rang deux, le rang un étant à jamais
occupé par sa mère (...). Ce qui
ne signifie pas (...) que l’accès à une
femme ait été totalement interdit par
la plupart de ces mères à leur fils. Mais
un tel accès ne devrait en aucun cas
autoriser ces fils à installer durablement
une telle femme dans leur vie ».
Chez la femme adultère, « la demande
apparente s’adresse bien à un homme,
et même à deux, mais elle sert aussi à
se défendre de l’homosexualité inscrite
dans l’histoire de la petite fille (...). La
demande hétérosexuelle continue à
couvrir la demande homosexuelle
inassouvissable ».
Ce schéma est probablement souvent
un jeu, mais résume-t-il pour autant
toutes les notions inconscientes
qui sous-tendent telle ou telle conduite
adultère ?
Il n’empêche que ce livre mérite d’être
lu, pour la saveur de son écriture et
la variété des situations parfois étonnantes
qu’il décrit.
M. Goutal
Jules Verne et la psyché
Luc-Christophe Guillerm
L’Harmattan, 17 €
L.-Ch. Guillerm étudie la personnalité
et les troubles psychopathologiques
de certains personnages de Jules
Verne, comme s’ils l’avaient consulté.
Si Jules Verne fut visionnaire sur bien
des thèmes, il est tout à fait étonnant
de constater la pertinence de ses descriptions
psychopathologiques. Si le
thème de la folie dans son œuvre est
régulièrement étudié, Jules Verne décrivit
avec ses personnages bien plus.
Son œuvre est en fait une extraordinaire
galerie de portraits psychologiques
et psychopathologiques, des
hommes et femmes les plus valeureux
aux plus perturbés des héros délirants,
en passant par des anxieux,
maniaques, déprimés et névrotiques.
On retrouve par contre assez peu de
conduites addictives avérées, troubles
où l’individu est dépendant d’une
substance (alcool, toxique) ou d’un
comportement (anorexie, boulimie,
jeu pathologique...).
Jules Verne n’émit pas d’hypothèses
sur l’explication des phénomènes psychologiques,
à une époque il est vrai
où l’on découvre tout juste l’inconscient
au travers des travaux de Freud
et où la description des maladies mentales
est purement sémiologique et
médicale.
Pour Denain, les services hospitaliers
ont été rapidement individualisés : service
double de Denain- Douchy-Trith
(1973), services jumelés de Denain-
Bouchain et Denain-Wallers (1977),
hôpital de jour Le Duquesnoy à
Denain (1984), service des Quinze lits
à l’hôpital de Denain (1987). S’inscrivent
ici un regret et une joie : le grand
regret que le nouvel hôpital de la Belle-
Vue, et ses deux services de psychiatrie,
ne soient pas sortis de terre. La joie
que la totalité des lits et la totalité des
malades soient enfin transférés du
CHUT vers l’actuel hôpital de Denain
dans les prochains mois. Au total, l’équipement
comporte 50 lits d’hospitalisation
temps plein, 20 lits d’hospitalisation
de jour, 14 places d’appartements associatifs.
Il faut mentionner que le CHUT
doit faire face, à trois reprises, à des
charges hospitalières exceptionnelles :
transfert de malades venant de l’hôpital
psychiatrique d’Armentières, alors
que le taux d’occupation baisse au
point de mettre en péril les finances
de l’établissement, dans les années
1970 ; internement (!) d’handicapés
profonds originaires du département
du Nord, vivant en Belgique depuis
leur plus tendre enfance, qui, devenus
adultes, se voient refuser la prolongation
de leur séjour à l’étranger, à la fin
des années 1980 ; prise en charge des
« Sans Domicile Fixe » dont le nombre
augmente au fur et à mesure que Lille
prend le visage d’une métropole et que
la crise économique s’aggrave, dans les
années 1990...
L’activité ambulatoire est depuis toujours
un des points forts du CHUT et
ceci fait sa réputation ; la réunion des
budgets hospitaliers et sectoriels en
1986 n’a été ici que de pure forme.
Consultations et visites à domicile
datent de la création de l’établissement.
Les interventions dans les hôpitaux
généraux, hospices, maisons de retraite
et autres établissements sanitaires et
sociaux sont presque aussi précoces.
Les Centres d’Accueil Thérapeutique à
Temps Partiel naissent officiellement
en 1986. La première maison communautaire
est inaugurée en 1990.
Enfin, le Centre d’Accueil Permanent
de Lille ouvre en 1992 (CAP Ilôt-Psy).
L’intersecteur de toxicomanie dispose,
lui, de 25 places « méthadone » depuis
1997. Par ailleurs, depuis 25 ans, les
activités denaisiennes se développent à
un rythme aussi soutenu qu’à Lille.
Au-delà de ce double constat, fléchissement
des prestations à l’hôpital, développement
sur les secteurs, on précisera
que les responsables du CHUT
optent dès 1970 pour l’intersectorialité
(hôpital de jour 1970, départementalisation
du Denaisis 1985, appartements
thérapeutiques 1988, Centre
d’Accueil Thérapeutique a Temps Partiel
1992, les Lilas -unité pour polyhandicapés
1994). Ils tendent actuellement
à l’élargir (tentative d’extension
du CAP en 1993, intersecteur de toxicomanie
1994, réseau Diogène pour
les malades en situation de précarité,
auquel participent également le Centre
Hospitalier Régional Universitaire et
l’Etablissement de Santé Mentale Lille
Métropole 1998...). Nul doute que la
fusion avec le Centre Hospitalier de
Lommelet voisin, également situé à
Saint-André, et qui dessert les quatre
secteurs de Roubaix et un demi-secteur
du Pas-de-Calais permette de
confirmer cette pratique moderne de la
psychiatrie. Cette même intersectorialité
se retrouve dans le Denaisis, où
l’individualisation précoce des services
hospitaliers et une parfaite connaissance
du terrain ont permis une
implantation remarquable des équipes,
exceptionnelle pour la région Nord-
Pas-de-Calais.
En résumé, évoquer le CHUT, c’est
ressortir un cliché et ouvrir une page
d’histoire.
Le cliché sera emprunté à l’écrivain J.
Berroyer : « Le Centre de Soins et d’Hygiène
Mentale, cet hôpital assez coquet
d’apparence, avec une large cour inté-
rieure, des arbres et de la pelouse, un
grand bâtiment en U comprenant huit
unités qui abritent chacune une trentaine
de personnes ».
Quant à l’histoire, le temps en jugera.
Mais, dès à présent, on peut écrire que
si le CHUT a pâti de certaines rigueurs
administratives et contraintes budgétaires,
sa chance a été d’avoir été fondé
par des médecins missionnaires de la
sectorisation, soutenus par des gestionnaires
compréhensifs et des équipes
ouvertes à tous les courants de la psychiatrie.
Post-scriptum
En 2000, le CHUT et le Centre Hospitalier
de Lommelet (CHL) deviennent
ensemble l’Etablissement Public
de Santé Mentale de l’Agglomération
Lilloise (EPSMAL). Très vite, les responsables
du nouvel établissement,
Monsieur J. Noël, directeur et le docteur
J.Y. Alexandre, président de CME,
favorisent le pôle roubaisien, avec l’aval
de l’Agence Régionale de l’Hospitalisation
(ARH) : ouverture en 2006 de la
Clinique du Nouveau-Monde et de
l’hôpital Lucien Bonnafé à Roubaix,
orientation prioritaire des malades originaires
de Roubaix et du Pas-de-Calais
« L’ours polaire et la baleine, dit-on, ne
peuvent se faire la guerre, car, étant
chacun confiné dans son propre élément,
ils ne peuvent se rencontrer. Il
m’est tout aussi impossible de discuter
avec les chercheurs qui, au domaine
de la psychologie ou des névroses,
ne reconnaissent pas les postulats de la
psychanalyse et tiennent ses résultats
pour des inventions de toutes pièces ».
