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La symbolique du noir chez les Abbassides Résumé Les califes ...

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<strong>La</strong> <strong>symbolique</strong> <strong>du</strong> <strong>noir</strong> <strong>chez</strong> <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong><br />

<strong>Résumé</strong><br />

<strong>Les</strong> <strong>califes</strong> <strong>Abbassides</strong> ont adopté le <strong>noir</strong> comme couleur <strong>du</strong> pouvoir. <strong>La</strong> <strong>symbolique</strong> de<br />

cette couleur est liée au Prophète qui était le neveu d‟al-„Abbâs, aïeul des <strong>Abbassides</strong>.<br />

Ces derniers puisaient leur légitimité religieuse et historique et leur idéologie <strong>du</strong><br />

pouvoir. L‟étendard <strong>noir</strong> <strong>du</strong> Prophète(ou des <strong>Abbassides</strong>) a gagné <strong>du</strong> terrain. Du<br />

Khurâsân, il a conquis tout l‟empire islamique. Le vêtement <strong>noir</strong> devenait l‟habit <strong>du</strong><br />

calife, de ses fonctionnaires et militaires. Mais aussi toute la population devait mettre<br />

cette couleur comme signe de soumission à l‟Etat et à l‟idéologie abbasside. <strong>Les</strong><br />

ennemis des <strong>Abbassides</strong>, Shîtes Alaouites ou partisans des Omeyyades etc.., ont marqué<br />

leur refus <strong>du</strong> pouvoir et de l‟idéologie abbasside par l‟adoption d‟une autre couleur<br />

verte ou blanche. L‟avènement des Fatimides avec l‟obligation de porter le vert<br />

correspondait à la date de la mort politique des <strong>Abbassides</strong>. Le <strong>noir</strong> revient actuellement<br />

dans le monde arabe et islamique et est porteur d‟un nouveau message idéologique et<br />

religieux.<br />

Présentation de l’auteur<br />

Boutheina Ben Hassine, maître-assistante à la Faculté des Lettres et des Sciences<br />

Humaines de Sousse. Spécialiste de l‟époque omeyyade(institutions , idéologie,<br />

symbo<strong>les</strong> <strong>du</strong> pouvoir et la seconde Discorde).<br />

Mots-clés<br />

<strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong>- le <strong>noir</strong>-étendard-„imâma- le Prophète-Khurâsân-Mawâlî- Al-<br />

Mussawîda- Al-Ma‟moun- le vert-„Ali Ibn Abî Tâlib -<strong>les</strong> Shîtes-<strong>les</strong> Omeyyades-le<br />

blanc-jizya.<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

Le <strong>noir</strong> était une couleur choisie par <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> afin d‟établir une nouvelle<br />

<strong>symbolique</strong> <strong>du</strong> pouvoir. <strong>Les</strong> <strong>Abbassides</strong> ont inauguré une nouvelle ère idéologique dans<br />

l‟institution <strong>du</strong> califat, une période caractérisée essentiellement par l‟appartenance à la<br />

famille <strong>du</strong> Prophète. Le <strong>noir</strong> sobre, simple et austère rentre apparemment dans le cadre<br />

d‟une nouvelle <strong>symbolique</strong> <strong>du</strong> pouvoir. <strong>Les</strong> sources arabes présentent un problème<br />

majeur pour notre étude consistant dans la rareté des informations. Cette étude nous<br />

pose plusieurs problématiques : comment le <strong>noir</strong> était-il un vecteur d‟influence <strong>chez</strong> <strong>les</strong><br />

« <strong>Abbassides</strong> » ? Comment <strong>les</strong> « <strong>Abbassides</strong> » ont-ils réussi à imposer le <strong>noir</strong> comme<br />

1


couleur officielle <strong>du</strong> pouvoir ? Comment cette couleur a t elle évolué tout au long de<br />

l‟époque abbasside ? Et enfin comment cette couleur a-t-elle pu drainer <strong>les</strong> fou<strong>les</strong> dans<br />

le monde arabo-islamique jusqu‟à nos jours ? L‟étude de la couleur <strong>noir</strong>e pour<br />

l‟historien de l‟Islam s‟inscrit dans le cadre d‟une étude spécifique. Michel Pastoureau<br />

considère que <strong>les</strong> couleurs de l‟historien, <strong>du</strong> sociologue ou de l‟anthropologue ne sont<br />

pas cel<strong>les</strong> <strong>du</strong> neurologue ou <strong>du</strong> biologiste : « Pour l‟historien, parler de couleur, c‟est<br />

donc parler tout d‟abord de l‟histoire des mots et des faits de langue…Mais c‟est aussi<br />

et surtout parler de sa place dans la vie quotidienne, des codes et des systèmes qui<br />

l‟accompagnent, des règlements émanant des autorités, des mora<strong>les</strong> et des hommes de<br />

science, des inventions des hommes de l‟art ». 1 Pastoureau précise que « la couleur<br />

<strong>noir</strong>e est alors mise en avant comme <strong>symbolique</strong> d‟une force de vie, d‟une force<br />

créatrice et d‟une lumière née….. ». 2 Pastoureau a démontré également que « Le<br />

symbole est toujours plus fort et plus vrai que la personne ou la chose réelle qu‟il a pour<br />

fonction de représenter parce que, au Moyen Age, la vérité se situe toujours hors de la<br />

réalité, à un niveau qui lui est supérieur. Le vrai n‟est pas le réel » 3 . « L‟accent mis sur<br />

le mode d‟intervention <strong>du</strong> symbole plus que sur le répertoire grammatical des<br />

