CS_01262.pdf

IV
1) Les sols squelettiques...
2) Les sols à ses quioxydes
3) Les sols ferruqineux
tropicaux................
4) Les sols hydromorphes.. ..
5) Les vetisols lithomorphes
Pages
122
124
124
124
125
II - Une paysannerie attachée à sa terre... 126
AI L'agriculture traditionnelle 126
Une activité sujette aux
croyances animistes .
1) Le calendrier agricole :
guide du paysan. 126
2) Les rites agraires : Piliers
de l'agriculture mundan... 129
BI Un rite agraire original : Tchye
soré (L'?Tr.e du mil)....... 130
III - Les conditions techniques : une des faibles­
ses de l'agriculture traditionnelle.. ... 134
AI Les conditions générales..... 134
1) l'outillage agricole...... 135
2) Le maintien de la fertilité
des sols................... 137
BI Les opérations culturales.... 139
1) Le choix du terrain à cultiver 139
2) Le défrichement........... 140
3) Les semls................. 140
4) Les sarclages............. 141
5) Le gardiennage des champs 142
6) Les récoltes..... . . .. .... ... 142
cl La conservation des produits
des champs................... 144
1
1
1

VII
TROIS IEME PARTIE .
LES FORMES D'INTRODUCTION D'ECONOMIE
MONETAIRE
Chapitre 6 - Un héritage colonial : La
culture du coton .
Introduction' Bref historique du coton
au Tchad .
l - L'introduction autoritaire
en pays mundan .
A/ Les conditions de l'obliga-
tion cotonnière .
B/ La greffe cotonnière sur
l'économie agricole tradition-
n ell e .
1) Le choix du champ de coton
2) Le piquetage .
3) Le hou age .
4) Les semis .
5) Les sarclages .
6) La récolte du coton .
7) L'arrachage des vieux
cotonniers .
II - Les conséquences de la culture
cotonnière .
A/Bouleversement du calendrier
paysan .
B/ L'augmentation des superficies
cultivées............•.
C/ Transformation du paysage
rural .
III - Les paysannats en pays mundan..
Chapitre 7 - La situation au moment
de l'indépendance .
Pages
206
206
209
209
212
214
214
216
217
217
218
218
219
219
221
222
225
228
1
1
1

IX
Chapitre 8 - Les conséquences de l'économie monétaire
•
sur l'économie traditionnelle: Le
Pages
commerce intermédiaire........... 269
l - La commercialisation des produits
vivriers .
AI L'organisation des marchés .
BI Les produits commercialisés .
1) Les produits manufacturés venus
de l'extérieur .
2) Les produits des champs .
a) le mil: un produit qui
se vend de plus en plus....
b) L'arachide: une source de
revenu substantiel .
c) Le haricot:un produit qui
se vend bien .
d) Les tubercules : produits
appréciés sur les marchés
locaux .
e) Le commerce d'autres pro­
dui ts vivri ers. . . . . . . . . .
f) La vente d'oignon: un commerce
fructueux .
3) Les produits artisanaux sur les
marchés .
cl Des prix très fluctuants.
II - La commercialisation des produits
pastauraux .
AI Les marchés et les transactions
1) Des marchés en expansion....
2) Les transactions : qui vend, qui
achète .
BI Des prix qui changent d'un marché
à l'autre .
269
269
271
271
273
274
275
276
277
277
278
278
279
282
282
282
283
286

XI
D! Les causes des insuffisances des
ressources alimentaires et les
stratégies paysannes .
1) Les causes des insuffisances
alimentaires .
2) Les stratégies paysannes de
lutte contre la famine.....
111- Les transformations sociales liées à
l 1 économie monétaire .
A! Les transformations de l'habi-
tat rural .
1) La case traditionnelle .
2) La case rectangulaire de
style nouveau .
B! La crise des structures sociales
C! Le problème de l'exode rural
PERSPECTIVES EN GUISE DE CONCLUSION .
Pages
328
328
329
332
334
335
341
343
346

BAN
Cart.
C.A.
XIV
Abréviations et sigles utilisés
Bulletin de l'Afrique Noire
Carte
Centre Achat
C.F.D.T. Compagnie française de développement de textile
C.O.M. Cahiers - d'Outre-mer (Bordeaux)
Cotontchad Société cotonnière du Tchad
C.N.R.S. Centre National de la Recherche Scientique
C.T.T. Coopérative des transporteurs tchadiens
F.A.C. Fonds d'Aide et de coopération
FIDES Fonds d'investissement pour le développement économique
Fig.
H.T.
IGN
INSH
IRCT
Mém.
et social.
Figure
Hors-texte
Institut géographique national
Institut national des sciences humaines
Institut de Recherche du coton et textiles
Mémoire
O.N.D.R.Office National de développement rural.
O.R.S.T.O.M. Office de la Recherche Scientifique et Technique
d'Outre-Mer.

xv
P.A. Poste Administratif
S.M.A. Secteur de modernisation agricole
SOGETRANS Société générale des transporteurs
(Camerounais)
STT Société textile du Tchad
ULV Ultra low volum (Traitement à plus bas volume).
1 1
f
1
\

- 7 -
pays comme celui-ci, où la civilisation est basée sur l'oralité.
Au cours des visites répétées, parfois la méthode
de conservation orientée a été d'une grande utilité. Dans ces
cas certaines conversations ont fait l'objet d'enregistrement
sur cassette.
Les questionnaires fermé et ouvert mais cette
fois par écrit ont été également utilisés pour recueillir des
renseignements auprès des responsables des services tels que
- les chefs des sous-secteurs agricoles (ONDR),
- les chefs d'usine d'égrenage de coton,
- les inspecteurs de l'enseignement primaire,
les proviseurs des Lycées et directeurs des
Collèges.
Le calme revenu depuis juin 1982 nous a permis
de faire du terrain grâce un nick up. 404 peugeot mis à la
disposition de l'INSH comme véhicule de liaison. C'est à bord
de ce véhicule que la dernière phase d'enquête relative
à l'établissement des budgets familiaux a été réalisée. Là
encore, les difficultés n'étaient pas des moindres car les
premières pluies rendaient les routes impratiquables, ce qui
nous obligeait parfois à changer de véhicule grâce à la com­
préhension des administrateurs de la région.
Si ce travail a pu voir le jour, c'est aussi
grâce à la disponibilité des chefs locaux et de tous ceux
des paysans qui ont accepté livrer parfois crûment les dif­
ficultés qu'ils rencontrent dans le dur labeur de la vie
paysanne.
préhension du sujet.
Telles sont la problématique et la méthode d'ap­
i
\ f
l

- 8 -
L'exposé qui suit s'articule sur trois parties
- Le pays et le peuple mundan:
Les activités économiques dans le
cadre de la vie traditionnelle
Les transformations liées à l'économie
du marché.

j,
{(
- 21 -
suite au manque d'eau due à la sécheresse des dix dernières
années? Si c'est le cas, nous conviendrons avec les diffé­
rentes analyses pour dire qu'il n'y a pas lieu de se préoccu­
per d'un déversement permanent du Logone, moins encore de sa
capture par la Bénoué.
Par contre une menace très actuelle pèse sur
les eaux du Logone, et mérite d'être signalée. C'est le pom­
page abusif par canalisatién que fait aujourd'hui le Cameroun
pour son secteur rizicole de Maga où un lac artificiel inonde
cette zone aride sans être contrôlé; n'est ce pas là une forme
humaine de "capture"? La question mérite d'être examinée au
plus haut niveau. Nous en appelons à la vigilance des Tchadiens.
Parti donc des lacs tupuri, le mayo-kebbi roule
ses eaux sur le socle précambrien recouvert par endroit d'une
couche argileuse. A partir du seuil rocheux de Mbourao, il
descend par une série de rapides jusqu'aux chutes de Zaah-sooh.
Cet écoulement en cascades trouve ses explications dans le déni­
vellation brutale occasionnée par une érosion différentielle
qui s'est installée au quarternaire ; érosion marquée par une
résistance de rhyolites et une usure rapide de granite sensible
à l'action des eaux courantes.
En aval des chutes, le cours s'encaisse dans une
vallée en V sur quelques centaines de mètres.
C'est surtout au niveau des chutes que se marquent
les accidents topographiques les plus significatifs p0nni les­
quels les fameux coups de sabre(2).
(2) J. BEAUREGARD
A. BOUCHARDEAU
E. ROCH
Le Mayo-kebbi demeure le cours d'eau le plus impor-
coups de sabre des chutes Gauthiot (territoire
du Tchad) C.R. AC;SC T 230 pp. .
223-224 janvier 1950.
t
f[
t,
! t

appelle, pour être un bon bois de chauffage.
- 30 -
Le ficus qnaphalocarpa ou figuier "wuri" aux
fruits très appréciés des enfants r L'arbre aux saucissons,
ou kiguelia africania, "vohoore" dont les branches sont uti­
lisées pour la fabrication des manches d'outils représentent
respectivement les moracées et les bignoniacées.
Le sous bois de ces formations arborées est formé
par l'épine de buffle, ziziphus macronata "iam-mbole" et le
securinega virosa "kye" une variété d'osier qu'utilise le
paysan pour fabriquer les paniers servant à transporter les
recoltes.
A cette formation que l'on peut qualifier de dense,
il convient d'ajouter une formation boisée claire.
Dans cette formation boisée claire, nous rencon­
trons les espèces telles que : Le butyrospermum parkii ou kari­
té "koeure". Cette espèce est très utile pour le paysan mundan,
car il lui fournit son fruit et surtout son beurre. Elle fait
partie des espèces utiles que protège le paysan. A l'opposé
du mundan, son voisin fulbé déteste l'arbre karité; peut-être
parce que le beurre de karité est un produit pouvant concur­
rencer celui de son élevage ?
Contrairement au mundan qui préserve cette espè­
ce, le fulbé lui, le détruit quand il le rencontre dans ses
installations temporaires.
Le parkia biglobosn se rencontre également
dans cette formation boisée claire. Comme le karité, l'arbre
au néré "Bliré" est préservé par l'homme pour son utilité.
Il fournit un fruit qui se consomme sous deux formes: d'abord

- Annona senegalensis "te panring"
- 32 -
C'est un arbuste qui donne l'un des meilleurs
fruits de brousse. A chair orange, l'annona a un goût agréa­
ble, et parfumé. Les racines sont utilisées pour lutter con­
tre les maladies intestinales.
- Bauhenia reticulata " sopporé" : Les feuilles
ont une saveur légérement acide. Elles sont utilisées en lo­
tion et en boisson contre le rhume les gousses d'une odeur très
fine sont utilisées parfois comme combustibles et sont très ap­
préciées des bovins.
- Bauhinia rufescens "soppo-goo-gni":
L'écorce, les feuilles et les fruits possèdent des
propriétés médicamenteuses contre la lépre et la dysenterie.
Les bandes d'écorce interne fibreuses du bauhenia
reticulata servent à faire des cordes; parfois elles sont uti­
lisées comme simple liens.
Dans les villages et leurs environs immédiats,
nous rencontrons çà et là, diverses variétés appartenant
à la famille des moracées parmi lesquelles nous recensons
ficus gnaphalocarpa, le figuier "wuri" aux fruits très appré­
ciés des enfants(Vicus polita connu sous le nom arabisant de
aoro-kusri; le mundan l'appelle (ji-romaye). Introduit par
les fulbé; les fruits non mûrs sont consommés comme succadané
de la cola.
Ficus thonignii ou (Jire) aux branches pourvues
d'un abondant chevelu de racines, les fruits jaunes tachés
de brun sont peu comestibles.
èFicus platyphylla, "fooré" aux feuilles larges
et fréquents dans les villages est un fournisseur d'ombre et
des fruits comestibles.

- 36 -
- Combretun-negricans, "Rah-gne", combretum glu­
tinosum "Kbac-fain" combretun velutinum "Goo-dwe" sont des es-
pèces CJl.lï se prêtent un bon bois à brûler. Sur les terres sque­
lettiques des collines rocailleuses, ces arbres se réduisent
à l'état d'arbustes pour des raisons pédologiques.
- Anena acide "Naïtarinq" : il dépasse rarement
quatre mètres cinquante de haut et se termine souvent en para­
sol. L'espèce donne des petits fruits de la taille du Wandzou
de forme relativement plate et de goût sucré, légèrement acide
quand il est mûr. A ce stade, il est d'un brun-violacé.
- Ximenia africana "uoohre" l'espèce est un arbuste
parfois buissonnant, il donne des fruits qui, en maturité res­
semblent aux abricots par leur couleur jaune-orange; à la seule
différence qu'il est d'un goût acide. C'est le fruit sauvaoe
préféré des femmes enceintes, mais aussi prisés des enfants.
- Grewia mollis "Tchene" aux branches en perches
flexibles porteuses d'une écorce interne très fibreuse qui sert
à la fois de lien (chez les mundan) et de condiment de cuisine
(chez les Sara).
- Bridelia faruginea "tc;obo'qbri" : Son bois
est inattaqué par les termites. Les vieilles femmes l'utilisent
comme pieux de support gros chapeau de paille de forme cylin­
drique servant de grenier où l'on met ses réserves de vivres.
L'écorce bouillie est employée contre la dysanterie, les fruits
en forme de petits pois, noirs, à maturité sont peu comesti­
bles.
- Comiphora africana " gbeme" fournit une sorte
de gomme qu'utilisent les femmes comme encens; maniable cette
matière est aussi utilisée par les enfants pour fabriquer
des bougies.
- Cedo-Cedrela "Kpuki" : Utile aux bergers pour
le choix de leur bâton de garderie. C'est dans cette brousse
à arbres clairsemés et à épineux que nous rencontrons les es-

parmi lesquels
Mafuki (le canard) sauvage)
Wiririo (la sarcelle)
We dju zatekia (le martin pêcheur)
Ma Koa-ah (l'outarde)
- 40 -
Mandafufu (l'aigrette blanche ou pique boeufs)
Les reptiles ne sont pas absents
Soo (serpent) nom générique
Bat.r.90 (vipère)
Massoo (nython)
Dewe_(roargouillat
Tanq (varan)
?i (lézard)
Schi (caïman) tend à disparaître.
ruant aux poissons, ils présentent une grande
variété. Nous y reviendrons quand nous traiterons de la pêche.
c'est dans ce milieu naturel, parfois hostile
que le mundan a fait son apparition, s'est installé et tente
tant bien que mal de le soumettre à son profit. Avant d'étu­
dier ses activités, cherchons à savoir ce que représente ce
peuple, comment il est arrivé à occuner cette aire que nous
baptisons aujourd' hui "le pays mundd.l'l".

- 45 -
témoignent de la percée historique d'Ousman Dan Fodio à par­
tir de Yola.
Le type d'habitat mundan qui persiste, la coha­
bitation de 15 000 mundan(l) avec quelques la 000 fulbé consti­
tuentautant de preuves pour dire qu'on est encore au pays mundan.
Cependant, la présence des fulbé ne se limite
pas dans le seul canton de Binder. Eléments semi-nomades
par leur activité pastorale, on les rencontre dans toute la
préfecture du Mayo-Kebbi où ils forment ilots de peuplement.
Il a été dénombré quelque 1.500 fulbé dans le
canton de Léré et presque autant dans celui de Lagon. Concer­
nant les minorités ethniques, nous ne devons pas perdre de vue
les Mombay de Biparé que l'ont dit "mundanguisés" par le fait
qu'ils parlent la langue mundan. Le recensement de Mars 1968
chiffre à 3.624 le nombre de ces derniers qu'on peut considé­
rer aujourd'hui comme assimilés; bien que possèdant un fond
linguistique propre à eux.
Enfin, signalons environ 300 Haoussa installés
à Fuli au bord du Lac de Léré et à Dissing. D'origine nigeriane,
ils sont venus là, dans les années 1945 . Ils se rèvèlent très
actifs dans la pêche d'où ils tirent l'essentiel de leurs res­
sources alimentaires et monétaires.
A défaut de statistiques officiels détaillées,
nous avons choisi un village LAO, qui a fait l'objet de nos
enquêtes personnelles; ne serait ce que pour donner une idée
sur les caractéristiques démographiques essentielles du milieu
étudié :
Le choix de LAO nous est dicté par son homogéneité ethnique.

- 46 -
Le recensement de Mars 1968 chiffre à 385 le nombre
de personnes vivant à LAO parmi lesquelles 212 femmes et 151
imposables dont 89 femmes.
Lors de notre passage, (Août 1974) il a été remar­
qué 14 absences dont 2 impossables hommes, par contre une jeune
mariée venait d'arrondir le nombre de femmes imposables à 90.
D'après les informations recueillies, les deux hommes sont remon­
tés s'installer au bord du lac de Tikem en pays tupuri, depuis
9 mois et ont été rejoints par quelques enfants en vacances
pendant cette période pour y pêcher. Ainsi nous avons recensé
371 habitants répartis comme le présente le tableau ci-dessous
POPULATION TOTALE POPULATION IMPOSABLE
H \ F
1
1
TOTAL H
1
F TOTAL
171 200 371 60 90 150
Tableau IV - Répartition par sexe de la population
de LAO
Ce tableau appelle quelques explications :
l'âge minimum de l'imposition ici est de 15 ans à partir du­
quel l'individu est considéré comme actif. L'âge limite supé­
rieur pour l'imposition n'existe pas; seuls les individus
âgés, les mères de cinq enfants et plus, les handicapés en sont
exemptés pour des raisons d'âge et de santé. Nous en avons
dénombré 14 au cours de nos enquêtes répartis en 11 personnes
âgées dont 5 femmes, trois infirmes dont deux femmes.
Si l'on limite à 59 ans l'âge pendant lequel
l'homme participe activement aux travaux des champs, on ob­
tient pour ce village un taux de population active de 37%.

- 47 -
Tableau V - Répartition par sexe et par
âge de la population à LAO
AGE SEXE MASCULIN SEXE FEMININ
0 - 4 36 53
5 - 9 48 37
10 -14 19 9
15
15 -19 12 7
20 - 24 3 12
25 - 29 3 4
30 - 34 9 22
25 - 39 6 7
40 - 44 5 15
45 - 49 10 7
50 - 54 4 5
55 - 59 5 3
60 - 64 3 9
65 - 69 5 6
70 - 74 2 2
75 + l 2
TOTAL 171 200
TOTAL
GENERAL
1
D'après ce tableau, le nombre d'enfants de
moins de 15 ans est supérieur au nombre total d'imposables
à LAO; sont dénombrés 103 enfants dans le sexe masculin
et 99 dans le sexe féminin au total 202 enfants de moins
de 15 ans soit 54% de la population du village. Le taux
de masculinité est de l'ordre de 46%
54%.
et celui féminité de
371

- 48 -
Pour l'année de notre enquête, le village a en­
registré 12 naissances et 4 décès: ce qui donne 32% au taux
de naissance et 10,5% pour la mortalité. Ces taux ne peuvent
ni être extrapolés, ni être considérés comme fixes puisqu'ils
varient suivant les villages et selon les années.
Tableau IV - Etat civil de la population masculine
Tranches d'Age Célibataires Monogames Bjgames Polygames
à + de 2
femmes
20 - 29 ans l 4 l 0
30 - 39 ans 0 12 l l
40 - 49 l 10 4 l
50 - 59 l 3 7 3
60 - 69 l 2 3 2
70 + 0 l 3 2
1 TOTAL 4 32 19 9
,
En observant ce tableau, on constate qu'il y a
très peu de célibataires dans le milieu laois. Cela vient
du fait qu'en milieu mundan, le célibataire n'est pas consi­
déré par son entourage: pour la plupart, il est regardé soit
comme un démuni, incapable de se doter une femme, soit comme
un délinquant qui refuse de se responsabiliser.
On remarque également que le taux de polygamie
croît avec l'âge. Le taux le plus fort est observé dans la
tranche de 50 à 59 ans. Cependant, cet ordre peut être trans­
gressé par les faits sociaux. Le décès d'un père par exemple

- 50 -
allant de quelques mois à plusieurs années suivant la dis­
tance du lieu de fréquentation.
Chez les filles, elle s'explique par la préco­
cité du mariage chez les mundan. L'âge de 14 ans est consi­
déré comme l'âge minimal au cours duquel, une fille, suivant
la situation sociale de ses parents peut fonder un foyer; et
18 ans l'âge maximal après lequel, une fille est considérée
comme une vieille fille.
- Dans la tranche de 20 à 30 ans, la baisse très
sensible dans la tranche masculine s'explique par des phéno­
mènes migratoires.
Le premier consiste en le déplacement des jeùnes
paysans de Lao qui vont vers les centres où sont installés les
usines d'égrenage de coton. Là, ils se font embaucher comme
manoeuvres saisonniers. Souvent craignant de perdre leur emploi
pour la saison suivante, certains finissent par se fixer. Cette
migration dont l'effet ne se fait pas encore sentir sur le vil­
lage revêt cependant un caractère durable. Les deux centres
d'attraction sont surtout Léré et Pala.
Le deuxième mouvement réside dans le déplacement
également saisonnier quelques jeunes pêcheurs qui remontent
le cours du Mayo-Kebbi pour s'installer sur les rives des
lacs tùpuri. La durée n'excède guère quelques mois pour cette
migration; mais quelques capricieux peuvent s'y attarder com­
me on l'a observé plus haut.
Aussi, c'est souvent entre 20 et 30 ans que ces
jeunes s'engagent dans les services de maintien de l'ordre
(armée, police, gendarmerie, etc ... ).
Dans le sexe féminin, la baisse dans cette tran­
che d'âge vient de la fausse déclaration d'âge que font les
femmes.

du volume du coton produit pendant la campagne.
- 57 -
Un dernier mouvement de population se trouve lié
aux activités agro-pastoralesdu pays.
Bon agriculteur, le mundan est aussi un éleveur
en fréquent contact avec le fulbé pasteur semi-nomade auprès
de qui, il a appris certaines techniques d'élevage.
Il s'agit essentiellement ici de la transhumance
à moyenne distance. Le paysan qui possède un important trou­
peau bovin n'hésite pas de nos jours à le confier à un berger
qui peut être son fils, son parent ou quelqu'un qu'il connaît
bien; dans ce cas, ce dernier lui loue ses services. Compte
tenu des imbrications que ce déplacement avec celui du fulbé
qui sillonne tout le pays, nous nous proposons d'étudier ce
mouvement carte à l'appui quand sera abordée l'étude des acti­
vités économiques.
Hormis ces différents types de mouvement de popu­
lation, il convient de souligner qu'une querelle, un jugement
mal fait, une épidémie, le manque de terre fertile suffisent
pour occasionner un départ parfois massif, voire naguère une
supression d'un village entier au profit d'un autre.
L'Habitation traditionnelle mundan
Parlant de l'habitation mundan, Jean CABOT qui
semble apprécier le style architectural mundan rapporte
"Rien de plus caractéristiquequ'une ferme mundan. De loin
déjà, ses greniers à coupoles signalent sa présence. A son
approche, l'impression d'avoir affaire à un petit fortin
s'affirme. L'ensemble bien clos prend une allure solide,
les cases couvertes de toits plats débordants sont flan­
qués de tourelles dont l'usage fort pacifique étonne lors-

- 61 -
humain". Il doit le diriger sur le droit chemin et a le
devoir de prendre des décisions engageant tout le peuple.
C'est lui qui prononce le verdict au cours d'un jugement
où Pangonbo, le juge, n'arrive pas à trancher un litige.
En raison de l'importance du rôle qu'il joue
dans la société, tout GaN en terre mundan, à l'exception
de ceux des tout-petits villages est tenu d'épouser plusieurs
femmes. C'est pour mieux s'occuper de sorr peuple. Au moment
des fêtes coutumières, les chefs, qu'ils soient chefs de can­
ton ou de village se trouvent dans l'obligation d'offrir
nourritureE et boissons à leurs administrés. A celui de Léré
chaque chef de village ou de canton voisin apporte pour l'or­
ganisation de finq mundan (fête des réjouissances) des produits
alimentaires: mil, haricot, mouton, boeuf, etc ... pour l'aider
le jour de fête à recevoir ses hôtes, qui sont en général
tous les chefs de petites localités accompagnées de leurs no­
tables et parfois des groupes folkloriques. Pour préparer
de la nourriture suffisante pour un tel nombre d'invités, une
seule femme ne pèut faire l'affaire; c'est ce qui justifie
généralement le taux très élevé de polygamie des chefs mundan
Dans l'organisation de la cour, après le chef, vient
WAKILU : Il joue le rôle du premier Ministre.
C'est lui qui coordonne toutes les activités de la cour et
rend compte au GaN. En l'absence de ce dernier, le Wakilu ex­
pédie les affaires courantes. Cependant, il ne peut pas pré­
tendre au trône. Celui-ci est hériditaire en terre mundan,
alors que le Wakilu comme d'ailleurs les autres de l'équipe
royale ne sont pas issus de la famille du souverain. Le
Wakilu représente le gon en cas de mission commandée.
Pangon bo : On l'appelle de nos jours ALKALI.
C'est un juge choisi par le Gon. Parfois il peut être doublé.
Il a le devoir de trancher les litiges et de rendre compte
au Gon après jugement.
l