S. Freud (Extrait de l’histoire d’une
névrose infantile, 1914-15)
C’est respectueusement, bien qu’un
tant soit peu amusé, que j’ai lu l’opinion
de Monsieur Yves Ferroul parue
dans le journal Le Monde de mardi
19 dernier. Non, les psychanalystes
n’ont pas peur de la confrontation
scientifique. Ils se confrontent scientifiquement
depuis le premier
congrès de psychanalyse à Salzburg
en 1908. Et c’est sans peur, comme
il était de ses habitudes, que Freud
était allé parler de psychanalyse à la
Clark University en 1909. Le problème
– puisque problème il y a – se
situe donc ailleurs. Les psychanalystes
ne veulent pas être alliés des
gens qui veulent le bien des patients
(Que Dieu nous en garde !). Cela
signifie-t-il qu’ils leur veulent du mal ?
Evidemment non. La psychanalyse
est, à un moment, thérapeutique, au
sens médical du terme. Le psychanalyste
peut tout à fait assurer cette
démarche, il a la formation et la compétence
pour cela. Et c’est justement
cette compétence qui lui a appris à
être modéré et prudent face à la
demande de suppression de la souffrance,
ce qui n’est pas en faire peu
de cas. Les malades et les patients
ont le droit de demander la guérison,
mais il est très délicat de
répondre à cette demande sans
prendre en considération les enjeux
de celle-ci. Les psychanalystes ne se
dérobent pas de leur responsabilité.
Bien au contraire. Ils travaillent énormément.
Ils sont à leurs consultations
du matin au soir à rencontrer
des malades, des patients et des psychanalysants
avec les plaintes, les
demandes, les désirs les plus variés et
féconds. Tout cela exige un tri et
d’être dirigé vers une voie possible de
vie ; il en est de la responsabilité clinique
du psychanalyste. Comment,
lorsqu’on est comportementaliste,
vers le Département de PsychoRéhabilitation
(DPR, issu de l’unité des
« polyhandicapés » du CHUT et des
travaux du docteur M. Breton), prise
en charge par les seuls secteurs lillois du
CAP, qui dessert toute l’agglomération,
investissements reportés ou annulés
(maison communautaire, CMP du secteur
59G23..).
Au CHUT, en 2002, les secteurs
jumeaux de Villeneuve-d’Ascq 59G11
et de toxicomanie T02 s’installent dans
les locaux libérés par les secteurs denaisiens,
tandis que la clinique Jean-Varlet
de Villeneuve d’Ascq, d’une capacité
de 24 lits, s’ouvre à tous les malades
anxio-dépressifs de Lille et des environs.
Mais la dangerosité des bâtiments
en peigne de la cour d’honneur - par
risque de propagation d’incendie -, révélée
par la commission d’accréditation,
oblige à un transfert - en cours - de
trois des six services à Lommelet, là
où était antérieurement hospitalisé Roubaix.
A l’aube du XXI ème siècle, l’espoir
renaît, à la croisée de trois principes
fondamentaux que sont une
intersectorialité élargie (secteurs 59G22,
59G23, 59G24 et 59G11), un adossement
à l’hôpital général et une
implantation des services hospitaliers
à Lille même. Si les volontés politiques
demander à comparer sa clinique à
celle d’un psychanalyste ? Elles sont
incomparables. Des personnes viennent
à notre consultation depuis des
années. Et, depuis, par effet de cette
relation singulière avec le psychanalyste,
elles tombent moins malades organiquement,
ont trouvé un travail, voire
un amour. Surtout, elles ne sont pas
passées à l’acte ultime. Bien sûr, il y a
toujours un quelqu’un qui, alors qu’il
rencontrait un psychanalyste, s’est suicidé.
Et qui, auparavant, avait rencontré
un comportementaliste, et encore
avant était allé consulter son médecin
traitant et ainsi de suite. La faute au
psychanalyste ? Au comportementaliste
? Au généraliste ? Pas forcément. Il
y a des gens qui ne sont pas aptes pour
la vie. Et vouloir leur bien n’est pas la
voie thérapeutique la mieux indiquée.
Reconnaître la présence du désir et
opérer dans ce registre semble être une
voie possible. C’est celle choisie par la
psychanalyse. Elle opère dans un
champ d’une particularité étonnante.
Nous savons que les disciplines scientifiques
– telles la physique ou la biologie
– ont des objets bien définis. Celui
de la psychanalyse c’est le désir dont la
particularité est qu’il se représente par
le manque. C’est le manque qui met en
route la dynamique pour que tout un
chacun puisse se lever le matin et
vaquer à ses activités journalières. La vie
a cette dimension de répétition,
presque d’ennui. Depuis la nuit des
temps les êtres se sont réfugiés dans
l’aliénation (soit obsédante, soit délirante),
dans la drogue, dans l’alcool.
Face à ces destinées, les psychanalystes
essayent de construire, d’inventer, de
bricoler (dans cet ordre-là), des voies
possibles pour que l’être puisse être
parmi nous. Les psychanalystes n’y parviennent
pas toujours, certes. Et alors,
les comportementalistes eux, y arrivent-ils
toujours ? Les psychanalystes
sont évalués tout le temps, partout, par
leurs patients tout d’abord, puis par
eux-mêmes et leur entourage, par la
société civile enfin et ils s’y prêtent toujours
volontiers. Mais pas n’importe
comment. Qui vient remplir les salles
d’attente des psychanalystes, qui ne
désemplissent pas d’ailleurs ? Ce ne
sont pas des cobayes, ce sont des personnes
qui travaillent et payent leurs
impôts. Depuis ses débuts la psychanalyse
travaille avec des êtres humains.
Comment croire à cette idée qu’on
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
soutiennent le projet formulé par les
équipes psychiatriques et si les crédits
le permettent, les prochaines années
verront l’ouverture d’un Centre d’Accueil
et d’Admission de 24 lits situé
dans l’enceinte de l’hôpital Saint-Vincent
de Paul, qui participe au service
public et qui est bâti selon la formule
de l’hôpital-rue (C2A, par association
du CAP et des urgences de ce dernier
établissement). L’implantation de 120
lits de psychiatrie et de toxicomanie
en ville, probablement dans le sud-est
de Lille, suivra rapidement (1).
L’avenir ? Le CHUT sera mort, Lommelet
se concentrera sur le médicosocial,
DPR et Maison d’Accueil Spécialisé.
Et, surtout Lille sera à Lille. ■
Michel Cabal
Secteur 59G23, Lille Sud
(1) Concernant la restructuration de la psychiatrie
dans la métropole lilloise, différents
scénarios ont été avancés où, chaque fois,
le Centre Hospitalier Régional Universitaire
(C.H.R.U.) joue un rôle important. Ce
qui est présenté ici, pour Lille même, a le
triple avantage de respecter l’unité territoriale
de la commune, de reposer sur un
projet médical ambitieux et cohérent et
d’aller, comme une force tranquille, dans le
sens de l’histoire.
■ HUMEUR
Même pas peur !
Réponse à la question
« Les psychanalystes auraient-ils peur de la confrontation scientifique ? »
puisse calquer les résultats de la lecture
du comportement animal sur
le comportement humain ? Une telle
transposition ne me choque pas
outre mesure car il existe, il est vrai,
des personnes qui ont besoin de
cette identification vétérinaire. Pour
se distinguer du champ de la neurologie,
Freud met en évidence un
appareil psychique où nous pouvons
trouver des instances en conflit entre
elles. Jusqu’à présent, aucune discipline
n’a pu prouver que le surmoi,
le moi et le ça n’existaient pas, pourquoi
alors exiger des psychanalystes
qu’ils abandonnent une théorie qu’ils
vérifient au quotidien ? Les patients
et les psychanalysants apportent
chaque jour dans nos consultations
leurs relations complexes, difficiles,
insupportables avec leur monde psychique.
