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SUPPLÉMENT À NANTES PASSION, MAGAZINE DE L’INFORMATION MUNICIPALE N°155-MAI 2005<br />

LES 11 QUARTIERS NANTAIS<br />

Quinze pages d’actualité<br />

sur votre lieu <strong>de</strong> vie<br />

HISTOIRES DE QUARTIERS<br />

Île Beaulieu :<br />

Paroles d’immigrés<br />

Le pont <strong>de</strong> Pirmil


<strong>Nantes</strong> au quotidien<br />

HISTOIRES DE QUARTIERS<br />

26 [Mai 2005]<br />

Île Beaulieu<br />

Paroles d’immigrés<br />

Ils sont environ soixante-dix.<br />

Nantais <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s décennies.<br />

Immigrés ni tout à fait Français ni<br />

tout à fait étrangers, entre <strong>de</strong>ux<br />

eaux, entre <strong>de</strong>ux rives. Ils figurent,<br />

discrètement, sur une page <strong>de</strong> notre<br />

histoire. On a failli ne pas l’écrire,<br />

c’est chose faite.<br />

I<br />

ls sont arrivés en France dans les<br />

années soixante. D’Algérie, du Maroc,<br />

<strong>de</strong> Tunisie. À l’époque, ils étaient bienvenus.<br />

On leur tendait les bras : on<br />

avait besoin <strong>de</strong>s leurs. Ils sont restés, par<br />

choix ou par la force <strong>de</strong>s choses, et ont,<br />

peu à peu, plus ou moins, perdu contact<br />

avec leur pays d’origine. Certains y retournent,<br />

d’autres n’y ont plus <strong>de</strong> famille, plus<br />

<strong>de</strong> légitimité. L’éloignement, l’absence…<br />

Bribes <strong>de</strong> mémoire. Leurs histoires<br />

sont différentes. Ils ont en commun l’exil et<br />

leur présent : la vie en foyer Sonacotra.<br />

Pour quelques-uns, <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> trente<br />

ans. Trente ans dans une chambre <strong>de</strong> 9 m 2<br />

avec cuisine collective pour six. Ils ont travaillé<br />

tant qu’il y a eu du travail, ils ont été<br />

les premiers touchés par le chômage.<br />

Aujourd’hui, ils sont âgés. La plupart attend<br />

<strong>de</strong> percevoir enfin sa retraite. Pour cela, ils<br />

n’ont plus le choix, ils sont obligés <strong>de</strong> rester.<br />

Ils ne possè<strong>de</strong>nt pas grand-chose, mais<br />

ont <strong>de</strong> la dignité à revendre. Aïcha Boutaleb,<br />

du Centre interculturel <strong>de</strong> documentation,<br />

elle-même fille d’immigrés, les a<br />

découverts, s’est intéressée à leur histoire,<br />

n’a pas voulu qu’elle disparaisse un jour<br />

avec eux. Alors a commencé un long travail,<br />

avec l’écrivain Ilias Driss, qui a patiemment<br />

rencontré, écouté, noté. Une collecte <strong>de</strong><br />

mémoire, par bribes. La leur, la nôtre.<br />

“Nous sommes un peuple <strong>de</strong> la parole,<br />

mais pas <strong>de</strong> la parole intime”, explique<br />

Ilias Driss. Pourtant, parfois, à la longue,<br />

le miracle se produit, les mots viennent :<br />

“On va les écouter, on va les voir. En arabe,<br />

on dit : on vient vous “regar<strong>de</strong>r”. C’est une<br />

expression juste et imagée. On voit, on<br />

écoute, on échange, on enregistre. Mon<br />

travail consiste à mettre en forme ces fragments,<br />

ces bribes”.<br />

Bouziane arrive à <strong>Nantes</strong> en 1973, le 20<br />

mars, “le premier jour du printemps. Il faisait<br />

froid”. Il est venu rejoindre un ami, qui<br />

vivait avec trois autres jeunes hommes<br />

dans un petit studio. Ils travaillaient et<br />

dormaient par roulement. Bouziane<br />

emménage quatre jours plus tard dans le<br />

Aïcha Boutaleb et Ilias Driss.<br />

Le foyer Sonacotra <strong>de</strong> Beaulieu.<br />

foyer Sonacotra, où il est toujours. Pendant<br />

douze ans, il travaille dans le bâtiment,<br />

découvre la France, se fait <strong>de</strong>s amis,<br />

<strong>de</strong>s amies… Jusqu’à l’acci<strong>de</strong>nt du travail. Il<br />

