CS_01653.pdf

REMERCIEMENTS
C'est grâce à l'aide soutenue et constante
des Professeurs Henriette Walter et Louis Charles Prat
que nous avons pu mener à bien le présent travail.
Nous avons trouvé chez l'un et l'autre un
encadrement où rigueur scientifique et souplesse dans
le travail aussi bien que dans les rapports humains se
concilient admirablement et efficacement.
Qu'ils trouvent ici l'expression de notre
profonde gratitude et de notre attachement.
5
1

Sous cet angle, elle vise à ré-injecter
dans les relations entre l'Afrique noire et le Brésil
en général, et, en particulier, entre la sous-région
Togo-Bénin et l'Etat de Bahia, un regain d'intérêt pour
ce qui peut être considéré aujourd'hui comme leur
patrimoine linguistique et culturel commun.
Suivant les conditions matérielles de mise
en oeuvre du projet, présentées par le professeur Yeda
Pessoa de Castro, membre de la délégation bahianaise et
alors directrice du Centre d'Etudes Afro-orientales
(C.E.A.O.) de Salvador, a été prévu un programme
d'enseignement et de conférences portant sur la langue
ewe et les cultures de notre aire géographique, ainsi
que sur la linguistique africaine.
Le professeur Arnpah Johnson, alors recteur
de l'Université du Bénin, nous a désigné pour
entreprendre les recherches, dans le cadre de nos
travaux sur la langue ewe, en vue d'une thèse d'état,
et assurer l'enseignement qui coïncidait bien avec nos
activités pédagogiques à Lomé.
Une bourse "conjointe" du Centre National
(brésilien) pour la Recherche (CNPq) et de notre
université nous a été accordée afin d'exécuter le
projet sur les terrains brésilien et africain, dans les
conditions que nous exposons plus loin, dans
l'introduction générale.
Les travaux de rédaction, de traitement
informatique et de présentation matérielle de cette
8

thèse ont été réalisés au Laboratoire de Linguistique
Quantitative de l'Université de Rennes II Haute
Bretagne, grâce à une bourse du Gouvernement français.
9

Adj.
Amaz.
An.
Ba.
bnt.
Br.
CIL
CP.
DN.
DN/A.
DN/D
Dp.
Dv.
e./f.
esp.
ét.
f.
ABREVIATIONS ET SIGNES CONVENTIONNELS
- adjectif.
spécifique à l'Amazonie (Brésil).
- anglais.
portugais de Bahia (niveau N 4) .
- bantu (langue)
"Brasileirisme" portugais standard du
Brésil. (niveau 5)
- radical ou étymon d'origine bantu.
- constituant africain.
- Constituant portugais.
- dérivation nominale.
- dérivation nominale ou adjectivale.
- dérivation nominale déverbative.
- étymologie, étymologique.
- fon (langue).
- français (langue)
11
es"t

g. - gu ou gun (langue du groupe dialectal
fon) .
hist. historique
lat.
lex.
LP.
m.
mi.
n.
N 1.
N 2.
N 3.
N 4
N 5
n , f.
n.m.
Pi.
linguistique)
(commentaire
radical ou étymon
socio-
d'origine Kwa
(implique : ewe ; fon ; yoruba).
- latin.
- lexique, lexicalisation.
- langue populaire de Bahia (niveau N 3) .
- mahi/maxi, (langue du groupe dialectal
fon).
- mina/gen (langue).
- nom.
- niveau 1 (correspond à TR. termino-
logie religieuse).
niveau 2 (correspond à PS. langage du
povo-de-santo) .
niveau 3 (correspond à LP. langage
populaire) .
- niveau 4 (correspond à Ba. langage
courant de Bahia}
niveau 5 (correspond à Br. portugais
standard du Brésil)
- nom féminin.
- nom masculin.
- radical ou base nominal complexe.
- spécifique à l'Etat de Piaui (Brésil).
12

TRANSCRIPTION PHONETIQUE
Nous adoptons les signes phonétiques de l'A.P.I
complétés, au besoin, par ceux de l'APIA (Alphabet
phonétique international africain)
NB cf.infra, Tableaux 1 et 2 colonne
"phonèmes".
Pour des raisons de typographie, l'accent tonique dans
les mots portugais est marqué dans la transcription
phonétique par l'apostrophe placée devant la syllabe
tonique.
ex
ex
- manteiga
- feijào
ORTHOGRAP HE
[mà'tcjga]
[fcj' 3àw]
Ce travail touche à plusieurs langues ayant des
systèmes d'orthographe différents. Même lorsque deux
langues utilisent l'alphabet latin, l'orthographe des
noms propres et même de certains noms communs étrangers
est souvent différente. Dans le souci de respecter les
réalités actuelles de chaque système, nous reproduisons
les orthographes en fonction du contexte dans lequel les
mots sont examinés.
14

Par exemple
- [Sag6] xangô/xang6
$àng6
ortho brésiliennes
ortho yoruba actuelle
shango autre orthographe.
N •B. : Dans divers documents, notamment en langue
anglaise. On rencontre également chango.
,
- [vodu] vodum/ vodun ortho brésiliennes
vaudou ortho française
vàdu ortho ewe
vàdu ortho fon.
On rencontre, selon les auteurs et les pays, plusieurs
autres formes : vaudoo, voudoun ; vodoo/vodoo ; vaudoux
(sing.) vaudoux (pl.) etc...
NB. Voir à ce sujet infra, IV.5.2. l'orthographe
afro-brésilienne; et IV.5.6.2. : l'identité formelle de
l'étymon africain.
15

TABLEAU - 1 -
CONSONNES ET SEMI-CONSONNES
GRAPHEMES
PHONEMES YORUBA EWE FON
b b b b
d
ct
:t
f
f
g
1
gb
h
3
x
d
-
-
f
-
g
-
gb
h
j
-
d
cl
dz
f
g
1
gb
h
-
x
,
d
ct
t
f
-
g
-
gb
h
-
x
k k k k
kp
l
m
n
P
l
m
n
kp
l
m
n
kp
l
m
'1
J1 - ny ny
p
r
p
r
p
r
p
r
s
t
c
v
z
v
J
w
s
t
-
-
-
-
w
s
t
ts
v
z
v
-
w
s
t
c
v
z
-
-
w
j y y y
• Cf. pour les détails, infra, IV.4.
graphique des langues ewe, fon et yoruba.
16
le système

Pages Lignes
ERRATA
(Tome 1)
au lieu de: lire:
49 3 magré malgré
97 22 etno-linguistiques ethno-linguistiques
102 5 ew-fon ewe-fon
109 15 lesqelles lesquelles
177-a 16 d'utilsation d'utilisation
182 8 praît paraît
184 7 enrtretiennent entretiennent
196 16 puise puisse
212 5 dactylograhiés dactylographiés
255 16 tra vaux travaux
263 21 hadicap handicap

INTRODUCTION GENERALE
19

Diaspora ewe-fon
des relations sociales entre les Blancs et les Noirs en
Amérique latine et dans les Caraïbes (1)11.
Il n'est cependant pas certain qu'un chercheur
négro-africain se pose aujourd'hui les mêmes problèmes,
ou se préoccupe particulièrement de l'altérité du Noir
brésilien par rapport au Blanc brésilien(2) .
Ce domaine constitue, il est vrai, le champ de
prédilection de la littérature et de la critique
littéraire afro-brésiliennes actuelles; mais ce n'est
sûrement pas ici le lieu d'en traiter, quel que soit
par ailleurs, l'intérêt que cela pourrait présenter
pour l'explication de certains phénomènes de contact
des langues et des cultures,ou pour l'examen de
certaines interprétations orientées. Dans ces cas, qui
ne sont pas rares, nous nous limitons à l'évocation de
l'idéologie sous-jacente sans plus.
Le lecteur trouvera néanmoins, dans notre
bibliographie que nous avons conçue exprès pour une
ouverture sur d'autres domaines et sur d'autres aires
d'influence négro-africaine, de nombreux
d'anthropologie, de sociologie, d' histoire
littérature, consacrés justement à ces problèmes.
22
titres
et de

En définissant notre sujet
Introduction
LES APPORTS LINGUISTIQUES "KWA" DANS LE PORTUGAIS DE
BAHIA
BRESIL : ETUDE MORPHOLOGIQUE ET ETYMOLOGIQUE,
nous avons choisi de nous limiter à la recherche et à
l'étude des faits linguistiques afro-brésiliens
circonscrits dans les zones d'influence
correspondant, sur le terrain brésilien, aux aires de
forte concentration jeje-nago (peuple de langues et
cultures ewe-fon et yoruba) , principalement les Etats
de Bahia et du Maranhao, dans le nord-est du pays ; et,
sur le terrain africain, à l'aire linguistique et
culturelle ewe-fon et nago-yoruba localisée dans le
golfe du Bénin, au sud du Togo et du Bénin, et au sud-
ouest du Nigeria.
Une première objection peut être faite à propos de
la restriction d'une telle étude à Bahia et au
Maranhâo , alors qu'entre ces deux Etats du nord-est
brésilien, s'égrènent, le long du littoral atlantique,
plusieurs autres Etats tels que Sergipe (cap. Aracaju),
Alagoas (cap. Maceio), Pernambouc (cap.Recife) surtout,
mais également, Paraiba (cap.Joao Pessoa), Rio Grande
do Norte (cap. Natal) Cea r à (cap. Fortaleza) et Piaui
(cap.Teresina) , où la population de descendance
africaine, sans égaler en densité celle de Bahia, est
tout de même considérable. On sait que le candomblé de
23

Introduction
Enfin, nous l'avons signalé dans notre avant
propos, notre projet d'étude s'inscrit dans le cadre
d'un programme de recherches conjointes entre
l'Université du Bénin (Togo) et l'Université Fédérale
de Bahia.
Les objectifs et les moyens mis en oeuvre, tels
que nous les exposons dans les pages qui suivent ne
permettent pas de déborder le cadre défini.
25

Introduction
la problématique linguistique afro-brésilienne doit
pouvoir être valablement posée sans préalable
historique ou ethno-sociologique, il reste encore, sur
le plan linguistique au moins, à expliquer cette
"intervention" autrement qu'à travers le prisme des
idéologies qui ont inventé l'esclavage, à la
réhabiliter, en replaçant le fait linguistique à son
juste niveau dans le processus général de formation,
d'évolution et de fonctionnement de la langue et de la
société.
En dépit des nombreux travaux déjà consacrés au
sujet (cf. infra, II.1.2.: les études de linguistique
afro-brésilienne travaux essentiels), cet aspect de
la question demeure,pour certains chercheurs, si non un
point de doute, du moins une question de moindre
intérêt.
Notre expérience dans
permet de constater qu'il
les premiers intéressés
brésiliennes.
le milieu brésilien nous
en est tout autrement pour
les communautés afro-
Nous concevons donc notre travail comme une
réponse autre et actuelle au besoin exprimé de part et
d'autre de l'Atlantique, d'une plus ample information
sur· la diaspora linguistique africaine. Réponse autre
parce que d'une part, tout en situant par exemple notre
démarche lexicographique (cf.infra, IV.l.
Présentation du lexique afro-brésilien ), dans la
tradition heuristique de nos prédécesseurs en la
27

Diaspora ewe-fon
matière, nous nous efforçons, autant que possible, de
ne pas déborder sur les domaines ethno-historique ou
socio-anthropologique, pour privilégier la donnée
linguistique; et que, d'autre part, elle semble, en
l'état actuel de nos informations,la première tentative
venant d'un chercheur négro-africain de notre aire
linguistique. Il faut peut-être le dire.
Notre réponse au besoin de connaissance des faits
linguistiques de la diaspora négro-africaine est
actuelle parce qu'en proposant, pour la première fois,
une approche étymologique poussée du lexique afro-
brésilien, elle permet d'accéder aux formes réelles et
vivantes des mots ewe-fon et yoruba d'où sont issues
les formes afro-brésiliennes qui ne sont pas toutes,
contrairement à ce que pensent certains auteurs des
formes figées de mots anciens (cf.infra, II.1.2. Les
études de linguistique afro-brésilienne travaux
essentiels ; et 111.2. Les interférences
linguistiques) .
Enfin, ce travail a encore un autre but, moins
évident, certes, mais qui s'inscrivait dans les
programmes d'échanges culturels et scientifiques entre
l'Université fédérale de Bahia (Centre d'Etudes Afro-
Orientales), et l'Université du Bénin (Département de
Linguistique et des Langues africaines) L'analyse
morphologique et l'étude étymologique que nous
présentons rassemblent les données de base exploitables
dans un programme d'enseignement, en Afrique comme au
28

Introduction
Brésil, d'une "linguistique afro-brésilienne "qui ne se
limite pas à constater,pour les déplorer, les
"entorses" faites au portugais par les langues
d'Afrique noire (cf. infra, 111.2 Les interférences
linguistiques), mais qui transcende la vieille
idéologie en cette matière pour interpréter
positivement et exploiter les nombreuses possibilités
créatrices offertes à la langue nationale brésilienne
par la présence et la disponibilité de sources
linguistiques et culturelles africaines.
l . 3 - LBs MOYENS MIS EN OBtlVU
1.3.1. - L'outillage linguistique et culturel.
Locuteur natif de l'ewe sur lequel
l'essentiel de nos activités de
ont porté
recherches
linguistiques jusqu'au début des présents travaux (deux
articles publiés (4) ) , nous avons, du fon, une
connaissance suffisante pour la reconnaissance et
l'interprétation des formes. Entre l' ewe et le fon,
l'intercompréhension est généralement estimée à 50%
environ (cf. II.3.2.4. regroupement des parlers
"gbe ll ) •
Nous n'avons du yoruba
théorique et livresque, basée
linguistique et de littérature
particulièrement abondants et
29
qu'une connaissance
sur les travaux de
(aspects culturels)
d'accès relativement

Diaspora ewe-fon
facile,
lisons
puisqu'ils
documentation.
normalement
sont écrits en
pour les
anglais
besoins
que
de
nous
Naturellement, pour le yoruba, aussi bien que pour
le fon et l'ewe, le concours d'informateurs d'âges et
de niveaux variés a comblé nos insuffisances
personnelles.
Par ailleurs, une longue expérience au contact du
milieu religieux traditionnel en pays ewe, fortement
influencé par le culte vaudou d'origine fon et par le
culte "fa" de style nago-yoruba, ainsi que la
connaissance de la langue du culte (vodugbe), nous a
évité le dépaysement total en présence des Candomblés
jeje et nago-ketu de Bahia.
Mais lorsqu'en 1982, nous avons été désigné pour
entreprendre au Togo, au Bénin et à Bahia les
recherches, et enseigner à Salvador, nous ne parlions
pas le brésilien. Une année d'initiation au portugais a
été nécessaire. Nous avons suivi, ainsi, les cours de
portugais spécialement organisés dans le cadre des
programmes d'échange inter-universitaires Togo-Brésil,
et assurés par M.Kofi Hévor, professeur d'espagnol et
de portugais à l'Université du Bénin à Lomé.
Cette formation a été complétée sur le terrain
brésilien par des séances de répétition que le
professeur Yeda Castro a organisées à notre intention
au Centre d'Etudes Afro-Orientales de Salvador.
30
la

Introduction
La connaissance relativement opérationnelle du
brésilien nous a permis un contact et une communication
faciles avec les membres des communautés afro­
brésiliennes au sein desquelles nous avons travaillé,
et d'accéder directement à la documentation en langue
portugaise pendant les deux séjours que nous avons
effectués au Brésil.
I.3.2. L'expérience des milieux afro-brésilien et
ewe-fon-yoruba étaiS naturellement, une condition de la
mise en oeuvre de notre projet d'étude.
Conformément à un plan de recherches préconisé par
le professeur Jean-Pierre Angenot (5) et recommandé par
Yeda Castro qui l'avait suivi elle-même pour ses
travaux (6), nos activités de recherches ont été menées
alternativement en Afrique et au Brésil.
Etant donné que ces activités se doublaient d'un
programme d'enseignement, ains i que nous venons de le
dire (cf.Avant propos), nous avons organisé notre
calendrier de travail de la manière suivante :
a - 1982 et 1983 : recherches préalables, au
Département de linguistique et des langues africaines
de l'Université du Bénin, afin de mettre au point:
- les programmes d'enseignement de la langue et de la
culture ewe, et de linguistique africaine : tonologie
des langues africaines.
31

Introduction
importante bibliothèque, avec, en 1985, environ 10.000
ouvrages et revues spécialisées.
Mais nous avons étendu nos sources de
documentation au Centre d'Etudes Bahianaises, au musée
afro-brésilien, et à la bibliothèque municipale de la
ville de Salvador, pour ce qui concerne l'histoire des
relations Afrique-Brésil (trafic négrier notamment), et
les problèmes relatifs à la population noire au Brésil
au cours des trois derniers siècles.
On peut dire, en l'état actuel des choses, qu'en
dehors de la question tant débattue , mais apparemment
jamais élucidée, de la documentation historique (cf.
infra,
\ 11.1.1 Synthèse historique et ethno-
linguistique), il est relativement aisé de se
documenter convenablement sur le domaine afro-brésilien
en général.
Quant au domaine plus spécialisé de la diaspora
linguistique négro-africaine au Brésil, qui nous
intéresse particulièrement ici, on remarque que la
plupart des auteurs en traitent, plus ou moins
superficiellement, en marge de leurs préoccupations
principales, ou plus ou moins globalement, en
embrassant l'influence africaine sous tous ses aspects
(cf.infra, II.1.2 Les études de linguistique afro-
brésilienne : travaux essentiels) .
Or, au-delà des informations générales,
l'orientation précise de notre sujet exige une
attention particulière aux travaux axés d'une part, sur
33

Diaspora ewe-fon
les questions de langues, et d'autre part sur
l'interprétation des apports supposés d'origine ouest­
africaine, notamment kwa, et dits d'influence jeje­
nago, c'est-à-dire ewe-fon et yoruba.
On est alors plus limité, car si la production
scientifique se fait de plus en plus abondante dans le
domaine de la linguistique afro-américaine ou afro­
brésilienne, comme on le verra plus loin, aucun travail
n'a été,· jusqu'ici exsclusivement consacré à
l'influence linguistique ewe-fon et yoruba.
Nous avons été conduit, par conséquent, à
privilégier, parmi nos sources d'information, des
travaux de synthèse comme ceux de Nina Rodrigues,
Renato Mendonça, Nelson de Senna, Gladstone Chaves de
Melo, Edison Carneiro, Yeda Pessoa de Castro, Sergio
Figueiredo Ferretti, qui, à tous égards, peuvent être
considérés comme des documents de référence et que nous
citons abondamment dans le chapitre consacré à l'examen
des travaux sur les questions afro-brésiliennes.
Toutefois, le lecteur remarquera, tout au long de
cette thèse que nos références à ces travaux, de
contenu et de valeur scientifique diversifiés, sont
complétées par des éléments d'autres études plus
récentes de moindre envergure, certes, comme les
publications de Mattoso Câmara,
Hazael-Massieux, entre autres,
l'intérêt de porter presque
34
Richard Allshopp, Guy
mais qui présentent
exclusivement sur la

Introduction
problématique linguistique, et d'élargir la question
aux autres pays de la diaspora négro-africaine.
Parallèlement, pour ainsi dire, à la documentation
de base, l'information directe, empirique, et les notes
prises sur le vif apparaissent comme indispensables,
dans une situation où les faits linguistiques marquants
intéressants restent, pour la plupart, à l'état oral
seulement (cf. IV. 3. Les caractéristiques du lexique
afro-brésilien), ou même ne peuvent être librement
saisis par les moyens modernes (cf.IV.3.5. Les
caractéristiques socio-linguistiques).
A ce sujet, le C.E.A.O. encadre un réseau de
relations intercommunautaires qui recouvre toutes les
maisons de culte et les groupes culturels satellites à
Salvador et dans le Recôncavo bahianais. Sa section
"information" suit de près le calendrier des
manifestations religieuses ou culturelles des divers
terreiros.
C'est grâce à cet encadrement que nous avons eu
accès au monde afro-brésilien des candomblés. Nous
avons pu, ainsi, non seulement assister à plusieurs
séances de culte et de manifestations culturelles, mais
encore être admis parfois dans la chambre sacrée dans
les terreiros les plus connus de Salvador, notamment
Ilê Ya Nassô ou Casa Branca, Gantois, Axe Opo Afonja,
et, bien sûr, Bogum que nous avons fréquenté plus
35

Diaspora ewe-fon
. ....
assldu, ment et dont nous présentons une esquisse ethno-
linguistique centrée sur l'examen du répertoire des
cantiques (cf.II.2.2.)
Nous avons connu, hors de la ville de Salvador,
mais toujours dans l'Etat de Bahia, les communautés
afro-brésiliennes des villes de Santo Amaro da
purificaçto, Cachoeira , Sao Felix et Feira de Santana,
mais c'est le terreiro jeje de Cachoeira que nous
connaissons le mieux, car il est la succursale de celui
de Bogum.
Outre ces maisons de culte bahianaises, nous avons
fréquenté, à Sao Luis do Maranhao, le terreiro jeje dit
Casa das Minas, un des hauts lieux d'importation du
culte ewe-fon des vaudou, largement décrite par Sergio
Figueiredo Ferretti dans sa thèse de 1983 (7), la Casa
Fanti-Ashanti, de création plus récente, et qui, comme
son nom l'indique, se réclame d'origine akan (Ghana),
mais exploite, en fait, un répertoire linguistique ewe-
fon et entretient, visiblement, un panthéon au moins
partiellement ewe-fon. Nous avons lu, sur la porte de
l'une des chambres sacrées, l'inscription "legba" qui
est le nom ewe-fon de la divinité messagère,
intermédiaire entre les hommes et les divinités
supérieures ; gardien des entrées et des croisées de
chemins ... (cf.ce nom dans le lexique étymologique).
Le contact direct et permanent avec des visites et
entretiens au sein des terreiros, a facilité le travail
36

Introduction
de sélection et d'exploitation des listes lexicales
disponibles qui vont constituer notre corpus pour
l'étude étymologique.
Il s'agissait essentiellement de nous assurer, auprès
de la population dite povo-de-santo "p e up l e - de - s a i nt "
qui vit autour des maisons de culte
- que les mots et les sens notés sont reconnus comme
tels ;
- que, par conséquent, l'ensemble des données lexicales
recueillies sont réellement intégrés à leurs
expériences religieuses et culturelles.
Ce qui nous autorise à considérer que le corpus
défini (cf.IV.2. : le corpus lexical), n'est pas, comme
on aurait pu le penser ,un corpus de mots autrefois
utilisés, mais aujourd'hui tombés en désuétude.
Ces listes de mots, ainsi que l'ensemble des
informa.tions notées au cours de cette première phase
brésilienne ont été soumis, ensuite, à une vérification
"contradictoire" si l'on peut dire, en Afrique.
Enfin, c'est à travers les interventions
publiques que nous avons pu saisir plus directement les
aspects essentiels de la problématique culturelle et
linguistique afro-brésilienne.
Outre les cours de langue et culture ewe-fon
à l'intention des communautés afro-brésiliennes de
Salvador dont nous reparlerons (infra, II.2.1.3
Qu'est-ce que la lingua-de-santo... ?), nous avons eu
l'occasion de donner un certain nombre de conférences,
37

Diaspora ewe-fon
nombreuses questions des collègues bahianais des
départements de littérature et des langues sur la
situation linguistique actuelle en Afrique noire. Nous
y avons fait la connaissance du professeur Manuel
Viergas Guerreiro de Lisbonne, qui était en mission
d'enseignement à l'Institut. Des discussions que nous
avons eues avec lui sur les questions de langue et de
littérature dans le contexte brésilien, nous avons
retenu des idées et des informations précieuses pour la
compréhension de certains faits spécifiques au domaine
lusophone.
- Nos interventions publiques ont été marquées, enfin,
par trois interviews dont deux à deux grands quotidiens
de Salvador : Correio da Bahia, 2 de setembro de 1983,
pagina 5 ; et Atarde, 6 de setembro de 1983, pagina 4.
Dans ces interviews qui ont eu lieu au C.E.A.O.,
nous avons fait état de nos premières réactions au
sujet des recherches étymologiques en linguistique
afro-brésilienne, et de l'interprétation historique des
valeurs culturelles provenant des peuples ewe-fon et
yoruba du golfe du Bénin. Nous y avons souligné la
nécessité de ne pas voir dans tous les apports
africains de cette région une origine exclusivement
yoruba. Cette position qui confirme celle de Yeda
Castro que ne partagent pas tous les chercheurs du
domaine, a provoqué des "contre-réactions" dont nous
mentionnerons ici celle du professeur Vivaldo Lima,
auteur d'un excellent article : "os Obas de Xangô" paru
40

Introduction
dans la revue Afro- Asia (12). Le professeur Lima nous
a rendu visite au C.E.A.O. où nous avons eu des
discussions fructueuses sur la question.
La 3e interview a été donnée le 5 décembre 1983
aux chargés de presse de la Federaçao de Ubanda e
Cul tos Afro-Brasileiros· do Maranhao pour le quotidien
Hoje de la ville de Sao Luis. Cette interview a été
reprise plus tard dans le 1° numéro du journal du
Centro de Cultura Negra du Maranhao (informations qui
nous ont été communiquées dans une correspondance du
professeur Angelina Pollak-Eltz de l'Université
catholique Andres Bello de Caracas, au Vénézuela) .
1. 3.3 . Etudes sur le terrain africain.
La période de juillet 1984 à juillet 1985 a été
consacrée au travail de vérification, au Togo et au
Bénin, des données rapportées de Bahia.
Les séances de vérification organisées avec nos
informateurs ewe, fon et yoruba (cf .Annexe III, 13),
ont permis de recueillir les éléments linguistiques,
historiques et socio-linguistiques pour la rédaction de
notre lexique étymologique.
Ce travail a nécessité deux déplacements à l'intérieur
de notre région
- à Cotonou, et à Agbome, en pays fon, puis à Savalou,
en pays mahi (mai 1985) d'où sont supposés être
41

I.3.4. - L'étude sur le terrain brésilien.
Introduction
Le deuxième séjour à Bahia a eu lieu d'août à novembre
1985.
Il a été consacré essentiellement à l'étude du
terreiro jeje do Bogum (cf.II.2.2.), à la mise au point
de notre plan de rédaction et au contact de quelques
spécialistes du domaine afro-brésilien, notamment
Pierre Verger, historien et ethnologue franco-brésilien
(72 ans en 1985), dont nous avons recueilli l'opinion
sur la question des étymologies populaires.
Une première rédaction de ce travail a commencé en
janvier 1986, et s'est poursuivie jusqu'en 1987, à
l'Université de Bénin, à Lomé.
Nous avons bénéficié de nombreux conseils et
critiques qui nous ont permis de corriger l'orientation
du travail par un réajustement du plan général,et d'en
améliorer
matérielle.
le développement et la présentation
l . 4. - ECONOMIE GBNKRALK DR L' ETODE •
Nous organisons cette étude en trois parties :
une première partie intitulée Introduction à la
diaspora linguistique africaine au Brésil ;
une deuxième partie consacrée à l'analyse
morphologique des apports africains ;
43

Diaspora ewe-fon
une troisième partie où nous présentons une
étude étymologique du lexique afro-brésilien d'origine
ewe-fon et yoruba.
LA DIASPORA LINGUISTIQUE AFRICAINE AU BRESIL.
Cette première partie a un caractère strictement
introductif et vise, par son aspect condensé, à
répondre à une exigence de synthèse, afin d' éviter le
danger de dispersion que nous avons évoqué au début de
cette introduction générale. Nous y retenons seulement
l'essentiel des informations historiques et ethno­
linguistiques en rapport, d'une part, avec la
constitution, au Brésil, de "riat i ons Il de candomblé Il
cu.lt es a f r o-ibr è s i Li.en s " dites naçoes jeje, nagô, nagô­
ketu, ou jeje-nagô, et, d'autre part, avec les langues
ewe, fon et yoruba, du golfe du Bénin qui sont à la
base des répertoires linguistiques exploités par ces
II n a t i o n s ll•
Trois chapitres sont consacrés à cette synthèse
introductive.
Dans le le chapitre Présentation ethno-
linguistique, nous exposons les données hitoriques
capitales de la traite négrière, notamment dans le
golfe du Bénin, avant de faire le point sur les
peuples introduits au Brésil par ce trafic et sur les
travaux de linguistique les plus remarquables publiés
sur les langues parlées par ces peuples.
44

Introduction
En effet on s'en doute à peine, le monde afro­
brésilien actuel est très peu ou très mal connu dans
nos pays du golfe du Bénin, à l'exception, peut-être,
du Nigéria qui n'a pratiquement jamais "rompu" le
contact, institué depuis la traite négrière, avec le
Brésil, surtout avec l'Etat de Bahia.
Le souvenir, déjà "émoussé", des anciennes
familles afro-brésiliennes "rapatriées" au Nigeria, au
Bénin et au Togo ne doit pas être considéré comme une
connaissance de la réalité afro-brésilienne actuelle.
On sait que peridarrt : longtemps, le Brésil, solidaire
avec le Portugal dans sa politique coloniale, s'est
refusé à une ouverture sur le monde négro-africain
(excepté l'Afrique du Sud, bien entendu! ).
Un article publié par Paulo Roberto dos Santos sur
les "Centres d'Etudes Africaines au Brésil", dans la
revue Recherche Pédagogie et Culture (13), fait le
point sur cette question et souligne que la politique
brésilienne d'ouverture vers l'Afrique n'a commencé
qu'après 1972, c'est-à-dire, à une époque bien récente,
par rapport à l'histoire du peuplement de ce pays par
les Africains.
Le besoin d'une plus large information de part et
d'autre a été nous l'avons évoqué plus haut, l'une
des raisons essentielles du projet de recherche
conjointe entre l'Université du Bénin (Togo) et
l'Université Fédérale de Bahia qui nous a conduit dans
ce pays dont nous n'avions, en fait, au départ, qu'une
45

Diaspora ewe-fon
représentation bien irréelle. C'était un monde
lointain, trop lointain... où l'IHistoire" avait emporté
des gens de chez nous, dont le souvenir est aujourd'hui
tabou dans nos villages du littoral du Golfe du Bénin,
pour les faire travailler dans le cadre d'une
organisation productrice de nature carcérale, comme
observe Moreno Fraginals (1984), qui souligne Il Ce
principe élémentaire ne saurait être négligé si l'on
veut procéder à une analyse sérieuse des apports
culturels africains (14) Il.
L'évocation de ces événements paraît également
incontournable sans doute dans un travail qui vise à
identifier des origines linguistiques ! Mais nous nous
limiterons à une synthèse, en tirant de la complexité
des faits historiques soulignés par les spécialistes de
ce domaine, ceux qui laissent, aujourd' hui, des
témoignages linguistiques intéressants pour notre
sujet.
Nous ne pensons pas devoir nous interroger sur
l'origine, ni même sur le nombre des peuples introduits
au Brésil pendant les trois siècles de trafic négrier,
car telle n'est plus, nous semble-t-il, la
préoccupation actuelle des recherches afro­
brésiliennes, ni la condition sine qua non d'un travail
linguistique valable. La documentation aujourd'hui
accessible sur la question montre bien que si les
statistiques ne sont guère fiables, tant elles varient
d'une étude à l'autre, les peuples identifiés, eux,
46

Introduction
restent généralement les mêmes chez tous les auteurs.
Ce gui fait encore défaut dans ce domaine, c'est une
meilleure connaissance des cultures et des langues de
ces peuples, d'une part, et une réflexion plus poussée
sur l'état actuel des phénomènes linguistiques,
notamment morphologiques et sémantiques repérables dans
le passage des mots africains (ewe, fon et yoruba), aux
mots considérés comme afro-brésiliens.
Toutefois, nous resterons plus attentif aux
peuples du Golfe du Bénin et à la terminologie
(toponymes, ethnonymes et glottonymes) utilisée pour
les identifier à l'époque, ainsi qu'aux termes du
vocabulaire usuel qui viennent de cette époque.
Le "phénomène afro-brésilien", comme opjet d'étude
a été saisi et analysé sous divers angles de la
connaissance histoire, anthropologie, ethnologie,
sociologie, linguistique etc... , mais aussi dans des
perspectives différentes, parfois ou souvent
divergentes, liées à des différences d'idéologies
culturelles, plutôt que de théorie ou de méthodologie.
L'exposé sur les travaux essentiels n'est
cependant pas conduit ici comme une étude critique des
précurseurs, mais comme un tableau synoptyque des
études de linguistique afro-brésilienne permettant
d'une part, de dégager, à partir des travaux considérés
comme classiques, les grandes tendances en ce qui
concerne l'orientation de la recherche, et d'autre
part, de définir clairement le niveau de contribution
47

Diaspora ewe-fon
réelle d'une recherche
l'étymologie des mots
soulignons le point de
antérieurs et le nôtre.
sur la morphologie et
afro-brésiliens. Nous y
démarcage entre les travaux
Au 2e chapitre le critère linguistique dans la
genèse et l'organisation interne des nations de
candomblé, nous examinons l' hypothèse fondamentale de
notre interprétation du fait linguistique afro­
brésilien : celle de la fonction de la langue dans le
culte et de l'impact du langage religieux sur la langue
générale, dans la situation afro-brésilienne.
Yeda Castro (1976) a soutenu que les nations de
candomblé constituées autour des terreiros sont les
principaux foyers de conservation, puis d'irradiation
des apports africains de tous ordres au sein de la
société brésilienne plus vaste.
Nous appuyant sur notre expérience personnelle
dans le milieu africain du culte vaudou, s0r des études
étrangères consacrées à la question et sur nos
fréquentations des membres et adeptes des candomblés,
nous montrons que le phénomène de conservation est
déterminé dans la situation afro-brésilienne par le
fait que la langue utilisée dans les cultes rituel,
panthéon et cantiques, est le critère, par excellence,
d'identification de la "nation".Le phénomène
d'irradiation des formes africaines dans la langue
populaire, puis dans la langue générale par effet de
lexicalisation (cf. infra, IV. 5 . 8 Le statut
48

lexicographique du mot),
rôle socio-culturel joué
africaines au sein de la
leur condition.
Introduction
est, lui-même , induit par le
par les populations négro­
société brésilienne, magré
Il est essentiel, dans ce domaine, de souligner le
couple des interactions langue-religion et religion­
vie, dans les sociétés africaines puis, par
transposition, ou presque, au sein des communautés
afro-brésiliennes actuelles, pour apprécier, à sa juste
valeur, cette analyse qui seule, à notre avis, explique
aujourd'hui le regain d'intérêt de l'africanité dans la
culture comme dans le langage chez les sujets
concernés.
Nos propres observations sur le terrain nous ont
permis de constater que souvent, les cultes candomblés
de Bahia, un peu à l'instar du vaudou haïtien, avaient
plus de force, de dynamisme et de prestige socio­
cuturel que les cultes africains dont ils sont issus.
C'est pour, en quelque sorte, toucher du doigt ce
phénomène que nous sommes entré au terreiro de Bogum
pour en étudier plus spécialement le répertoire
linguistique.
Cette étude nous permet d'avoir une idée concrète
de l'état actuel du répertoire de cette maison de culte
présentée souvent comme "le plus pur des terreiros
jeje" c'est-à-dire celui qui, à Salvador, s'est le
mieux préservé de l'influence des autres cultes
africains conservés au Brésil.
49