Leur chance est de vivre à un
moment de l’humanité où cela est
traité dans un cadre civil, discrètement
et non en étant brûlé pour sorcellerie
ou en moisissant dans des
asiles, comme ce fut le cas pour
Camille Claudel. Les psychanalystes
responsabilisent les êtres et les poussent
à quitter les positions de
malades pour devenir patients, pour
devenir psychanalysants, pour devenir
sujets, dans cette logique-là. Les
psychanalystes ne nourrissent pas
chez leur patients ces fantasmes
d’être toujours portés par l’autre
(l’autre familial, l’autre social). Dans
une psychanalyse on paye de sa
poche pour ne pas payer avec sa
peau. La science a beaucoup à
apprendre de la psychanalyse – psychanalyse,
ici, est l’autre nom de l’inconscient
– et les psychanalystes ont
aussi beaucoup à apprendre des
autres sciences. Pour conclure, voici
quelques mots de Freud empruntés
au même texte que l’exergue : « Il
me semble par suite incomparablement
plus indiqué de combattre des
conceptions divergentes en les expérimentant
sur des cas et des problèmes
particuliers ». Non, décidément, les
psychanalystes n’ont pas peur de la
confrontation scientifique ! ■
Fernando de Amorim*
* Directeur du service d’écoute téléphonique
d’urgence et de la consultation publique de
psychanalyse du Réseau pour la psychanalyse
à l’hôpital.

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?
Qu’est-ce que Je ?
La raison : La conscience, c’est-à-dire
l’infime portion du soi qui se sait, (ou,
autre définition, le Je qui dit Je), peut
être considérée, dans une première
approximation, comme l’effet de l’agencement
du corps et plus particulièrement
du cerveau, (plus précisément,
comme l’effet d’un module de gestion
du corps parmi d’autres, remarquable
en ce sens que, d’une part il gère des
données venant d’une grande partie
du cortex cérébral, d’autre part il se
distingue des autres modules en gérant
les représentations et notamment le
langage), ainsi que comme la cause du
fonctionnement volontaire, moteur et
psychique, et enfin comme le témoin
du fonctionnement volontaire et d’une
part du fonctionnement involontaire
moteur et psychique.
Le Je : Mais qui suis-je ? Qui est Je ?
Qu’est-ce que Je ? Est-il réellement
cause ?
La raison : Un stimulus interne ou
externe entraînera (selon les mécanismes
biologique propre à l’organisme,
dans sa dimension structurelle de
base, et dans sa dimension d’acquis,
c’est-à-dire, par exemple pour le cerveau,
par l’existence de – ou la facilitation
à mobiliser – certaines chaînes
neuronale ; ces mécanismes biologiques
dépendent des mécanismes chimiques,
qui dépendent eux-mêmes des quatre
forces physiques élémentaires) des
modifications corporelles, qui, par réaction,
en entraîneront d’autres.
Quand la modification corporelle
initiale concerne le module de la
conscience, les modifications corporelles
de réaction se feront, selon la
modification initiale, soit uniquement
au niveau de la conscience (et se traduiront
par une représentation seule),
soit aussi à d’autres niveaux (et se traduiront
par une représentation et, soit
un effet corporel involontaire, soit un
mouvement volontaire). Une modification
corporelle de réaction sera, une
fois réalisée, dans la situation fonctionnelle
d’une modification initiale
(c'est-à-dire d’un stimulus interne), et
provoquera, associée plus ou moins à
d’autres stimuli internes ou externes,
des modifications corporelles de réaction,
qui eux-mêmes en entraîneront
d’autres, et ainsi de suite sans interruption
jusqu’à la mort (le sommeil
n’étant qu’un état particulier où la proportion
des stimuli internes devient
quasi exclusive par rapport à celle des
stimuli externes), la succession des
modifications constituant, pour les
zones motrices, des gestes, et pour le
module gérant la conscience, des représentations,
(et, dans leurs formes plus
structurées, des pensées).
Rien ne permet de penser qu’une
modification corporelle initiale au
45 €*
pour un an
75 €*
pour 2 ans
Tarif
étudiant et internes
30 €*
*supplément étranger
et DOM/TOM =30 €/an
Dialogue de la
définition minimale
Qui suis-je ? Qui est Je ?
niveau du module gérant la conscience
puisse avoir lieu de façon indépendante,
sans être une des conséquences
de modifications antérieures. Aucune
représentation ne peut donc apparaître
spontanément. Le Je est prisonnier
d’une inéluctable chaîne causale. La
sensation de relative liberté intérieure
que partage tous les individus, et qui fait
que la notion d’identité a un sens, est
une inconscience presque totale de la
chaîne causale responsable de la
conscience. La distinction entre volontaire
et involontaire n’a de sens que
dans le prisme étroit de la subjectivité,
individuelle et collective. Toutes les fois
où le Je se trouve être cause, il est en
réalité l’effet de la conjonction, à cet
instant, de l’état du corps (et notamment
du réseau neuronal qui gère la
conscience), de l’environnement, et des
mécanismes biologiques propres à ce
corps.
Bien entendu, dans une chaîne causale,
tout effet est aussi cause de ou des
effets suivants. Mais la conscience, qui
est la continuité de l’être, ne peut être
définie par tronçon. La conscience n’est
aucunement ni effet ni cause en tant
qu’ils sont des instants de la conscience,
elle n’est pas les maillons de cette
chaîne, mais la chaîne dans son entier,
ou plutôt un des effets de cette chaîne
dans son entier.
La définition de l’individu, sur le plan
existentiel, est d’être cause de soi, et
cause en soi, mais, sur un plan plus
absolu, l’individu perd sa définition
pour ne plus être que l’effet d’une cascade
intouchable, dont il n’est qu’un
témoin particulier. Qu’un témoin éberlué.
Le Je : Alors je ne suis que ça, qu’une
vache qui regarde passer le train de soimême
?
Mais qui suis-je ? Qui est Je ?
Qu’est-ce que Je ? Et s’il n’est pas cause,
est-il au moins réellement témoin ?
La raison : Le problème est que la
vache est enfermée dans le train de
soi-même, dans le wagon de tête, et
qu’elle ne dispose que d’une ouverture
pour voir les autres wagons, et d’une
fenêtre pour voir l’extérieur, d’où elle
distingue d’autres trains, mais de loin, et
qui passent, chacun recelant invisible
une vache, et qui ne suffisent pas à lui
permettre de comprendre son propre
train.
Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?
Qu’est-ce que Je ? Qu’un témoin presque
Nom :
Prénom :
Adresse :
aveugle ?
La raison : L’organisation est de l’information
; la conscience, conséquence
d’une partie de l’organisation hypercomplexe
du cerveau, est, par le fait
que cette organisation soit en constante
recombinaison, de l’information
dynamique.
Qui est le témoin intérieur de cette
information ? On peut commencer par
dire que le témoin intérieur est l’effet
d’un niveau d’information différent,
plus intégratif. Et…
Non ! Je ne peux pas !… Ecoute, avant
de poursuivre, il faut que je t’avoue
quelque chose. Je triche depuis le
début, par facilité. Chaque fois que j’ai
employé le mot effet, je t’ai menti. Tu
n’es pas l’effet d’une partie d’un enchaînement
causal, tu es une partie de cet
enchaînement. Tu n’es pas l’effet d’un
niveau d’information plus intégratif, tu
es cette information. J’ai triché aussi
pour te ménager, pour te laisser encore
un peu croire, comme peut l’impliquer
le mot effet, que tu es une production,
donc une singularité. Mais,
pauvre Je, tu ne l’es pas. Tu es de l’information,
ni un support d’information,
ni une entité témoignant de cette
information.
Tu te sens témoin parce que tu es de
l’information située à un haut niveau
intégratif, c’est-à-dire de l’information
élaborée à partir de multiples informations.
(Le module gérant la conscience
est un module de traitement d’information,
c’est-à-dire une organisation
fonctionnelle syntaxique dont la propriété
émergente est le sémantique,
toi).
Mais pour témoigner il te faudrait être
à côté ou au-dessus de ces informations,
toi tu es fait de ça. Tu es cette
information, irrémédiablement tu l’es, et
tu n’es que ça ; tu ne peux en être le
témoin. Un œil ne s’est jamais vu luimême.
Ou seulement son reflet. N’astu
jamais constaté que chaque fois que
tu te hasardes à te concevoir, tu dois
tenter une extraction de toi-même, et,
comme inévitablement tu t’emportes
avec toi, fatalement lié à toi-même, la
réponse que tu ramènes n’est rien
d’autre que ton reflet, le son creux du
mot Je ? Et quand tu crois te cerner,
fatalement celui qui te cerne c’est encore
toi, et tu t’aperçois être encore au
dehors de ta définition. Tu es la tentative
incessante d’être le témoin de toimême,
et tu es ce qui indéfiniment
repousse le témoignage ; tu es la fuite
en avant de toi-même.
