messiaen olivier 1 9 0 8 - Durand Salabert Eschig
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D istantes d’environ cinquante années, ces deux pièces montrent combien, entre sa<br />
première maturité et ses ultimes années, Messiaen a maintenu constante son écriture<br />
mélodique. Au regard de cet important élément de la composition qu’est la mélodie, il a<br />
toujours rejeté le modèle proposé par le bel canto. À l’exact opposé, il prolongea l’empreinte<br />
mélodique ineffaçable que le chant grégorien avait tôt laissée en lui : une écriture<br />
monophonique, un but transcendantal, un chant exempt de toute expression subjective,<br />
une pratique collective, et un flux sonore infiniment continué et physiquement irrespirable<br />
(rares y sont les césures pour que le chanteur puisse respirer). Bref, il s’agit d’un idéal de<br />
plénitude, par lequel l’espace sonore doit être saturé, à l’imitation d’un vitrail gothique<br />
dont la plus grande surface doit être comblée, de surcroît par les plus chatoyantes<br />
couleurs. Mais Messiaen n’a-t-il pas, tout au long de sa vie, espéré que sa musique aurait<br />
les vertus du vitrail ?<br />
Dans Fantaisie, écrit en 1933, l’écriture mélodique est confiée au violon, que Messiaen<br />
emploie pour sa seule aptitude, grâce à l’archet, à produire une ligne que n’interrompt<br />
nulle césure ni respiration. Mais, dans sa pure et nue essentialité, elle aurait tout aussi<br />
bien être confiée à la main droite d’un orgue ou … à l’onde Martenot.<br />
Et c’est justement à cet instrument que, dans Feuillets inédits, à la fin des années<br />
1980, cette même écriture est destinée : guidée par le compositeur, Yvonne Loriod rassembla,<br />
en une seule œuvre, des fragments musicaux – pour la plupart des chants d’oiseaux<br />
– notés et agencés par Messiaen. Parce qu’elle dévoile des fragments, cette œuvre se<br />
révèle passionnante : elle permet, sans effraction, d’entrer dans l’atelier du Maître. Rare<br />
privilège !<br />
Separated by more than fifty years, these two pieces show how faithful Messiaen<br />
remained to his melodic style, from his earliest maturity to his final years. With regard<br />
to this important element of composition, he always rejected bel canto as a model. On<br />
the contrary, from the Gregorian chant that left an early, indelible imprint on his melodic<br />
thinking, he developed a monophonic style: a transcendental goal, a chant free of any<br />
subjective expression, a collective practice, an unending flow of sound and breath that is<br />
physically unattainable (caesuras enabling the singer to breathe are very rare). In short,<br />
it is an ideal of richness, a way of saturating the soundspace – as in a Gothic stained-glass<br />
window, in which the greatest possible surface must be filled by the most shimmering<br />
colors. Indeed, thoughout his life, Messiaen hoped that his music would have the qualities<br />
of stained glass.<br />
In Fantaisie, written in 1933, the melodic writing is entrusted to the violin, which<br />
Messiaen uses solely for its ability (thanks to its bow) to produce a line uninterrupted by<br />
any caesura or breath. But in its pure, naked essentiality, it could just as well have been<br />
entrusted to a right hand playing the organ…or to the Ondes Martenot.<br />
And it is to that very instrument that this same melodic style is destined, in the<br />
Feuillets inédits of the late 1980s. Guided by the composer, Yvonne Loriod assembled<br />
a single work from musical fragments – mostly bird songs – that had been noted down<br />
and organized by Messiaen.<br />
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