Diaspora ewe-fon
Comme on le verra, l'examen du panthéon à travers
les noms des divinités, les termes leur servant de
titres ou d'attributs et la forme actuelle des textes
des cantiques inspirent une conclusion légèrement
nuancée. Les frontières culturelles et religieuses ne
sont pas toujours aussi rigides qu'on le pense, même si
elles transparaissent dans des différences de
terminologie.
Dans le 3e chapitre : Les lanaues ouest-africaines
de la famille "Kwa ll , nous donnons un tableau d'ensemble
des langues impliquées dans les rapports Afrique-Brésil
pendant les trois derniers siècles, sur la base des
données historiques et des listes de peuples évoquées
dans la synthèse historique. Mais nous recentrons cette
présentation sur les langues ewe, fon et yoruba qui
nous préoccupent dans ce travail.
En effet, une étude de linguistique afro-
brésilienne doit, ainsi que nous l'avons évoqué dans
l'exposé de nos objectifs, associer à l'étude des
formes africaines observées au Brésil, celle des
langues-sources
exhaustive,
en Afrique,
certes,
mais
non
au
pas
moins
de
à
manière
titre
"informationnelIl, afin de préciser, chaque fois qu'il
en est besoin, ce que recouvre le terme africano du
point de vue linguistique, dans des mots ou expression
comme africanismo, termo afri cano, origem africana,
linguas africanas etc...
50

Introduction
Car, en fait, l'adjectif africano "africain"
employé pour renvoyer à une réalité linguistique ou
culturelle du continent, n'a pas plus de sens que
l'adjectif européen. employé par exemple pour désigner
une langue d'Europe.
Si l'on réexamine aujourd'hui les notions de negro
elemento "élément nègre" et d'africanismo "africanisme"
telles que les a définies dès 1888 Joao Ribeiro, un des
pionniers des études afro-brésiliennes (cf.infra,
II.1.2. Les études de linguistique afro-brésilienne:
travaux essentiels), on s'aperçoit encore mieux du
caractère vague et de l'inadéquation de la terminologie
classique les éléments nègres sont, écrit-il, «
toutes sortes d'altérations produites dans la langue
brésilienne par l'influence des langues africaines
parlées par les esclaves introduits au Brésil... »,
tandis que les africanismes sont les éléments lexicaux,
«vocables africains qui pénètrèrent dans la langue
portugaise (... ) par suite des relations établies avec
la race noire (15)>>.
C'est dans un souci de précision que Fernando
Ortiz réagit contre le terme africanisme qui a, comme
il le souligne à juste titre, une "connotation
géographique (qui) ne donne pas une idée exacte de ce
dont il s'agit (16)>>.11 propose "négro-africanisme" ou
afro-négrisme", alliance de termes plus judicieux,
pense-t-il, pour désigner les faits linguistiques
provenant spécifiquement des "Noirs d' Afrique". Nous
51

Dans le
opposition aux
avons affaire
Introduction
domaine jeje-nago afro-brésilien, par
domaines congo-angola et caboclo, nous
à un transfert de données culturelles
appartenant historiquement à un fonds culturel et
religieux commun à l'ensemble des peuples qui habitent
aujourd'hui la bande de forêt qui couronne le golfe du
Bénin, entre le bassin inférieur de la Volta, en
territoire ghanéen, et le Niger, en territoire
nigérian, c'est-à-dire, d' ouest en est, les Ewe, les Fon
et les Yoruba (cf. cartes n "1,2) . Nous reprenons ces
données dans l' étude comparative des dialectes de la
branche "gbe" (11.3.3.)
Devant les apports linguistiques et culturels de
cette région d'Afrique noire, il n'est pas prudent à
notre avis, d'orienter la recherche et les hypothèses
en direction d'un peuple, plutôt que de l'autre. Par
exemple, les travaux sur le maintien des cultes du
Golfe du Bénin au Brésil soulignent que les "saints" ou
les divinités des panthéons candomblé sont d'origine
yoruba (exclusivement) ? ), sans doute parce qu'ils
sont plus généralement désignés par le terme orixa
d'origine yoruba (cf.lex.ét.). Mais les orixas yoruba
ont leurs équivalents ewe-fon les vaudou (cf.
lex.ét.) terme également connu, mais moins courant au
Brésil (Bahia) que dans d'autres pays de la diaspora
comme Haïti, par exemple.
Nous partons du constat de la similitude des
cultures pour souligner ici que dans une recherche
53

Diaspora ewe-fon
étymologique sur le lexique
nago-ketu et jeje, il est
d'être attentif aux sources
fon. c'est pour cette raison
cadre linguistique de notre
culurels.
exploité dans les cultes
important, et plus juste
aussi bien yoruba qu'ewe­
que nous avons élargi le
travail aux deux groupes
Tout au long des développements qui suivent, nous
nous conformerons à l'usage courant, en ce qui concerne
l'emploi des termes africanisme ou langues négro­
africaines, dans leur acception la plus large, c'est-à­
dire lorsque nous parlons de faits linguistiques
généraux dans le cadre des langues des peuples noirs
installés au Brésil mais aussi, dans une acception
plus restreinte, quand il s'agit des langues
spécifiques que nous retenons, ici, c'est-à-dire les
langues kwa de l'est, comprenant
l'ensemble "gbe", regroupement des dialectes
traditionnellement appelés ewe et fon (Ghana, Togo,
Bénin)
l'ensemble yoruba, principalement au Nigéria, mais
aussi partiellement au Bénin et au Togo sous forme de
"poches linguistiques", c'est-à-dire d'enclaves de
communautés nago installées de longue date en plein
pays de langue ewe.
Il ne nous a pas été possible d'intégrer à ce
travail une étude systématique et exhaustive sur la
question de la parenté génétique entre les dialectes de
la branche yoruba et ceux de la branche "gbe". Mais
54

Introduction
nous avons jugé utile d'en signaler quelques éléments
de base ; (cf. : II. 3 . 5. : de la parenté génétique des
dialectes "gbe ll et des dialectes yoruba) .
ETUDE MORPHOLOGIQUE DES APPORTS.
Cette deuxième partie comporte trois chapitres
dans lesquels nous mettons l'accent essentiellement sur
les marques morphologiques des parlers afro-brésiliens,
susceptibles d'être attribuées au contact des langues
africaines, et sur les possibilités de création
lexicale par intégration morphologique des éléments
africains.
Le le chapitre Les aires dialectales donne
d'abord une idée du paysage linguistique à travers les
classements proposés par deux linguistes brésiliens
Rodolfo Garcia et Antenor Nascentes.
Mais peut-on légitimement
dialectales au Brésil ?
parler
d'aires
On le verra, les répartitions géo-linguistiques
proposées ne correspondent, en fait, qu'à des aires de
plus ou moins forte présence démographique négro­
africaine déterminant une plus ou moins forte influence
linguistique africaine.
C'est la morphologie qui est privilégiée dans la
plupart des travaux consacrés à l'étude des traits
caractéristiques du brésilien populaire dus au contact
55

Introduction
oga-de-levar-para-o-tâ "prêtre responsable des bains
rituels" ; ou bien -iao, d'origine yoruba, par rapport
à quitanda-, d'origine bantu, dans le mot quitanda das
iao "ve nt e publique à caractère rituel... " ?
Dans des cas de ce genre, nous nous sommes laissé
guider par la réalité du terrain et de l'usage qui est,
sur le plan linguistique, le mélange des apports, au­
delà des distinctions ethniques ou culturelles.
ETUDE ETYMOLOGIQUE DU LEXIQUE AFRO-BRESILIEN.
Cette troisième partie comporte une présentation
générale des caractéristiques du lexique afro-brésilien
observables à partir d'un corpus limité mais
suffisamment représentatif, et une étude étymologique
et historique des termes afro-brésiliens issus des
formes ewe, fon ou yoruba aujourd'hui identifiables.
Dans l'Introduction au répertoire étymologique,
nous soulignons un certain nombre de faits liés à la
tradition lexicographique afro-brésilienne, si l'on
peut dire, qui, à notre avis, ne peuvent être attribués
qu'à un manque d'attention ou d'intérêt pour les
réalités linguistiques et culturelles de l'Afrique
actuelle.
Nulle part, dans les listes lexicales présentées
jusqu'ici, il n'est traité du mot afro-brésilien et de
son étymon africain avec toute la rigeur méthodologique
57

Diaspora ewe-fon
souhaitable, ni
hypothèses
culturelles.
sur
avec la prudence
les origines
nécessaire
dans
linguistiques
les
Le lexique étymologique que nous présentons vise à
fournir le maximum d'informations aujourd'hui
accessibles sur les termes et leurs significations
saisis, non seulement dans la situation brésilienne,
mais également dans la situation africaine.
Dans le domaine de la linguistique afro­
brésilienne, l'approfondissement du volet africain nous
semble un préalable à une interprétation plus juste des
faits. C'est ce qui justifie le caractère analytique de
notre étude étymologique.
tes chercheurs, qui ne sont généralement pas des
Afro-Brésiliens ou des Africains, ne semblent pas
attacher beaucoup d'importance à l'analyse
morphologique et sémantique de l'étymon africain,
lorsqu'ils en proposent un. Il Y a certes, quelques
exemples, chez Rodrigues (1922), que nous signalons
dans le lexique aux entrées concernées, mais, à notre
connaissance, la première tentative d'extension à un
corpus plus élargi est celle de Yeda Castro (1976), et
là encore, l'étude se limite à l'énonciation de la
langue-source et de l'étymon sous une forme graphique
approximative.
Il est possible, en
connaissances sur ces langues
qu'elles véhiculent, d'aller
58
ou
l'état actuel des
et sur les cultures
au-delà de cette

Introduction
approximation et de déterminer les éléments
linguistiques et culturels utilement exploitables dans
une étude comparative sur l'Afrique et la diaspora
noire au Brésil.
Enfin, un examen récapitulatif des sources
linguistiques et des formes identifiées permet de
proposer, en guise de conclusion, une identification
dialectale précise des apports de notre aire
linguistique dans la langue de Bahia. Le lexique
étymologique est ,ainsi, une partie intégrante et
essentielle de notre étude, et non une liste de mots en
annexe.
59

II.
LA DIASPORA LINGUISTIQUE NEGRO-AFRICAINE AU BRESIL.
61

Diaspora ewe-fon
62

l l . 1 .
PRESENTATION ETHNO-LINGUISTIQUE.
63
Ethna-linguistique

Diaspora ewe-fon
64

Diaspora ewe-fon
ajoute Josué
autophage
avalant des
la
de
Castro, "procède par un
canne dévorant tout autour
régime
d'elle
terres et encore des terres , dissolvant
l'humus du sol, annihilant les petites cultures sans
défense et le propre capital humain d'où sa culture
extrait toute la vie (souligné par nous) (3)".
Les descendants directs ou par voie de métissage à
divers degrés (cf. Annexe II, note 2) de cette
importante masse humaine constituent aujourd'hui, dans
les Amériques Amérique du Nord, Caraïbes et Amérique
latine ce qu'on appelle la "diaspora negro-africaine".
Ce terme ne plaît pas beaucoup dans certains milieux
intellectuels brésiliens, d'après les observations qui
nous ont été faites. On estime que la notion de
diaspora, dans la définition classique brésilienne du
terme :"disperçào de povos por motivos politicos ou
religiosos, em virtude de perseguiçào de grupos
dominadores intolerantes (4)" "dispersion de peuples
pour des motifs politiques ou religieux, par suite de
persécution de groupes dominateurs intolérants", exclut
implicitement l'état de servitude et suppose un
conflit d'idées, ce qui n'était pas le cas des peuples
transférés en Amérique, et le maintien, en principe, de
l'appartenance ethnique.
Il est abondamment démontré que l'esclavage a
détruit, chez les Afr i cai.n s transférés, la conscience
66

Ethna-linguistique
ethnique ou clanique et qu'en dehors des contacts à
caractère touristique
récupération de la
Afro-Brésiliens, même
et du
culture
s'ils se
mouvement récent de
négra-africaine, les
regroupent dans des
"nations" de culte basées sur une ascendance historique
bantu, nago ou ewe-fon, comme nous le verrons au
chapitre suivant (II.2), ne sont pas, ou plus des
Bantu, des Nago ou des Ewe-Fon, mais des Brésiliens
tout court. Arguments parfaitement valables dans
l'optique de l'idéologie nationaliste brésilienne qui
les sous-tend, bien entendu. Il n'en demeure pas moins
évident que dans une interprétation moins pointilleuse,
l'expression est historiquement fondée, ce qui explique
d'ailleurs qu'elle soit généralement employée par les
chercheurs latina-américains.
Le Brésil est l'un des premiers et des plus gros
"bénéficiaires" de ce mode de peuplement et de
développement trafic négrier et économie basée sur la
main-d'oeuvre servile), mais aussi l'un des derniers à
y mettre· un terme si nous nous référons aux dates et
aux chiffres réunis par les spécialistes qui se sont
particulièrement penchés sur le cas brésilien.
Sur les tenants et les aboutissants historiques de
l'économie esclavagiste brésilienne, dont nous n'avons
pas à nous occuper dans ce travail, nous nous
permetttons de renvoyer le lecteur au résumé que nous en
67

Diaspora ewe-fon
faisons en Annexe l, note 2.
Les documents officiels relatifs au trafic des
esclaves ont été brûlés sur ordre du Gouvernement
brésilien (Circulaire du 13 mai 1891, du ministre des
Finances, le bahianais Ruy Barbosa), sous le pretexte
officiel que "la nouvelle République brésilienne
(proclamée en 1889) devait supprimer ces vestiges d'une
institution très funeste pour l'honneur de la patrie et
en hommage à nos devoirs de fraternité et de solidarité
envers la grande masse de citoyens qui, par l'abolition
de la servitude (en 1888) , sont entrés dans la
communauté brésilienne (5) "
Cependant, historiens, ethnolologues et économistes,
se fondant sur des registres d'exploitation des moulins
à sucre et des plantations, ainsi que sur des registres
douaniers disponibles aux Archives Publiques de Bahia,
ont reconstitué la chronologie du trafic négrier entre
le Brésil et les côtes africaines de l'Atlantique et de
l'Océan Indien, dressé des statistiques dont les
chiffres restent toujours hypothétiques (Cf. Annexe l,
note 2).
Ce qui est certain, c'est que les zones d'extension
du trafic négrier s'éparpillent, d'un siècle à l'autre,
entre 1518 et 1873 ou 1888, de la pointe du Cap Vert à
la limite septentrionale de l'Angola actuel, et sur le
littoral du Mozambique appelé contra costa
68

Ethno-linguistique
."contre-côte", dans la terminologie du commerce
bahianais de l'époque.
Le trafic concerne, par conséquent, tous les peuples
du littoral ouest-africain de type soudanais et les
peuples du littoral de l'Afrique équatoriale, de type
bantu (Cf. infra, II.3.1 Les langues de la
diaspora... ) .
Mais notre synthèse historique se limite à la zone
ouest-africaine, et à l'intérieur de celle-ci, plus
précisément au golfe du Bénin et aux peuples du
littoral et de l'arrière pays du Ghana, du Togo, du
Bénin actuel et du Nigéria, ainsi que nous l'avons
souligné dans la définition des limites de notre sujet
(Cf. supra, 1.1. et infra, II. 3.) .
Elle se fonde sur les synthèses plus riches, existant
au C. E. A. o. de Salvador, sur les cycles historiques
"Afrique-Brésil", entre le XVIe et le XIXe siècle,
notamment la partie historique de Yeda Castro (de
l'Intégration . . . ) où la base de la documentation est
essentiellement constituée par les ouvrages de Luiz
Vianna Filho 0 Negro na Bahia ( 1946) et de Pierre
Verger Flux et Reflux de la traite des nègres entre
le Golfe du Bénin et Bahia de Todos os Santos, du XVIIè
au XIXe siècle (6).
L'ouvrage de Vianna Filho, généralement présenté
conune la "meilleure synthèse" historique sur le trafic
69

Diaspora ewe-fon
sur le territoire brésilien, de tel ou tel peuple, car
c'est autour de cett e question que tournent les
controverses de l'histoire de la diaspora
négro-africaine. La prépondérance numérique servira de
critère d'évaluation de l'impact culturel africain et
de sa diffusion sur toute l'étendue du territoire.
Ainsi par exemple, l'orientation de Vianna Filho
est en faveur d'un ethnocentrisme bantu, interprété
comme une réaction contre les travaux de Nina Rodrigues
(1922) qui privilégie l'influence culturelle yoruba.
Nous en reparlerons au paragraphe suivant, puis dans
notre conclusion sur l'examen des "aires dialectales"
brésiliennes (111.1), mais notons ici que, même chez
Pierre Verger,
axée sur les
Bahia.
la recherche est presque exclusivement
peuples yoruba et leur concentration à
Nous ne relevons nulle part, dans la documentation à
laquelle nous avons eu accès, aucune orientation
particulière ou exclusive vers les peuples ewe-fon, à
l'exception, bien entendu, des travaux concentrés sur
le Maranhâo, dont principalement l'étude de Ferretti
(1983). Pierre Verger à qui nous avons rendu visite
dans son "domaine résidentiel" à Salvador, dans le
cadre de nos recherches en septembre 1985, a reconnu
verbalement la nécessité de "chercher du côté des Ewe
et des ron " C'est de ce côté-là que nous avons
72

Ethno-linguistique
orienté surtout nos interrogations, sans toutefois
perdre de vue les données du domaine yoruba qui,
souvent, sont indissociables des éléments ewe-fon, comme
nous l'avons souligné dans l'introduction générale.
Enfin, ce qu'il nous semble essentiel de retenir comme
preuve historique des prélèvements massifs opérés parmi
les populations ewe, fon et yoruba, c'est que tout au
long des trois siècles et demi (1539-1888), le trafic
négrier sur le littoral ouest africain et à destination
de Bahia était articulé principalement autour de
l'histoire du royaume fon d'Abgomè (Abomey, en
orthographe française), dans l'ancien Dahomey (actuelle
république populaire du Bénin: voir carte 1 et 2), et
de celle de l'empire yoruba d'Oyo, au Nigéria (7).
Au cours des xymè et XIXè siècles surtout, "la
traite était devenue, pour le royaume du Dahomey une
industrie nationale. L'économie du royaume reposait sur
les expéditions annuelles contre les populations
limitrophes" , écrit l'ethnologue Alfred Métraux (8). A
la fin du XVIIIe siècle, la désorganisation de l'empire
d'Oyo et l'invasion de Kétu, bastion de la civilisation
"aja-yoruba" (9) par le royaume de Dahomey se sont
soldées par la capture la vente et le transfert
--massif
vers l'Etat brésilien de Bahia ou vers d'autres
pays d'Amérique et des Caraïbes, des peuples de langue
ewe-fon et yoruba.
73

Diaspora ewe-fon
Ces
événements
qu'aujourd'hui
encore
ont
nos
été
d'une
sociétés
marques, tant sur le plan culturel
linguistique.
telle ampleur
en portent les
que sur le plan
Dans les pages qui suivent, nous nous intéresserons
plus aux témoignages linguistiques, qu'au déroulement
chronologique des faits historiques (Cf. supra I. 4.
économie générale de l'étude).
II.l.l.2 les témoignages linguistiques à travers
l'histoire du trafic négrier.
La traite négrière a laissé dans la terminologie des
études sur l'Afrique et le Brésil un certain nombre de
termes chargés d'une grande puissance évocatrice,
aujourd'hui abondamment utilisés dans les chansons
populaires qui entretiennent, chez les Afro-Brésiliens,
cette nostalgie tragique appelée banzo et dont Eduardo
de Oliveira fait, en 1965 le thème central de ses
poèmes.
Pour le linguiste, les termes qui ont marqué
l'histoire du trafic sont autant d'indices exploitables
pour l'identification des langues parlées dans les pays
concernés. Leur examen et leur comparaison avec les
données actuelles de la dialectologie de notre aire
linguistique et culturelle permettent de "réajuster",
si l'on peut dire, aussi bien les généralisations que
74

Ethno-linguistique
(El Mina) et son contexte socio-historique pendant
l'occupation portugaise (1482-1637) (12).
Dans la topographie du commerce bahianais avec tous
ces ports et forteresses, les termes qui reviennent le
plus fréquemment sont arguim ou cabo branco, cabo
verde, costa-da-mina, costa-da-guinê, ajuda, popo.
Les deux premiers toponymes renvoient à
l'extrême-ouest du littoral ouest-africain, dans la zone
de langue manding qui ne nous concerne pas ici. Nous
notons toutefois que le terme cabo verde "cap vert"
est lexicalisé au Brésil comme synonyme de cafuzo (mot
d'origine bantu) "métis de N'oir et d'Indien". Dans
l'argot bahiannais, il est ainsi défini "pessoa de
pigmento muito escuro, cabelos pretos, lisos,
lustrosos, traços cericéci cos (Iri c i otiex uo .de giria
brasileira) " , c'est-à-dire, généralement, toute
personne ayant la peau très noire, et les cheveux noirs
et lisses.
11.1.1.2.1.1. - Costa-da-mina
Ce terme, souvent traduit "côte de Mina" quand
l'expression portugaise n'est pas reprise telle quelle,
devrait être traduit "côte-de-la-mine" car
historiquement, le terme est né
commerciales attachées à la côte de
Coast) qui était également la côte
77
des activités
l'or (la Gold
des esclaves et

Diaspora ewe-fon
dépendait du fort Sào Jorge d'El Mina d'où partaient
les négriers.
On sait, par ailleurs, que pendant tout le cycle
négrier de Mina (XVIIIe siècle), les esclaves embarqués
à Sào Jorge d'El Mina étaient destinés, pour la
plupart, au travail dans les mines brésiliennes (Bahia
et Minas Gerais) ,parce qu'ils étaient déjà employés à
cette tâche dans les mines de la Gold Coast d'alors.
Dans ces conditions, le terme serait sémantiquement
lié au mot portugais mina ['mina] "mine".
Mais Verger soutient dans ses travaux (1968) que la
costa-da-mina correspondait, dans la topographie de
l'époque, au littoral du Dahomey, jalonné des ports
négriers de Ouidah, Jaquin, Apa et Popo
particulièrement actifs pendant le XVIIIe siècle.
Quoi qu'il en soit, l'usage fréquent du terme comme
toponyme a déterminé son emploi comme ethnonyme, ce qui
crée de sérieux problèmes quant à l'identification des
peuples embarqués sous cette étiquette. Nous le verrons
plus loin, à propos des ethno-glottonymes.
11.1.1.2.1.2. - Costa-da-Guinê.
A notre avis, l'expression costa-da-guinê "côte de la
Guinée" est le toponyme le plus vague et le plus ambigu
dans l'histoire du trafic négrier sur le littoral
ouest-africain, puisqu'en fait, il a désigné dès le
78

Diaspora ewe-fon
Ouidah. Nous pouvons en déduire que le mot était
largement répandu dans l'usage en pays de langue fon
pour désigner Bahia. Les esclaves informateurs de
Peixoto en auraient, sans doute, connaissance avant
d'arriver dans les mines de Minas Gerais.
Paradoxalement, Maurice Delfosse (15) définit
Ajouda/Agouda comme un toponyme indigène de cette même
ville de Ouidah dont le nom authentique en langue fon
est Glèhoué [glèxwé] < glè "champ" et hoé/xwé "maison,
demeure" .
Cette
hors de
ville était, en effet,
la ville (fon) de Savi
"la
ferme
(16 ) " au
véritable,
milieu des
terres cultivées ou cultivables. Mais c'était surtout,
dans l' histoire de notre région, le "grand témoin" du
trafic négrier et le lieu où se sont croisés et heurtés
les puissances colonisatrices aux XVIIIe et XIXe
siècles. Les lignes suivantes, d'Alfred Métraux sont à
ce sujet très émouvantes: liEn 1727, le roi du Dahomey
"cassa " le petit royaume de Ouidah (la Juda des vieux
récits de voyage) et en fi t un grand entrepôt
d'esclaves qui fut fréquenté par les négriers jusque
dans la seconde moitié du siècle dernier. (... )
Lorsqu'on parcourt les quelques kilomètres qui, à
travers dunes et marais unissent la ville à la côte, on
ne peut s'empêcher d'accorder une pensée à ces longues
caravanes d'hommes, de femmes et d'enfants, pour qui ce
80

Diaspora ewe-fon
(cf. infra, II.3.3.3 quelques critères linguistiques
de regroupement). Les Européens ont transcrit le nom de
différentes manières également, mais sans qu'il nous
soit possible, aujourd' hui, de dire les raisons
linguistiques des différences
- Fida, orthographe hollandaise,
- Whidah, orthographe anglaise,
- Ouidah, orthographe française,
- Juda, orthographe portugaise.
Au cours du XIXe siècle, de nombreux Afro-Brésiliens
affranchis et "rapatriés" se sont installés dans cette
ville où on trouve aujourd'hui un quartier appelé
"Brésil".
Des termes du vocabulaire usuel, forgés à partir de
àgùdà indiquent, par leurs significations, que le mot,
utilisé comme toponyme, renvoie plutôt à un lieu
"outre-atlantique" ; nous le verrons plus loin.
II.1.1.2.1.4. - "Popo : toponyme et ethno-glottonyme".
Sur les emplois de ce terme comme glottonyme, nous
renvoyons le lecteur aux remarques que nous faisons
plus loin (11.3.3.2. Inventaire des parlers "gbe"), à
propos du parler 2 9 : "Phla".
Dans les- documents anciens traitant
littoral,' Popo désigne constamment, s.ous
"Petit-Popo" et Grand-Popo", les villes
82
de
notre
les formes
actuelles

,
Ethna-linguistique
d'Anex;), au. Togo, et de Phla, au Bénin. Ces villes
étaient, on le sait, de petits royaumes côtiers qui,
avec Ouidah et Allada, se livraient, au XVIIIe siècle,
d'incessantes guerres alimentées et soutenues, il faut
le dire, par les trafiquants (cfr. : Argyle - 1966 et
Gayibor - 1985, entre autres) .
83

II.1.1.2.2. - Les ethno-glottonymes.
Les "ethno-glottonymes" qui, dans la terminologie du
commerce bahianais des XVIIIe et XIXe siècles
renvoyaient précisément à notre aire linguistique et
culturelle étaient gentio-da-costa, gentio-da-Guinê,
ou leurs variantes respectives escravo-da-costa,
escravo-da-Guinê ; minas, aladas/arda/ardra, benims,
jeje, mahi, savalu, mahi-savalu.
II.1.1.2.2.1. - Gentio-da-Guinê et gentio-da-costa.
Nous avons vu plus haut, à propos des toponymes
(II.l.l.2.1.2.costa-da-Guinê), que ces expressions
étaient les dénominations, à caractère géographique,
des premiers Africains débarqués au Brésil. Excepté
leur rôle de simples rubriques comptables dans les
registres de bord des navires, ces termes sont
inexploitables. Ils ne nous apportent aucune indication
sur les origines ethno-linguistiques.
Le mot gentio a une connotation dépréciative dans son
emploi dans la situation socio-linguistique brésilienne
des années 1530. Il signifie" bas peuple ou, dans une
85

"ethno-glottonyme" nous
d'identification les mieux
Ethno-linguistique
paraît un des termes
localisables sur notre aire
géographique, et dans la chronologie des faits liés au
trafic négrier. Particulièrement fréquent dans les
registres exploités par Pierre Verger aux Archives
publiques de Bahia (20), raison pour laquelle ce
dernier a baptisé les XVIIIe et XIXe siècles "cycle de
Mina" (cf. II. 1.1.1. Le trafic négrier les données
historiques essentielles) ,le mot désigne l'ensemble des
esclaves en provenance des ports situés sur le littoral
du Dahomey et du Nigeria, c'est-à-dire Grand-Popo
(actuel Agouegan), Ouidah, Porto-Novo, Badagri, Lagos
(cf. cartes 1 et 2).
Cette période coïncide, en effet,avec les événements
historiques qui ébranlèrent les petits royaumes côtiers
(cf.supra, I1.1.1.2.1.4. "Popo" toponyme et
ethno-glottonyme) et l'empire yoruba d'Oyo
(cf.I1.1.1.1. :Le trafic négrier les données
historiques essentielles), et qui déversèrent sur le
marché négrier de Bahia un nombre considérable
d'esclaves fon, gun, mahi et yoruba (21).
Cependant, dans la topographie du trafic, on
désignait encore ce littoral par "Costa-da-mina" (cf.
supra, I1.1.1.2.1. Les toponymes du commerce
bahianais), ce qui ne
"flottement" dans la
manque pas de créer un certain
signification exacte du terme
87

Diaspora ewe-fon
mina. Des remarques s'imposent à ce sujet, que nous
faisons, en replaçant le mot dans son contexte au
Brésil d'une part, et dans sa réalité
socio-linguistique actuelle au Bénin et au Togo,
d'autre part.
Dans l'usage brésilien, nous notons deux
interprétations nettement opposées celle de Nina
Rodrigues et celle de Pierre Verger. L'auteur de os
Africanos no Brasil, après avoir observé que le nom
était, au Brésil, la "dénomination populaire" de
presque tous les esclaves de l'Afrique au nord de
l'équateur, comprenant non seulement les Nago, les
Achanti et les Fanti, mais aussi beaucoup d'autres
peuples soudanais, retient, dans son étude, une
acception restreinte, appuyée, dit-il, sur les
témoignages mêmes des Africains de Bahia. Le mot
désigne seulement les esclaves de langue "tishi" ou
Odji (il s'agit, bien sûr, du twi) et ga, c'est-à-dire,
les Achanti, les Fanti de la région d'El Mina
(cf.supra, II.1.1.2.1.1. la Costa -da Mina ), et les Ga
de la région d'Accra dans l'actuel Ghana.
Al' époque où Rodrigues faisait ses recherches dans
la ville de Salvador, ces langues étaient déjà
éteintes, bien qu'on pût, précise-t-il, trouver encore
quelques nègres de cette provenance (22).
Notons ici que les langues et cultures twi/fante de
88

la branche akan restent cependant
influentes dans d'autres pays de
négro-africaine, comme chez les Bajans
(Petites Antilles) et en Jamaïque (23) .
Ethno-linguistique
de
encore
la
très
diaspora
la Barbade
. Leur extinction rapide au Brésil s'expliquerait,
selon Rodrigues, par le fait que ces peuples étaient
arrivés très jeunes et n'avaient pas pu conserver leur
langue à laquelle ils auraient substitué le nago,
devenu langue générale des esclaves.
On sait que l'âge moyen des esclaves au XIXe siècle
était de 15 à 20 ans, et qu'à partir de 1830, comme le
note Moreno Fraginals, a commencé l'introduction
massive, dans l'ensemble du Nouveau Monde, d'enfants de
9 à 12 ans, car "le système d'exploitation extensive
des plantations et des mines exigeait des hommes
jeunes, sains et forts (24)". Mais le point de vue de
Rodrigues n'est pas pour autant tout à fait justifié,
car en fait, l'Etat de Bahia a reçu fort peu d'éléments
achanti et fanti et encore moins gà. Au XIXe siècle, le
pays ashanti, c'est-à-dire la Gold Coast, était sous
domination anglaise et la main d'oeuvre servile de
cette région était plus massivement exportée vers les
possessions anglaises des Caraïbes (25) .
A l'interprétation de Rodrigues, s'oppose,
disions-nous, celle de Verger qui, dans l'ensemble de
ses travaux, estime que la dénomination negra mina
89

Ethno-linguistique
populaire à Bahia, Yeda Castro (1976) signale que
l'abondance de negras minas au sein de la société
servile donna lieu à des stéréotypes et à des mythes
qui sont restés jusqu'à nos jours. La négresse mina
symbolise la femme libidineuse, provocante, comme le
suggère l'expression populaire ter bunda de negra
mina "avoir les fesses de négresse mina".
Contre-partie, si l'on peut dire, de cette image, la
négresse mina est aussi la femme robuste, dure à la
tâche, dans l'expression
atuar que nem negra mina litt. "endurer plus qu'une
négresse mina".
Ces mythes qui se sont forgés autour de la femme mina
dans la situation socio-cuturelle brésilienne, nous les
retrouvons chez nous, en milieu mina ou gen, et
répandus dans les groupes sociaux voisins, c'est-à-dire
ewe, fon etc... (voir à ce su jet, le mot gàg6 dans le
lexique étymologique) Il nous paraît certain que la
femme mina était arrivée au Brésil avec déjà ces images
qui répondaient, en fait aux critères essentiels de
sélection des esclaves, et que plus tard, la
littérature brésilienne a exploitées et amplifiées
autour du mythe de la morena "femme noire ou brune
(26)" .
Quoi qu'il en soit, le terme mina conserve dans tous
ses emplois, une certaine ambiguïté due, d'une part, à
91

Diaspora ewe-fon
son identité morphologique avec le mot portugais mina
"mine" aggravée du fait de l'importance prise par le
fort d'El Mina dans l'hi,stoire du trafic négrier.
D'autre part, il y a un fait, également déterminant,
nous semble-t-il, dans la fortune de ce nom au Brésil
et en Afrique, qui est lié à l'histoire du peuple
dénommé "Mina", installé sur le littoral du Togo et du
Dahomey (actuel Bénin) depuis le XVIIe siècle.
Quand on interroge aujourd'hui un Mina ou Gen [gel du
Togo ou du Bénin sur son identité ethnique, il remonte,
avec un certain orgueil - légitime -, à ses ancêtres :
les Fanti ou les Ga de la région d'El Mina et d'Accra,
au Ghana.
Les travaux de Westermann (1927 et 1952/1970), et de
Gayibor (1985) ont, selon' l' expression de l' historien
Emmanuel Karl-Augustt, "campé d'une manière définitive
l' histoire de ce groupe ghanéen qui se fit togolais à
la fin du XVIIe siècle (27)". Les premiers émigrants
du Ghana à s'installer sur la côte du Togo, à Glidji,
ne sont pas des Fanti, précisent les historiens, mais
des Gen d'Accra (on sait que le toponyme africain de la
ville d'Accra est Ge ), appelés Genu [genù] ou Gengbo
[qeqbô ], c'est-à-dire "peuples ou gens de Gen", dans la
langue du littoral togolais. Les Fanti d'El Mina,
arrivés après, se sont installés à Ané xo et se sont
fait appeler "Mina" pour se différencier des Gen
92

