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le renard ayant la queue coupée ou la luxuriance des ... - MENS

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298<br />

Mens<br />

ploration en profondeur et de réf<strong>le</strong>xion s<strong>ou</strong>tenue. Mais l’honnêteté<br />

m’oblige à confesser que je n’étais pas rassuré. Gr<strong>ou</strong>lx<br />

a un curieux effet sur certains intel<strong>le</strong>ctuels, qui n’est pas sans<br />

rappe<strong>le</strong>r <strong>la</strong> maxime <strong>des</strong> anciens : « Quos vult perdere Deus<br />

dementat prius », Dieu prive d’abord de raison ceux qu’il a résolu<br />

de perdre. Avant de lire l’<strong>ou</strong>vrage, p<strong>ou</strong>r m’enhardir, je<br />

l’ai feuil<strong>le</strong>té. Je suis tombé sur ces mots : « Gr<strong>ou</strong>lx’s worldview<br />

was essentially Augustinian, with a Thomist twist » (p. 187).<br />

Ce<strong>la</strong> a suffi à me rassurer. Cet énoncé suppose une connaissance<br />

intime de Gr<strong>ou</strong>lx. Il explique l’extraordinaire <strong>ou</strong>verture<br />

de ce dernier au néoscotisme d’André Dagenais, attitude de<br />

s<strong>ou</strong>p<strong>le</strong>sse qui défierait l’entendement de <strong>la</strong> part d’un intégriste<br />

thomiste 24 . Il y a dix ans, j’écrivais que, parmi <strong>le</strong>s intel<strong>le</strong>ctuels<br />

traditionalistes, <strong>le</strong> philosophe André Dagenais était « <strong>le</strong> seul<br />

à avoir explicité <strong>le</strong>s bases métaphysiques de sa doctrine et par<br />

là-même de <strong>la</strong> droite canadienne-française en général 25 ». Le<br />

professeur Cornett montre magnifiquement que Lionel Gr<strong>ou</strong>lx,<br />

continuant M grs Laflèche et Pâquet, en a explicité <strong>le</strong>s bases<br />

théologiques. « L’homme, scande Jean de Viguerie, est un être<br />

pensant et croyant 26 . »<br />

J’ai donc lu et j’ai été ébl<strong>ou</strong>i. Comme je retr<strong>ou</strong>vais fréquemment<br />

au fil de <strong>la</strong> <strong>le</strong>cture <strong>des</strong> interprétations semb<strong>la</strong>b<strong>le</strong>s<br />

à cel<strong>le</strong>s de mes notes et br<strong>ou</strong>illons préparatoires à <strong>la</strong> biographie<br />

que je me propose de consacrer à Gr<strong>ou</strong>lx, je me suis<br />

gardé de t<strong>ou</strong>te comp<strong>la</strong>isance et je me suis efforcé de maintenir<br />

en éveil mon sens critique. Peine perdue, si j’ose dire : ma<br />

satisfaction et mon p<strong>la</strong>isir sont allés croissant. Je n’aurais pu,<br />

je ne dis pas : faire mieux, mais simp<strong>le</strong>ment faire aussi bien.<br />

Si un cataclysme s’abattait sur <strong>le</strong>s bibliothèques et que, dans<br />

ma fuite, je ne pusse emporter qu’une étude gr<strong>ou</strong>lxienne, j’empoignerais<br />

cel<strong>le</strong> du professeur Cornett, convaincu de sauver<br />

<strong>le</strong> Gr<strong>ou</strong>lx essentiel. Il faut publier en ang<strong>la</strong>is et en français The<br />

Ro<strong>le</strong> of Religion in Lionel Gr<strong>ou</strong>lx’s Nationalist Th<strong>ou</strong>ght. Fi<strong>des</strong>,<br />

l’éditeur de Gr<strong>ou</strong>lx, doit saisir l’occasion.<br />

Le <strong>renard</strong> <strong>ayant</strong> <strong>la</strong> <strong>queue</strong> <strong>c<strong>ou</strong>pée</strong><br />

299<br />

L’auteur n<strong>ou</strong>s fait partager sa conviction que <strong>la</strong> religion<br />

constitue <strong>le</strong> cœur, l’âme, <strong>la</strong> structure profonde et explicative<br />

de <strong>la</strong> pensée de Gr<strong>ou</strong>lx. Plus précisément, il démontre, au<br />

moyen d’une preuve fortement documentée et solidement<br />

charpentée, que <strong>le</strong> prêtre-historien nationaliste a fondé sur <strong>le</strong><br />

mystère de l’Incarnation, irruption de Dieu dans <strong>le</strong> temps<br />

humain et dans l’histoire <strong>des</strong> hommes, son interprétation du<br />

passé et du devenir de <strong>la</strong> nation canadienne-française, sa version<br />

du nationalisme et <strong>la</strong> raison d’être du combat de t<strong>ou</strong>te sa<br />

vie. P<strong>ou</strong>ssé par <strong>la</strong> formation religieuse reçue à l’éco<strong>le</strong> et au<br />

collège, porté par <strong>la</strong> pratique <strong>des</strong> Écritures, y compris l’Ancien<br />

Testament, confirmé par ses étu<strong>des</strong> philosophiques et<br />

théologiques essentiel<strong>le</strong>ment thomistes et maintenu dans cette<br />

voie par sa fréquentation persévérante, jusqu’à sa mort, <strong>des</strong><br />

<strong>ou</strong>vrages de spiritualité et de science religieuse, Gr<strong>ou</strong>lx fait<br />

du mystère de l’Incarnation <strong>la</strong> méditation de t<strong>ou</strong>te son existence<br />

et l’enracine dans <strong>la</strong> vie nationa<strong>le</strong> en en déduisant <strong>le</strong><br />

paradigme de l’incarnation.<br />

Ce paradigme est <strong>la</strong> clé d’or p<strong>ou</strong>r pénétrer <strong>le</strong> gr<strong>ou</strong>lxisme<br />

et p<strong>ou</strong>r y rendre intelligib<strong>le</strong> <strong>la</strong> dia<strong>le</strong>ctique de l’universel et du<br />

particulier, du religieux et du temporel, du sacré et du profane.<br />

Dér<strong>ou</strong><strong>la</strong>nt <strong>le</strong>s enchaînements de <strong>la</strong> thématique<br />

sotériologique — une sotériologie davantage communautaire<br />

qu’individuel<strong>le</strong> et sans dissociation du salut éternel et du salut<br />

temporel —, Gr<strong>ou</strong>lx va de l’Homme-Dieu à l’Église, corps<br />

du Christ en même temps que n<strong>ou</strong>veau peup<strong>le</strong> de Dieu, puis<br />

de l’Église à <strong>la</strong> nation canadienne-française, n<strong>ou</strong>vel Israël en<br />

terre d’Amérique. L’unanimité confessionnel<strong>le</strong> du Canada français,<br />

unique en Amérique du Nord, est <strong>le</strong> signe de l’é<strong>le</strong>ction<br />

divine, d’une mission providentiel<strong>le</strong> de témoin par excel<strong>le</strong>nce<br />

de l’Incarnation. Car si <strong>des</strong> catholiques de t<strong>ou</strong>tes origines dressent<br />

<strong>des</strong> clochers dans t<strong>ou</strong>tes <strong>le</strong>s vil<strong>le</strong>s du continent, aucun<br />

autre peup<strong>le</strong> que <strong>le</strong>s Canadiens français ne peut revendiquer

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