La tendance - Conseil du statut de la femme - Gouvernement du ...
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L’idée <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r un hôpital<br />
pour enfants est d’Irma<br />
LeVasseur, <strong>la</strong> première <strong>femme</strong><br />
mé<strong>de</strong>cin canadienne-française.<br />
Parlez-nous d’elle.<br />
Irma LeVasseur a fait son cours <strong>de</strong><br />
mé<strong>de</strong>cine aux États-Unis. Lorsqu’elle<br />
est revenue au Québec en 1903, le<br />
Collège <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins n’a pas voulu lui<br />
accor<strong>de</strong>r le droit <strong>de</strong> pratiquer. Elle l’a<br />
obtenu <strong>du</strong> Parlement. Après être allée<br />
se perfectionner en Europe, elle est rentrée<br />
avec cette idée <strong>de</strong> fon<strong>de</strong>r un hôpital<br />
pour enfants à Montréal. Elle en a<br />
fait part à madame Alfred Thibo<strong>de</strong>au,<br />
une bourgeoise montréa<strong>la</strong>ise, qui lui a<br />
présenté Justine <strong>La</strong>coste-Beaubien. De<br />
<strong>la</strong> rencontre entre ces <strong>femme</strong>s est né<br />
Sainte-Justine. Irma LeVasseur quittera<br />
toutefois l’institution assez vite.<br />
Ce n’est que dans les années 1940 qu’on<br />
verra réapparaître <strong>de</strong>s <strong>femme</strong>s mé<strong>de</strong>cins<br />
dans l’hôpital.<br />
Justine <strong>La</strong>coste-Beaubien a tout<br />
<strong>de</strong> suite accepté <strong>de</strong> participer à<br />
l’aventure ?<br />
Oui. Justine <strong>La</strong>coste-Beaubien n’avait<br />
pas d’enfants. Selon certains auteurs,<br />
ce<strong>la</strong> explique en partie son engagement<br />
: l’hôpital lui a permis <strong>de</strong> jeter<br />
son dévolu sur <strong>de</strong>s milliers <strong>de</strong> bambins.<br />
Elle venait d’une famille bourgeoise<br />
<strong>de</strong> Montréal, son père était sénateur.<br />
Elle était mariée à Louis <strong>de</strong> Gaspé-<br />
Beaubien, <strong>de</strong> <strong>la</strong> famille Beaubien<br />
d’Outremont, un riche homme d’affaires<br />
qui a fondé une <strong>de</strong>s premières<br />
maisons <strong>de</strong> courtage canadiennesfrançaises.<br />
Pour les bourgeoises <strong>de</strong><br />
l’époque, s’occuper <strong>de</strong> bonnes œuvres<br />
faisait partie <strong>de</strong> leur rôle social. Et ce<strong>la</strong><br />
leur enlevait peut-être un sentiment <strong>de</strong><br />
culpabilité d’être si bien nanties, alors<br />
que <strong>la</strong> société urbaine et in<strong>du</strong>strielle<br />
faisait tant <strong>de</strong> misérables. D’autre part,<br />
je pense qu’il y avait dans leur engagement<br />
une idée <strong>de</strong> maintenir l’ordre<br />
social. Parce que s’il y a trop <strong>de</strong> pauvres,<br />
il peut y avoir <strong>de</strong> <strong>la</strong> révolte popu<strong>la</strong>ire,<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> criminalité…<br />
Où et quand a été fondé l’Hôpital<br />
Sainte-Justine ?<br />
Il a été créé dans une maison privée<br />
sur <strong>la</strong> rue Saint-Denis, près <strong>de</strong> Roy, en<br />
novembre 1907. Le premier patient était<br />
un petit garçon très ma<strong>la</strong><strong>de</strong> qu’Irma<br />
LeVasseur gardait déjà chez elle. En<br />
1907-1908, on a mis en p<strong>la</strong>ce toute <strong>la</strong><br />
structure <strong>de</strong> l’hôpital, en faisant appel<br />
à <strong>de</strong>s mé<strong>de</strong>cins qui s’intéressaient à <strong>la</strong><br />
mortalité infantile. L’Hôpital Sainte-<br />
Justine déménagera plusieurs fois avant<br />
<strong>de</strong> s’installer, en 1957, dans l’immeuble<br />
qu’il occupe présentement dans <strong>la</strong><br />
côte Sainte-Catherine.<br />
Quel rôle y a joué Justine <strong>La</strong>coste-<br />
Beaubien ?<br />
Elle a été <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nte <strong>du</strong> conseil d’administration<br />
pendant près <strong>de</strong> 60 ans,<br />
<strong>de</strong> 1907 à 1966, l’année précédant son<br />
décès ! C’était son hôpital. Elle avait une<br />
autorité absolue, même sur les mé<strong>de</strong>cins,<br />
qui n’avaient pas trop le choix<br />
<strong>de</strong> faire comme elle disait. C’était une<br />
<strong>femme</strong> tenace, têtue. D’ailleurs, une<br />
chose m’a frappée chez elle. On l’associe<br />
beaucoup, avec raison, à <strong>la</strong> phi<strong>la</strong>nthropie<br />
et au bénévo<strong>la</strong>t. Mais en<br />
même temps, c’était une <strong>femme</strong> férue<br />
<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>rnité et <strong>de</strong> progrès scientifique.<br />
Elle souhaitait faire <strong>de</strong> son hôpital<br />
En 1930, il y avait 320 lits<br />
et berceaux à l’Hôpital<br />
sainte-Justine.<br />
une institution <strong>de</strong> pointe. Elle vou<strong>la</strong>it<br />
les meilleurs appareils, les meilleures<br />
techniques chirurgicales, les plus<br />
grands spécialistes. Pour ce<strong>la</strong>, elle<br />
n’hésitait pas à envoyer ses mé<strong>de</strong>cins en<br />
congrès aux États-Unis ou en Europe.<br />
Elle a elle-même beaucoup voyagé, et<br />
on dit que partout où elle al<strong>la</strong>it, elle<br />
aimait visiter les hôpitaux.<br />
Les employés <strong>de</strong> Sainte-Justine<br />
étaient-ils bien traités ?<br />
Dans l’esprit <strong>de</strong> Justine <strong>La</strong>coste-<br />
Beaubien, tous les employés <strong>de</strong> l’hôpital<br />
auraient dû être <strong>de</strong>s bénévoles. Elle<br />
les payait très mal ! Sainte-Justine est<br />
un <strong>de</strong>s hôpitaux qui payaient le plus<br />
mal à Montréal. Ce n’est pas pour rien<br />
que <strong>la</strong> première grève <strong>de</strong>s infirmières<br />
y a eu lieu, en 1963. Cette grève, c’est<br />
un symbole. Pour <strong>la</strong> première fois,<br />
<strong>de</strong>s infirmières, que l’on considérait<br />
comme ayant « l’instinct » <strong>de</strong> prendre<br />
soin <strong>de</strong>s autres, refusaient <strong>de</strong> s’occuper<br />
<strong>de</strong>s patients. Et pas <strong>de</strong> n’importe quels<br />
patients, mais d’enfants. Jusqu’à un<br />
certain point, ça leur a attiré <strong>la</strong> sympathie<br />
<strong>du</strong> public, qui s’est dit : pour<br />
qu’elles aillent jusqu’à renier leur<br />
nature, il faut vraiment qu’elles soient<br />
mal traitées. Et elles ont eu gain <strong>de</strong><br />
cause. ::<br />
:: Gazette <strong>de</strong>s <strong>femme</strong>s :: mars-avril 007 39<br />
archives <strong>de</strong> l’Hôpital sainte-Justine