équivalences ou des significations souligne également comment, dans <strong>les</strong> sociétés<br />

médiéva<strong>les</strong>, il est impossible de séparer <strong>les</strong> pratiques <strong>symbolique</strong>s des faits de<br />

sensibilité. Dans le monde des symbo<strong>les</strong>, suggérer est souvent plus important que<br />

dire,sentir que comprendre, évoquer que prouver » 4 . Ainsi le <strong>noir</strong> a été choisi par <strong>les</strong><br />

<strong>Abbassides</strong> comme vecteur d‟influence dans la vie politique et idéologique. Si <strong>les</strong><br />

<strong>Abbassides</strong> se sont approprié cette couleur sobre c‟est qu‟ils considèrent que le <strong>noir</strong>,<br />

ayant appartenu au Prophète, leur revient de droit. En effet, <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> se voient<br />

comme <strong>les</strong> seuls détenteurs de la légitimité religieuse car leur aïeul est l‟oncle <strong>du</strong><br />

Prophète. Toutefois, cette couleur va marquer le monde musulman dans sa totalité et<br />

elle reviendra en force ces deux derniers sièc<strong>les</strong> pour représenter l‟idéologie shîte<br />

alaouite en Iran et en Iraq.<br />

Une couleur <strong>du</strong> Prophète<br />

<strong>La</strong> coiffe,‘imâma’ 5 (coiffure) <strong>du</strong> Prophète était <strong>noir</strong>e 1 (au moment de la conquête de la<br />

Mecque en l‟an 8 de l‟Hégire). <strong>Les</strong> étendards/ bannières –râyât- (symbole de la victoire<br />

1 Pastoureau Michel( 2010), <strong>Les</strong> couleurs de mes souvenirs, Paris, Seuil, p. 240.<br />

2 Sous la direction d‟Eric Agbessi(2011), Le Noir couleur dangereuse ou transgressive ?, Tome 1,<br />

Approche civilisationnelle, Paris, Editions Le Manuscrit, p. 69.<br />

3 Pastoureau Michel,Op.cit.,p.22<br />

4 Pastoureau Michel,Op.cit.,p.24<br />

5 E.I 2 , article “ Libâs”.<br />

2


militaire <strong>du</strong> Prophète face aux mécréants de sa propre tribu Quraysh) étaient également<br />

<strong>noir</strong>s. <strong>Les</strong> étendards assurent une fonction militaire : « Au Moyen Age, l‟emblème n‟est<br />

pas le symbole, même si la frontière entre le premier et le second reste toujours<br />

perméable. L‟emblème est un signe qui dit l‟identité d‟un indivi<strong>du</strong> ou d‟un groupe<br />

d‟indivi<strong>du</strong>s : le nom, l‟armoirie, l‟attribut iconographique sont des emblèmes. Le<br />

symbole au contraire a pour signifié non pas une personne physique mais une entité<br />

abstraite, une idée, une notion, un concept » 2 . <strong>Les</strong> <strong>Abbassides</strong> ont adopté l‟étendard <strong>du</strong><br />

Prophète et l‟ont chargé d‟une <strong>symbolique</strong> nouvelle et efficace « <strong>Les</strong> drapeaux et leurs<br />

ancêtres-bannières, enseignes, gonfanons, étendards,etc.-constituent pourtant des riches<br />

documents d‟histoire politique et culturelle. A la fois images emblématiques et objets<br />

<strong>symbolique</strong>s, ils sont soumis à des règ<strong>les</strong> d‟encodage contraignantes et à des rituels<br />

spécifiques qui, progressivement, <strong>les</strong> ont placés au cœur de la liturgie étatique et<br />

nationale 3 ». Dans ce travail, nous tenterons de souligner l‟importance politique et<br />

militaire des étendards abbassides.<br />

Couleur de mobilisation<br />

Autour <strong>du</strong> <strong>noir</strong>, <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> ont drainé toute l‟opposition essentiellement <strong>les</strong> Arabes<br />

et <strong>les</strong> Mawâlî ou <strong>les</strong> « „Ajam » (étrangers) convertis à l‟Islam mais marginalisés par le<br />

pouvoir omeyyade, au Khurâsân (wilâya-ou gouvernorat perse d‟une importance<br />

stratégique à l‟Etat omeyyade). Le <strong>noir</strong> est ici mobilisateur des Arabes et des « ‘Ajam »<br />

sous la même bannière (<strong>noir</strong>e) de l‟Islam. Au moyen de cette couleur va un<br />

rapprochement donc opérer et surtout un brassage entre <strong>les</strong> arabes et <strong>les</strong> Mawâlî. Le <strong>noir</strong><br />

facilitait de ce fait une politique d‟islamisation longtemps prohibée par <strong>les</strong> Omeyyades.<br />

<strong>Les</strong> Mawâlî ou étrangers convertis à l‟Islam devaient payer la capitation ou jizya à<br />

l‟Etat omeyyade. Ceci a constitué une violation des préceptes <strong>du</strong> Coran (égalité entre<br />

<strong>les</strong> musulmans). L‟étendard abbasside unissait <strong>les</strong> sympathisants des <strong>Abbassides</strong>, arabes<br />

et étrangers pour la première fois dans l‟histoire de l‟Islam. Abû Muslim al-Khurâsânî<br />

(chef de la révolution abbasside et lui-même un mawlâ) était le premier à officialiser le<br />

<strong>noir</strong> qui était devenu un signe d‟apparat dans le vêtement, <strong>les</strong> bannières et <strong>les</strong><br />