II.1.1.2.2.4. - MahiISavalu/Mahi-Savalu.
Ethno-linguistique
Dans les documents exploités par Verger pour établir
les stastiques relatives aux différents peuples
ouest-africains, la dénomination "rnah.i " apparaît à côté
de "Savalu", ce qui pourrait laisser croire qu'il
s'agit de deux peuples d'origine différentes.
Les Maxi [màxi] sont une ethnie ajatado, c'est-à-dire
du groupe ewe-fon localisé au nord du royaume fon
d'Abomey, dans le Dahomey. Aux XVIIe et XVIIIe siècles,
ils étaient, avec les Aja, plus à l'ouest, et les
Nago-Yoruba plus à l'est, les ennemis traditionnels
contre lesquels les rois successifs de ce puissant
royaume menaient d'incessantes attaques qUl.
nourissaient le commerce d'esclaves destinés au Brésil
et à d'autres pays de la diaspora négro-africaine.
Savalu [savà16] est le nom de la capitale du pays maxi.
Les deux termes renvoient, par conséquent, à une
seule et même entité ethno-linguistique.
Nous reviendrons sur cet ethnonyme dans l'étude du
terreiro
adeptes
jeje de Bogum (11.2.2.), car
de cette maison de culte,
les membres et
à Salvador,
s'identifient formellement comme des descendants
d'Africains maxi de Savalu.
II.1.1.2.2.5. - Jeje.
Le terme
['JtJi] à
Européens.
jeje,
Bahia
Mais
encore écrit
et ['Je3e]
l'administrateur-historien
95
gege,
par la
est prononcé
plupart des
français

Diaspora ewe-fon
Robert Cornevin écrit IIDjedje" (24) , ce qui a
probablement influencé la prononciation [3e3e] que nous
notons aujourd'hui au Bénin et au Togo où, il faut le
dire, le mot n'est connu que par ceux qui sont informés
des questions afro-brésiliennes.
Au Brésil, cet ethno-glottonyme désigne les
descendants des Africains venus de la région côtière du
Togo et du Dahomey pendant la traite négrière. Mais le
mot appartient d'abord à la terminologie de l'histoire
du trafic où il apparaît constamment dans les
inventaires et les listes d'esclaves.
Compte tenu, d'une part, de son implication
particulière dans le contexte socio-culturel
afro-brésilien actuel à Bahia, et d'autre part, des
problèmes qui se posent quant à son origine, nous lui
consacrons, dans le lexique étymologique, une étude
approfondie, qui est le résultat d'enquêtes
préliminaires effectuées au Bénin et au Togo en 1982,
dans le cadre des préparatifs de la visite à Lomé, de
la délégation de l'Université Fédérale de Bahia
(cf.supra, Avant Propos, et 1.3.3.
terrain africain)
II.1.1.2.2.6. - Nago/Nagô.
l'étude sur le
Ce nom désigne, dans les documents historiques, les
peuples introduits au Brésil à partir de la fin du XIXe
96

Ethno-linguistique
siècle, et qui proviennent du royaume de Ketu,
aujourd'hui en territoire béninois, et de l'empire
d'Oyo au Nigéria (cf.Verger - 1968 et 1975).
Les Nago ou Yoruba ont été considérés comme les plus
nombreux et les plus influents des peuples africains à
Bahia (Rodrigues - 1922). Nous en traitons plus à fond
dans le lexique étymologique sous les entrées ketu et
nagô.
Mais notons ici que la terminologie du trafic négrier
distingue des dénominations comme Oyo, Ife, Ibadan,
Ijebu/Jebu, Ijexas, Egba/Eba/Euba qui, dans la
situation socio-culturelle de la Bahia du XIXe siècle,
ont disparu derrière l'appellation générique de Nago
puis de Yoruba car ces peuples appartiennent
originellement aux diverses ramifications ethniques
yoruba.
Au terme de ce parcours des ethno-glottonymes se
rapportant à notre aire linguistique, il faut noter que
nulle part, les documents historiques ne font mention
des dénominations ewe, fon ou yoruba. La plupart, sinon
tous les noms en usage dans la terminologie du trafic
recouvrent des minorités etno-linguistiques. Les termes
ewe, fon et yoruba qui, en réalité correspondent
eux-aussi, à l'origine, à des entités
ethno-linguistiques restreintes, n'ont été retenus que
97

Diaspora ewe-fon
plus tard par les chercheurs pour représenter des
ensembles plus vastes.
Nous en reparlerons plus loin (11.3.3.2), dans
l'inventaire des parlers "gbe".
98

II.1.1.2.3. - Le vocabulaire usuel.
Ethno-linguistique
La terminologie du commerce bahianais avec le golfe
du Bénin comporte des termes usuels qui, du point de
vue du portugais en voie d'installation au Brésil,
étaient parmi les premiers néologismes qui ont enrichi
et caractérisé le lexique brésilien par rapport à celui
du portugais d'Europe.
L.es expressions da costa "de la côte" et da guiné "de
la Guinée" fonctionnent, systématiquement comme des
déterminants pour spécifier tout objet ou tout produit
"exotique", si l'on peut dire, originaire de notre
région ou dont l'usage a été connu pendant les échanges
entre Bahia et l'Afrique. Ainsi se sont formées les
unités synaptiques (ou lexies) suivantes :
II.1.1.2.3.1. galinha-da-guiné.
Galinha-da-guiné ou simplement guiné, litt. "poule de
la Guinée" désigne la pintade (cf. anglais guinea
hen), connue par ailleurs sous les noms de
galinha-d'angola ou angola, angolinha, angolista,
galinha-da-india ; galinha-da-numidia, à côté d'autres
termes plus ou moins régionaux qui ne laissent
99

Diaspora ewe-fon
apparaître aucune référence à l'Afrique ou à une autre
origine: capote cocar/cucar (Pi), estou-fraca, picota
(Amaz.) .
L'appellation galinha-d'angola est cependant plus
courante et plus généralisée sous la forme concrète
galinha-de-angola [ga'lipa-tia'gjla], alors que
galinha-da-guiné serait propre, selon Yeda Castro
(1976), à certaines régions du sertao du nord-est
(Sergipe) ; ce que les dictionnaires n'indiquent pas,
mais qui lui permet de conclure que l'introduction de
ce volatile dans ces régions est probablement
antérieure à l'usage du terme d' angola / de angola pour
désigner les objets provenant des côtes africaines.
Ce que nous avons observé, en tout cas, c'est que les
Brésiliens, et particulièrement les Afro-Brésiliens,
emploient rarement aujourd'hui le mot portugais pintada
[pi' tada], forme simplifiée de galinha pintada "poule
tachetée". Au sein des communautés religieuses des
candomblés où on fait un usage régulier de la pintade
dans les sacrifices, le mot est pratiquement inconnu ou
inusité dans cette acception.
II.1.1.2.3.2. Capim-da-guiné ou , plus souvent capim-
Le capim est un genre de plante de la famille des
graminées utilisées comme fourrage. L'espèce guinéenne
introduite au Brésil - est connue sous le . nom
100

Ethno-linguistique
propos des mots devo et oja qui désignent ce tissu en
ewe-fon et en yoruba.
II.1.1.2.3.5. - Sabao-da-costa
Le sabao-da-costa "savon-de-la-côte" est fabriqué par
les Africains à partir de plantes, et parfois parfumé à
l'encens. Ce savon, de couleur noi rs, est réputé pour
ses vertus thérapeutiques. Il est surtout utilisé dans
le rituel des cultes yoruba ; ce qui explique que les
Ewe l'appellent lag:)s cli "savon de Lagos".
II.1.1.2.3.6. - Pimenta-da-costa "piment-de-la-côte".
C'est une plante originaire d'Afrique, dont les
graines, à saveur piquante comme le piment, ont été
introduites comme condiment dans la cuisine bahianaise
par les Nago (Yoruba). On la connaît plus couramment
sous le nom de atarê, forme lexicalisée de y.atare
[atare]. L'atarê est très utilisé dans les opérations
rituelles et magiques des cultes afro-brésiliens
(cf. lex. ét . ) .
II.1.1.2.3.7. - acha, obi, akwe, owo.
Enfin, certains articles impliqués dans le commerce
bahianais de l'époque du trafic négrier ont conservé,
dans la langue populaire des Afro-brésiliens, leurs
dénominations dans les langues yoruba ou ewe-fon.
103

Diaspora ewe-fon
On relève notamment
- ecrie "tabac" < y. asa [a5a]
obi II cola ll < y. obi [obi]
- akwe IIcauri ll < e. If. àk:>c [àkwc]
- owo "cauri" < y. ow6 [ow6]
Ces termes, directement liés à l' histoire du trafic
négrier dans le golfe du Bénin, appartiennent
aujourd'hui au répertoire linguistique des terreiros
jeje et nago-ketu.
Par conséquent, nous les étudions plus à fond dans le
lexique étymologique.
104

Diaspora ewe-fon
socio-économique et politique du Togo, du Dahomey
(Bénin) et du Nigéria.
Pierre Verger pense que ces Afro-Brésiliens avaient,
dans leur majorité, conservé leur langue d'origine; ce
qui permit à bon nombre d' entre eux de savoir à. peu
près de quelle région venaient leurs ancêtres. Ainsi,
Yoruba, Fon et Maxi qui appartenaient aux groupes
nago-ketu et jeje au Brésil, prirent en grande partie
la direction de la côte du Bénin.
Il semblerait que certains Afro-Brésiliens auraient
réussi à retrouver, dans la région d'Abéokuta, au
Nigéria, leurs familles ancestrales. Nous n'avons pas
pu mener de recherche pour vérifier la véracité de ce
fait qui nous semble· plutôt relever d'une
affabulation.
C'est vers la fin du XVIIe siècle que ces
représentants brésiliens se sont fixés dans les villes
portuaires du golfe du Bénin où ils prirent une part
active au commerce des esclaves dont ils venaient
eux-mêmes de se libérer par voie d'affranchissement. La
figure la plus célébre, à. l'époque, était Francisco
Félix de Souza, installé à Ouidah dans les années 1788
(32) que les trafiquants avaient surnommé ""Chacha 1".
Il était devenu si puissant et si, influent que les
Dahoméens le surnommèrent à leur tour "Ajinacou"
[àJinaKu] f."éléphant" (cf.Dunglas - 1949, repris dans
106

Ethno-linguistique
"qen " ou mina qui, en conservant ses attaches ga et
akan, adopta le par1er aja en y incluant des termes
portugais, anglais et danois. Jusqu'à la fin du XIXe
siècle, la civilisa t ion "qen " ou mina connut un
rayonnement inversement proportionnel
d'Anécho (36)".
à la taille
Sur le plan linguistique, le portugais parlé à
l'époque par les Afro-Brésiliens a fortement influencé,
non seulement le gen ou gr;gbe, ou "mina" qui est, comme
nous l'avons souligné plus haut à propos de
l'éthno-glottonyme "Minas", une lingua franca dans la
capitale togolaise et dans les centres urbains du sud
(cf. infra, IL 2 .2. Inventaire des parlers "gbe"),
mais également l' ewe ou vègbè dont l'enseignement est
aujourd' hui généralisé à l'école (cf. : infra, IV. 4
Le système graphique des langues ewe, fon et yoruba)
C'est essentiellement dans le lexique que se
manifeste cette influence.
En 1986, nous avons entrepris, au Département de
linguistique et des langues africaines de l'université
du Bénin, une recherche portant sur les emprunts
lexicaux de l' ewe et du gen au portugais brésilien.
Cette recherche vise notamment :
- un inventaire exhaustif et une étude fréquentielle
des emprunts lexicaux;
109

Diaspora ewe-fon
les localisations, c'est-à-dire leur distribution
dialectale ou leur répartition selon les usages réels
dans chacun des parlers "gbe" ayant été en contact
avec le portugais brésilien ;
le processus phonologique et morphologique
d'intégration aux structures de l'ewe et du gen ;
une analyse sémantique poussée, afin de rendre
compte de l'adéquation lexicale des mots d'origine
portugaise par rapport à ceux d'origine allemande,
anglaise ou française.
En effet, nous pensons qu'il y a un certain rapport ­
qui reste à déterminer par des moyens statistiques -,
entre l' "efficacité", c'est-à-dire l'adéquation
linguistique, des emprunts au portugais qui n'a jamais
été enseigné à l'école chez nous (sauf à l'Université,
bien
entendu) ,
et
celle
des
européennes qui l'ont été, et
aujourd'hui.
emprunts
qui le
aux
sont
langues
encore
Méprisant ou ignorant cette exigence d' "efficacité
lexicale", on travaille au Togo, et au Bénin également,
à l'épuration des langues déclarées "nationales", et
c'est évidemment par le lexique qu'on commence. Nous y
reviendrons plus loin (cf. infra II.1.1.2.3.3. Les
emprunts lexicaux).
En marge des objectifs linguistiques et pédagogiques
que nous venons d'énumérer, nous nous proposons encore
110

Ethno-linguistique
de montrer que contrairement à ce qu'on pense
généralement· chez nous, les étymons ibériques dans nos
langues sont essentiellement lusitaniens plutôt
qu'hispaniques, mais qu'ils nous viennent, pour la
plupart, du Brésil, plutôt que du Portugal.
En attendant que cette étude, malheureusement
interrompue en raison des travaux de cette thèse, soit
reprise sur le terrain et menée à son terme, nous
pouvons, ici, examiner l'influence du portugais
brésilien dans le lexique de l'ewe et du gen à partir
de quelques termes nés de l'histoire économique et
sociale de la traite, et intimement liés à la présence
brésilienne à cette époque ; des emprunts lexicaux
aujourd' hui parfaitement intégrés dans la langue, et
enfin des patronymes portugais particulièrement
marquants au sein des populations urbaines tout le long
du littoral du golfe du Bénin.
II.1.1.3.2. - Agùdà : Ouidah, Bahia ou Portugal?
De l'histoire économique et sociale du commerce
dirigé par les Afro-Brésiliens, nous est resté entre
autres, le terme àgùdà [àgùdà], écrit de diverses
manières dans les documents agudâ (Peixoto - 1945),
ajouda/agouda/adjouda (Delfosse 1894), Ajuda (" Sao
Joao de Ajudii, dos Portugueses", dans Rodrigues
1922), par exemple.
111

Diaspora ewe-fon
Sur l'origine et la signification exacte de ce mot,
la confusion semble totale aujoud' hui. C'est pourquoi
il nous paraît opportun de faire le point en ce qui
concerne les interprétations, d'une part, et de tirer,
d'autre part, les conclusions qui s'imposent, pour une
meilleure étymologie du mot.
II.1.1.3.2.1. - Rappelons tout d'abord que dans Obra
nova de lingua geral de Mina, de Peixoto, écrite, en
fait, dans les années 1731-1741, mais publiée seulement
en 1945 par Luis Silveira (cf. supra, 11.1.1.2.1.3.
Ajuda/ajouda/agouda) , le terme est traduit par a Bahia,
c'est-à-dire l'Etat de Bahia ou la ville de Bahia.
C'était, certes, à l'époque où les échanges entre le
pays fon et Bahia étaient particulièrement intenses
(cycle de Mina de Verger 1968), mais comment
expliquer que les informateurs de Peixoto traduisent
agudâ par a Bahia, alors que le mot, comme nous l'avons
noté plus haut, était déjà utilisé en pays fon, par les
autochtones pour désigner la ville de Ouidah ou Glexwe,
selon Maurice Delafosse (1894) ? . Nous y reviendrons
plus loin (11.1.1.3.2.6. àgùda dans la situation
bériinoise actuelle) .
II.1.1.3.2.2. - Pour Julien Alapini (37),àgùdà désigne,
au Dahomey, un Espagnol, alors que l'époque où le mot
112

Diaspora ewe-fon
II.1.1.3.2.4. Chez les premiers lexicographes du
domaine yoruba voisin Mgr. Samuel Crowther (38) et
Roger Abraham (39),· le nom àguda [àguda] est traduit
sans ambiguïté par :
"Roman catholic ; first applied to Brazilian settlers
in Lagos".
Dans l'usage en pays yoruba,
définition ci-dessus soit le
et en admettant que la
reflet fidèle de la
réalité socio-linguistique et socio-économique des
villes nigérianes de Badagry et de Lagos ici
concernées, le nom renvoie d'abord aux Afro-Brésiliens,
puis à une activité "culturo-religieuse" liée à leur
présence et à tout ce qu'ils ont apporté comme élément
nouveau dans la vie culturelle et économique des
populations autochtones. Il est probable, dans ces
conditions, que tout étranger (Européen surtout),
installé à Lagos et pratiquant une religion étrangère
et le commerce d' "import-export", finisse par être
assimilé, par le nom, aux Aguda.
C'est, en tout cas, ce qui semble être vérifié encore
aujourd'hui dans la situation togolaise.
114

Ethno-linguistique
II.1.1.3.2.5. - Au Togo, en effet, il ne semble pas que
les Brésiliens Ilrapatriés Il aient été connus sous le
nom d' agùdà. Dans la capitale ou, plus généralement
dans l'aire culturelle et linguistique ewe-gen/mina, le
terme àgùdà désigne les commerçants libanais ou
syriens, les Il Libano-Syriens Il comme on dit couramment
à Lomé, qui ont dominé pendant très longtemps le
commerce d'importation et d'exportation dans les
centres urbains du pays. Aujourd'hui, l'usage du nom
s'étend aux commerçants indiens ou indo-pakistanais qui
tiennent les magasins d'articles d'importation de
toutes sortes.
Le rôle socio-économique des Agùdà brésiliens ou des
Agùdà espagnols ou portugais dans les villes de Lagos,
Porto-Novo et Ouidah, est donc tenu au Togo par les
"Libano-Syriens", ce qui explique nous semble-t-il,
qu'ils soient assimilés, par le nom aux Agùdà, et
justifie par conséquent, la double définition du
Rvd.P.Riebstein (1923).
Le commerce des Agùdà se caractérise par une
abondance attractive de la pacotille, souvent d'origine
coréenne (depuis une dizaine d'années), des prix bas,
115

Diaspora ewe-fon
parfois non marqués et susceptibles de marchandage, ce
qui les met en concurrence "déloyale" avec les autres
commerçants de la place, notamment ceux des anciennes
grandes compagnies coloniales Société Générale du
Golfe
.. ....
GWNee (S.G.G.G.) très populaire sous
l'appellation "s 3 G", Compagnie Française de l'Afrique
de l'Ouest (Cie.F.A.O.) , Société Commerciale de
l'Ouest-Afrique (S.C.O.A.)etc...
Conséquence de cette situation, en ce qui concerne
l'usage du terme : les articles de qualité inférieure
et vendus à bas prix sont appelés "àgùdà ... " par
opposition à ceux de qualité supérieure garantie, et
généralement vendus plus cher chez les commerçants
européens, gérants des magasins que nous venons de
citer.
Dans le langage populaire, le nom a pris une
connotation dépréciative qui transparaît des dictons
comme :
• àgùdà sika yé klcna miàm miàm
"c'est l'or "àgùdà" qui brille "exagérement"
c'est-à-dire qui éblouit par son éclat, alors que c'est
de l'or falsifié"i
• Agùdà mé flù nà yèvu à
"Un Agùdà ne peut pas duper un Blanc (Européen) ,
c'est-à-dire qu'il n'est pas plus malin
intelligent) que le Blanc.
116
(ou plus

Ethno-linguistique
Ces formules proverbiales nées de la situation
socio-économique et socio-culturelle des XVIIIe et XIXe
siècles sont aujourd'hui couramment employées en ewe, la
première en parlant de toute chose clinquante, ou de
personnages qui affichent des apparences trompeuses ;
la seconde en parlant d'un sot qui prétend duper un
plus rusé.
Comme on le voit, à la connotation dépréciative sur
le plan matériel, s'ajoute une connotation dépréciative
de nature morale et culturelle fondée, il faut le dire,
sur une nette différence des images que la société (les
locuteurs) se sont forgées de ceux qu'on appelle Agùdà
et du Blanc d'Europe.
Par ailleurs, Agùdà, c'est le "faux-Blanc",
c'est-à-dire celui qui a toutes les apparences d'un
Blanc mais qui ne l'est pas. Le mot àgùdà-yèvu ou
àgùdà-ydv6 où -yèvu/-ydv6 = Blanc ou Européen désigne
couramment, et par euphémisme, un albinos (le mot
originel dans la langue étant gc-lè-sd-si : litt. "qui
est tombé des mains de sd "divinité de la foudre et du
tonnerre; cf.lex.ét.).
Enfin, pour l'homme de la rue, àgùdàgbè "langue
àgùdà" c'est-à-dire, indiféremment, l'arabe parlé par
les Libano-Syriens, et l'hindi-ourdou des
Indo-Pakistanais, n'a pas le même prestige que fraségbè
117

Diaspora ewe-fon
Ille français Il, 'J I e s i qbè IIl'anglais ou IIdzamàgbè
IIl'allemand ll , par exemple.
Compte tenu de ces faits concrets dans la langue
parlée aujourd' hui, nous pensons qu'il est nécessaire
de revoir la définition de ce mot, dans le contexte
togolais, en tout cas, car il n'a pas connu la même
évolution sémantique qu'au Nigeria et au Bénin actuels.
11.1.1.3.2.6. Pour montrer la concentration du
commerce bahianais dans le port négrier de Ouidah au
X1Xe siècle, Verger (1968 et 1975) et Yeda Castro
(1976) citent des anecdotes que l'écrivain Paul Hazoume
rapporte à propos du roi Ghezo d'Abomey (1818-1858),
qui avait l'habitude d'inviter ses amis IIpour boire du
bon àgùdà-ha, et bourrer des pipes d'àgùdà-z:> (40)11 :
• àgùdà- ha où -ha = IIliqueur, ou boisson alcoolisée,
désignait le rhum de qualité médiocre fortement
alcoolisé, importé des moulins à sucre de Bahia ;
• àgùdà-z:) où-z::> "t.abac ", désignait le tabac de
mauvaise qualité, comme en témoignent les lignes
suivantes, de Pierre Verger :
Il ... ces feuilles, de troisième choix, qui manquaient
de "substance", qui étaient de petite taille ou
brisées, devaient subir un traitement particulier pour
éviter le dessèchement ou la pourriture. On les
118

Ethno-linguistique
enduisait donc plus copieusement de mélasse que celles
des premières qualités (41)".
Ce tabac venait, bien sûr, des plantations de
Cachoeira, dans le Recôncavo bahianais.
Par ailleurs, le portugais que parlaient
Afro-Brésiliens était appelé
"Agùdà" ou d' "Agùdà", dans le
àgùdà-gbè
royaume du
"langue
Dahomey
les
des
Il est clair, par conséquent, qu'à cette époque le nom
signifiait bien "Bahia" ou "Brésilien" dans l'esprit
des autochtones du littoral dahoméen, ce qui rendrait
difficilement acceptable l'interprétation de Delafosse
(1894) selon laquelle le nom serait un toponyme
indigène de la ville de Ouidah.
Il est vrai, néanmoins, que du point de vue de
l'étymologie formelle, àgùdà est une autre forme de
ajuda ou Juda qui est, dans les vieux récits de voyage,
la transcription portugaise (cf. "5ao Joao de Ajudildos
Portugueses", comme écrit Rodrigues (1922, p.1ü6)).
Dans la situation béninoise actuelle, lé mot désigne
un Portugais ou un Espagnol, et recouvre, pour certains
locuteurs, leurs descendants métis ainsi que les
descendants métis ou non des Afro-Brésiliens (cf.
infra, II.1.1.2.3.4. Patronymes afro-brésiliens),
sans connotation spécifique, selon nos informateurs
locuteurs fon de la ville
119
de Ouidah, qui sont

de l'ewe au portugais ( cf.
présence afro-brésilienne),
Ethno-linguistique
supra, II.1.1.2.3.1. : La
l'exigence d'''efficacité
lexicale" qui doit sous-tendre l'action de rénovation
et de promotion de nos langues. Au Togo, un comité
national de la langue ewe, appuyé par l'Ewe-Akademi
"Académie ewe", et chargé de la promotion de cette
langue (cf.Annexe III note 11), se veut très puriste et
conservateur. Il a entrepris d'enrichir et de
moderniser le lexique par la création interne de
nouveaux mots, tout en le débarrassant des "parasites"
venus des langues "glottophages" - pour reprendre le
mot de Louis-Jean Calvet (42) des anciens
colonisateurs successifs : l'allemand, l'anglais et le
français.
Cette option, parfaitement légitime et fort louable
dans son principe, ne va pas sans poser quelques petits
problèmes pratiques dont nous voudrions, à partir des
exemples ci-dessus, étudier l'aspect
linguistique.
v »
purement
"La première forme (de créativité lexicale) ne réside
pas dans la volonté d'innovation sur le plan de la
langue, mais dans la nécessité de donner un nom à
l'objet, à un concept nouveau.. " , écrit Louis Guilbert
qui souligne, comme condition de base de cette
activité, le "souci d'efficacité" et d'une "exacte
adéquation du nom avec l'objet ou le concept, pour
121

Diaspora ewe-fon
"éviter toute ambiguïté dans la désignation (43)".
Les emprunts lexicaux que nous étudions ici
illustrent bien ce point de vue.
II.1.1.3.3.1. - e.gafà < port. garfo "fourchette".
Le couvert des Européens (cuillère couteau et
fourchette) a été introduit dans l'usage chez nous
probablement par les Afro-Brésiliens. C'est, du moins,
notre hypothèse qui est fondée sur le fait que l'une
des trois pièces du couvert, qui vont nécessairement
ensemble, porte son nom portugais avec lequel elle est
arrivée; "Verba res sequuntur", a dit Horace (44). Par
ailleurs, nous pensons qu'avant le X1Xe siècle,
c'est-à-dire avant l'installation des Afro-Brésiliens
au sein des populations du littoral, les étrangers de
moeurs occidentales n'ont pas pénétré dans l ' intimité
des autochtones au point d' y introduire l'usage de ce
couvert.
Ce que nous voulons souligner ici, c'est que les
"nouveaux" usagers ont· adopté automatiquement le mot
portugais garfo ; mais ils ont substitué à faca
"couteau", le mot kàkla, et à colher "cuillère", le mot
gàtsi.
Comment s'explique ce phénomène?
Le mot garfo s'est imposé parce
(signifié) n'a pas d'équivalent dans
122
que le concept
notre culture et

Ethno-linguistique
n'a pu être relié à aucun schéma voisin préexistant. En
effet, il faut le noter, originellement, on se sert de
ses mains pour manger, et lorsqu'on a affaire à une
nourriture qui ne peut être mangée "avec la main", on
la prend à même le contenant ou dans un contenant plus
petit bol ou assiette Nous dirions, dans ces
conditions, si l'image est permise, que le mot
portugais s'était trouvé sur un "no man' s land
sémantique" où il s'est facilement installé
Par contre, la cuillère (l'objet), a été assimilée
d'emblée à une sorte de louche en bois, de taille
réduite, appelée en ewe tsi [ci], dont on se sert non
pas pour manger, mais pour remuer ou servir la sauce.
Mais la cuillère est en métal. On l'a appelé gàtsi
[gàci] où gà = "métal".
- -
II.1.1.3.3.2. - e.flcgà/plcgà < port. prego "clou".
Il existe un mot gàtàgbàdzc [gàtàgbàjcJ qui pouvait
apparaître comme concurrent du portugais prego. Il est
composé de la manière suivante
gà "métal, fer" + tà "tête" + gbàdzc "plat, aplati",
ce qui donne litt. "fer à tête aplatie", une
description parfaitement adéquate de la réalité i mais
dans l'usage courant, le mot ne se rencontre presque
jamais. On lui préfère flcgà ou p Le qô plus court et
plus "efficace".
123

Diaspora ewe-fon
II.1.1.3.3.3. - e. késù < port. queijo "fromage".
Le fromage introduit en Afrique noire n'a pas pu
s'installer dans les habitudes alimentaires, sauf, bien
entendu, dans certaines couches sociales supérieures.
En milieu ewe en général, on se doute à peine qu'on
l'appelle késù. Mais lorsque, dans les milieux avertis,
on pose la question de l'origine du mot, on déclare,
sans grande conviction et sans preuve, qu'il pourrait
bien avoir été emprunté à l'espagnol; ce qui n'a pas
d'importance, car de toute manière queijo est aussi
bien espagnol que portugais.
Chez les voisins de l'ouest, les Ga (d'Accra) de
langue ga et les Fanti d'El Mina ou les Achanti de
Koumassi, de langue twi (branche akan) et ancêtres des
Gen/Mina du littoral togolais (cf. supra,
II.1.1.2.2.2.Minas), nous relevons les formes
suivantes:
ga : keesuu ; twi :keesuu/kyisi.
Apparement ces formes proviennent de queijo, mais
l'existence, à côté, d'une autre forme tsyisi, réalisée
[ci:si], plus populaire parce que dérivant de l'anglais
cheese [tJi: z], langue officielle parlée au Ghana par
la plupart des gens, même non scolarisés, porterait à
croire que les formes qui désignent le fromage sont des
124

Diaspora ewe-fon
orgiaque (abondance de nourriture et consommation
excessive d'alcool) dans certains milieux, ces veillées
funèbres ou sorties de deuil " à la brésilienne (46) "­
on ne s'en doute pas "constituent actuellement un
sérieux problème socio-économique reconnu par tous
puisqu'elles occasionnent des dépenses ruineuses pour
les familles déjà assez pauvres - mais que personne
n'est, pour l'heure, culturellement disposé à
abandonner...
Sur le plan linguistique, le mot portugais luto s'est
imposé, avec tout le cérémonial catholique importé de
Bahia : messe grandiose, fanfare, chorale et "uniforme"
spécial à chaque décès, à la prise de deuil (tenue
sombre) comme à la sortie de deuil (tenue claire). En
examinant de près les expressions construites en ewe à
partir de luto pour traduire les concepts "prendre le
deuil" et "sortir de deuil" , par
constatons qu'elles sont calquées
sémantique du brésilien populaire
Afro-Brésiliens
exemple, nous
sur le modèle
parlé par les
• w:> Lût.ù: litt. "faire le deuil" < br. fazer luto;
• c(è Lûtiù: litt. "enlever le deuil" < br. tirar luto;
Les termes locaux correspondant à "deuil" konyifàfà
[Ko}JifàfàJ ; fùnyinyi [fù)7iJ1 i J t ùmèrvxrr» [fùmèn:>n:>J,
sont tombés en désuétude ou considérés comme archaïques
et ne sont guère employés aujourd'hui que dans les
128

Ethno-linguistique
descendants de Brésiliens, et un "métissage ex utero"
produit du mimétisme culturel.
C'est justement ce dernier type de métissage qui pose
le problème des patronymes brésiliens des familles
togolaises et béninoises. Dans la situation
socio-économique de la traite, le patronyme était
considéré comme facteur de conservation du profit
économique et des intérêts sociaux du maître. A ce
sujet, Wilson cite deux cas :
- un certain Adzoviehlo Atiogbe prit le nom de son
maître brésilien Geraldo de Lima installé en pays
awlan, au Ghana ;
- un autre, Zoki Azata, esclave libéré au Brésil,
revint à Agoué (Grand-Popo) vers 1835 et prit le nom de
d'Almeida, son ancien maître brésilien.
On sait qu'il existe aujourd' hui, tout le long du
littoral, de Lomé à Lagos, des familles Geraldo de Lima
(cf.Ciquiera de Lima, à Ouidah en Annexe III, note 13),
d'Almeida ou Zoki d'Almeida.
Nous pouvons encore citer de nombreux autres
patronymes "brésilo-togolais" ou "brésilo-béninois"
comme de Campos, da Sylva, da Sylveira, de Medeiros, da
Costa, dos Reis, Bandeira, Pereira, Santos etc...
auxquels il serait intéressant de consacrer une étude
spéciale, à titre de contribution à une meilleure
131

Diaspora ewe-fon
connaissance de l' histoire sociale des populations de
notre littoral.
Rappelons, au passage, que les patronymes
anglo-saxons comme Johnson, Wilson, Lawson etc... ,
également abondants au Togo et au Bénin, procèdent,
sans doute, de phénomènes socio-culturels analogues et
qu'il conviendrait d'en rechercher les origines
immédiates, non pas dans leur morphologie comme le
veulent certaines étymologies populaires bien connues,
du genre John-Son = "fils de John", mais dans les
événements socio-économiques et socio-culturels qui ont
marqué les années d'émergence des peuples du littoral
aux activités mercantiles de type occidental.
Ces faits réels autour des patronymes afro-brésiliens
ne sont pas sans rappeler un peu les théories du
Professeur Eliane Azevedo à propos des noms à
signification religieuse chez les Noirs, Métisses et
Mulâtres de Bahia, ainsi que l'idée centrale de notre
conférence sur le thème "Onomastique africaine comme
moyen d'intégration dans la société (cf. Annexe II,
note 2). Il Y a là, nous sernble-t-il, une intéressante
piste de recherche sur la fonction sociale du nom dans
les cultures africaines.
Cette synthèse historique et ethno-linguistique, bien
que sommaire, nous a permis, néanmoins, d'évoquer le
132

Ethno-linguistique
lien historique établi entre Bahia et les pays de notre
aire culturelle et linguistique.
Dans les pages qui suivent, nous exposons les
principaux travaux consacrés à l'étude des influences
linguistiques consécutives à ce lien historique.
133

Ethna-linguistique
II.1.2. Les études de linguistique afro-brésilienne
travaux essentiels.
135

Diaspora ewe-fon
136

Diaspora ewe-fon
yoruba, qu'une étude linguistique à proprement parler.
Néanmoins, il présente au chapitre V :"sobrevi vências
africanas. As linguas e as belas-artes nos colanos
pretos" (p. 121 à 153), quelques éléments descriptifs
sur le yoruba ( système numérique), un inventaire des
langues encore parlées à l'époque parmi les populations
noires, et celles qui étaient déjà "éteintes", ainsi
qu'un vocabulaire de 122 mots traduits dans cinq
langues africaines dont le "je je" (ewe-fon). Nous
intégrons la liste jeje à notre corpus lexical pour
l'étude étymologique que nous présentons (cf. : infra,
IV.2. le corpus lexical).
Mais le but principal de Rodrigues, en ce qui
concerne la question linguistique est, ainsi qu'il le
précise lui-même, de montrer que ces langues se
parlaient effectivement à Bahia
"Apenas de uma coisa me deixam cex t:o os meus
vocabularios com todos os seus defeitos : é de que eles
provam de modo indiscutivel terem sido e serem ainda
faladas correntemente na Bahia as linguas a gUd
pertencem. E esse foi 0 meu escopo (50)".
Il n'en pose pas moins clairement, et pour la
première fois au Brésil (affirmation de Castro 1976),
le principe méthodologique qui affirmait comme
140