- 65 -
Passeri, le Chef de terre : Il est toujours choisi
parmi les membres du clan fondateur du village. Il a un rôle
religieux; car, il fait office de prêtre, intermédiaire entre
la société dont il relève et la terre nourricière. C'est lui
qui, autrefois décidait les semis après les premières grosses
pluies, et ordonnait les récoltes après avoir prélevé les pre­
miers destinés aux sacrifices implorant les dieux des ancê­
tres afin que les nouvelles récoltes se fassent sans inci­
dents. A l'approche de la saison des semis, les mêmes rites
sont repris et avec ses fétiches, le chef de terre tente d'é­
loigner les esprits maléfiques afin que l'année agricole
soit bonne. Passeri règle les conflits sociaux relatifs au
paratage parcellaire entre les habitants d'une même commu­
nauté villageoise. C'est lui qui octroie aux nouveaux venus
des lopins de terre qu'ils doivent exploiter.
Pendant la période d'initiation, il assiste
Patchuki, le chef d'initiation; sa présence est réclamée pen­
dant les cérémonies d'intronisation d'Un nouveau chef politi­
que (Gon).
Patchuki : le chef d'initiation: Sur l'initia­
tive du Gon, c'est Patchuki qui, de concert avec le chef
de terre après consultation du devin, organise la pratique
de l'initiation. Le devin, Pakedane, dicte par ses oracles
ce qu'il faut faire comme sacrifice pour que l'initiation
se déroule dans de bonnes conditions. Notamment, c'est lui
qui indique le lieu où camperont les jeunes initiés.
Ensuite, Passeri au moyen de ses fétiéhes, fait appel aux
esprits des ancêtres pour qu'ils veillent sur cette jeunesse
innocente.
En brousse, il veille au déroulement normal
de ce système éducatif en y installant une discipline de
fer. Après le conseil des sages, c'est lui qui décide du

etour au village des jeunes initiés...
- 66 -
Payanné : C'est le maître du bois sacré qui
abrite non seulement les esprits des ancêtres, mais aussi
les masques sacrés mundan, sur lesquels il veille. C'est
lui qui ordonne leur sortie et surveille leur rentrée.
Pakidane1le devin: Il joue un rôle très impor­
tant dans la société mundan. Il est consulté à tout moment;
une maladie, un décès, une naissance, les fêtes coutumières,
l'intronisation d'un grand Gon constituent autant d'occasion
de consultation du devin. En contrepartie des services qu'il
rend, quelques cadeaux symboliques lui sont offerts et sou­
vent en nature. Autrefois, une boule de tabac, un peu de
sésame, un poulet constituaient les offrandes au devin. De
nos jours, il se voit offrir de l'argent.
Pa-Schinri, le guérisseur: C'est le détenteur
des médicaments : racines, feuilles, fleurs, écorces des
plantes médicinales. Le guérisseur comme son nom l'indique
traite le malade que lui envoie le devin. Celui-ci, tel un
médecin consultant conseille au patient tel ou tel produit
à utiliser pour son cas et auprès de quel guérisseur le trou­
ver.
Pa-Bi, le maître de l'eau: Celle-ci peut
être une poche d'un cours d'eau permanent ou temporaire,
un marigot ou un bras de lac.
En principe, chaque clan a droit à une portion
d'un cours d'eau: par exemple la mort par noyade d'un mem­
bre d'une famille à un endroit précis d'un cours d'eau en-
! [1
r
r,
1
!t

- 67 -
traîne l'annexion de cette partie par les membres de son
clan et le plus âgé d'entre eux y exerce un droit d'usage.
En cas de pêche collective, c'est lui qui ordonne de pêcher
à cet endroit, après, il a le droit de prélever quelques
poissons aux gens qui ont participé à cette pêche.
La société que nous étudions n'est pas mue par
la lutte des classes. Elle n'est pas cependant égalitaire.
Les méthodes de domination et d'exploitation s'y Font sous
d'autres formes. Dans cette société, règne le système géron­
tocratique où les plus âgés soumettent les plus jeunes, les
femmes et autrefois les esclaves.
les basées sur le genre
On observe chez les mundan deux catégories socia­
1) La catégorie masculine : A la base de ces caté­
gories, nous trouvons les enfants jusqu'à six ans. Suivent
les adolescents de sept à quinze ans, ensuite les adultes de
seize à cinquante ans et enfin les veillards (Zatame).
Le passage des enfants (wegniere) aux adultes
(Zaluri) se fait par le biais de l'initiation, conçu comme
système éducatif de base auquel nul jeune ne saurait se déro­
ber.
2) La catégorie féminine : Ici également nous
trouvons à la base de cette catégorie, les enfants (wegniere)
suivent les adolescentes (Wey) viennent ensuite les femmes
adultes (wugn-luri) enfin les vieilles (wugntchoke).
Le passage de Wey à Wugn-luri est sanctionné
par le mariage qui arrive généralement après les premières

- 69 -
Les membres de chaque zabanè se reconnaissent
descendants d'un ancêtre mytique commun. Chaque zabané
possède des traits distincts, généralement d'allure totemi­
que : (tchuore).
Aux devises que récitent les épouses des mem­
bres de chaque zabanè pendant les funérailles ou les fêtes
locales s'ajoutent quelques prohibitions d'ordre social;
par exemple l'endogamie est prohibé dans certains clans.
Des relations peuvent se créer entre deux
ou plusieurs zabanè : elles sont de deux ordres
1) Les relations à plaisanterie : Elles créent
une alliance spécifique à plaisanterie se traduisant par la
possibilité de se lancer des quolibets entre groupes alliés.
2) Les relations matrimoniales : Elles consti­
tuent les relations fondamentales: puisqu'elles créent la
famille.
Les clans se distinguent aussi par leurs masques
initiatiques qui ont une fonction rituelle spécifique lors
des cérémonies.
Nous dénoro.brons une multitude de zabane en pays
mundan, les plus rencontrés sont les plus numériquement
importants. Entre autres, nous citerons:
Ban-Kizeré : C'est le clan des premiers gouver­
nants de la société mundan; cependant, le polian-Kizere ne
peut être comparé aux Gon en tant que autorité politique à
même titre que les dignitaires du trône de Léré.
Le rôle d'un kizere dans la cours du GON DABA III
de Léré, est celui d'un messager. En temps de guerre, c'est

- 71 -
qui ont préféré s'installer à Léré après leur libération.
Mundan-gon daba : C'est le clan royal avec comme
ancêtre connu DAMBA, fondateur de la dynastie des gon de
Léré.
Mundan-lumburi
Mundan quon Kebianné
constituent les sous-clans des mundan
gondaba. Tous les trois jurent au nom
de Zaah-sooh (les chutes Gauthiot).
Le mariage comme type de relation priviliégiée
qui scelle la parenté
Le mariage de type européen, sanctionné par un
acte officiel délivré par les services d'état-civil est incon­
nu en milieu traditionnel mundan. Selon la coutume, un homme
esk marié quand il abrite sous son toit une femme, pour laquel­
le il a versé une compensation à titre de dot aux parents
de cette dernière.
Le choix de la future épouse
Jadis, les parents mariaient leurs enfants, à
cette époque, on ne pouvait donc pas parler de choix mais
plutôt d'attribution des deux conjoints par les parents. Flle
était faite de niverses façons :
a) Une femme enceinte pouvait dire à un petit
garçon de cinq à six ans : "garçon, si le futur nourisson que
je porte nait garçon comme toi, il sera ton ami; s'il nait
fille, tu l'épouseras quand elle sera en âge avoir un homme;
tu se:r:as son mari "
parfois ce sont les parents du garçon qui fai­
saient ces propositions à la femme enceinte; s'il en nait
une fillette, ceux-ci apportent eau, bois de chauffage à la

- 73 -
De ces trois méthodes de choix d'une épouse, la
dernière est de très loin aujourd'hui la plus utilisée et
parfois transgressée du fait de la très grande liberté des
jeunes.
Dans tous les cas, durant la période des fian­
çailles, le genre reste corvéable à merci pour sa belle famil­
le. C'est lui qui doit apporter du bois de chauffage pour ali­
menter le feu pendant les nuits fraîches à son beau-père, sur­
tout si celui-ci est vieux: il doit effectuer des travaux
collectifs presque chaque année et durant toute la durée des
fiançailles aux champs de ses beaux parents.
A l'occasion des fêtes, il doit habiller sa future
femme. Les époussailles surviennent souvent après de longues
années de fiançailles. Traditionnellement, la fille est en­
levée, et de préférence la nuit à l'insu des parents, par les
amis ou frères de son fiancé pour le compte de ce dernier.
Le père de ce dernier envoie un messager chargé de présents,
autrefois en nature, aujourd'hui en argent pour annoncer au
père de la fille que celle-ci est devenue une femme et se trou­
ve chez lui. rl se garde de la livrer à son fils. un ou deux
mois peuvent s'écouler: les parents du garçon après s'être
minutieusement préparés, décident du retour de la fille chez
les siens. Ce retour est marqué par une cérémonie. Habillée
très coquettement, la jeune fille est accompagnée par plu­
sieurs personnes, notamment des femmes chargées de cadeaux
noix de cola, farine, cruches de bière de mil, nattes multi­
colores. Parmi les femmes, se trouve une fille de la parenté
du futur époux: elle est chargée d'assister sa belle soeur
pendant toute la durée de la cérémonie et tout son séjour
dans son milieu. Le cortège bruyant s'arrête généralement
à l'entrée du pitchelé familial: là est immolé un cabri.
Une goutte de sang, un peu de farine, une goutte de bière
de mil (bilbil) sont donnés en offrandes aux esprits des an-

- 77 -
tion; le kané mundan diffère quelque peu de l'initiationpratiquée
en pays tupuri et massa voisins; il est différent également
du Yondo pratiqué en pays Sara.
Kane comporte deux phases
Djonre ou circoncision,
- Kane ou initiation considéré comme système
éducatif.
Djonre, la circoncision
Une légende mundan raconte qu'un singe, civili­
sateur serait à l'origine de cette technique de circoncision.
Au départ, le mundan ne se circoncisait pas. Un jour, un chas­
seur appartenant au clan Ban-kpini (adorateur de singes) ren­
contra au cours de ses activités un groupe de singes qui la pra­
tiquaient à leurs petits. Il se cacha pour les observer, et
fut surpris par ces bêtes qui lui firent subir la même inter­
vention chirurgicale; le ligotèrent et lui infligèrent une
correction corporelle si dure qu'ils l'abandonnÀrent pour
mort. Revenu à lui, le chasseur se défit de ces cordes et
rentra au village. Il révéla le secret à la société humaine
qui décida la pratique de cette opération. Voilà la technique
de djonré entrée dans les moeurs. On l'associe au Kané pour
initier le jeune de six à douze ans aux différents travaux
d'hommes, mais c'est surtout pour lui apprendre à endurer.
Kane ou initiation
Pour le mundan, KANE n'est pas un spectacle
de tous les jours. On l'organise en principe après la mort
d'un grand gon. C'est son successeur qui décide l'organisa­
tion du kane d'un commun accord avec les sages. Ensuite
Patchuki (le chef d'initiation) et pakidané le devin sont

- 81 -
tous, torse nu, ayant pour habillement une jupette tressée
de paille. Les mères doivent repérer leurs enfants à partir
des guides qui, lui, se tiennent debout, la tête haute. Une
fois l'initié reconnu par sa mère, il est laissé à la charge
de sa marraine; celle-ci le prend d'un bras et de l'autre sa
soeur de lait, tous ensemble, ils exécutent une dernière danse
rituelle au rythme de youn-kané, tambour d'initiation en chan­
tant une ère qui symbolise désormais la fraternité qui cimente
les deux enfants.
Après ce rite, les initiés vont se laver à la
rivière; là, les jupettes de paille sont ramassées pour être
brûlées et les jeunes gens enfilent ici les habits neufs of­
ferts par les parents pour la circonstance. Ils retournent
au village chacun guidé par son surveillant de brousse. C'est
celui-là qui doit tracer l'itinéraire des visites à entrepren­
dre.
Elles commencent par le pitchele du père de l'ini­
tié. Pour y pénétrer, quelques offrandes sont faites aux es­
prits des ancêtres pour que cet enfant qui revient après une
longue absence retrouve sa place parmi ceux de sa descendance.
Parmi les siens, chaque membre de sa famille doit lui faire
un petit cadeau (perle, chéchia, poulet, pièce de monnaie,
etc... ) avant tout échange de parole. Cette journée, suivie des
deux autres passées, le village reprend son rythme de vie
habituelle.
Comme nous le voyons kané que nous avons appelé
système éducatif n'est pas une école au même titre que l'école
européenne. Cependant, kane sert de garde-fous devant abriter
la jeunesse mundan contre les écarts de la vie. Ce type d'édu­
cation, au mieux encore, l'éducation de façon générale en terre
mundan est considérée comme l'affaire de tout le monde. Ainsi,
quiconque peut infliger des corrections à un enfant impoli,

- 87 -
incombe, puisque en fréquent contact avec ceux-ci; celle
d'une fille est de son ressort jusqu'à ce que celle-ci ait
un mari.Face au phénomène d'émancipation, la femme mundan,
s' instruit au même titre que 11 homme; au foyer, elle se recon­
naît avant tout une mère, et joue pleinement le rôle de la
femme au foyer, avant de se considérer cadre ou fonctionnaire
exerçant une activité lucrative. Son compère lui reconnait
le droit de participer à même titre que lui au développement
socio-économique du pays; Cependant, l'émancipation de la
femme en terme d'égalité entre celle-ci et son époux reste
pour bons nombre d'intellectuels mundan, une entité bien théo­
rique.
3) L'animisme ancestral
Les renseignements relatifs à lléthno-sociologie
du groupe ont montré à suffis ance, l'importance que les mundan
attach€nt à leur religion ancestrale. Celle-ci est constituée
d'une foule de croyances.
Pour le mundan animiste, un cours d'eau, un bois,
un lac, etc... à proximité du village abritent des génies dont
l'univers est peuplé. L'homme, lui, a une âme, cette âme a son
double;et pour cela, il parle de la grande âme et de la petite
âme, (tchye-lii ), la grande âme désigne la silhouette;
(tchve-lanne), la petite âme, la plus importante
des deux, joue le rôle de l'ange gardien et avertit l'homme
de l'approche d'un danaer. C'est elle qui insuffle la vie.
Pour le mundan animiste, dans le rronde, tout est solidaire
de tout; c'est pourquoi il y a des rites et des interdits.
Pour lui, les rites des pluies, de chasse, de pêche, etc...
s'expliquent par une existence réelle des esprits maléfiques
auxquels il est indispensable de faire des offrandes sous

peine d'être frappé par eux.
- 88 -
Dans la pensée de l'animiste, il n'y a pas de
séparation catégorique entre la vie et la mort. Ainsi, le
mundan mort, est dit ironiquement par les vivants être allé
"prendre un sac de sel"; ce qui laisse supposer son retour
sur terre.
Cette manière d'appréhender le problème de
l'au delà, veut dire que l'âme du défunt reviendra dans le
ventre d'une femme sous forme conceptuelle d'où naîtra un
enfant.
Enfin, pour l'animiste, le monde est peuplé
de forces maléfiques et'de forces bénéfiques d'où pour lui,
la crainte inspirée par le sorcier et le rôle accru joué
par le devin, le guer isseur.
A propos de ces trois types de personnages, il
faut apporter une précision afin que devin et guer isseur
ne soient plus confondus au sorcier.
Le sorcier, c'est l'être humain habité par un
esprit maléfique capable de nuire à son prochain. Ce type de
personne est un paria pour la société en pays mundan. Il est
haï de tout le monde. D'ailleurs la société n'hésite pas à
se débarrasser de lui.
Quant aux guerrisseurs et devin, ce sont des tech­
niciens que l'on peut rapprocher au médecin traitant et du
pharmacien. L'un consulte et prescrit, l'autre soigne grâce
aux produits pharmacologiques dont il dispose.
L'animisme imprègne la vie quotidienne du mundan.
Tout ce qui existe autour de lui est religieux. C'est pourquoi
il a toujours aux lèvres le nom de masseunq (Dieu).
Dans sa vie pratique, il est entouré d'un grand

- 92 -
CHAPITRE III - Les apports de la période coloniale
l - Les premiers Européens en pays mundan
Les premiers Européens ont atteint la reglon par
la voie d'eau: La Bénoué. Cette voie les intéresse parce qu'elle
permet en période des hautes eaux, l'accès au Tchad par le Mayo­
Kebbi.
L 'objectif des premiers explorateurs était de sa­
voir, si, du Moyen-Logone et la Bénoué, ils pouvaient atteindre
l'Océan Atlantique à moindre frais.
La première présence européenne dans le pays
a été signalée vers 1851. L'arrivée du premier "globe trotter"
fut un événement, et le premier homme blanc un "objet" de cu­
riosité pour l'autochtone. On parla tantôt du "fulbe-rouge",
tantôt du diable sorti de l'eau, et la tradition orale regor­
ge de légendes à ce sujet. Pour les uns, cet être était à tuer,
pour d'autres, il avait droit à lavie. L'Européen repartit
vers l'Ouest. D'où venait-il? A quel pays il appartenait?
Toutes ces questions n'ont pu trouver de réponses satisfaisan­
tes, car dans tout le pays mundan, on fait appel à la mémoire
pour retracer de tels faits; et quelques dizaines d'années
suffisent pour qu'ils prennent l'allure d'une légende.
D'après les renseignements fournis par les vieux,
tout porte à croire que cet aventurier serait un allemand
puisque la présence allemande était signalée au Nord Cameroun
voisin. S'agirait-il de Barth ou de Nachtigal? Nous ne pou­
vons l'affirmer puisque l'aventurier n'a pas laissé de traces.
Quand à la question de savoir où il allait, on peut être ten­
té de croire que ce voyage insolite, cherchait à remonter
le Mayo-Kebbi jusqu'à la source.
Depuis ce temps, le pays mundun et les contrées
voisines furent fréquemment sillonnés par des voyageurs sem-

- 94 -
La même année 1903, voit arriver le commandant
LENFANT, subventionné par un ensemble d'organismfficomposés
de la société de géographie commerciale, le comité de l'Afrique
française, l'accadémie des inscriptions de belles lettres et
l'association cotonnière coloniale. Il avait pour mission
la connaissance de la voie du tupuri afin de permettre le
ravitaillement du Tchad.
En 1908, fatigué de répondre à l'appel du chef
de poste allemand installé trois ans plus tôt à Binder, Gont­
chomé, Roi des mundan demande l'installation d'un poste mi­
litaire à Léré. Ce qui fut fait.
En 1910, Léré devient, pour des raisons straté­
giques chef lieu de la circonscription du Mayo Kebbi.
En 1915, année de la défaite allemande voit
la réincorporation du Mayo Kebbi à la colonie du Tchad et de
façon définitive l'Afrique des Etats primera sur celle des
peuples. Ainsi les populations fulbe, mundan, mumbay de la
région seront désormais divisées entre les Etats du Tchad
et du Cameroun.
Le 1er mars 1922, le premier administrateur
colonial, GLUCK, administrateur civil de 3è échelon est en­
tré en fonction à Léré.
liée au fait colonial.
L'histoire tumultueuse de la région est désormais
II L'administration coloniale dans le pays
Sous l'administration coloniale, les relations
entre colons et indigènes n'étaient pas des moins chaudes,
car parsemées, de révoltes, de répression, d'arrestations,
d'exils voire parfois d'éxécution. Pourquoi toutes ces hos-

tilités ?
- 95 -
Le pas semble être emboité par LENFANT dès 1903.
En effet, lors de son passage, LENFANT faisait
déjà arrêter par GONTCHOME le chef du village de Guetessalé
dont les habitants reprochaient à ceux de Zalumi leur attitu­
de soumission pour être venus saluer le Blanc. LENFANT fit
attacher le pionnier à son chaland.
Au cours de son déplacement, il faisait recruter
un grand nombre de porteurs, corvée que n'aimaient pas les
mundan. En signe de protestation, ils abandonnèrent lors d'un
déplacement, la chaîne du chaland de LENFANT en pleine brous­
se et s'enfuirent.
En représailles à cette désobéissance, LENFANT
fit mettre en prison pendant 8 jours .au tata du Lamido de Binder.
GONTCHOME et PAYAN GADDrespectivement roi des mundan et Gon
de Trénéi ce qui constitue une double insulte pour le peuple
mundan.
L'arrestation de GontchGmp révolte un chef de
cavalerie mundan Passel-Kali; qui n'a pas accepté en tant
que guerrier l'emprissonement de Gontchomé par LENFANT. Il
incite tous les Mundan à préparer leurs armes pour affronter
LENFANT. Celui-ci vit en cette attitude une insulte à l'auto­
rité de l'homme blanc, il fit arrêter Passal-Kali qu'on pendit
publiquement devant le palais royal.
A la demande du Lamido BAKARI de Binder, LENFANT
l'aide à attaquer les mundan de Tréné qu'il accusait de pil­
ler son troupeau; attaque qui laissa 9 morts du côté de Tréné.
De tels agissements démontent à suffisance l'au­
torité que voulait étendre l'homme blanc dans le pays. La pen­
daison , acte jusque là réservé au seul Gon fit comprendre
aux mundan la suprématie de ce nouveau maître et les incite
i,
f
1
î
f f:,
!

l'obéissance.
préparer sa fuite.
- 96 -
D'ailleurs Gontchomé lui, prit peur et devait
A sa mort, son fils KADJONKA lui succède.
Loin de céder à la panique, le jeune souverain
observe avec lucidité le comportement du colonisateur. Sa
façon de s'imposer, llattitude de favoritisme qu'il adoptait
envers les populations voisines aux mundan contre ceux-ci,
ses nombreuses exigences, etc... firent comprendre à KADJONKA
que les intentions des nouveaux venus étaient de commander
aux autochtones. Chose que KADJONKA ne peut s'imaginer un seul
instant.
Partout en pays mundan, on prone la guerre contre
les envahisseurs. Sur place à Léré, le souverain refusa de
collaborer avec l'administration coloniale. Non seulement
KADJONKA refusait de fournir oeuf, poulets, cabris, etc...
que lui réclamait l'administration d'alors pour son ravitail­
lement, mais n'a jamais répondu à l'appel des autorités colo­
niales. Il ne slarrêta pas là; Kadjouka adhéra au mouvement
de résistance contre l'occupation coloniale. Il ne concevait
pas que son territoire f0t sous la coupe des étrangers, consi­
dérés comme tels; ceux-là ne devaient pas se comporter comme
en territoire conquis.
Ce mouvement de résistance venu du nord Cameroun,
était lancé par un Guidar : Magilva-Lam; en 1927.
De connivence avec un marabout fulbé, Mafilva­
Lam, retranché dans une grotte du mont de Lam, préchait la
résistance contre les Européens qui occupaient la région du
Nord Camerou.
Voici comment les prophéties de Magilva-Lam
furent communiquées à KADJONKA par l'envoyé de celui-ci.

- 102 -
parativement au "yang-li" ou grosse agglomération a toujours
existé au pays mundan. Yang-Lang-ne avait à sa tête, nous
l'avons dit un gon yang-lalé, placé sous l'autorité direct
du grand gon de Léré.
Le village, notion coloniale, correspond plus
ou moins au "yang-lang-ne". Certains gros villages ont été
érigés en chef lieu de Canton sous le regroupage colonial.
Ainsi le chef de village se trouve placé sous la coupe hiérar­
chique du chef de canton.
Le rôle principal du chef de village est de
faire respecter par la communauté villageoise, l'ordre établi.
malfaiteurs;
Ainsi, il joue le rôle
- de la police villageoise en apprehendant les
- de juge coutumier après délégation de pouvoir
par son chef hiérarchique dans certaines de ses prérogatives,
notamment concernant des mesures protégeant les cultures des
déprédations humaines (feu de brousse) et animales.
brité villageoise;
- le chef de village sert aussi d'agent de salu­
- c'est l'agent principal de collecte d'impôts,
tâche qui l'expose souvent aux attaques de ses administrés.
L'administration territoriale, les différents
services techniques, par le biais du chef de canton, font
souvent recours au chef de village pour assoir leurs actions
politique, économique et sociale dans le cadre du développe­
ment rural.
A la différence du chef de canton qui reçoit
un salaire mensuel auquel s'ajoutent les primes de tonnages
de coton produi t et des remises des taxes civiques, le chef
de village a pour source de revenu et elle est annuelle, les

Tableau IV - Enseignement secondaire
- III -
EtablissementE Nombr e de prof. Nombre d'élèves Total
G F
CEG de 9 dont
Binder 8 bacheliers 255 Il 266
CEG de
Torrock 8 bacheliers 878 22 900
Lycée de
Léré 33 dont
18 bacheliers l 368 152 l 520
Lycée de
Pala 29 dont
15 bacheliers l 895 152 2 047
Total général 80 4 396 337 4 733
1
3 - Le service de santé et l'éducation sanitaire
Dans la région de notre étude, le service de santé
est représenté par un centre médical, celui de Léré, deux dis­
pensaires publics installées à Binder et à Torrock, un dispen­
saire privé catholique à Missi-Mafu.
Le centre médical de Léré
Il s'agit en effet d'un ancien dispensaire datant
de la-période allemande qui a été agrandi par la suite. Au dé­
part, affirme le vieux NGoména Lakré, ce dispensaire était
tenu par le service de santé militaire; puis, progressivement,
le corps médical civil prit la relève. Avec l'indépendance
du Tchad, le dispensaire a été transformé et devenu un des
100 centres médicaux que compte le pays.
suivants
On trouve au centre médical de Léré des services

- un service de tri,
- une phtisyologie,
- une chirurgie,
- une pédiatrie,
- une ma ternité,
- un service de médecine,
- un service nutri tionnel (PMI)
- 112 -
Les maladies les plus fréquemment rencontrées
au centre médical : Région lacustre, la dépression du Mayo­
Kebbi forme à ce niveau, en saison des pluies d'inépuisa­
bles réservoirs à moustiques et autres agents pathogènes des
zones marécageuses tels la bilharziose.. etles vers intestinaux.
Le paludisme et la bilarziose arrivent en tête
de liste suivies par les germes gastro-enteriques (ambibiases)
ensuite viennent
- l'onchocercose volvelus,
- les bronchopneumotpahies,
- le tétanos,
la tuberculose,
- la lèpre,
- les maladies vénéreinnes.
Les trois premiers cas de maladies, à savoir
le paludisme, la bilharziose et les amibiases sévissent
à l'état endémo-épidemique.
Le centre est tenu tantôt par un médecin généra­
liste, tantôt par un inspecteur sanitaire ou à défaut par un
infirmier diplômé d'Etat. Lors de notre passage, il était
dirigé par un inspecteur sanitaire rentré fraîchement de Yaoundé,
son dernier lieu d'étude; Comme dans tous les services à
cette période critique de l'histoire du Tchad, c'est un en-

DEUXIEME PARTIE : LA VIE RURALE TRADITIONNELLE
- 116 -
CHAPITRE IV - La lente évolution de l'agriculture
mundan
L'agriculture constitue la première activité du
pays mundan. Elle subit depuis plus d'un demi siècle de trÀs
lentes mutations dues aux facteurs socio-économiques, mais se
trouve également en butte aux conditions naturelles tantôt fa­
vorables, tantôt défavorables à son évolution.
"L'agriculture est la clé de voQte de notre sys­
tème économique. La richesse, le bien être, la prospérité et
même la liberté future dépendent de la culture du sol... La cul­
ture de la terre est de toutes les professions en même temps
que la plus honorable, une des plus Sïmulantes et des plus poé­
tiques sans contredit".
(Louis BROMFIELD) (1)
Nous étudierons successivement dans ce chapitre,
les conditions naturelles et humaines, ensuite les différents
produits de cette agriculture.
l - Un milieu inégalement favorable à la mise
en valeur
Elles se définissent en termes de climat et de
sols qui constituentdes facteurs à la fois favorables et con­
traignants de l'agriculture mundan.
Le climat, ici, comme partout ailleurs au Tchad
est caractérisé par l'existence de deux saisons nettement
opposées.
(1) GuiZ-Z-aume (M) op. cit. p. 71.

