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Quelques sonnets irréguliers : Jules de Rességuier (1788 - 1862 ...

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<strong>Quelques</strong> <strong>sonnets</strong> <strong>irréguliers</strong> :<br />

<strong>Jules</strong> <strong>de</strong> <strong>Rességuier</strong> (<strong>1788</strong> - <strong>1862</strong>)<br />

Sonnet<br />

Fort<br />

Belle,<br />

Elle<br />

Dort ;<br />

Sort<br />

Frêle !<br />

Quelle<br />

Mort !<br />

Rose<br />

Close,<br />

La<br />

Brise<br />

L'a<br />

Prise.<br />

Paul Verlaine :<br />

Sonnet boiteux (Jadis et Naguère, publié en 1881)<br />

(Sonnet boiteux est le 7ème poème <strong>de</strong> Jadis et Naguère, juste avant Le Clown)<br />

À Ernest Delahaye<br />

Ah ! vraiment, c'est triste, ah ! vraiment ça finit trop mal.<br />

Il n'est pas permis d'être à ce point infortuné.<br />

Ah! vraiment c'est trop la mort du naïf animal<br />

Qui voit tout son sang couler sous son regard fané.<br />

Londres fume et crie. Ô quelle ville <strong>de</strong> la Bible !<br />

Le gaz flambe et nage et les enseignes sont vermeilles.<br />

Et les maisons dans leur ratatinement terrible<br />

Epouvantent comme un sénat <strong>de</strong> petites vieilles.<br />

Tout l'affreux passé saute, piaule, miaule et glapit<br />

Dans le brouillard rose et jaune et sale <strong>de</strong>s Soho<br />

Avec <strong>de</strong>s in<strong>de</strong>eds et <strong>de</strong>s all right et <strong>de</strong>s haôs.<br />

Non vraiment c'est trop un martyre sans espérance,<br />

Non vraiment cela finit trop mal, vraiment c'est triste :<br />

Ô le feu du ciel sur cette ville <strong>de</strong> la Bible !<br />

Tristan Corbière<br />

Sonnet (Avec la manière <strong>de</strong> s'en servir) Recueil : Les Amours jaunes<br />

Réglons notre papier et formons bien nos lettres :<br />

Vers filés à la main et d'un pied uniforme,<br />

Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton ;<br />

Qu'en marquant la césure, un <strong>de</strong>s quatre s'endorme...<br />

Ça peut dormir <strong>de</strong>bout comme soldats <strong>de</strong> plomb.


Sur le railway du Pin<strong>de</strong> est la ligne, la forme ;<br />

Aux fils du télégraphe : - on en suit quatre, en long ;<br />

A chaque pieu, la rime - exemple : chloroforme.<br />

- Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.<br />

- Télégramme sacré - 20 mots. - Vite à mon ai<strong>de</strong>...<br />

(Sonnet - c'est un sonnet -) O Muse d'Archimé<strong>de</strong> !<br />

- La preuve d'un sonnet est par l'addition :<br />

- Je pose 4 et 4 = 8 ! Alors je procè<strong>de</strong>,<br />

En posant 3 et 3 ! - Tenons Pégase rai<strong>de</strong> :<br />

" O lyre ! O délire ! O... " - Sonnet - Attention !<br />

Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)<br />

Les colchiques<br />

Le pré est vénéneux mais joli en automne<br />

Les vaches y paissant<br />

Lentement s'empoisonnent<br />

Le colchique couleur <strong>de</strong> cerne et <strong>de</strong> lilas<br />

Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la<br />

Violâtres comme leur cerne et comme cet automne<br />

Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne<br />

Les enfants <strong>de</strong> l'école viennent avec fracas<br />

Vêtus <strong>de</strong> hoquetons et jouant <strong>de</strong> l'harmonica<br />

Ils cueillent les colchiques qui sont comme <strong>de</strong>s mères<br />

Filles <strong>de</strong> leurs filles et sont couleur <strong>de</strong> tes paupières<br />

Qui battent comme les fleurs battent au vent dément<br />

Le gardien du troupeau chante tout doucement<br />

Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent<br />

Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne<br />

Jacques Réda<br />

(né en 1929) L’incorrigible 1995<br />

LE CHARPENTIER<br />

Ce poème s'écrit sous l'œil d'un charpentier<br />

Qui s'active au sommet <strong>de</strong> la maison voisine<br />

Avec <strong>de</strong>s bruits <strong>de</strong> clous, <strong>de</strong> brosse et <strong>de</strong> mortier.<br />