Ethno-linguistique
courant dans les terreiros et en indique les aires de
localisation au Brésil (cf. : infra, III.1. : les aires
dialectales). Il donne d'autre part, une étude quasi
exhaustive des faits de la langue populaire qui, selon
lui, résulteraient de l'interférence des langues
africaines (cf. infra, III. 2. les interférences
linguistiques)
Les auteurs qui ont travaillé dans la foulée de ces
t rois "précurseurs" : (Nina Rodr i.ques , Jacques Rayrnundo
et . Renato Mendonça), ont privilégié l'élément ban t u ,
ou, putôt, ils ont considéré que tout le Brésil, sauf
l'Etat de Bahia, était sous influence culturelle et
linguistique bantu.
Ainsi, os Africanismos no dialeto gaucho de Dante de
Laytano (56), axé sur le parler populaire de l'Etat de
Rio Grande do Sul, dans l'extrême sud du pays, étudie
un corpus de 173 items d'origine bantu.
Le lexique de 219 mots que présente Aires da Maul
Machado Filho dans 0 Negro e 0 garimpo em Mind':;)
Gerais (56) contient néanmoins, à côté des mots bantu,
un nombre important de termes de la lingua qex a l. da
mina, c'est-à-dire la langue à base e s serrt Le Llemerit;
ewe-fon devenue une lingua franca parmi les
travailleurs serviles des mines d'or et dont Antonio
Peixoto (1945) a entrepris l'étude.
143

Diaspora ewe-fon
L'ouvrage de Nelson de Senna Africanos no Brasil
(57) (à ne pas confondre avec os Africanos no Brasil de
Nina Rodrigues (1922)), que le linguiste guyanais
Richard Allsopp considère aujourd'hui comme le "traité
le plus complet (58) sur l'influence africaine dans la
langue du Brésil, constitue un des documents de base
les plus convainc ants quant à la perspective d'étude :
"les spécialistes trouvent, écrit Senna, un VaS te
champ d'activité littéraire, philosophique et
scientifique dans ce fonds mal exploré et inépuisable
d'afro-négrismes qui enrichissent le . vocabulaire de la
langue portugaise parlée au Brésil(59)".
D'autres chercheurs dont nous ne signalons ici les
travaux qu'à titre indicatif, se sont plutôt intéressés
à la langue brésilenne dans ses rapports, non pas avec
les langues africaines, mais avec le portugais
métropolitain. S'ils en arrivent, par la force des
choses, à évoquer l'impact des langues africaines, c'est
pour le déplorer ou en sous-estimer l'importance.
Gladstone Chaves de Melo se fait remarquer en 1946
par a Lingua do Brasil (60) où il critique les travaux
qui, comme ceux de Raymundo
(1933) avaient quelque peu
langues africaines dans
144
(1933 et 1936) et Mendonça
privilégié l'action des
l'interprétation des

Ethno-linguistique
particularités du brésilien par rapport au portugais
d'Europe. La conviction de Melo est que les faits qui
caractérisent le brésilien pourraient bien trouver une
explication dans le système propre du portugais.
Ce point de vue a fait son chemin et nous le
retrouvons aujourd'hui encore, notamment sous la plume
de Guy Hazael-Massieux " ...il n' y a pratiquement
aucun phénomène phonétique repéré dans les parlers que
l'on suppose influencés par l'Afrique, que l'on ne
trouve attesté dans les langues ibériques ou plus
largement dans les langues romanes (61)".
C'est à Melo qu'on doit la distinction des axes
d'influence linguistique au Brésil:
- une influence verticale qui, selon lui, est plus
profonde que celle de la langue tupi ;
une influence horizontale, moins marquante, mais
également enrichissante, tout de même.
Les deux axes de Melo correspondent bien sûr, aux
axes paradigmatique et syntagmatique
linguistique et discernent l'influence
l'influence syntaxique.
de l'analyse
lexicale et
En ce qui concerne les sources d'influences, Melo les
réduit à deux, exclusivement :
la source yoruba, manifeste à Bahia ;
et la source bantu, dans le reste
affirmations qui sont démenties par les
145
du Brésil,
travaux de

Diaspora ewe-fon
Castro (1976), de Ferretti (1983), de Azevedo (1983),
et que nos propres observations et enquêtes ne
permettent pas de partager non plus .
Enfin, l' I n t r od uç a o ao estudo da lingua portuguesa no
Brasil, de Sérafim da Silva Neto (62) publié en 1963,
appartient à la même ligne de pensée que l'ouvrage de
Melo. L'idée fondamentale de l'auteur est que l'action
des langues africaines, comme celle des langues
amérindiennes, sur le portugais du Brésil est plutôt
négative :
"No português brasileiro, nao houve, positivamente,
influência de linguas africanas ou americanas (62)".
Dans cette optique les faits linguistiques comme
ceux que nous exposons plus loin III.2. Les
interférences linguistiques), constituent simplement:
"cicatrizes da tosca aprendizagem que da lingua
portuguesa, por causa de sua misera condiçao social,
fizeram os negros e os indios (62)".
Par conséquent, Neto n'admet le principe même de
l'action des langues africaines que comme une
possibilité à retenir comme hypothèse de travail.De
l'Intégration des apports africains dans les parlers de
146

Ethno-linguistique
Bahia, au Brésil, de Yeda Castro apparait en 1976,
ainsi que le suggère le titre d'un article plus récent,
tiré de ce travail, comme "une nouvelle approche (63)"
de la problématique afro-brésilienne dans son ensemble.
L'essentiel du texte, en français, de la partie
proprement linguistique du travail de Castro a été
publié dans trois revues différentes, en 1980 (en
traduction portugaise) et en 1983, dont nous donnons
les références en note et en bibliographie.
"le but fondamental de la recherche, écrit-elle,
était de situer la présence de l'Afrique au Brésil à
partir de l'identification des différentes influences
africaines sur le processus culturel brésilien et sur
son actualité socio-historique et linguistique... (63) ",
Sur le plan strictement linguistique, l'objectif de
ce travail est de proposer une nouvelle optique pour
l'étude des apports africains dans les parlers de Bahia
à partir d'éléments nouveaux, grâce à une réorientation
de la méthodologie de la recherche linguistique ou
ethnolinguistique, éléments qui, pour des raisons
d'ordre historique et épistémologique avaient été,
jusque-là, oubliés ou négligés, dans les études
afro-brésiliennes.
Les éléments nouveaux, ce sont, d'une
vocabulaire d'origine africaine recueilli
147
part,
dans
le
les

Ethno-linguistique
Nous évoquons donc cette optique tout au long de
notre travail (cf : principalement infra, II.2.3. De
la lingua-de-santo
populaire) .
(langue rituelle)
à lé! L..inquo
Il nous suffit de mentionner ici que cet ouvrage
porte globalement sur les aspects historiques,
ethnographiques (religions) et ethno-linguistiques des
influences africaines et sur les langues bantu et
ouest-africaines, avec un accent particulier sur la
morphologie des éléments bantu.
En ce qui concerne les éléments d'origine
ouest-africaine, c'est le yoruba qui est privilégié,
tant pour les aspects culturels que pour les faits
linguistiques.
Tout cela s'explique par le fait que le terrain de
recherchede Yeda Castro en Afrique a été principalement
le Zaïre (dans l'aire bantu) et secondairement le pays
yoruba au Nigéria.
Quant aux traitements morphologique et étymologique
des apports linguistiques de l'aire culturelle et
linguistique ewe-fon, et même yoruba, nous exposons,
dans l'introduction méthodologique à notre étude sur
l'intégration morphologique (111.3.1.) et dans
l'introduction au lexique etymologique (IV.1.
présentation ; et IV.2.1. le répertoire de Yeda
Castro) , la part de l'orientation et le degré
149

fois arrivée au Brésil,
"ethno-centrisme bantu"
tendance
Ethno-linguistique
qu'on
appelle
les travaux qui, prenant le contre-pied des
précédents, voient dans toutes les marques africaines
l'impact de la langue et de la culture yoruba: c'est
l'''ethno-centrisme yoruba".
Sans chercher à mettre à tout prix une étiquette sur
chacune des oeuvres citées ici, tant sont mobiles, en
réalité, les frontières entre ces regroupements, nous
pouvons dire, à propos de la recherche afro-brésilienne
en général, et sur la base de ce qu'il nous a été donné
de voir et de sentir dans les milieux afro-brésiliens,
que la constatation de Gladstone Chaves de Melo en 1946
reste valable de nos jours, au moins pour l'essentiel:
"de façon générale, la passion a étouffé le sens
critique (des) chercheurs ... (64)" et souvent, la
connaissance encore superficielle et généralement
stéréotypée des langues et cultures d'Afrique noire
empêche d'approfondir l'analyse et de faire la part de
ce qui peut être convergent ou divergent dans les
langues et cultures africaines.
Si nous entreprenons aujourd'hui une étude des
apports linguistiques africains à Bahia en nous
associant pour l'essentiel, aux perspectives
valorisantes, c'est pour approfondir ou du moins pour
amorcer l'approfondissement d'un des aspects
151

Diaspora ewe-fon
importants, mais souvent marginalisés ou trop
sommairement évoqués l'aspect morphologique et
étymologique du domaine ewe-fon (cf. supra, I.4.
Economie générale de l'étude ., et infra, II. 3. Les
langues ouest-africaines de la famille kwa : ewe, fon,
yoruba) .
1
152

II. 2 .
LE CRITERE LINGUISTIQUE DANS LA GENESE
ET L'ORGANISATION INTERNE DES "NATIONS"
DE CANDOMBLE
153

II.2.1. - Langue et religion.
155
Ethna-linguistique

Diaspora ewe-fon
Nous soulignons donc deux points fondamentaux ddns ce
chapitre :
- la fonction de la langue dans une religion fond6e sur
une culture de tradition orale
- et le passage de la langue religieuse à la langue
générale.
I1.2.1.1.
africaines.
La religion, "focal point" des cultures
Dans la terminologie de Melville Herskovits {1}, le
focal point d'une culture est le point autour duquel
s'organise la vie du peuple, et qui exprime ses
valeurs les plus importantes.
Dans le domaine africain, la littérature sur cette
question est particulièrement abondante. Nous
mentionnerons seulement deux constatations qui nous
semblent condenser merveilleusement ce qu'on peut dire
de la place de la religion dans les cultures
négro-africaines
chez les Négro-Africains, "aucune institution
n'existe, écrit Maurice Delafosse, que ce soit dans le
domaine social ou dans le domaine politique, voire même
en matière
religieux
angulaire.
économique, qui ne repose sur un
ou qui n'ait la religion pour
Ces peuples, dont on 'a parfois nié
158
concept
pierre
qu'ils

Diaspora ewe-fon
C'est ce qui explique que, dans les conditions
historiques du Nouveau Monde, ce soit le fonds
religieux de son être que l'Africain asservi a opposé à
la mauvaise fortune: "le culte des esprits et des
dieux, ainsi que la magie, furent pour l'esclave à la
fois un refuge et une forme de resistance à
l'oppression (6)".
Le motif, par excellence, de regroupement des
Afro-Brésiliens en "nations" est justement la religion,
la pratique des cultes importés d'Afrique. Le sentiment
religieux africain s'est . purement et simplement
transféré dans le Nouveau Monde où il s'exprime au sein
de cercles divers lucumi et rieii i qo, ou Calbidos à
Cuba, rada ou vaudou en Haïti, shang6 à Trinité et
Grenade, Maria Lionza au Vénézuela etc...
Les variantes brésiliennes sont, en suivant le
littoral brésilien du Nord au Sud tambor da mina
(Maranhao), xangô (Recife), Candomblé (Bahia), macumba
(Rio de Janeiro), cabula (Esperito Santo) et batuque
dans le sud.
D'importants travaux ont été consacrés à ce domaine
(cf. supra, IL1.2. les études de linguistique
afro-brésilienne travaux essentiels) mais
rappelons, parmi les plus réputés : Candomblés da Bahia
d'Edison Carneiro (1961), Candomblés no Brasil de Joào
Ribeiro (7), 0 Animismo fetichista dos negros bahianos
160

Ethno-linguistique
de Nina Rodrigues (8). Parmi les chercheurs brésiliens
actuellement à l'avant-garde des études religieuses se
signalent Pierre Verger (9) et les Dos Santos
Deoscoredes Maximiliano et Juana Elbein (10).
Comme on sait, les cultures et les cultes d'Afrique
noire appartiennent à ce que le Professeur Maurice
Houis appelle une "civilisation de l'oralité (ll)"où le
"verbe" se définit, non seulement comme moyen de
communication, mais surtout comme moyen d'action sur le
réel, sur la vie. "La civilisation africaine procède
avant tout, du verbe, qu'il soit parole, rythme ou
symbole (12)11 et la pensée religieuse africaine confère
au "verbe" un pouvoir d'action qui transcende le réel
et relève du sacré.
II.2.1.2. - Langue et parole sacrées.
Dans le fonctionnement de la religion et dans la
pratique du culte, la langue est "l'ex-pression, par
excellence de l'être-force, déclenchement des
puissances vitales et principe de leur cohésion. Sur le
plan métaphysique, le verbe est créateur par la parole
de Dieu et création continuée par le souffle humain,
c'est-à-dire l'âme (13)".
On peut multiplier les témoignages sur
assignée au verbe dans la tradition
africaine, mais il y a, à notre avis, une
161
la fonction
religieuse
distinction

Ethno-linguistique
d'une langue ancestrale, constamment "présente", sans
être directement accessible, dans la réalité et la
pratique du culte.
Cette langue, devenue comme mythique, reste liée au
culte même dont elle semble être partie intégrante.
Selon ce que nous avons observé sur le terrain, cette
1
conscience "linguistique ? " se reflète nettement dans
le comportement langagier des membres et des adeptes de
ces cultes, dans leurs réactions devant un terme, une
expression ou un texte chanté appartenant à une autre
"nation". Ils avouent ne pas comprendre parce que
minha naçao nao pega [ 'mi ja na' saw naw 'pcga] "ma
nation ne saisit pas". Le fait même de savoir qu'il
s'agit d'un répertoire linguistique d'une nation
différente, nous semble impliquer justement une
conscientisation sociale, culturelle et linguistique.
Nous le constatons encore dans les attitudes de nos
informateurs. Ceux, d'entre eux, qui ne sont pas Jeje
ou Nago-Ketu, acceptent de travailler avec nous, mais
ils prennent toujours la précaution de nous aviser
Il ••• 5 6 que a minha naçào é angola ... u
nation est angola ... ".
Ce que Gisèle Cossard
165
n ••• seulement, ma
(une Française

Diaspora ewe-fon
afro-brésilienne), a déclaré à Emilio Bonvini, du
C.N.R.S., reste d'actualité:
" ... Il me semble que le plus grand désir des
descendants africains et de ceux qui restent les plus
proches de leurs traditions africaines, ce serait celui
de reparler les langues africaines... (14)".
Nos propres expériences pédagogiques au C.E.A.O.
confirment cette remarque. Mais "reparler
africaines ? " C'est une question à la
tenterons de répondre plus loin.
les langues
quelle nous
Ajoutons ici que ce désir se trouve accru, chez le
pratiquant du candomblé par la conviction qu'il a de ce
que les divinités adorées comprennent cette langue
africaine originelle, ancestrale, qui est, sans doute,
dans sa pensée religieuse, la "vraie" langue, celle par
laquelle on peut accéder plus directement et plus
efficacement au domaine du sacré, et, par conséquent,
agir plus promptement sur le réel. Nous voudrions, sur
ce point, citer en exemple une expérience que nous avons
vécue à Salvador. Lorsque que nous avons été présenté
pour la première fois dans un terreiro à Salvador, un
oga "chef ou responsable du culte" (appelé oga de quarto
"responsable de la chambre secrète où sont installés les
symboles des divinités(cf.lex.ét.), nous a introduit
166

Ethno-linguistique
Sur toute l'aire linguistique et culturelle ewe-fon,
la langue initiatique vaudou est appelée :
• vodugbè
• hugbè
• yè1Jègbè
<
<
<
vodu "divinité"
hu "divinité"
yè\1è "divinité"
+
+
+
gbè "langue"
gbè "langue"
gbè "langue"
Nous reprenons ces termes dans le lexique
étymologique, mais notons déjà que vodu et yèvè,
réalisés [vèdu] et [jèhwè] chez les Fon, sont des
synonymes presque parfaits. Mais vodu est le plus
courant et le plus connu des étrangers. Les trois
façons de désigner la langue de l'initiation religieuse
s'équivalent néanmoins.
Les initiés, astreints à l'apprentissage du vodûqbé
sont désignés par
vodusi,husi,yèvèsi/yèhwèsi,
dans
les
lesqels
termes
litt. "conjoint". Mais dans le contexte vaudou, le mot
prend une valeur symbolique plus profonde : il exprime
l'union mystique entre l'initié et une divinité du
culte. Aussi retrouvons-nous la même formation dans la
terminologie des initiations spécifiques au culte de
chaque divinité ; par exemple
• dë.s i
• àgcsi
< àgc "divinité silvestre" + si
-si
< da "serpent" (python) + si "conjoint"
169
"conjoint"

Diaspora ewe-fon
les dasi par exemple) et qui apparaissent ésotériquesau
profane. Obligation est faite de ne parler que cette
langue au couvent. Pour affirmer sa personnalité
nouvelle et faire croire à l'oubli de la langue
maternelle, le novice régénéré au sortir des mois
d'initiation s'exprimera au début comme un enfant par
des gestes et des sons inarticulés, face au profane qui
ignore la langue vodu. Dans sa nouvelle famille, celle
des vodusi de telle di vinité, il ne parlera que dans
cette langue (17)".
Les variations "patronales", c'est-à-dire selon la
divinité protectrice, correspondent sur le plan
linguistique (langue initiatique) , aux variantes
dialectales, comme le montre le tableau ci-dessous qui
présente un modèle, d'autres combinaisons étant
toujours possibles.
On note dans ce tableau, outre les variations
dialectales, l'interpénétration des domaines ewe-fon et
nago-yoruba.
En marge de leurs travaux
Thompson et Geoffrey Gorrer se
d'anthropologie,
sont intéressés
Butt
aux
aspects morphologiques et syntaxiques de la langue
initiatique.
172

Diaspora ewe-fon
Il nous paraît important de faire le point sur ces
définitions en guise de préalable à la recherche d'une
définition concrète de la notion afro-brésilienne de
lingua-de-santo traitée comme équivalent du vodugbè.
En général, l'idée qu'on s'est faite jusqu'ici de la
langue de l'initiation est celle d'une langue
"ésotérique" que seuls les initiés peuvent comprendre.
Cette idée semble être construite à partir de deux
confusions courantes dans ce domaine.
La première confusion est relative aux quatre emplois
distincts de la parole dans les pratiques du culte
vaudou, tels que nous les avons dégagés plus haut
(I l .2.1.1.2. Langue et parole sacrées). Considérées de
l'extérieur, ces quatre formes d'utilisation de la
parole ont en commun d'être une manière différente de
s'exprimer, par rapport aux habitudes populaires. Elles
exigent une certaine information, un effort
d'acquisition supplémentaire, même pour le locuteur
natif. Bien plus, parce qu'elles s'actualisent au sein
du culte ou dans les activités connexes, elles donnent
l'impression d'être inaccessibles aux non pratiquants
ou aux non initiés, d'où l'impression générale
d'ésotérisme.
La deuxième
sociologique du
mettre le culte
confusion concerne l'interprétation
vaudou en général. On a tendance à
vaudou au même plan que ce qu'on
174

Ethno-linguistique
Nous pouvons dire que du point de vue purement
linguistique, la langue initiatique n'a rien
d'ésotérique en soi, et que, loin d'être toujours "une
curieuse énigme", elle n'est souvent qu'un dialecte
transplanté dans un milieu linguistique différent, pour
les besoins d'un culte donné. Et si la comparaison est
permise, elle est un peu comme ce qu'était le latin
ecclésiastique d'une région donnée parmi les langues
romanes.
Mais ce qu'il est essentiel de retenir pour la suite
des distinctions que nous proposons, c'est que nous
avons affaire à une manifestation verbale constituée en
,
système ; une forme de langue parlée couramment pour
les besoins de la communication normale entre tous ceux
qui l'ont apprise. Ce qui n'est l
.... pas e cas en ce qui
concerne la 3e forme d'utilsation de la parole dans le
culte: les incantations.
177 -a
1

Diaspora ewe-fon
II.2.1.2.3. - Les formules incantatoires.
Les formules incantatoires, telles qu'elles sont
construites et utilisées en milieu ewe, peuvent être
considérées comme les illustrations, par excellence, de
la définition habituelle qu'on donne au "verbe" ou à la
"parole sacrée" dans le contexte négro-africain.
La parole incantatoire est appelée, en ewe gbèsà et
en fon gbèsisà < gbè "parole, langue" + sà "lier".
C'est une suite de mots et de sons chargée d'un
pouvoir actif; en tout cas, réputée comme telle. Pour
le linguiste, le trait essentiel de cette manifestation
verbale se traduit dans sa structure formelle. Le gbèsà
est toujours très court et peut, souvent, être réduit à
une phrase lapidaire, injonctive ou assertive, et même
à une suite de deux ou trois syllabes.
Selon les informations que nous avons recueillies à
ce su jet, il y a deux formes de gbèsà le gbèsà
d'exorcisme et le gbèsà d'envoûtement.
Cette distinction est fondée, non pas sur le contenu
sémantique de la formule, qui n'est presque jamais
explicite, ni sur sa morphologie, mais sur la
préparation rituelle qui est spécifique à chacune des
178

Diaspora ewe-fon
b Dans le cas contraire, il s'agit de "paroles"
absolument étranges, qui n'ont rien à voir ni avec la
langue
habituelle
initiatique ou
les
du
groupe,
formules
rll avec IdllCjue
incantatoires.
Ces
manifestations vocales s'observent dans les ôt.d t:; dt)
transe où le s u j et; perd visiblement (ou feint de
perdre) la parole.
Devant un phénomène de ce qen re , j l nuuS pratt
difficile de parler de langue ou même de forme
spécifique de langue qui puisse justifier un examen
linguistique rigoureux. Il se pose donc un problème
d'interprétation par rapport à une définition classique
de la glossolalie comme "délires verbaux de cert.ains
malades mentaux... (23)".
Dans les religions africaines et afro-américaines,
comme dans d'autres religions du monde, d'ailleurs, les
états de transe, phénomènes extatiques, ne sont pas,
61iniquement, des cas pathologiques. Les manifestations
verbales qui en résultent nous semblent être ce qu'on
appelle "don des langues", plutôt que de s phè nomè nes
assimilables à des troubles verbaux qUl relèveraient
alors de l'analyse linguistique des aphasies.
Conclusion
Dans la mesure où "la religion est comme un langage :
un moyen d'expression qui permet à l'homme de se saisir
182

Diaspora ewe-fon
nécessaires, autant que l'un à l'autre nécessairement
inadéquats . . . (25)".
La quest ion de la langue dans le domaine du "sacré
africain" n'est toutefois pas close. Nous la posons
plutôt comme une direction de recherche, exaltante,
sûrement, pour les "intellectuels"
enrtretiennent des liens intimes avec
africains qui
la traditi.on
africaine, et nous partageons l'avis du Professeur
Thomas qui voit dans les manifes tations du langage
dans la société religieuse africaine, une "poésie","une
abondante" littérature que l'on devrait analyser dans
une double perspective linguistique (sur le quintuple
plan prosodique et rythmique, lexical,
syntaxique,morphématique, voire phonologique) et
anthropologique (signification et place du sacré dans
la vie quotidienne du Noir) ... (26) ".
Mais dans la présente étude, les distinctions
fondamentales des usages de la langue au sein des
communautés de culte en pays ewe-fon nous servent de
point de départ pour une interrogation s u r .l'emploi
réel que font, aujourd' hui, les Afro-Brésiliens de la
langue de leurs ancêtres, et sur la place et l'état
actuel de cette langue dans les matériaux linguistiques
et culturels africains qui constituent le fondement des
communautés de culte.
184

Ethno-linguistique
d'une saisie analytique, et de pouvoir être réutilisées
et adaptées dans d'autres situations de parole.
Pour ce qui concerne le yoruba, p a r o x ernpLc , des
étudiants nigérians, locuteurs yoruba que nous avons
connus à Salvador, ont tenté, sans succès, de "causer"
en yoruba avec des auditeurs qui s uivaie n t; ces COLIr,s
depuis plusieurs années. La conversation 08 Li.mi.Luit; cl
quelques formules de civilité d'usage, et, bien sûr, à
des formules de salutation entre membres pratiquants du
culte, et auxquelles des jeunes étudiants,
"intellectuels" déjà coupés des traditions cuLt u r e Ll.es
yoruba, ne comprennent pas grand-chose.
Dans l'interview rapportée par Emilio Bonvini, Gisèle
Cossard dit qu' "il y a encore des possibilités de
conversation avec des gens très ve r s e s dan s la
divination, les Babalao, les Babalorisha", et cite
l'exemple du roi Ejigbo Oba Oyesosin d'Ijebu, dans
l'Etat fédéré de Benin au Nigéria, en visite à Salvador
(juillet 1983) "Ils ont pu, ajout.e-elle, échanger des
idées, entrer en contact dans leur langue, mais c' e s t
très rare (29)".
Que faut-il entendre par cette déclaration ? Il est
probable qu'il ne s'agissait, en fait, que d'un échange
de formules toutes faites pour cette circonstance
considérée à Bahia comme exceptionnelle. D'après les
informations que nous avons recueillies à Salvador à ce
193

Diaspora ewe-fon
sujet, l'illustre visiteur avait été reçu en qualité de
"divindade em carne e osso" divinité en " chair et en
os" par la plus prestigieuse mae-de-santo do lu. vi l Lo ,
Mae Menininha do Gantois (90 ans le 10/02/84)
Il faut reconnaître, bien sûr, que l'enseignement des
langues africaines au Brésil, et le développement des
échanges culturels actuels avec les pays du Golfe du
Bénin ont contribué, pour une large part, au maintien
des " a c quis linguistiques Il originels, même sous forme
de "bribes de discours ", et, dans bien des cas, au
renouvellement des répertoires lexicaux et culturels.
Nous regrettons néanmoins, comme Gisèle Cossard, que
les langues africaines programmées dans les activités
de divulgation linguistique et culturelle au C.E.A.O.
ne soient pas enseignées par des maîtres formés à cet
effet. Cet enseignement est confié, bien souvent, à des
Africains qui parlent la langue, mais ne sont pas
préparés à l'enseigner, surtout à un auditoire désireux
de découvrir la relation sémantique et étymologique
entre les formes mémorisées du répertoire religieux, et
celles de la langue africaine, et encore moins à ceux
qui désireraient la parler couramment.
Ces cours de langue africaine sont perçus par les
Afro-Brésiliens comme un retour et un recours aux
sources ancestrales. C'est pour cette raison qu'ils
doivent être assurés par des enseignants capables de
194

Ethno-linguistique
clairement défini, les moyens de sa réalisation
effective nettement précisés, et que, de part et
d'autre, la mise en oeuvre de ce volet bônô ti c i.o du
même soin que le volet économique ou touristique. En
effet, le "bricolage pédagogique" si l'on peut dire,
que nous déplorons au C.E.A.O., n'est dû, en fait, qu'à
la difficulté ou à l'impossibilité même, pour ce centre
de faire venir des "t.pè c i a l.Lst e s " africains pour un
séjour suffisamment long afin d'assurer un enseignement
complet, approprié et efficace.
Nous voudrions rappeler ici une parole de
l'ambassadeur du Brésil au Sénégal, qui était de
passage à Salvador au moment où nous y arrivions en
août 1983
" ... Vous avez pu venir ici, c'est un miracle "
Cette "plaisanterie" très brésilienne, dont nous ne
devions saisir le sens profond que longtemps a pr-ès ,
garde toute sa force dans le cadre du problème que nous
examinons ici. Les cours de langue ewe-fon que nous
avons débuté à Salvador n'ont pa s pu ét Le con t .i nuua
après nous, et nous savons que 1" lJ

Diaspora ewe-fon
fait naturellement par ce que nous avons appelé un
Il couple d' interactions langue-religion et rel igion-vie
(cf. int r . gén . I . économie générale de l' (': t; udo l . Nou u
aborderons plus loin, au paragraphe II.2.3., la
répercution de ce phénomène à l'échelle de la société
toute entière, d'après l' hypothèse des ni.veau x de
langue proposée par Castro (de l'InL0gcdtioIl ... ).
Mais nous voudrions d'ubord, .l t ravc rs J.' {:tudu du
terreiro do Bogum, nous interroger sur le contenu du
répertoire exploité par les Jeje et sur l'état actuel
de la langue et de la culture qui sont supposées être
les critères essentiels du r e q r ouperne n t; (:11 "riu t Lon s " lk
culte.
200

II.2.2. - Esquisse ethno-linguistique
du terreiro jeje do Bogum.
201

Diaspora ewe-fon
nous semble condenser merveilleusement notre expérience
au sein du terreiro de Bogum, il nous a été plus facile
de surmonter les difficultés d'approche du milieu ct de
découvrir, sans toujours poser des questions, certaines
réalités comme la pratique effective de la réclusion
initiatique et les usages à cette occasion, des
éléments de ce qui constitue la lingua- de-santo telle
que nous l'avons définie plus haut (11.2.1. : langue et
religion, 3 qu'est-ce que la l i nque-rde-r aonto
afro-brésilienne ? ). Trois novices étaient er:
réclusion pendant toute la période oG nous travaillions
au Bogum. Nous ne les avons jamais vues, mais chaque
fois que nous arrivions, Mae Nicinha leur signalait, à
haute voix, notre présence, et elles nous saluaient du
fond de leur chambre de retraite (hondcmi, cf.lex.ét.),
par des battements de
comprenions parfaitement.
mains spécifiques que nous
II.2.2.3.2 - Spécificité du lexique jeje ?
La question du syncrétisme da ns les r cLiqioru:
afro-brésiliennes semble avoir été approfondie depuis
les travaux de Herskovits (1943) et Carneiro (1948)
repris dans la plupart des publications sur la question
(cf. entre autres, dos Santos (1962), da Costa Lima
(1966), Castro (1976), Verger (1954/1972/1982).
224

Ethno-linguistique
Nous pouvons distinguer deux modes de syncrétisme :
- un syncrétisme externe qui draine au sein des cultes
africains des éléments de la théologie
judéo-chrétienne, des éléments de l'Islam (qui n'est
pas originellement une religion africaine), ou des
croyances indigènes
- un syncrétisme interne des cultes négro-africains
entre eux-mêmes, qui manifeste la similitude ou la
complémentarité des croyances de l'Afrique Noire.
Sur le plan linguistique, ces deux modes de mélange
ont pour conséquence d'introduire dans la terminologie
religieuse des nations de candomblé, soit des mots
d'autres langues, soit des modifications ou des
extensions sémantiques de mots pré-existants.
Edison Carneiro a bien souligné que l'assimilation"
entre les sectes" (sic) africaines, entre celles-ci et
les religions chrétiennes (... ) est facile à observer,
car elle s'extériorise par les propres paroles
employées par les prêtres catholiques ... (36)".
A ce sujet, nous relevons dans Pei xo t o (1945) de s
exemples particulièrement significatifs. Des termes de
la liturgie catholique sont traduits par des mots
ewe-fon exprimant des concepts religieux mis ainsi en
correspondance systématique avec les concepts chrétiens:
225

Diaspora ewe-fon
Voici les textes, dans les formes exactes de la Se
édition de 1977, de os Africanos no Brasil (p.138).
232

mesure de nous les rechanter.
sur quels airs et rythmes
Ethno-linguistique
Nous ne savons donc pas
étaient exécutées ces
chansons. Et même s'ils nous étaient connus, nous
auraient-ils été de
certain, car, comme
quelque
on le
secours
verra
? Ce
dans
n'est pas
les pages
suivantes, nos propres enregistrements ne nous ont pas
tellement aidé non plus.
Rodrigues souligne néanmoins, avec raison, que des
formes comme avun (qu'il faut prononcer [àvu]) "chien"
; longôsôê (qu'il faut prononcer [loSjozOôj) "t.o r t ue "
sont indiscutablement jeje (respect i vcrnen t; eWt;-fon et
fon) .
Mais le mot Ogan "monsieur, chef" n'est pas ewe-fon,
comme il le dit. Ce mot, sûrement passé dans la langue
du culte chez les Gun et Les Fon, prov I e n t du yo rub.i
qga [)gal, terme de politesse désignant toute personne
distinguée, respectable chef, officier supérieur,
patron, maître etc... Il importe de ne pas confondre ce
mot avec qgà [)Jà] "caméléon !" (cf.lex.ét.).
Une autre précision que nous pouvons apporter à la
constatation de Rodrigues est qu'à partir de la forme
phonique [làgàzàè] on peut supposer valablement que le
texte oral provient du parler maxi de Savalu, au
Dahomey (cf.supra, II,3.3.2. Inventaire des parlers
"gbe" , parler 49).
En effet, nos informateurs
235
maxi de Savalu

Ethno-linguistique
En s'appuyant sur les travaux de Ellis
(1890) ,Rodrigues s'interroge sur la syntaxe du pronom
possessi f -cê "mon, ma" post-posé dans

Diaspora ewe-fon
II.2.2.3.3.2. - La collecte des textes
Nous avons enregistré directement des textes que nous
avons t r aris c r i t s , puis soumis à l'audition de nos
informateurs de langue fon ou maxi.
Bien que, du point de vue du contenu sémantique, ces
textes chantés ne soient pas plus "t.r-ansparent s " que
ceux de Rodrigues, nous pensons qu'il est nécessaire de
les présenter ici, avec les commentaires qu'ils ont
inspirés aux informateurs africains qui les ont écoutés
à plusieurs reprises, et les interprétations
linguistiques que nous pouvons faire. En effet, s e Lon
ce que nous ont affirmé Celestino et Mae Nicinha, les
chansons n'ont jamais été enregistrées auparavant, et
il n'en existe aucune transcription.
Pour les raisons de clarté, les textes, que nous
identifions par les lettres
chacun une page entière
a à
contenant
h
les
occupent
indications
fournies par la chanteuse (Mae Nicinha) sur ce que nous
appelons la "fonction liturgique" du texte,
c'est-à-dire les circonstances dans lesquelles il est
exécuté et la valeur culturelle ou religieuse
essentielle qui le sous-tend et dont les chanteurs sont
240

Diaspora ewe-fon
tranches mal perçues. Ces loci desperati sont signalés
par des pointillés entre deux croix.
Enfin, les matériaux clairement identifiés sont
repris dans une analyse plus poussée, qui nous oriente
sur la voie d'une identification dialectale formelle
des textes recueillis.
242

Diaspora ewe-fon
Texte - b -
Fonction liturgique : fait partie des chants dédiés aux
divinités de la famille de Xevieso "divinité de la
foudre et du tonnerre" dont loko, symbolisée par
l'arbre sacré (gameleira branca)
de culte" qui reçoit les hommages.
1 - 16kàsi zàzu
2 - 16kàsi mamJbele
3 - emere do belo 0 0 0
4 - emere do belo
5 - azabcrc Kcsc
6 - 16kàsi mamJ bele
7 - para vàdusï hu u u
8 - para vàdusï hu u u
9 16kàsi zàzu
la - 16kàsi mamJ bele
11 - emere do belo 0 0 0
12 - emere do belo
13 - azabcrc Kcrc
14 - 16kàsi mamJ bele
Thème linguistique central :
C'est le hub6nJ"chef
l6kàsi / l6kà-àzàgù ? (lignes b-1, -2, -6, -9, -la,
-14) .
para vàdusi hu (lignes le -7, -8)
244