Je m’abonne pour : 1 an 2 ans
DIALOGUE DE LA DÉFINITION MINIMALE ■ 19
Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?
Qu’est-ce que Je ? Ni effet, ni témoin,
ni cause, est-il au moins réellement de
l’information ?
La raison : De l’information dynamique.
Ce qui ne veut rien dire. Là
encore je t’ai menti. Je t’ai menti pour
étager ta progression dans les plaines
arides de la lucidité. Pour adoucir la
vérité. Mais on y est. Voici la dernière
étape.
L’information a comme caractéristique
d’être stable, même pour une fraction
infime de temps. Elle est sens, et elle est
durée. Ce qui n’est que dynamique ne
peut être de l’information ; il peut en
générer, mais il ne peut en être. Un
flux charrie du sens, mais, en lui-même,
il est abstrait. Constamment en fuite
ou en aspiration, tu traverses le sens
mais ne le fixes pas. Tu es la condition
pour que du sens existe et évolue, mais
tu n’as pas de sens. Tu es une question
qui ne cesse de se poser, une question
insensée et imprononçable, une
question qui roule, et qui donne réalité
à celui qui la pose, mais celui qui la
pose n’est autre que le mouvement de
cette question qui roule. Et cette question
n’est plus la même à chaque instant,
seul demeure le fait qu’elle roule.
Tu n’es pas de l’information, tu es un
mouvement. Tu es, indirectement, le
mouvement de chaque particule de
ton corps, et, directement, le mouvement
de chaque neurone intégré au
module de la conscience. Non, pauvre
Je, ne rêve pas, ne t’accroche pas inutilement,
tu n’es pas leurs matières, tu
n’es pas la résultante de leurs mouvements,
tu es leurs mouvements, juste
leurs mouvements.
Le Je : Qui suis-je ? Qui est Je ?
Qu’est-ce que Je ? Ni effet, ni témoin,
ni cause, ni information, juste mouvement.
Il s’amincit à mesure de raisonnement.
Je le sens presque disparaître.
Je n’est pas une question qui roule, mais
une question qui chute, une chute qui
dure toute la vie, et qui s’écrase sur la
mort.
La raison : Pourquoi ne parles-tu pas
de toi à la première personne ?
Le Je : Pour prendre de la distance. Parce
que j’ai peur. J’ai peur de n’être pas. J’ai
peur de n’être pas avant de n’être plus.
C’est dur d’être un secret pour soi-même.
Je me sens étranger à moi-même, et je ne
sais ni ce que veut dire Je, ni ce que veut
dire moi-même. Mais tu as raison, je
vais assumer mon Je : Je me sens
presque disparaître ; Je suis une question
qui chute. Non, je suis le mouvement
de cette chute, juste ça. Même pas
son vertige, juste son mouvement. J’ai
bien retenu, mais je ne comprends
presque pas ce que je dis. Je suis une
chute qui chute. C’est la formule la plus
proche pour exprimer le peu que je comprenne.
En fait non, une chute qui chute
Bulletin d’abonnement
Le Journal de Nervure + La Revue
CHÈQUE À L’ORDRE DE MAXMED à envoyer avec ce bulletin,
54, boulevard de la Tour Maubourg, 75007 Paris
Téléphone : 01 45 50 23 08
Je souhaite recevoir une facture acquittée justifiant de mon abonnement.
✂
REVUES
Collectifs et singularités
Psychologie clinique n°21
L’Harmattan
La revue Psychologie clinique fête ses
10 ans avec un numéro de grande
ampleur consacré aux liens entre le
singulier et le collectif. C’est l’occasion
pour Olivier Douville de revenir
sur la définition de la psychologie clinique,
qu’il présente comme un maillon
entre la psychanalyse et les pratiques
psychothérapiques non analytiques.
Cette discipline, explique-t-il, se caractérise
par une ambition particulière
: se tenir au plus proche des «variations
symptomatiques liées aux
modifications sociales et culturelles des
contours de l’individualité, de l’identité,
des processus d’affiliation et de
transmission ». Dans ce cadre, plusieurs
auteurs traitent de l’interdépendance
du psychique et du social,
à travers divers exemples : la « psychopathologie
du surendettement »
(Jean-Jacques Rassial), l’impact des
mouvements sociaux sur le fonctionnement
psychique des individus
(Rachel Simbü), les adolescents en
institut de rééducation (Claude Wacjman),
pour n’en citer que quelquesuns.
On retiendra aussi un texte percutant
de Robert Samacher à propos
du poids des gestionnaires et des cognitivo-comportementalistes
dans les
velléités politiques de formalisation
du statut de psychothérapeute. Bref,
un numéro tonique.
M. Jaeger
Diversité des
psychothérapies
psychanalytiques de groupe
L’individu et le groupe II
Revue de psychothérapie
psychanalytique de groupe 2006
n°47
Erès, 25 €
Les articles qui composent ce numéro
montrent l’intérêt des psychothérapies
psychanalytiques de groupe. Leur
pratique n’est pas aisée pour les psychanalystes
qui s’intéressent, sur ce
mode, à la psychopathologie de la
vie quotidienne. C’est pourtant ainsi
qu’on peut les considérer, même si
les dispositifs mis en place imposent
des règles spécifiques et des limites
qui sécurisent la pratique et la rendent
possible pour eux-mêmes et
leurs patients. La scène du groupe
analytique n’est jamais si loin de celle
de la vie. Il ne s’agit pas d’aseptiser
la situation de groupe, les crises peuvent
y naître, s’y développer afin que
chacun puisse en faire l’expérience
avec le gain d’une meilleure connaissance
des enjeux inconscients dans
ses propres alliances et modes de relation
à autrui.
Lorsque l’indication est bien posée,
quel que soit le dispositif et la technique
utilisée dans la pratique, un
processus analytique peut s’engager
pour plusieurs membres du groupe
et favoriser l’activité psychique des
autres patients. La situation de groupe,
par le biais des transferts et de leur
déplacement, des projections, des
identifications selon des modalités
différentes, ouvre la voie aux formations
psychiques à l’œuvre dans
le fonctionnement pathologique des
patients. La mise en jeu des fantasmes
et des représentations dans les liens
qui se créent entre les patients et le
ou les analystes, les résonances aux
affects mobilisés dans ces liens, révèlent
les ancrages de ces formations
inconscientes et les investissements
dont elles sont l’objet. Le travail du
rêve, souvent présent en situation de
groupe, témoigne de l’importance de
la mobilisation psychique des patients
qui peuvent faire le récit de leur rêve
évoqué dans le cours des associations.

20
LIVRES
■ DIALOGUE DE LA DÉFINITION MINIMALE
Ontologie de la différence
Une exploration du champ
épistémologique
Jean Milet
Beauchesne, 23 €
Ce livre propose une analyse critique
des principales formes que revêt l’exercice
de la pensée scientifique et philosophique.
Son sous-titre, Une exploration
du champ épistémologique, explicite
cette recherche historique et thématique.
En examinant les thèses ontologiques
et épistémologiques qui ont présidé
à l’évolution de la pensée - des
Grecs à la physique quantique -, Jean
Milet, en se référant notamment à Leibniz,
Kant, Cournot, Tarde, Bergson et
Deleuze, retrace l’évolution des grandes
formes, catégories et principes qui ont
permis de penser l’Etre. Il montre l’importance
du dépassement du continu,
de l’homogène et du statique par le discontinu,
l’hétérogène et le mouvant, de
l’identité par l’altérité et la différence.
La différence, intrinsèquement marquée
de temporalité, avec sa durée, ses qualités
concrètes, ses différenciations, ses
ruptures et ses « béances », mais aussi
ses rythmes, ses périodicités et ses
constances, donne accès à la richesse
du Monde et, au-delà - au plan métaphysique
ou méta-rationnel -, au mystère
de l’Etre.
La crise
Jackie Pigeaud
Editions Cécile Defaut, 10 €
La notion de crise en médecine est née
d’une conception du corps, de la maladie,
du temps, qui nous est étrangère.