suit alors un stage <strong>de</strong> mécanicien tourneur<br />

général : “Au bout <strong>de</strong> trois ans, rien, pas<br />

d’emploi. Les patrons exigeaient <strong>de</strong> l’expérience.<br />

Comment acquérir <strong>de</strong> l’expérience<br />

dans même avoir essayé ? Dommage,<br />

parce que j’aimais bien ce métier. En définitive,<br />

je n’ai travaillé que pendant douze<br />

ans, plus les trois ans <strong>de</strong> stage. Bien<br />

entendu, les années <strong>de</strong> travail effectuées<br />

en Algérie ne comptent pas. Ma retraite<br />

sera bien maigre”. Bouziane avoue que<br />

“vivre à plus <strong>de</strong> soixante ans dans un<br />

foyer, ce n’est pas bien agréable, mais il y<br />

a pire. Des situations plus dramatiques”.<br />

Bouziane a voyagé, visité le Maroc, Médine…<br />

Il est retourné en Algérie il y a <strong>de</strong>ux<br />

ans et n’a pas supporté “la situation, la<br />

peur, la misère”. Sa femme a cessé <strong>de</strong> l’attendre<br />

et vit à présent chez ses parents. Il<br />

appelle souvent au pays, on lui raconte la<br />

vie, la neige : “Quand je vois la neige ici, je<br />

ne peux pas m’empêcher <strong>de</strong> penser à ça,<br />

à cette pério<strong>de</strong>, à l’enfance…”. Bouziane<br />

souffre <strong>de</strong> diabète, se couche tôt et s’endort<br />

avec la radio internationale. Il ne reste<br />

pas enfermé dans sa chambre : “j’aime<br />

discuter <strong>de</strong> l’actualité, <strong>de</strong> ce qui se passe<br />

(...). Et puis quand je rentre, pour occuper


mon temps et nourrir mon esprit, j’étudie<br />

les mathématiques, l’algèbre”.<br />

Le travail, c’était facile à l’époque.<br />

Il veut bien raconter son histoire, mais refuse<br />

que son nom soit cité. Ce qui compte le<br />

plus pour lui, maintenant, c’est sa tranquillité.<br />

C’est pour ça qu’il aime bien<br />

<strong>Nantes</strong> : “C’est une ville calme, tranquille”.<br />

Il a 62 ans, est arrivé en France en 1966, est<br />

entré au foyer en 1969, s’est mis au travail<br />

tout <strong>de</strong> suite : “c’était facile à l’époque. On<br />

avait besoin <strong>de</strong> main d’œuvre pas chère.<br />

C’était la reconstruction”. Il a vécu dans<br />

<strong>de</strong>s baraquements à Chantenay, à cinq ou<br />

six dans <strong>de</strong>s lits superposés : “Les<br />

conditions d’hygiène n’étaient pas très<br />

bonnes, on était juste un peu mieux que les<br />

animaux. Mais on était jeunes, ça passait”.<br />

Le foyer, en comparaison, c’était “le grand<br />

luxe”. Il a travaillé dans le bâtiment, a fait<br />

plusieurs chantiers, est passé par les chantiers<br />

navals, aussi. A fait un stage à<br />

Marseille pour perfectionner son français.<br />

A vécu à Douarnenez, puis, “sur un coup <strong>de</strong><br />

tête”, est rentré au bled : “Je n’ai pas trouvé<br />

<strong>de</strong> femme. Je suis resté quinze jours puis<br />

je suis revenu à <strong>Nantes</strong>. Je n’ai pas eu <strong>de</strong><br />