Ethna-linguistique
245

Diaspora ewe-fon
Texte - c -
fonction liturgique Hommage à loko. Appartient au
même thème liturgique que le texte précédent (b)
1 - aziwo mati ra
2 - 16Kàsi ati a wewe
3 - ati ra ra
4 - 16Kàsi ati a wewe e e
- - -
5 - aziwo mati r a a a
6 - 16Kàsi ati a wewe
7 - n i.j'ee /nicc ?
8 - co 16Kàsi nJ le be e e
Thème linguistique central :
l6kà/16kàsi àti (lignes c-2, -3, -1, -6, 8)
niree -> nicc ? (ligne c-7) .
246

Texte - d -
Ethna-linguistique
Fonction liturgique Hommage aux divinités Kp)
(léopard) divinité mâle et da (python). Chanté par les
fidèles de ces divinités.
l - KpJ ma d6 àza
2 - anu KpJ sùsi nJ KpJàhè
3 - v6du kpJsusi nJ KpJàhè
4 v6du da Kpe e re Kpè è è
5 - a KpJ mad6 àza
6 - anu KpJsusi nJ KpJ àhè
7 - vàdu KpJsusi nJ KpJ àhè
8 - v6du da Kpe e re Kpè è è
Thème linguistique central
KpJ ma d6 àza (lignes d-l, -5).
vàdu KpJ/ vàduKpJsusi (lignes d-l, -2, -3, -5, -6,
-7)
vàdu da (lignes d-4, -8).
247

Fonction liturgique
Texts - f -
Ethno-linguistique
Hommage à bàde-da "divinité"
résultant du syncrétisme interne je je-nago.
1 - teda teda teda teda
2 - +... + be na be awe
3 - +... + be na be awe
4 bede-v . . . + we eKooo
5 - teda teda t.cda teda
6 - +... + be na be awe
7 - +... + be na be awe
8 - bade-v . . . . + we eKo 00
Thème linguistique central
bàde/ bade-da (lignes f -4, -8).
249

Texte - h -
Ethno-linguistique
Fonction liturgique Cette chanson est exécutée
sur le mode des litanies des saints du panthéon jeje
dont elle constitue l'"entrée".
1 - e hu ba xoxé é é
2 - àXJlu bcsc
3 - ehu ba xoxé é é
4 - sJ 3a e ma ja da Kaja
5 - e hu ba xoxé é é
6 - e hu ba xoxé éé
7 - zogoodo bJgu
8 e hu ba xoxé é é
9 - sJ 3a e ma ja da Kaja
la - e hu ba xoxé é é
Il - e hu ba xoxé é é
12 - àsani eqe 3a
13 e hu ba xoxé é é
14 - sJ 3Él. e maja da Kaja
15 e hu ba xoxé é é
NB - liai vai chamando .. . "
Thème linguistique central
aXJlu bcsc (ligne h-2)
osani àgc (ligne h-12)
(e) hu (lignes h-1, -3 -5, -6, -8, -la, -11,
-13, -15).
251

Diaspora ewe-fon
II.2.2.3.4. - Approche linguistique des textes.
Notre méthode d'approche linguistique de ces textes
part de l'hypothèse de l'existence d'un thème
linguistique central, selon la définition que nous
avons donnée plus haut. Nous supposons que ce thème
linguistique central correspond sémantiquement à la
fonction liturgique signalée ; ou, au moins, qu'il en
contient, en synthèse, l'élément essentiel. Ainsi, il
nous sert de preuve que le texte nous situe
linguistiquement et culturellement dans un rituel
donné, auquel il est possible de remonter.
C'est donc autour de ces thèmes linguistiques que
nous avons organisé, en Afrique, l'interrogation de nos
informateurs. Par exemple:
- Mae Nicinha signale que le texte - a - est exécuté à
l'occasion des cérémonies publiques de libération d'un
groupe d'initiés, pour rendre hommage aux dignitaires
d'autres terreiros invités à ce spectacle.
Nous retenons, comme thème linguistique central, le
mot ago (lignes a-l, -3, -11), parfaitement identifié
et attesté, par ailleurs, dans d'autres répertoires de
candomblé, puis l'ensemble vàdusi le "les initiés"
(ligne a-7) et etni néxo (lignes a-2, -4, -10, -12) que
tous les informateurs ont perçu comme un énoncé
252

Ethno-linguistique
signifiant "nous allons jouer (au tam-tam)" . Nous y
reviendrons pour les détails.
- Le texte - d - fait partie des cantiques dédiés aux
divinités de la famille mythologique da, dont la
divinité symbolisée par le léopard mâle, Kp'Jsu. C'est
en hommage à cette dernière divinité que le texte est
chanté.
Nous retenons comme thème linguistique central
- Kp'J / vàdu Kp'Jsusi
da / vàdu da
On remarque que tout
ces invocations qui
(léopard mâle)
(python) .
le texte est construit autour de
nous semblent en constituer les
références sémantiques et symboliques
essentielles.
(religieuses)
En effet, la structure fondamentale de la chanson
négro-africaine, surtout dans le domaine du sacré,
semble être bâtie sur cette récurrence inlassable de
l'idée-force
s'inscrirait
qui,
"dans
selon le
un compLe xe
Professeur
mental où
Thomas;
ordre,
répétition et équilibre constituent les structures
internes fondamentales de la pensée nègre ... (39)" •
A partir de ces thèmes, les informateurs exécutent de
nombreuses chansons aussi bien profanes que sacrées
mais qu'aucun élément objectif ne nous autorise à
éomparer avec les textes afro-brésiliens, hormis les
airs musicaux et le rythme. Cela nous fait penser, avec
253

Diaspora ewe-fon
plus de conviction, que nous avons affaire, soit à des
textes composés sur place, sur des airs africains des
cantiques vaudou, soit à des textes "originaux" ,
authentiques mais qui sont aujourd'hui méconnaissables.
Dans l'un et l'autre cas, les textes, dans leur état
actuel, sont profondément altérés, et presque
complètement défigurés.
A quoi est dû cet état de choses ?
Nous le relions à quatre causes principales
• d'abord, les conditions de clandestinité qui ont
fait que, pendant très longtemps ( toute la durée de
l'esclavage, soit 3 siècles et demi cf. supra,
II. 1. 1. Synthèse historique et ethno-linguistique),
les textes originaux n' cnt été exécutés que rarement,
les sujets ne pouvant pas se regrouper tous les jours
pour pratiquer leur culte et chanter leurs dieux...
• ensuite, la répression policière, particulièrement
dure au Brésil, contrairement à ce qui est connu dans
d'autres pays de la diaspora négro-africaine comme
Haïti et Cuba. C'est toujours dans des conditions
d'insécurité totale que la transmission des textes
oraux a dû être faite de génération en génération. 1
• l'emprise de la langue du maître; le portugais, que
le Noir adulte a dû substituer assez tôt à sa langue
africaine. 1
• à ces contraintes extérieures au culte et au groupe
254

Diaspora ewe-fon
les informateurs comme un énoncé signifiant litt. "nous
allons jouer (au tam-tam)" en d'autres termes "nous
allons présenter un spectacle chorégraphique .. . ".
En effet, si la forme est ainsi identifiée, elle
serait décomposable comme suit
• mi
pluriel
pron. pers. (sujet ou objet) le pers. du
"nous".
1
• -na - monème du futur, pré-posé à la base verbale ;
• xà - v.tr. "frapper, battre; jouer d'un instrument
musical".
Notons encore, dans cette structure, un point de
distinction entre les deux branches dialectales
mi-a là (dialectes ewe)j
mi na xà (dialectes fon).
Pour la différence entre les formes verbales là en
ewe et xà en fon, nous verrons plus loin, dans l'exposé
sur les critères phonologiques de regroupement des
dialectes et parlers gbe (infra, 11.3.3.4.), le
principe des "équiphonèmes" dont chacune des
réalisations concrètes permet de répérer nettement
l'appartenance dialectale.
d - Il semble possible de rapprocher la forme zàzu, en
relation avec 16kà, ou 16kà àti, d'une forme àzàgù
employée dans la terminologie des cultes vaudou comme
titre de la divinité symbolisée par l'arbre sacré 16kà
(16kà àzàgù) .
258

Diaspora ewe-fon
Mais que faut-il décider pour les nombreuses tranches
sonores non identifiées ?
Rien ne nous permet, en l'état actuel de nos
recherches, de les considérer comme des éléments
étrangers au domaine linguistique et culturel ewe-fon.
Et nous pensons qu'en poussant l'interrogation encore
plus loin, et en élargissant l'échantillonnage à
d'autres terroirs de notre région, il est toujours
possible de lever le voile sur d'autres formes
transcrites et, peut-être, de reconstituer les tranches
sonores mal perçues que nous n'avons pas transcrites
ici.
Une chose reste cependant notoire, c'est l'absence
quasi totale de formes portugaises. Nous ne relevons
que "para" (lignes b -7, -8), et ce n'est qu'une
supposition, qui permettrait, si cela était
définitivement acquis, de traduire para vàdusi hw par
"pour, (ou en hommage à) la prêtresse du culte".
La présence de matériaux de la langue de
communication générale, si elle entame l'authenticité
(la pureté) linguistique (morphologique) du texte, a au
moins l'avantage d'en préserver le contenu sémantique
et culturel et surtout de le rendre plus vivant et plus
actuel, dans la mesure où, comprenant ce qu'il profère,
le récitant ou le chanteur sera plus à même de
262

Ethno-linguistique
l'enrichir. On ne saurait soutenir que les valeurs
culturelles africaines, (même ancestrales), introduites
au Brésil depuis le XVIIe siècle n'aient pas évolué et
même changé à la fin du XXe siècle, dans le contexte
afro-brésilien ou sur le continent africain même.
Dans les autres pays de la diaspora négro-africaine
où se sont développés et maintenus des créoles
hispano-africains (Vénezuela, Cuba ... ) ou
franco-africains (Haïti et Antilles françaises), les
textes oraux des cultes ou du folklore d'origine
africaine sont plus accessibles. Les auteurs qui y
travaillent peuvent les présenter avec des traductions
claires en espagnol ou en français
Alfred Met raux, par exemple, présente de nombreuses
chansons rituelles du vaudou, en Haïti, où on retrouve,
enrobée dans des structures simplifiées du français,
presque toute la terminologie ..spécialisée" du culte
vaudou en pays fon (40).
Le mystère linguistique qui entoure les textes de la
tradition orale d'influence africaine au Brésil
constitue un hadicap sérieux pour le linguiste, comme
1
pour l'ethnologue qui cherchent à découvrir le sens et
les formes du "message" et à remonter au récit
mythologique qui le sous-tend, afin de le relier de
manière infaillible à sa source africaine.
263

Diaspora ewe-fon
II.2.3. - DE LA LINGUA DE SANTO A LA LANGUE POPULAIRE
264

II.3
LES LANGUES OUEST-AFRICAINES DE LA
FAMILLE "KWA"
(ewe-fon, yoruba).
2- .., /..J

Diaspora ewe-fon
les villes d'AgbodrafJ et AnexJ parlent qe-rqbé: "langue
gen/mina" qui les distingue des E'.....e qui parlent vè-gbè
"langue vè". Et aujourd'hui encore, les linguistes
togolais recherchent une réponse "commode" à la question
de savoir si le qe r qbe est une Larique à part, ou un
dialecte du vè-gbè, c'est-à-dire de ce qUl est plus
généralemenc et officiellement appelé ewe.
Comme on peut le deviner, ce n'est pas tant la réponse
scientifique que le compromis terminologique qui pose
prob2.ème,
avec les
concernés,
et sur le plan s oc i o-i l i nqu i s t i que , en r.rppo r t,
politiques linguistiques dans les pays
cela prend une importance nationale.
Pour le moment, les checcheurs, prudemment,
distinguent deux langues. Nous en ceparlerons plus loin
(II. 3.3.2. : inventaire des parlers "gbe").
Hors de nor re région, le phénomène se vérifie encore
pour la langue akan du Ghana, par exemple. On continue
de distinguer les langues akuapem-kasa "langue akuapem",
akyem-kasa "langue akyem", asante-kasa "langue asante"
(connue' sous les formes ashanti/achanti) , twi-kasa
"langue twi" (parfois transcrit tswi/cwi .. . comme nous le
verrons plus loin), ec fante-kasa "langue fante" (cf.
supra, II.1.1.2.2.2. : Minas).
Souvent, les communautés voisines désignent une langue
et ses locuteurs par un nom autre que celui que la
communauté elle-même se donne.
En Côce d'Ivoire, par e xernpLe , les Dyula cu 0 ioula
280

Ethno-linguistique
C'est au: XIVe Congrès de la Société L'i riqu i s c i que de
l' Ar r i.que Occidentale (5.L ..1\.0.) ,. tenu à Cotonou
(Bénin), du 13 au 19 avril 1980, que le gr-ous::e de
travail "SBE:", dont nous sommes le coordonnateur pour
l'Université èu Bénin-Togo (cf. Capo H. Renaissance.,.,
Apgendice II, p.222-224), a proposé la dénomination
"gbe" pour désigner cet ensemble linguistique qui, dans
le cadre de notre présent travail, recouvr-e la r è
a Li r è
linguist ique "post.ulée" par" le te rrne at r o e b r e s il.i e n de
lingua je je "langue je je".
11.3.3. Le groupe linguistique "gbe".
Il faut peut-ètre, rappeler tout d'abord que le terme
"l

Ethna-linguistique
possible qu'il soit la transcription redoublée du titre
[Kp jn ] (léopard) qui désignait les rois de nacre a i r e ,
mais plus probablement la déformation du titre
honori.fique des rois d'Alada, KJk.?Jn... Le nom Papa
entra ensuite dans le langage des évolués Anago (Nago ou
Yoruba) pour désigner la population de notre lictoral,
même S1. les Xlwa (c'est-à-dire les Phla)
:cemplacés par les Gun et autres groupes (20) ".
y furent
En effet, le sentimenc général qui prévaut à ce sujet
est que le nom "popo" employé corrune ethno-gloctonyme et
toponyme ne recouvre pas la. même réalité
sociolinguiscique ou linguiscique que Ph La . Cependant,
l'étymologie envisagée par Cl a z z i ne semble pas
chronologiquement justifiée, pu i s que l'usage du nom est
at t e s t é dans la t radi t ion orale yo cuba, donc antè r i e u r
aux documents écrits, sous la forme pour
désigner leurs voisins du littoral, à l'ouest,
c'est-à-dire les peuples de langue "gbe".
Nous pensons que les Yoruba tiennent cette appellation
probablement des origines mêmes des peuples Ewe-20n,
c'est-à-dire à une époque où ils ne formaient qu'une
seule entité, car les Ewe vouent aujourd'hui, un culte
particulier à un "siège ancestral" appelé t Jgbui
Kp6kpà", "aric è t r e des ancêt res"
30 - • fon liJ]
fJn.
parfois écrit Eoh, fo, EJ, foi" et
303

II.3.3.3.Quelques critères linguistiques de regroupement.
Le classement de ces parlers en branches de dialectes,
et le regroupement de ces dernières en une langue unique
doivent reposer sur une description rigoureuse de chacun
des parlers inventoriés. En l'état actuel des recherches
sur la situation linguistique dans notre région, t.ous
les parlers ne sont pas décrits. Mais les faits d'ordre
phonologique et lexical actuellernent c o rin u s jus t ifien t
de telles opérations. Quant a u x faits s y nt.axi.quos , on
sait que c'est le domaine qui se prête le moins à des
changements linguistiques notables.
Nous présentons donc iCl quelques uns des traits
phonologiques marquants, à travers des exemples qui
mettent en même temps
fonds lexical primitf
dialectes.
en évidence
commun
309
pour
l'ezistence
l' e n s ernb I.e
d'un
cles

Ethno-linguistique
ve gen aja fon phla glose
klo klo klo 1

Diaspora ewe-fon
II.3.3.3.4. - Dans l'awlan du groupe ve
• /w/ + voyelles antérieures et centrales -1 [0]-
ve gen/mina aja fon phla glose
wb wb wb wb wb dix
aè wè wè wè we danse
être
aé aé ré we wé blanc
II.3.3.3.5. - Dans certains parlers du groupe dialectal
ve et aja,
• /s/ et /z/ + voy. ant. fermées -1 [[] et [3]
Dans le groupe aja, ils sont parfois palatalisés
devant les voyelles postérieures fermées :
aja awlan waci gen fon glose
sà sà sà sà sà fusils
fi fi si si si fuir
- - - - - -
u/su su su su su arracher
- - - - -
3i 3i zi zi zi presser
312

Il kpando
1 tsa
Ile gen
1
,
Ethno-linguistique
aja [ fon phla glose
lia r;wà bwà bwà bwà bouger
va bWè r;w è bWè bWè être petit
,
- - - -
IIU bu bu r;u t5u ouvir
II.3.3.3.7.3. - Les "équiphonèmes" - Ic ts ri
- Il dz 31
1& Itsl et Idzl sont attestés chez les locuteurs kpando
du groupe ewe
• 1ri et 131 sont attestés dans le parler alada du
groupe phla.
•
Ici et III sont attestés dans les autres groupes
dialectaux (ewe, fon, gen/mina) .
gen aja fon
1
alada glose
cà cà cà (jà choisir
•
tsi ci ci ci fi éteindre
dzâ j"â jâ jâ 1
jâ
hacher
dzi ji ji fi 3i donner
naissance
315

Diaspora ewe-fon
II.3.3.3.7.4. - L'équiphonème" le êl cl
• Ici est spécifique au parler peci (parler 6) du
groupe dialectal ve (ewe)
• lêll est spécifique à
groupe dialectal ve (ewe)
awlan, waci, adangbe, du
• lei est attesté dans les autres parlers, aussi bien
du groupe fon que du groupe ewe.
peci waci aja fon phla glose
,
sc sa sè sè sè entendre
1
,
cgbc agba ègbè gbè gbè langue
II .3.3. 7 .5. - l'"équiphonème" 1e8 cl
.. lei est attesté dans les dialectes gen/mina, aja, et
dans le parler kpando du groupe vè (ewe), mais en
fait,il ne se réalise concrètement que comme [cl
e Ici est attesté en fon, phela et dans le parler peci
du groupe dialectal vè (ewe)
• lai est attesté chez les locuteurs waci et awlan du
groupe dialectal ve (ewe).
316

Ethno-linguistique
peci waci aja fon phla glose
- - - - -
dE:" da dE:" dE:" de être rare
,
- - - - -
SE:" sa Sc Sc sc adorer
II.3.3.3.8. - Traits typologiques communs.
Sur le plan typologique, l'ensemble des dialectes
"gbe" présentent des t raits spécifiques qui les
distinguent nettement des groupes de langues appelées
"gur" également parlées dans les pays du golfe du Bénin,
comme nous l'avons d i t; plus h aur; (11.3.2. Quelques
a s pect s de la situation linguistique ouest-africaine).
Nous en signalons seulement deux , relatifs à la
structure syllabique et à la classification nominale.
- La structure de base, dans les noms comme· dans les
verbes est du type CV, CVCV, VCV, ccv, VCCV où
l'élément V- en position initiale est habituellement
représenté par [a] ; les exemples suivants sont attestés
dans tous les dialectes
• àfJ
• àti/àti
• àdu
• àgbàzè/àgbàzà
"pied"
"arbre, bois"
"dent"
"peau"
317

• iku/ku
"mourir, mort"
o iroko/iroku/loko "arbre sacré"
Ethno-linguistique
(voir ces mots dans le lexique étymologique)
- Le phénomène d'aphérèse est attesté dans tous les
dialectes, lorsque le mot ayant une voyelle à l'initiale
entre, comme élément d6terminé, dans une structure
composée:
• àtikè "remède"

Diaspora ewe-fon
Ce qui est certain, c'est qu'au stade actuel des
connaissances sur les dialectes du groupe "gbe",
l'existence, même en diachronie, d'un système nominal à
classes distinctes n'est pas démontrée, ce par quoi ces
dialectes se distinguent encore génétiquement et
typologiquement des langues et dialectes gur également
parlés dans les mêmes pays (cf. supra, II.3.2 quelques
aspects de la situation linguistique ouest-africaine) .
320

II.3.3.4. - Regroupement des dialectes du gbe.
La langue "gbe" comporte cinq branches dialectales
la branche ewe, la branche gen/mina, la branche aja,
la branche fon etla branche fèdà, rassemblant, chacune,
des parlers divers, entre lesquels l'intercornpréhension
est relativement grande de proche en proche.
Le tableau ci-après récapitule cette situation.
321

Ethno-linguistique
L'examen de l'inventaire détaillé des parlers gbe, de
quelques caractéristiques
parlers et du tableau de
de dégager un certain
phonologiques des principaux
regroupement dialectal permet
nombre de faits strictement
linguistiques qui semblent indiquer que la plupart des
formes jeje relevées
dialectales fon et fèda :
proviennent
des
branches
a - Parmi les parlers inventoriès, seuls les
parlers maxi/mahi, gun (branche
alada/allada (branche dialectale
dialectal
fèdit)
fon) , et
apparaissent
constamment dans la terminologie générale des t r-avaux de
linguistique afro-brésilienne.
Les travaux de Castro mentionnent, à propos du
document de Peixoto (lingua geral ... ), les parlers tJfi,
ayizJ (de notre branche fèda) et gen/mina. Ce dernier
nous semble fort critiquable pour des raisons
chronologiques. En effet, les historiens
et Wilson 1984, notamment) estiment
(Gayibor - 1985
que les peuples
dont la langue est appelée aujourd' hui gen ou mina se
sont installés sur le littoral du Togo et du Dahomey fin
XVIIe - début XVIIIe siècles (communication personnelle
de Gayibor ; voir également supra, II.1.1.2.2.2.
Minas). Or les matériaux linguistiques de Peixoto ont
été recueillis dans l'Etat de Minas Gerais avant 1731,
date à laquelle il a écrit:
323

Ethno-linguistique
Par exemple, la nasalisation de la voyelle finale dans
les mots comme ga "métal, fer", àti "arbre,bois", v odu
"divinité" , la "animal, viande", àzi "oeuf", est la
preuve tangible
l'influence fon
d'une
sur la
origine fon,
prononciation
ou, du, moins, de
afro-brésilienne
actuelle de ces mots. Dans les parlers de la branche
dialectal"? ewe ces voyelles dans ces coritext e s sont
réalisées non-nasales c'est là un de.:> critères
articulatoires par lesquels les locuteurs natifs des
deux branches dialectales se reconnaissent aujourd'hui.
Par ailleurs, les réal i.sa1-i o n s concrètes des
"équiphonèmes" de l'ensemble "gbe" (cf. II. J . 3 . 3 . 7 . ) ,
dans les formes afro-brésiliennes d'origine je je
viennent corroborer notre constatation
325

Ethno-linguistique
synchronique, la seule possible ici, du moins en l'état
actuel de nos recherches, des différences lexicales
marquantes montrent clairement des sources dialectales
précises à l'intérieur d'une même branche.
Nous avons
11.2.2.3.3.
plus précisément
ailleurs, le terme
noté l'exemple de
les textes oraux),
du
parler
zimpo
également de la branche fon,
où "chaise" se dit fa.
logôsôê "tortue" (cf.
qui provient du fon et
maxi de Savalu. Par
"chaise, siège", provient
malS exclue le parler gun
Par contre, nous ne relevons aucune caractéristique
phonologique ou lexicale de la branche dialectale ve
(ewe) qui la distingue des autres branches (aja, fan,
fèdà), et qUl soit illustrée dans les formes jeje
afro-brésiliennes. Ce constat se précise plus nettement
dans l'étude étymologique du lexique jeje afro-brésilien
(cf. infra, 1V.6.1. Récapitulation des sources et
1V.6.2. Quelle conclusion? ).
Mais il nous paraît nécessaire de donner ici un aperçu
du lien de parenté génétique (et historique), entre cet
ensemble ethno-linguistique "gbe" et l'ensemble
ethno-linguistique connu à Bahia sous les noms de nâgo,
nâgô-Ketu, ou, plus généralement ioruba (yoruba).
327

Diaspora ewe-fon
II.3.3.5. - De la parenté génétique des dialectes "gbe"
et des dialectes yoruba.
Dans notre introduction générale (1.4. Economie
générale de l' étude), nous avons souligné la néces s i té
de prendre en compte les données des deux groupes
linguistiques dans cette recherche étymologique qui
prend pour point de départ la langue religieuse. Nous ne
voulons pas insinuer, pour autant, que l'ewe-fon et le
yoruba constituent aujourd'hui une seule et même langue.
Nous avons plutôt affaire à des langues nettement
distinctes, entre lesquelles il n'y a plus aucune
intercompréhension directe, c'est-à-dire, sans opération
de reconstruction.
Les chercheurs qui travaillent sur les langues et les
cultures des peuples du golfe du Bénin perçoivent ce
qu'une étude comparative des dialectes yoruba et "gbe"
peut présenter d'exhaltant et d'enrichissant pour
l'histoire linguistique de cette aire géographique. Ils
le perçoivent nettement à travers la similitude des
moeurs et des croyances, et. quelque peu vaguement à
travers des similitudes linguistiques, parfois très
importantes, dont il appartient aux linguistes et aux
historiens de préciser la nature avons-nous affaire à
une parenté génétique (historique) ou à une parenté
simplement typologique, due à la longue cohabitation de
ces peuples dans les mêmes sites ?
328

La tendance qui semble
interprétation génétique
connues.
se dessiner est
des données
Ethno-linguistique
celle d'une
actuellement
De nombreux travaux de chercheurs étrangers et
africains concordent sur ce point, que conf i rme
l' histoire des origines des peuples yoruba et ewe-fon
(ou aja, chez certains auteurs)
Nous pouvons citer, ent re autres, deux publications
anciennes, mais qui nous semblent fondamentales, de
Jacques Bertho :
"Parenté de la langue de la Nigéria du sud
et la langue adja (lire aja ou ewe-fon) dans la région
côtière du Dahomey et du Togo", Notes africaines, n"35,
juillet 1947
"La parenté des Yoruba aux peuplades du
Dahomey et du Togo", revue Africa, n02, avril 1949.
La question de l'int.erpénétration culturelle et
linguistique des populations a été étudiée par Jacques
Mercier dans "Notices sur le peuplement yoruba au
dahomey-Togo, Etudes dahoméennes, nOIV, 1950, et par
Thomas Moulero dans "l'Histoire de Wemenou ou
Decemenou", Etudes dahoméennes, (Nouvelle série) ,
octobre 1966 ; mais c'est dans les travaux de
l'historien nigérian Akinjogbin (27), de W.J.Argyle (28)
et de M.J.Herskovits (29) qu'on trouve des analyses plus
329

Diaspora ewe-fon
poussées
peuples.
sur
l'histoire
"ancienne"
Enfin, dans un article plus récent
commune
"the Aja-speaking peoples in Nigeria : a note on their
origins, settlement and cultural adaptation up to 1945",
un autre historien nigérian, Asiwaju A.I. a souligné les
aspects culturels du contact permanent et les
adaptations linguistiques pour les besoins de la
religion commune, entre les populations de langue gbe et
les populations de langue yoruba ou nago, habitant la
région c6tière frontalière entre le Bénin et le Nigéria.
Dans cet article, l'auteur fait o t a t. d'un phénom6ne de
"bilinguisme yoruba-aja" qui se développe depuis le
XVIIIe s. par suite des migrations successives
provoquées par les guerres "esclavagistes" en pays fon
(cf. supra, II.1.1. synthèse historique et
ethno-linguistique), "bilinguisme" qui semble être, en
fait, un phénomène d'adaptation linguistique
parfaitement comparable à ce qui s'observe aujourd' hui
dans le contexte socio-culturel afro-brésilien. Et
Asiwaju le souligne
"Wi th respect to language, the degree of retention of
the original tongues has varied from cases ln Badagry
and Egbado South, where the original Aja dialects have
remanied more or less intact, to examples such as Wemede
330
de
ces

Ethno-linguistique
in Imako and possibly the two Ago-Egun in Abeokuta and
Haro, where the origi.nal tongues have only managed to
survive in prayers and sacred songs used at the shrines
much in the manner of the survival of yoruba language in
the cults of the Orishas in Bahia and the other parts of
Latin America, particularly Brazil. Settled among the
yoruba, the Aja in Nigeria fell under varying degrees of
yoruba 11:nguisticinfluence... (30)".
Ces constatations permettent de dire que le
syncrétisme jeje-nago n'est que le prolongement, au
Brésil, d'un syncrétisme culturel et linguistique
ewe-fon-yoruba, observable aujourd'hui dans cette partie
de notre aire et qui est ezplicable par les origines
historiques de ces peuples.
Le concept d' o x i»:à, l'organisation du panthéon et de
la liturgie des candomblés, tels que les décrivent tous
les chercheurs et observateurs, procèdent d'un système
religieux commun aux Ewe-Fon et aux Yoruba au-delà de
la différence de terminologie, le culte yoruba des
or i xé s correspond, point par point au culte des vaudou
ewe-fon, comme le souligne par ailleurs le sociologue
béninois Honorat Aguessy :
"L'aire culturelle religieuse yoruba, en dépit de la
non utilisation du mot vodun, est similaire à l'aire
culturelle religieuse aja-éwé" ,
331
c'est-à-dire à

NOTES DU TOME I.
Introduction générale.
(1) IANNI Octavio, "Organisation sociale et
aliénation" l ' Afrique en Amérique latine, Rapporteur
Manuel Moreno Fraginals, Paris UNESCO, 1984, p.43.
(2) Cf.Annexe 1, note l, sur
démocratie raciale et l'idéologie
"blanchissement".
la
du
(3) ALLEYNE Mervyne, "La nature du
phonétique à la lumière du créole français
Revue de linguistique romane, n"119-120,
juillet-décembre, 1966.
(4) "Les syntagmes
système numérique ewe
Annales de l'Université
III, 1976.
des nombres
structure
du Bénin,
politique de
branqueamento
changement
d' Hal_t:i",
tome XXX,
cardinaux dans le
o t. fonctionnement",
?,(..rie 1et. t ne' S , 1: OIIIle'
"Structure mu rphologique do s norni nau:'-. en
Annales de l'Univers i té du Bénin, Ser:i.e lettres,
VI, 1979.
(5) - ANGENOT
lingüisticas
emprestimas
Communication
Salvador 1976.
CWC· 1I
,
tome
Jean-Pierre, "Identificaçdo de cri.t c r i o s
que permitem p r e c i s a r a origem dos
bantos no português de Brasil",
X· Réunion brésilienne d'Anthropologie,
(6) CASTRO (Yeda Pessoa de), de l'Intégration des
apports africains dans les parlers de Bahia, au Grésil,
Thèse de doctorat, Ph.D. Université Nationale du Zaïre,
Campus de Lubumbashi, 1976 (inédit).
(7 ) FERRETTI Figueiredo Sergio,
Zomadonu um estudo antropo16gico da
thèse de doctorat, Ph.O., Université
(inédit) .
Querebentam de
Casa das Minas,
de Natal, 1983.
(8) - Itamaratty est le Ministère brésilien des Affaires
Etrangères.
(9) Cf.bulletin Informativo C.E.A.O., Ano V, n011,
dezembro/ 1983, p.1.
(10) L'année universitaire brésilienne (ano letivo)
commence en mars.
(11) - Cf.bulletin Informativo C.E.A.O., Ana V, n02-3,
fevereiro/ março/ 1984, p.3.
(12) LIMA Vivaldo da
Afro-Asia (2/3), Salvador
Costa,"os
C.E.A.O.,
335
Obas de Xangô" ,
1966, p.5-36.

