05.07.2013 Views

quelques remarques à propos d'amers de saint john perse

quelques remarques à propos d'amers de saint john perse

quelques remarques à propos d'amers de saint john perse

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

96<br />

Pierre Géraud<br />

Et surtout, le corps <strong>de</strong>s Amants. C'est incontestablement dans l'amour<br />

que Perse décèle le mo<strong>de</strong> d'accès privilégié <strong>à</strong> l'être, l'expérience la plus<br />

paroxystique, le moment du plus grand dépassement <strong>de</strong> soi, le véritable<br />

dévoilement <strong>de</strong> la part divine engagée en l'homme : « Amour et mer <strong>de</strong><br />

même lit, amour et mer au même lit » (p. 326) ; et quand Perse parle<br />

d'amour, il ne vise pas un amour désincarné, un amour <strong>de</strong> pur esprit oublieux<br />

<strong>de</strong> la prison du corps, mais un amour gorgé d'énergie pulsionnelle,<br />

un amour prédateur, impatient et tendu : « Le faucon du désir tire sur ses<br />

liens <strong>de</strong> cuir... » (p. 331).<br />

C'est en fait toute la suite intitulée « Étroits sont les vaisseaux » qui est<br />

imprégnée d'un érotisme lourd, extrême, liant la violence corporelle <strong>à</strong> l'épiphanie<br />

païenne d'un dieu liqui<strong>de</strong> : « Frapperas-tu, hampe divine ? » (p.<br />

337).<br />

Le texte, dans sa totalité, se passe <strong>de</strong> commentaire, tant il est surchargé<br />

<strong>de</strong> connotations érotiques.<br />

En revanche, il convient peut-être <strong>de</strong> noter que ce qui fait le privilège<br />

<strong>de</strong> l'amour sexuel, c'est qu'il est âme et corps mêlés, union retrouvée, totalité<br />

indiscernable <strong>de</strong> l'homme agissant (« Aimer aussi est action », p. 354).<br />

Dans le rapport sexuel, et sans doute. plus intimement, dans l'orgasme<br />

partagé, ce sont d'un même jet l'âme et le corps qui transgressent leurs<br />

limites : « Submersion ! Soumission ! Que le plaisir sacré t'inon<strong>de</strong>, sa <strong>de</strong>meure<br />

! Et la jubilation très forte est dans la chair, et <strong>de</strong> la chair dans l'âme<br />

est l'aiguillon » (p. 334.)<br />

Je n'insisterai pas sur le caractère anti-platonicien <strong>de</strong> ce passage. Je préfère,<br />

plus simplement, souligner ceci : que l'amour, d'abord, est ce qui brise<br />

nos frontières corporelles. Parce qu'il est, bien entendu, par le tendu du<br />

désir, offran<strong>de</strong> <strong>à</strong> l'autre – offran<strong>de</strong> au non-soi, au mon<strong>de</strong>, <strong>à</strong> l'être et <strong>à</strong> la<br />

mort – et aspiration <strong>à</strong> l'autre il est, dans la prise ou la méprise <strong>de</strong> l'autre, ce<br />

qui s'achève en la fusion ou l'abandon <strong>à</strong> l'autre, <strong>à</strong> l'abandon-fusion et abandon<br />

qui ne peuvent être installation éternelle, mais seulement conjonction<br />

précaire, et comme affleurement halluciné <strong>de</strong> l'unité, toujours désirée, et<br />

toujours seulement entrevue, toujours retraite et jamais véritablement conquise<br />

ou acquise : « Qui donc en toi toujours s'aliène et se renie ? – Mais<br />

non, tu as souri, c'est toi » (p. 330.)<br />

Par ailleurs, <strong>de</strong> par sa démesure, l'amour, dans la magie d'un feu qui<br />

brûle aussi loin que nos forces les plus gran<strong>de</strong>s, nous met au-<strong>de</strong>l<strong>à</strong> <strong>de</strong> la<br />

mort. Certes, la mort n'est ni occultée, ni oubliée – elle est, pour un instant,<br />

surmontée, elle ne se fait plus rythmique obsédante <strong>de</strong> nos dire ou <strong>de</strong> nos

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!