9: 1960-1961 - Institut National du Patrimoine
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CHAPITEAUX À BÉLIERS ET À AIGLES<br />
chez les Babyloniens dans le mythe d'Étana bien connu des orientalistes,<br />
et chez les Hittites qui le tenaient des Sumériens (1) . Nous le retrouvons<br />
jusque dans l'art de la Steppe : en Sibérie, les Yakoutes le considéraient<br />
comme le créateur <strong>du</strong> premier Chaman et de la Lumière (2) . Franz Cumont<br />
a montré la place que prit cet oiseau de haut vol dans la religion solaire qui<br />
s'était développée chez les Sémites en Syrie et la répercussion de ces cultes<br />
sur les croyances eschatologiques de certains milieux romains (3) . La légende<br />
<strong>du</strong> mythe d'Étana, qui survécut très longtemps dans l'imagination populaire,<br />
est sans doute la source inspiratrice <strong>du</strong> motif <strong>du</strong> Garuda (4) et <strong>du</strong><br />
récit de l'ascension d'Alexandre (5) , qui <strong>du</strong>t prendre place dans le roman<br />
dès le IV e siècle (6 ) . Ce récit connu en Orient des Juifs et des Chrétiens devait<br />
alors viser à l'édification, en enseignant, par une sorte de parabole, que si<br />
le corps est périssable, l'âme doit aspirer au Ciel; l'aigle jouait le rôle de<br />
symbole d'immortalité ou, selon l'expression <strong>du</strong> mystique Philon, que<br />
rappelle Erwin Goodenough à propos <strong>du</strong> décor des synagogues, « le triomphe<br />
de la vision divine » (7) .<br />
Ainsi que nous avons pu le remarquer au cours de cette étude, ce décor architectural<br />
appartient bien au V e siècle, comme l'a montré Rudolf Kautzsch (8) .<br />
Le caractère de la plastique des reliefs provenant de Damous-el-Karita<br />
ne nous permet guère de remonter au-delà des premières années <strong>du</strong> règne<br />
de Théodose II et nous savons également que le style des feuilles d'acanthe<br />
qui meublent les registres inférieurs disparaît vers la fin <strong>du</strong> V e siècle. D'autre<br />
part, il semble peu probable que, sous l'occupation vandale, on ait importé<br />
de Constantinople à Carthage des fragments d'architecture, ou même que<br />
l'on y ait construit de grands monuments chrétiens (9) . Nous proposons<br />
donc de dater ces chapiteaux à zones entre 408 et 439.<br />
Si à ses débuts le christianisme dans son architecture monumentale a<br />
parfois continué la tradition de l'antiquité romaine, nous devons enfin<br />
(1) Edmond POTTIER, L'art hittite, 1 er fasc., Paris, 1926, p. 49-50.<br />
(2) Louis HAMBIS, Représentations aquiliformes dans l'art de la Steppe, dans C.R.A.I.<br />
(janvier-mars 1957), Paris, 1958, p. 56-64.<br />
(3) Franz CUMONT, L'aigle funéraire des Syriens et l'apothéose des Empereurs, op. cit., p. 119-<br />
163. Voir aussi Anne ROES, L'aigle psychopompe de l'époque impériale, op. cit., p. 881-891.<br />
(4) Sur ce motif, André ALFÖLDI, Études sur le trésor de Nagyszentmiklos, dans Cahiers archéologiques<br />
publiés par André Grabar et Jean Hubert, VI, Paris, 1952, p. 43-53.<br />
(5) « Son imagerie n'est rien moins qu'un manteau soigneusement choisi pour la pensée abstraite<br />
représentant la forme sous laquelle l'expérience est devenue consciente » : H. FRANKFORT, The<br />
intellectual adventure of Ancient Man, Chicago, 1946, p. 7, cité par : E. O. JAMES, Mythes et<br />
rites dans le Proche-Orient ancien, Paris, <strong>1960</strong>, p. 298.<br />
(6) Gabriel MILLET, L'ascension d'Alexandre, dans Syria, VI, Paris, 1923, p. 85-133.<br />
(7) Erwin GOODENOUGH, The Bosporus inscriptions to the most High God, op. cit., p. 229.<br />
(8) Rudolf KAUTZSCH, Kapitellstudien, op. cit., p. 152-163.<br />
(9) Christian COURTOIS, Les Vandales et l'Afrique, Paris, 1955, p. 316 et 317.<br />
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