(13) SANTOS (Paulo Roberto dos), "Centres d'Etudes
Africaines au Brésil", Revue Recherche, pédagogie et
culture, n064, octobre-novembre-décembre 1983, "Afrique
et Brésil", Paris: Audecam, 1983, p.26-31.
(14) - FRAGINALS (1984), p.11.
(15 )
Janeiro,
RIBEIRO Joao,
1889 (le éd.),
Dicionario gramatical,
(3e éd.1906)
Rio de
(16) ORTIZ Fernando, Glosario de afronegrismos, La
Havane, 1924, p.21, cité par ALLSOPP Richard,
"L'Influence africaine sur la langue dans les Caraïbes"
l'Afrique en Amérique latine, Rapporteur: Manuel Moreno
Fraginals, Paris: UNESCO, 1984, p.105.
II.1.
,
presentation ethno-linguistique.
(1) MORENO FRAGINALS Manuel, "Apports culturels et
déculturation". l'Afrique en Amérique latine, Paris
Unesco, 1984, p.8.
(2) - FILHO Luiz Vianna, 0 Negro na Bahia, Sao Paulo
Livraria José Olympio, Editora, 1946, p.99.
(3) CASTRO José de "le Brésil, parent
afro-asiatique dans l'unité et le neutralisme"
africaine, n048, 4e trim.1963, p.187-192.
du monde
Présence
(4) - Dicionàrio Aurélio da lingua portuguesa de Aurélio
BUARQUE DE HOLANDA FERREIRA, Rio de Janeiro Nova
Fronteira, 1985.
(5 )
sobre
1884),
Paulo
BARBOSA Ruy "Emarici pa ç ào dos escravos. Parecer
a reforma do elemento servil." (Rio de Janeiro,
cité par Nabucco Joaquim, 0 Abolicionismo, Sao
: Editora Nacional, 1938.
(6) - VERGER Pierre, Flux et reflux de la traite des
nègres entre le golfe du Bénin et Bahia de todos os
santos, du XVIIe au XIXe siècles, Paris/La Haye : Mouton
1968.
(7) Cf.: - AKINJOGBIN I.A.,Dahomey and its neighbours,
Cambridge Cambridge University Press, 1963 ;
GAYIBOR Nicoué, l'Aire culturelle ajatado, des
origines aux XVI I le siècle, thèse de Doctorat d'Etat,
Paris : Sorbonne, 1985 (inédit).
(8) METRAUX Alfred,
Gallimard, 1958, p.19.
le Vaudou haïtien,
336
Paris

(56) - MACHADO FILHO Aires da mata, 0 Negro e 0 garimpo
em Minas Gerais, Rio de Janeiro Editoria Civilizaçao
Brasileira, 1974 (2e éd.) .
(57) SENNA Nelson de, Africanos no Brasil, Belo
Horizonte, 1933 (2e éd.1938)
(58) - ALLSOPP(1984), p.1ü6.
(59) - SENNA (1933), p.21.
(60) - MELO Glastone Chaves de,
Paulo Agir Editora, 1946.
a Lingua do Brasil, Sao
(61) HAZAEL-MASSIEUX Guy, "Traces culturelles et
linguistiques" Revue Notre Librairie, n"8,
juillet-septembre 1985 "l'Afrique et les Arnériques
hispano-lusophones", Paris : Clef, 1985, p. 7-14.
(62) - NETO Serafim da Silva, Introduçao ao estudo da
lingua portuguesa no Brasil, Rio de Janeiro INL/MEC,
1963, p.1ü7 et 165.
(63) - CASTRO Yeda Pessoa de, "l'Afrique au Brésil,
une nouvelle approche", Revue Recherche Pédagogie et
Culture, n064, octobre-novembre-décembre 1983 : Afrique
et Brésil (avec la participation et la coordination
d'Emilio Bonvini-CNRS), p.7-1ü
"das Linguas africanas ao português brasileiro" ,
Revue Afro-Asia, n014, décembre 1983 (sous la direction
de Y.Castro), Salvador: CEAO, 1983, p.81-106.
(64) - MELO (1946), p.61.
II.2. le critère linguistique dans la genèse et
l'organisation interne des nations de candomblé.
(1) HERSKOVITS Melville, "The processes
change" , The Science of man in the world
York: Ralph Linton (Ed.), 1945, p.143-170.
(2) Cf. entre
dans la Raison
p.247-269.
autres, la pensée de Friedrich
dans l' histoire, Paris Plon,
of cultural
crisis, New
Hegel
1965,
(3) DELAFOSSE Maurice "les Civilisations
négro-africaines", cité par Hubert DESCHAMPS, les
Religions de l'Afrique noire, Pars: PUF (Que sais-je?
) n0632, 1954, p.5.
340

(4) THOMAS
noire, textes
1969, p.S.
Louis-Vincent,
et traditions
les Religions
sacrés Paris
d'Afrique
Fayard,
(5) - DIETERLEN G., Textes sacrés d'Afrique noire, Paris
: gallimard, 1965, p.18, cité par THOMAS (1969), p.24.
(6) - METRAUX (1958), p.25.
(7) RIBEIRO Joao,
Janeiro, 1972.
Candomblés no Brasil, Rio de
(8) - RODRIGUES Nina, 0 Animismo fetichista dos negros
bahianos, Rio de Janeiro: Civilizaçao brasileira, 1935.
(9) - VERGER Pierre, entre aut res
yoruba en Afrique et au Nouveau
Métaillé, 1982.
(10) - DOS SANTOS Juana
"Religion et culture
latine, rap.FRAGINALS
publications.
(11) Cf.
(12) Cf.
Orisha, des
Monde,Paris
dieu::
A.M.
E. et DOS SANTOS Deoscoredes M.,
noire" l'Afrique en Amérique
(1984), p.83-88, et autres
- HOUIS, Anthropologie linguistique ...
- THOMAS, les Religions ... , p.17.
(13) - THOMAS, les Religions ... , p.17.
(14) "Une Française a fro-brés i lienne au Brési l
entrevue avec Gisèle COSSARD" (Propos recueillis par
Emilio BONVINI du CNRS), Revue Recherche, Pédagogie et
Culture, n064,oct.-nov.-déc.- 1983 "Afrique et
Brésil", p.46-49.
(15) SEGUROLA Basilio, Dictionnaire fon-français,
Cotonou-Porto-Novo, 1963 (2e éd.1968).
(16) HERSKOVITS Melville,
african
I,p.363.
Kingdom, New York
Dahomey, an ancient
J.J.Augustin, 1938,
west
tome
(17) - RIVIERE Claude, Anthropologie religieuse des Evé
du Togo, Lomé Les Nouvelles Editions Africaines (NEA),
1981, p.165.
(18) THOMPSON BUTT, West
London: H.F. and G.Witherly,
african secret societies,
1929, p.150-151.
(19) GORER Geoffroy, African dances, London
Lehmann, 1949, p.154.
(20) - DOS SANTOS (1984), p.99.
(21) - METRAUX (1958), p.147.
341
John

(22) - FEIJOO (1984), p.144.
(23) - DUBO r S (1 973), p. 236 .
(24) - THOMAS (1969), p. 18 .
(25) GAGNEPAIN Jean, du Vouloir dire, traité
d' épistémologie des sciences humaines I du signe de
l'outil, Paris, Oxford, New York, Toronto, Sydney,
Frankfurt : Pergamon Press, 1982, p.23.
(26) - THOMAS (1969), p.18.
(27) - HAZAEL-MASSIEUX, "Traces culturelles... " p.9.
(28) - CASTRO, lias Linguas africanas ... ", p.105, note
19.
(29) - BONVINI (1984), p.48.
(30)
Brésil,
(31 )
Janeiro
BASTIDE Roger, les
Paris: P.U.F, 1960.
CARNEIRO Edison, Candomblés
: Ediçao Conquista, 1961.
Religions africaines au
da Bahia, Rio de
(32) RIBEIRO Joao, Candomblés no Brasil, Rio de
Janeiro, 1972.
(33) - RODRIGUES Nina, 0 Animismo fetichista dos negros
bahianos, Rio de Janeiro: Civilizaçao Brasileira, 1935.
(34) Cf. : - OTT Carlos, Porrna ç ào p evo Luçao étnica da
cidade do Salvador : 0 folklore baiano, Salvador : Tip.
Manu, 1955/1957.
(35) Cf. : - VERGER (1975) et VIANNA FILHO (1946).
(36) - CARNEIRO (1948) ,p.51.
(37) - FEIJOO (1984) , p.144-145.
(38) - FEIJOO (1984) .
(39) - THOMAS (1969) , p. 27.
(40) - METRAUX, le Vaudou... , p. 88, 165.
(41) - SILVA NETO Serafim da, Lnt r odu ç'ào ao estudo da
lingua portuguesa no Brasil, Ri.o de Janeiro INL/MEC,
1963.
(42) - CARNEIRO Edison, a Linguagem popular da Bahia,
Rio de Janeiro, 1951.
(43) - CASTRO, das Linguas africanas ... p.103.
342

(14) - RODRIGUES, os Africanos ... , p.139.
(15) - ELLIS Alfred Burdon, the Ewe speaking people of
the slave coast of West Africa, Londres Chapman et
Hall, 1890.
(16) - WESTERMANN Diedrich and M.A.BRYAN, Languages of
West Africa (Handbook of african languages II), Londres
: Oxford University Press, 1952.
(17) - RODRIGUES, os Africanos ... , p.103.
(18) Cf. VIDEGLA Michel, Réactions africaines
devant les rivalités européennes dans le golfe du Bénin
: 1860-1892. Thèse de Doctorat de 3e cycle,
Université de Paris I Panthéon-Sorbonne (Centre de
Recherches Africaines), 1974 (inédit) . "Quelques
aspects des frontières coloniales en pays aja, ewe et
yoruba" Peuples du Golfe du Bénin (Aja-Ewé) Etudes
réunies et dirigées par François de MEDEIROS, Paris
Karthala (C.R.A.), 1984, p.102-125.
(19) Cf.Pazzi Roberto (Rd.p.) Introduction à l'histoire
de l'aire culturelle ajatado. Etudes et documents en
sciences humaines, Lomé : Institut National des Sciences
de l'Education (INSE), Université du Bénin, 1979.
(20)
13-14.
PAZZI Introduction... p.41 et "Apperçu... " P
(21) Cf. COMHAIRE-SYLVAIN Suzanne, - "Survivances
africaines dans le vocabulaire religieux d' Haïti" .
Etudes dahoméennes, Institut Français d'Afrique Noire,
Porto-Novo, n010, 1955, p.8-20.
(22) - PAZZI, Introduction . . . , p.76.
(23) - METRAUX, le Vaudou... ,p.32.
(24) - Voir à ce sujet Annexe III, note 11.
(25) - HAZOUME Marc, Etude descriptive du gungbe,
de Doctorat de 3e cycle, Université de Paris III,
(inédit) .
thèse
1979,
(26) - BOLE-RICHARD Rémy, Systèmatique phonologique et
grammaticale d'un parler ewe le gen-mina du sud-Togo
et sud-Bénin, Paris l' Harmattan, 1983. (Thèse de
Doctorat de 3e cycle, Université de Paris III, 1980).
(27) - AKINJOGBIN, Dahomey . . . , 1963.
(28) - ARGYLE W.J., the Fon of Dahomey, Oxford, 1966.
(29) - HERSKOVITS M.J., Dahomey, an Ancient West African
Kingdom (2vol.), New York, 1934.
344

(30) - ASIWAJU, "The Aja-speaking peoples in Nigeria",
Peuples du golfe du Bénin (Aja-Ewe), p.87-102.
(31) - AGUESSY Honorat, "Convergences religieuses sur la
côte du Bénin" Peuples du Golfe du Bénin (Aja-Ewé),
p.235-240.
(32) CARVALHO José
africaine au Brésil"
p.217-236.
Jorge de,
l'Afrique
345
"la
en
Musique d'origine
Amérique latine,

AVANT PROPOS
TABLE DES MATIERES
l
INTRODUCTION GENERALE
1.1 - LE SUJET DEFINITION ET LIMITES 21
1.2 - LES OBJECTIFS 26
1.3 - LES MOYENS MIS EN OEUVRE 29
1. 3.1 - L'outillage linguistique et culturel 29
1. 3.2 - L'expérience des milieux 31
1. 3.3 - L'étude sur le terrain africain 41
1. 3.4 - L'étude sur le terrain brésilien 43
1.4 - ECONOMIE GENERALE DE L'ETUDE
347
7
43

LA DIASPORA LINGUISTIQUE NEGRO-AFRICAINE AU BRESIL
II
II.1 - PRESENTATION ETHNO-LINGUISTIQUE 63
II.1.1 - Synthèse historique et ethno-linguistique 65
II.1.1.1 - Le trafic négrier: les données
historiques essentielles 65
II.1.1.2 - Les témoignages linguistiques du trafic 74
II.1.1.2.1 - Les toponymes du commerce bahianais 75
II.1.1.2.1.1 - La costa-da-mina 77
II.1.1.2.1.2 - La costa- da- guiné 78
II.1.1.2.1.3 - Ajuda/adjuda/agouda (toponyme) 79
II.1.1.2.1.4 - "Popo", toponyme et ethnonyme 82
II.1.1.2.2 - Les ethno-glottonymes 85
II.1.1.2.2.1 - Gentio da guiné et gentio da costa 85
II.1.1.2.2.2 - Minas 86
II.1.1.2.2.3 - Aladas/arda/ardra... 94
II.1.1.2.2.4 - Mahi/savalu/mahi-savalu 95
II.1.1.2.2.5 - Jeje 95
II.1.1.2.2.6 - Nago/nagô 96
II.1.1.2.3 - Le vocabulaire usuel 99
II.1.1.2.3.1 - Galinha-da-guinê 99
II.1.1.2.3.2 - Capim-da-guinê 100
II.1.1.2.3.3 - Buzio-da-costa 101
II.1.1.2.3.4 - Pano-da-costa 102
II.1.1.2.3.5 - Sabao-da-costa 103
II.1.1.2.3.6 - Pimenta-da-costa 103
348

II.2.1.2.4 - Les phénomènes de glossolalie 181
II.2.1.3 - Qu'est-ce que la lingua-de- santo? 185
II.2.1.4 - A propos de l'enseignement des langues
africaines à Bahia 190
II.2.2 - Esquisse ethno-linguistque du terreiro
jeje do Bogum
II.2.2.1 - Introduction :le terreiro do Bogum
dans le contexte socio-culturel actuel
201
du candomblé de Bahia 203
II.2.2.2 - Présentation 208
II.2.2.2.1 - Localisation 208
II.2.2.2.2 - Etymologie de la dénomination 210
II.2.2.2.3 - Généalogie sacerdotale 217
II.2.2.3 - Enquête sur la terminologie rituelle 220
II.2.2.3.1 - Le questionnaire d'enquête 221
II.2.2.3.2 - Spécificité du lexique jeje? 224
II.2.2.3.3 - Les textes oraux 231
II.2.2.3.3.1 - La tradition musicale et
folklorique jeje 231
II.2.2.3.3.2 - La collecte des textes 240
II.2.2.3.4 - Approche linguistique des textes
oraux
II.2.2.4 - Conclusion
II.2.3 - De la lingua-de-santo à la langue
populaire
350
252
261
264

11.3.3.4 - Regroupement des dialectes "gbe"
II.3.3.5 - De la parenté génétique des dialectes
NOTES DU TOME l
"gbe" et des dialectes yoruba
352
321
328
335

"Longe se vai 0 tempo
quando da Africa parti
quando os negreiros velejaven
E nunca mais esqueci".
Durval Azevedo, Poetas bahianos da negritude,
Salvador, 1982.
"Lointain est le temps
où je suis parti de l'Afrique
où les négriers navigaient
et je n'ai plus jamais oublié" .
.. ',

Pages
·439
453
459
491
511
518
547
lignes
10
8
9
5
2
21
14
ERRATA
(tome II)
au lieu de:
produictif
indépendament
.qui l'aspect
qu'il Il clasée
nous donons
aucours
correspondande
lire:
productif·
indépendamment
qui al' aspeet
qu'il Il clas8••
nous donnons
au cours
correspondante
571 19 socio-linguitique socio linguistiquê·

Diaspora ewe-fon
afro-européenne (1)
Le brésilien est
locuteurs,
qu'il ait
identifiable
géographique
brésilienne
sur
pl,.!
et
et
une
se
n'ont
parlé par près de 138 millions de
étendue de 8.512.000 km2, (2) sans
constituer un créole viable,
localisable
l'extrême
abouti
aujourd'hui.
variété
qu'à
de
des
la
L'extension
population
variations
linguistiques régionales ou socio-culturelles de la
langue de Lisbonne.
C'est un fait qui nous semble expliquer qu'on se doute
à peine qu'une partie importante du lexique brésilien
soit constituée de mots d'origine africaine, et que la
forme actuelle de la langue nationale soit la résultante
d'une série d' influences l inguistiques marquantes, dont
celles des langues de l'Afrique Noire.
L'étude strictement linguistique des apports africains
à la formation et à la caractérisation des langues et
cultures du Nouveau Monde, et singulièrement du Brésil,
nous semble exiger, du point de vue méthodologique, une
introduction à la situation linguistique et aux réalités
socio-linguistiques observables sur le terrain.
Nous visons, par cette exigence, à proposer des
éléments de réponse probante aux questions diverses qui
se posent souvent à propos des contributions
linguistiques africaines dans
socio-culturels de la diaspora nOlre
358
les contextes

Diaspora ewe-fon
portugaise qui
LTanei ro;
s'est installée en 1808 à Rio de
la zone minière de l'Etat de Minas Gerais qui
redistribuait la main-d'oeuvre servile vers les mines de
Goias et de Mato Grosso
- les plantations de canne et les moulins à sucre de
Pernambuco, Alagoas et Paraiba ;
-enfin, le Maranhâo qui assurait le relais vers les
plantations de coton dans l'Etat de Para.
C'est cians le nord-est du pays que se trouvait donc
concentrée la grande partie des Africains,
régime de l'esclavage. (4)
sous le
Aujourd'hui, l'élément africain est présent partout,
au Brésil. Mais on peut encore dire que c'est à Bahia,
pricipalement et au Maranhâo, que cette présence est
plus nettement perceptible (cf. carte N'3) .
Qu'en est-il, du point de vue de l'influence
linguistique de cette présence sur
territoire brésilien? C'est la question
posons dans le chapitre qui suit.
360
l'ensemble du
que nous nous

Etude morphologique
"Une langue qui se développe parallèlement sur deux
territoires séparés", se dédouble souvent. C'est ainsi
que nous pouvons résumer les principes illustrés dans le
chapitre IV consacré à l'étude des "propagations des
ondes linguistiques" dans le Cours de l i nqui s t. i que
généra-le (5) . Les phénomènes de différenciation
dialectale du germanique et du français, qui vérifient
l'analyse de Saussure, sont parf ai t_emen t comparables à
ce qui s'est produit entre le portugais transplanté au
Brésil et le portugais parlé au Portugal.
La différenciation entre les deux formes de la langue
est aujourd'hui un fait notable. L'analyse des diverses
particularités phonétiques des formes brésiliennes
conduit par exemple Gustavo Vianna à conclure que le
portugais du Brésil se caractérise - sur le plan
phonétique -, par l'allongement des voyelles prétoniques
qui détermine le rythme lent et "paresseux" de
l'intonation. Ce rythme contraste avec la prononciation
portugaise, qui exploite une complexité minimale des
syllabes, due à l'affaiblissement des voyelles et aux
articulations complexes (6). Nombreux sont, au Portugal
même, comme au Brésil, les auteurs qui se sont attachés
363

Diaspora ewe-fon
à montrer, de diverses
plus "orthodoxe", la
langue.
manières, la
plus conforme
prononciation
au génie de
Nous n'allons pas nous engager dans ce débat, ni même
dans l'entreprise d'en exposer les aspects essentiels.
Il nous suffit de signaler ici quelques tentatives de
regroupements dialectaux (7)
III . 1 . 1 . Aires dialectales de Rodolfo Garcia
Dans son D_L c i.anariode brasi I eir i. smo, Rodolfo Garcia
distingue cinq aires dialectales au Brésil (cf. carte
N" 4) .
l - Le Nord
II - Le Nord-Est
364
- Arna z'on i e
- Para
- Maranhào
- Piani
- Ceara
la
la
- Rio Grande do Norte
- Paraiba
- Pernambuco
- Alagoas

Diaspora ewe-fon
Quant aux aires IV et V, les influences indiennes et
africaines y semblent. plutôt faibles.
II . 1 . 2 . Aires dialectales d'Antenor Nascentes
La monographie d'Antenor Nascentes distingue, avec
quelques réserves, quatre groupes dialectaux (8). (cf.
cart.e N"\5) .
1 - Le dialecte du Nord-est
Amazonie
- Para
- Tout le littoral du
nord-est brésilien,de l'Etat du Maranhao à l'E.tat de
Bahia.
2 - Le dialect.e fluminense ou carioca
- Espirito-Santo
- Rio de Janeiro
- Sud de Minas Gerais et
- La zone forestière : Mato Grosso
et Mato Grosso do Sul.
3 - Le dialecte s e x cenejo ."du sertào" (9)
- Mato Grosso
- GalaS
- Nord de L'Etat de Minas Gerais et
- Le Sertào du nord-est.
366

4 - Le dialecte "sudiste"
- Sào Paulo
- Parana
- Sant.a Catarina
- Rio Grande do Sul et
Etude morphologique
- La région dite du tri&ngulo Mineiro.
Le Para et l'Amazonie constituent sans doute un
"ensemble dialectal" d'influence indienne ainsi que l'a
noté éga lement Rodol fo Garcia.
Paulo a son dialecte Caipira,
les travaux de Amadeu Amaral
On sait encore gue Sào
bien mis en évidence par
(la), mais l'Etat de Rio
Grande do Sul connait une autre variété dialectale dont
la constitution serait fortement influencée par le
voisinage de l'Argentine notamment.
Mario Marroguim a clairement montré, dans a lingua do
Nordes te (11) , que Pe rnarnbuco et Alagoas, dans le
Nord-Est, forment une aire dialectale ayant des
caractéristiques propres. Par 'ailleurs, les voies de
communication du fleuve Sào Francisco, et les régions
aurifères et diamantifères ont favorisé la formation
d'un dialecte central ou sertanejo plus ou moins commun
aux Etats de Minas Gerais, Co i à
Sertào bahianais.
s
, Mato Grosso et le
Quant à l'extension des aires dialectales carioca ou
t Lum.inense et sudi s te, il Y a lieu de craindre que les
367

Diaspora ewe-fon
généralisations ne soient plutôt exagérées.
Quoi qu'il en soit, ces regroupements, jamais
illustrés par des faits linguistiques probants,
demeurent, dans l'ensemble, bien aléatoires, en raison
de l'extension de chacune des régions et de la disparité
des données linguistiques sur ces immenses étendues.
Les différences
perçues par les
informations sur
du portugais du Brésil.
régionales sont néanmoins nettement
lexicographes soucieux de donner des
les particularités lexico-sémantiques
Examinons, à titre d'exemples, les informations
lexicographiques sur quelques items, pris au hasard dans
le tnédi o Di ci oné.ri o Aurélio de 1985
- canjica : brasilérisme,
bouillie de consistance crémeuse faite
avec du mais vert, sucre, lait de coco ou de vache, et
saupoudrée de cannelle, connue dans tout le Brésil sous
le nom de canjica (lexème spécifique au portugais du
Brésil), est appelé
Goias
curau [ku' 15aw] à Sâ o Paulo, Mato Grosso et
coral, et papa de milho à Minas Gerais et
dans l'Etat de Rio de Janeiro;
de Rio de Janeiro ;
cenjioui ritie [ka3i'kipa] dans la ville même
- munguzà dans le Nord et le Nord-Est
368

Etude morphologique
- cha-de-burro dans l'Etat d'Alagoas.
Le mot bambào, également brasilérisme, désigne le
pédoncule interne de la jaca, un fruit très répandu au
Brésil (de l'arbre appelé jaqueira ( artocarpus
integra). Le correspondant actuel dans l'Etat de Bahia
est manguxo [mà'guSu] Il existe, dans le parler de
l' Etat d'Alagoas, une locut ion a bambào au sens de "à
gogo'; ou "exceptionnellement", "de façon
extraordinaire".
Le culte afro-brésilien, dont l'organisation est
identique dans tous les Etats où il est pratiqué, reçoit
des appellations néanmoins différentes dans certains
Etats
batuque (Maranhào)
xangô [Iii' go] (Pernambuco - Alagoas)
candomblé (Bahia)
macumba (Rio de Janeiro)
- Les jeunes délinquants sont appelés maloqueiros dans
l'Alagoas.
Dans les Etats de Rio de Janeiro, Rio Grande do Sul
et Sâo Paulo, on les appelle pivetes [pi'vccis].
Selon les informations recueillies à Bahia, le mot
désigne, dans cet Etat, n'importe quel jeune garçon,
sans connotation morale ou sociale spécifique. Il serait
simple synonyme de rapazinho, menino, ou garoto.
- Enfin, le mot pixuà [piJ'wa], désignant un tabac de
369

Etude morphologique
que la langue du Portugal a subi, dans la continuité
géographique du Brésil, des altérations qui ne sauraient
certainement être attribuées ni à la séparation, ni aux
facteurs
"afro-indiens". Mais les
linguistiques et socio-culturels
situations de contact de
langues paraissent des facteurs plus décisifs en fait de
différenciation dialectale.
En considérant le portugais dans ses rapports avec les
langues non européennes, nous pouvons rappeler que les
langues indiennes n'ont jamais pénétré au Portugal,
alors que des langues africaines y ont été connues. A ce
sujet, Renato Mendonça note, par exemple, que des
personnages parlant la lingua de negro "langue du
nègre"· étaient très à la mode dans le théâtre portugais
des XVe et XVIe siècles, (cf. Annexe II, note 1). Le
phénomène serait dû à la présence particulièrement
marquée d'esclaves noirs que les Portugais employaient à
cette époque aux tâches· domestiques à Lisbonne ou aux
travaux agricoles dans le Ribate j 0 et l'Algarve, dan s
l'extrémité méridionale du Portugal.
La lingua de negro ne représente toutefois que des
formes altérées du portugais parlé par les Noirs,
présentées comme des curiosités linguistiques.
MaLq r è
l'introduction
de Noirs africains, il ne s' est
jamais constitué au Portugal de dialecte créolisant
résultant de l'association des formes du portugais et
371

Diaspora ewe-fon
des langues africaines. Par contre, sur le continent
africain, on le sait, le contact du portugais avec des
langues africaines a donné
créolisants dans certains
d'aujourd'hui.
372
naissance à des
pays africains
dialectes
lusophones

c'est le cas
Afrique de l'ouest.
Etude morphologique
de la Guinée Bissau et du Cap Vert, en
Les pays lusophones d'Afrique Centrale et Australe
Sâo Tomé et Principe, Angola, sur le littoral
atlantique, et le Mozambique sur la contra costa de
l'Océan Indien ne connaissent pas de créole
"luso-africain" pY"opv-e .
Nous avons eu confirmation de ce fait auprès de
ressortissants de Guinée Bissau et d'Angola avec qui
nous avons travaillé à Lomé pendant l'été 1986 (cf.
infra, 111.3.1.: Introduction: Méthodologie).
Une étude approfondie du processus de formation de ces
créoles luso-africains et de leurs structures
linguistiques actuelles, comparées à celles du portugais
métropolitain, aiderait, peut-être, à définir une
nouvelle stratègie d'approche de la contribution des
langues africaines à la formation du portugais du
Brésil, bien que les contextes historiques,
socio-politiques et socio-linguistiques ne soient pas
tout à fait comparables.
Sur le plan strictement linguistique, il faut signaler
néanmoins un écueil qui, sans être insurmontable, parait
tout de même sérieux les langues africaines dont
l'influence prédomine aujourd'hui dans le contexte
brésilien (langues bantu et ouest-africaines de la
famille Kwa) , appartiennement à deux classes
373

Diaspora ewe-fon
typologiques trop sensiblement éloignées des langues
mandingues de Guinée Bissau ou du Cap Vert pour
justifier une étude comparative utilement exploitable
Tl.
dans une dialectologie afro-brésilienne. Renato Mend9ça
qui, en 1933 déjà, déplorait le fait qu'on accordait
très peu, ou presque pas, d'importance aux créoles qui
se sont développés sur le continent africain, et dont la
connaissance éclairerait certains phénomènes phonétiques
du portugais brésilien, se doutait à peine des
spécialités typologiques des langues concernées, et
semblait vouloir limiter les apports linguistiques
négro-africains au seul domaine phonétique (12).
Dans les études consacrées à la question au Brésil,
des traits phonétiques africains introduits dans le
système du portugais ont été attribués à la langue tupii
au mépris des données historiques et linguistiques
réelles.
Cette tendance a été quasi générale pendant longtemps
au Brésil, et résulte de la primauté donnée aux Indiens,
au détriment des Noirs africains, dans l'étude des
processus de formation ethno-démographique de la nation
brésilienne.
" Le nègre, qui, observe Mendonça, sue et s'épuise au
travail sous le fouet, n'offre pas la même poésie que
l'Indien aventurier qui erre dans la forêt. Pendant que
l'un édifiait imperceptiblement l'économie nationale par
374

la culture de
travail dans
la canne à sucre et du
les mines d'or, l'autre
des motifs sentimentaux pour le
"galants" de l'Empire ... {l3)".
Etude morphologique
café, et par le
inspirait plutôt
passe-temps des
1..' inexistence, en langue tupi ou tupi-guarani, de la
latérale apico-alvéola ire 111 a servi
phénomène de la perte de l'articulation
réal i sé [ j] dans tout le Brésil. On
exemples
mulher
molho
trabalhar
[mu' je]
['mojo]
[tb'aba' ja]
à expliquer le
latérale de /A/
peut. citer les
"femme"
"sauce"
Nous y reviendrons dans le chapitre suivant.
"travailler"
Il est encore vrai que les fameux bendei.re nt.es (les
bandeirantes étaient les chercheurs d'or qui exploraient
le territoire brésilien); ont contribué énormément â
l'expansion
for.t.ement
lexique de
de la
au j our d ' hui
la flore
langue tupi-guarani qUl
la toponymie du Brésil
et de la faune notamment.
marque
et le
On ne
saurait donc sous-estimer son influence mai.s la
tendance à en exagérer l'importance, au détriment
d'autres facteurs tout aussi évidents, ne s'explique pas
non plus.
La substitution graduelle des Noirs aux Indiens dans
375

Diaspora ewe-fon
le peuplement fonctionnel du Brésil s'est néanmoins
accentuée à partir du XVIIIe siècle, (cf.supra, 11.1.1 :'
Le trafic négrier ... ); à tel point qu'au XIXe siècle, les
Indiens ont pratiquement disparu de la scène
socio-linguistique du pays.
C'est alors que commença à agir, de façon marquante et
décisive, le facteur négro-africain, aussi bien sur le
plan linguistique que dans le domaine socio-culturel
(cf. II. 2. 3. : de la lingua-de-santo à la langue
populaire)
Dans l'intimité de la famille, dans les plantations et
fermes (fazendas), comme dans les villes, le nègre
apparait comme une figure indispensable ; et comme il
s'es t en quelque sorte "fondu" avec le Blanc portugais
au point qu'il en est résulté, au plan démographique, un
métissage spécifique au Brésil (14), il était tout à
fait légitime et logique de s'attendre à un métissage
linguistique correspondant, au développement d'un
"créole brésilien" à composantes "luso-africaines". Des
"créoles" ont pu exister, sans doute, à divers endroits
de
l'immense
territoire
brésilien
mais
généralement que de telles formations ont
instables qu'elles n'ont pas tardé à disparaître,
on
pense
été Sl
Il est attesté, par contre, que parmi les populations
noires, des langues a fr i caines on t été parlées comme
telles, pendant tout le XVI I le siècle et pendant une
376

onne partie du XIXe (15).
Etude morphologique
Dans la région minière de vila Rica (actuel Ouro
Preto), dans l'Etat de Minas Gerais, la lingua geral de
mina était une lingua franca parmi les travailleurs
noirs des mines cl' or. Rappelons qu'Antonio da Costa
Peixoto en a traduit des éléments dans une oeuvre
considérée aujourd' hui comme le document linguistique
le plus important de l'époque de l'esclavage au Brésil
(cf. supra; II. 1. 2. : les études de linguistique
afro-brésilienne)
377

III. 2.
LES INTERFERENCES LINGUISTIQUES
D'ORIGINE AFRICAINE
379
Etude morphologique

Etude morphologique
Les particularités du brésilien sont interprétées de
diverses manières
1
derniers examinent
par les auteurs,
la langue dans ses
selon que ces
rapports avec le
portugais d'Europe ou avec les langues non européennes
en contact.
Au chapitre consacré aux études de linguistique
afro-brésilienne (supra , II. J. 2. ), nous avons évoqué
deux tendances l'une méconnait ou minimise l'influence
négro-africaine, et
langues africaines,
de l'ouest-africain.
l'autre privilégie l'action des
notamment celles de l'aire bantu et
Il suffirait, peut-être, de rappeler lCl deux
positions ext rêmes et relativement récentes et
contemporaines, qui illustrent clairement ces tendances.
Pour Hazael-Massieux, les phénomènes de nature
phonétique observés dans
les usages latino-américains
(surtout au Brésil), peuvent être considérés "comme
l'aboutissement de tendances ibériques, parfois
réalisées dans les parlers européens, souvent contenues
par la presse normative, rnai. s
des communautés lusophones et
trouvant à la périphérie
hispanophones, dans des
groupes moins hiérarchisés, la possibilité de s'épanouir
(1 )".
381

Diaspora ewe-fon
- A propos de la formation des créoles euro-africains,
Allsopp, lui, écrit
"Bien que l'ascendance des langues créoles dans le
Nouveau Monde soit encore un sujet de controverse, aucun
théoricien digne de confiance ne nie plus aujourd'hui la
forte influence exercée par l'Afrique occidentale (2') i
En présence de positions aussi tranchées et toutes
deux fondées sur des faits réels, puisque d'une part,
les mutations en question s;observent en Europe, il est
v r a i , dans les situations où les langues d'Afrique ne
sont pas impliquées, et que; d' autre part, des preuves
concrètes, comme nous le verrons, permettent de relier
ces mutations à la longue et intense cohabitation, au
Brésil, du port.ugais et des langues africaines, devant
ces positions donc, la plus grande prudence doit êt.re de
,
règle.
Il est évident, cependant, que nous avons affaire à un
cas de contact de langues. Le portugais métropolitain a
subi des changements, non pas dans son contexte
socio-culturel et socio-linguistique naturel (ou
originel), mais au contact de langues et de cultures
différentes et prédominentes pendant les premiers
siècles de son installation au Brésil. "Au moment où
s'est produit le contact (c'est-à-dire, au XVIe siècle),
rappelle Allsopp s'appuyant sur la supériorité numérique
382

Diaspora ewe-fon
III. 2. 1. Les altérations phonétiques.
Les faits phonétiques souvent observés sont
la perte de l'articulation latérale de p.)
l'assimilation et la dissimilation des phénomènes
d'aphérèse, d'apocope, de métathèse, de rhotacisme, de
svarabhakti, de réductions vocaliques et de métaplasme.
l l l . 2 . 1 . 1. lÀ/ -7 [ j ] perte de l'articulation
latérale.
La pert.e de l'articulation latérale de /"11./ portugais
est traitée dans les travaux de Mendonça (1935) comme un
phénomène de vocalisation. Or la vocalisation est le
passage d'un élément consonantique (consonne ou glide),
à une voyelle, soit historiquement, soit dans une
alternance synchronique (3 ) .
Ce n'est pas le cas dans la prononciation brésilienne,
où la palatale /"11./ du portugais se réalise [ j ]
semi-consonne.
Le phénomène est déjà très évident dans les formes
créoles "luso-africaines" du Cap Vert, de la Guinée
Bissau:
melhor
filha
/me' IJ o J6/ -'J
l'filjal -'J
384
[me' l ob l
['fija)
meilleur"
"fille il

Diaspora ewe-fon
Dans l'i1e de Ano Bom , la diphtongue e i [Li) se réduit
à [e), et ou [ow) à (0) comme dans les mots
terce.iro
outro
[Lc r ' SEjb'O) --,)
[ ; owt!Jo] --,)
[ter' selo)
[ , otu 1u ]
III. 2. 1. 1. O. Le phénomène de métap1asme.
"troisième"
"autre" .
Le phénomène de mét.aplasme qui consiste, dans
l'altération cl' un mot, en un changement phonétique par
la suppression, l'addition ou la permutation de phonèmes
(12) s'observe surtout chez les locuteurs ruraux peu ou
non-alphabétisés
Cândida [ , kàdida] --,) [ , k à j
da] "Candide"
tiorr s. vel [O'1:SiVEW] --,) [o'Hivi] "horrible"
circulado [ si.bku ' ladu) --,) [si1:Sku'ladu) "circulaire"
-
numero [ , n urnebo ] --,) [ , nubu ] "nombre"
muito [m'wito) --,) ['mutu) "beaucoup... "
En tout état de cause, ces diverses altérations
phonétiques, déjà sensibles dans certaines couches
sociales urbaines, deviennent particulièrement
marquantes au fur et à mesure qu'on pénètre dans le
sertào du nord-est brésilien, zones de plus forte
concentration des influences négro-africaines (cf. carte
n • 3) .
400

Etude morphologique
Elles caractérisent surtout la langue des sujets peu
ou non-scolarisés, dont le nombre, il faut le dire, est
encore très important. Signalons, en marge ici, qu'en
1983, des statistiques du Rectorat de l'Université de
Brasilia faisaient état de 8 rniLli.ons de "personnes
scolarisables,
statistiques,
publiées à ce
1982
mais qui
qualifiées
sujet par
ne
le sont pas".
de "sans appe1" ,
Quelques
ont été
Luiz-Felipe de Alencastro, en
" dans la population âgée de plus de cinq ans;
52,4% des Noirs sont sans instruction ou n'ont reçu que
mOlns d'une année d'instruction, ce qui revient au même
lorsqu'on connai t le niveau de l'enseignement primaire
au Brésil ... (13)".
Nous notons dans le même document que les Noirs et les
Métis rassemblent 52,1% du total d'illéttrés ayant plus
de cinq ans, alors qu'ils ne correspondent qu'à 39,5% du
total de la population du pays.
si l'on y ajoute la masse largement plus importante,
sans doute, des communautés rurales composées de Noirs
et de Métis d'un certain âge et qui n'ont pas appris le
portugais à l'école, on peut supposer qu'à l'exception
des classes sociales privilégiées (classe supérieure et
classe moyenne) des cen t res urbains, très peu de
401