étendards 4 .Cette armée aux étendards <strong>noir</strong>s était invincible : la <strong>noir</strong>ceur des bannières a<br />

signé la défaite de l‟armée omeyyade et la fin de cet Etat. Marwân II a vu un groupe de<br />

corbeaux qui volaient à côté des étendards <strong>noir</strong>s des Abbasides 5 . L‟apparition de cette<br />

famille de corbeaux a été fatale pour <strong>les</strong> Omeyyades. Le corbeau est un oiseau détesté<br />

1<br />

Ibn Sa„ad(1990),Attabaqât al-Kubrâ, Beirut, t.1, p. 352.<br />

2<br />

Pastoureau Michel (2004), Une histoire <strong>symbolique</strong> <strong>du</strong> Moyen Age occidental, Paris, Seuil, <strong>La</strong> librairie<br />

<strong>du</strong> XXI e siècle, p.13.<br />

3<br />

Ibid, p. 247.<br />

4<br />

Al-Masu„dî(1987),Murūj adhhab wa Ma‘âdin al-Jawher, Beirut, t. 3, p.254.<br />

5 Al-Masu„dî,Murūj, t. 3, p. 265.<br />

3


dans toutes <strong>les</strong> cultures. Pastoureau présente le corbeau comme le « premier oiseau<br />

nommé par la Bible, et deuxième animal après le serpent-apparaît comme une créature<br />

négative, un être charognard, un ennemi de Dieu. Ce qu‟il restera tout au long de<br />

l‟Ancien Testament, vivant dans <strong>les</strong> ruines, dévorant <strong>les</strong> cadavres, crevant <strong>les</strong> yeux des<br />

hommes pécheurs. <strong>La</strong> colombe, au contraire est obéissante et pacifique. Dès lors,<br />

chacun des deux oiseaux transmet à sa couleur la <strong>symbolique</strong> qui est la sienne dans<br />

l‟histoire de l‟arche : le blanc est pur et vertueux, signe de vie et d‟espérance ; le <strong>noir</strong> est<br />

sale et corrompu, signe de péché et de mort 1 ... » Ce signe de mauvaise augure précédant<br />

la dernière bataille a annoncé au dernier calife omeyyade sa défaite et sa mort (un<br />

nuage <strong>noir</strong>). Ses hommes ont également eu peur et se sont découragés. Le terme utilisé<br />

pour désigner la victoire des „<strong>Abbassides</strong> est Yusawwâdû : « s‟habiller en <strong>noir</strong> » c‟est-àdire<br />

adopter l‟idéologie „abbasside au Khurâsân 2 . <strong>Les</strong> <strong>Abbassides</strong> et leurs sympathisants<br />

sont appelés al-Mussawîda 3 « ceux qui portent le <strong>noir</strong> ». Le <strong>noir</strong> était devenu une<br />

couleur politique.<br />

Une couleur <strong>du</strong> pouvoir<br />

Le <strong>noir</strong> est l‟absence de toute couleur. Le terme premier pour désigner le <strong>noir</strong>, en arabe,<br />

est l‟adjectif « aswad »/ « sawdâʼ ».<strong>La</strong> même racine s-w-d nous donne<br />

l‟adjectif « aswad » (<strong>noir</strong>) et le substantif « sayyid » (cf. le Sid) : le chef, le maître.Cette<br />

parenté étymologique et sémantique ne semble pas fortuite. <strong>La</strong> racine, avec ses deux<br />

dérivés, a tout l‟air d‟impliquer une notion de pouvoir, d‟autorité, de dignité. <strong>Les</strong><br />

Arabes ont-ils senti dans le <strong>noir</strong> une couleur maîtresse, qui aurait exercé sur eux une<br />

fascination mêlée de crainte ? Le <strong>noir</strong>, c‟est à proprement parler l‟ombre, l‟obscurité, la<br />

nuit, le mystère qui imposent le respect. Le <strong>noir</strong>, c‟est la livrée de la mort, <strong>du</strong> deuil et<br />

de toutes <strong>les</strong> tristesses. <strong>La</strong> tradition de nos vêtements de deuil vient de loin<br />

(Chine,Grèce,Inde,Perse). Comme l‟indique Pastoureau, cette couleur joue un rôle très<br />

particulier dans un très grand nombre de cultures. Condensant à la fois l‟imaginaire de<br />

la mort, de la nuit et des origines, elle semble bien armée pour s‟ancrer de façon ferme<br />

dans nos esprits. <strong>La</strong> couleur est envisagée, au niveau purement perceptif, avec ses trois<br />

variantes sensoriel<strong>les</strong> de tonalité(« couleur » au sens strict <strong>du</strong> terme),luminosité ou<br />

leucie(« valeur » des peintres) et saturation(« vivacité » ou « intensité » de la<br />

couleur) :ce sont <strong>les</strong> trois composantes psycho-physiologiques de la couleur. Le <strong>noir</strong><br />

n‟est pas une couleur pas plus d‟ailleurs que le blanc. Si le blanc est la réunion de<br />

toutes <strong>les</strong> couleurs, le <strong>noir</strong> est l‟absence de toute couleur, c‟est-à-dire de toute lumière.<br />

1<br />

Pastoureau Michel (2008),Noir Histoire d’une couleur, Editions <strong>du</strong> Seuil, ,Paris,p.47-48<br />