Elle est liée à la médecine hippocratique
et à la Grèce antique. Il faut retourner
à Hippocrate inventeur de la notion qui
va se préciser.
Cela implique de donner à l’Antiquité
une dimension temporelle. On a tendance
à comprimer le temps alors qu’il
faut le distendre. Par exemple, on oublie
qu’entre l’Hippocrate des Epidémies
I-III et Galien, il y a environ sept siècles
et déjà une histoire de la pensée médicale.
La crise fait partie de cette histoire,
et elle continuera de poser problème
jusqu’à des périodes très récentes.
Crise est une métaphore, ce qui est l’opinion
de Galien. Ce terme, selon ce dernier,
a passé du barreau à la médecine,
et signifie proprement jugement. « Le
nom de jugement (crise) dans maladies
vient par métaphore de ce qui se passe
au tribunal, pour signifier le prompt changement
dans la maladie ». Ce court essai
montre comment a joué cette notion
et son importance dans la pensée
des médecins, qu’ils l’acceptent ou qu‘ils
la refusent, jusqu’aux temps modernes.
On perçoit la complexité de l’analyse
historique d’une notion qui nous est
pourtant familière.
La fabrication du psychisme
Pratiques rituelles au carrefour des
sciences humaines et des sciences de
la vie
Sous la direction de Silvia Mancini
La Découverte, 28,50 €
Ce livre rassemble les travaux du colloque
international Ethopoïesis. Les états
modifiés de conscience et les psychotechniques
de transformation du soi, tenu
à l’université de Lausanne en juin 2005.
Ethnologues (M.-C. Latry, Ch. Bergé), historiens
des religions (S. Mancini, A. Faivre),
orientalistes (J. Bronkhorst, J.-F. Billeter),
psychologues (P.-Y. Brandt), psychothérapeutes
(T. Melchior), n’ont pas seulement
interrogé les rites dans le contexte
des institutions magico-religieuses. Ils
ont remis en perspective d’autres formes
d’ortho-pratiques qui reposent sur un
« technicisme » interne spécifique : exercices
psycho-corporels ressortissant
aux traditions mystiques et/ou ésotériques
occidentales ; techniques orientales
de discipline psychique et corporelle
; régimes rhétoriques codifiés
qui, en raison de leur efficacité performative,
sont censés produire de profondes
modifications sur le plan existentiel
et psychosomatique.
Les rites ou les orthopratiques, dès lors
qu’ils poursuivent des buts explicitement
correctifs et transformationnels,
et agissent dans le cadre magico-religieux,
thérapeutique ou pédagogique,
sont dotés d’une efficacité factuelle et
d’un pouvoir actif.
Discours, institutions et pratiques émanant
de la culture scientifique officielle
sont soumis à un régime de fonctionnement
analogue ; ils semblent agir
comme autant de « dispositifs techniques
» de production d’une réalité
dont ils prétendent dégager les fon-
qui elle-même chute qui elle-même
chute etc.… à l’infini…
Non, voilà ce qui me définit le mieux :
Je suis un manque au fond de Je. Je
suis un abîme où chute Je.
C’est absurde. Je crois presque me saisir,
presque comprendre, et puis, à
l’instant où je le formule, tout s’échappe.
La raison : J’aimerai t’aider. Peutêtre
dans l’avenir réussirai-je à plus
t’apporter. Mais peut-être que non.
Suis-je condamné, par le simple fait
que tu es ce que tu es, à ne jamais
savoir qui tu es, et donc qui je suis ?
Je pense beaucoup à toi. En réalité tu
m’obsèdes, sans toi je ne suis rien et
je le sais. Je veux te comprendre,
pour me comprendre, et comprendre
le réel. Et parce que tu me
le demandes. Les différents mensonges
que je t’ai fait, je me les suis
fait aussi, parce que la lucidité est
trop dure, et la folie trop proche. Je
les ai fait aussi parce que, sans le
savoir, tu me l’as demandé.
J’ai conçu de nombreuses hypothèses
sur ce que tu es. Je t’ai imaginé sous
toutes les formes. Parfois, quand je
ne supportais plus ce trop lourd mystère,
quand je voulais m’enfuir à tout
prix dans une solution, n’importe
laquelle, je t’imaginais comme une
entité immatérielle, autre, de laquelle
on ne peut rien dire, mais dont la
certitude est en elle-même l’explication,
et dont le frémissement seul
tient lieu d’effet, de témoin, et de
cause.
Avant de comprendre que tu es ni
effet ni cause, j’ai inventé un moyen
de te concevoir effet et cause à la
fois. Veux-tu l’entendre ?
Le Je : Tout ce qui peut me rappeler
les anciens attributs auxquels je croyais
me fait du bien…
La raison : Si on te conceptualise
d’un point de vue plus global, tu es
un des effets de la structure d’ensemble
du corps, (suivant la topologie
de l’abstraction qu’on en fait, tu
peux être vue comme le point central
dynamique et adaptatif de l’entier
du soi, ou le sens enveloppant l’entier
du soi ), et, en tant que tel, une
cause au fonctionnement des éléments
de cet ensemble, car toute
forme d’ensemble est une cause à
la dynamique de ses parties.
Le Je : Intéressant. Mais je t’avoue
n’y trouver finalement aucun réconfort.
La raison : Moi non plus.
Je t’ai parlé tout à l’heure de la dernière
étape. C’était mon dernier
mensonge. Il n’y a pas de dernière
étape. Premièrement je ne suis sûr de
rien dans ce que je t’ai dit, deuxièmement
ça ne constitue pas une
explication. Dire que tu es un mouvement
ne veut, au fond, pas dire
dements par des opérations critiques.
Les contributions de I. Stengers (philosophe),
B. Méheust (sociologue des
sciences), Ph. Pignarre (éditeur, historien
et sociologue des pratiques pharmaceutiques),
M. Varvoglis (parapsychologue),
éclairent cette dynamique
et ses « effets de boucle ».
Ainsi, tant les « orthopratiques » institutionnels,
sur le plan existentiel que
les pratiques émanant de nos systèmes
tendent vers des objectifs transformationnels
et opératoires.
Alors que les unes opèrent dans un
cadre magico-religieux, thérapeutique
ou pédagogique, les autres se situent
dans le contexte de la modernité.
Mais elles se rejoignent en une dynamique
dont les contributions éclairent
la nature et l’homme aux niveaux organique,
psychique et historico-social.
Ce qui revient à l’interrogation philosophique
qui porte sur la notion même
de « réalité ».
grand-chose. Je rêve de cohérence,
de solidité, et plus j’avance en toi,
plus l’incomplétude de mon système
me semble flagrant, plus je
m’embourbe dans l’évanescent.
Le Je : Et pourtant, pour moi, c’est toi
ma solidité. Même si ce que tu dis,
parfois, me fragilise, me fait descendre
de mes rêves de grandeur, comme
quand, au cours de l’Histoire, tu m’as
montré que ma planète n’est pas le
centre de l’univers, ou que mon espèce
n’est pas le centre du vivant, et que
tu remets ça en me montrant que moi,
le Je, je ne suis pas le centre de l’être,
mais une fonction parmi d’autres, tu
restes, toi ma raison, l’axe qui m’a
mené le plus loin.
Maintenant pardonne moi, mais je
suis épuisé. Je vais te demander de
momentanément t’éclipser (même si
on sait tous les deux que ce que je te
demande est ce que la Causalité te
demande à travers moi, et que ton
obéissance sera ce que la Causalité
fera à travers toi). J’ai besoin d’autre
chose, de poésie peut-être. En fait non,
pas de poésie, je sais combien tu es
proche du langage. Je crois que je ne
veux rien. Peut-être simplement dormir,
me tourner de l’autre côté de moi,
du côté qui sait s’abandonner, qui se
satisfait de n’être que de l’involontaire.
La raison : Je ferais selon ta volonté.
Je vais m’éclipser. Pour aller où ?
Dans la boite noire de l’attente de
ressurgir. Si je pouvais m’éloigner de
toi sans disparaître, si nous n’étions
pas irrémédiablement liés l’un à
l’autre, je pourrais cerner ton mystère,
du moins je le crois. C’est dur
de partir. Je pars, et ton mystère toujours
demeure. Et mon mystère avec.
