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nouvelle décoration de sa brasserie : box en acajou, filets de<br />
pêcheur et maquettes de bateaux.<br />
Un quart d’heure plus tard, Sanchez et Duquesnes se<br />
retrouvèrent au siège de Nova Telecom.<br />
L’entreprise occupait un immeuble de huit étages dans l’avenue<br />
Ahidjo, la plus grande artère de Douala, à deux pas du consulat<br />
britannique. Le téléphone fixe fonctionnant très mal et étant<br />
difficile et long à obtenir, la téléphonie mobile figurait parmi les<br />
activités les plus prospères du pays. Chaque Camerounais ou<br />
presque, du plus pauvre au plus riche, avait un portable dans sa<br />
poche. Orange accaparait les trois quarts du marché. Ses<br />
publicités s’étalaient dans toutes les rues, aussi agressives que<br />
celles des innombrables Églises. Mais Nova commençait à lui<br />
tailler des croupières en pratiquant des tarifs discount. Chacun<br />
des deux concurrents arrosait un ou deux ministres et quelques<br />
hauts fonctionnaires.<br />
Les bureaux de Nova étaient confortables, meublés de canapés<br />
en cuir, de longues tables d’acajou et de verre, et surtout pourvus<br />
d’une climatisation en parfait état de marche. De sa fenêtre, qu’il<br />
n’ouvrait jamais pour ne pas laisser pénétrer la chaleur, l’humidité<br />
et les moustiques, Sanchez pouvait apercevoir les grues et les silos<br />
du port. Chaque jour, il consacrait une vingtaine de minutes à<br />
envoyer des mails à ses fils, qui vivaient avec leur mère, à Paris. Il<br />
ne les avait pas vus depuis les dernières vacances d’été qu’il avait<br />
passées avec eux en Bretagne, chez sa mère.<br />
Sanchez avait quitté Paris trois ans plus tôt, peu après son<br />
divorce. Sans cette séparation, l’idée de venir s’enterrer ici ne lui<br />
serait jamais venue, même pour du fric. Mais il avait abandonné la<br />
maison à son ex, pour ne pas perturber ses enfants, et s’était<br />
retrouvé sans un sou avec une grosse pension alimentaire à régler.<br />
Il avait donc sauté sur l’opportunité de tripler ses revenus. Il avait<br />
calculé qu’en cinq ans il pourrait économiser de quoi s’acheter un<br />
petit appartement ou monter sa propre affaire. Peut-être<br />
rempilerait-il au bout de ces cinq années. Sa décision n’était pas<br />
encore prise. Six mois après son arrivée à Douala, il avait<br />
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