chance”. Fataliste, il ajoute : “Mais c’est<br />

peut-être mieux ainsi. Peut-être que je<br />

m’en fous <strong>de</strong>s enfants, d’être marié, d’avoir<br />

un appartement et le reste... L’essentiel,<br />

Le bâtiment manquait <strong>de</strong> bras,<br />

ils ont donné les leurs.<br />

pour le moment, c’est d’être en forme, physiquement<br />

et moralement. Je prie tous les<br />

jours pour me maintenir, rester vivant. Le<br />

reste importe peu. C’est à l’âge <strong>de</strong> cinquante<br />

ans que je me suis rendu compte <strong>de</strong><br />

l’avance du temps, qu’il était désormais<br />

Les baraquements <strong>de</strong> Chantenay<br />

dans les années 60.<br />

<strong>de</strong>rrière moi. C’est une drôle d’impression.<br />

Un jour on se regar<strong>de</strong> dans la glace et on se<br />

dit que la vieillesse arrive, qu’il faut faire<br />

attention. C’est la vie. (...) Il m’arrive <strong>de</strong><br />

regar<strong>de</strong>r ma photo sur mon premier passeport.<br />

Le jeune homme que j’étais, avec les<br />

espoirs, les illusions <strong>de</strong> la jeunesse. Le<br />

temps passe et ne revient pas en arrière”.<br />

Celui du plein emploi est terminé <strong>de</strong>puis<br />

longtemps. Depuis 1982, il est au chômage<br />

et ne touchera une petite retraite qu’en<br />

2006. Il pourra peut-être alors réaliser son<br />

rêve d’avoir une cuisine à lui. Ses revenus<br />

sont aujourd’hui trop faibles pour accé<strong>de</strong>r<br />

à un logement HLM. L’un <strong>de</strong> ceux qu’il a<br />

participé à construire, par exemple…<br />

Tout autre est le <strong>de</strong>stin d’Abou Salem,<br />

entré au foyer en 2003, qui a beaucoup circulé<br />

en France, a travaillé dans la restauration,<br />

a même eu plusieurs affaires à lui,<br />

dont un restaurant rue Paul-Bellamy.<br />

Problèmes personnels, vente. Il s’est<br />

marié <strong>de</strong>ux fois et envisage encore aujourd’hui,<br />

à 64 ans et bien que mala<strong>de</strong>, <strong>de</strong><br />

rebondir, pour lui, pour ses filles dont il<br />

regrette qu’elles ne parlent “pas aussi<br />

couramment l’arabe que les petits Chinois<br />

parlent leur langue” mais qui sont très<br />

attachées au pays <strong>de</strong> leurs parents : “Tenter<br />

autre chose, oui, pourquoi pas. Même<br />

âgé et mala<strong>de</strong>. Tant que je pourrai respirer<br />

je croirai à l’avenir”. P.W.<br />

[Mai 2005]<br />

<strong>Nantes</strong> au quotidien<br />

27


HISTOIRES DE QUARTIERS<br />

28 [Mai 2005]<br />

Au bout <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong>s ponts,<br />

Pirmil, porte <strong>de</strong> <strong>Nantes</strong>, était le seul<br />

passage entre le Poitou et la<br />

Bretagne. Régulièrement détruit<br />

par les crues <strong>de</strong> la Loire, l’ouvrage<br />

<strong>de</strong> bois puis <strong>de</strong> pierre était au cœur<br />

d’une activité intense.<br />

usqu’au IXe J<br />

siècle, la Loire se franchissait<br />

en barque. À l’époque le fleuve<br />

était beaucoup plus large, avec<br />

moins <strong>de</strong> courant. Un véritable archipel<br />

séparait la ville <strong>de</strong> <strong>Nantes</strong>, installée<br />

au nord autour <strong>de</strong> la place du<br />

Bouffay, <strong>de</strong> la rive sud. Les premiers ponts<br />

ont été bâtis en bois et leurs tabliers<br />

étaient recouverts <strong>de</strong> pierres comme les<br />

chaussées. “Sur les îles appelées à<br />

l’époque Prairies, les chaussées étaient<br />

construites sur <strong>de</strong>s arches pour être hors<br />

d’eau. Ceux qui les empruntaient avaient<br />

donc l’impression d’un seul pont continu<br />

<strong>de</strong>puis la Poissonnerie jusqu’à pont Rousseau”,<br />

explique André Péron, auteur <strong>de</strong><br />

Sur les ponts <strong>de</strong> <strong>Nantes</strong>. Cette première<br />

route <strong>de</strong>s ponts était composée <strong>de</strong> six<br />

ouvrages. Le pont <strong>de</strong> Pirmil était le plus<br />

important par sa taille mais aussi sa localisation.<br />

Tête <strong>de</strong> pont, il conditionnait l’accès<br />

à la ville <strong>de</strong> <strong>Nantes</strong> mais aussi à la Bre-<br />

