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INTERVIEW AVEC...
II nous a semblé intéressant de reprendre dans le « Trait d'Union »
la série d'interviews commencée il y a quelques numéros. Nous
nous sommes adressés à l'une des secrétaires les plus
compétentes de la Société. Voici ce qu'elle nous a répondu, tout en
nous priant de lui conserver son anonymat car, nous a-t-elle dit, je
ne suis qu'une secrétaire parmi tant d'autres
« Mademoiselle, que pensez-vous de votre profession ? »
Beaucoup de gens s'imaginent que la profession de sténo-dactylographe peut être exercée par n'importe
qui et vous avez certainement souvent entendu des parents dire à leur fille, lorsque celle-ci a atteint une quinzaine
d'années et qu'elle ne désire pas poursuivre ses études : « Tu seras sténo-dactylographe. » Est-il donc si facile
d'aligner sur un bloc de jolis petits signes et ensuite de transcrire le texte à l'aide d'une machine à écrire? A mon
point de vue, non, et je considère qu'il faut, pour exercer convenablement cette profession, avoir des aptitudes
dont beaucoup de personnes ne semblent pas tenir compte.
« Voilà une prise de position qui nous promet une franche explication. Pouvez-vous développer votre
idée ? »
« Considérons tout d'abord le point de vue technique, si je puis dire. Il est certain que la prise sténographique
ne présente pas de difficultés insurmontables, mais il y a tout de même un bon nombre de points sur
lesquels les élèves « butent ». Les sténographes savent bien que les « incompatibilités » et les abréviations de la
méthode Prévost-Delaunay ne sont pas toujours faciles à avaler. En dehors de l'étude des signes eux-mêmes, il y
a l'acquisition de la vitesse et certains sujets ne réussissent pas à passer le cap des 100 mots-minute, vitesse qui
me paraît nettement insuffisante. Or, chacun sait que la rapidité est l'une des qualités requises.
Le texte étant sténographié, il faut le dactylographier. Pour dactylographier un texte, il ne suffit pas de
savoir taper à la machine. Il faut tout d'abord être capable de relire sa sténo, et c'est un premier écueil pour
beaucoup de personnes se disant sténographes. Il faut — tout comme pour la sténographie — être rapide, sans
faire de faute de frappe, mais aussi et surtout avoir de très bonnes connaissances de la langue française—voire
même, en plus, d'une langue étrangère. Il n'y a rien de plus désagréable en effet que de recevoir une lettre émaillée
de fautes d'orthographe ou même de grosses fautes de français.
« Je vois poindre un sourire, que sous-entend-il ? »
« Hum! Eh bien, peut-être que la dactylographe a parfois à corriger le style de son rédacteur — car
tous ne dictent pas parfaitement — loin de là — mais il faut le faire sans toutefois changer le fond de la lettre! Il
faut de plus, pour la mise en page de son texte, qu'elle fasse preuve de goût, en un mot avoir le sens de la
disposition. »
« Tout cela est bien en effet du domaine technique de la Sténo-dactylographe et s'applique à toutes vos
collègues, même à celles qui n'ont pas le titre de secrétaire. Pour examiner plus à fond dans le problème, comment
concevez-vous le travail d'une « secrétaire » en titre ? »
« A mon avis son rôle devrait consister, en plus de la sténo-dactylographie, à recevoir les coups de
téléphone et dans certains cas les clients, à ouvrir le courrier, à rédiger elle-même certaines lettres, à faire le
classement ; elle devrait être tenue au courant de toutes les affaires et, en l'absence du patron, être capable de
prendre elle-même des initiatives. II faudrait qu'elle soit la principale collaboratrice du patron, sa «doublure ». I
« Vous parlez au conditionnel, mademoiselle, votre type de secrétaire n'existerait-il pas ? »
« Bien des dirigeants n'ont hélas, pas la moindre idée de tout cela et considèrent leur secrétaire comme
une machine. D'après eux, son rôle se borne à prendre du courrier et à le dactylographier. Dans ces conditions, il
n'est pas surprenant qu'elle se désintéresse de son travail car une personne exerçant la profession de secrétaire —
ce qui suppose tout de même une certaine expérience et une bonne culture générale — s'accommodera
difficilement du rôle de robot.
« Je souhaite sincèrement que tous ceux auxquels vous faites allusion, s'attardent sur cet interview et
rectifient leur méthode de travail. Que leur direz-vous pour les apitoyer ?
Mais... que la profession de sténo-dactylographe n'est pas de tout repos; que chacune de nous connaît la
douleur dans le dos ressentie au bout de quelques heures consécutives de machine à écrire et « les nerfs à bout»
des fins de journée. Dites-leur aussi que les sténo-dactylographes — si souvent décriées et à qui l'on impute tant
d'erreurs de frappe ! — mériteraient un peu plus d'égards qu'on ne leur en accorde généralement. Ce ne sont pas
uniquement des mécaniques car bien que la mécanisation soit à la mode, elles la déplorent le plus souvent, et je
pense en disant cela aux machines à dicter, mais des êtres capables de se servir de leur intelligence et de
s'intéresser non seulement à leur courrier mais aussi à toutes les affaires qui peuvent se traiter dans une maison de
commerce, y compris certains problèmes techniques accessibles à leurs connaissances.
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