2 ème<br />

Un auteur <strong>du</strong> III siècle de l‟Hégire(1997), Akhbâr al-Dawla al-‘Abassia wa fîh Akhbâr al-‘Abbas wa<br />

waladihi, Beirut, p. 275.<br />

3 ème<br />

Un auteur <strong>du</strong> III siècle de l‟Hégire, Op. cit., p. 290.<br />

4


Le corps <strong>noir</strong> en physique est celui qui, absorbant toutes <strong>les</strong> lumières, n‟en transmet<br />

aucune 1 . Le <strong>noir</strong> a connu une institutionnalisation différente avec <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong>. <strong>La</strong><br />

racine s-w-d implique une notion de pouvoir, de puissance. Le terme « sayyid » (maître)<br />

en est issu. Le substantif « al-aswad »(le <strong>noir</strong>), se rencontre aussi avec des sens très<br />

variés.„Ȃisha,une des épouses <strong>du</strong> Prophète, disait que Muhammad et elle avaient été<br />

dans un tel état de pauvreté qu‟ils n‟avaient pour toute ressource(nourriture) que « <strong>les</strong><br />

deux <strong>noir</strong>s »(al-aswadân). Pour certains, cette expression désignait <strong>les</strong> dattes et l‟eau.<br />

Le masdar « sawâd » qui donne le nom de couleur « assawâd » (la <strong>noir</strong>ceur), revêt<br />

aussi le sens de cohue, de foule, de multitude, de nuée. <strong>La</strong> région très fertile en<br />

palmiers et vergers qui s‟étendait autour de la ville de Kûfa en Iraq est appelée « As-<br />

Sawâd, un vert foncé qui tend vers le <strong>noir</strong>. Nous rencontrons, dans la littérature de<br />

l‟Espagne musulmane comme celle d‟Orient, le substantif « ad-dahmâʼ » pour désigner<br />

<strong>les</strong> gens de condition obscure 2 . Ainsi, le <strong>noir</strong> dans la langue arabe, exprime en même<br />

temps la nob<strong>les</strong>se, la pauvreté et la couleur vert foncé. Il devient donc une couleur riche,<br />

chargée de messages idéologiques. <strong>Les</strong> <strong>Abbassides</strong> ont généralisé le port <strong>du</strong> <strong>noir</strong> à<br />

toutes <strong>les</strong> catégories socia<strong>les</strong> et administratives à partir de l‟année 153 de l‟hégire : le<br />

calife al-Mansûr a obligé la populace à se vêtir en longs qalânis(<strong>noir</strong>s) 3 ( longues<br />

tuniques pour hommes) et ce, contrairement aux pratiques Omeyyades plus élitistes en<br />

matière d‟habillement. Le <strong>noir</strong> devient la couleur officielle : le vêtement califal ainsi<br />

que <strong>les</strong> habits des officiers dans l‟armée, ceux des fonctionnaires de l‟Etat comme la<br />

police par exemple étaient obligatoirement <strong>noir</strong>s. <strong>La</strong> fille <strong>du</strong> calife al-Mahdî, était une<br />

femme policière et était également vêtue de <strong>noir</strong> 4 . Son père l‟aimait à tel point qu‟il l‟a<br />

vêtue en garçonne et elle se déplaçait avec lui à cheval 5 . Le <strong>noir</strong> devient la couleur<br />

religieuse par excellence mais une différence énorme existe au niveau de l‟étoffe. Le<br />

<strong>noir</strong> des <strong>califes</strong> est brillant et lumineux tandis que l‟autre <strong>noir</strong> des fonctionnaires et <strong>du</strong><br />

peuple est mat. <strong>La</strong> couleur <strong>noir</strong>e est un construit social, un construit profondément<br />

ambigu puisqu‟il existait, dans <strong>les</strong> sociétés anciennes deux mots pour qualifier le<br />

<strong>noir</strong> : « en latin,niger,désigne le <strong>noir</strong> brillant(il a donné le français « <strong>noir</strong> »),et ater<br />

signifie « <strong>noir</strong> mat,<strong>noir</strong> inquiétant » 6 .<br />

1<br />

Morabia Alfred (1964), « Recherches sur quelques noms de couleur en arabe classique »,Studia<br />

Islamica,XX3, p.62-63<br />

2<br />

Morabia Alfred, article cité, p.74-75.<br />

3<br />

Assuyûtî(1988), Târîkh al-Khulafâ,Dâr al-Jîl,Beirut,p.318<br />

4<br />

Tabarî(1965),Târith al-Rusul wal Mulūk, Le Caire, , t. 8, p.186.<br />

5<br />

Ibn al-Athîr, Al-Kâmil, t. 6, p. 87.<br />

6<br />

Pastoureau Michel et Simonnet Dominique(2007), Le petit livre des couleurs, Stock, Paris, p.96<br />

5


Une couleur idéologique<br />

« Quelques auteurs estiment qu‟il existe un lien entre le mot color et le verbe celare<br />

(cacher). <strong>La</strong> couleur, c‟est ce qui cache, ce qui dissimule, ce qui trompe. <strong>Les</strong><br />

spéculations étymologiques des Anciens rejoignent ici l‟opinion de quelques savants <strong>du</strong><br />

XX e siècle, n‟hésitent pas à inclure, à leur tour, le mot color dans la grande famille des<br />

termes latins évoquant l‟idée de cacher : celare, clam (en cachette), clandestinus<br />

(clandestin), cilium (paupière), cella (cellier, chambre), cellula (cellule), caligo<br />

(brouillard,obscurité), etc., tous termes s‟articulant autour <strong>du</strong> même radical » 1 . <strong>Les</strong><br />