- 120 -
dent parfois les pluies de quelques jours. Pour l'année
1981, la première pluie est tombée le 18 Avril à Lagon,
mais la véritable saison des pluies s'est installp-e au mois
de Mai, suivi dl un mois de juin sans pluie. Ces sai-
sons des pluies souvent entrecoupées de périodes de sécheres­
se passagère donnent souvent lieu à de nombreuses interpréta­
tions généralement arbitraires qui engendrent parfois des
palabres.
De façon générale, on accuse un malfaiteur du
village d'avoir fait arrêter la pluie. Pour qu'il se remette
à pleuvoir on organise un rite des pluies qui se résume en
une battue, ou bien on fait appel À. un "faiseur des pluies"
dans ces deux cas, le dévin est consulté pour tracer la ligne
de conduite à tenir.
Tels sont les irrégularités pluviométriques et
les problèmes qu'elles engendrent et qui compromettent les ré­
coltes du paysan.
Des variations régulières de température
Les données thermiques sont celles de Pala où lion
trouve une station météorologique qui renseigne sur l'ensemble
de la région. Léré, localité située à une centaine de kilomètr
de Pala jouit à peu de chose près des mêmes conditions
thermiques.
Pendant la saison sèche (de Novembre à Avril),
la moyenne maximale à Pala est de 39 ° (Mars - Avril); avec
un fléchissement en Décembre et janvier (33,4).
La moyenne minimale de décembre à février corres­
pond à la saison sèche et fraîche. Elle est de 17°,9 à Pala.
Cette moyenne minimale remonte à 23°,2 en Mars-Avril. Les écar

- 121 -
moyens de température au cours de cette saison sont accen­
tués. En février cet écart est de 17° à Pala.
En période des pluies, les moyennes maximales
baissent et sont de 35° voire au dessous de 30° au cours
de certains mois. C'est le cas du mois d'Août à Pala (28,5°).
La moyenne miximale pendant la saison des pluies
est relativement stable (20-22°). L'écart thermique en cette
saison est d'environ 10°. Le mois d'Août connait l'écart le
plus faible (8,3°) soit presque la moitié de celui de février.
Tous ces renseignements thermiques permettent
de voir qu'on a affaire ici à un climat tropical relative­
ment humide à deux saisons bien distinctes. Comme le montre
les courbes des pluies et des températures.
- une saison humide de Mai à Octobre marquée
par des gros travaux champêtres. Pendant cette période, la
lourdeur atmosphérique due au degré hygrométrique de l'air
rend la vie et les travaux plus pénibles.
- une saison sèche de Novembre à Avril occupée
par les récoltes au début puis par les fêtes et des jouis­
sances pour les habitants du village de "l'interland", la
pêche et les cultures dérobées dans les villages riverains
à lacustres.
La carte pédologique du Tchad au 1/1000000 dres­
sée par J. PIASt celle de pédologie ne reconnaissance de la
République du Tchad au 1/200 000 de C. CHEVERY et M. FROMAGET
d'une part et d'autre part les études pédologiques du périmètre
de reboiesement de Léré effectuées par RICHARD permettent

- 122 -
de classer les sols du pays mundan en trois grandes familles
- les sols squelettiques
- les sols à sesquioxydes
- les sols hydromorphes
1) Les sols squelettiques
Ils sont constitués des sols minéraux bruts,
des sols peu évolués qui se forment par érosion
soit des roches
acides (gneiss, rhyolite, granite) soit des roches détriti­
ques tel le grès.
Tandis que les premiers constituent le sous­
bassement des parties centrales, septentrionales et occiden­
tale du pays mundan, le second occupe la partie méridionale,
quant à la partie orientale du pays, son substatum est fait
de cuirasse ferrugineuse ou ferralitique. Reposant sur des
roches d'origine diverse; ces sols squelettiques sont par
conséquent très variés.
On distingue
- Les sols d'Rrosion lithique sur granites alca­
lins et sur filons de dolérite. Ces sols sont très peu répandus.
On les rencontre en lambeaux sur les pentes des collines sur­
plombant la plainte inondable de l'entre deux lacs, au Sud
du village de Guégou, en étroite bande le long de l'axe rou­
tier Léré-Figuil juste avant d'atteindre la localité de Djalingo
à la frontière camerounaise. Enfin dans le nord-est de Binder­
Nairi et le Sud de Latta, dans le canton de Lagon.
ou granodiorites.
- Les sols d'érosion
sur graniques alcalins
Ils occupent près des trois quarts du pays;

- 123 -
Les sols sur arkoses et grès de la série de
Lamé. Ces sols se localisent dans la partie sud de la sous­
préfecture de Léré.On retrouve à partir du village de Mabadjan
jusqu'à Pala.
Les sols sur cuirasses latéritiques ou ferru­
gineuses. Ils sont localisés dans le poste administratif de
de Torrock, donc à l'Est de la Zone détude.
A ces types de sols d'origine non climatique,
s'ajoutent les sols d'apports modaux qui sont notamment:
- Les sols sur arène ou produits dérivés du
schiste, de granodioritesi ils forment d'étroites lanières
localisées autour de Léré et des deux lacs.
- Les sols sur alluvions argileux et argilo-limo­
neux que l'on rencontre en bande étroite le long des principaux
cours d'eau de la région notamment le long du Mayo-Kabbi depuis
Fuli-Léré jusqu'aux abords des chutes Gauthiot sur le Mayo­
Dalla à partir de Bisso jusqu'à son point de rencontre avec
le Mayo-Rabbi en face de Fuli-Yakaboi le long du Mayo-Dorbo
et du Zetao autour de Torrock et de Gouin, enfin sur eil-Ouaya,
de Lagon à Bissi-Mafu, et sur le Mayo-Binder.
- Les sols sur matériaux argilo-sableux avec
cuirasse ou fragments de cuirasse ferrugineux peu profonds
nous les localisons dans le PA de Torrock. Ces deux derniers
types de sols sont des sols d'apport hydromorphes.
Tous ces sols squelettiques sont généralement
légers et de texture sableuse. Ils portent pendant la période
humide des cultures qui entrent dans une rotation comportant
trois termes :
- le coton
- le sorgho,

- 125 -
les sols hydromorphes à hydromorphie
temporaire.
5) Les vertisols lithomorphes
Ils se forment sur des roches métamorphiques
basiques ou granites alclins avec un début de structure fine
en surface. Ils sont localisés par endroits, le long de l'axe
Léré-Figuil, depuis le village de Damé (Cotontchad) à Djalingo;
nous les rencontrons tout le long de l'axe routier Binder-
Léré et au Sud du Lac de cette localité oü ils se trouvent
associés aux sols peu évolués sur granites alcalin. Ils sont peu
utilisés dans l'agriculture et constituent des terrains de par­
tout des troupeaux fulbé et mundan en saison des pluies .
- Les vertisols hydromorphes largement structurés
dès la surface. Ce sont des sols sur schistes argileux de
la série de Léré et sur alluvions argileuses récentes. Ce type
de sols est très répandu . Ils débutent par une étroite bande
lacustre au niveau de Damé (Cotontchad) pour s'élargir en aval
du lac Léré, occupant toute la plaine temporairement trempée
du Mayo-Kebbi entre Guégou et Guédang. Cette plaine se prolon­
ge jusqu'au delà des limites territoriales. Ces terres cons-
tituent pour les habitants des villages je Zagueré Gué'gou, Guédang
et surtout Biparé un véritable grenier; nous allons dire pa­
nier alimentaire des paysans de ces localités.
En saison sèche, ces sols portent patate-douce,
haricot, gombo, maïs, manioc,aujourd'hui le taro et surtout
le muskt:ar; de plus en plus cultivé par les mundan.
Pendant la période humide, très tôt (au mois de
mai), maïs et Zimiri (mil rouge hatif) se partagent le terrain,
pour être récoltés avant les grandes crues (en juillet) du
Mayo-Kebbi.

- 129 -
8) Fing madë uh tebi djan (Mai) : C'est la
lune où la vache s'embourbe dans les mares formées par les
premières pluies. C'est le début de la saison des pluies. Zabame
se signale par les premiers labours et surtout la mise en
terre des grains.
9) Fing mangwa lang-né (juin) : Lune du petit
sarclage. Elle désigne le mois de juin où l'on amorce le sar­
clage des champs de zimiri , le mil rouge précoce.
10) Fing rnangwa-li : Lune du grand sarclage; c'est
le mois du juillet. En ce moment l'on sarcle les champs de
brousse plantés en mil blanc et en coton.
Il) Fing rnaddumbi _ (Août) : Au cours de ce mois,
on sarcle pour une deuxième fois le champ de brousse. Les her­
bes détruites en ce moment sont emportées par les eaux des
pluies devenues régulières.
12) Fing Farwatt (Septembre) : C'est la lune
des grosses pluies qui provoquent des inondations. C'est aussi
la période de soudure débutée depuis la lune précédente. Les
nouvelles plantes ne sont pas encore mures pour remplacer
les réserves finissantes.
2) Les rites agraires
mundan
Eiliers de l'agriculture
Deux principaux rites retiennent l'attention dans
cette agriculture. L'un se déroule avant les pluies (rite de
pluies ou fing-loo), l'autre en fin de récolte du mil blanc.
Ce rite termine les récoltes des mils qui se sont échelonnés
depuis octobre jusqu'en janvier. On l'appelle "l'âme du mil".
Le rite des pluies (fing-loo) - lune des pintades'
On l'appelle fing-loo parce que pour exécuter ce rite, une

- 130 -
grande battue est organisée pour en vue de massacrer pintades,
rongeurs et autres petits gibiers qui ont eu le temps de se
reproduire pendant la dernière saison des pluies.
Avant tout, Pakidane le devin est consulté. C'est
lui qui détermine la voie à suivre. Fing-loo est marquée par
un grand rassemblement à un endroit fixe désigné à cette effet
situé à l'écart du village. Cet endroit prend le nom de tekal­
100 où chaque année le Gon qui prend toujours part à cette cé­
rémonie prononce un petit discours dont le contenu n'est que
souhait de bénp.fiction à l'endroit du peuple afin que les cé­
rémonies incantatoires au dieu de la pluie soient couronnp.es
de succès. Puis, à cheval, il fait une démonstration de "bon
chasseur" sur une distance de 2 à 300 m sous les lazzis et
sobriquets que peuvent lui lancer ses sujets, ce jour là.
Ainsi le signal de départ est donnp.. Le Gon revient à son palais.
Les hommes, armés de flèches (guu) de sagaies (z6), les uns à
pieds, les autres à cheval, vont fouiller la brousse pendant
une demi-journée. A leur retour, généralement dans l'après-
midi, ils défilent devant le tata du Gon. Le chasseur qui ramè­
ne un seul gibier est contraint de le donner au souverain; celui
qui en ramène deux, le partage devient équitable; le tenant
de trois gibiers en garde deux. Sur la part du chef, plus de
la moitié va au collège des anciens qui se retire avec; au lieu
dit zaah-jakke, une espèce d'autel dont l'accès reste formelle­
ment interdit au public. C'est après exécution de ce rite que
l'on peut espérer à une véritable installation de la saison
des pluies. Fing-loo perd d'année en année son aspect rituel
pour prendre l'allure d'une simple fête populaire.
C'est également un rite collectif digne d'atten­
tion. Il se déroule tous les ans à Léré, Guégou et Doué dans

- 132 -
des danseurs, s'empare de la corde placée sur la gerbe au
centre et devient un meneur. Tout en dansant, il exécute de
grands gestes; passe la corde grossière formant noeud ou coup
d'un danseur la retire, refait le même geste sur un deuxième
puis la retire également; le troisième geste porte toujours
sur la victime et cette fois elle descent jusqu'à la faille.
Cet homme est déshabillé aussitôt et enduit d'une lotion
faite de cendre préparée à cet usage. Au signal, on lui met
le paquet sur la tête.
Au milieu de cette botte d'épis, se trouve plantée
une faucille, un fer à houe et un couteau. Le guide de la sé­
ance oubre la marche; elle durera près d'heure. Ce guide est
suivi du porteur d'épis; nu comme un ver, il a pour habit un
étui pénien; il est donné à un ancien page, affranchi de tenir
le bout de corde qui lui ceind la taille. Brandissant sagaies,
bâtons et tige de mil, les uns à cheval, les autres à pieds,
les hommes suivent le cortège à pas de course.
Devant la demeure gu gon, une foule aussi nom­
breuse, qu'agitée des deux sexes les attend. Ils arrivent en
chantant :
Ha ah me gban ne mo, Ha ah me gban ne mo welan-né
Mo ya mur puli, mo yah mur puli welang-ne#
Traduction: On m'a dit que cest toi qui dois
transporter petit enfant, qui doit transporter petit
enfant
Tu aimes beaucoup les femmes
Tu aimes beaucoup les femmes
Petit enfant.
On constate d'après la traduction que la chanson
porte atteinte à la pudeur de celui qui porte le fardeau.

- 133 -
A l'approche du cortège, le gon muni d'un talis­
man se place à l'entrée du palais, il exécute trois gestes cir
culaires au dessus de sa tête et jette son talisman en direc­
tion du cortège qui progresse vers lui; fuit à toutes jambes
au fond du palais.
Par ces gestes, le gon conjure le mauvais sort
sur le porteur nu rendu méconnaissable et digne de terreur,
symbolisant les formes maléfiques de la vie.
Une fois le cortège à l'intérieur du palais,
on tape sur la dame": gros tambour d'annonce, pour dire à tout
le pays mundan que l'âme du mil est bien rentrée au village.;
Le porteur monte prudemment les marches creusées
dans un tronc fourchu du palmier.· dQm'" échelle typique des gens
du pays pour déposer son fardeau, aidé par quelqu'un qui lIa
précédé au sommet dans le grenier du Gon. Là, le paquet sé­
journera pendant deux à trois jours avant d'être soigneuse­
ment déplacé et mis en conservation. Il constitue les semences
pour la saison prochaine.
Libéré de sa charge, le supplicité, bras croisés
sur la tête, elle même baissée, court en direction de la ri­
vière en compagnie de quelques jeunes qui le suivent pour se
purifier. La foule, elle, se disperse. Les organisateurs de
la cérémonie savent qu'ils reviendront quelques heures après
prendre part au festin qu'offre le souverain à cette occasion.
L'après midi, le porteur du gerbe va chez swaah
we pulian gong (responsable de l'organisation du rite) pour
y recevoir un habit que lui offre le Gan. Le soir, il re­
viendra prendre part à une dernière cérémonie au palais. En
effet, au cours d'une danse pour clore ce rite, ce dernier
cherchera à prendre sa revanche sur le gon en exécutant des
rites maléfiques à son endroit. Une fois cette cérémonie
terminée, le porteur de l'âme du rite accède à la catégorie

- La houe
- 136 -
Elle constitue le principal instrument de labour.
Les formes de houes différent selon les régions et surtout
les types de sols qu'on est appelé à travailler avec cet ins­
trument.
La houe à douille (kpah-gbale) : On la recontre
dans le PA de Torrick où les sols sablo-beiges et légers peu­
vent être travaillés facilement par cet outil. Elle est moins
répandue dans le canton de Lagon, pour ne trouver qu'un usage
partiel dans les canton de Léré et Guégou. Dans ces régions
lacustres, kpah-gbale prend une taille réduite mieux adaptée
aux s Is rocailleux. Kpah-gbale est fixée à un manche coudé
à l' extrémité.
La houe à soie (kpah-fare) : Elle est très répan­
due dans le pays à l'exception de la région de Torrock. Elle
est fixée comme la hache à soie, à un bout renflé d'un manche.
Marguerbi est une variante de kpah-fare avec la
seule différence qui réside dans sa partie métallique amincie.
C'est la houe des riverains, destinése à travailler les terres
lourdes de pye. Marguerbi est une houe-pioche : sa forme
très allongée confirme son usage.
La faucille et le couteau constituent les princi­
pales lames utilisées pour la récolte des céréales.
Avec la faucille, on descend les tiges que
l'ont met en tas et au couteau, on sépare les épis des pé­
doncules. Le paysan utilise cette même faucille pour la cou­
pe de paille destinée aux divers travaux domestiques.
Il est à remarquer qu'en pays mundan, mise à part
l'arachide qui se sème à la houe, opération essentiellement

- 137 -
féminine, les mils et sorghos sont mis en terre à l'aide
d'un bâton d'environ l,SOm de long, taillé par un bout: Kbye;
un autre plus long sert dans l'abattage de ces céréales.
Le transport des produits se fait à dos d'homme
au moyen des paniers pouvant peser trente à quarante kilogram­
mes suivant les produits.
Aujourd'hui, la charrue et la charrette sont
venues alléger la tâche au paysan mundan.
2) Le maintien de la fertilité du sol
- La fumure : l'apport en engrais reste peu
important dans l'agriculture traditionnelle mundan. La seule
forme utilisée est la fumure domestique; autrefois pratiquée
de façon inconsciente, aujourd'hui elle est contrôlée et vou­
lue. Elle consiste à jeter les cendres des foyers et déjection
des animaux domestiques qui fertilisent les champs de case.
Ceux des bafons ne reçoivent pas la même future.
Ici sur la partie exondée de ces terres on apporte
desengrais verts sous forme d'andins qui sont répandus et re­
nouvelables au moment du binage ; quant à la partie inondable
du pye, elle reçoit son engrais naturel constitué par le limon
qu'apportent et déposent les eaux des crues.
réduite à quelques ares.
Remarquons qu'il s'agit ici des champs de taille
Les champs de brousse, en raison de la distance
qui les sépare du village/mais surtout à cause de l'étendue
des exploitations ne bénéficient pas d'un apport en engrais.
Dans certaines régions et les cas sont rares, il
existe une entente entre éleveurs fulbe semi-nomades et agri­
culteurs sédentaires mundan qui invitent les premiers à seJour­
ner au cours de leur transhumance de sàison sèche dans leurs

- 138 -
champs fraîchement récoltés où le chaume constitue un aliment
apprécié des bovins.
Ainsi le champ se trouve fumé, mais souvent
par endroit, et le paysan ne fait aucun effort pour trans­
porter une partie de ce fumier pour le répandre là où il en
manque; ce qui ne rend pas uniforme le rendement dans un
même champ.
Cette forme d'associoation culture-élevage,
bien que consciente, demeure un fait sporadique et récent.
Il a fallu attendre l'événement de la culture
attelée pour que le paysan mundan connaisse l'engrais
chimique, bien que son usage soit strictement limité à la
culture du coton.
- La jachère: C'est un fait observé dans les
champs de brousse. Les terres de case et de bas-fond qui re­
çoivent de la fumure sont cultivées tous les ans.
En savane, donc en brousse, les champs sont aban­
donnés en général au bout de quatre ans d'exploitation pour
leur médiocrité; abandon qui est reversible et dure plus ou
moins longtemps selon la capacité de reconstitution du sol.
Ce terrain en jachère prend le nom local de murgnye. Cette
technique est connue des mundan depuis très longtemps; le
paysan le définit fort bien quand il dit que "c'est une mise
en repos des terres reconnues infertiles". A la différence
des champs de case et de plaine inondable, où l'on cultive
les mêmes plantes aux mêmes endroits tous les ans, le paysan
pratique dans ses champs de brousse une rotation des cultures.
Autrefois, la premlere année, le terrain nouvel­
lement défriché, portait une avant-culture (sésame associée
au haricot) suivi d'une ou deux années de mil blanc et la
dernière année, en repousse de mil souvent associée aux ara-

4) Le défrichement
- 140 -
Après le choix du terrain de culture, le paysan
commence ses premiers travaux par le défrichement. Il débute
généralement entre Mars et Avril.
Cette technique consiste à abattre arbres et ar­
bustes, à ramasser les brouissailles; ces abattis sont mis en
tas pour être brûlés et la cendre répandue en guise d'engrais.
C'est la technique du brûlis.
Les terres de savane destinées à être mises en
culture pour la première fois s' appellent "tiburi" dans la
langue du pays; autrefois, elles constituaient une avant-cul­
ture, aujourd'hui les cas se rarefient. Sur les terres de plai­
ne (pye) cultivées tous les ans, les brouissailles constituées
d'anciennes tiges et de repousses d'épineux sont amassées et
incendiées. Autrefois, on attendait les premières pluies pour
mettre les grains en terre; aujourd'hui, la tendance générale
est de tourner d'abord le sol à la charrue avant de semer. Ces
travaux de défriche peuvent durer jusqu'au début du mois de
mai.
3) Les semis
Jadis, le paysan attendait deux ou trois grosses
pluies avant de commencer ses semis. Aujourd'hui, les caprices
climatiques l'obligent parfois à mettre les grains en terre
quelques jours avant la première pluie. A l'aide de son bâton
fouisseur (kbye), les semences des sorghos blancs sont les
premières à être mises en terre; ensuite viennent les varié­
tés su sorghum caudatum (zimiri). Cette chronologie dans
les semis est observée dans le canton de Lagon et le P.A. de
Torrock, disons tout le pays mundan sauf les' villages lacus-

- 143 -
Viennent ensuite les récoltes de zimiri des régions de l'ar­
rière pays; elles s'étendent de la mi-septembre à fin octo­
bre; en ce moment l'arachide ayant atteint sa maturité, voit
un début de récolte qui se prolonge jusqu'en Novembre où les
mils blancs à cycle végétatif tardif murissent et les récoltes
s'enchainent jusqu'à fin mars pour les céréales.
Le dernier parmi ces mils à rentrer est le muskuari
(sorghum durra) cultivé à grande échelle dans le P.A. de Tor­
rock et sur les plaines alluviles du Mayo-Kebbi en aval du
lac de Léré et sur des vertisols très localisés dans certains
villages intérieurs. Dans les villages situés le long du Mayo­
Kebbi, de Tréné à Biparé, les récoltes se prolongent jusqu'en
Avril avec le ramassage de haricot, la cueillette de gombo
et le déterrement de la patate douce, cultivés sur les sols
limoneux déposés par le fleuve.
Les céréales se récoltent de la même manière
Le paysan fait coucher les tiges chargées d'épis
au moyen de sa houe ou sa matchette; parfois il utilise la
faucille;avec ce dernier outil, il tranche la tige à environ
un mètre au dessus du sol. Une fois les tiges couchées, hommes,
femmes et enfants séparent les epls des tiges soit à l'aide
de leur couteau, soit au moyen de la faucille. Ces épis sont
rassemblés en un gros tas au milieu du champ avant d'être
transportés au village.
Jadis, le transport se faisait uniquement au
moyen du panier grossier fait de pousses de branches du mi­
trigyna inermis (gan-ne); aujourd'hui, la charrette rempace
le panier et les boeufs de trait, l'homme. A ses débuts, la
charrette servait au transport, maintenant, on lui attribue
un second rôle. Elle sert d'instrument de mesure dans la quan­
tification des produits des champs notamment des mils. En
effet, le paysan sait et de façon approximative, suivant la
taille de sa famille que tel nombre de charrettes de mil
peut le conduire à telle ou telle période de l'année. Mieux

- 144 -
que celà, il sait que une charrette chargée d'épis bien entas­
sés de zimiri (mil rouge) équivaut à environ quatre sacs
de 100 kg; chargés de mil blanc, elle ne fait que trois sacs
de 100 kg. La différence d'un sac s'explique par le fait que
l'on ne peut pas entasser d'avantage les épis du sorgho guinéense
(mil blanc) au risque de perdre une bonne quantité de ces
grains, puisque récolté très sec, il se déglume beaucoup plus
facilement que le djigari (zimiri).
4) La conservation des produits des champs
Une fois rentrés des champs, certains céréales
tels que zimiri, sorhori (maïs) sont laissés à sécher dans
le pitchelé vant d'être engrangés. Les mils et sorghos sont
directement rangés à l'arrière dans les greniers en forme de
coupole. Celui-ci comporte généralement trois cloisons inté­
rieures destinées à recevoir chaque type de produits. Ces cloi­
sons prennent le nom de tegole. Dans une famille, le grenier
marital constitue le silo du ménage, quelque soit sa .taille.
Ce silo comprend trois cloisons intérieures, dé­
limitant, une partie réservée au mil blanc, une autre réser­
vée au mil rouge et une troisième destinée à recevoir
arachides en coque, pois de terre, haricot; chaque produit
étant bien rangé dans un coin. Les produits du grenier du
chef de famille restent le bien commun de la famille. C'est
lui qui ordonne de prélever la quantité des produits à consom­
mer.
De façon générale, les femmes aussi ont leur
grenier; elles y engrangent les produits de leurs propres champs;
ces greniers sont souvent annexés à leur case.
Les personnes âgées, n'ayant plus la force de
travail utilisent comme grenier une espèce de gros chapeau