Diaspora ewe-fon
locuteurs échappent, dans la pratique quotidienne de la
langue, à ces phénomènes.
Chez la
situation
plupart
est telle
l'Université Fédérale
des
que
du
populations du
Ramiro Corrêa
Maranhào à Sào
sertao,
Azevedo
Luis (14)
parlé de d i e Le cel i snio "dialectalisation?" et de crioulo
linqu: st. i co "créole linguistique" par oppos i t ion au
"créole racial" sans doute !
En effet, outre les altérations classiques étudiées
plus haut, la langue de ces communautés restées
analphabètes présente de nombreux particularismes au
plan suprasegmental dont notamment cette "mëlodie
chantée" de la phrase et le rythme
parole ,traits qui évoquent,
lointaine origine africaine.
Enfin, les
l'influence
articulatoires,
à l'école
pratiquement,
lexicales :
déformations phonétiques
africaine et liées
à
la
de
lent, indolent de la
naturellement, une
attribuables à
aux difficultés
- faute d'un apprentissage systématique
sont souvent telles qu'il se crée
côté du mot portugais, des variantes
procura [pbo r k ulfa] -7 [pa.l'kuba] / [pcb'ku})a]
/ [po})'ku0a] "recherche"
outubro [ow'tubtlo) -7 [oj'tub0o] / [ow'tubtlo]
/ [ob'ku1::Sa)"octobre"
402
a

Diaspora ewe-fon
III. 2. 2. Vestiges morphologiques?
Renato Mendonça observait dans les années 1930 que les
langues africaines n'ont laissé que des "vestiges" dans
la morphologie du portugais au Brésil ; fait explicable,
selon lui, par la différence profonde entre les langues
indo-européennes et les langues d'Afrique Noire.
Certains travaux plus récents; en linguistiques
afro-brésilienne, s'en tiendront à la même constatat ion
générale (cf. supra, II. 1. 2.).
La thèse de Yeda Castro apportera,
en 1976,
réponse plus nuancée, en montrant que les structures
morphologiques du brésilien sont marquées par les
apports n è q r o-r a f r i.oa i n s bien plus profondément que ne
l'admettait jusque là la traduction en la matière.
une
Nous le verrons au chapitre qui suit (1 I 1. 3 .
Intégration morphologique)
GOénéralement, SJ.X cas de marques morphologiques
présumées d'origine africaine sont observables dans le
langage populaire, et surtout dans les parlers ruraux.
404

Diaspora ewe-fon
de liaison, fait comparable, évidemment, à ce que nous
observons dans le langage enfantin :
[oezwa z o ] pour "un oiseau", par intégration à [wazo]
(oiseau) de l'-s orthographique du pluriel en français. 1
-05 01h05 [u'z,) jos] ru' z o j u ] "les yeux" •
La conséquence de cette intégration est l'apparition
d'un mot "201ho" ['z::Jlju] "oeil"
406

sambar "danser la samba"
Etude morphologique
benqole r "exécuter un travail sans aucun zèle
errer, vagabonder".
capangar "acheter à un capangueiro ou marchand de
diamants".
Nous donnons plus loin
de ces faits (cf. III.
dénominative : schèmes DV. 23 à DV. 29).
une analyse plus détaillée
2. 3. Dérivation verbale
Mais est-il légitime de les traiter clans l'absolu,
comme de simples phénomènes ou "vestiges"
morphologiques, en les dissociant des faits de syntaxe
qui marquent si fortement aujourd'hui le portugais parlé
par cette couche de la population brésilienne ?
409

On
Etude morphologique
III. 2. 3. A propos des apports syntaxiques.
estime
généralement
africaines à la syntaxe du
plutôt insignifiante.
que l'apport
portugais du
des langues
Brésil est
Selon Mendonça, le phénomène le plus important serait
le calque syntaxique par lequel les Africains introduits
au Brésil traduisaient leur pensée dans la langue
portugaise, à part i r des st ructures sémio- syntaxiques
africaines. La langue actuelle ne semble pas avoir
conservé de ce phénomène des traces notoires.
Notre abject i f n' é tan t pas l'étude du portugai s en
tant que tel, nous n'insisterons pas sur cet aspect de
la question.
Une remarque s'impose néanmoins.
En effet, cette opinion pourrait se vérifier pour la
langue soutenue, et à un niveau social très élevé,
puisque la norme nationale brésilienne, en ce qui
concerne notamment la syntaxe, reste, pour l'essentiel
plutôt proche de la norme "métropolitaine" (cf. supra,
III. Etude morphologique: Introduction.).
Mais parmi les populations dont le parler nous
411

Angola.
Etude morphologique
Pour Gonçalves Vianna, cette construction syntaxique
serait une forme créole de même statut que les
particularités phoniques du brésilien qui s'écartent de
celles de la métropole (18). Elle serait due à la
"cohabitation" des colons portugais avec une population
non scolarisée d'origine africaine. Mais, renversant
aussitôt sa démarche, Vianna estime que si l'on peut
admettre qu'il y a eu participation des langues
africaines dans la syntaxe actuelle des pronoms, cette
partici.pation a été plutôt indirecte. Les Africains
auraient, selon lui, transformé le pronom atone en
pronom accentué Aussi conviendrait-il de ne pas
traiter ce phénomène
plutôt comme une
phonétique (cf. supra,
comme un fait syntaxique mais
altération d'ordre simplement
III. 2. 2. 3. le pronom e1e).
CONCLUSION
Quoi qu'il en soit, lés phénomènes d'altération et les
constructions aussi nettement démarquées par rapport à
la norme portugaise sont innombrables dans la langue
populaire afro-brésilienne. Ce n'est sûrement pas ici le
lieu de les épuiser.
Ce qui est regrettable, c'est que leur traitement
comme contributions "positives" à la formation et à la
caractérisation de la langue du Brésil pose problème à
413

Diaspora ewe-fon
une certaine idéologie linguistique nationale (cf.
infra, IV. 2. Présentation du lexique), bien que de
plus en plus, les chercheurs soulignent l'intérêt de ce
processus dont l'intégration au système linguistique et
l'actualisation au plan de la parole devraient être
perçues non pas comme un abâtardissement de la langue,
mais comme un enrichissement au plan sémiosyntaxique,
une "performance créative", pour reprendre·les termes du
Professeur Corrêa Azevedo (19).
414

III. 3.
INTEGRATION MORPHOLOGIQUE
415
Etude morphologique

III. 3. 1. Introduction
Etude morphologique
méthodologie
L'intégration morphologique apparaît comme le stade
décisif du double processus d'africanisation du
portugais et de "portugalisation" des mots africains au
Brésil, puisque les apports africains, une fois passés
par le moule linguistique roman, sont aptes à participer
au fonctionnement global de la langue et à la
caractériser par rapport au portugais de la métropole.
Nous ne voulons pas, pour autant, insinuer que
l'action des langues africaines sur le portugais et
celles du portugais sur les langues africaines puissent
être dissociées en diachronie. Les deux effets sont
nécessairement réciproques et concomitants.
I,' étude que nous présentons ici a fait l'objet d'un
"exposé-test" que nous avons donné le 4 août 1986 au
Centre International de Recherche et d'Etude de Langues
(Village du Bénin) à Lomé, devant des enseignants
lusophones d'Angola et de Guinée Bissau. Etaient
également présents à cet exposé/ Madame Marina do Rego
Freitas Toledo et M. Raoul Castr0 respectivement chargée
d'Affaires et Premier Secrétaire de l'Ambassade du
417

Diaspora ewe-fon
Brésil au Togo.
dérivationnel et
afro-brésilienne".
Le thème
composition
en était
hybride
L'intérêt de cet exposé était de nous permettre:
en
"Système
lexicologie
a) de tester, une fois encore, et devant un auditoire
lusophone, la validité de nos analyses linguistiques et
des exemples donnés ;
b) de recueillir les critiques des auditeurs de langue
bantu les enseignants étaient en ma jorité locuteurs
natifs k i koriqo ou kimbundu -, sur l'exactitude des formes
analysées et les valeurs sémantiques signalées.
c) Enfin, de poser les jalons de notre projet de
création, à l'Université du Bénin (Lomé), d'un Centre
d'Etudes Afro-brésiliennes, en sensibilisant la
représentation brésilienne au Togo sur l'importance
d'une connaissance plus appronfondie des faits de langue
et de culture entre le Brésil et l'Afrique.
Ainsi, nous avons pu constater que les locuteurs
lusophones et de langue bantu, comme la grande majorité
des locuteurs brésiliens,sont généralement
inconscients des faits linguistiques afro-brésiliens.
En effet, l'intégration de l'élément africain dans les
structures du portugais brésilien est si élaborée et si
ancienne que tout Brésilien non averti accepte
difficilement, par exemple, que fuxico [fu'fiku]
418

Etude morphologique
"intrigue" et ses dérivés: fuxicar, fuxicaçao, fuxicada
ou fuxicaria, t ux i quei ro, fuxiquento, et des mots comme
esmol ambar "traîner en haillons" (à ne pas confondre
avec esmolar "donner l'aumône", d'origine grecque), et
bobo dans bobo de camarao "plat national brésilien
consistant en une purée de crevel.tes", sont d'origine
africaine. Bobo est un mot ewe-fon désignant une purée
de haricot servie avec de la farine de manioc ("gari")
et de l'huile de palme
originelle est
(ci.) b,)b.5 ou
ou d'arachide.
( à) bobô ( 31) .
Sa forme
Signalons, à toutes fins utiles, que les documents
sonores (bande magnétique sur cassettes) relatifs à
cette séance sont disponibles au laboratoire
d'audio-visuel du Centre International de Recherche et
d'Etude de Langues, (B.P. 3724, - Lomé - Togo).
Le répertoire étymologique que nous présentons (IV
IV. 1 ... ), fait Je point du stade d'intégration, en ce
qui concerne les mots de l'aire linguistique kwa
(ewe-fon et yoruba)
C'est dans
"envahissante",
la formation
impressionnant
le lexique que se manifeste, de façon
la contribution des langues africaines à
de la langue du Brésil. Un nombre
de termes d'origine bantu ou kwa sont
aujourd'hui totalement intégrés dans la langue
nationale, à tous les niveaux de langage et selon le
419

Diaspora ewe-fon
processus de formation propre au portugais.
Les africanismes lexicaux sont attestés dans toutes les
régions de l'immense Brésil, et la lexicographie
brésilienne les signale souvent sous l'indication termo
africana. Parfois, sûrement sous l'effet de la tendance
"anti-africanisme i ' , les formations lexicales d'origine
africaine sont signalées sous l'indication générique de
bre s i l e i x i smos, c'est-à-dire, dans la terminologie
l inguistique, "mot s ou locutions propres au brés i lien;
au langage des Brésiliens", par opposition à la langue
du Portugal (cf. Média dicionjrio Aurélio - 1985).
On sait que les dictionnaires "orthodoxes", qui visent
avant tout la norme métropolitaine n'enregistrent
pratiquement jamais ces brasileirismos (cf. lex. ét.).
Les formations que nous étudions lCl sont celles
attestées aux divers niveaux du langage courant de
l'Etat de Bahia où nous avons concentré nos recherches.
Il n'est pas impossible, toutefois, que les mêmes formes
se rencontrent au moins en partie dans d'autres régions
du Brésil ayant connu, dans l'histoire, une prédominance
africaine. Nous pensons notamment aux Etats du Maranhâo,
et de Minas Gerais.
Pour notre présentation, nous nous appuyons sur la
démarche suivie par Yeda Castro dans son étude des
formes bantu (1), et sur la théorie de la dérivation à
laquelle se réfère Louis Guilbert dans l'analyse de la
420

dérivation en français (2).
Etude morphologique
Toutefois, nous écartons de nos préoccupations
actuelles la perspective générative qui sous-tend
l'analyse de Yeda Castro - qui reconnaît d'ailleurs en
1976 que cette perspective était déjà dépassée -, et. le
critère phonologique, auquel elle accorde une attention
pa rticu l ière qua nd elle estime, par exemple, que
l'intégration des formes africaines dans les parlers de
Bahia a été facilitée par la similitude entre le système
vocalique de ces langues et celui du portugais.
Cette même idée est reprise dans un article
relativement plus récent :
"Il Y a, écrit-e1.le, un mouvement du système phonique
portugais vers quelques
forces, dialectiquement
compléter grâce à des
systèmes africains. Ces deux
opposées, ont fini par se
ressemblances fortuites mais
notables entre le système linguistique du portugais et
celui de quelques langues du groupe bantu et
kwa ... (3)".
Sans récuser
méconnaî.tre la
systématiquement ce point de vue, ni
s imilitude apparente évoquée, nous
estimons qu'une telle conclusion supposerait au
préalable, une étude exhaustive et comparative des
systèmes phonologiques concernés, c'est-à-dire aussi
421

Diaspora ewe-fon
bien ceux des langues africaines que celui du portugais
ancien, avec un accent particulier sur le passage de ce
dernier à la "variété phonologique brésilienne"
actuelle; pour reprendre les propres termes de Castro,
ce qui nous parait être une entreprise d'un autre ordre
et qui n'est pas réalisée, du moins en l'état actuel de
notre documentation sur la question.
Le critère morphologique nous semble pl L.4S
opérationnel dans le cadre des objectifs que nous nous
sommes fixés dans ce travail (cf. supra, 1. 2.).
Traitant. de l'installation des termes étrangers dans
le système linguistique du français, Louis Guilbert fait
remarquer qu'''on ne saurait chercher dans la
prononciation les signes de l'intégration du terme
étranger au système français (4)".
Il ne nie pas que le mot étranger puisse être soumis à
un traitement phonologique dans le système d'accueil,
mais selon lui, les critères morphosyntaxiques et
sémantiques
décider de
semblent beaucoup plus
l'installation durable des
pertinents, pour
termes étrangers
dans le lexique. Point de vue aussi discutable, car on
peut lui opposer l'exemple de la nasale /I)/ des mots de
l'anglais installés dans le français contemporain (5).
"Le mot acquiert ainsi, conclut Guilbert, un véritable
statut de signe dans le système linguistique où il a été
introduit. Tout sentiment néologique d'extranéité a, dès
422

lors, disparu
étymologistes
(6)".
pour le
signalent
locuteur
l'origine
Etude morphologique
moyen, même si les
étrangère
du terme
La situation des mots africains installés dans le
portugais du Brésil nous
merveilleusement ce point de vue.
semble illustrer
Dans les analyses. qui suivent, nous tentons de
dégager,
"schèmes
sous forme de schèmes que nous appelons
morphologiques",
les types morphologiques et
les règles de construction, c'est-à-dire d'intégration,
du mot afro-brésilien. Nous présentons ces schèmes de
sorte qu'ils puissent être exploités à des fins
pédagogiques (cf. supra, III. 3. 1. Introduction:
Méthodologie), ce qui ezplique que nous ayons recours,
au besoin, à des formes bantu. Rappelons que ce qui nous
préoccupe dans ce cas, ce n'est pas l'étymon en tant que
tel, mais le processus de formation du mot
afro-brésilien.
Nous y reviendrons plus loin.
Mais il nous .5emble nécessaire de préciser tout de
suite que loin de traduire une quelconque prétention
mathématique que nous ne saurions avoir ici-, ces
schèmes morphologiques et morphosyntaxiques, dans
certains cas, n'ont qu'une fonction didactique. Ils nous
423

Diaspora ewe-fon
permettent simplement de symboliser et de visualiser de
façon concise le processus de formation des termes
donnés en exemple.
On peut distinguer deux étapes théoriques dans le
processus général de l'intégration morphologique des
mots africains au lexique du brésilien:
une étape de reconstruction et d'adaptation des
formes africaines, que nous appelons "restructuration
morphologique";
une étape
d'intégration
aux
réalités
socio-culturelles brésiliennes, gue nous appelons
"intégration sémantique"
424

Diaspora ewe-fon
le même pour les deux types linguistiques.
III. 3. 1. 1. 1.- Les substantifs bantu.
Les substantifs bantu, nécessairement composés d'un
ensemble préfixal,
éventuellement" d'un
d'un radical
suffixe,
voient
(base nominale) et
leurs limites
s'effacer, et sont réinterprètés comme s'ils étaient
constitués d'une base simple.
Par exemple, la forme bantu [ma-kumb-a] comporte
un préfixe [ma-] (morphème du pluriel)
une base [-kumb-]
un suffixe [-a] (morphème de classe
nominale)
Elle a été restructurée sous la forme simple :
[ma' kumba] macumba "culte afro- brésilien",
lexicalisée comme tel et comme synonyme de candomblé,
lui-même procédant du même mode de formation (cf.
Castro, das Linguas africanas... , p. 81 - 106 ).
III. 3. 1. 1. 2. - Les formes ewe - fan.
La forme ewe - fan 16kà ti comporte deux substantifs
en rapport de déterminant + déterminé. Dans le lexique
426

afro-brésilien,
Etude morphologique
elle est restructurée sur le modèle
morphologique du portugais, c'est-A-dire dans le rapport
inverse : déterminé + déterminant : atinloko et employée
comme telle pour désigner, dans les cultes candomblé,
l'arbre sacré des nations jeje (cf. dans le lex. ét. les
entrées a t.inloko et loko).
Par ailleurs, le terme ekiri jetio , d'origine yoruba,
correspond en fait à un énoncé entier dont les
constituants syntaxiques akiri, je et béJ perdent leurs
frontières respectives dans la construction de la forme
afro-brésilienne (cf. dans notre lexique étymologique,
le mot akirijebéJ)
Dans la langue du Brésil, ce sont ces formes globales
qui sont aptes à recevoir, suivant les besoins, toutes
sortes d'affixes dérivationnels fonctionnant en
portugais.
Le mot afro-brésilien présentera donc une structure
morphologique nécesairement complexe, faite d'un cumul,
aujourd' hui invisible pour le locuteur, d'affixes
africains et d'affixes romans, autour d'une base
africaine.
Pour rendre compte .de ce phénomène, nous adoptons les
symboles ci-après
N représente la base nominale africaine, et V, la base
verbale africaine.
Mais compte tenu de cette configuration du mot
427

Etude morphologique
fois introduit, puisse recouvrer une disponibilité
sémantique qui lui permet d'assumer le rôle de
signifiant de plusieurs signifiés témoigne de son
insertion définitive dans le système lexical de la
langue d; accueil (9)".
En effet, les formes africaines s'intègrent, du fait
de leur usage fréquent, dans les structures
logico-sémantiques des énoncés portugais, et sont aptes
à entrer dans les combinaisons autorisées par le génie
propre de la langue. A ce stade, il est évident que la
forme primitive africaine devient méconnaissable comme
telle à côté des formes d'origine romane.
Nous avons donné plus haut l'exemple de fuxico,
esmolambar, bobo. On pourrait multiplier les exemples
de ces formations qui ont cessé, depuis longtemps,
d'être perçues comme des xénismes dans la langue
générale (cf. supra. II. 2. 3.- De la lingua-de-santo à
la langue populaire)
Mais c'est l'installation totale, c'est-à-dire, à la
fois morphologique et sémantique des termes du
répertoire religieux, qui nous a plus particulièrement
frappé. Même les noms des divinités africaines leba,
exum, ogum, xangô, aguê etc... ne sont plus sentis
comme venus d'un autre monde culturel et linguistique;
(pour le détail
étymologique) .
sur ces
429
noms, voir le lexique

Diaspora ewe-fon
Dans son étuçie sur la création sémantique, Pierre
Guiraud assimile ce genre de phénomène à un fait de
démotivation sémantique, c'est-à-dire, d'effacement, en
diachronie, des traits étymologiques des mots, au
profit de la réalité contextuelle immédiate (l0),
phénomène nécessaire à la créativité lexicale et au
fonctionnement normal des unités formées, ainsi qu'à
l'évolution linguistique en général.
Les modes de création sémantique productifs dans le
processus d'intégration des apports négro-africains
dans la langue du Brésil peuvent être ramenés à trois,
essentiellement
a - La dérivation morphologique
b - La composition ;
c - Le calque sémantique.
III. 3. 2.- te système dérivationnel afro-brésilien.
Dans la terminologie de la linguistique comparée, le
mot dérivé repose sur un seul radical :
génér - ation
dériv - ation
430

Diaspora ewe-fon
virtuelle du déterminatif portugais.
Dans les exemples qu i illustrent les schèmes
morphologiques on remarquera une fréquence marquée
de· mots d'origine bantu, plus anciennement installés
dans la langue que les mots d'origine ewe fan ou
yoruba. Comme nous l'avons signalé plus haut, (III. 3.
1. Introd. méth.), notre souci est moins de rendre
compte des structures afro-brésiliennes d'origine bantu
- ce qUl n'est pas notre domaine -, que de recenser les
schèmes potentiels de dérivation ou de composition
intégrant une forme africaine.
En effet, dans le corpus lexical dont nous disposons,
bon nombre de schèmes de dérivation ne trouvent pas
d'illustrations concrètes à partir de bases ewe-fon ou
yoruba, ce gui ne signifie pas que les mots de ces
langues soient exclus du mode; de formation défini par
ces schèmes.
Tout juste peut-on en déduire une prédominance dans
les faits de langue - et non dans les faits de culture,
sans doute - des apports bantu par rapport à ceux de
la famille kwa.
C'est dans les structures composées hybrides
qu'apparaissent plus abondamment les bases ewe - fan et
yoruba.
Par ailleurs, pour les exemples à base bantu, souvent
très polysémiques, nous ne donnons que l'un des sens
432

Diaspora ewe-fon
[(:bo' Zc j15u]
[dcnde' Zcjl)'u]
[àndu'Zcjf5u]
eboZeiro
dendeZeiro
anduZeiro
"féticheur"
"palmier à huile"
"plante légumineuse ";
(cajanus indicus, dont les graines comestibles sont des
sortes de haricots) .
[3ilo' Zc jl)u] jiJoZeiro "plante sorte
[ k j a ' bdbu ] quiabeiro "plante du gombo"
d'aubergine"
[maJi'Jej15u] maxixeiro "plante sorte de danse" .
La forme ji_ZoZej_ro [3ilo' Zf:j1::5U] a été relevée dans
l'Etat de Bahia (cf. Castro 1976) . Mais le
Dictionnaire Aurélio donne jiloeiro [3i'locjl:5u].
Le terme est signalé comme "brasilérisme",
c'est-à-dire comme une formation spécifiquement
brésilienne. Il désigne une plante solanacée d'origine
africaine (solanum q i l oi , très cultivée au Brésil, et
dont le fruit, le ji16, sorte de baie, d'apparence
piriforme, et de goût amer est particulièrement
apprécié. C'est une sorte d'aubergine très employée
dans la cuisine africaine, aussi bien chez les Bantu
que chez les peuples ouest-africains.
Chez les Igbo, peuple voisin des Yoruba du
Nigéria,par exemple, cette sorte de petite aubergine
amère est mangée crue comme la noix de cola.
Le mot maxixe [ma'JiJi] désigne, dans le brésilien
436

Etude morphologique
III. 3. 3.- structures des composés hybrides.
Fondement théorique
Le lexique afro-brésilien a été considérablement
enrichi par des mot s composés hybrides, c' est-à-dire,
dans la définition classique de ce type de formation,
des mots dont les constituants sont empruntés à des
racines de langues différentes.
Trois langues, ou, plus exactement trois "sources
l ingu i stiques" sont souvent exploitée s
structures hybrides afro-brésiliennes
- La source romane (le portugais),
dans les
- La source ouest-africaine (les langues kwa, dont
essentiellement l'ewe-fon et le yoruba), pour ce qui
nous concerne dans ce travail.
- la source bantu (le kikongo et le kimbundu).
Dans l'analyse des formes hybrides, nous retenons
comme critère essentiel la source linguistique des
constituants ou des termes du composé.
461

Diaspora ewe-fon
Nous dégageons ainsi deux types de structures hybrides
afro-brésiliennes
une structure hybride "binomique" dont les
constituants appartiennent à deux langues distinctes
une structure hybride "trinomique" dont les
constituants appartiennent à trois langues distinctes.
Nous reviendrons plus loin sur cette terminologie que
nous empruntons à Benveniste (13).
Pour systématiser ces deux types de structures, nous
adoptons les formules ci-àprès
CA
- CP
constituant africain,
constituant portugais.
Comme nous venons de le dire, le CA est, selon les
étynoms, analysable de la manière suivante :
base bantu
base kwa
étant entendu que et peuvent être identifiées
respectivement comme suit
1_ kikongo .
L_ kimbundu .
462

yoruba (5011
gbe
Etude morphologique
è qbé
?
oyo ?
ife ?
ewe ?
aja ?
fon ?
flà/fèda ?
*(Cf.supra, II.3.3.4.:- Regroupement des dialectes
gbe: II.3.3.5.:- De la parenté génétique des dialectes
gbe et des dialectes yoruba; et infra, IV. 5.6.1.: La
langue -source).
Cependant, pour la clarté et la s implicité de la
présentation,
nous n'avons pas jugé nécessaire de
développer les structures individuelles des
constituants (CA et CP) Un tel développement nous
ferait retomber dans l'analyse des formes dérivées
présentée plus haut.
Il reste néanmoins quelques. problèmes de fond,
relatifs à la théorie sous-jacente à notre analyse.
Il est évident que ce n'est pas, ici, le lieu d'une
théorie générale de la composition ; mais il nous
463

Diaspora ewe-fon
semble nécessaire de rappeler, ainsi que nous l'avons
fait pour les mots dérivés, les bases de ce que la
linguistique comparée appelle mot composé.
Contrairement au mot dérivé, le mot composé comprend
au moins deux radicaux
fr. demi-cercle (radical adjectival + radical
nominal )/ lat. su - ove - taur - J}i. - a "sacrifice de
porcs, de mou tons et de taureaux (J. 4) ".
Les formations appelées "juxtaposées ll sont
constituées de syntagmes entiers accolés les uns aux
autres.
fr. - grand-père, bonhomme, gendarme etc ..
même etc.
- chemin de fer, pomme de terre etc...
le qu'en-dira-t-on, le connais-toi toi
Quatre types de composés divisés en composés
primaires et secondaires sont attestés dans les langues
indo-européennes dont le français et le portugais font
partie.
a) Composés primaires.
1. Les composés copulatifs, que
Benveniste appelle dvandva (skr. "deux-deux")
etc.
fr. "doux-amer", "radio-électrique"
"franco-togolais",
4 64
il afro-brésilien"

Etude morphologique
Ce type de formation est néanmoins rare et peu
product.if.
2. Les composés déterminatifs (type s k r .
tatpurusa "son serviteur") dont l'un des termes (le
plus souvent le premier) dépend de l'autre, S'ils
étaient construits grammaticalement, l'un serait régi
par l'autre:
fr. -agri-cul-teur "qui cultive les champs"
-radio-diffuser "diffuser par la radio"
b) - Composés secondaires
3. Les composés appositifs ou attributifs
(type skr - karma - dhara - ya "qui porte une charge".
Du point de vue sémantique, la format.ion est un
juxtaposé "chargé de mission".
Ce type considéré comme une sous-classe du précédent,
est attesté par les mots suivants
fr.- porte-drapeau
- rouge-gorge
- demi-lune
-tré-pied, "un support qui a trois pieds".
Pour Henri Bonnard, c'est la classe du transfert, les
exemples ci-dessus étant des "trans férés implicites à
double radical (15) ".
4 65

Diaspora ewe-fon
bahu
v r i.bi
4. Les composés possessifs
"qui pos sede beaucoup de riz"
type
dont
"qui possède trois pieds"
skr.
l'un
des termes (en général le premier) régit l'autre, mais
l'ensemble a une valeur d'adjectif (qui peut parfois
être substantivé, d'00 la difficulté pour les
différencier du type 3) .
fr.- quadru-pède
tri-pode
"qui
possède
(un mât tripode)
hélico-ptère "qui possède de$ hélices
pour ailes".
quatre pieds"
Les composés 2 et 4 sont, de loin, les plus fréquents
dans les langues indo-européennes.
Excepté leur caractère hybride, les composés
afro-brésiliens peuvent être considérés comme des types
"réguliers" indo-européens. Les analyses qui suivent
montrent bien que si les radicaux sont d'origine
africaine (bantu, ewe-fon, ou yoruba), les affixes,
comme dans le cas des dérivés, et la structure
morphologique des composés afro-brésiliens restent
indo-européennes.
Nous devons encore justifier notre démarche notamment
par rapport à la perspective dans laquelle Emile
Benveniste examine les "fondements syntaxiques de la
composition nominale" (16). D'une part, nous lui
466

Etude morphologique
c'est ce qu'illustrent, par exemple, les mots oga dos
at.im "responsable du jardin sacré de la maison de
culte", capanga de oxosse "carquois d' oxasse, divinité
de la chasse" (cf. ces mots dans le lexique
étymologique) .
On sait que dans une analyse fonctionnaliste, ces
morphèmes préposés sont exclus de la fonction de
composition. Mais le problème ici, c'est qu'on mêle un
peu synchronie et diachronie. Il faudrait toujours
rappeler ce qui revient â des éléments actuellement en
action et â des faits en quelque sorte sclérosés,
pétrifiés, mais identifiables, pour le linguistei comme
appartenant à trois langues différentes, même si en
synchronie aucun locuteur ne peut les reconnaitre.
Ce qui justifie pour nous l'admission de ces
morphèmes dans cette étude, c'est leur appartenance â
une langue autre que celle de l'un ou de l' aut re des
deux constituants légitimes.
III. 3. 3. 1. Structures hybrides "binomiques"
Nous avons relevé trois types de formations hybrides
â deux termes, selon que le constituant africain est en
position de déterminé ou de déterminant, ou que les
469

Diaspora ewe-fon
deux termes sont tous d'origine africaine.
Le procédé de la composition hybride étant
particulièrement productif dans le domaine
afro-brésilien, les listes des formations attestées que
nous donnons en exemples sont loin d'être exhaustives.
Nous nous sommes limité aux formes les plus courantes
en notant entre guillemet.s les orthographes non
vérifiées dans les dictionnaires ; par exemple :
vermelho.
amim "huile" clans
[a'mi rnvcb ' mel ju] "amim"
Les mots appartenant exclusivement au lexique de la
langue des t.er rei ros et
1
n'ayant pas d'orthographe
"officielle" sont donnés seulement en écriture
phonétique; par exemple :
[a'ti ba'kisi]
1. 3. : CA+CA),
[i' le in'kisi] (cf. infra, II. 3. 3.
bien que dans cette dernière formation, la composante
bantu [inkisi] soit lexicalisée et officiellement
orthographiée
vodu) .
(synonyme bantu de orixa et
470

Diaspora ewe-fon
• Déterminé nominal africain + syntagme de
détermination portugais:
[aka'sa ti' lejci] acasa de Lei.t:e "bouillie au lait"
[aka'sa Ji' mil ju] acasa de miLtio "bouillie de maïs"
[bo'bo tikarna'l)àw] bobo de camarao "purée de crevettes"
[àn'gu j i ka ' r.5osu] anqu-de-caroço "chose inat.tendue"
[kal5a'ze kumpi'menta] caraje cum pimenta "beignet au
piment"
[ka]Ju'15u :.ri'sapo] caruru-de-sapo "oxalis martiana ... "
[ka]Ju'1)u Ji'kosmi] caruru-de-cosmr "fête en honneur des
jumeaux"
[ »' gà jiJif' penZa] aga de dispensa "chef des dépenses
[J'gà ji'faka] oga de faca "sacrificateur"
du culte"
[J'gà ji ku'Zi:a] oga de coZinha "chef de la cuisine
rituelle"
[o'gà j-i'kwal:Stu] oga de quarto "chef de la chambre
secrète"
[o'gà Ji'sala] oga de sala "chef de la salle des fêtes"
[' Jgu j"i'})onda] ogum de ronda "divinité de la guerre en
procession?"
l J'â ' go Ji' obu ] xangô de ouro "statuette de xangô en or"
[mo'leki dusu'J:5àw] moleque
472
do surrào "négrillon

477
Etude morphologique

Etude morphologique
qu r signifie "maison", et [în' kis i] i tiquice "divinité",
correspondant, rappelons-le, â vodu chez les Jeje et à
ori x é
chez
les Nago-Ketu (cf. supra, III. 3. 3. 1.).
Bien que limitée, cette formation atteste déja
l'imbrication des langues africaines les unes dans les
autres, pour ainsi dire, phénomène relativement plus
sensible dans les structures hybrides trinomiques qui
associent trois langues différentes.
III. 3. 3. 2.- Structures hybrides "trinomiques"
La formation hybri.de trinomique est beaucoup moins
productive que la précédente.
Deux modèles répondent à notre définition
III. 3. 3. 2. 1. - E CP + CA l
• Déterminé
détermination
africain.
nominal africain + syntagme de
portugais + déterminant nominal
Il est évident que dans une telle structure, la
fonction de détermination, au niveau de l'ensemble
composé, se trouve assurée par l'ensemble CP + CA,
479

Etude morphologique
[ka'pànga jL)']::>si] capanga de oxosse "carquois de
oxosse"
[kja'bejiJu jjàn'g'Jla] quiabeiro de Angola "gombo
[o'ba jiJà'go]
[::>'gà jiaba'sa]
[::>' gà jiala' bel
[ta'ta jin'kisi]
[tate' tu jin ' k i si]
[ki'tànda daZja'wo]
[::>'gà duZa'ci]
"oba" de xangô
oga de "abasa"
oga de "alabe"
"tata" de inquice
d'Angola"
"dignit.aire
du cult.e Xangô"
"chef de la
salle des fêt.es"
"chef des
joueurs de t.ambours"
"père
spirit.uel"
"tatetu" de i nqui ce "chef de
culte angola"
quitanda das iao "étalage des
aga dos "atim''''chef des
481
novices"
plantes"

Diaspora ewe-fon
Deux langues africaines différentes et le portugais
opèrent donc dans ce type de structure
- [kapànga ji .)f::lsi]
(1) (2 ) ( 3 )
capanga de oxossi
(bnt) + (port) + (y . )
- ['Jgà Ji abasa]
(1) (2 ) (3 )
oga de abasa
(y. ) + (port. ) + (f./e-f)
- [kitanda
( J. )
quitanda
daZ
( 2 )
das
jawo]
( 3 )
iao
(bnt .) -1- (port .) -1- (y.)
oga
duZ
(2 )
dos
aci]
( 3 )
"atim"
(y.) -1- (port.) + (f/e-f)
- [')ga ti leva(J:S) pMu t o ]
(1 ) ( 2 ) ( 3 )
oga de leve r para 0 "tô"
(y. ) + (port.) + (f./e-f)
Il faut noter toutefois que dans les exemples
comme
quiebei rorder ervqo I.e , obérde-Xenqô, tatll-de-inquice, il
n'y a, en fait, que deux langues
482
le portugai s ,