Mais c’est peut-être le mystère qui
palpite au fond de toi qui est ce qui
te pousse, ce qui fait rouler la question
de ton être, et qui crée le mouvement,
le fameux mouvement qui,
dans ma pensée qui n’est qu’un rêve
de logique, et presque la logique du
rêve, te définit. Tu es le point de vue
intérieur d’un processus matériel qui
n’est par définition qu’extériorité ;
tu es un paradoxe. Et si tu n’étais
que la résultante de l’impossibilité
de te connaître ?… Et si, étant le
fruit de ton être, tous les mensonges
que je t’ai dis n’étaient là que pour
nous révéler le mensonge structurel
de ton être ?... Mais je délire. Je m’en
vais.
Le Je : Peut être ne suis-je rien d’autre
que le rêve de moi. Mais si je rêve,
c’est que je suis…
…
Mais qui suis-je ? Qui est Je ?...
…
Suis-je ?... ■
Stephane Chemla
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007

22 ■ ANNONCES PROFESSIONNELLES
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
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ces personnes dans le milieu social, scolaire, culturel et professionnel, en les
accompagnant de la nécessaire dimension de soins. Notre souci permanent
d’adaptation induit la reconnaissance de la diversité des pratiques et des
modes de prises en charge ainsi que la promotion des approches plurielles.
C’est pourquoi, nous privilégions les structures adaptatives, pluri-professionnelles,
souples, réduites et mobiles, organisées autour de la personne.
Si ce projet associatif vous intéresse et si vous aimez travailler en équipe,
nous recrutons des :
Médecins Psychiatres h/f Réf. MP/NV
Pédopsychiatres h/f Réf. PP/NV
Pédiatres h/f Réf. PE/NV
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à pourvoir dans les Bouches du Rhône et le Vaucluse
Vous travaillez dans l’ensemble de nos structures et assurez la prise en charge
individuelle des enfants ou adultes et de leur famille.
Vous soutenez et participez aux réflexions des équipes pluridisciplinaires,
notamment autour de la construction et la mise en œuvre des projets
individuels.
Adressez-nous votre dossier de candidature,
en précisant le type d’établissement, le lieu et le
temps de travail recherchés à : Yolande OBADIA
Directeur Général - 26 rue Saint Sébastien
13006 MARSEILLE
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05 56 92 72 36 ou 05 56 06 34 45
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Monsieur le docteur Ph. BOUNIOL, Médecin Chef, tél. 03 81 37 71 20
Envoyer lettre + cv + photo à AHFC - Direction des Affaires Médicales
CHS de Saint Rémy et Nord Franche-Comté, 70160 Saint Rémy.
Tél. 03 84 97 24 14 Fax 03 84 68 25 09
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Pour tout renseignement s’adresser à :
Monsieur le Docteur DELVIGNE
Chef de Service de Psychiatrie III
Tél. : 02 40 84 63 15
Monsieur le Docteur BELONCLE
Directeur du Pôle Psychiatrie
Tél. : 02 40 84 61 52
***
Adresser CV et candidature à :
Monsieur le Directeur des Affaires Médicales
Centre Hospitalier Universitaire de Nantes
Immeuble Deurbroucq - 5, allée de l’Ile Gloriette
44093 Nantes Cedex 01
Secteur 16 de Psychiatrie Adulte
Recrute
PH temps plein
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01.64.30.72.08
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Etablissement Médico-social
relevant de la Fonction Publique
Hospitalière
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Toute candidature est à
adresser à :
Monsieur le Directeur,
7 rue Mongenot,
94165 Saint-Mandé
Contact :
Service des Ressources
Humaines
Tél.: 01 49 57 70 12
E-mail : drh@ilvm.fr
Centre Français de
Protection de l’Enfance
Association loi 1901
créée en 1947
Recherche
1 Pédo-Psychiatre
ou
1 Psychiatre
pour son Centre Familial
de Lozère sur Yvette (91),
lieu d’accueil,
d’observation et de travail de
la relation mère-enfant.
CDI Temps partiel
(0,11 ETP) CCN66
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Adresser lettre de motivation
et CV :
Centre Français de Protection
de l’Enfance
Monsieur le Directeur Général
Femme Médecin
Généraliste
cherche poste en
psychiatrie
pour formation en
DIU Psychiatrie
Générale
Toutes régions
Tél. 06 67 25 85 58

N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
ANNONCES EN BREF
19 et 20 janvier 2007. Lyon. 3 ème Colloque
de l’Association Rhône-Alpes de
Gérontologie Psychanalytique (ARAGP)
sur le thème : Ecrire... aux temps de vieillir.
Inscriptions : Tél. : 04 37 90 13 60. Fax :
04 37 90 13 13. E-mail : aragp@st-jeande-dieu-lyon.fr
22 et 23 janvier 2007. Paris. Réunion
d’hiver de la Société de Neurophysiologie
Clinique de langue française sur
le thème : Moi et l’autre. Bases neuronales
de la relation avec autrui. Inscriptions :
Service de Neurophysiologie Clinique,
Centre Hospitalier Sainte-Anne, 1 rue
Cabanis, 75674 Cedex 14. Tél. :
01 45 65 81 89. Fax : 01 45 65 74 20.
E-mail : c.soufflet@ch-sainte-anne.fr
26 et 27 janvier 2007. Paris. XXXIX e
Congrès National de l’Unafam. Journées
annuelles d’étude sur le thème : Les nouvelles
actions de l’Unafam. Inscriptions :
Unafam-Congrès, 12 Villa Compoint,
75017 Paris. Fax : 01 42 63 44 00.
2 février 2007. Montesson. Carrefours
de la Pédopsychiatrie organisés par l’Association
des Psychiatres d’Intersecteur
et la Société Française de Psychiatrie de
l’Enfant et de l’Adolescent et disciplines
associées sur le thème : Le berceau au
cœur du réseau : les secteurs de psychiatrie
infanto-juvénile partenaires du réseau pérnatal.
Inscriptions : API-SFPEADA, Centre
de la Mère et de l’Enfant, 11 rue du Général
Cerez, 87000 Limoges. Renseignements
: fax : 05 55 32 89 94.
3 et 4 février 2007. Paris. Journées
scientifiques du Quatrième Groupe sur
le thème : Contrôle, supervision, analyse
quatrième. Inscriptions : Secrétariat du
IV e Groupe, 19 bd Montmartre, 75002
Paris. Tél./Fax : 01 55 04 75 27. E-mail :
quatrieme-groupe@wanadoo.fr
8 février 2007. Paris. 2 èmes Recontres
de neurologie Comportementale. Inscriptions
: BCA, 6 bd du Général Leclerc,
92115 Clichy Cédex. Tél. : 01 41 06 67 70.
Fax : 01 41 06 67 79.
8 et 9 février 2007. Hyères. Congrès
organisé par l’Institut de Recherche en
psychothérapie (IRP) sur le thème : Adolescence,
institutions, réseaux et thérapie
familiale. Une approche psychanalytique
du lien. Inscriptions : Bruno Manuel. Tél. :
06 60 99 59 47. E-mail : mc.manuel
@therapie-familiale.net
5 mars 2007. Paris. Séminaire sur le
thème : Grandir avec une sœur ou un frère
handicapé ? Inscriptions : CTNERHI, Régine
Martinez, 236 bis rue de Tolbiac,
75013 Paris. Tél. : 01 45 65 59 40. Fax :
01 45 65 44 94. E-mail : r.martinez@ctnerhi.com.fr
- Site : www.ctnerhi.com.fr
9 mars 2007. Paris. Colloque organisé
par le Collège International de l’Adolescence
(CILA) et le Laboratoire de psychologie
clinique et de psychopathologique
de l’Université Paris 5, sur le thème :
Alcool et adolescence. Lieu : Espace Reuilly.
Contact : Tél. : 01 42 23 44 12. E-mail :
v.discour@wanadoo.fr
15 mars 2007. Lille. Journée organisée
par le Groupement d’intérêt public Santexcel
et l’équipe de pédopsychiatrie du
CHRU de Lille sur le thème : Schizophrénies
infantiles : schizophrénie de l’enfant
ou schizophrénie dès l’enfance ? Inscriptions
: Delphine Coens, Santexcel,
255 rue Nelson Mandela, 59120 Loos.