- 147 -
SI applique aux alentours immédiat? du ptiché"lé', la concession.
Ici, l'appartenance des terres est liée au droit de bâtir. A
partir du moment où un pitchélé s'établit, ses occupants ont
un droit d'usage sur letehye-koré. Celui-ci constitue un tout
pour la femme.
C'est une zone d'association des cultures préco­
ces de case; elle sert de lieu d'enterrement; un père de famil­
le qui meurt est enterré à l'entrée du pitchélé ; quant au
corps d'une épouse, il est inhumé derrière la case de la dé­
funte;tehye-kore sert aussi d'autel surtout aux femmes dans la
pratique des rites de possession. La taille dutehye-kore varie
suivant le type d'habitat.
Dans les anciens villages à gros noyaux concentri­
ques, il est réduit voire inexistant dans certains cas.
Par contre, dans ceux de création relativement
récente, il est assez étendu; c'est un signe d'éclatement de
la famille patriarcale. Dans tous les cas, c'est le chef de fa­
mille qui assure le partage du tchye-koré à chaque membre de sa
famille qui le mérite; généralement, ce sont les adultes {fernmes
et garçons actifs) qui en reçoivent. La jeune fille travaille
la parcelle de sa mère. Le chef de terre intervient en cas de
litiges relatifs à la limitation des tehye-koré entre les habi­
tants d'un même quartier pour régler les différents.
Ces cultures de case sont pratiquées sur des sol s
généralement peu évolués sur granite, sur gré ou sur cuirasse
ferrugineuse suivant qu'on se trouve à Léré, Lagon ou Torrock.
L'avantage de ce terroir, c'est qu'il bénéficie d'un apport
insconcient autrefois, voulu aujourd'hui, en engrais domesti­
ques (ordures des ménages), du fumier à partir des déjections
animales. Cet apport se fait pendant la saison sèche, à l'ap­
proche de la saison pluvieuse. Dès les premières pluies, les

3) Les champs de brousse
- 151 -
Ces champs se trouvent éloignés du village par­
fois de plusieurs kilomètres; certains fronts pionniers peu­
vent attëindre la dizaine de kilomètres.
Au fur et à mesure qu'on s'éloigne du village,
les champs sont disséminés sur le territoire villagois. L'or­
ganisation dans l'occupation du sol semble inexistante. Les
champs peuvent être regroupés si la place disponible le permet,
en particulier dans les zones des terres vierges; mais la dif­
férence est que cette forme d'occupation n'est plus lignagère
mais bien individuelle. Ici, nous avons affaire à des terres
légères de texture sableuse qui se développe sur un fond fer­
rugineux (S/Secteur de Torrock) gréseux (Sous-Secteur de Lagon)
ou granitique (Sous-Secteur de Léré). C'est sur ces sols de
relative fertilité que les paysans tirent l'essentiel de leurs
produits de subsistance.
Ils revêtent pour le paysan une importance capi­
tale, parce que la civilisation mundan est avant tout une civi­
lisation de grenier. Sur ces terres sablo-argileuses à sablo­
beige, les paysans pratiquent de façon alternée et la culture
des mils et sorghos et celle du coton en ayant comme techni­
que de rejeunerescence des sols, la jachère.
Les mils et sorghos
- Les mils blancs: Comme le zimiri (mil rouge),
on distingue toute une gamme de mils blancs dans l'agriculture
mundan.
Toutes ces variétés sont semées en Mai-Juin dans
un même champ. Elles sont soumises nous avons vu, aux mêmes
opérations culturales que les autres mils.

- 153 -
SIc norgwa semble être réputée parce que dit-on
qu'elle possède des propriétés plus nourricières par rapport
aux autres. Sa farine blanche est conseillée aux mères dont
l'allaitement connait de défaillances. Ce sont des mamans
porteuses des jumeaux qui fOlltles plus grandes consommations
de bouillie de cette variété.
- Guejo Zalé : Très peu répandue, on la rencontre
dans les régions des lacs. Elle se cultive sur les versants
des collines bordant le Mayo-Kebbi. Sa tige est moins haute
que celles des autres qui peuvent atteindre trois mètres. Sa
panicule lache aux branches retombantes connait une épinaison
avant celle des autres variétés citées plus haut. Le grain
tendre, de coloration blanche est placé dans une glume de
couleur beige.
- Guejo-Chin : D'introduction récente, le paysan
affirme que cette variété lui vient de Kélo. Elle différe
quelque peu des premières. Panicule lache, glume et grain de
coloration rougeâtre; tout porte à croire qu'elle serait une
sous variété de sorghum elegans que cultivent à grande échelle
les paysans Nantchéré et Lélé de Kélo aujourd'hui imités par
les Djimé de la sous-préfecture de Pala.
outre la série de guejo bien connue des paysans,
ceux-ci distinguent d'autres variétés que nous rattachons à la
série de sorghum caudatum, qu'ils appellent "sorsahgne" litté­
ralement traduit"les bons mils". Ce quaIificatif s' explique
par le simple fait que même moyennement mûres, ces variétés
peuvent se consommer crues ou bouillies, sur épis; ce qui n'est
pas le cas des guejo. Trois principaux types se retrouvait un
peu partout dans l'agriculture mundan.
- Gëbana : Cette variété diffère des guejo par
sa tige relativement réduite; son grain de couleur safran,

- 154 -
sa panicule compacte avec des branches parfois très serrées.
Ses grains assez gros, sont tendres et ne présentent aucun
problème à la ménagère qui doit les faires moudre. On le cul­
tive toujours en association avec les guejo.
- Vuring : C'est une sous-variété de guebana.
Le grain est jaune-or; cette espèce a une panicule très lache
avec de longues branches retombantes. Elle peut comme gueband
être consommée crue ou bouillie; mais à la différence de gue­
bana, au goût sucré, celle-ci est légérement amer. Les gros
grains de vuring sont également tendres.
- Sor-bi : Cette variété aime des endroits hu­
mides, donc des sols lourds. Souvent on l'associe aux premiè­
res variétés citées plus haut. Mais parfois, elle fait l'objet
d'une culture exclusive. Sa tige moins haute et plus robuste
supporte des gros épis en parasol de cette espèce. Les terres
alluvionnaires constituent son terrain favori.
- Kalle (pennisetum typhoideum) : Sa culture
est très peu répandue; elle relève d'ailleurs des activités
des femmes qui les plantent dans les champs d'arachide.
Planté en ligne dans certains champs d'arachide,
elle matérialise les limites de ces champs.
En dehors des deux dernières variétés de mil
(sor-bi et kalle), toutes les autres, nous le disions plus
haut sont associées dans un même champ, où prédominent les
guejo. Les quelques plants de guebana, de vuring s'y trouvent
pour des raisons bien connues.
Une nouvelle variété vient s'ajouter à celles
déjà étudiées. Il s'agit de sor-kale. Celle-ci ressemble étran­
gement au guebana. Elle est semée tardivement (juillet) et
se récolte en même temps que les autres. Les paysans disent
qu'elle leur vient de la ferme de Déli dans le Logone Occidental
Sor-kale est sans doute une variété hybride , fruit des recher-

- 155 -
ches agronomiques pratiquées dans cette ferme pour la sélec­
tion des céréales les mieux adaptés.
Les autres cultures des champs de brousse
- L'arachide "swaa zemay" (pistache des Fulbe)
Son nom laisse entrevoir son origine étrangère. Le mundan l'au­
rait connue au contact des fulbe il y a un peu plus de cent
ans.
Son appréciation dans le milieu a fait d'elle la
deuxième culture vivrière du pays après les mils et sorghos.
La culture d'arachide était une activité strictement féminine.
Aujourd'hui, des hommes le cultivent volontiers dans un but
lucratif.
Ainsi, l'arachide occupe une place importante
dans le calendrier agricole traditionnel.
Dans les contrées comme Guélo, Pibou, Lagon,
Bissi-Mafu, etc, la famille paysanne ne peut plus se passer
de cette plante .
. Les raisons de cette attitude se trouvent dans
l'isolement de ces régions qui sont très éloignées des lacs
et du Mayo-Kebbi pour se procurer tous les jours de diverses
variétés d'hibiscus; fraîches ou séchées, ces feuilles qui
accompagnent la boule de mil nécessitent un certain nombre
de condiments pour les rendre consommables et l'arachide
plante riche en protéine végétale est ici désignée avec le
haricot comme éléments primordiaux d'assaisonnement des mets.
La plante pousse sur des terres sableuses. Elle
peut et c'est souvent le cas/être cultivée en culture pure
ou associée à d'autres plantes notamment le pénicillaire,
le haricot et l'oseille. Deux variétés d'arachides sont con­
nues dans l'agriculture traditionnelle.

- 156 -
a) La variété rempante : elle donne des gousses
à deux graines après un cycle végétatif d'environ quatre mois.
Cette variété s'adapte bien aux sols sablo-argileux à argileux.
b) La deuxième variété semi-dressée a un cycle
végétatif qui diffère de la première. c'est l'espèce la plus
cultivée des terres sableuses.
c) Une autre variété a été introduite dans les
années 1960. Il s'agit de la variété dressée, hative car le
cycle végétatif ne dure que trois mois. Elle a fait l'objet
d'une tentative de vulgarisation à partir du paysannat de Lagon
appelée "Swaa-Cogne" .du nom du technicien chargé de sa vulgari­
sation. Cette espèce donne une petite gousse à deux graines;
du fait que ces travaux concurrençaient les travaux cotonniers,
les premiers résultats ne furent pas concluants et l'expérien­
ce de courte durée.
Il est à remarquer que les cultures secondaires
telles que le haricot, le gombo que nous étudierons plus loin
dans les cultures de pye peuvent et c'est le cas dans les
villages de l'interland, être associées soit la culture des
mils sous pluie (haricot) soit à celle d'arachide (gombo).
Les autres cultures des champs de brousse,
Parmi celle-ci, nous trouvons :
Le voandzou subterranea : swaa-ëh (pois de terre)
Généralement, ce sont les personnes âgées qui pratiquent la cul­
ture du swaa-ëh. Les champs peuvent se trouver à proximité
du village sur des terres légères ou éloignés . Sa culture
d'ailleurs comme celle d'arachide, se pratique sur des terrains
anciennement défrichés, puisqu'elles viennent en troisième posi­
tion dans le système· rotatif des cultures. La taille des champs
de swaa - oh n'excèse guère quelques ares. Les pratiques cul­
turales sont les mêmes que celles d'arachide. La plante se sè-

- 157 -
me à la houe, les graines sont enterrées dans des trous de
6 à 7 cm de profondeur à environ 60 cm d'écartement en tous
sens, en raison d'une ou deux graines par trou. Ce semis
s'effectue en même temps que le houage. Un petit sarclage
intervient un mois plus tard. Tous ces travaux du champ
de swaa-ëh se font en général assez tardivement, ce qui mon­
tre bien le caractère facultatif de cette culture. Semé en
juillet, vers la fin, le pois de terre se récoltera en oc­
tobre au même moment que les arachides. La récolte de ces
deux plantes se font par arrachage des touffes dont les feuil­
les jaunies commencent à tomber. Contrairement aux semences
d'arachide qui se conservent décortiquées et hermétiquement
fermées dans des poteries, le pois de terre, lui, n'est dé­
cortiqué qu'au moment de son emploi. Le cycle végétatif moyen
de la plante est d'environ trois mois et son rendement presque
égal à celui d'arachide (450 kg/ha).
Le voandzou se consomme, une fois à maturité
sous forme fraiche et il est bouilli en coque, mais il est
consommé aussi à sec et il est décortiqué et les graines bouil­
lies. Autrefois, activité principale des personnes âgées, bon
nombre de paysans valides se sont mis à cultiver cette légu­
mineuse dont la réserve sauve en période de soudure.
Les fanes du voandzou constituent avec celles
d'arachide et des haricots, un excellent fourrage pour les
animaux domestiques. Le paysan les garde séchées en bottes
et conservées sur des plates formes de branchages à environ
2 m au dessus du sol. Le pois de terre peut être cultivé en
culture pure, on l'associe parfois aux repousses de mil et
aux arachides.
Le sésame samme Le paysan pratique la culture
de sésame sur un terrain tardivement et hativement débroussé
pendant la saison des pluies. C'est le tibouri. Cette prati­
que n'est autre chose qu'une stratégie paysanne en vue d'aug­
menter la superficie de ses champs de mil pendant la campagne
prochaine.

- 158 -
Semé à la volée vers la fin de juillet, il est
souvent associé au haricot. Aucun entretien particulier n'est
accordé à cette avant-culture; il se limite généralement à
l'arrachage de quelques touffes d'herbes qui gênent la plante.
La récolte a bien lieu en Novembre; elle se fait par arrachage
des pieds à environ 80 cm du sol à l'aide de la faucille. On
en fait des petits tas liés au moyen d'une corde que l'on
dépose à sécher sur des claies : là, la déhiscence des gousses
libérera les grains recueillis par les femmes. La variétés
cultivées ici ont des grains noirs et blancs. Le sésame se con­
somme comme friandise, en boulette qu'on fait cuir à la viande
ou au poisson; parfois on en extrait de l'huile. Les tiges de
sésame séchées sont brûlées et de la cendre recueillie)la ména­
gère obtient par lessivage du sel végétal.
4) Les champs de bas fond hoah pye
Le mundan désigne par "pye" cette zone de bas
fond occupée par le Mayo-Kebbi et les lacs qu'il alimente.
Pye, à l'observer de près constitue le lit d'inondation
de ce dernier cours d'eau. En terre mundan, il s'étend depuis
les chutes Gauthiot sa pointe accidentée orientale à l'insel­
berg de Mombay, dernier contrefort du massif de l'adamaoua
à l'Ouest, avant de former avec la vallée de la Bénoué, cette
espèce de couloir entre les reliefs d'autour de la ville de
Garoua.
Les terres de pye leur vocation
Aussitôt les chutes du Mayo-Kebbi franchies les
lourdes terres formées des sols hydromorphes s'étalent de part
et d'autre du fleuve. A proximité des chutes et jusqu'au vil­
lage de 1ezoko et au niveau de Fouli-Yakabo, un moucheron,
vecteur de transmission de l'onchocercose en interdit l'ac­
cès aux hommes. C'est à partir de Tréné et Guétalé, jusqu'à

- 159 -
son point de rencontre avec le Bénoué que l'on constate
que les rives du Mayo-Kebbi sont parsemées de nombreux vil­
lages d'inégale importante numérique. Parmi ces villages nous
en avons choisi un, qui a fait l'objet d'observations et d'en­
quêtes. Il s'agit du village de LAO qui attire l'attention
à plus d'un titre.
- Par sa position de village-rue, Lao demeure
accessible en toute saison a qui veut y venir.
- Sa proximité du centre en urbanisation de Léré
en fait le grenier des vivriers du fait de la fertilité de
ces terres de bas fond.
LAO subit une influence incontestable de Léré,
car les habitants de cette dernière localité envahissent
souvent pye LAO, or les Laois détiennent ces terres
de leurs parents.
Le droit sur les parcelles.
Initialement l'occupation des terres de pye était
clanique comme partout ailleurs. Pye-LAO, séparé du village
par le Mayo-Kebbi, était exploité avant 1956 (1) par la commu­
nauté villageoise. N'allaient ensemble aux parcelles de pye
et en pirogue que les membres d'une même famille élargie. Les
terres de pye étaient alors transmissibles de génération en
génération.
Avec l'introduction de l'économie monétaire,
l'avénement du pont qui lie tout le monde y compris les
"étrangers" au village. Les rf'lations ont cr..angé et les exploi-
(1) Année d'inauguration du poné sur le Mayo-Kebbi à LAO.

- 160 -
tations parcellaires ont suivi; si bien qu'actuellement à LAO
on peut être propriétaire ou locataire d'une ou plusieurs pe­
tites parcelles parfois séparées les unes des autres.
Mode d'accès à la propriété
Lorsqu'un père meurt, ses terres de plaine revien­
nent de droit à son héritier qui est de coutume le fils aîné;
s'il n'en a pas, elles vont à ses frères sinon à un p3.rent éloi­
gné. Mais cette norme successorale se trouve aujourd'hui
remise en cause. Après la mort du père, on assiste au partage
des terres entre les enfants. Le mariage d'un fils procure à
ce dernier non seulement une forme de liberté vis à vis du pè­
re, mais lui donne droit à une parcelle de pye.
Un garçon ou une fille peut succéder à sa mère
dans sa parcelle en cas de décès ou de vieillesse.
Hériter les parcelles d'un parent ne constitue
pas la seule forme d'acquisition de terrain; la possession
issue de la spéculation vente-achat en constitue une autre.
La vente de parcelles
c'est un phénomène récent et les cas sont encore
très limités. Il n'existe que dans les villages dont les con­
ditions sont similaires à celles de LAO. Même, ici, il convient
de parler de vente de champs; car généralement le paysan vend
des champs qui se trouvent être des jardins d'arbres fruitiers
ou d'autres plantes pluri-annuelles tel que le manioc.
Vend son verger le paysan impécunieux qui éprouve
le besoin d'argent soit pour subvenir à ses besoins quotidiens,
soit pour se doter une femme.

- 161 -
Les personnes âgées, ne possédant plus de force
de travail se voient également obligées de vendre leurs ter­
res.
Les acheteurs sont généralement du même villige
ou parfois des villages voisins.
Les locations et prêts des terres.
La location se fait moyennant soit un bieni?!1naru­
re, par exemple un cabri, pour une période d'une année agrico­
le, soit une somme d'argent. L'importance de la somme à ver­
ser varie en fonction de la qualité du sol et de la taille de
la parcelle.
Dans le cas où plusieurs personnes se présentent
pour la location d'un même terrain, l'augmentation du montant
de la location est le seul critère de choix du propriétaire.
Cette forme n'est pas encore bien développée à LAO.
Par contre le prêt d'un lopin de terre à un pa­
rent ou un ami s'avère plus ancien; concéder une parcelle à
une connaissance revêt ici une forme d'assistance entre les
membres de la communauté villageoise. Mais il n'est pas rare
de voire une seule personne posséder plusieurs parcelles
sans pouvoir les exploiter convenablement. A LAO, les paysans
concentrent leurs efforts à pye qu'ils exploitent en culture
sous pluies (terres exondées) et en cultures de saison sèche
(terres inondables). Dans tous les cas, l'éclatement de la
famille patriarcale entraîne ici une atomisation de parcelles
parfois de petite taille qui fait de pye Lao un paysage agri­
cole inorganisé.
tinguer
Dans cette plaine, deux types de sols sont à dis-
- Les sols hydromorphes de nature argilo-limoneuse

- 164 -
Elle prend place sur les mêmes types de sols
que les plantes cultivées en saison sèche, mais préfère
particulièrement le fameux "mungobe" (terres limoneuses) des
abords du cours d'eau. Ici à Lao, les champs de patate se lo­
calisent sur les bergers de Eil-ouaya où ils s'interpénètrent
avec les champs des paysans venus de Léré.
Il Y a deux façons culturales pour la patate douce
- La premlere se pratique en culture sous pluie
et sur des terres argilo-sableuses exondées de versants. Elle
se fait sur des buttes: la bouture s'effectue en juillet-
Août et la récolte en Novembre-Décembre. Cette forme de culture
relève du fait des villages enclavés de l'arrière pays où la
plantation de la patate douce est pratiquée sur une échelle
réduite.
- La deuxième façon culturale s'observe à Lao
et un peu partout dans les villages riverains, le long du Mayo­
Kebbi. Ici, les terres exploitées sont constituées des sols
argilo-limono-beiges à hydromorphie temporaire (mungobe). Les
travaux commencent en novembre par le débroussaillement puis
le piochage des terres tendres encore relativement humides. Ces
travaux ont lieu presque en même temps que ceux des haricots
et gombo en culture de décrue qui s'effectuent de la même
manière. Les moyens utilisés dans ces opérations se résument
en une houe spéciale margërbi (houe-pioche) que nous décrivions
plus haut dans les outillages agricoles, une faucille et par­
fois une matchette. Bouturée en novembre, la patates de pye
se récolte en Avril.;En cerroment on observe les femmes défi-
ler quotidiennement munies de grandes cuvettes pour rentrer
le produit.
Jadis, destinée essentiellement à un appoint
alimentaire et entièrement autoconommée par les planteurs, la
patate est produite aujourd'hui à Lao pour se vendre sur le

- 165 -
marché de Léré voisin. La vente du produit se fait aux champs
ou au village. Parfois les acheteurs viennent des villages
éloignés, notamment les fulbe qui utilisent l'âne pour trans­
porter le produit qu'il revendra deux ou trois fois plus cher
qu'il ne l'ont acheté.
Un sac de patate de 50 kg coûte 3000 FCFA (60 ff)
à Lao. Modeste source de revenu pour ceux qui la cultivent
sa plantation demande un effort et une patience surtout dans
la minutie de sa récolte. La culture de cette plante à Lao
comme ailleurs est le fait des hommes de bonne volonté. Le
paysan peu t vendre sa récolte de patate aussitôt après le dé­
terrement de la plante, ou la conserver dans une réserve sou­
terraine pour être vendue plus chère quelques mois plus tard
au moment de la raréfaction du produit. Les habitants des vil­
lages riverains tels que Tréné, Mourbamé, Khabi, Zagueré, Guegou,
etc... tirent un revenu annuel substantiel de la vente de ce
produit. Eux-mêmes la consomment de plusieurs façons. La forme
généralisée de la consommation reste la patate bouillie; elle
peut être séchée pour être conservée dans des jarres garde­
mangers afin d'être consommées pendant la saison des pluies,
après les travaux des champs. Elle peut se consommer bouillie
ou crue car ramollie pendant cette période; aujourd'hui, la
patate frite devient une friandise.
- Le manioc; Le manioc est une culture d'emprunt.
La plante semble avoir pénétrer par le sud du pays mundan.
Les paysans affirment qu'ils le connaissent depuis une cen­
taine d'années. Ils lui reconnaissent son rôle "salvateur ll
en période de famine où chenilles et criquets destructeurs
saccageaient leurs récoltes etles obligeaient à consommer les
racines parfois des plantes sauvages. Travailler un champ
de manioc est moins fastidieux que tout autre champ. Le labour
fait, on bouture la tige; et suivant les variétés, on a les
racines déjà comestibles à partir du 6ème mois. La culture
de la plante est répandue sur l'ensemble de la région étudiée.

