375 DOLLARS - Jean-Paul Tapie, Ecrivain Français
375 DOLLARS - Jean-Paul Tapie, Ecrivain Français
375 DOLLARS - Jean-Paul Tapie, Ecrivain Français
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
emmenés à l’embarcadère du bateau qui faisait la<br />
navette avec l’île. La foule qui prenait le bateau<br />
d’assaut aurait mérité une description détaillée et<br />
prolongée, mais j’imagine que je ne pourrais<br />
m’empêcher de laisser transparaître ma causticité, que<br />
l’on confond souvent avec du mépris. Nombre de nos<br />
compagnons de traversée étaient ridicules, grotesques,<br />
mais ils l’étaient avec tant de bonhomie et de naturel<br />
que cela devenait davantage folklorique que désolant. Il<br />
faut avoir entendu les dizaines de passagers d’un petit<br />
ferry-boat entonner quelques-uns des hits les plus<br />
célèbres de Funny Girl ou de Hello Dolly ou encore de<br />
Cats pour connaître ce mélange subtil d’exaspération et<br />
de jubilation que provoque la fréquentation des folles<br />
américaines bodybuildées.<br />
<strong>Paul</strong> nous attendait au débarcadère. Il tenait à la<br />
main un chariot à quatre roues, prolongé d’un timon,<br />
comme on en voit entre les mains de Charlie Brown et<br />
de ses amis dans le célèbre comic strip Peanuts. C’est<br />
que, à Fire Island, les voitures n’ont pas accès, et ces<br />
chariots sont le seul moyen de transporter des bagages<br />
un peu lourds ou des commissions un peu volumineuses.<br />
De longues allées en caillebotis traversent,<br />
parallèlement ou perpendiculairement à la mer, la<br />
colonie, comme autant de rues. Les maisons s’élèvent de<br />
part et d’autre, le plus souvent entourées, voire<br />
dissimulées par de grands arbres qui atteignent souvent<br />
le sommet des toits en terrasse. Chaque soir, à l’heure<br />
de l’apéritif, les hôtes des maisons s’installent sur ces<br />
terrasses. Le niveau sonore des conversations devient<br />
rapidement tel qu’on se sent rapidement entrer dans la<br />
peau d’un ornithologue venu observer le spectacle d’une<br />
colonie de palmipèdes à l’époque de la reproduction. Un<br />
coup d’œil plus précis permettrait de constater que<br />
presque tous les volatiles en question sont du même<br />
sexe et que la perpétuation de l’espèce est donc<br />
vivement compromise.<br />
<strong>Paul</strong> était bel homme. Pas mon genre, mais bel<br />
homme. Sans doute un peu trop musclé pour un avocat<br />
d’affaires, mais aux Etats-Unis, dans la communauté<br />
gay, de gros biceps sont quasiment une obligation et ne<br />
paraissent pas incongru dans un CV. Il n’était pas, à<br />
mon goût, d’une virilité exemplaire, mais cela ne<br />
semblait pas empêcher Steve d’en être, je pouvais le<br />
voir, éperdument amoureux.<br />
C’est le problème principal de Steve : il s’amourache<br />
de tous les hommes mûrs qu’il rencontre et si, par<br />
2