Grille horaire - Cap Acadie

Tintamarre
Deux façons de revisiter des chansons
Les reprises sont à la mode dans le monde de la chanson. Chaque chanteur a ses
raisons, mais tous ressentent le besoin de se plonger dans ce qui les a marqués d'une
façon ou de l'autre.
David Lonergan
lonergan@nbnet.nb.ca
Ainsi, Danny Boudreau a choisi de rendre hommage à des auteurs et
compositeurs acadiens dont les chansons le rejoignent et le touchent
dans son très bel album Mes légendes. Ainsi Jean-François Breau et
Marie-Ève Janvier se sont amusés à reprendre des chansons qu'ils ont
fredonnées et qu'ils aiment toujours dans leur album aux couleurs
populaires Donner pour donner. Deux démarches très différentes qui
illustrent bien les choix artistiques de chacun.
Danny Boudreau est particulièrement à l'aise quand les arrangements
se mettent au service de sa voix, ce qui était le cas dans Reprises
intimes, le second disque de l'album double Cœur variable dont on
retrouve l'esprit dans Mes légendes.
Réalisé par Marc Beaulieu, ce nouvel opus exprime l'âme des chansons.
La voix fluide, les instruments discrets, tout concourt à placer les
mélodies et les textes à l'avant-plan: les chansons sont les vedettes et
l'interprète les sert avec délicatesse et finesse.
Le choix reflète le goût de Boudreau pour les belles chansons, celles
qui dureront, celles qui réussissent à fondre en un tout harmonieux
paroles et musique. S'ouvrant sur la récente Mes légendes de Fredric
Gary Comeau, il se clôt sur Marjolaine de Zachary Richard que l'on
retrouve sur Cap Enragé. Entre les deux, huit chansons comme autant
de témoignages des multiples facettes de la chanson acadienne.
Boudreau aborde, toujours à sa façon, des univers musicaux fort différents
qui vont de la recherche fine et presque classique de Le chant
d'Hélium (Marc Thériault pour Marie-Jo Thério) au classique des classiques
Réveille de Zachary Richard qu'il avait enregistré dans une tout
autre version, plus dramatique, moins songeuse, comme membre du
groupe Hommage et que l'on retrouve sur l'album Collection Acadie
(1994).
Boudreau interroge les chansons, cherchant à mettre en relief leur
esprit, leur unicité, sans craindre de se les approprier. Le monde qu'on
connaît de Gérald Leblanc et Roland Gauvin pour 1755 s'éloigne du
brouhaha de la fête si chère au mythique groupe pour se rapprocher,
en particulier par l'apport de l'harmonica, de l'esprit folk d'un Bob
Dylan, tout comme Le fantôme de Blanchard de Joseph Edgar. La
joyeuse fougue du À bientôt de Ginette Ahier devient tendresse en se
teintant d'une touche country que l'on retrouve, tendresse incluse,
dans Petit rocher de Denis Richard.
D'une façon générale, Boudreau donne une autre dimension aux
chansons, comme si sa sensibilité avait su s'exprimer à travers les mondes
des autres. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter son traitement
de La galère de Pascal Lejeune dans laquelle sa maturité et son expé -
rience leur permettent d'approfondir le sens de ce qui est au demeurant
une très belle chanson. De la même façon, il explore Avec toi qu'il
avait composée avec Sylvain Quesnel et Wilfred Le Bouthillier pour ce
dernier.
Jean-François Breau et Marie-Ève Janvier nous entraînent dans l'univers
de la chanson populaire avec Donner pour donner. Ils ont choisi
des chansons qui se prêtent bien au duo et à leurs voix. Légèreté, joie et
plaisir de vivre habitent les paroles à l'exception curieuse de Jusqu'à
minuit, qui traite de la rupture amoureuse, mais dont l'enthousiasme
de l'arrangement et du duo semble contredire le sens. La douleur de
Johnny Hallyday, l'angoisse de Wilson Pickett (In the midnight hour)
ont disparu. Plus réussies sont les 11 autres chansons qui sont des
hymnes au couple et qui témoignent de l'union des deux interprètes.
Certaines évoquent les années soixante: le doux bonheur d'Heureux
tous les deux de Frank Alamo et des Turtles (Happy together), la chaleur
un peu naïve bien mise en relief par une rythmique ensoleillée de Ces
mots stupides de Sacha Distel et Nicole Kidman, de Pierre Lalonde, et
de Frank et Nancy Sinatra (Something stupid), la joie rayonnante de Le
soleil de ma vie de Brigitte Bardot et Sacha Distel, de France Gall, et de
Stevie Wonder (You are the sunshine of my live), la passion retenue de Je
t'appartiens de Ginette Reno, de Roch Voisine, et de Gilbert Bécaud
dans un arrangement vocal qui évoque les harmonies des Everly
Brothers. Et deux reprises en anglais: I got you babe de Sonny and Cher
et How sweet it is de Marvin Gaye. Toutes de belles chansons bien
revisitées.
D'autres sont plus récentes et montrent la palette d'influence du
couple. Une chanson se démarque en ce que Jean-François en est un
des compositeurs, sur un texte de Françoise Dorin: On s'est aimé à
cause a été écrite pour Céline Dion (D'elles) et la version qu'ils nous
proposent est empreinte d'une belle douceur que le piano et le violoncelle
viennent enrichir.
Les orchestrations sont riches et bien construites, les voix puissantes,
les chansons connues. Très connues. En cela cet album jouira d'une
popularité portée par la célébrité: celle du couple interprète, celle des
chansons et de leurs créateurs, celle de la mode et celle de la nostalgie.
Ajoutez à cela une excellente production très au fait de ce qui se fait et
vous avez là tous les ingrédients du succès.
Le samedi 5 décembre 2009
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Épisode 4
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