- 166 -
Dans certains villages et c'est le cas de Lao le manioc est
une plante pluriannuelle.
A pye Lao, la plante occupe les terres exondées
de nature argilo-sableuse, dépôts d'alluvions anciens à li­
tage grossier. Durant la saison humide, ces terres portent
une polyculture vivrière de maïs, simiri, arachide; toutes ces
plantes peuvent s'associer entre elles et au manioc.
Dans d'autres localités, le manioc devient une
culture annuelle; c'est le cas de Guégou, où le manioc se
cultive à contre saison. Les terres hydromorphes sont piochées
une fois libérées des eaux de crue du Mayo-Kebbi; les tiges
de manioc y sont bouturées.
On attendra six à sept mois pour récolter le pro­
duit avant les nouvelles crues du fleuve. Bouturée en Novembre­
Décembre, la plante doit être récoltée ou mieux/arrachée avant
fin juillet. Ici, le zimiri hatif semé en mai dans les sols au
manioc se récolte en Août moyennant une barque. Le manioc pro­
duit à Guégou de façon notable, fait l'objet d'un micro-commer­
ce qui trouve sa clientèle dans les marchés hebdomadaires des
villages environnants en particulier le marché de jeudi à
Léré.
Le manioc se consomme cru ou bouilli, il peut
être réduit en farine après de longues opérations pour être
consommé en boule de manioc.
- Le Taro bogolo : Ce tubercule vient de
faire son apparition dans l'agriculture mundan. Sa culture
reste encore très localisée et les superficies plantées sont
insignifiantes. Venue sans doute du pays kim des rives du
Logone, cette plante d'importation nigériane donne des tuber­
cules apprécié s; elle peut comme le manioc et la patate douce

- 167 -
jouer un rôle primordial en cas d'invasion accridienne.
Le taro donne de bons résultats sur les terres
limono-humifères des rives, des lacs et du Mayo-Kebbi, Guegou,
"capitale" du manioc par ses fertiles terres de pye semble
le terrain indiqué pour cette culture. Il est à remarquer
que le paysan mundan ne maitrise pas encore les méthodes cul­
turales du Taro. En pays kim, les terres à mettre en culture
connaissent une sorte d'écobuage avant que les semences ne
soient mises en terre.
Ici, le taro dans les villages qui ne sont encore
qu'à des phases d'essai est semé en juin, en poquet après
simple houage de terrain de préférence sur alluvions.
Or le kim fait des billons après les avoir fum{,s puisque
\'
le nettoyage des terrains donne lieu au brûlage des abattis.
La récolte du produit se fait en novembre-décembre. Peu entré
dans les habitudes alimentaires du paysan mundan, le taro se
consomme bouilli dont une partie entre dans le micro-commerce
villageois.
- Le tabac : Bien que la plante soit connue depuis
de longues dates, sa culture n'a guère enthousiasmé le mundan
et pourtant la société ne manque pas de fumeurs, chiqueurs et
priseurs. Dans certains villages les personnes âgées y font
des petites parcelles autour des cases. Cette plantation n'a
rien d'égal aux jardins de tabac massa ou moussey. Le tabac
est fréquemment utilisé dans les offrandes aux esprits des
ancêtres au cours des sacrifices. s'il arrive que le planteur
en dégage un surplus, il est troqué contre d'autres produits
de consommation courante ou parfois vendu en boule ou en mor­
ceaux.
- Le riz: le mundan n'est pas riziculteur bien
que la plante soit connue des populations. Quelques paysans
novateurs se livrent ce dernier temps à la culture de cette

- 168 -
plante, mais en appoint aux mils et sorghos;' la superficie
d'un champ de riz ne dépasse guère quelques dizaines d'ares.
Un plat à bas e deri z est consiséré carrme plat de
fête; on observe les familles christianisées consommer du riz
surtout pendant les fêtes de fin d'année. Autrefois négli­
gée, le riziculture gagne actuellement du terrain surtout
sur les terres de pye. Malheureusement les superficies rédui­
tes des champs limitent l'importance du riz récolté.
- Le Muskuari (berbéré) : Ce terme de muskuari
est un emprunt aux fulbé,. Il désigne le sorghum durra intro­
duit en pays mundan par ceux-là qui l'ont véhiculé dans une
grande partie du bassin du moyen-logone. A la différence des
autres mils étudiés plus haut, le muskuari est une culture
de contre saison, pratiquée soit sur des vertisols d'ailleurs
souvent localisés des versants (Torrock, Gouey-Goudoum, Gouin)
soit sur les terres lourdes de bas fond qui bordent le Mayo­
Kebbi (Guégou, Khabi, Zaguéré).
D'abord semé en pépinière fin Août début septem­
bre, il est repiqué en octobre pour les villages de "l' inter­
land" (Torrock, Gouey-Goudoum, Lagon, etc... ), sur un terrain
grossièrement préparé. Ici l'opération de repiquage prend l'al­
lure d'une véritable corvée pour les femmes et les enfants
actifs. Le mois d'octobre caractérisé ces dernières années par
le manque de pluies voit les sols s'endurcir. Et le manque
d'eau se faisant sentir dès cette période oblige les actifs
agricoles notamment ici les femmes et enfants en âge de travail­
ler de porter de l'eau au moyen des récipients eau qu'ils uti­
liseront pour mouiller les trous faits par l'homme afin d'y
planter des jeunes plants de muskuari , en raison de deux
par trous. Le paysan affirme que le trou mouillé facilite
la fixation de la plantule. il s'ingénie à
J
faire des trous à l'aide d'un gros bâton taillé par un bout;
parfois il y fixe une lame de fer, généralement des hachereaux

- 169 -
à douille qui lui permettent de fendiller sans grande diffi­
culté la terre en durcissement.
Dans les villages riverains où le problème d'eau
ne se pose pas, cette opération se simplifie et à l'aide de
son bâton l'homme perce rapidement les terres tendres de pye
en se faisant aussitôt suivre par les planteurs. C'est dans
ces secteurs qu'on trouve d'ailleurs les plus grands plan­
teurs de muskuari.
Le repiquage terminé, le travail d'entretien
ne nécessite pas de gros efforts; hors mis le gardiennage, car
le muskuari devient très vulnérable et constitue non seulement
la cible des oiseaux, mais aussi des animaux domestiques (le
petit bétail) laissés en divagation pendant cette période sèche
de l'année. Parfois les troupeaux de bovins de fulbe voisin
viennent saccager les plantations de muskuari bien que sous la
conduite de bergers; ce qui engendre souvent des palabres en­
tre agriculteurs et f'ole".leurs.
Morphologiquement, le muskuari ressemble au
gobana avec lequel il partage quelques caractéristiques.
Comme gëbana, les grains de muskuari sont tendres,
le panicule compacte, la glume de couleur safran; les grains
peuvent être blancs, jaunes ou rougeâtres. Le muskuari moyenne­
ment mûr, se consomme cru ou bouilli en épis comme gëbana. A
la différence de cette variété, les branches qui composent
l'épis du muskuari sont très serrées et abritent souvent
des chenilles. La tige du muskuari est basse et la pédoncule
recourbée en crosse, porteuse d'un épis plus volumineux et
arrondi au sommet que celui de gëbana. La récolte du muskuari
commence fin Février et s'étire sur le mois de Mars.
Dans cette agriculture traditionnelle, on ne peut

parler de rendement.
- 170 -
D'abord les superficies exploitées ne font pas
l'objet de mesures rigoureuses;la technique pour mesurer les
dimensions des champs demeure l'enjambée bien connue des
paysans. Jadis, les champs de vivriers variaient suivant la
taille de la famille et ne revêtaient aucune forme géométri­
que particulière. Ces champs étaient distribué anarchique­
ment à travers le paysage agricole. Les techniques de quan­
tification des produits demeurent jusque là sans précision.
Ainsi le paysan mesurait la quantité de mil récolté au nom­
bre de paniers chargés d'épis pouvant peser trente à qua­
rante kilogrammes.
Les arachides coques étaient quantifiées au moyen
de tchole; un genre panier tressé en paille de forme cylindri­
que. C'est par ces mesures que la famille savait si l'année
agricole était bonne ou mauvaise.
Le tassa récipient métallique introduit par
le Fulbe comme équivalent du kilogramme est utilisé dans les
échanges sur les marchés locaux. Avant le tassa le mundan
utilisait la calebasse obtenue à partir du potiron mûr comme
instrument de mesure dans le troc qu'il pratiquait.
On a dû le constater, l'agriculture traditionnelle
chez les mundan est dominée par la production des mils.
Les différentes variétés que nous avons décri­
tes sont cultivées pour répondre prioritairement aux besoins
alimentaires du paysan.
Pour tout paysan mundan, le mil est avant tout

- 171 -
un aliment sacré, parce qu'il nourrit l'homme et le maintient
en vie; de ce fait, il lui accorde une valeur quasi religieu­
se.
Ainsi certaines variétés de mils servent de totem
à des clans. Par exemple le zimiri (mil rouge hâtif) sert
de totem au clan des Têré . Le mil blanc tardif joue le même
role pour le clan des dwe, etc... Pour le paysan mundan, sans
mil, il n'y a pas de vie possible.

Les ovins et caprins
- 174 -
L'élevage des chèvres et moutons se fait sans
technique particulière. Pendant la saison sèche, les bêtes
sont laissées dans la nature à la recherche de leur nourritu­
re. Ici, l'engraissement des boucs et béliers est pratiqué;
dans ce cas, l'animal reçoit en plus de ce qu'il trouve dans
la végétation herbacée, les fanes des plantes cultivées (ara­
chide, haricot, mil) on lui donne des grains, de graines de
coton ou du tourteaux d'arachide. Ces bêtes engraissées sont
en principe destinées à usage dans la dot. Généralement, elles
sont offertes en cadeau à la belle-mère.
Aujourd'hui avec la monétarisation, les femmes
pratiquent l'engraissement des boucs qu'elles vendront à un
prix élevé sur les marchés locaux (10 à 15 000 FCFA).
En saison des pluies, les bêtes sont garàées soit
sous la conduite des berger-s, et elles divaguent dans le pre­
mier type de paturage non loin des villages, car la grande
brousse présente un danger par la présence des félins; soit
mises en piquet (paysans sans enfants) pour éviter les dé­
gâts qu'elles peuvent causer dans les champs.
Comme pour la volaille, les chèvres et moutons,
sensibles aux intempéries sont rentrées à la tombées de la
nuit dans leur case. Il va sans dire que les chèvres et mou­
tons entrent dans le capital-bétail du paysan pour être uti­
lisé compensatoirement en échange d'une femme.
Bien qu'il fasse maintenant l'objet d'une cer­
taine commercialisation, le petit bétail nia jamais été rocensé
systématiquement.
Tous les animaux du petit bétail n'entrent
pas dans l'alimentation ordinaire de beaucoup de familles
paysannes. certaines supertitions interdisent la consomma-

la faible densité de population.
- 176 -
Comme dans l'agriculture, l'homme préside aux
travaux d'entretien du bétail, c'est lui qui organise la
production suivant la nécessité ou le besoin en numéraire.
Cependant dans un troupeau familial, chaque membre de la
famille peut avoir une ou plusieurs têtes qui lui reviennent
soit par héritage soit par donation; cette individualisation
qui crée la "propriété-bétail" n'est ni observée dans l'utili­
sation des bêtes, ni dans la consommation des produits d'éle­
vage.
Ainsi le lait est consommé en famille sans qu'on
tienne compte de l'appartenance des vaches qui l'ont donné;
le mariage d'un fils entraine toujours le transfert d'un trou­
peau familial d'un enclos vers un autre sans chercher à savoir
si toutes les bêtes appartiennent au père qui a le devoir de
marier son enfant. Nous voyons donc le double objectif de
l'élevage en pays mundan. C'est un appoint dans l'alimentation
(ovin-caprin, volaille) mais aussi un signe de richesse de
prestige en ce sens que le mundan thésaurise le capital bé­
tail dans l'intention de se doter plusieurs femmes desquelles
on espère beaucoup d'enfants pour mieux travailler ses champs.
C'est un signe d'aisance sociale.
Après les bovins, viennent
L'élevage équin et celui des ânes.
L'élevage du cheval
Le cheval est considéré dans le milieu comme un
animal de luxe; rares sont les paysans qui détiennent un cheval.
Par contre tous les chefs mundan possp-dent des chevaux. Ils
les confient généralement à leurs notables. Les bêtes sont
gardées en piquet dans des cases. Là on leur apporte eau et
nourriture. Le cheval est sorti au moins une fois par mois

- 177 -
pour être lavé au mayo. Pendant la saison des pluies, le no­
table chargé d'entretenir un cheval du gon peut l'emmener
au champi il le met au piquet pendant qu'il travaille. Le
cheval n'apparaît en public que les jours de fête/principa­
lement au fin-loo. Les notables-gardiens des chevaux du gon
sont conviés à chaque fête (trois fêtes dans l'année) par
le souverain pour recevoir de celui-ci quelques cadeaux,
parfois des calebassées de boule de mil en guise de récom­
pense. Les chevaux ici sont de petite taille.
L'âne : son utilité
Jadis animal de transport sur de longues distan­
ces, l'âne ne joue pas aujourd'hui son rôle d'autrefois. On
lui préfère la charette pour un chargement plus important.
Cependant, le marchand fulbé ambulant l'utilise volontiers
pour le transport de ses produits. C'est d'ailleurs au con­
tact de ce dernier que le mundan a appris l'utilisation de
cet animal.
Nous l'étudions parce que sa pratique a des
interférences dans la vie du paysan. Cohabitant sur un même
territoire ethnique, le fulbe et le mundan, qu'ils le veulent
ou non sont condamnés à vivre ensemble malgré les chauds con­
tacts qui les ont marqués. A la différence du mundan agro-pas-
,
toral, le fulbe, lui, est essentiellement éleveur. Il habite
le pays depuis le 19è siècle. Il y a créé un Etat tampon
le Lamidat de Binder, crée par suite des attaques annexionnis­
tes. Ils se sont installés à Binder. A partir de ce noyau,
des familles d'éleveurs se sont dispersés non seulement en
pays mundan mais sur l'ensemble du payo-kebbii car partout
on trouve des colonies fulbé ou Bororo dans cette région.
En pays mundan, certaines familles ont réussi
à constituer des ilots de peuplement d'autres par contre
effectuent des séjours plus ou moins prolongés avant de re-

- 178· -
monter sur Binder, leur principal centre. De façon générale,
une importante partie des troupeaux fulbé de Binder transhume
sous la conduite des bergers. Vont en transhumance, les bo­
vins et les ovins. L'effectif du cheptel transhumant est con­
sidérable d'après les renseignements recueillis au service
de l'élevage il atteint deux cent mille têtes.
l'année
Ce mouvement saisonnier a lieu deux fois dans
en saison sèche et en début de saison des pluies.
La transhumance de saison sèche:
Elle a pour cause principale la recherche de
l'eau et de paturages. Les paturages traditionnels de saison
sèche sont les rives du Mayo Kebbi et les pourtours des lacs
de Léré et de Tréné où poussent le plaspalidium geridatum /
le bourgou (tchuri) espèce herbacée hygrophile des zones inon­
dables très prlsese des animaux. C'est dailleurs pour ces pa­
turages que les fulbé et les mundan se sont" guérroyés' au siè­
cle dernier les uns (fulbé) voulaient les annexer, les au­
tres (mundan) en interdir l'accès, aujourd'hui ils sont arri­
vés à un compromis qui consite à faire payer aux premiers
des redevances aux seconds avant d'y faire paître leurs trou­
peaux. Ainsi tous les chefs de villag&mundan situés en bor­
dure du Mayo-Kebbi et des lacs collectent chaque année avec
le retrait des eaux, une espèce "d'impôt" sur l' herbe. Les
"sarki sanu" des cantons de Léré, de Guégou et de Lagon sont
chargés chacun en ce qui le concerne de la délimitation
des zones de pacage dans sa circonscription cantonale à tout
berger transhuman qui en fait la demande, moyennant un paie­
ment en nature ou en espèce et suivant la taille du troupeau.
Cette collecte donne souvent lieu à des recrudescences de bri­
gandage aujourd'hui combattues par l'administration.
La transhumance de saison sèche dure de décembre
à ]Uln. Pendant cette période, les bergers s'installent sur
les versants des collines surplombant la vallée du Mayo-Kebbi.

- 179 -
L'habitat du semi-nomade se limite aux hutes de branchages
sommairement construites, généralement près ou dans l'enclos
d'épineux où le bétail passe la nuit.
La transhumance de saison des pluies
Elle peut être considérée comme une fuite devant
l'inondation et les épizooties. Durant cette saison, la presque
totalité des troupeaux qui transhument pendant la saison sèche
remontent pour séjourner près du village initial, où résident
généralement les propriétaires. Il est à noter que le centre
de Binder constitue le noyau le plus important. Certains ber­
gers, au lieu de remonter jusqu'à ce point, préfèrent réduire
la distance en s'installant en demi-étrangers dans les zones
moins occupées par les champs du paysan, afin d'éviter la fa-
tigue de la descente des troupeaux dans les yaéré la saison
prochaine. C'est à ceux là que le mundan confie souvent ses
bêtes. Les bergers disposent librement du lait des vaches qui
leur sont confiées. Il en échange une partie contre le mil et
du poisson que leurs femmes obtiennent auprès des populations
sédentaires. Les bergers prélèvent une bête sur le croît du
troupeau atteignant 50 têtes, tous les cinq ou six mois.
Comme celui de son voisin mundan, l'élevage fulbé
est extensif sans technique à accroître le rendement de
son troupeau, moins encore à consacrer une part de ses acti­
vités à produire la nourriture du bétail. L'éleveur fulbé
utilise de temps à autre soit du sel soit du natron pour
l'abreuvage de son troupeau.
L'éleveur consomme le lait, le beurre que lui
fournissent ses vaches; une partie de ces produits est tro­
quée contre sel, gombo, mil, arachide, etc... dans les marchés
villageois. Ces mêmes dérivés de l'élevage constituent un
moyen de gagner de l'argent nécessaire aux petits achats.

- 180 -
,
Le fulbe, comme le mundan tue rarement ses
bêtes. s'il le fait, c'est en des occasions exceptionnelles
(naissance, décès, mariage, fête, etc... ). Le fulbé vend les
bêtes qu'il estime impropres à la reproduction. C'est cette
attitude qui a fait dire à LACROUTS : "qu'il est assez vain
de vouloir estimer la valeur en capital du cheptel africain.
Ce genre d'estimation est sujet à caution pour un élevage
africain et ne peut donner aucune indication valable sur la
rentabilité du troupeau".
Cependant, nous constatons que sous l'influence
de l'économie monétaire et précisement ici l'introduction
de la culture attelée en paysan mundan, le fulbe et le mundan
changent de comportement. Le cheptel bovin dont la vente ser­
vait autrefois à payer l'impôt et les compensations matrimo­
niales, à satisfaire des besoins essentiels et rituels et à
organiser des fêtes, et naguère considéré comme un signe ex­
térieur de richesse, un élément de capitalisation est devenu
une source de revenu monétaire.
Les indications dont dispose le service d'élevage
pour évaluer le nombre de bovins ne donne qu'une idée approxi­
mative du chiffre exacte. L'étendue des parcours des patura­
ges qui commandent la transhumance d'une part, et le refus
des propriétaires de déclarer le nombre réel des têtes des
troupeaux d'autre part, refus commandé par la peur de payer
plus d'impôt par bête déclarée ne favorisent pas le recense­
ment du cheptel et donnent alors place à des extrapolations
à partir de quelques éléments.
Ce sont donc les indications recueillies lors
des enquêtes auprès du service vétérinaire de Léré et Torrock
qui fournissent des données plus ou moins précises sur le nom­
bre des bêtes (cf tableau).
Mais l'élevage malgré son importance dans ce
secteur constitue un problème en lui même?

181 -
En plevage sédentaire mundan le problème le plus
crucial est posé dans les villages de l'arrière pays; c'est
le problème de l'eau. Dans ces villages, les habitants se
réunissent par quartier pour creuser des puits; mais malgré
cette initiative, le nombre des engins restent insignigiant,
tant le besoin en eau pour l'homme et l'animal est grand.
Dans l'élevage semi-nomade fulbe, la transhumance
et le volume trop important des troupeaux posent le problème
de survivance des zones de paturages lesquelles sont rendues
aléatoires par la sécheresse prolongée des dix dernières années
A ce point de vue, l'amélioration réside comme
le fait observer la FAO dans la recherche de l'adaptation des
fourrages artificiels par des plantes appropriées et dans l'é­
tablissement d'un équilibre entre l'élevage, l'agriculture
et le reboisement où la création des zones herbagères peuvent
servir de parcours nu bétail.
II - La pêche une scurce de revenu non négli­
steable
La pêche vient après les cultures et l'élevage
connus comme les principales activités du pays mundan. Elle
intéresse la population étudiée à plus d'un titre.
- Source de protéine, le poisson apporte un com­
plément sans égal dans l'alimentation du paysan.
- Avec la monétarisation de l'économie, la pêche
devient l'activité la plus payante, par conséquent une source
de revenu sans contredit pour ceux qui la pratiquent.
On observe deux formes principales de pêche
- la pêche sédentaire;
- la pêche "nomade".

- 182 -
Dans les deux cas, les engins de pêche sont de
type simples, cependant très variés et adaptés aux fluctua­
tions saisonnières des eaux.
Parmi les engins les plus employés figurent
- Les paniers : kéradang engin de pêche collec­
tive utilisé par les femmes pendant la période des basses eaux;
- La ligne : utilisée en pêche individuelle et
de façon permanente en pirogue sur les lacs et en période
des crues sur le Mayo-Kebbi.
- Les nasses Hëre;
Les engins ferrés (harpon) "kpein : il est
utilisé comme sonde dans les pêches collectives dans les eaux
en débordement du lit du fleuve;
ve en période de décrue;
- Les sennes à bâtonnets pour la pêche collecti­
- L'épervier: birki qu'utilise le pêcheur indi­
viduel dans les eaux libres des bras des lacs.
- Les grandes sennes à flotteurs "madjin-li"
mouillées en pirogue et halées de la berge.
Elle peut être collective ou individuelle
1) La pêche collective : La forme la plus
caractéristique de ce genre de pêche est celle pra-
tiquée au madjin-li. Cet engin dépasse parfois les cinq cents
mètres en longueur. Pêcher aux grandes sennes à flotteurs
est une activité qui relève des habitants des villages lacus­
tres tels Fuli, Léré, Doué, Dissing, Mourbamé, Tikéré, Lao,

- 183 -
Tréné, etc... où résident souvent les détenteurs de cet
engin.
Cette pêche au madjin-li se pratique générale­
ment de nuit. Le propriétaire du madjin-li utilise une main
d'oeuvre volontaire payée à la tâche et en nature. Il faut
compter une vingtaine d'individus pour bien manoeuvrer le
madnin-li.
Ici, la prise de poissons varie de quelques
dizaines de kilogrammes à environ l tonne par jour et suivant
les saisons. La pêche constitue pour les détenteurs de ces
grands filets la principale source de revenu; et ce revenu
est de loin le plus important pour l'ensemble du pays mundan
hormis certains revenus cotonniers.
En effet, c'est à l'instar de la colonnie haoussa
installée au bord du lac de Léré à Fuli que certains mundan
se sont livrés activement à la pêche. Ils ont pris conscien­
ce de l'avance que les quelques trois cents haoussa d'origine
nigériane ont pris sur eux en inondant des fruits de leur
pêche les marchés de Pala, de Léré et du Nord-Cameroun. Ils
se sont d'abord mis à leur école; ces paysans-pêcherus peuvent
s'estimer solidement implantés.
Pour tous les villages lacustres, nous avons
dénombré 26 grandes sennes. Les propriétaires appartiennent
à différentes couches sociales : paysans-pêcheurs, fonction­
naires, administrateurs, hommes politiques, etc... Ces
derniers confient l'exploitation de leur filet à un parent,
un ami, résidant dans un des villages riverains des lacs.
Le but de la pêche aux grandes sennes n'est
pas le complément alimentaire indispensable, mais il revêt
ici une forme mercantile. Une autre forme de pêche collec-
1

- 184 -
tive et sédentaire est pratiquée en saison sèche. Elle groupe
les populations de plusieurs localités qui vont exploiter les
poches d'eau plus ou moins profondes où séjournent des bandes
de poissons de petite et moyenne taille au plus fort de la
période d'étiage (Avril) i cette pêche a généralement lieu
les après-midi y prennent partles hommes, les femmes
et les enfants. Les instruments utilisés se limitent aux
mundjeré (haveneaux), aux sennes à poches (kbacké) où à bâ­
tonnet (djinni) et aux paniers kradan).
2) La pêche individuelle : Les formes de pêches
individuelles sont nombreuses :
- La pêche au birki (l'épervier) : Elle se
pratique sur le cours du Mayo-Kebbi et s'accomode aux eaux
peu profondes. Elle est active en période de décrue. Elle peut
être pratiquée en pirogue ou à pied. Les poissons pêchés
sont ceux de petite taille.
L'appelation birki serait haoussa auprès desquels
cette technique de pêche a dû être empruntée.
les berges "malouamé".
- La pêche aux filets fixes que l'on hale sur
- La pêche au "maring-maring" ces grandes lignes
munies d'innombrables hameçons appatés . Halées la veille,
ces lignes sont vérifiées le lendemain matin avant d'aller
aux champs.
Avec la crue de juillet-Août et la décrue de
Novembre, le paysan-pêcheur procède à une prospection dans
les eaux qui débordent ou qui se retirent au moyen de son
"kpein" le harpon.
c'est également la période où il pose divers types

- 185 -
de piéges "hare" pour la capture des poissons qui abondent
en ce moment.
Que pêche t-on?
"Le bassin tchadien est un des plus poissonneux
du monde" nous dit P. HUGON qui divise ce bassin en quatre
régions de pêche dont la zone du lac de Léré (cf carte des
zones de pêche).
En pêche collective ou individuelle, les espèces prises
se recensent parmi :
Syin-goo : Hychocyon forskaliii
Tegnore : gyrnnarchus niloticus
Syin ra alestes barernozei
Swaalé : Clarias lazerai
- -_ ..
Syin-giri : hyperopisus bebe
Nimi : malapterus elctricusi
Matchui : Hetertis niloticus
Chack-chin : lates niloticus
Zwoo : distochodus rostratus
Ma zah kpu : mormyrus rume:
Ndoké : Labeo senegalensisi
Gerne : Citharinus citharus p
Dewoo : brachysynodoutis batensoloi
Dewoo mpur fay : Hernisynodoutis membranacens
Dwoo-zah tekuri : Auchenoglanis biscutatus
Dehyame : Schilbe uranoscopus
Chakké Tilapia galilaea ;
Tekpukpuru : Teraodon fahakai
ahré : Polypterus bichir,
Murviri : Prototerus annectes
Ce dernier poisson est une espèce à double
respiration, qui peut respirer à la fois avec des branchies

- 186 -
et avec des poumons. Quand il y a de l'eau, il respire avec
des branchies, tout comme les autres poissons; mais survient
la saison sèche, il s'enfouit dans la vase et respire alors
avec les poumons.
Nous l'appelons ainsi parce qu'elle occasionne
en période de décrue (février à juin) une véritable transhu­
mance aquatique. Elle touche deux types de populations :
- les habitants des villages de l'interland qui
abandonnent leur famille pour plusieurs semaines, voire plu­
sieurs mois et viennent s'installer par petits groupes dans le
secteur de pye notamment vers Brimi pour la capture des pois­
sons dans les mares résiduelles laissées lors des décrues.
Les pêcheurs se retrouvent en ce moment là groupés sur un espa­
ce restreint loin de leurs villages dans les campements sommai­
rement construite appelée "djoli". Cette forme de pêche n'est
pas un fait spécifique au mundan; voici ce que G. SAUTER rap­
porte à propos des FANG "De tout temps les FANG onteu l'ha­
bitude de passer chaque saison sèche des semaines entières à
pêcher et à se gaver de poisson, loin de leurs villages, au
bord des rivières....
A présent, le mouvement est général. Les villa­
ges d' amont se vident presque en entier, restant à la garde
de quelques vieux, le gros de la troupe s'ébranle au début
de juin ou même à la fin de Mai, plutôt qu'il est nécessaire,
de peur de trouver occupées les plac es accoutumées" .
Plus proche de nous, dans la région située au­
tour de N. Djaména, comprenant le baschari, entre Douguia
et N'Djaména, le confluent Chari-Logone, le Bas-Logone en
aval de Logone-Gana; les Massa et les Kim deviennent pendant
la période d'étiage, des migrants aquatiques.