Tél. : 03 28 55 67 32. E-mail : dcoens@santexcel.com
15 et 16 mars 2007. Bruxelles. X e réunion
annuelle de la Société Marcé francophone
(association francophone pour
l’étude des pathologies pédiatriques
puerpérales et périnatales) sur le thème :
Une mère rencontre son enfant... Les intervenants
se rencontrent... Renseignements
: Mme Chrystelle Ledecq. Tél. :
00 (32)2 344 18 94. E-mail : c.ledecq@laramee.be
15 et 16 mars 2007. Paris. Réunion de
la Société Française d’Alcoologie sur le
thème : Du changement sans traitement
à l’obligation de soins. La clinique au quotidien.
Inscriptions : Princeps/SFA, 64
ave du Général de Gaulle, 92130 Issyles-Moulineaux.
Tél. : 01 46 38 24 14/
06 62 19 72 15. Fax : 01 40 95 72 15.
E-mail : princeps.formation@wanadoo.fr
17 et 18 mars 2007. Angers. Journées
scientifiques 2007 de la Société Française
de Psychothérapie Psychanalytique
(SFPPG) sur le thème : Groupes de
parole. Quels dispositifs pour quelles demandes
? Inscriptions : SFPPG, 35 rue
Elisée Reclus, 93300 Aubervilliers. Tél. :
01 48 34 23 06.
19 et 20 mars 2007. Marseille. Colloque
organisé par l’Association Anthea sur
le thème : Quand la sexualité devient délit.
Inscriptions : 7 place aux Herbes, BP
219, 83006 Draguignan Cedex. Tél. :
04 94 68 98 48. Fax : 04 94 68 28 74.
E-mail : anthea@club-internet.fr. Site :
www.anthea.fr
23 mars 2007. Paris. Colloque du CMPP
du centre Etienne Marcel sur le thème :
De l’Agir à la représentation à l’adolescence.
Renseignements : Tél. : 01 42 33 21 52.
E-mail : cmpp.emarcel@noos.fr
23 mars 2007. Paris. 6 ème Rencontre des
médecins de l’Education Nationale et des
psychiatres sur le thème : L’élève bouc
émissaire : sa place dans l’école. Renseignements
: CHSA, Secteur 15, CMP Tiphaine,
Mme Sylvie Lecuyer, 23 rue Tiphaine,
75015 Paris. Tél. : 01 45 75 03 50.
Fax : 01 45 79 20 40. E-mail : s.lecuyer@ch-sainte-anne.fr
23 au 25 mars 2007. Paris. 9 ème Colloque
Médecine et Psychanalyse sur le
thème : La place de la vie sexuelle dans la
médecine. Renseignements : Tél. :
06 50 67 32 32. Fax : 01 53 34 90 76.
E-mail : medpsycha@paris7.jussieu.fr
24 et 25 mars 2007. Lorient. Journée
de travail Tavistock de l’Association
d’Etude du Développement et de la Psychopathologie
de l’Enfant et de l’adolescent
(AEDPEA) sur le thème : Qu’estce
qu’une relation émotionnelle ? Rôle des
émotions dans le développement d’une relation.
Capacité de l’enfant à établir une relation
d’ordre émotionnel avec autrui. Renseignements
: Tél. : 02 97 65 49 40.
Fax : 02 97 33 68 39.
29 mars 2007. Charleville-Mézières. 1 er
Séminaire Tabac et Psychiatrie organisé
par le Comité local de Prévention du tabagisme
du Centre Hospitalier Bélair.
Inscriptions : CH Bélair, Service Formation
Continue, Catherine Fournier, 1 rue
Pierre Hallali, 08013 Charleville-Mézières
Cedex. Renseignements : Tél. :
03 24 56 87 23. E-mail : cfournier@chbelair.fr
31 mars 2007. Paris. Colloque de l’Association
Primo Levi sur le thème : Transmettre
et témoigner. Effets de la torture et
de la violence politique. Renseignements
et inscriptions : Association Primo Levi,
107 ave Parmentier, 75011 Paris. Tél. :
01 43 14 88 50. E-mail : colloque@primolevi.asso.fr.
Site : www.primolevi.asso.fr/
colloques
21 avril 2007. Lyon. Colloque Psychanalyse
en débat du Groupe Lyonnais
de Psychanalyse Rhône-Alpes sur le
thème : Les nouvelles donnes pour la psychanalyse.
Renseignements : Tél. :
04 78 38 78 01. Fax : 04 78 38 78 09.
E-mail : gpl.spp@wanadoo.fr
25 mai 2007. Avignon. 6 ème Journée
d’Etudes de l’ANREP sur le thème : La
passion. Renseignements : Françoise
Hurst, Centre Hospitalier de Montfavet,
2 ave de la Pinède, BP 92, 84143 Montfavet
Cedex. E-mail : francoise.hurst@chmontfavet.fr
22 au 24 mai 2007. Paris. Forum des
professions de gérontologie et du handicap.
Inscriptions : Fédération Hospitalière
de France, Forum des professions
de la gérontologie et du handicap, 33
avenue d’Italie, 75013 Paris. Tél. :
01 44 06 84 44. Fax : 01 44 06 84 45.
E-mail : fhf@fhf.fr. Site : fhf.fr
1er et 2 juin 2007. Paris. 70 ème anniversaire
de la Société Française de Psychiatrie
de l’Enfant et de l’Adolescent
et Disciplines Associées. Journées Nationales
sur le thème : Enfants d’ailleurs.
Vivre les différences. Inscriptions : BCA,
6 bd du Général Leclerc, 92115 Clichy
Cédex. Tél. : 01 41 06 67 70. Fax :
01 41 06 67 79.
4 et 5 juin 2007. Marseille. Colloque organisé
par l’Association Anthea sur le
thème : L’individu et le groupe. Evaluer les
jeux et penser les pratiques thérapeutiques,
éducatives et sociales. Inscriptions : 7
place aux Herbes, BP 219, 83006 Draguignan
Cedex. Tél. : 04 94 68 98 48.
Fax : 04 94 68 28 74. E-mail : anthea
@club-internet.fr. Site : www.anthea.fr
Ce colloque, animé par des conférences-débats et des ateliers,
posera la question des politiques de santé mentale en Slovaquie,
en Allemagne et en France : les systèmes de soin, la place du
patient, le travail en réseau, la formation des soignants, etc.
LIVRES ET REVUES
Clinique et pédagogie
Connexions n°86
Erès, 25 €
Dans la suite notamment de ses
numéros précédents, Connexions
consacre ce numéro à l’approche clinique
des difficultés pédagogiques et
de la violence dans l’institution scolaire
et à l’accompagnement des enseignants,
avec la conviction, que l’attention
portée à la dimension
institutionnelle et organisationnelle,
la prise au sérieux des dynamiques
inconscientes et de la groupalité à
l’œuvre dans l’activité enseignante
et la relation éducative sont le moyen
de redonner sens et efficacité à la
tâche primaire et de maintenir vivante
une éthique humanisante...
C’est pourquoi on pourra lire dans ce
numéro des articles qui reprennent
les communications concernant la dimension
groupale et l’espace pédagogique
qui ont été présentées au
congrès de la FAPAG et de la SFPPG
(Paris, septembre 2005) « L’individu
et le groupe » et des contributions originales,
l’ensemble de ces travaux issus
de l’expérience éclairant les difficultés
contemporaines de la pratique
enseignante et proposant des dispositifs
sont susceptibles de soutenir
les professionnels dans leur pratique.
