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quelques remarques à propos d'amers de saint john perse

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Pierre Géraud<br />

au mon<strong>de</strong> l'authenticité du dire, ce dire ne doit porter nulle marque <strong>de</strong> la<br />

subjectivité limitée <strong>de</strong> son auteur, <strong>de</strong> son acteur pourrait-on dire, mais l'excé<strong>de</strong>r<br />

<strong>de</strong> partout, la débor<strong>de</strong>r, l'halluciner <strong>de</strong> telle sorte qu'il ne se reconnaisse<br />

plus en cette parole qu'il profère, mais qu'elle habite en lui, qu'elle<br />

vive par sa médiation une vie autonome, comme pur Récit, texte <strong>à</strong> dire<br />

dans le respect et l'oubli <strong>de</strong> soi : « Nous t'acclamons, Récit ! - Et la foule<br />

est <strong>de</strong>bout avec le Récitant » (p. 379.)<br />

Mais si la poésie <strong>de</strong> Perse ne consiste pas en un écrire, mais en un dire,<br />

dire existant par soi, incarné par le récitant et non forgé par un quelconque<br />

producteur, ouvrier <strong>de</strong>s tropes, artificieux ingénieur <strong>de</strong>s rythmes et <strong>de</strong>s<br />

mètres, il en résulte une double conséquence :<br />

- la première est celle-ci : que le « texte » reçoit une double signification,<br />

et se comprend soit comme une architecture primordiale du signifiant,<br />

sorte <strong>de</strong> Urtext inassignable commandant la structure du dire poétique, soit<br />

comme une architecture terminale reflétant le travail d'interrelation poétique<br />

du Texte primordial ;<br />

- la secon<strong>de</strong> conséquence est que ce dire poétique s'enracine dans le<br />

mythe, dont le propre est d'être l<strong>à</strong>, massif et fascinant, dans la seule rési<strong>de</strong>nce<br />

imprévisible <strong>de</strong> sa récitation et dans la perte immémoriale <strong>de</strong> son<br />

origine subjective – et non dans le conte, comme le soutient, avec une légèreté<br />

répréhensible, Albert Yoyo (in Saint John Perse et le conteur, Bordas).<br />

En effet, par plusieurs traits, le texte <strong>de</strong> Perse s'apparente au mythe,<br />

dont il assume <strong>à</strong> la fois le mystère originel et l'insaisissable force <strong>de</strong> présence.<br />

D'abord, tout comme le temps que dit le mythe, le temps que dit la poésie<br />

<strong>de</strong> Perse est un temps tellement vague, tellement imprécis qu'il s'apparente<br />

fort <strong>à</strong> un non-temps. Toute structure chronologique est bousculée, <strong>de</strong>s<br />

éléments historiquement hétérogènes sont entremêlés, et la structure même<br />

du texte n'est pas linéaire et temporelle, mais circulaire et figée. Aucune<br />

succession dans le récit, aucun point <strong>de</strong> repère chronologique, tout est « en<br />

même temps », c'est-<strong>à</strong>-dire hors du temps, hors <strong>de</strong> l'illusion éclatée <strong>de</strong> la<br />

hachure <strong>de</strong> l'espace et du temps :<br />

« Et c'est d'une même étreinte, comme une seule gran<strong>de</strong> strophe vivante,<br />

qu'elle [la poésie] embrasse au présent tout le passé et l'avenir, l'humain<br />

avec le surhumain, et tout l'espace planétaire avec l'espace universel » (Discours<br />

<strong>de</strong> Stockholm, p. 445.)<br />

Portée <strong>à</strong> la limite du désir d'assimilation, s'étendant <strong>à</strong> la totalité <strong>de</strong> ce<br />

qui est, cette poésie ne se déroule même plus dans le temps, mais présente

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