- 190 -
les mêmes conditions que les premières offrandes. Dans un
village mundan, on peut trouver autant de pah-bi qu'il y a
des mares ou poches d'eau ayant occasionné une telle "appro­
priation".
III - Une activité récréative la chasse
Il semble que le mundan fut chasseur à l'origine,
avant de se convertir au métier de la terre. Cependant avec
l'évolution de la société, cette activité prend l'allure d'une
distraction. Elle apporte un appoint appréciable dans l'ali­
mentation.
Plusieurs formes de chasses sont observées en
pays mundan parmi celles-ci, nous en retenons deux principa­
les.
- La chasse à l'affut, souvent individuelle;
- La chasse collective ou battue.
La chasse individuelle à l'affut kaa-no
Il consiste pour le "gao" (chasseur) d'aller
se camoufler à un passage ou un point d'eau fréquenté par
le gibier. Il utilise comme arme de chasse, des flèches em­
poisonnées pour percer sa victime. Gao profite généralement
d'un moment d'inattention de l'animal pour réaliser son coup.
Une fois l'animal abattu, si c'est un gros gibier, le chas­
seur souffle dans son cor; c'est un appel, message que seuls
savent interpréter ses pairs.• qui ne tardent pas à le rejoin­
dre pour dépecer l'animal et transporter les quartiers de viande
au village. Si le gibier est petit, le gao s'en occupe tout
seul.
La chasse collective
Elle s'organise de deux façons
- La première se pratique en toute saison.
Les chasseurs amateurs se rassemblent au son du cor à l'écart

- 192 -
part à cette partie de chasse; ils sont munis chacun d'un
bâton; les hommes, eux s'arment de leurs sagaies et cou­
teaux. Le filet d'une longueur atteignant parfois quatre
vingts mètres sur une largeur d'environ deux mètres est tendu,
formant un demi-cercle à quelques dizaines de mètres de l'en­
droit où repose l'animal; des hommes armés se cramponnent der­
rière le filet. Les enfants intercalés d'adultes occupent
l'autre demi cercle; au signal, ceux-ci se mettent à crier
en battant le sol humide de leur bâton, afin d'empêcher l'ani­
mal de sortir de leur côté. Le dispositif mis en place deux
hommes entrent dans le cercle pour perturber le repos de l'ani­
mal qui, se réveille en sursaut, effrayé par les cris des en­
fants, il se dirige sans hésitation vers le côté sans bruit,
donc droit au filet,à la satisfaction des gaillardscamouflés
tout prêt; ils le laissent y entrer, et avec une grande rapi­
dité lui percent le corps de leur sagaie. Cette chasse souvent
fructueuse, tend à disparaître.
Une troisième forme de battue a été décrite plus
haut, il s'agit du "fing-loo" qui revêt plutôt un caractère
rituel qu'une chasse ordinaire.
Dans les domaines de la pêche et de la chasse,
les pratiquants sont aujourd'hui confrontés aux dures réalités
qui résident dans le fait que leur secteur d'activité soit
compris dans la réserve de faune de Binder-Léré, créeeil y a
dix ans. si la chasse devient aujourd'hui une activité clandes­
tine, la pêche, elle tend vers une réglementation, il en va
de même pour la coupe du bois.
IV - La cueillette : une tâche dévolue aux
femmes et aux enfants
Elle se pratique toute l'année et demeure l'acti­
vité principale des enfants. Certaines femmes se donnent acti­
vement à la cueillette.

- 194 -
de goût sucré. Les femmes cueillent le doum (1) sec et récupèrent
parfois les noyaux abandonnés par les enfants qu'elles feront
consumer et de la cendre obtenue on extrait du sel végétal à
usage culinaire.
Pendant la saison des pluies, les fruits fréquem­
ment cueillis se limitent au fruit du vitex canuela "kog.n.r..g"
qui, une fois mûrs prennent la couleur noire. Son jus permet
également l'obtention d'une bouillie dont raffolent les en­
fants.
- aux khoré,fruit du butyrospernum parkii. On le
cueille aussi bien pour être consommé en tant que fruit que
pour le beurre que l'on obtient à partir de son amande.
- Vooré : Le fruit du ximenia africana, de goût
acide, on le consomme comme fruit; mais on peut recueillir son
jus après cuisson pour la préparation de la bouillie.
Vooré constitue le fruit préféré des futures mamans.
L'analyse des différentes activités relevant
de l'économie dite traditionnelle nous permet de constater
que le paysan mundan puise ses aliments dans les produits
locaux. Au premier plan figurent les mils et sorghos dont
il est lui même producteur. Il consomme ces céréales sous forme
de boule qu'accompagnent les légumes frais ou secs de ses champs
A cette forme de consommer végétarien, s'ajoutent des produits
de pêche et de chasse. Enfin, nous l'avons souligné plus
haut, les retrouvailles entre parents, amis, les cérémonies
aux esprits des ancêtres, certaines circonstances solennelles
(fêtes, mariage, baptême, etc... ) constituent autant d'occa-
sions pour lui de consommer une petite partie des produits
de son élevage caprin, ovin et avicole. Pour la ménagère, la
pâte d'arachide, les graines de haricot, le gombo constituent
des condiments indispensables. Ce repas à base de mil du
paysan est toujours pris en famille élargie.
(1) Terminologie arabe pour le fruit l'hyphaene thebaica.

- 195 -
Quant à la boisson, la consommation reste
publique. La plus répandue demeure la fameuse bière de mil
bilibill obtenue après trois journées consécutives de travail
de fermentation. C'est une oeuvre essentiellement féminine;
la source principale de revenu de la femme dans ce milieu ,
reste la bière de mil.
L'arguéi,cet alcool, véritable fléau des bidons
villes africaines a fait son apparition dans les campagnes.
Il est présent en pays mundan.
En dépit de l'interdiction pronée par les pouvoirs
publics, cette "nouvelle" boisson fait l'objet d'une distilla­
tion clandestine et ses victimes sont déjà nombreuses.
En dehors des boissons alcoolisées, le paysan
consomme d'autres stimulanm tel que le tabac qu'il plante
sur de petites surfaces près des cases. A la différence du
Massa, le paysan mundan n'est pas un grand fumeur; mais
chique et prise avec bonheur. L'effet de monétarisation
l'a entraîné dans la consommation des produits qui ne proviennent
pas de lui. C'est ainsi qu'au contact du fulbe: il devient
consommateur de la noix de cola que lui vend ce dernier. Le
thé, dont les familles paysannes christianisées font
une consommation outre mesure est aujourd'hui entré dans l'ali­
mentation.
v - Artisanat et échanges dans le cadre de la
traditionnelle
Artisanat : Le mundan est avant tout un agricul­
teur. Les activités artisanales qu'il pratique viennent uti­
lement compléter celles de son économie basée sur le travail
de la terre. Cependant, les techniques artisanales sont variées.
Les principales concernent : la terre cuite, le travail du
bois, la filature, le tissage, le travail de la peau, la
forge et le travail du fer, la teinture.

de la femme.
- 196 -
1) La poterie une activité qui relève du domaine
Il n'est pas donné à toutes les femmes d'être
potière. C'est un métier qui s'apprend.
Demandent service à Mavutchiri (potière) les
femmes désireuses d'obtenir des objets (poteries) utilitai­
res. Elles apportent à la potière, la matière première, ici
l'argile qu'elles vont chercher dans des carrières parfois
éloignées du village. Sur deux voyages d'argile, un;revient
de droit à la potière, sur quatre voyages elle en garde deux;
ceci en compensation au service qu'elle va rendre. Générale­
ment la potière ne travaille que sur demande.
Son travail commence par le ramollissement d'argile
qu'elle fait mouiller dans une grande jarre. Elle retire quo­
tidiennement une quantité modeste pour son ouvrage. Cette
argile est mélangée à une poudre obtenue à partir d'anciennes
poteries et malaxée jusqu'à l'obtention d'une pâte compacte; puis
elle entame le modelage.
Au début, tout semble anodin; le morceau d'argile
dans le creux de la main gauche, elle lui donne la forme d'un
jouet d'enfants. Puis, elle fait usage de son matériel. Le
fond d'une vieille poterie sert de moule au nouveau modèle
choisi. La potière utilise une petite pierre (terouagn) comme
palette; un morceau de calebasse (potiron) bien taillé ou un
épis de maïs égrainé est utilisé pour le lissage.
La potière s'ingénie à fabriquer des ojets
d'utilisation courante tels que :
Tchiri, terme qui désigne à la fois marmite
et jarre. Le préfixe tchi, suivi d' unn0m FI"écise Vusage qu'on
fait de chaque poterie. Ainsi la potière fabrique des :

- 198 -
Après cette opération, la poterie est prête à être utilisée.
2) Le travail du bois
Bien que le bois constitue la principale forme
de combustible du paysan, celui-ci l'utilise également
comme matériaux de charpente. Le bois sert aussi à la fabri­
cation d'une gamme d'objets d'utilisation courante.
obtenir :
Le sculpteur, p:l-zeb kfU façonne le bois pour
"Daye" : la pirogue et ses accessoires. Pour fabriquer une
pirogue, il abat, aidé par un ami ou un parent un arbre de
son choix parmi les espèces à grand développement ligneux
dontil sait la valeur (kaya senegalensis, acacia albida) entre
autres. Les branches enlevées, le sculpteur prend les dimen­
sions puis se met au travail.
Celui-ci peut durer plusieurs jours. Les dimensions varient
de 3 à 6 mètres de longueur sur 80 à 120 cm de largeur, et
de 40 à 60 cm de hauteur. Comme accessoires à la pirogue,
on utilise "kpu-daye" perche de 4 à 5 mètres de long utilisée
dans les eaux à courant très fort; -tefuni", la pagaie trouve
son usage dans les eaux moins mouvementées.
- "yung-ni" les tambours
des différents types de tambours :
Pour la fabrication
- bulum tambour de danse de jeunes filles;
- yung-gu " "guerrière;
- yung-kane " " initiatique;
- Dame, grand tambour d'alerte.
Le sculpteur ajoute aux espèces citées dans
la fabrication des pirogues d'autres variétés ligneuses telles
que "d joke" le fromager, "wuri" le ficus gnaphalocarpa.
Les manches d'outils de travail: houe, hache,
faucille, couteau, etc ... se taillent dans les branches de

- 199 -
ces mêmes arbres ou dans celles du ziziphus mauritiaca
du balanites aegyptiacai de même que le mortier et le pilon,
les différents types dlescabeaux, les cuvettes et cuillères
en bois.
"Kir-kpein" et kir-zo" manche de harpon et de la sagaie sont
choisies dans jeunes perches du ziziphus, du grewia molis
(tchene) ou de mitrigyna inermis (gan-ne).
3) La vanœrie
disparition
une activité en voie de
La vannerie relève des activités dl homme.
1
"Pa-kanfane", désigne en pays mundan celui qui tresse et
tisse.
Il utilise pour ces travaux une multitude de
matériaux. Ainsi, un bon nombre de fibres d'arbres ou arbus­
tes sauvages ou plantes entrent dans la fabrication des objets.
Certaines espèces d'herbes servent de matériaux
à partir desquels on obtient des nattes sur lesquelles l'on
se couche. Les plus fréquemment utilisés de ces graminées
sont "chene" et "kezirell , espèces coupantes mais résistantes
et lisses. Kezire sert aussi à la fabrication des gibecières
de pêche Il wang Il i on l'utilise également pour confectionner
l'étui pénien, ce vêtement qui servait jadis de bouclier contre
les épines et les herbes coupantes et un écran de pudeur contre
les regards féminins. Avec schene, on confectionne IItchole"
qu'on double du panier pour le transport de grains. "Tetchumi"
une autre espèce d'herbe aquatique comme les deux premières
mais plus rigides est utilisée dans la fabrication d'un autre
type de panier moins esthétique que tchole. "Keradang ll que
les femmes utilisent pour le transport de haricot, d'arachide
en coques, épis de mil mais cet outil de travail sert aussi
à pêcher.

- 201 -
permet d'obtenir dans un premier temps des minces bandes
d'étoffes/le gaback que le tisserand rassemble au moyen d'une
aiguille pour en faire un habit. Jadis, les femmes utilisaient
ces bandes teintes à l'indigo comme cache-sexe.
5) La teinture
Elle complète le travail du tisserand;masseley
l'indigo est utilisé à cet effet. Kpu masseley l'indigotier
se plante sur de petites surfaces près des cases en période
de culture. Les feuilles sont coupées, pilées et transformées
en boules d'une dizaine de centimètres de diamètre qu'on fait
sécher au soleil avant de les utiliser. Ces boules d'indigo
peuvent se conserver pendant un assez long temps. Le travail
du teinturier consiste à creuser des puits de trois à quatre
mètres de profondeur, qu'il crépira avec un "ciment" obtenu
d'un mélange de cendre de guere(anogeissus leocarpus)du jus
de fibres de tchene (grewia-molis) et des poilsde chèvres.
""'
Ces puits sont remplis d'eau aux trois quarts; le teinturier
y met du sel végétal après y avoir glissé les boules d'indigo
Le tout est remué au moyen d'une perche jusqu'à l'obtention
de la couleur recherchée. On y plonge le tissu qui sera retiré
au bout de quelques heures pour être lavé? l'eau et replongé
une deuxième fois dans du masseley jusqu'à ce que l'on ob­
tienne satisfaction de la teinte.
6) La tannerie
Du fait qu'il tue rarement ses bêtes, le mundan
n'est pas très versé dans le travail de la peau. Toutefois
des cordonniers-amateurs existent dans la société et se livrent
à ce genre d'activité. Le travail de la peau se limite ici
à la peau de chèvres et moutons. Celle-ci est enfouie dans la
vase des mares pour être ramollie; parfois cette opération

- 202 -
est effectuée au moyen de la cendre du foyer qu'on mouille
dans une jarre dans laquelle est plongée la peau; elle y sé­
journera trois à quatre jours. Ensuite, on la retire et les
poils s'enlèvent sans difficulté. Puis la peau séchant est
battue au maillet jusqu'à ce qu'elle devienne souple pour
être trempée dans une solution obtenue en faisant bouillir
soit les fibres de l'acacia nilotica vnocko soit les tiges
d'une variété de sorghum caudatum dit mil teinturier spécia­
lement planté à cet effet. Cette solution donne sa couleur
pourpre à la peau qui est à nouveau soigneusement battue
au maillet avant d'être utilisée. l'-.utrefois, l.a ):eau lainsi tra­
vaillée, servait de costume d'homme. Avec l'avénement du co­
ton, on l'utilise aujourd'hui pour fabriquer des étuis à cou­
teaux, à sagaies, au carquois, etc.
La peau tannée sert également à la confection
des amulettes, des sacs à usage divers tels que "dah-mbole"
dont se sert le chasseur pour mettre ses provisions, "dah-bi,
l'outre, etc...
7/ La forge et le travail du fer
Le fer est connu du milieu depuis de longues
/
dates. Patchoke le forgeron, travaillait sur le minerais
de fer venu de Lamé. Ce fer était mélangé au charbon de bois
et soumis à l'action de la chaleur que fournit l'apprenti
forgeron à l'aide des soufflets. De cette opération le for­
geron recueille des boules d'éponge: le métal; la matière
sera travaillée pour obtenir des objets d'utilisation cou­
rante que nécessite le paysan tels que :
Kpagn : la houe
kelabé : la hache
Zë : la lance
Kpein le harpon
Kafae la sagaie
guu : la flèche
gwëre : la faucille

- 204 -
et bornouane . Les échanges précedemment décrits se sont
poursuivis en nature mais cette fois, les produits locaux
sont échangés contre ceux venant de loin tels le sel, les
perles, etc...
Dans ce marché de style nouveau, le prisonnier
de guerre (esclavejservait également de produit d'échange.
Un garçon d'environ dix ans était échangé contre
cinq boeufs; une jeune fille nubile contre six.
Avec la pénétration européenne suivie de la moné­
tarisation de l'économie, le marché est devenu un événement
de la semaine pour lequel on se prépare à l'avance pour s'y
rendre. Nous l'étudierons plus en détail dans les chapitres
qui suvient puisque nous parlerons de la commercialisation
des produits de l'agriculture.

- 205 -
Il nous a paru utile de présenter dans les
première et deuxième parties de ce travail, le mundan dans
son aire géographique d'occupation, son organisation sociale}
ses coutumes et ses traditions agricoles afin de permettre
de mieux comprendre ses difficultés quotidiennes, mais aussi
ses capacités d'adaptation tant au milieu naturel qui l'en­
vironne qu'aux techniques nouvelles conçues comme facteurs
du progrès social.

- 207 -
fixant les obligations de la cotonfran figuraient les dispo­
sitions fondamentales suivantes :
territoire du Tchad.
- Privilège de l'achat aux planteurs sur le
- obligation de l'achat
- prix minimum
- obligation de l'usinage, de l'emballage
et de l'expédition.
- Mise à la disposition des planteurs,
des graines nécessaires aux semis.
La cotonfran s'est organisée en quatre secteurs
de production correspondant aux cinq préfectures méridionales
où la culture cotonnière a été initialement juxtaposée d'auto­
rité aux systèmes traditionnels de culture. Le quatrième sec­
teur, constitué des parties méridionales des préfectures du
Chari-Baguirrni, du Guéra, du Ouaddaï et la préfecture du Salamat
a été créé en 1954.
Le personnel d'encadrement de la cotonfran était
entièrement européen et faisait tourner une vingtaine d'usines
d'égrenage réparties dans la zone cotonnière du pays (cf.
carte n° ).
En Avril 1971, à l'issue des négociations qui ont
lieu à l'ambassade du Tchad à Paris entre les représentants
de la République du Tchad, de la Cotonfran, de la Caisse cen­
trale de coopération (CCCE), de la compagnie française pour
le développement des fibres et textiles (CFDT) et des banques
installées au Tchad, il a été décidé de la création d'une
société d'économie mixte et de droit privé tchadien dénommée
société cotonnière du Tchad (Coton-Tchad).
Le capital initial de la société était fixé à

- 208 -
600 millions de francs CFA, répartis comme suit : République
du Tchad 45%; cotonfran 30%; CFDT 17%; banques installés
au Tchad 6%, CCCE : 2%. Le support technique de la société
était assuré à ses débuts et pendant une période de cinq
renouvelable par la C.F.D.T. La cotontchad prend en charge
l'achat, l'égrenage et la commercialisation du coton et de
ses produitsjen assumant cette responsabilité, elle a ainsi
mis fin a quarante années d'activité de la cotonfran au Tchad.
Sous la cotonfran, le coton tchadien était exclu­
sivement destiné à l'exportation. Aujourd'hui la société
cotonnière du Tchad vend une petite partie (un millier de ton­
nes) à la société textile du tchad (S.T.T.)jdonc une partie
du coton tchadien est consommé sur place. Cependant le coton
qui demeure la principale source de devise est soumis aux
fluctuations des cours mondiaux, situation aggravée ici par
le fait que cette plante est une monoculture; ce qui place
le pays dans une position de non compétitivité dans d'autres
produits, rendant par conséquent vulnérable le pouvoir d'achat
d'achat du paysan.
La production cotonnière du Tchad varie d'une
année à l'autre. Ceci s'explique par le fait que/contrairement
aux autres producteurs africains (Egypte et Soudan) qui ob­
tiennent leur coton en culture irriguée, la culture cotonnière
au Tchad est soumise aux aléas climatiques, notamment les
pulsations annuelles du FIT. Ce qui n'empêche pas, le pays
d'accroître bon an, mal an, sa production pour être classé
parmi les dix premiers producteurs du continent pour cette
matière. Par exemple, en 1969 le Tchad a occupé le 7 ème
rang africain pour la production cotonnière après l'Egypte,
le Soudan, l'Ouganda, la Tanzanie, le trozambique et le
Nigéria (1) .
(1) Michel GUELINA 3 Montpellier 1969.

- 210 -
de coton destinée à subvenir à ses besoins. Le cotonnier
cultivé était un arbuste assez haut (l,50 m); la fibre tirée
servait à la fabrication du gabak, bandelette à partir de
laquelle étaient confectionnés des cache-sexes et parfois
des boubous.
Les premiers essais de la culture cotonnière par
les autorités coloniales eurent lieu à Léré en 1921 (1). Ils
portèrent sur la variété fulbé (othelo-pété) en provenance
de Maroua, variété que le capitaine DELINGETTE de l'infan­
terie coloniale fit semer sur 500 ha de terres exondées des
bordures du mayo-kebbi. Les résultats furent concluants puis­
que le rendement atteignit 1000 kg/ha. Ce qui encouragea
l'administration coloniale à imposer six ans plus tard la
pratique de cette culture aux populations des autres régions
jugées favorables au croit du cotonnier.
Dans la région étudiée cette contrainte économi­
que a été perçue comme la volonté du pouvoir colonial de faire
payer en argent l'impôt qui, jusque là était payé en nature.
Quant au colonisateur, la pratique ne la culture cote
nière était un stimulant; c'est ainsi 0u'il l'exprime quand
il dit: "afin de payer ce qu'on lui c1FlT'ande,il (l'indigène) Entre
en contact avec le blanc, lui loue ses bras pour gagner un
salaire, ou lui vend ses produits et, peu à peu s'aperçoit
des multiples les avantages que peut lui procurer une acti­
vité plus soutenue Cet effort n'est pas destiné à cesser
quand l'indigène est en mesure de s'acquitter de sa dette.
il a de plus en plus de portée, car avec l' habitude du travail,
l'impôt donne au noir celle de posséder et de manier de l'ar­
gent; il lui procure les satisfactions qui résultent de ce
maniement et en laisse subsister l'impérieuse nécessité.
Ayant désormais des besoins , l'individu se
trouve soumis à la loi du travail. C'est pour lui un grand
(1) J. CABOT 1965.

- - -- -- - - ---- - ------,
- 211 -
pas accompli hors de sa barbarie native et pour l'européen
le colon, commerçant ou planteur l'acquisition indirecte
et précieuse de la main d'oeuvre" (1)
L'impOt que paie l'indigène est celui de
capitation imposée dans les colonies, malgré la proscription
à l'époque de toute taxe sur les hommes par les services fis­
caux français. On invoqua une série de raisons pour justifier
cette imposition : Impossibilité de recouvrer une taxe sur
les biens du fait du manque de propriété privée, absence
d'infrastructures administratives qui interdit tout recouvre­
ment compliqué etc... L'impôt par capitation était fixé en
numéraire mais les contraintes du milieu ont fait que les
perceptions de début se fassent aux trois auartsen nature
(produits du sol) et le reste en numéraire. Puis progressive-
ment il fut perçu dans sa totalité en argent grâce à l'impé­
ratif cotonnier. Les chefs traditionnels étaient chargés de
collecter ces impôts auprès de leurs sujets. Des remises pou­
vant atteindre 5% du montant perçu leur sont allouées par le
lieutenant gouverneur du Tchad, afin de les intéresser à leurs
nouvelles tâches. Ainsi le colonisateur pouvait se servir des
autorités traditionnelles devenues auxiliaires de l'adminis­
tration coloniale pour non seulement contrôler les populations
mais parfois leur imposer d'autres contraintes. Cette méthode
était appréciée par l'administration d'alors comme le confir­
me CUVILLIER FLEURY "La perception par l'intermédiaire des
chefs est la seule, rationnelle au début, ceux-ci ayant sur
leurs congénères plus d'autorité et de prestige que des admi­
nistrateurs inconnus quelquefois suspects" (2). En 1905 le mon­
tant de l'impôt était fixée à 5 Frs(3). En 1929 le coton était
acheté qu producteur au prix de l Fr le kilogramme. Ce
taux de l'impôt cette année là était fixé à 10 Frs; le pay­
san devait donc produire 10 kg de coton pour s'acquitter de
sa taxe.
(1) DEDJEBE Service-Pierre op. cit. p. 83.
(2) DEDJEBE Service Pierre 1976 p. 83.
(3) Il s'agit de l'ancien franc métropolitain.

- 212 -
En 1944 - 1945 le prix d'achat du coton était
porté à 2,25 Frs le kilogramme, tandis que l'impôt était
de 55 Frs, il était donc nécessaire pour le paysan de produi­
re 24 kg de coton pour payer l'impôt.
En 1960, le kilogramme de coton était payé à
26 F CFA; l'impôt était porté à 1000 F CFA et il fallait
que le paysan produise 38,5 kg de coton pour s'acquitter de
. _ (l)
son lmpot .
Comme on le voit en 30 ans (1930 à 1960) le prix payé aux pro­
ducteurs a été multiplié par 25 et .. l'impôt lui a été mul­
tiplié par 100 et constituait pour ainsi dire le moteur de la
culture cotonnière. Les indigènes hommes femmes résidant au
Tchad étaient soumis à l'impôt.
Etaient exemptés de l'impôt de capitation
- les enfants, les vieillards et les infirmes
- Les Français ou étrangers jouissant du Statut
civil méropolitain (ceux-ci étaient soumis à l'impôt sur les
revenus) , les membres de la légion d' honneur et les titulaires
de la médaille militaire;
_. les indigènes régulièrement commissionnés
au service de l'Etat ou de la colonie.
L'obligation de payer l'impôt a donc poussé
l'indigène à cultiver le coton dont la vente est susceptible
de lui procurer du numéraire.
Culture obligatoire, l'organisation de la pro­
duction cotonnière a nécessité la mise en place d'un système
coercitif. Les premières plantations furent réalisées sous des
coups de fouet. Un code de l'indigènat permettait aux auto-

- 213 -
rités administratives de jeter en prison tout individu qui
refuserait de cultiver le coton. L'arrêté du 12 juin 1945
prévoyait pour sa part que tout cultivateur était tenu d'en­
tretenir sa plantation de coton en bon état, faute de quoi,
,,il
était passible d'une amende de 50 à 500 frs et d'une peine
de prison allant de 6 jours à l mois.
L'efficacité du contrôle de l'administration
reposait sur les pouvoirs traditionnels donc l'organisation
de la production se faisait sous la surveillance directe des
chefs de villages.
Ceux-ci disposaient d'une délégation de pouvoir
et n'hésitaient pas à envoyer les paysans récalcitrants aux
administrateurs. Chaque paysan âgé de 15 à 50 ans voire plus
était tenu de cultiver au moins une corde (1) de coton.
Etaient exemptés de cette mesure les vieillards, les infir­
mieres et les mères de plus de cinq enfants.
L'encadrement technique était assuré par un
personnel composé d'ingénieurs, et conducteurs agricoles,
de moniteurs et "boys" coton dont le nombre rendait l'effec­
tif pléthorique.
Cultivé au départ pour permettre au paysan
de s'acquitter de sa taxe civique, que lui réclamait l'admi­
nistration coloniale, le coton était considéré jusqu'à une
date récente, comme la culture du l'commandant" .
Les différents travaux cotonniers
L'année cotonnière débute au mois de mars par
deux opérations : le choix du terrain et le piquetage.
(1) Carré de 71 m de côté servant d'unité de mesure dans la
culture du coton soit 1/2 ha.