<strong>Abbassides</strong> sont <strong>les</strong> seuls détenteurs de la légitimité au dépens de leurs cousins<br />

Alaouites (fils de „Ali Ibn Abî Tâlib, cousin et gendre <strong>du</strong> Prophète). Ils ont usurpé le<br />

pouvoir et ils ont persécuté <strong>les</strong> Shîtes Alaouites.L‟idéologie abbasside s‟est propagée<br />

rapidement comme une sorte de contagion. Le <strong>noir</strong> avait une charge <strong>symbolique</strong> très<br />

forte. Le qâdî(juge) Abû Yûssuf <strong>du</strong> calife Hârûn al-Rashîd) trouvait de la lumière divine<br />

dans le <strong>noir</strong> 2 , une façon de vanter le <strong>noir</strong> car un faqîh(un savant dans le Coran et la<br />

tradition prophétique) abbasside a affirmé que le <strong>noir</strong> est la couleur la plus détestable<br />

puisqu‟elle est interdite en pèlerinage, qu‟aucun mort ne peut la mettre comme linceul et<br />

qu‟aucune mariée ne la porte. Le <strong>noir</strong> des <strong>Abbassides</strong> impose l‟idéologie islamique :<br />

renforcement <strong>du</strong> Coran et de la Sunna <strong>du</strong> Prophète (c‟est-à-dire la tradition<br />

prophétique). A travers cette couleur, <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> se présentent comme <strong>les</strong> seuls<br />

parents <strong>du</strong> Prophète. Chez <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong>, le <strong>noir</strong> acquiert une forte charge <strong>symbolique</strong><br />

et affective puisque derrière le <strong>noir</strong>, c‟est la présence <strong>du</strong> Prophète Muhammad lui-même<br />

qui est suggérée. Le <strong>noir</strong> est supposé renvoyer à la présence de „Ali, mais ceci n‟était<br />

qu‟un camouflage pour usurper le pouvoir aux dépens des Shîtes Alaouites ou<br />

descendants de „Ali. Se considérant comme <strong>les</strong> seuls représentants <strong>du</strong> Prophète et <strong>les</strong><br />

continuateurs de sa mission religieuse et métahistorique, <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> ont annoncé la<br />

rupture idéologique avec <strong>les</strong> Omeyyades, anciens mécréants de Quraysh, qui ont été<br />

anti-islamiques. <strong>Les</strong> <strong>Abbassides</strong> leur reprochent surtout d‟avoir marginalisé et occulté le<br />

souvenir <strong>du</strong> Prophète. <strong>La</strong> couleur <strong>noir</strong>e, brandie par <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> s‟oppose au blanc<br />

des Omeyyades couleur officielle de l‟étendard, mais aussi au rouge et au jaune,<br />

couleurs <strong>du</strong> pouvoir omeyyade. Le blanc qui était la couleur officielle des Omeyyades 3 ,<br />

est une couleur qu‟on peut mettre dans la vie de tous <strong>les</strong> jours et qu‟on utilise comme<br />

linceul (un hadith) 4 . L‟historien tunisien Mohamed Tahar Mansouri l‟a démontré dans<br />

un livre sur <strong>les</strong> vêtements à l‟époque islamique : « …Or a posteriori le blanc va devenir<br />

la couleur distinctive des Omeyyades. En 132h./750, après la prise <strong>du</strong> pouvoir par <strong>les</strong><br />

1 Michel Pastoureau, Op. cit., p.122-123.<br />

2 Al-Khatîb al-„Adnânî(1999),Al-Malâbiss wa Azzîna fil Islâm, London-Beirut, p.161:<br />

3 Ibn Qutayba (s.d), Al-Imâma wa Siyâssa,Caire, ,t.1, p. 127.<br />

4 Ibn Sa„ad, Op. cit., t.1, p. 347.<br />

6


<strong>Abbassides</strong>, Abi al-Ward ,compagnon de Marwân b. Muhammad, qui avait d‟abord<br />

reconnu l‟autorité <strong>du</strong> nouveau calife abbasside Abu‟l Abbâs al-Saffâh, se rebella en<br />

arborant la couleur blanche au lieu <strong>du</strong> <strong>noir</strong>, couleur officielle des <strong>Abbassides</strong>. Il ordonna<br />

même à ses administrés de porter <strong>du</strong> blanc en signe de révolte et de soutien au<br />

rétablissement des Omeyyades. Le blanc devint donc une couleur omeyyade et le verbe<br />

blanchir prît le sens de se révolter en souvenir des Omeyyades ou de s‟afficher comme<br />

partisan de la reconstruction de leur autorité per<strong>du</strong>e » 1 . En outre, <strong>les</strong> Omeyyades se<br />

réservaient la soie rouge et jaune (couleurs <strong>du</strong> pouvoir) et offraient <strong>les</strong> autres couleurs à<br />

leurs alliés 2 . Le rouge rappelle le pourpre romain et byzantin, couleur officielle des<br />

empereurs 3 . Par contre, le <strong>noir</strong> est flamboyant et brillant et peut renvoyer notamment<br />

<strong>chez</strong> <strong>les</strong> mystiques musulmans à une image qui consisterait à pénétrer un territoire<br />

presque infini, celui de la divinité qui éblouit 4 . Le <strong>noir</strong> était à l‟époque médiévale en<br />

Occident, la couleur <strong>du</strong> diable associé aux ténèbres, à la nuit et au monde souterrain.<br />