Le pont avec l’ancien tramway à air comprimé<br />

et <strong>de</strong>s bateaux <strong>de</strong> pêche à l’alose, 1924.<br />

<strong>Nantes</strong> Sud<br />

Le pont <strong>de</strong> Pirmil ouvre la rou<br />

tagne pour les voyageurs et marchands du<br />

Poitou.<br />

Un passage stratégique en reconstruction<br />

permanente. En 1366, une<br />

forteresse est bâtie par le duc Jean IV <strong>de</strong><br />

Bretagne pour protéger ce lieu stratégique.<br />

Mais plus que les guerres, les véritables<br />

dangers qui menaçaient l’ouvrage<br />

étaient les crues et les glaces. “Pirmil c’est<br />

le symbole <strong>de</strong> l’opiniâtreté <strong>de</strong>s Nantais. Au<br />

cours du XVI e siècle, le pont est emporté au<br />

moins quatre fois par les crues. Lors <strong>de</strong> la<br />

quatrième crue, en 1564, le roi Charles IX<br />

en visite à <strong>Nantes</strong> est contraint <strong>de</strong> remonter<br />

la rive sud du fleuve pour le traverser en<br />

gabarre à la hauteur <strong>de</strong> Thouaré”.<br />

À l’époque, il faut aller jusqu’aux Ponts<strong>de</strong>-Cé<br />

pour trouver le <strong>de</strong>uxième<br />

franchissement terrestre <strong>de</strong> la Loire <strong>de</strong>puis<br />

l’estuaire. Après cette mésaventure, le roi<br />

autorise les Nantais à doubler leurs taxes


sur les marchandises pour réparer les<br />

ponts. La Ville, qui a en charge leur entretien,<br />

prévoit <strong>de</strong> les reconstruire en pierre<br />

pour résoudre le problème <strong>de</strong>s crues. Mais<br />

les travaux, freinés par les conditions climatiques,<br />

la profon<strong>de</strong>ur du lit et un sol<br />

meuble, s’étaleront sur <strong>de</strong>s années. À la fin<br />

du XVI e siècle, le pont est finalement achevé.<br />

Ses piles sont en pierres mais les<br />

arches, toujours en bois, seront à nouveaux<br />

victimes <strong>de</strong>s intempéries en 1651,<br />

1685 et 1711. “Quand une arche était rompue,<br />

on organisait <strong>de</strong>s passages en<br />

barque. Des passerelles en bois pouvaient<br />

aussi être jetées pour remplacer la partie<br />

Dessin <strong>de</strong>s pêcheries du pont <strong>de</strong> Pirmil avec effondrement <strong>de</strong> trois arches, 1711.<br />

détruite”, raconte André Péron. “Comme il<br />

n’y avait qu’une ligne <strong>de</strong> pont, on repoussait<br />

les travaux pour ne pas perturber le<br />

franchissement du fleuve”. Le pont <strong>de</strong> Pirmil<br />

est rafistolé <strong>de</strong> toutes parts. Les<br />

planches clouées sur les anciennes arches<br />

fragilisaient plus l’ouvrage qu’elles ne le<br />

renforçaient.<br />

Les pêcheries, une menace pour<br />

les arches. En plus <strong>de</strong>s éléments naturels,<br />

le pont est menacé par les pêcheries<br />

accrochées à ses piles et montrées du<br />

doigt <strong>de</strong>puis le Moyen Âge. “Des rotreaux,<br />

pieux <strong>de</strong> bois enfoncées en forme <strong>de</strong> tri-<br />

angle dans le lit du fleuve étaient installés<br />

entre les arches du pont comme un barrage.<br />

Cela gênait la navigation et l’écoulement<br />

du fleuve en pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> crue”.<br />