1) Le choix du futur champs de coton
Il se fait selon deux critères :
- 214 -
- La fertilité naturelle du sol : le paysan recon­
nait qu'un sol est fertile par sa longue expérience du travail­
leur de la terre pour qui, les plantes adventices sont les
meilleures indicatrices du milieu. Parfois le terrain qu'il
choisit peut être enrichi par suite d'une longue jachère.
- Le deuxième critère de choix est la structure
du sol. Le paysan sait qu'un sol à coton doit être sablo­
argileux ou argilo-sableux à condition que ces deux roches
soient sans excès d'eau, chose néfaste au croit du cotonnier.
2) Le piquetage
Le piquetage est à l'origine un travail collectif
Il était autrefois dirigé par le Boy-coton entouré des chefs
de villages et de leurs administrés. Les premiers champs
étaient regroupés. Une fois le choix du terrain de culture
fait, on procédait à la délimitation des parcelles qui avait
lieu après un défichage également collectif.
Au moyen d'outils tels que la hache, le coupe­
coupe, les paysans abattent arbres et arbustes. Les abattis
sont rassemblés et laissés à sécher pour être mis en feu
-..:
et la cendre répandue. C'est la technique du brûlis, bien con-
nue en Afrique.
Au cours des premières campagnes cotonnières,
l'administration coloniale a introduit deux nouveaux instru­
ments de travail qui, selon les promoteurs devaient facili­
ter l' exécution des travaux aratoires. Il s'agit de la hache
et de la houe à oeilletonJinstruments beaucoup plus robus-
tes que ceux de fabrication locale. La hache coloniale "baa­
koya" permettait de venir rapidement à bout des espèces à
grand développement ligneux; de même la nouvelle houe. Ladday
permettrait de décapiter sans coup ferir les touffes d'andro-

citoyens, alors que ceux-ci se sont toujours
- 216 -
acquittés de leurs taxes civiquesà partir des revenus issus
de leurs propres plantations. Destiné à remplir les poches
du Député, le champ du parti a disparu avec l'assemblée natio­
nale dissoute lors du coup d'Etat militaire du 13-04-1975.
Telle était la dynamique cotonnierechez les mundan il y a
dix ans.
3) Le houage
Avant l'introduction de la culture attelée,
l'opération était bien fastidieuse .Elle avait lieu après les
premières pluies et consistait en un grattage superficiel
du terrain nouvellement défriché à l'aide de la houe, princi­
pal instrument aratoire alors connu des paysans.
Deux types de houes étaient utilisée
- la houe traditionnelle à douille; large lame
et fixée sur un manche coudé adaptée aux sols sablo-argileuses.
- La houe également de fabrication locale à une
extrimité terminée en pointe enfoncée dans un morceau de bois
servant de manche d'environ 80 cm de long est utilisée sur
des terres lourdes.
- A ces deux houes traditionnelles vient s'ajou­
ter Ladday de la période coloniale aujourd'hui en disparition.
Le houage exécuté de façon traditionnelle prenait facilement
10 jours de travail par personne adulte pour une corde.
Aujourd'hui, la paire de boeufs a relevé l'homme
et la charrue a remplacé la houe dans l'exécution de ces tra­
vaux sur la presque totalité de la région.

4) Les semis
- 217 -
Les semis commencent dès que le sol est assez
mouillé. Le respect de la date de semis est important pour
le résultat de la campagne cotonnière. Les semis précoces
présagent généralement de bonnes récoltes. Pendant la pério­
de coloniale, afin de s'assurer du respect de la date de se­
mis, l'administration d'alors avait institué le versement
des primes dites primes d'ensemencement. Elles étaient allouées
à tous ceux des paysans qui finissaient avant la mi-juillet
d'effectuer leurs semis. C'était un stimulant pour les paysans
qui les recevaient. Pendant cette époque les semis cotonniers
étaient concentrés entre le 15 juin et le 15 juillet. Aujour­
d'hui ils s'effectuent entre le 25 Mai et le 15 Juin. Après
cette dernière date les techniciens de l'agriculture affir­
ment que la durée de floraison s'en trouve raccourcie de moi­
tié et par conséquent la production réduite. L'opération se­
mis à proprement parler consiste :
- au piquetage des lignes sur côtés opposés du
champ. Ces lignes sont espacées de 65 à 80 cm suivant la
qualité du soljune corde est tendue sur la ligne; des poquets
à intervalles réguliers d'environ 25 cm y étaient aménagés
autrefois au moyen de la houe; on y déposait de 4 à 6 grai­
nes de coton que l'on recouvrait de terre. De nos jours
le travail est devenu plus simple avec l'avènement de la char­
rue. Toujours suivant la corde tendue, le paysan jette la mê­
me quantité de graines de coton sur les sillons de terre la­
bourée par la charrue sans autres précautions à prendre. Il
sait que les graines de maintenant sont traitées aux insecti­
cides et qu'elles ne subiront plus l'attaque des fourmis et
d'autres prédateurs d'autrefois.
5) Sarclages et buttages
Le démariage intervient trois semaines à un

mois après les travaux de semis.
- 218 -
En sarclant on démarie les plants. du cotonnier
pour laisser . deux par poquet. Ceci pour une meilleure uti-
lisation de terrain, Autrefois le paysan n' avait que deux sar­
clages à faire dans son champ de coton. Maintenant il en faut
trois, puisque l'utilisation d'engrais minéral favorise aus­
si les plantes adventices qui, une fois labourées repoussent
très vite. Le buttage c'est un fait nouveau dans l'agricul­
ture mundan. Il permet une bonne infiltration des eaux de
pluies, élimine l'excès en écartant ainsi les risques
de stagnation par conséquent d'asphyxie du cotonnier.
Il protège celui-ci contre les vents violents
qui ont tendance à le faire coucher.
Il permet d'éviter l'érosion des sols en pente.
Selon les régions un ou deux sarclages suivent ce travail
d'entretien. En éliminant par ces opérations les plantes ad­
ventices, le paysan pratique pour le cotonnier une réserve
en eau et en éléments fertilisants indispensables pour le
croît de la plante.
6/ La récolte du coton est une fastidieuse opéra­
tion. Elle se résume en une cueillette. Celle-ci mobilise
tous les membres de la famille, parfois même les enfants de
8 à 10 ans. Nous, nous réservons de revenir sur cette opération
quand nous parlerons de la vente du produit; opération qui
succède à la première.
7) L'arrachage des vieux cotonniers
Une fois la récolte terminée, obligation est
faite aux planteurs d'arracher les vieux cotonniers. L'opé­
ration débute fin mars et s'étend sur environ un mois. Les
vieux plants coupés sont mis en tas et brûlés afin d'éviter
i
.f
'1

- 219 -
que les insectes phytophages ne nuisent aux nouvelles
cultures et que les bovins consommateurs ne répandent
des semis abusifs par leurs excréments.
II - Les conséquences de la culture cotonnière
Les conséquences de la culture du coton sont
nombreuses. Tantôt bénéfiques, tantôt néfastes, elles ont
cependant marqué le paysan et modifié le paysage agricole.
AI Le bouleversement du calendrier paysan
En étudiant les systèmes des cultures de subsis­
tance nous avons signalé qu'ils étaient bien conçus pour un
milieu où le désir de produire répond à celui de consommer.
Dans ces systèmes, les champs dits de brousse portaient en
tête d'assolement: une avant culture: Tiburi C'est une
,
stratégie du paysan pour augmenter la surface de son champ de
mil la campagne suivante. Tiburi est un champ hativement tra­
vaillé en pleine campagne agricole sur un terrain neuf après
les premiers travaux d'entretien des autres cultures. Il était
généralement semé d'une association de légumineuses hariot et
Wandzou ou alors essentiellement de sésame. Cette avant­
culture faisait place l'année suivante au mil.
Remarquons que dans l'agriculture mundan les
champs de mil et d'arachide, même s'ils sont en culture pure,
portent toujours des plantsde haricot plante très appréciée
par la population tant pour ses feuilles que pour ses graines.
Le mil revient la troisième année toujours
en culture pure avant de céder la quatrième année la place
à l'arachide qui se trouve associée de fait aux repousses de
mil.

,1
t
\
cultures.
- 220 -
Ainsi se résume le calendrier traditionnel des
Première année Tiburi (avant culture)
d'appoint
Deuxième année : Mil (culture de base)
Troisième année Mil (culture de base)
Quatrième année arachide + repousses de mil
(culture secondaire)
Quatrième année, des signes d'épuisement du sol
se manifestent souvent par l'apparition du striga senegalen­
sis. La jachère intervient la cinquième année pour permettre
la reconstitution du sol.
L'introduction du coton bouleverse ce cycle.
Les services coloniaux de l'agriculture ont voulu dans un
premier temps ménager le cycle traditionnel en laissant au
mil son caractère prioritaire. Ils proposèrent de faire pas­
ser le mil en tête d'assolement pour être suivi du coton et
ensuite d'arachide.
Soit Première année
Deuxième année
mil
coton
Troisième année : arachide
" Une telle solution aurait ramené les super­
ficies plantées en mil au tiers de l'ensemble des cultures;
.
propœtion nettement insuffisante pour assurer la subsis-
tance", remarqua J. CABOT. Par ailleurs, le mil en tête d'as-
solement, ses repousses naturelles sont inévitables l'année
suivante prévue en culture cotonnière; et d'emblée, il parut
difficile sinon impossible de demander aux populations d'ar­
racher les plants de mil, culture sacrée des mundan au pri­
fit du coton. Finalement les services agricoles de l'admi­
nistration coloniale imposèrent le calendrier suivant :

2) Analyse dynamique
des observations suivantes
- 224 -
La lecture de ces photos aériennes nous fait faire
- La végétation, bien que originellement peu
dense du fait de la nature du sol squelettique, a subi en
l'espace de vingt ans une destruction très importante.
arborée.
- Les formations arborées ripicoles ont disparu.
- La savane herbeuse se substitue à la savane
- Les roches sont mises à nu à certains endroits
du paysage par suite soit d'érosion des eaux de pluies soit
d'érosion éolienne elle-même conséquence d'un défrichement
abusif. On observe cependant un espace reboisé.
La photo de 1974 révèle que Léré en tant centre est en train
de s'urbaniser. Cette évolution s'observe par la fusion de
certains quartiers malgré le site accidenté de la ville.
Les rues sont tracées et on note une abondance de maisons
quadrangulaires au toit de tôle ondulée, signe d'amélioration
des conditions de l'existence.
Sur le plan agricole on note une atomisation des parcelles
qui se traduit par une humanisation du paysage. Le tout donne
à la localité de Léré une physionnomie

- 226 -
Défini comme un secteur rural d'étendue res­
treinte bénéficiant d'un encadrement plus dense, le paysan­
nat était appelé à devenir un foyer d'amélioration techni­
que.
L'objet initial du paysannatétai t l' amélioration :::les conditions
de vie des populations des régions où il était installé.
terres.
En outre il devait permettre
- La fixation de ces populations sur de bonnes
- La suppression de l'itinérance culturale jugée
alors destructive pour les sols donc source de misère pour
les paysans.
- la création de revenus nouveaux par l'intro­
duction d'une culture riche associée à l'élevage.
- la naissance d'un lien entre l'homme et le sol
en introduisant un système de cultures annuelles aux jachères
judicieusement conçues qui assurent la conservation du patri­
moine, collectif ou individuel.
Au Tchad quatorze paysannats furent créés grâce
à l'assistance financière du FIDES et du FAC. Trois d'entre
eux furent implantés an nord du 12è parallèle et onze dans
la zone cotonnière. Notons que dans ce secteur de plantation
de coton la plupart des paysannats parmi lesquels ceux du
pays mundan ont été transformés en instruments de propagande
cotonnière. Pour les dirigeants du nouvel état, les paysan­
nats doivent avant tout permettre l'extension des superficies
plantées en coton en vue d'une production maximum.
Sur les onze paysannats de la zone cotonnière, deux étaient
implantées dans notre secteur d'étude: Le paysannat de Torrock
crée en 1957 et celui de Lagon créé en 1960.
Les deux institutions ont bénéficié de la men­
talité favorable des populations à l'introduction des nouvelles

- 227 -
techniques. Ils ont vite étendu leur influence sur l'actuel
poste administratif de Torrock et le canton de Lagon.
Sur le plan pédologique, il serait exagéré de parler des
terres riches dans ces ensembles; cependant les sols lourds
des bordures des cours d'eau et les terres de replat géné­
ralement disponibles ou partiellement colonisées ont permis
une expérience heureuse en matière de culture attelée. A
cela s'ajoute la pratique de l'élevage qui complète utile­
ment l'action entreprise par les paysannats. L'élevage revêt
ici une double importance parce qu'il fournit sur place des
bêtes de trai t et du fumier de ferme. "c 1 est au paysannat
de Torrock que les résultats les plus concluants de tout le
Tchad a été enregistrés dans le domaine de la modernisation
des techniques" déclare Jean CABOT qui ajoute:"La réussite
du paysannat de Torrock a été due essentiellement à la con­
joncture favorable: La rencontre d'un groupement humain ou­
vert et d'un directeur de paysannat compétent".
L'action de ces paysannats s'est poursuivie de
1956 à 1963 date à partir de laquelle ils furent regroupés
au sein du secteur de modernisation agricole (SMA) de Pala.
Les SMA étaient des centrales d'équipement au
bénéfice non plus des secteurs privilégiés, mais des zones
plus vastes. L'action des SMA a duré jusqu'à 1965 date à
laquelle l'ONDR (Office de développement rural) prit la re­
lève.
Créés pour introduire la culture attelée en vue de soulager
les paysans dans leurs multiples taches, les paysannats et au­
tres organismes qui se sont relayés ont-ils contribué à
l'amélioration de leurs conditions de vie? Le chapitre qui
suit nous éclaircira.

2) Sous secteur de Lagon - Tableau XI
-- ------------
- 229 -
Année Attelage Charrues Charrettes EBS
1977-78 3 105 1 689 293 205
1978-79 3 241 1 722 370 273
1979-80 2 896 1 711 373 237
1980-81 3 204 1 716 426 4
1981-82 1 456 1 550 420 18
TOTAL 13 902 8 388 1 882 737
-
1
3) Sous secteur de Léré - Tableau XII
1977-78 3 760 1 927 350 71
1978-79 3 342 1 452 267 113
1979-80
1
4 553 2 398 443 108
1980-81 4 598 2 265 1 458 13
1981-82 2 583 1 271 316 12
Total 18 836 9 313 1 834 317
4) Sous-secteur de Torrock tableau XIII
1977-78 1962 1062
1
349 455 1
1978-79 2 072 957 370 690
1979-80 855 613 240 458
1980-81 1 503 884 350 487
1981-82 1 694 934 368 563
TOTAL 8 086 4 450 1 683 2 653

- 230 -
Ces tableaux suscitent des commentaires
A Torrock, on constate que le nombre d'attelages
est passé de 240, chiffre de 1960, à 8086 en 1982. Pendant
le même laps de temps les charrues sont passées de 214 unités
à 4 450 et les charrettes de 145 à 1683.
A Lagon les données chiffrées du paysannat au
moment de sa création font défaut. Cependant les renseigne­
ments recueillis donnent les chiffres qui montrent d'après
le tableau ci-dessus que le phénomène culture attelée est
accepté avec allegresse dans le milieu. A la différence de
Torrock, l'EBS n'est pas encore bien entré dans l'habitude
de la population.
A Binder et à Léré les tableaux font remarquer que
bien que ces deux sous secteurs n'aient pas bénéficié au
départ d'un paysannat comme les deux premiers centres, qu'ils
n'en demeurent pas les moins touchés par cette vulgarisation
technique.
Une explication s'impose cependant pour le sous­
secteur de Binder où l'acquisition annuelle de charrue et de
charrettes frise la dérision. En effet, cette circonscription
technique renferme une population composite, contrairement
aux trois autres où on note une homogénéité des populations.
Le chef de sous-secteur dans son action d'encadrement remar­
que que chaque groupe de population réagit à sa façon devant
la campagne menée en faveur de la culture attelée. C'est
ainsi gue les éleveurs fulbé se livrent activement à la cul­
ture du muskuari qui ne nécessite pas un travail à la char­
rue; il en est de même pour la plantation d'oignon à partir
de laquelle ils tirent un revenu substantiel.
Cette particularité a porté un frein à la diffu-

- 231 -
sion de la culture attelée car d'autres populations bien
que composées d'agriculteurs, emboitent aujourd'hui les pas
des premiers qui ont pourtant le plus gros troupeau bovin
de la région.
En dépit de cette lacune, si l'on prend l'année
1982 comme année de référence, on constate que les quatre
circonscriptions techniques ont vendu près du double de la
vente nationale de charrues en 1968 (2838) (1), l 191 char­
rettes contre 1120 vendues en 1968 sur l'ensemble du Tchad.
Ces sous secteurs agricoles ont totalisé en 1982, 15 418
exploitations ce qui donne une moyenne de 3,3 exploitations
pour une charrue. L'importance de cet équipement fait dire
qu'au niveau des paysans la culture attelée est ressentie
comme un facteur incontestable de progrès. D'ailleurs ils
n'hésitent pas à affirmer que la charrue et la charrette
sont rentables.
Pour nous convaincre de cette rentabilité, une
étude nous a conduit au calcul des revenus d'une exploi­
tation dans trois familles composées de trois actifs chacune
pour trois cas suivants :
1) La première famille exécute ses travaux
au moyen d'instruments aratoires traditionnels (hJue).
(labour à façons) .
sa propre charrue.
2) La deuxième pratique le labour à la charrue
3) La troisième famille utilise pour ses travaux
Tous les trois cultivent du coton en traditionnel
donc sans engrais et les résultats sont les suivants:
(1) Source: Ministère d'Etat à l'agriculture et au développement
rural.

- 233 -
resteront-ils rentables pour le cultivateur qui ne les
utiliserait que pour produire et transporter ses propres
récoltes?
La productivité est l'association de la fumure
minérale et des traitements insecticides systématiques pra­
tiquée dans la culture cotonnière au Tchad depuis 1959. Elle
permet de porter les rendements de 200 kg à 1000 kgs à l'hec­
tare.
Au cours de la campagne 1981-1982 nous avons
constaté dans notre zone d'investigation que sur 4 675 ha
cultivés en coton, 1766,5 ha étaient en productivité soit
37,7% des superficies cotonnières.
La culture cotonnière présente ici trois stades
d'amélioration techniques:
Au premier stade le planteur opère lui-même,
sans encadrement. Il pratique des semis souvents tardifs
et deux sarclages suffisent pour conduire le cotonnier
à la maturation. C'est la culture traditionnelle les rende­
ments y sont faibles (200 à 300 kg/ha). A ce stade le seul
progrès résulte de l'introduction des nouvelles variétés
plus productives. Les variétés actuellement cultivéés dans
l'ensemble du Mayo-Kebbi sont: SRF 4 , MK 73 et Y 1422.
Au second stade, le planteur bénéficie des con­
seils des techniciens de l'agriculture: semis et démariage
précoces, sarclages suffisants pour maintenir la culture
en état de propreté; les rendements passent de 300 à 500
kgs/ha.

-236 -
Les chiffres ci-dessus illustrent les variations
annuelles observées dans la production nationale. Cependant
le tableau permet de constater une augmentation progres-
sive du rendement à l'hectare. Cela s'explique par l'emprise
de plus en plus grande de la productivité dans la culture
du coton. La tendance à la baisse des superficies cotonniè­
res ces dernières années s'explique par les événements san­
glants qui ont perturbé les campagnes. Par contre l'augmen­
tation des surfaces cultivées en productivité permet de re­
lever la pente. Par exemple sur 175 960, 5 ha plantés en
•
coton en 1984, 97 606,5 l'étaient en productivité ce qui a
permis la production plafond de 158 490 T de coton graine
cette année là.
Sources des données chiffrées ayant permis d'établir le
tableau
1950 - 1965
1966 - 1984
Campagnes
Jean CABOT Bassin du Moyen Logone
Ministère d'Etat à l'agriculture (Direction
ONDR)
2) Evolution de la culture production cotonnière
au Tchad (moyenne sur 10 ans) Tableau XVI
Production de Production du Rendement %
coton graines coton fibre à l'égrenage
en T en T
1928 - 1937 4 920 l 810 -
1938 - 1947 25 810 8 340 30,9
1948 - 1957 59 850 18 220 30,4
1968 - 1977 127 864 46 917 36,7

- 237 -
3) Evolution du prix du kg de coton graine
payé aux paysans (1967 - 1984)
Tableau XVII
Campagnes
Prix du kg
CB
\
en F CFA
CJ (2) 1
Recettes totales
des producteurs
en Millions de
F CFA
i
1966/67 26 - -
1967/68 26 - -
1968/69 26 - -
1969/70 26 25
1970/71 26 25
1971/72 28 26 2 900
1972/73 29 24 2 918
1973/74 31 24 3 420
1974/75 43 25 5 929
1975/76 43 25 7 598
1976/77 50 30 6 323
1977/78 50 30 6 125
1978/79 50 30 6 588
1979/80 50 30 4 494
1980/81 50 30 4 208
1981/82 60 30 4 195
1982/83 70 40 7 092
1983/84 80 40 16 625
j
CB = coton blanc ( première qualité)
CJ = coton jaune ( deuxième qualité)
Source des données : Ministère d'Etat à Z'agricutZre
direction ONDR (Rapport annueZ 1983/84).
1

1) La situation dans le Mayo Kebbi
(campagne 1983 - 1984 (1)
- 239 -
A défaut des chiffres qui puissent nous permettre
de remonter plus loin dans la production de la région, ·nous
nous contenterons de ceux de la campagne 1983 - 1984.
Tableau XVIII
Secteurs
ONDR
Surfaces tota
les en ha
surfaces en productivité
% en productivité
Productio
en T de
cotongraine
Rerrlenent
à l'ha
Guelerrleng 3 435 961,5 28,12 2 706,8 830
Mayo-Kebbi
OUest 23 158,5 12 572,5 52,28 22 187,3 908
Mayo-Kebbi
Est 24 909,5 17 918 62,05 24 718,1 875
TOI'AL 51 503 31 452 47,48 49 612,2 MJyenne
enrroyen- 871
ne
Ccmne on le constate, la production de la préfecture du
Mayo-Kebbi est d'environ 50 000 T soit près du 1/3 de la pro­
duction nationale. Cependant des disparités sectorielles sont
observées tant dans les rendements à l'hectare, dans- la pro­
duction, les superficies en productivité que dans les taux
de productivité.
Ainsi le secteur de Guelendeng qui recouvre les !
sous préfectures de Bongor, Bousso et Guelendeng est distancé P3.J J
les deux autres secteurs. Cette différence s'explique par
v
l'expansion relativement récente de la culture cotonnière
(1) Source: Ministère d'Etat à l'agriculture (DiY'ection ONDR)
rapport annuel 1983-84.

- 242 -
Une tendance à la hausse est constatée à la fin de la
dernière campagne.