Complémentaire maladie
d’entreprise : contrats
obligatoires ou facultatifs,
lutte contre l’antisélection
et conséquences pour les
salariés
Camille Francesconi, Marc
Perronnin, Thierry Rochereau
Questions d’économie de la Santé
n°115
La couverture complémentaire maladie
d’entreprise proposée à 72%
des salariés, d’après l’enquête sur la
Protection sociale complémentaire
en entreprise (PSCE), est loin de représenter
un bloc uniforme. De multiples
offres existent : contrats obligatoires
proposés à tous les salariés
ou à une partie d’entre eux, contrats
à souscription facultative avec ou
sans options... Ces offres ne sont pas
toutes exposées au même degré de
risque d’antisélection qui reflète le
comportement de jeunes en bonne
santé qui préfèrent ne pas s’assurer,
le financement du risque maladie
étant alors reporté sur ceux en mauvaise
santé. D’après l’enquête, les assureurs
se protègent de ce risque en
proposant en grande majorité des
contrats collectifs obligatoires ou des
?
23
contrats facultatifs à options. Les contrats
facultatifs sans option qui sont les plus
exposés à ce risque, concernent à peine
15% des salariés. Dans ce cas, des majorations
de cotisations peuvent être
prévues pour les salariés qui reportent
la souscription du contrat.
Contrats collectifs obligatoires et contrats
facultatifs n’offrent pas les mêmes intérêts.
Les premiers, non soumis à l’antisélection
et qui cumulent une série
d’avantages en termes de coûts, proposent
des niveaux de garanties en
moyenne plus élevés. Les seconds laissent
plus de liberté, notamment celle
de souscription, et semblent, dans le
secteur des services, plus souvent proposés
par des entreprises qui délèguent
la gestion du contrat aux salariés.
Pour commander cette synthèse : http://
www.irdes.fr/Diff/bdc/rapO6/qes115.htm
Pour s’abonner aux bulletins d’information « Questions
d’économie de la santé » http://www.irdes.fr/
Diff/bdc/abont/abon_qes.htm
A noter que ce document est téléchargeable gratuitement
sur le site internet www.irdes.fr
A la rencontre de l’éthique
Guide pratique des textes de
référence
Les fondements du
questionnement éthique
0. Paycheng, S. Szerman
2 ème édition révisée et augmentée
Préface de René Schærer
Heures de France, 34 €
Cet ouvrage propose un ensemble de
textes dont la consultation est nécessaire
lorsqu’on se trouve confronté à
un questionnement éthique que ce soit
dans l’exercice de sa profession médicale
ou sur un plan personnel ou familial.
La première partie est constituée
de textes de références fondamentaux,
pouvant être utilisés pour un questionnement
éthique, ayant trois origines :
- textes français : le questionnement
ethique doit s’appuyer sur les lois, les
déclarations, les codes de déontologie,
les chartes... élaborés par la France ;
- textes européens : la France étant l’un
des vingt cinq pays de l’Union Européenne,
il est important de prendre en
compte des textes élaborés par des instances
européennes: Parlement européen,
Conseil de l’Europe.
- textes internationaux : la France ayant
ratifié certaines conventions élaborées
par des instances internationales, ces
conventions doivent donc être intégrées
Ces textes sont classés selon quatre
repères : juridiques, déontologiques,
chartes-recommandations et moraux
(philisophiques et religieux).
Des explications sur ces repères sont
données en introduction aux différents
chapitres. La deuxième partie est constituée
de textes de références propres à
certains problèmes éthiques. Pour
chacun de ces problèmes on trouve le
classement des textes de référence fondamentaux
en lien avec le problème
étudié ; des textes spécifiques ; des notions
philosophiques. En fin d’ouvrage,
un index des textes classés par nature
et par date de publication permet de
trouver facilement les repères recherchés.
La méthode expérimentale
selon Aristote
Reconstruction doctrinale de
l’épistémologie aristotélicienne
Michel Siggen
L’Harmattan, 22 €
Ce livre met en évidence la dépendance
des modes de procéder à l’égard de
l’objet atteint dans chacune des sciences.
Ce n’est pas un simple commentaire
des textes aristotéliciens sur l’expérience.
L’auteur vise plutôt une reconstruction
doctrinale de l’épistémologie d’Aristote,
qui va jusqu’à considérer la dimension
sapientielle de tout l’ordre de la connaissance
et ce, de la dialectique à la métaphysique
en passant par la physique
et la morale.

24
LIVRES ET REVUES
Effets de la violence politique
D’une génération à l’autre
Mémoires 2006 n°34
Revue trimestrielle d’information de
l’Association Primo Levi, 5 €
Ce numéro montre que dans la transmission
des parents à leurs enfants, il
s’agit de dire quelque chose de ce double
destin de victime et de survivant porteur
toujours d’histoires intriquées et de
sentiments paradoxaux, voire contradictoires.
La carence des soins appropriés pour
les personnes qui ont été victimes de
la violence politique a des conséquences
sur plusieurs générations. La question
de la transmission sera l’un des thèmes
du prochain colloque proposé par l’Association
Primo Levi et coordonné par
Béatrice Patsalides et Armando Cote,
psychologues cliniciens dans l’équipe
de soins.
Les idéalistes passionnés
Maurice Dide
Préface de Caroline Mangin-
Lazarus
Editions Frison-Roche
La réédition attendue des Idéalistes passionnés
de Maurice Dide est préfacée
de façon documentée par Caroline Mangin-Lazarus,
auteur de la biographie de
Maurice Dide (Un psychiatre et la Guerre,
Erès, 1994). Elle rappelle la carrière et
l’œuvre de Dide et établit le rôle du résistant.
Elle relate, également, la discussion
autour de l’idéalisme passionné
Directeur de la rédaction :
Gérard Massé
Rédacteur en chef : François Caroli
Comité de rédaction : Centre Hospitalier
Sainte-Anne, 1 rue Cabanis, 75014 Paris.
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E-mail : info@nervure-psy.com
Edité par Maxmed
S.A. au capital de 40 000 €
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Directeur de la Publication :
G. Massé
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parmi les psychiatres qui n’ont pas toujours
su reconnaître la portée mortifère
de la notion dans la sphère historique.
C. Magnani-Lazarus explique leur silence
après la guerre sur la notion d’idéalisme
passionné et le fait qu’ils n’aient
pas porté plus tôt l’ouvrage et l’œuvre
à la connaissance d’un public pourtant
préoccupé de comprendre les racines
du nazisme. Dide en avait pourtant démontré
les dangers dès 1935.
Rééditer Les idéalistes passionnés, permet
de faire connaître aussi Maurice
Dide et l’idéalisme passionné. C’est aussi
montrer comment cette ignorance de
Dide et de l’idéalisme passionné s’est
habillée de l’étoffe même de cet idéalisme
qui travestit et passionne le réel
de l’Histoire, et que Dide a décelé dès
1913. Ce n’est qu’avec le rapprochement
entre l’ouvrage et la mort comme
résistant à Buchenwald en 1944, qu’on
peut reconnaître la pertinence de sa
peinture, mais surtout la portée mortifère
de cette passion que son auteur
avait stigmatisée avant qu’elle ne s’incarne
dans les deux guerres mondiales.
Après sa description en 1913, l’idéalisme
passionné avait été consacré par
la psychiatrie française du côté de l’amour
et du platonisme, comme un sentimentalisme
éthéré à moquer plutôt qu’à
redouter. Pourtant, dans cet ouvrage,
c’est une proie nouvelle de la haine
dans la pathologie contemporaine que
Dide a examinée. Il y dépeint une fresque
shakespearienne d’hommes comme
Calvin, Torquemada, Tolstoï, et Robespierre,
ou de saints comme François
d’Assise et Thérèse d’Avila. Dans le rapport
passionné de ces hommes et ces
femmes à leurs objets idéaux, et dans
la fixité de l’attachement à leur cause,
Dide a décelé une pathologie affective
qu’il baptise du terme d’idéalisme pas-
N°9 - TOME XIX - DÉCEMBRE 2006/JANVIER 2007
sionné : de l’amour (des femmes, des
mystiques), de la bonté (des réformistes
religieux ou mystiques), et de la beauté
et de la justice aboutissant à la cruauté
(des esthètes et des réformistes politiques).
L’éditeur a complété cette réédition
d’une iconographie photographique
qui ne figurait pas dans l’ouvrage
initial. C’est un choix fait parmi les personnages,
qui donne une idée de l’iconographie
dont pouvait disposer Maurice
Dide à l’époque, et qui ouvre une
réflexion sur le portrait, la mise en scène
des personnages et les débuts de la
photographie.