« Ils (<strong>les</strong> diab<strong>les</strong>) deviennent nombreux au XIII e siècle, spécialement dans le vitrail, et<br />

contribuent à leur tour à dévaloriser la couleur qui <strong>les</strong> habille. L‟origine s‟en trouve<br />

probablement dans l‟hostilité croissante entre chrétiens et musulmans : le vert étant la<br />

couleur emblématique <strong>du</strong> Prophète et la couleur religieuse de l‟Islam, l‟iconographie<br />

chrétienne, à l‟époque des croisades, se plaît à l‟employer pour peindre <strong>les</strong> diab<strong>les</strong> et<br />

<strong>les</strong> démons » 5 . Le <strong>noir</strong> était ainsi devenu une couleur « positive » en Occident à partir<br />

de la Renaissance. Il incarnait l‟élégance par excellence : « …Le <strong>noir</strong> protestant et le<br />

<strong>noir</strong> catholique semblent en effet se rejoindre (sinon fusionner) pour faire de cette<br />

couleur la plus employée dans le vêtement masculin...le <strong>noir</strong> domine et sa nature est<br />

double. Il y a, d‟une part, le <strong>noir</strong> des rois et des princes, le <strong>noir</strong> luxueux, né à la cour de<br />

Bourgogne à l‟époque de Philippe le Bon et transmis à la cour d‟Espagne avec<br />

l‟ensemble de l‟héritage bourguignon ; et de l‟autre, le <strong>noir</strong> des moines et des hommes<br />

d‟Eglise, celui de l‟humilité et de la tempérance, celui aussi de tous <strong>les</strong> mouvements qui<br />

prétendent, à un titre ou un autre, retrouver la pureté et la simplicité de l‟Eglise<br />

primitive 6 ». En outre, <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> ont donné au <strong>noir</strong> une fonction messianique qui a<br />

été très efficace dans l‟élaboration et la consolidation de l‟Etat abbasside.<br />

1<br />

Mansouri Mohamed Tahar (2007),Du Voile et <strong>du</strong> Zunnâr,L‟Or <strong>du</strong> Temps,Tunis,p.152.<br />

2<br />

Balâdhurî(1996), Ansâb al-Ašhrâf, t. 8, Beirut, , p. 373.<br />

3<br />

Patlagean Evelyne (juillet-août 2000), « Byzance et la question <strong>du</strong> roi-prêtre », in Anna<strong>les</strong> HSS, Paris, p.<br />

871- 878.<br />

4<br />

Mollard-Desfour A. (2010), Le Noir : Dictionnaire de la couleur, mots et expressions d’aujourd’hui,<br />

Paris, éd. CNRS, p. 288.<br />

5 Pastoureau,Op. cit,p.65-66<br />

6 Pastoureau,Op. cit.,p.154-155<br />

7


Le <strong>noir</strong> est une couleur messianique<br />

Le message messianique est lié au <strong>noir</strong> idéologique. « L‟exhibition par <strong>les</strong> Hachémites<br />

d‟étendards <strong>noir</strong>s, adoptés plus tard comme emblèmes pour la dynastie abbâsside, avait<br />

à ce moment une signification messianique. <strong>Les</strong> étendards <strong>noir</strong>s figuraient parmi <strong>les</strong><br />

signes et <strong>les</strong> présages énumérés dans <strong>les</strong> prophéties eschatologiques courantes à cette<br />

époque ; ils avaient déjà été utilisés comme emblèmes de révolte religieuse par <strong>les</strong><br />

rebel<strong>les</strong> anti-Umayyades. Leur utilisation par Abȗ Muslim constituait donc un<br />

encouragement aux espérances « messianiques » 1 . « <strong>Les</strong> étendards <strong>noir</strong>s ou rayât soûd<br />

viendront <strong>du</strong> Khurâsân, ils batteront tout ceux qui se trouvent sur leur<br />

chemin….Quraysh est versé dans une Fitna (la dicorde) jusqu‟à l‟arrivée de personnes<br />

de l‟Orient, vêtus de <strong>noir</strong>, leurs drapeaux sont <strong>noir</strong>s, ils sont imbattab<strong>les</strong>. <strong>La</strong> Fitna sera<br />

vaincue grâce à eux et ils accorderont le pouvoir à mon proche» (Un hadith) 2 .<br />

Une couleur ambivalente<br />

Couleur <strong>du</strong> pouvoir mais aussi <strong>du</strong> mal, de la mort, de l‟abîme, dans l‟histoire des<br />

superstitions <strong>du</strong> monde musulman, la couleur <strong>noir</strong>e occupe une place de choix. Citons, à<br />

titre d‟exemp<strong>les</strong> : Le mythe <strong>du</strong> chat <strong>noir</strong>, dont le pouvoir magique est immense.<br />

Création de Satan, il immunise des maladies celui qui mange sa chair. Sa rate accrochée<br />

à une femme qui a ses menstrues, <strong>les</strong> arrête, etc. Le mythe de l‟oiseau <strong>noir</strong> est encore<br />

plus vivace. L‟oiseau, par lui-même contient de nombreux symbo<strong>les</strong>. Ceux-ci sont<br />

renforcés quand l‟oiseau se trouve être de couleur <strong>noir</strong>e…Le corbeau est d‟ailleurs<br />

l‟oiseau fatidique par excellence : son cri est désagréable et lugubre et sa couleur est<br />

<strong>noir</strong>e. Il exerce <strong>chez</strong> maints peup<strong>les</strong> musulmans-comme il le fit, d‟ailleurs, par<br />

beaucoup d‟autres peup<strong>les</strong>-une influence funeste, de pessimisme et de mauvaise<br />

augure…Dans le langage populaire, l‟ennemi juré est qualifié de « aswad al-kabid »<br />

