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le renard ayant la queue coupée ou la luxuriance des ... - MENS

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Mens<br />

<strong>des</strong> révolutionnaires-tranquil<strong>le</strong>s, dont on commence à se<br />

désengluer. Ce serait plus raffiné, plus savant — <strong>la</strong> connaissance<br />

n’a pas progressé p<strong>ou</strong>r rien —, mais ce<strong>la</strong> serait-il fondamenta<strong>le</strong>ment,<br />

structurel<strong>le</strong>ment différent ?<br />

Esther Delis<strong>le</strong> ne n<strong>ou</strong>s déçoit jamais parce qu’on n’en<br />

espère rien. Gérard B<strong>ou</strong>chard, c’est différent. La moindre de<br />

ses publications n<strong>ou</strong>s arrive précédée de <strong>la</strong> réputation, de <strong>la</strong><br />

renommée, du prestige de ce savant prolifique. Un certain<br />

public recueil<strong>le</strong> ses paro<strong>le</strong>s comme <strong>des</strong> orac<strong>le</strong>s. Qu’on juge de<br />

ma déception, de mon désarroi au fur et à mesure que je t<strong>ou</strong>rnais<br />

<strong>le</strong>s feuil<strong>le</strong>ts de son dernier essai. La problématique m’était<br />

apparue excel<strong>le</strong>nte au premier c<strong>ou</strong>p d’œil, ambitieuse au point<br />

de vue heuristique, bref digne de l’auteur. Mais en regard, <strong>la</strong><br />

preuve et l’argumentation se révè<strong>le</strong>nt d’une pauvreté inimaginab<strong>le</strong>,<br />

je <strong>le</strong> dis en t<strong>ou</strong>te candeur. La démonstration est un<br />

échec.<br />

Inuti<strong>le</strong> de résumer davantage l’<strong>ou</strong>vrage. Il vaut mieux<br />

al<strong>le</strong>r au plus c<strong>ou</strong>rt et donner une idée sommaire <strong>des</strong> raisons<br />

de cet échec. Le <strong>le</strong>cteur v<strong>ou</strong>dra bien m’accorder que j’ai du<br />

mérite à <strong>le</strong> faire. Car notre auteur est un original : <strong>le</strong>s faits,<br />

phénomènes et fragments dans son texte ne sont pas ordonnés<br />

par pério<strong>des</strong>, mais <strong>le</strong>s renvois <strong>des</strong> notes, eux, sont c<strong>la</strong>ssés<br />

en ordre chronologique croissant plutôt que selon l’ordre d’apparition<br />

<strong>des</strong> citations. Dans ces conditions, retr<strong>ou</strong>ver une référence<br />

exige de <strong>la</strong> patience.<br />

Personne ne prétendra que dans <strong>la</strong> pensée de Gr<strong>ou</strong>lx —<br />

comme dans t<strong>ou</strong>te pensée d’ail<strong>le</strong>urs — <strong>des</strong> ambiva<strong>le</strong>nces, <strong>des</strong><br />

ambiguïtés, <strong>des</strong> incohérences, <strong>des</strong> tensions entre contraires,<br />

<strong>des</strong> apories ne puissent se rencontrer. El<strong>le</strong>s s’y rencontrent en<br />

effet. Mais l’auteur ne parvient pas à établir qu’el<strong>le</strong>s sont constitutives<br />

du plus c<strong>la</strong>ir de <strong>la</strong> pensée de Gr<strong>ou</strong>lx. Cette faillite de<br />

<strong>la</strong> preuve vient de <strong>la</strong>cunes de méthode p<strong>ou</strong>r moi incompréhensib<strong>le</strong>s<br />

chez un chercheur aussi chevronné, d’une incapa-<br />

Le <strong>renard</strong> <strong>ayant</strong> <strong>la</strong> <strong>queue</strong> <strong>c<strong>ou</strong>pée</strong><br />

291<br />

cité à penser logiquement, d’une faib<strong>le</strong>sse analytique étonnante.<br />

L’auteur veut pr<strong>ou</strong>ver que <strong>le</strong>s contradictions sont <strong>la</strong><br />

pensée de Gr<strong>ou</strong>lx. On a <strong>le</strong> droit d’exiger qu’il soit capab<strong>le</strong><br />

d’identifier <strong>la</strong> contradiction, donc qu’il en connaisse <strong>la</strong> définition<br />

et qu’il sache raisonner. La stupéfaction attend <strong>le</strong> <strong>le</strong>cteur<br />

de B<strong>ou</strong>chard.<br />

La contradiction est l’opposition <strong>la</strong> plus radica<strong>le</strong> entre<br />

deux énoncés. Le principe de contradiction dénonce une opposition<br />

radica<strong>le</strong> s<strong>ou</strong>s <strong>le</strong> même rapport. Les implications p<strong>ou</strong>r <strong>la</strong><br />

méthode sont considérab<strong>le</strong>s, inéluctab<strong>le</strong>s. L’histoire intel<strong>le</strong>ctuel<strong>le</strong><br />

a depuis longtemps appris à se méfier de <strong>la</strong> polysémie,<br />

non pas cel<strong>le</strong> du dictionnaire, mais cel<strong>le</strong> qui dépend du locuteur<br />

situé dans <strong>le</strong> temps, dans l’espace et dans l’environnement<br />

épistémologique et idéologique. L’intel<strong>le</strong>ctuel, en particulier,<br />

travail<strong>le</strong> et retravail<strong>le</strong> ses concepts, ses termes et ses<br />

notions à <strong>la</strong> lumière <strong>des</strong> sollicitations du moment et <strong>des</strong> exigences<br />

de sa réf<strong>le</strong>xion, el<strong>le</strong> aussi traversées par <strong>le</strong> temps. La<br />

polysémie est fonction <strong>des</strong> contextes : <strong>le</strong> contexte structurel<br />

particu<strong>la</strong>rise <strong>le</strong>s termes (<strong>le</strong>s libertés libéra<strong>le</strong>, libertaire, fasciste,<br />

communiste, catholique, athée répondent t<strong>ou</strong>tes au beau<br />

mot de liberté ; <strong>la</strong> démocratie par<strong>le</strong>mentaire libéra<strong>le</strong> garde son<br />

nom qu’el<strong>le</strong> repose sur <strong>le</strong> suffrage censitaire, masculin <strong>ou</strong> universel)<br />

; <strong>le</strong> contexte conjoncturel est <strong>le</strong> moment et <strong>le</strong> lieu où<br />

se croisent et se heurtent <strong>le</strong>s dimensions de l’existence, <strong>le</strong>s<br />

requêtes de l’actualité et <strong>le</strong>s désirs de <strong>la</strong> personne ; <strong>le</strong> contexte<br />

textuel désigne l’ensemb<strong>le</strong> <strong>des</strong> re<strong>la</strong>tions qu’entretiennent<br />

entre eux <strong>le</strong>s énoncés au sein d’un même texte et d’un<br />

texte à l’autre, dans <strong>la</strong> simultanéité et dans <strong>la</strong> mémoire, en un<br />

fantastique jeu de miroirs et de mises en abyme. Par conséquent,<br />

t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs se demander quel<strong>le</strong> interrogation, intérieure<br />

<strong>ou</strong> extérieure, quel<strong>le</strong> référence, quel<strong>le</strong> provocation, quel t<strong>ou</strong>rment,<br />

quel disc<strong>ou</strong>rs <strong>le</strong> locuteur avait en tête et <strong>le</strong> faisait réagir.<br />

X se dit démocrate en 1990 et non démocrate en 2000 :

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