Depuis le XVI e siècle, <strong>de</strong>s ordonnances<br />

étaient prises pour procé<strong>de</strong>r à leur <strong>de</strong>struction.<br />

Sans succès. La polémique prend<br />

une plus gran<strong>de</strong> ampleur après la crue <strong>de</strong><br />

1711 qui a emporté cinq arches. La Ville<br />

obtient du roi la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s pêcheries<br />

moyennant in<strong>de</strong>mnisation <strong>de</strong>s fermiers<br />

propriétaires mais elle est autorisée dans<br />

le même temps à percevoir un fermage sur<br />

<strong>de</strong>s pêcheries situées en amont et aval du<br />

fleuve pour payer ces in<strong>de</strong>mnités.<br />

te vers <strong>Nantes</strong> et la Bretagne<br />

Pont en travaux traversé par <strong>de</strong>s charrettes (1943).<br />

À côté <strong>de</strong>s pêcheries, <strong>de</strong> nombreuses activités<br />

se sont développées pour tirer profit<br />

<strong>de</strong> la tête <strong>de</strong> pont. “C’était un nœud <strong>de</strong><br />

tensions, d’intérêts divergents. Il fallait<br />

gérer les flux du fleuve, <strong>de</strong> la navigation<br />

fluviale et maritime et, en même temps, les<br />

flux commerciaux entre Nord-Loire et Sud-<br />

Loire ainsi que toutes les activités que<br />

catalyse un pont”. Avant d’entrer ou <strong>de</strong><br />

sortir du pont, il fallait payer l’octroi, une<br />

taxe sur les marchandises, principalement<br />

le vin, le sel et le blé. Il n’était pas rare <strong>de</strong><br />

voir les files d’attente s’allonger sur le<br />

quai. À côté <strong>de</strong>s marchands venus <strong>de</strong> Vendée<br />

ou du Poitou et <strong>de</strong>s voyageurs, on<br />

pouvait croiser <strong>de</strong>s troupeaux en route<br />

pour le marché aux bestiaux <strong>de</strong> la place<br />

Viarme ou l’abattoir. Près <strong>de</strong> l’ancienne<br />

forteresse en ruine <strong>de</strong> Pirmil, on note la<br />

présence <strong>de</strong> maisons probablement<br />

louées par la Ville à <strong>de</strong>s commerçants qui<br />

profitaient <strong>de</strong> la fréquentation <strong>de</strong>s lieux<br />

}<br />

[Mai 2005]<br />

<strong>Nantes</strong> au quotidien<br />

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<strong>Nantes</strong> au quotidien<br />

HISTOIRES DE QUARTIER<br />

}<br />

30 [Mai 2005]<br />

pour faire <strong>de</strong>s affaires. Autour <strong>de</strong>s piles <strong>de</strong><br />

pierre, se trouvaient les pêcheries mais<br />

aussi quelques toues à bascule et<br />

pêcheurs d’alose. Enfin, les arches marinières,<br />

avec une ouverture suffisante pour<br />

laisser passer les bateaux, étaient réservées<br />

à la navigation.<br />

On tentera à plusieurs reprises d’accrocher<br />

aux piles <strong>de</strong>s bateaux-moulins<br />

comme sur le pont <strong>de</strong> Belle-Croix, mais<br />

l’ensablement du fleuve, ses crues et les<br />

coups <strong>de</strong> vent auront raison d’eux. “Les<br />

bateaux-moulins permettaient <strong>de</strong> s’adapter<br />

au niveau <strong>de</strong> l’eau et <strong>de</strong> pallier l’absence<br />

<strong>de</strong> vent”, explique André Péron. Ils<br />

assuraient une certaine autonomie <strong>de</strong> la<br />

ville en farine. Toute cette activité autour<br />

<strong>de</strong>s ponts était régie par <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> fermage<br />

délivrés par la Ville qui se retrouvait<br />

<strong>de</strong> ce fait <strong>de</strong>vant un dilemme. Si les<br />

bateaux-moulins ou les pêcheries étaient<br />

accusés <strong>de</strong> gêner la navigation et <strong>de</strong> favoriser<br />

la <strong>de</strong>struction <strong>de</strong>s arches, il était difficile<br />