(<strong>noir</strong> de foie, ou en l‟occurrence <strong>noir</strong> de cœur) : « qalb aswad »(un cœur <strong>noir</strong>)<br />

s‟applique à une nature basse et vulgaire 3 . Pour toutes ces raisons et en relation<br />

essentiellement avec des motifs idéologiques, le <strong>noir</strong> a été « attaqué » à l‟époque<br />

abbasside.<br />

Une propagande contre le <strong>noir</strong><br />

<strong>Les</strong> Shîtes Alaouites, ennemis des <strong>Abbassides</strong>, ont raconté que „Ali Ibn Abî Tâlib a<br />

dit : « Le <strong>noir</strong> est la couleur des Pharaons 4 (c‟est-à-dire <strong>les</strong> „<strong>Abbassides</strong>). C‟est interdit<br />

1 E.I 2 ,artic. „Abbâsides.<br />

2 Un auteur <strong>du</strong> III ème siècle de l‟Hégire, Op. cit., p. 207.<br />

3 Morabia Alfred, article cité, p. 91-92.<br />

4 <strong>Les</strong> Pharaons ont la réputation d‟être despotes.<br />

8


de s‟habiller avec cette couleur 1 . Une crise éclata en pleine période de croissance <strong>du</strong><br />

pouvoir „abbasside. « Il semble que le premier dirigeant à faire de la couleur verte, la<br />

couleur officielle de son règne, fut al-Ma‟moun 2 . Il aurait ordonné à Tâhir b. al-Husain<br />

de remplacer la couleur <strong>noir</strong>e de ses vêtements par le vert et aurait ordonné aux<br />

officiers, aux officiels ainsi qu‟aux habitants de Bagdad de porter des vêtements de<br />

couleur verte 3 . Cette décision ne fut pas appréciée par <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> et leurs fidè<strong>les</strong> qui<br />

y ont vu une rupture avec leurs habitudes. Cet épisode est en relation avec le choix <strong>du</strong><br />

futur calife et héritier d‟al-Ma‟moun qui n‟est autre que „Ali al-Ridha de la branche<br />

Alide parmi <strong>les</strong> descendants <strong>du</strong> Prophète à laquelle <strong>les</strong> <strong>Abbassides</strong> et <strong>les</strong> „Alides se<br />

rattachent par une relation <strong>du</strong> sang ou d‟ascendance. L‟adoption <strong>du</strong> vert au détriment <strong>du</strong><br />

<strong>noir</strong> abbasside, fut même considéré comme une hérésie et un écartement de la tradition<br />

des ancêtres, voire un retour aux traditions sassanide qui lui aurait été inspirée par l‟un<br />

de ses proches,al-Fadhl Ibn Sahl. En conséquence, certains d‟entre eux se sont trouvés<br />

soutenir ses opposants et soutenir <strong>les</strong> révoltes qui se réclamaient de la tradition des<br />

ancêtres 4 ». Le vert avait plusieurs significations <strong>chez</strong> <strong>les</strong> musulmans. « Le vert est<br />

synonyme de la nature. C‟est la couleur dominante des végétaux. C‟est aussi celle de<br />

l‟eau, des fleuves et des lacs. Elle est à l‟origine même de la vie. Cet aspect de la<br />

couleur verte nous semble indispensable à souligner, pour sentir toute la valeur qu‟elle a<br />

revêtue dans la psychologie d‟un peuple très sensible aux dons de la nature et originaire<br />

de contrées souvent arides » 5 . Le Coran a précisé au surate ar-Rahmân l‟existence de<br />

deux jardins verts destinés aux élus d‟Allâh. Le Prophète avait aussi un burd vert 6 (un<br />

habit). Le calife s‟est installé à Rusâfa (une nouvelle ville califale à l‟époque des<br />

<strong>Abbassides</strong>): ses habits, ceux de ses courtisans, leurs tentes, et leurs étendards étaient<br />

verts. On entrait <strong>chez</strong> calife habillé en vert, <strong>les</strong> habitants de Bagdad et <strong>les</strong> Banû Hâshim<br />

portaient tous cette couleur. Pendant huit jours, ils s‟étaient mis à déchirer tout ce qui<br />

était en <strong>noir</strong>. Tout le monde a obéi à l‟ordre <strong>du</strong> calife de porter le vert au lieu <strong>du</strong> <strong>noir</strong><br />

sauf Ismâ„il Ibn Ja‟far Ibn Sulaymân Ibn „Ali al-Hâshimî. Ce gouverneur d‟al-Ma‟moun<br />

à Basra a refusé de mettre <strong>du</strong> vert car il considérait cet acte comme une violation de la<br />

loi divine 7 . Il a par ailleurs décrété que la meilleure personne après le Prophète est „Ali<br />

ibn Abî Tâlib 8 . Il a classé „Ali au-dessus d‟Abî Bakr et de „Umar, ce qui a mené à une<br />

1<br />

Al-Khatîb al-„Adnânî, Op. cit., p.160.<br />

2<br />

Fils de Harȗn al-Rashîd, il a régné entre 813-833.<br />

3<br />

Al-Qalqašhandî,Maʼthir al-Anâfa fî Ma‘âlim al-Khilâfa,Beirut,s.d,t.1, p. 211-212 : le vert, emblème des<br />