- 244 -
Les grains qui y sont conservés pour la campagne prochaine
sont livrées en fret par les camions transporteurs des ré­
coltes au moment de l'achat du produit.
Le silo d'emmagasinage pour coton acheté, la
plate forme destiné à recevoir la bascule qu'on observait
autrefois ont disparu.
Le calendrier du marché du coton est fixé d'un
commun accord entre l'administration territoriale et la so­
ciété cotonnière du Tchad (coton Tchad). L'administration
désigne un de ses agents comme directeur de marché. Ce ca­
lendrier est ensuite communiqué aux paysans producteurs.
La société commerciale, elle, se porte garante des fonds,
du matériel et du personnel technique pour le bon déroule­
ment du marché. Au cours de nos enquêtes il nous a paru
utile d'assister à un marché de coton pour être imprégne
des réalités. Dans la sous préfecture de Léré, le marché
de coton démarre généralement au mois de novembre. En janvier
1983, à Teubara, nous avons assisté au déroulement de l'achat
du produit.
Deux jours avant le passage de l'équipe
d'achat, les habitants de la localité avaient confectionné
un hangar pour abriter leurs hotes. Le jour du marché, chaque
famille s'était retrouvée autour de petits tas de coton posé
à même le sol. A l'arrivée de l'équipe, des toiles de jute
leurs furent distribuées pour l'emballage du produit à ven­
dre. Elles seront restituées après vente à l'équipe pour le
marché du village suivant.
A ce moment chaque famille s'affaire autour de
son produit. A la file indienne, chaque producteur dépose
son coton sur la bascule pour la pesée; une fiche dite de
pesée, réglée sur la base du prix d'achat est établie et li-

- 246 -
prend l'allure d'une corvée non rétribuée où chaque famille
à son tronçon à nettoyer, à remblayer en cas de ravinement
pour assurer la desserte du C.A. Les camions transporteurs
à la carrosserie autrefois grillagée, mais aujourd'hui tout
de planches qui utilisent ces pistes ne peuvent excéder une
charge utile de 4 tonnes.
L'opération vente-achat incite aujourd'hui les
jeunes paysans de la région de plus en plus en quête du nu­
méraire à contribuer soit temporairement soit cumulativement
leur activité principale (l'agriculture) dans d'autres tra­
vaux.
a) La part du trava.il paysan dans l'ache­
minement du coton à l'usine
Elle s'exprime en une main d'oeuvre temporaire.
Autrefois dans le milieu étudié cette contribution prenait
l'allure d'un travail obligatoire, c'était l'époque où les
chefs de villages désignaient les jeunes paysans pour char­
ger le coton acheté dans les camions. Aujourd'hui ces jeunes
gens acceptent volontiers de se faire embaucher par le coton­
tchad comme manoeuvres saisonniers. Il y a lieu de reconnaî­
tre que la durée de cette embauche correspond à la période
de sous-emploi agricole des paysans africains de cette lati­
tude.
Cette attitude témoigne de la prise de conscience
de ces paysans pour les travaux rétribuables au mois, à la
semaine voire à la journée. Ceux-ci en effet permettent d'ac­
quérir d'autres revenus qui viennent compléter ceux de l'agri­
cultre. Parfois c'est grâce à ces ressources complémentaires
que certains acquièrent des chaines de culture. C'est le
cas précis de la famille Pahimi que nous prenons ici pour
illustrer l'idée exprimée.
Le couple Pahimi-Madeu (39 et 25 ans) a quatre

- 249 -
rent la peur et le poussent à la production cotonnière, de
l'autre, la soudure et la nécessité de survivre l'incitent
à cultiver son mil. Ainsi il arrive tant bien que mal à
concilier la colère et la nécessité.
Un autre aspect visible de la conséquence de la
culture du coton et nous pensons l'avoir déjà signalé est la
modification du paysage rural. Sans toutefois parler d'un es­
pace humanisé tel qu'on en rencontre dans les pays industria­
lisés où l'emprise de l'homme sur le sol se justifie par une
avance technologique, on ne peut non plus parler d'un espace
indifférencié. Cependant à la lumière de la lecture des pho­
tos aériennes, faite plus haut, il serait logique de parler
ici, d'espace culturalisé, pour ce paysage dont la symbiose
nature-culture détermine un type d'espace lié à une civili­
sation donnée : celle des mundan influencée aujourd'hui par
des apports extérieurs parmi lesquels les faits coloniaux
dont la culture du coton. En effet depuis son introduction,
cette culture n'a cessé de gagner de terrain. De 500 ha en
1921 les superficies plantées en coton dépassent aujQurd'hui
9000 ha dans le pays étudié.
Par ailleurs il a été souligné plus haut la prol
fération des pistes cotonnières qui joignent les centres
d'achats aux axes principaux conduisant â l'usine; Ces pis­
tes conçues initialement pour l'évacuation du coton servent
aussi de nos jours à écouler les autres produits de l'agricultre
traditionncllevers les centres consommateurs. Quant à l'augmenta­
tion des superficies cultivées une remarque s'impose. Bien
qu'initialement introduit pour favoriser le développement de
culture cotonnière, force est de constater aujourd'hui que
l'attelage a profité également sinon plus aux cultures de
subsistance. Se reconnaissant d'une civilisation de grenier,
le paysan mundan conçoit mal qu'on lui demande de privilé­
gier le coton au détriment du mil, sa plante sacrée et grâce

- 250 -
à laquelle il vit. Mais ayant accepté le coton il s'est
imposé une stratégie qui remet en pratique son avant-cul­
ture : Tiburi qui avait eu tendance à disparaitre. De cette
façon il couvre ses besoins de l'année en culture d'appoint
pratiquées dans ce champ. Désormais il le juxtapose au champ
de coton qui, dans l'assolement pratiqué doit faire place
au mil. Ainsi pour un hectare de coton au cours d'une cam­
pagne, le paysan plante 1,5 à 2 ha de mil la campagne sui­
vante.
Il va de soi que les labours à la charrue ne pro­
fitent pas seulement aux seuls mil et coton. Les autres cul­
tures; arachides, Wandzo , plantes à tubercules (manioc,
patate-douce, taro jet riz bénéficient des avantages de la
culture attelée comme le montrent les tableaux ci-après.

- 254 -
tropicaux de sa latitude, a une navigabilité réduite à deux
mois par an. Cependant le surplus de tonnage n'ayant pu être
évacué à temps est réorienté sur NGaoundéré par la route
pour Douala. Plaçant le
Tchad à 2000 km de la mer, cette voie a une capacité d'éva­
cuation de 8 000 à la 000 T de coton fibre l'an.
En raison de leur proximité géographique, les
deux voies intéressent notre secteur d'étude pour l'évacua­
tion de son coton.
La troisième voie empruntée par le coton tchadien
est la voie transéquatoriale. C'est la plus longue.
Elle part des usines méridionales du Tchad pour gagner
Bangui par la route, puis Brazzaville par le fleuve et enfin
?oinuNOire par le chemin de fer congo-océan. En raison des
difficultés que font les pays traversés qui rendent le trans­
port très coûteux, Cette voie est de moins en moins utilisée,
cependant elle permet d'évacuer quelques 20 000 T de coton
fibre tchadien.
Parti du Tchad, le coton fibre poursuit sa
pérégrination en direction des pays européens parmi les­
quels le Portugal et la France constituent les premiers ache­
teurs du produit. Cependant une tendance de plus en plus
orienté vers l'Asie est observée ces dernières années. Ici
le Japon s'affirme comme principal client du TCHAD pour ce
produit.
C'est dans ces pays que le coton est revendue
aux filateurs qui le transforment en tissus et vêtements
pour le vendre aux prix prohibitifs à ceux qui l'ont produit.
C'est la"logique" du dialogue nord-sud.

- 259 -
T aitant initialement 2500 échantillons,
le laboratoire en traite 7 000 aujourd'hui.
En fin de compte, l'IRCT met à la disposition
des paysans ,les semences de bonne qualité avec une amélio­
rationvariétale qui fait qu'aujourd'hui les variétés vulga­
risées sont parmi les meilleures.
La production progressive est surtout assurée
grâce à l'opération productivité associant la protection
phytosanitaire à l'apport de fertilisation. Cette opération
concerne actuellement la moitié des superficies consacrées
à la culture cotonnière soit 250 000 hectares(l}.
La compagnie française de développement de textiles
(CFDT) est une filiale des banques de Paribas de même que
l'IRCT. Ce groupe avait des actions dans le groupe textile
français (Agache-Willot-Prouvost) qui controla:t la coton­
fran.
Créée en 1949, son action au Tchad remonte à la
période coloniale. Elle s'est intensifiée depuis l'accession
du pays à l'indépendance.
Organisme conventionné il intervient auprès des
organismes nationaux tels l'ONDRet la Cotontchad et exerce
pour ainsi dire une action de renforcement à deux volets :
1} Rapports CFDT - ONDR
Près de l'ONDR, la CFDT assiste ce dernier
dans son programme de productivité cotonnière en renfor-
çant son personnel technique. Dans son intervention, la
(1) Toutes les données chiffrées sont fournies par l'IReT
Laboratoire de N3jaména.

- 262 -
L'office national de développement rural (ONDR)
a été créé le 28 juillet 1965 dans le cadre du premier plan
quinquennal. L'organisme constitue depuis son existence, la
structure de base de développement rural du pays. Il inter­
vient soit directement, au moyen de ses secteurs régionaux
il en existe 12 pour l'ensemble du pays, soit indirectement
par l'intermédiaire des organismes conventionnés tels l'IRCT
et la CFDT étudiés plus haut.
L'ONDR se fixe pour objectif la mise en exécu­
tion des actions et programmes de développement rural. Il
remplace les anciens secteurs de modernisation agricole
à l'exception du SEMAB de Bongor, du SEMALK de Laï et Kélo
et de la SODELAC.
Dans le cadre de ses actions directes en vue de
généraliser l'effort de modernisation, l'ONDR a distribué
à crédit pendant la campagne 1968-69, 7 452 charrues, 642
charrettes et 21 semoirs.
En 1970, 22 000 charrues étaient en service
dans la zone cotonnière soit une charrue pour 75 agricul­
teurs(l). Notre terrain d'étude a été touché par ces deux
types d'action. Dans le cadre de la vulgarisation de la
culture attelée on y compte 3,3 exploitations pour une
charrue.
Il est à noter cependant que dans le cadre
de ses opérations de crédit agricole destiné à l'acquisition
du train de culture, l'office s'est heurté à une difficul­
té, celle de non remboursement des crédits contractés au
niveau des paysans. Et compte tenu du coût de plus en plus
élevé de matériels importés l'organisme a été amené à sup-
(1) Source: Direction ONDR NDjamena.

- 264 -
tamment il met en pratique les techniques nouvelles (teste
les matériels nouvellements acquis pour la vulgarisation) .
Le chef de sous secteur est choisi parmi les conducteurs
des travaux agricoles et assure une fonction technico-ad­
ministrative. La zone ONDR, elle/est une cellule de sensi­
bilisation et d'animation rurale chargée de vulgariser les
nouvelles techniques; elle a pour principal rôle l'encadre­
ment des paysans. C'est la zone qui s'occupe par exemple
de la distribution des engrais, des produits phytosanitaires
pour les traitements du cotonnier. Dans un passé récent,
elle assistait le paysan dans le dressage des boeufs d'atte­
lage. Le chef de zone est donc cet encadreur en contact
direct avec le paysan. Il se recrutait au niveau du cours
moyen. Appelé communément vulgarisateur, il subissait
une formation d'un an au centre de Tikem en pays tupuri.
Aujourd'hui, compte tenu de l'élévation du niveau de formation
observé dans le secteur public, les moniteurs de l'agricul­
ture, font office de chef de zone et assurent de ce fait
une action éducative à la base.
Notre terrain d'étude compte 4 sous-secteurs et
17 zones d'animation rurale.
Nos visites répétées auprès des responsables à différents
niveaU){ nous ont permis de les entendre ne serait-ce que
pour nous faire une idée de leurs préoccupations; ceci
à travers le jeu de questions réponses. Ainsi à la question
comment trouvez-vous les paysans, que vous encadrez? un
chef de zone, celui de Guétalé répond "Les paysans mundan
se montrent, très réceptifs à tel point que les campagnes
de sensibilisation radiodiffusées les prépare psychologique­
ment à accepter sans réticence les nouvelles techniques cul­
turales que nous leur apprenons".
- Quelques types d'obstacles rencontrez-vous
dans l'exercice de votre métier?
Assane, chef de sous-secteur de Binder, trouve que

- 265 -
les obstacles, sont d'ordre matériel et psychologique. La
difficulté matérielle la plus fréquente est le manque de
moyen de déplacement; s'il en existe un, le carburant
fait souvent défaut; les retards s'en suivent dans l'éxé­
cution des programmes. Les difficultés psychologiques sont
imposées par les facteurs du climat, notamment le manque
ou l'excès des pluies.
En effet la sécheresse est nuisible aux activités
agricoles, tout comme la surabondance des pluies nuit parfois,
car elle occasionne des inondations dans certaines zones,
qui empêchent les agents vulgarisateurs de rejoindre les
paysans;ceci retarde souvent les travaux et les techniciens
se sentent dans ce cas, responsables de certains échecs du
paysan. A notre question de savoir, comment réagissent-ils
en tant que techniciens de l'agriculture devant des crises
climatiques telle la sécheresse, NEYAMBE Augustin responsable
du service de vulgarisation au secteur ONDR du Mayo-Kebbi ouest
affirme: "Face à la sécheresse qui s'est faite sentir dans
ce secteur à partir de 1977, nous réagissons en prodiguant
des conseils aux paysans; notamment en leur demandant de
sélectionner les espèces vivrières à cycle végétatif court
et les semer très précocement. En outre nous les sensibi­
lisons sur la nécessité de planter déS arbres pour arrêter
l'avancée du désert". Le personnel employé par l 'ONDR est
d'environ un millier de techniciens, toutes catégories
confondues.
La société cotonnière du Tchad (cotontchad) est
fille da la cotonfran, société étrangère (franco-belge)
qui a investi en usines d'égrenage et en moyens de produc­
tion au Tchad sur près de 40 m (1932-1971).

- 266 -
Elle est néele E2" novembre 1971 à l'issue de la convention
entre la cotonfran et le gouvernement tchadien qui a trouvé
nécessaire de renouveler le dispositif en mettant l'accent
sur la participation plus grande du pays dans la production
cotonnière. Ainsi créée, la cotontchad groupe des intérêts
divers : 75% du capital appartiennent à la République du
Tchad, 17,5 apportés en argent par la CFDT 2% proviennent
de la caisse centrale de coopération et le 5,5% répartis
entre les différentes banques de la place.
La cotonchad dispose de 15 administrateurs dont
5 sont nommés par le gouvernement de la république du Tchad.
Parmi les cinq se trouve statutairement le Président du
conseil d'administration.
La cotonfran y dispose de 3 administrateurs la
,
CFDT de deux administrateurs, les banques et la caisse cen-
trale de coopération de deux administrateurs.
L'objectif de la cotontchad se résume en la trilo­
gie achat, égrenage et évacuation. En un mot la société
s'occupe de la commercialisation de ce produit.
- La société assure elle-même le transport du
coton des centres d'achat aux usines. Pour réaliser cette
opération elle dispose d'un parc de 170 véhicules de 13 à
18 tonnes.
- L'égrenage est effectué dans les 22 usines
réparties dans la zone cotonnière du pays.
- quant à l'évacuation du produit, vers les
ports d'embarquement, elle s'effectue au moyen des véhicu­
les semi-remorques de 25 T. Le parc de 112 semi-remorques
dont dispose la cotontchad ne suffit pas à ses besoins èn la

- 268 -
Au point de vue de l'organisation administrative
les secteurs de la cotonfran ont fait place aux zones de la
cotontchad. Chaque zone est coiffée par un chef de zone qui a
sous son autorité deux ou plusieurs chefs d'usine. Le chet
,
d'usine quant à lui, assure la bonne marche de l'usine d'é-
grenage. Tous ces personnels sont aujourd'hui des nationaux,
bien que le personnel étranger soit encore représenté dans
la société comme le montre le tableau ci-dessous.
Personnel de la cotontchad
(Situation au mois d'Août 1985).
Tableau XXV
Cadres nationaux Cadres expatriés Agents de Maîtrise
Hommes Femmes Africains autres Hommes Femmes
78 3 2 36 III 17
Personnels ouvriers permanents
Personnels ouvriers saisonniers
2 039
2 153
Soit un total de 4 429 salariés employés
par la société cotonnière du Tchad.

- 270 -
découvrir des produits nouveaux qui entrent désormais
dans leur consommation.
Il est important de noter qu'il existe autant
de marchés qu'il y a de villages dans le secteur étudié.
Cependant la taille de ces marchés varie suivant la situa­
tion géographique et surtout l'importance numérique de la
population de chaquervillage. Dans les centres importants
comme Pala, Lére, Binder situés sur des axes routiers prin­
cipaux,des petits boutiquiers et les marchands vendent tous
les jours et au détail des produits manufacturés. Par ail­
leurs dans tout le· pays, les transactions ont lieu entre
les gens de même village ou des villages voisins pour la
vente de mil, des produits d'élevage ou de pêche. Mais l'es­
sentiel du commerce s'organise autour des marchés hebdoma­
daires. Très animés pendant la saison sèche, période de ré­
jouissance paysanne, surtout après la vente du coton, les
activités de ces marchés diminuent pendant la saison des
pluies à cause des déplacements rendus difficiles par celles­
ci, mais surtout à cause des préoccupations champêtres d'une
population entièrement rurale.
Sur les multiples marchés existants seuls les mar­
chés des centres cités plus haut sont dotés de hangars cons­
truits en dur datant de l'époque, coloniale. La période post­
indépendante n'a apporté que quelques aménagements mineurs.
Les marchés de taille moyenne tels que ceux de Torrock,
Gouey-Goudoum, Lagon, Bissi-mafu, Moursalé-Bamba Eil-Houh
comportent des installations sommaires faites de petits han­
gars hauts d'environ l,SOm couverts de secko . Le commerçant
revendeur y prend une position assise ou couchée parmi ses
étalages.
Enfin la dernière catégorie de marchés est cons­
tituée de tout-petits marchés où parfois on troVVe comme
seul produit de vente, la bière de mil. Ces marchés sont

- 278 -
fruits, parfois ceux cueillis dans la brousse tels que les
fruits du Néré, du karite, du vitex;du goyavier de singe
etc. Certaines denrées comme le piment, le sésame sont
présentées par des revendeuses, mais les quantités commer­
cialisées sont faibles et aucun marché pour ces produits
ne peut paraître un point de diffusion.
f) La vente d'oignon un commerce fructueux
Le commerce d'oignon mérite une mention spéciale.
La culture d'oignon est concentrée à Binder, situé non loin
de DUMUR une autre grosse zone de production de cette den­
rée. La culture jardinoire de cette plante a été signalée
,
il Y a longtemps, mais depuis une dizaine d'années les Fulbe
de la localité de Binder ont entrepris un commerce actif
d'oignon dont eux-mêmes sont les producteurs. La production
étant supérieure aux besoins locaux, le produit est évacué
au moyen de véhicules parfois de gros tonnages pour alimen­
ter les marchés des grands centres urbains telles moundou,
Sarh voire même Bangui en R.C.A. Par effet d'initation quel­
ques paysans mundan des rives du Mayo-Kebbi se sont versés
depuis peu dans la production d'oignon mais surtout de l'ail
que certains réussissent à évacuer des quantités modestes
en direction des villes du nord nigéria (Moubi, Maidougouri
1
etc... ); les villages de Guetalé et Khabi tentent d'innover
dans cette voie.
g) Le'" cormnerce des produits artisanaux
Il est à observer que le paysan-artisan mundan
travaille sur commande; mais le goût de l'argent l'oblige
quelquefois à présenter des objets sur le marché ce qui
lui permet d'acquérir quelques biens de consommation immédiate.
Parmi les objets fréquemment sur les marchés les poteries
sont de loin les plus représentatives suivies d'outils ara­
toires. Dans le cas des produits artisanaux les transactions
se font directement des producteurs aux usagers.

- 280 -
est comme "une jute ou la personnalité des partenaires (ache­
teur et vendeur) joue le plus grand r61e,,(1).
D'après Ph. Coufy, le prix des produits agricoles
fixés par les paysans, peut encore être considéré comme
étant déterminé par le jugement du vendeur sur la "norma­
lité des prix eu égard à la situation présumée de l'acheteur"
et il dépend d'avantage du pouvoir d'achat du client que la
peine qu'a réclamée la production ou la fabrication du bien.
Ainsi suivant les besoins financiers du vendeur une marchan­
dise vaudra plus ou moins cher. Le prix présente donc une
valeur subjective,,·, ..
."
Il existe une disparité des prix des produits vivriers entre
les marchés de brousse et les marchés des centres urbains.
Elle est justifiée par lES coûts de transport. Ceux-ci sont
tributaires de la situation géographique de chaque village.
C'est pourquoi les prix varient du simple au triple entre
les marchés villageois et les marchés urbains. Par exemple
un sac d'arachide acheté à 5000 F CFA en octobre au marché
de Bissi-Mafu par un transporteur sera revendu à 15 000 F
trois mois plus tard et à 20 000 F au mois de juin-Juillet
sur le marché de Léré. Parfois les écarts entre les prix
..!,
payés aux product eurs et les prix du marché sont créés par
l'existence des intermédiaires dont le nombre dépasse par­
fois deux personnes. Ce qui crée un manque à gagner pour
les producteurs et les intermédiaires. Si bien que ces der­
niers ne peuvent ni améliorer leurs conditions de vie ni for­
mer un revenu monétaire suffisant pour permettre la consti­
tution d'une épargne.
Actuellement les disparités des prix entre marchés w:;:­
bâins et villages des producteurs sont renforcées par l'élar­
gissement des circuits monétaires jusque dans les villages.
En tenant compte des variations saisonnières du vo-
(1) P. COUTY le commerce du poisson au Tchad p.65.

- 288 -
Elle s'explique par les changements successifs des régimes
politiques au Nigéria, changements qui ont occasionné un con­
trôle rigoureux sinon une fermeture des frontières avec les
pays voisins, freinant ainsi le trafic clandestin, propre
aux populations frontalières. Toutefois, les agriculteurs
et éleveurs intéressés par les circuits commerciaux voient
dans la baisse des prix une fluctuation conjoncturelle et
pensent que viendra un moment où les beaux jours du bovin
réapparaitront.
III - La commercialisation des produits de pêche
Nous signalions en parlant de la pêche, que
celle-ci est devenue pour ceux qui la pratiquent l'une des
activités les plus lucratives. Les lacs de Tréné et de Léré,
auxquels s'ajoute le Mayo-Kebbi qui les alimente constituent
des lieux de production. Ils sont comme la plupart des lacs
et fleuves du Tchad assez poissonneux.
Deux catégories de pêcheurs exploitent ces eaux
- La communauté d'immigrants Haoussa installés
à Fuli au bord du Lac de Léré depuis 1945 qui sont des pê­
cheurs professionnels;
- Les paysons-pêcheurs Mumbaye de Biparé et
surtout les mundan des villages lacustres et riverains. Ces
derniers ont beaucoup appris des professionnels pour amélio­
rer leurs techniques de pêche comme lia perçu J. BLACHE
quand il écrit : "le mundan, pêcheur mundan pêcheur actif;des'
marigots est devenu très actif pêcheur de lac et plus spécia­
lement du Lac Tréné. C'est ainsi qu'il nous apprit que les
mundan doivent la technique d'utilisation de grandes sennes
de BAKAWA. Aujourd'hui la transformation est telle que, l'on
peut avancer le terme de rivalité dynamique entre ces deux
groupes de pêcheurs. Dans les deux cas, on constate malheu­
reusement que l'initiative est individuelle et la produc­
tion échappe totalement au contrôle des servi-

- 298 -
ciaux tels l'école primaire et le centre médical auxquels
s'ajoutentle conunissariat de police qui assure le maintient
de l'ordre public et la mairie pour les actes de la vie ci­
vile. Les hostilités qui ont secoué le Tchad pendant
trois années successives ont fait de Pala une ville mor­
te surtout en 1980 où elle était transformée en un champ
de bataille. Mais depuis la fin de l'année 1982, les bouti­
ques ont réouvert leurs portes, l'animation sociale a re­
pris son cours et les habitants à pied d'oeuvre parachèvent
les réfections de leurs habitations. Les fères oblat>de Marie
installés à l'arrière plan de la ville prêchent aux fidèles
l'amour, la tolérance pour que lâ paix revienne de façon dé­
finitive dans la ville et partant dans les pays tout entier.
La vie renait à Pala qui reprend petit à petit son visage
?
attractif où tous les samedis, jour du grand marché, la ville
devient une foire fourmillant d'un monde de paysans, d'éle­
veurs et de conunerçants qui apportent leurs produits au mar­
ché et repartent avec d'autres dont ils ne sont pas produc­
teurs.
Jean CABOT faisait remarquer il y a de cela
vingt ans que "Léré n'est pas a proprement un centre". Cette
constatation ne serait plus exacte aujourd'hui, car en vingt
ans les choses ont évolué. Ainsi de 3000 habitant signalés
par J. CABOT la population de la ville a atteint 4 332 hts
selon le recens ement de Mars 1968.
Le site de la ville lui impose une disposition
en chapelet de ses quartiers qui s'égrènent le long de l'axe
routier Garoua-Pala. On distingue quatre grands ensembles
séparés les uns des autres par quelques éléments topographi­
ques mineurs qui sont des talwegs. Ces ensembles constituent
les quartiers de la ville.

- 299 -
a) Léré-centre : Il est constitué de deux noyaux
anciennement appelés Léré-mundan et Léré-fulbé aujourd'hui
soudés pour ne former qu'un seul.
c'est le quartier populaire où les pitchélé
traditionnels en pleine transformation entourent le palais
royal du Gon Daba d'une part, et les cases transformées, ins­
tallées de part et d'autre du principal axe routier qui
traverse la ville le long duquel sont implantés marché,bars
et boutiques d'autre part.
Ici, la topographie· (la plaine inondable) bloque
l'extension de la villé vers l'Est et le Sud; par contre le
quartier s'est étendu vers le nord et l'ouest où il est à nou­
veau bloqué par la dépression de Magourou qui le sépare de
Bariki.
Ce quartier est en pleine transformation,Elle
se constate par le traçage des rues, la multiplication des
cases quadrangulaires couvertes de toI e et même des habita­
tions en dur. Les églises catholiques et fraternelle luthe­
rienne y sont installées. Il abrite également deux écoles
primaires et le Lycée de la ville.
b) Léré-Poste ou Bariki : Ce quartier doit son
nom au premier poste militaire perché sur un éperon qui domi­
ne le lac. C'est le quartier résidentiel où toutes les ad­
ministrations, en dehors de l'administration scolaire sont
rassemblées : Sous-préfecture, gendarmerie, douanes, les
eaux et forêts, les P.T.T., le centre médical la gendarme­
rie le camp de garde et l'inévitable prison. En contre bas
de ce relief vers le nord, s'étalent en nébuleuse des habi­
tations traditionnelles ou transformées "qui lient ce quartier
à Foulkwaré un autre noyau séparé de Léré centre par la dé­
pression Magourou.

1)
LEGENDE
Figure n° 13 TYPE DE CASE MOUNDANG -UN PITCHELE FAMILIAL
A-CASE DU CHEF DE FAMILLE
B-GRENIER A COUPOLE
C-CASE DE FEMME
D-CASE D'ADOLESCENT
E:-ECURI E
F-PARC A BOVINS
(çl es sin d e j ··C A_B 0 1)