pour la Ville <strong>de</strong> se passer <strong>de</strong> ces<br />

sources <strong>de</strong> revenus utilisées justement<br />

pour l’entretien du site. “La ferme <strong>de</strong>s<br />

pêcheries s’élève à 5 390 livres en 1730”,<br />

note André Péron.<br />

De l’élargissement à la <strong>de</strong>uxième<br />

ligne <strong>de</strong>s ponts. Au XIX e , avec le développement<br />

d’industries sur les îles et <strong>de</strong> la<br />

croissance <strong>de</strong> la population nantaise, la<br />

circulation est <strong>de</strong> plus en plus difficile sur<br />

les ponts. “Dans une pétition adressée au<br />

maire en 1833, les riverains <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong>s<br />

ponts affirment que “pour éviter le risque<br />

d’être écrasé, il faut avoir l’œil sans cesse<br />

fixé sur ces nombreuses voitures roulant<br />

en zigzag pour ne pas se laisser dépasser<br />

par celles qui les suivent”. Le pont <strong>de</strong> Pirmil<br />

est finalement élargi en 1840 tout<br />

▲ Vieux pont vue <strong>de</strong> la maison avec <strong>de</strong>s barques,<br />

carte postale accompagnée d’un texte (1926).


L’autopont <strong>de</strong> Pirmil, démonté au cours <strong>de</strong> l’été 1991.<br />

comme l’ensemble <strong>de</strong> la ligne <strong>de</strong>s ponts<br />

dont les travaux seront achevés en 1851.<br />

Trois <strong>de</strong> ses arches seront refaites la<br />

décennie suivante et l’ouvrage plus soli<strong>de</strong><br />

semble être moins sensible aux intempéries.<br />

Mais c’est sans compter sur l’action<br />

<strong>de</strong> l’homme. En 1924, alors qu’il vient<br />

d’être reconstruit et mo<strong>de</strong>rnisé, le pont<br />

s’écroule, déstabilisé par les dragages<br />

successifs entrepris pour lutter contre<br />

▼ Pirmil après l’effondrement <strong>de</strong> 1924 et au premier<br />

plan, le pont <strong>de</strong> barques mis en place.<br />

l’ensablement du fleuve. Les Nantais<br />

renouent avec la tradition en mettant en<br />

place le passage en barques puis un pont<br />

sur bateaux. Le pont est reconstruit en<br />

1926, mais en 1944 les bombar<strong>de</strong>ments<br />

allemands le détruisent à nouveau. Une<br />

passerelle provisoire est édifiée avec <strong>de</strong>s<br />

caissons flottants qui sera remplacée par<br />

un pont <strong>de</strong> bois <strong>de</strong> 6 mètres <strong>de</strong> large. Par<br />

souci d’économie, <strong>de</strong>s parties <strong>de</strong> l’ouvrage<br />

tombées dans le fleuve sont récupérées.<br />

Les travaux s’achèvent en 1947. Il faut<br />

attendre 1966 et l’achèvement <strong>de</strong> la<br />

<strong>de</strong>uxième ligne <strong>de</strong>s ponts pour que Pirmil<br />

ne soit plus l’unique accès sud à la ville <strong>de</strong><br />

<strong>Nantes</strong>. En 1982, pour faire face à l’afflux<br />

<strong>de</strong> voitures un autopont avait été mis en<br />

place, passant au-<strong>de</strong>ssus du centre <strong>de</strong><br />

l’ouvrage. Il sera démonté pendant l’été <strong>de</strong><br />

1991, après l’ouverture du pont <strong>de</strong> Cheviré.<br />

Depuis septembre 1992, le tram franchit la<br />

Loire. La station Pirmil est une importante<br />

plate-forme d’échange tram-bus. Pirmil<br />

gar<strong>de</strong> sa dimension stratégique.<br />

LAURENCE COUVRAND<br />

CRÉDITS PHOTO : ARCHIVES MUNICIPALES<br />

Pour en savoir plus :<br />

“Sur les Ponts <strong>de</strong> <strong>Nantes</strong>”, André Péron,<br />

éditions Ressac.<br />

[Mai 2005]<br />

<strong>Nantes</strong> au quotidien<br />

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