„Alaouites. « <strong>Les</strong> gens brûlaient <strong>les</strong> habits <strong>noir</strong>s pendant huit jours. <strong>Les</strong> „Abbasides ont été très froissés<br />

d‟où leur retour au <strong>noir</strong>, emblème des „Abbasides » ; Mansouri,Op. cit.,p.168<br />

4<br />

Mansouri, Op. cit, p.169<br />

5<br />

Morabia Alfred, Op. cit., p. 78.<br />

6<br />

Ibn Sa„ad, Op. cit.,t. 1,p. 352.<br />

7<br />

Al-Ya„qūbî(1969),Târikh, Leiden &Brill,t. 2, p. 551.<br />

8<br />

Assuyūtî, Târîkh al-Khulafâ, p. 366.<br />

9


discorde.<br />

<strong>Les</strong> banû al-„Abbâs et <strong>les</strong> généraux <strong>du</strong> Khurâsân ont reproché au calife d‟avoir<br />

abandonné la couleur de ses pères, de sa famille et de leur Etat et d‟avoir adopté le vert.<br />

Ils ont finalement demandé au calife de revenir au <strong>noir</strong>, vêtement de l‟Etat de ses Pères 1 .<br />

Le <strong>noir</strong> a gardé tout son éclat pendant la période abbasside. <strong>Les</strong> Fatimides ont adopté de<br />

nouveau le vert. C‟est avec <strong>les</strong> Shîtes, en Iran et en Iraq, que le <strong>noir</strong> revint en force pour<br />

véhiculer jusqu‟à nos jours une idéologie shîte nouvelle. Le legs de la <strong>symbolique</strong> à<br />

travers la couleur persiste.<br />

Conclusion<br />

<strong>Les</strong> <strong>Abbassides</strong> ont réussi à établir leur couleur <strong>noir</strong>e comme la couleur <strong>du</strong> pouvoir.<br />

Cette couleur était aussi un rappel continuel aux musulmans d‟une appartenance à la<br />

famille <strong>du</strong> Prophète ou Ahl al-Bayt. A travers cette <strong>symbolique</strong>, ils ont pu dominer<br />

politiquement et idéologiquement. Mais l‟avènement des <strong>califes</strong> Fatimides qui ont<br />

adopté le vert, a détruit cette <strong>symbolique</strong>. <strong>Les</strong> Shîtes Alaouites en Irak et en Iran<br />

réussirent à faire triompher de nouveau la couleur <strong>noir</strong>e qui symbolise pour toujours<br />

« le deuil de Karbalâ », c‟est-à-dire le massacre d‟al-Husayn Ibn „Ali et tous ses fils par<br />

l‟armée omeyyade en Iraq. Actuellement, cette couleur a une nouvelle <strong>symbolique</strong> liée<br />

essentiellement aux mouvements salafistes et wahhabites.<br />

1 Tabarî, Târith, t. 8,p. 574-575; Ibn al-Athîr(1982), Al-Kâmil fî al-Thârikh, Beirut, t. 6, p. 357.<br />

10


Abbâs 1-10<br />

<strong>Abbassides</strong> 1-2-3-4-5-6-7-8-9-10<br />

Abî Bakr 9<br />

Abî al-Ward 7<br />

Abû al-„Abbâs al-Saffâh 7<br />

Abû Yûsuf 6<br />

Âisha 5<br />

Ahl al-Bayt 10<br />

„Ajam 3<br />

Alaouites 1-6-8<br />

„Ali Ibn Abî Tâlib 1-6-8-9-10<br />

„Alides 9<br />

Ar-Rhmân 9<br />

Aswad 4-5-8<br />

Assawad 5<br />

Aswadân 5<br />

Bagdad 10<br />

Bourgogne 7<br />

Burd 9<br />

Index<br />

A<br />

B<br />

C<br />

11


Chine 4<br />

Fatimides 1-10<br />

Al- Fadhl Ibn Sahl 9<br />

Fitna 10<br />

Grèce 4<br />

Hârûn al-Rashîd 6<br />

Al-Husayn Ibn „Ali 10<br />

„Imâma 1-2<br />

Inde 4<br />

Iraq 2-10<br />

Iran 2- 5-10<br />

Ismâ„il Ibn Ja‟far 9<br />

E<br />

F<br />

G<br />

H<br />

I<br />

J<br />

12


Karbalâ 10<br />

Al-Kabid 8<br />

Kûfa 5<br />

Khurâsân 1-3-4-10<br />

Al-Mahdî 5<br />

Al-Mansûr 1-5-9<br />

Marwân II ou Ibn Muhammad 3-7<br />

Mawâlî 3<br />

Mawlâ 3<br />

Mecque 2<br />

Mohamed Tahar Mansouri 6<br />

Muhammed 6<br />

Mussawîda 1-4<br />

Omeyyades 1-3-6-7<br />

K<br />

L<br />

M<br />

N<br />

O<br />

13


Pastoureau 2-4<br />

Perse 4<br />

Pharaons 8<br />

Philippe le Bon 7<br />

Qalânis 5<br />

Qalb 8<br />

Quraysh 3-6<br />

Râyât 2<br />

Rusâfa 10<br />

Salafistes 10<br />

Sid 4<br />

Sayyid 4<br />

Sawâd 5<br />

Sawdâ 4<br />

Shîtes 1-2-6-10<br />

Tâhir b. al-Husayn 9<br />

P<br />

Q<br />

R<br />

S<br />

T<br />

14


„Umar 9<br />

Wahhabites 10<br />

Wilâya 3<br />

Yusawwâdû 4<br />

U<br />

V<br />

W<br />

X<br />

Y<br />

Z<br />

15

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