Peut-être me voit-il (et la petite usine<br />

Que font ma cigarette, un crayon, la moitié<br />

D'une feuille où ma main hésitante <strong>de</strong>ssine)<br />

Comme un échantillon d'un étrange métier<br />

Qu'on exerce immobile au fond <strong>de</strong> sa cuisine.<br />

À chacun son domaine. Il faut dire pourtant<br />

Que, du sien, mon travail n'est pas aussi distant<br />

Qu'il peut le croire: lui, répare une toiture<br />

Le pré est vénéneux mais joli en automne<br />

Les vaches y paissant Lentement s'empoisonnent<br />

Le colchique couleur <strong>de</strong> cerne et <strong>de</strong> lilas<br />

Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la<br />

Violâtres comme leur cerne et comme cet automne<br />

Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne<br />

Les enfants <strong>de</strong> l'école viennent avec fracas<br />

Vêtus <strong>de</strong> hoquetons et jouant <strong>de</strong> l'harmonica<br />

Ils cueillent les colchiques qui sont comme <strong>de</strong>s mères<br />

Filles <strong>de</strong> leurs filles et sont couleur <strong>de</strong> tes paupières<br />

Qui battent comme les fleurs battent au vent dément<br />

Le gardien du troupeau chante tout doucement<br />

Tandis que lentes et meuglant les vaches abandonnent<br />

Pour toujours ce grand pré mal fleuri par l'automne


Tuile à tuile, et moi mot à mot je me bâtis<br />

Une <strong>de</strong> ces maisons légères d'écriture<br />

Dont je sors volontiers, laissant là mes outils,<br />

Pour aller respirer un peu dans la nature.<br />

Jacques DARRAS (né en 1939)<br />

PETITE SOMME SONNANTE (1998)<br />

Le sonnet, me dis-tu, je mangeais un merlan<br />

Que le menu m'avait décrit comme "en colère"<br />

Mais dont l'ire apparente par frayeur s'était tue<br />

Devant les saillies marines <strong>de</strong> la cuisinière –<br />

Le sonnet, repris-tu - tandis que ton regard<br />

Plongeait par la vitre d'aquarium nous séparant<br />

De la rue, du parapet du pont sous lequel<br />

Coule la Seine au pied <strong>de</strong> l'aile du Louvre d'un plastique<br />

Habillée (l'architecture est <strong>de</strong> la cuisine<br />

Appliquée aux belles pierres) -, le sonnet - tu te tus<br />

Presque alors cependant qu'une arête luttait,<br />

La seule, la <strong>de</strong>rnière contre ma glotte courroucée,<br />

Rebelle entrée en rébellion par manque d'audace<br />

De Poisson Père - doit être d'un bloc pour être cru.<br />

Jean Cassou<br />

Sonnet écrit en captivité pendant la secon<strong>de</strong> guerre mondiale, sans papier ni crayon, <strong>de</strong> tête, avec trente-<strong>de</strong>ux<br />

autres <strong>sonnets</strong> composés au secret. Publié en 1944 dans Trente-trois <strong>sonnets</strong> composés au secret<br />

Les poètes, un jour, reviendront sur la terre.<br />

Ils reverront le lac et la grotte enchantée,<br />

les jeux d'enfants dans les bocages <strong>de</strong> Cythère,<br />

le vallon <strong>de</strong>s aveux, la maison <strong>de</strong>s péchés,<br />

et toutes les amies perdues dans la pensée,<br />

les sœurs plaintives et les femmes étrangères,<br />

le bonheur féérique et la douce fierté<br />

qui posait <strong>de</strong>s baisers à leur front solitaire.<br />

Et ils reconnaîtront, sous <strong>de</strong>s masques <strong>de</strong> folles,<br />

à travers Carnaval, dansant la farandole,<br />

leurs plus beaux vers enfin délivrés du sanglot<br />

qui les fit naître. Alors, satisfaits, dans le soir,<br />

ils s'en retourneront en bénissant la gloire,<br />

l'amour perpétuel, le vent, le sang, les flots.

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