Diaspora ewe-fon
III. 3. 4. Le calque sémantique
Dans la définition classique du terme, il y a calque
linguistique quand; pour dénommer une notion ou un
objet
traduit
nouveau,
un mot,
une langue
simple ou
A (le portugais,
composé,
appartenant
ici) ,
à une
langue B, (l'une des langues africaines bantu ou kwa),
en un mot simple existant déjà dans la langue ou en un
terme composé formé de mots existant aussi dans la
langue (17).
La morphologie africaine n'intervient pas dans. ce
type de création d'origine sémantique, qui exploite les
ressources internes du portugais dans l'interprétation
de concepts importés d'Afrique.
Le calque sémantique afro-brésilien est productif
surtout dans la terminologie du rituel des terreiros,
et dans la langue du povo-de-santo.
• Despacho, mot signifiant "dépêche, fait d'envoyer
etc.. . ", traduit, au Brésil, le fait de jeter le sort à
quelqu'un, et, partant, les préparations rituelles
faites à cet effet. Dans la liturgie des candombles des
484

Diaspora ewe-fon
termilogie religieuse afro-brésiloenne, les mots
despacho, trabalho, coisa feita. (cf. cbo dans notre
lexique étymologique) .
• L'expression tomar "hui' "entrer en transe" ou "être
possédé par une divinité", très employée dans les
cultes candombLè s est une traduction de l'expression
ewe-fon s o hu lit.t. "prendre le culte prendre la
divinité" (cf: Lex . ét.).
Le calque n'est pas seulement sémantique
encore syntaxique.
Les créations de type
- era muito liga corn ele
- ela se comportou 10 anos,
il est
que nous avons citées en exemples plus haut (cf. supra,
III. 2. 3. A propos des apports syntaxiques), nous
semblent procéder d'un calque sémio-syntaxique à partir
de concepts africains.
Ce phénomène constitue
essentielles
des
langues
une
nées
du
des caractèristiques
contact des langues
africaines et des langues européennes, comme les
créoles du Nouveau Monde (cf. Allsopp, 1984, p. 114 -
115), et singulièrement le portugais afro-brésilien.
486

IV.
ETUDE ETYMOLOGIQUE
487
Etude étymologique

Diaspora ewe-fon
apporté une réponse aux .i nquiétude s de Nascentes, en
u
dis ting/ant
les
ouest-africainesi
sources bantu et les sources
bien que pour ces dernières,
informations, comme nous le verrons dans les pages qui
suivent, ne se limitent souvent qu'au domaine yoruba.
Il reste encore, nous semble-t-il, une
essentielle dans les préoccupations de Nascentes qUl,
malgré les travaux réalisés en 1976 par Castro sur les
domaines bantu et yoruba, n'est pas encore entièrement
honorée
" ... uma especie de q l oss é
les
r i o , feito por pessoa natural
destas regioes ou que muito tempo nelas t.enhe vivido... "
Cette exigence postule bien clairement une
participation négro-africaine à la recherche
linguistique afro-brésilienne, ce qui implique encore
que pour être efficacement posée et résolue avec toute
l'objectivité souhaitable, la problématique générale de
ce domaine d'investigation a besoin d'être abordée
également sous l'optique négro-africaine.
C'est au sein même des langues et cultures d'où ils
proviennent qu'il faut chercher les données en vue de la
description et de l'explication des apports africains
dans la langue et la culture du Brésil.
Ilest devenu comme une t radi t ion, dans les études
afro-brésiliennes, quel qu'en
492
soit le thème, et

Etude étymologique
prothétique que Delgado considère comme l'article arabe.
Dans cet ordre d'idées, Delgado donne les variantes
tabaque et tambaque dont seule la première est attestée
au Brésil.
Selon Mendonça, ce mot aurait été néanmoins introduit
au Brésil par les esclaves africains, puisqu'ils en
usent beaucoup dans leur musique (batuques "tam-tam")
Le mot inhame "igname" (dioscorea batatas) est
identifié comme un terme dérivé d'une racine bantu nyame
"manger" , qui, affirme Mendonça, est attestée dans
toutes les langues bantu.
Comme on le voit, le champ de la recherche
étymologique sur le lexique afro-brésilien est à la fois
vaste, complexe et délicat .Vaste, Sl l'on considère,
d'une part, la masse des mots d'origine africaine
actuellement " vivants" au Brésil, à divers niveaux de
langue, et d'autre part, l'immensité des aires
géographiques que recouvrent ces mots au Brésil et sur
le cont.inent africain. Complexe car, non seulement la
diaspora comporte autant. de langues différentes que de
groupes ethniques impliqués dans la traite négrière (cf
supra, II. 1. .1. 1.), mais encore, et surtout, ces
langues se ramifient., en Afrique, en plusieurs dialectes
ou parlers souvent paradoxalement à la fois proches et
très éloignés les uns des autres. C'est ce que nous
495

Etude étymologique
fait auparavant parce qu'on ne peut à chaque moment
réévaluer le lexique d'une langue dans sa totalité. Un
nouvel ouvrage est forcément une estimation de l'état du
lexique par rapport aux enregistrements opérés par
ei' aut r es aupara vant . .. ( 1 a Cré a t i vité 1 ex.i cale, p. 3 5 ) » .
Nous n'avons pas échappé à cette règle, n i dans le
choix de notre corpus lexical, puisqu'il nous a fallu
partir d'un fonds disponible, ni dans l'essentiel de la
définition des termes dans la situation brésilienne.
Mais notre travail se démarque par rapport à la
tradition, d'une part, par un examen critique des
données, à la lumière de nos observat ions directes sur
le terrain, au Brésil et en Afrique, et de ce que nous
connaissons des langues en question .
Ces langues l'ewe, le fon et le yoruba, sont,
aujourd'hui, il faut le rappeler toujours, des langues
écrites et enseignées à liécole, ce qui implique, à
notre avis, qu'on ne puisse plus en parler en ignorant
leurs structures et même leur alphabet. Dès lors
qu'elles ont émergé à l'écriture de type "occidental"
avec des alphabets plutôt proches de l'alphabet latin,
il nous paraît comme une exigence de scientificité de
les traiter sous leur forme "officielle" et actuelle
(cf. II. 3 ; et infra, IV. 4.)
Nous nous démarquons i d'autre part, par une approche
497

Diaspora ewe-fon
historique et étymologique plus poussée, articulée sur
les réalités cultureLles de cette aire linguistique à
laquelle nous appartenons, en recherchant les liens qui
peuvent exister aujourd'hui entre les mots
afro-brésiliens et leurs étynons kwa.
En présence
incomplètes1
imaginées,
proprement
des étymologies souvent
quelquefois orientées
nous essayons de
linguistiques,
proposer
ou
anecdotiques, ou
ou
des
fondées sur des enquêtes directes au
populations concernées, de part et d'autre.
498
simplement
explications
socio-linguistiques,
seln des

IV. 2.
LE CORPUS LEXICAL
499
Etude étymologique

Etude étymologique
Les sources de ce répertoire se ramènent à quatre,
essentiellement :
1 - le répertoire lexical de Yeda Castro
(de l'Intégration ... , Tome 2);
2 - la liste lexicale de Sergio Ferretti
(Querebentam ... , p.2S4-274);
3 - le vocabulaire de cinq langues africaines
de Nina Rodrigues
(os Africanos... , p.143-146);
4 les listes lexicales du projeto LAB, du
Département des langues vernaculaires de l'Institut des
Lettres de Salvador.
501

Diaspora ewe-fon
IV. 2. 1. - Le répertoire de Y. Castro
Le répe'rtoire de Yeda Castro, un des plus importants,
couvre un peu plus de 3 000 items lexicaux d'origine
bantu et ouest africaine (kwa) Il constitue le volume 2
de son travail sur l'intégration des langues africaines
dans les parlers de Bahia.
Ce répertoire comporte quatre volets
un volet distributionnel des items
dans
leur
ensemble, où l'auteur indique, pour chaque mot, la
famille linguistique : bantu ou ouest-africaine (kwa)
un volet thématique qui regroupe certains items
selon les champs sémantiques divers
- et enfin, deux derniers volets où est indiquée, à
l'intérieur des familles linguistiques bantu et kwa,
l'appartenance aux langues spécifiques.
Dans cet ouvrage, la recherche étymologique, plus
poussée en ce qui concerne les formes bantu, reste
un peu sommaire en ce qui concerne les formes kwa, même
s'il est indiqué que les mots ouest-africains
proviennent pour la plupart des groupes de langues
yoruba et ewe (« ewê no sen t i.do de grupo de linguas,
segundo WESTERMANN .. , ( das Linguas africanas .. " p.l04,
note 4 ).
502

Etude étymologique
IV. 2. 2. - La liste lexicale de Sergio Ferretti
La liste lexicale de Sergio Ferretti est tirée du
répertoire linguistique de la "Casa das Minas" et
constitue le glossaire de son étude anthropologique sur
cette rnaisori de culte, dans la viIle de Sâ o Lui s do
Maranhao (cf I. 3. 2.) Cette liste recouvre également
les terreiros de Santo Antonio dos Pretos, dans la
commune de Cod6 et de Bom Jesus, dans la commune de
Pedeiras (Annexe III, note 2) •
Les mots et expressions de ce glossaire peuvent
être globalement répartis comme suit :
sémantique africain ;
autres
des mots portugais calqués sur un fonds
- des mots dérivés de langues amérindiennes ou
- des mots d'origine bantu
- des mots d'origine yoruba;
- des mots en langue "mina", c'est-à-dire fon,
dans la situation du Maranhao, et ce sont les plus
nombreux ;
enfin des noms propres de personnes, de
503

Diaspora ewe-fon
divinités ou de régi.ons géographiques, renvoyant, bief}
sOr, au monde culturel et religieux ewe-fon ..
IV. 2. 3. - Le vocabulaire de Nina Rodrigues
Le vocabulaire de
portugais suivis des
langues africaines
Nina Rodrigues compte 92 mots
correspondants lexicaux dans cinq
"grunce", je je, haoussa, kanuri,
tapa, avec une extension de la liste du "grunce" dont il
donne jusqu'à 172 mots (cf. Annexe III, note 3). Nous
n'en retenons bien s û r que la liste je je, c'est-à-dire
ewe-fon qui seule nous intéresse dans ce travail.
504

Etude étymologique
IV. 2. 4. - Les listes lexicales du "projeto L.A.B"
Les listes lexicales du projeta L.A.B. sont
constituées de mots et de phrases em lingua africana "en
langue africaine", avec leur signification en portugais.
1.' intérêt de ces listes, pour notre travail, est de
présenter des phrases, ou des segments de phrases dont
le caractère figé montre bien que les langues en
question ne se maintiennent que sous forme d'éléments ou
de structures isolées. On y relève, par ailleurs, des
séquences consistant en un mélange de mots ou de formes
de plusieurs langues différentes. Ce sont des mots ou
des phrases que les enfants apprennent de leurs parents
ou grands-parents et dont ils émaillent leurs
conversations pour marquer, au besoin, leur appartenance
â une culture africaine (cf. Annexe III, note 4)
Il existe, certes, de nombreuses autres listes
lexicales, plus ou moins complémentaires les unes des
autres et présumées d'origine africaine,
les glossaires classiques à la fin de la
ouvrages traitant du domaine afro-brésilien.
sans compter
plupart des
Les trois centres brésiliens d'études africaines, les
plus anClens et les plus connus
505
Salvador (depuis

Diaspora ewe-fon
1959), Rio de Janeiro (depuis 1973) et Sào Paulo (depuis
1975), encadrent des recherches sur les vocabulaires
d'origine africaine qUl, au stade actuel, consistent
essentiellement, en la collecte des mots et en
l'établissement de listes lexicales.
note 8, b).
(cf
Annexe l,
A Salvador, (bibliothèque du C.E.A.O.), nous avons pris
connaissance de certaines de ces listes intitulées
"Vocabul â ri 0 de Al.agoas;', "Vocabul é
r iode Pernambuco r;
etc... et comprenant un nombre non négligeable de termes
"non portugais" et "non indiens" recueiIlis dans ces
Etats du Nord-est brésilien.
Il a fallu choisir, d'autant plus que notre champ de
recherche se limitait à l'Etat de Bahia et que la
perspective d'une étude étymologique en profondeur
exigeait que le travail fût centré sur le domaine
linguistique kwa. Si nous avons néanmoi.ns exploité la
liste lexicale de Sergio Ferretti et certaines données
du terrain "maranhense", c'est parce que nous avons fai.t
l' expérience du Maranhao et qu'il nous a paru opportun
d'intégrer à notre travail ce que nous y avons vu et
fait.
Mais le lexique afro-brésilien de cet Etat mériterait
d'être étudié à part, et de façon plus systématique.
On pourrait peut-être reprocher à notre corpus d'être
quelque peu hétérogène ou éclectique. Il présente
506

Etude étymologique
néanmoins l'avantage d'être authentique et actuel,
c'est-à-dire, de comporter des mots existant
effectivement dans les répertoires oraux des maisons de
culte et n'ayant sGrement pas qu'une valeur historique;
mais font l'objet d'un certain usage, même rare et
isolé, parmi les membres des communautés
afro-brésiliennes ou au sein de la communauté nationale
comme c'est le cas des mots "lexicalisés".
Tous les mots de ce corpus ont été attestés aussi bien
sur le terrain brésilien que sur le terrain africain.
C'est là, nous semble-t-il, un préalable au travail
d'identification dialectale, morphologique, phonétique
et graphique (orthographes actuelles), de localisation
sur les aires culturelles et linguistiques africaines,
et, enfin, d'évaluation plus juste de la contribution
réelle de l'Afrique à l'identité culturelle et
linguistique de cette partie du Nouveau Monde.
507

IV. 3.
Etude étymologique
LES CARACTERISTIQUES DU LEXIQUE AFRO-BRESILIEN
509

Introduction
Etendue du lexique
Etude étymologique
Nous donons plus loin (IV. 5 . ) , la composition
des entrées ainsi que la justification de ceitains de nos
choix lexicauz, rnai s il nous semble utile de présenter
d'abord le caractère général de ce lexique et de
signaler cert.aines des restrictions que nous avons été
obligé d'y apporter.
Les mots d'origine africaine se rencontrent dans
presque tous les domaines de la vie brésilienne.
La plupart des travaux sur les africanismes culturels
(cf infra, II. l. 2 . ) distinguent les domaines de la
flore, la faune, le corps humain, la cuisine et la
religion, cette dernière étant généralement associée à
la musique (instruments musicaux essentiellement). Cette
répartition exclut les toponymes, les ethnonymes et les
anthroponymes dont la plupart, pour certains auteurs ne
garderaient qu'une valeur historique et par conséquent
ne mériteraient peut-être pas d'être analysés.
Mais nous pensons que pour le linguiste, toute forme
identifiée offre matière à analyse dès lors que les
données en sont connues; et on peut imaginer l'intérêt
511

Etude étymologique
lagidiba, afoga, hunjembi, akwe ...
• - vocabulaire usuel non lié â l'activité religieuse
abere, abaja, afopa, zimpo
• - folklore (chants et danses)
• - jeux
adahu, brahu, e k.u , jiha ...
are, ayu ...
• - toponymes brésiliens les mots africains désignant
des lieux au Brésil sont d'origine bantu pour la
plupart. On relève une forme beyru [bc15u], au jourd' hui
beru, nom d'une banlieue de la ville de Salvador, et
dont l'étymologie donnée à Bahia ne nous semble pas
encore tout à fait satisfaisante; nous le verrons.
• - corps humain :
abaya, adu, asa, nuku." ..
• - divers verbes d'action:
analcyu, dahu, fu, ri, suha, joko...
• - termes se référant à l'âge:
aba, baje, kosi ...
515

Diaspora ewé-fon
• divers termes se rapportant à l'organisation
sociale
• - divers termes usuels
e s u, aSl, e z i , be j i , iya .
adupe, aga, aza, agu, adu.
Comme on le voit, les risques de chevauchement ou de
confusion, d'un champ à l'autre sont grands dans ce
classement. Néanmoins, il présente l'intérêt de montrer
que le domaine du lexique afro-brésilien n'est pas
réductible à quelques activités
recouvre toute la Vle, toutes
société.
seulement, mais
les réalités
qu'il
de la
Dans le lexique étymologique que nous présentons, on
notera cependant, au niveau du panthéon des candomblés,
l'absence de nombreux noms, titres ou attributs de
divinités célèbres bien connues des Afro-Brésiliens et
souvent mentionnés par les auteurs qui travaillent
spécialement sur les religions d'origine africaine dans
les Amériques en général.
Précisons que notre objectif n'est pas la religion
africaine en tant que telle, rnaa s seulement en tant
qu'elle est, dans la situation afro-brésilienne, le lieu
de manifestation, de conversation et de diffusion de ce
516

qui reste des langues de l'Afrique Noire
2 les objectifs et surtout II.
Etude étymologique
(cf. supra: 1.
3. 3 De la
lingua-de-santo à la langue populaire). Nous nous sommes
donc attaché beaucoup plus à
vocabulaire usuel. Nous ne
l'examen des termes du
retenons les noms de
divinités que lorsqu'il se pose à leur sujet des
problèmes d'interprétation ou d'étymologie. C'est le
cas, par exemple, de exum ou leba, loko, age, keviosu ou
xangô.
Par ailleurs, les listes lexicales de notre corpus
comportent des noms que nous ne reconnaissons pas qui
ne sont pas attestés, aujourd' hui, dans les cultes de
notre aire, et
pour
lesquels
souvent, aucune
signification n'est donnée en dehors de l'indication
"nom initiatique",
infra, IV. 5. 5).
Quelques exemples
olokolu
azambrio
alaporio
panda
"titre de " ou "divinité" (cf
ijeoi/ijeoni
517
"divinité"
"nom de shapata"
"nom d'un exum
"divinité"
"nom initiatique"

Etude étymologique
« .. . nao entrou no nosso pIano 0 conhecimento da
estrutura das linguas africanas faladas na Bahia e
tao-50-mente a demonstraçao da sua existência e uso no
Brasil • . . (cf. Annexe III, note 8) ».
Antonio da Costa Peixoto qui entreprit, à la même
époque, entre 1933 et 1941, d'enseigner la langue parlée
par l'ensemble des populations serviles travaillant dans
les mines d'or, ne s'est pas préoccupé, non plus,
cl' étudier les structures syntaxiques de cette langue.
Les phrases de structure:
N (nom)
+ V(verbe)
+ N(nom)
S(sujet) P(prédicat) O(objet)
construites en portugais, sont traduites dans la lingua
de mina (fan) et écrites indifféremment en un seul
constituant, ou, au plus, en deux constituants.
Exemples:
- vou vender milho verde
"je vais vendre du maïs frais"
mahisa abadéfe *
529

Diaspora ewé-fon
- vou vender negros novos
"je vais vendre de nouveau nègres"
mahisaacruhiho *
- vou amarrar canhambolas
"je vais attacher des marrons"
mâhigulimesesim *
Dans ces travaux précurseurs, comme dans les documents
plus récents,
préoccupe bien
auxquels nous avons eu accès, on se
peu ou presque pas de la segmentation
des formes africaines en leurs unités constituantes,
opération pourtant indissociable de celle
d'identification et d'analyse des unités lexicales.
Une des critiques qui nous étaient faites pendant nos
cours de langue et culture ewe- fon à Bahia était notre
attachement à montrer, par exemple, que des formes comme
peji [p€3i], sobo [ s obo} , t.obos i [tobosi] relevées dans
les répertoires des cultes candomblé, à Salvador ou à
Sào Luis do Maranhào, sont construites de la manière
suivante
- peji < kpé + / dzi (ewe)
/ fi (fon)
sobo < sà + gb6 (fon)
tobosi < tà + gb6 + (à-) si,
530

et que, par ailleurs, un verbe ewe comme
équivalent de pensare "penser" est composé de
bu "calculer, compter
tà "tête"
mè "intérieur dans" .
Etude étymologique
bu tàmè,
Il ne fallait pas montrer aux Afro-Brésiliens (de
nation je je ici), que la langue de leurs ancêtres,
Africains est une langue à préclominence monosyllabique
qui, sur le plan lexico-sémantique, procède par
appréhension analytique de la réalité
extra-linguistique.
Nous ne pensons pas que le monosyllabisme de ces
langues, pas plus que celui du chinois ou de bien
d'autres,
proprement
la langue.
puisse être
linguistique,
considéré,
comme un
dans une optique
trait
qui dévalorise
Il est vrai que l'auditoire du CEAO n'est pes habitué
à voir les langues qu'on leur enseigne sous cet angle,
puisque cet enseignement a toujours été assuré par des
gens qui n'ont pas une saisie systématique des langues
qu'on leur demande d'enseigner (cf. supra, II. 2. 1. 4.
A propos de l'enseignement des langues africaines à
Bahia) .
531

IV. 3. 4. - Caractéristiques lexicologiques.
Etude étymologique
Sur le plan purement lexicologique, deux questions
peuvent se poser
d'abord, comment se situe le répertoire lexical
afro-brésilien par rapport au lexique général du
portugais "brésilien" ?
ensuite, jusqu'où va l'usage réel des mots de ce
répertoire ?
IV. 3. 4. 1. - La lexicalisation
Nous appelons lCl "lexicalisation", le processus par
lequel des éléments d'une langue africaine monème
grammatical, nom, verbe, syntagme ou même expression
entière, passés dans la langue générale, (Br./ N5), sont
enregistrés comme lexèmes du lexique brésilien dans les
dictionnaires (cf. infra, IV. 5. 8 . Le statut
lexicographique) .
Un nombre considérable de mots d'origine africaine
sont ainsi entièrement lexicalisés et pris en compte par
',
la plupart des lexicographes brésiliens (cf. supra, III.
3. Intégration morphologique). Nous constatons néanmoins
deux tendances générales
533

Diaspora ewé-fon
les dictionnaires bilingues (portugais-anglais ou
portugais-français), comme celui de S. Burtin-Vinholes,
qu i visent surtout un public étranger, enregistrent peu
ou presque pas de formes d'origine africaine. On y
rencontre toutefois plus facilement des mots d'étymon
bantu, si anciens qu'on se doute à peine qu'ils ne
viennent pas de la langue de Lisbonne.
tâe r i bondoZtne r i mbondo "frelon du Brésil"
"eau-de-vie de mélasse"
cachimbo
"pipe" moleque "gamin nègre, négrillon" cachaça
dendê / dendezeiro "palmier à
huile" dengue "minauderie" etc... , par exemple, sont
des mots bantu qu'on peut trouver dans les dictionnaires
brésiliens les plus puristes.
Ce sont les d i ct i onnai r e s monolingues, comme ceux
d'Aurélio Buarque de Holanda
Ferreira, à usage
essentiellement interne, qui enregistrent
plus
abondamment les mots d'origine amérindienne et
africaine signalés comme des brasileirismos (cf. supra,
1. 4.).
Le dictionnaire étymologique de Machado (1952) qui
enregistre presque tous les termes africains lexicalisés
que nous étudions lCl est presque exclusivement fondé
sur les travaux de Mendonça , et renvoie constamment à
a Influência africana no português do Brasil(1933), pour
ce qui concerne les mots d'origine africaine, bien
entendu, ce qui explique, sans doute que les sources
534

Diaspora ewé-fon
L'actualisation du lexique afro-brésilien reste
limitée à l'usage de mots isolés ou intégrés dans des
structures phrastiques portugaises, ou de formules
incantatoires pa r f aitement indéchif f rables . C'est dans
les chants rituels qu'on observe surtout de tels emplois
(cf supra, II.2.2.3.3, Les textes oraux, dans
notre étude du terreiro do Bogum) .
Hors des maisons de culte, les termes du répertoire
sacré apparaissent dans diverses formes d'expression de
ce que nous pouvons appeler, avec un certain
anachronisme, la "négritude afro-brésilienne".
536

Etude étymologique
IV. 3. 5. - Les caractéristiques sociolinguistiques.
Bon nombre de termes du répertoire sacré sont tombés,
en se lexicalisant, dans le domaine du profane, ce qui
favorise, depuis les années 1970 (débuts de la
généralisation, au Brésil, du mouvement Cultura Negra
(An. III, 9), l'usage abondant de noms africains pour
baptiser des groupes culturels ou artistiques
afro-brésiliens appelés groupes "afro;', comme Iiê
Aiyê, Badauê, Oiori, Akomabu ; des édifices publics, des
restaurants ou des immeubles d' habitation Or.i.xas
Center, Bejé, Xangô, Ayra, Abara,
supra, 1. 3. 3.).
Yemeri j e . . .
Ce phénomène que nous appelons désacralisation de la
langue du culte (An. III, 10), loin d'inquiéter les
chefs religieux des candomblés, répond, au contrai re à
leurs ambitions d'expansion et d'emprise spirituelle et
cultu relle sur la société brésilienne. On sait que ce
qu i , à leurs yeux constitue une menace pour cette
o r qan i sa t i.orr, c'est liagression des chercheurs
indiscrets et l'invasion des touristes curieux. Des
pancartes à l'entrée des terreiros interdisent de
photographier et d'enregistrer!
537
(cf

IV. 4.
Etude étymologique
LE SYSTEME GRAPHIQUE DES LANGUES EWE-FON, ET YORUBA
539

Diaspora ewe-fon
langues, qui, comme on le rema rque l util i se les lettres
de l'alphabet latin et les signes des alphabets
phonétiques.
Nous complétons ainsi les tableaux l et 2 des
"Abréviations et signes conventionnels"
Bien que ces langues soient écrites depuis le XVIIIe
siècle (4) et enseignées aujourd'hui même dans certains
programmes universitaires à l'étranger U.S.A. et
Grande Bretagne pour le yoruba (5), U.S.A. et Allemagne
pour l' ewe, l' unanimité n'est encore pas acquise, sur le
plan international,
formelle. lIn'est
en ce, qui
concerne leur identité
pas rare d'entendre dire, par
exemple, à propos de l'ewe "scolaire", qu'il n'est pas
la langue que nous parlons, ou que la tradition
orthographique en territoire ghanéen est différente des
pratiques togolaises, dans le domaine de la segmentation
notamment (cf. An. III, Il).
Par ailleurs, les formes écrites de nos langues ne
sont pas encore, malgré tout, bien entrées dans les
pratiques quotidiennes, l'empire des langues
"officielles" le français au Togo et au Bénin, et
l'anglais au Nigéria, étant toujours dominant dans tous
les secteurs d'utilisation de l'écriture.
Dans ce répertoire où nous tentons de remonter des
formes lexicales afro-brésiliennes aux étymons ewe, fon
et yoruba, il est nécessaire de rendre compte de la
542

double identité des formes
Etude étymologique
identité phonique et
identité graphique. Mais deux ou trois siècles nous
séparent de l'introduction de ces langues au Nouveau
Monde. Au Brésil, l'usage exclus i vement oral dans un
contexte socio-linguistique dominé par le portugais,
langue typologiquement différente, constitue un sérieux
facteur d'altération et de transformation à travers le
temps. Sur le continent africain, il est évident que les
langues ont évolué également, dans d'autres directions,
sans doute, et il aurait été passionnant et éminemment
utile de refaire le parcours des altérations en milieu
brésilien, et des évolutions en milieu africain. Mais,
dans l'un et l'autre cas, nous ne disposons d'aucune
donnée objective et constante permettant d'envisager une
recherche dans une perspective diachronique.
Ces lacunes historiques expliquent que ce répertoire
étymologique ne comporte pas de datation ainsi que le
voudrait une étymologie rigoureuse.
Néanmoins, l'histoire relativement récente de
l'écriture de ces langues nous est connue ( 6) . Nous la
présentons en Annexe III, note 11, afin de fixer le
lecteur quant aux formes écrites que nous dorinons dans
ce répertoire (cf également supra, II. 3. 2. quelques
aspects du paysage linguistique ouest-africain)
5LJ3

Diaspora ewe-fon
16 - Itl - occlusive apico-dentale sourde t
17 - Iwl - semi-consonne
,
.labio.. veLaire w
18 - /j/ - semi-consonne palatale
546
y

21 - Isl
22 - Itl
23 - Ici
24 - Ivl
25 - Izl
26 - [v ]
27 - Iwl
Etude étymologique
fricative sulcale sifflante
prédorsale apico-dentale sourde - s
- occlusive apico-dentale sourde
- occlusive dorso-palatale sourde
- fricative labio-dentale sonore
fricative sulcale sifflante
prédorsale sonore
IBI - fricative bilabiale sonore
- semi-consonnelabio- veleire
28 - Ijl - semi-consonne palatale
549
- t
- ts
- v
- z
- v
- w
- y

Etude étymologique
comme on aurait pu croire n'est pas encore entrée
dans les habitudes, et clans bon nombre de textes
actuels, en langue fon, les voyelles nasales sont
réprésentées par le tilde sur les correspondantes
orales. C'est cette dernière solution que nous adoptons
dans ce travail pour les mots fon.
1 lai - a
2 - Ici - c
3 - Iii - i
4 - l'JI - )
5 - lui -u
551

Diaspora ewe-fon
b - Les consonnes et semi-consonnes
Le système consonantique du fon compte vingt-deux
consonnes et deux semi-consonnes représentées dans
l'écriture alphabétique de la manière suivante :
1 - Ibl - occlusive bilabiale sonore
2 - Idl - occlusive apico-dentale sonore
3 - leV - rétroflexe
4 - IJI - occlusive dorso-palatale sonore
5 - Ifl - fricative labio-dentale sourde
6 - Igl - occlusive dorso-vélaire sonore
7 - Igbl - occlusive labio-vélaire sonore
8 - Ihl - fricative glottale sourde
9 - Ixl - spirante dorso- vélaire sourde
10 - Ikl - occlusive dorso-vélaire sourde
11 - Ikpl - occlusive labio-vélaire sourde
12 - III - latérale apico-alvéolaire
13 - Iml - nasale bilabiale
14 - Inl - nasale apico-alvéolaire
15 - Iyl - nasale dorso-palatale
16 - Ipl - occlusive bilabiale sourde
- b
- d
- ct
- t
- f
- g
- gb
- h
- x
- k
- kp
- 1
- m
17 - Irl - vibrante apico-alvéolaire (roulée) - r
18 Isl fricative sulcale sifflante
- n
- ny
- p
pré-dorsale sourde - s
19 - Itl - occlusive apico-dentale sourde - t
20 - Ici - occlusive dorso-palatale sourde - c
552

21 - /v/
22 - /z/
23 - /w/
24 /j/
- fricative labio-dentale sonore
fricative sulcale sifflante
pré-dorsale sonore
- semi-consonne labio-ve'lan-e.
- semi-consonne palatale
553
Etude étymologique
- v
- z
- w
- y

Diaspora ewe-fon
IV. 4. 5. - La notation tonale
Les langues qui nous intéressent ici sont des langues
à tons. Et compte tenu de l'importance de la fonction
phonologique du ton, il est essentiel qu'il soit
clairement représenté dans l'écriture, pour éviter les
risques de confusion dans la prononciation et, partant,
dans l'interprétation sémantique hors contexte, surtout
des homonymes monosyllabiques particulièrement fréquents
dans ces langues.
Or, les tons ne sont pas marqués, ni ent.ièrement, n i.
de la même manière dans l'orthographe. C'est pourquoi
nous faisons ici une mise au point, bien que
notre objectif ne soit pas de faire une étude
tonologique. Nous signalons simplement la manière dont
nous traitons la question de la marque tonale dans les
mots de ce lexique, en renvoyant le lecteur à l'annexe
III, note 12 où nous donnons, à partir de quelques
paires minimales, des exemples concrets de l'opposition
des tons bas, hauts, moyens et modulés que connaissent
toutes ces langues.
Pour lever toute ambiguïté d'interprétation des
formes, nous avons choisi de marquer systématiquement,
dans l'orthographe comme dans la transcription
554

Diaspora ewe-fon
IV. 5.
COMPOSITION DES ENTREES
556

Diaspora ewe-fon
L'article de notre lexique afro-brésilien conçu sur le
modèle lexicographique, est constitué d'une entrée en
orthographe afro-brésilienne dont nous donnons la
prononciation en transcription phorié t Lque . Les
informations grammaticales, souvent très sommaires pour
les raisons évoquées plus haut (cf. IV. 3. 2 et IV. 3.
3 ... ), précèdent les sens avec lesquels les mots ont été
recueillis. Les informations étymologiques (ET.) j
essentielles dans notre travail, comprennent
l'identification de la langue-source;
la forme écrite en orthographe actuelle
la forme phonique (prononciation courante);
le sens originel ;
un commentaire ou une explication historique
ou sociolinguistique (Hist.) s'impose pour bon nombre de
mots identifiés;
le statut lexicologique actuel du mot dans
le contexte brésilien (Lex.) est signalé le cas échéant.
enfin, sous la rubrique NB, nous signalons
toute autre particularité observée au cours de l'examen
du mot, dans la situation afro-brésilienne ou dans la
situation africaine.
Il s'agit, le plus
558
souvent de similitudes

Diaspora ewe-fon
procède d'une construction imagée, par similitude, à
partir de :
e.ff - kàklo "poule"
"noix"
"oeuf"
Nous n'avons pas pu avoir d'informations plus poussées
à ce sujet.
Le mot gogo réalisé
d'origine
ewe-fon,
afro-brésilienne, le
indifféremment [gog6] ou [g:>g:,],
a pris, dans la situation
sens dépréciatif de "fesses
volumineuses" en parlant d'une femme (cf. le lexique de
Yeda Castro, 1976, p.94) ·Ce mot a subi le même sort que
son équivalent bantu bunda dans les expressions bunda
de nega mina, bunda de tanajura, et les mots bundada,
bunda ça, bundar.
Nous ne retrouvons pas ces connotations en Afrique.
Peut-être faut-il signaler ici qu'il ne faut pas
confondre les mots
gogo, afro-négrisme (d'origine ewe-fon) , non
lexicalisé, avec les mots portugais (et brésiliens)
gogo / gogô "pépie, maladie des oiseaux; gogo,
appellation familière, au Brésil, de la "pomme-d'Adam";
- bunda, lexicalisé, (sans connotation péjorative), avec
bunda, adj. fém. de bundo, qui est, lui-même, la forme
560

abrégée de quimbundo "langue kimbundo".
Etude étymologique
Un mot comme kabasu, et ses dérivés hybrides
kabasudu [kaba' sudu] , kabasuda [kaba' suda] employés
aussi bien chez les nations je je et nago-ketu que chez
les nations angola, sont signalés sur les listes comme
des termes vulgaires pour désigner la virginité, en
parlant d'une jeune femme ou d' "lm jeune homme.
D'une manière générale, nous n'avons pas exploité les
termes du vocabulaire de la sexualité dont certains
auteurs (anthropologues et ethnologues) attribuent le
catactère souvent obscène à la tradition culturelle
africaine. Ce vocabulaire, il faut le dire, est
particulièrement dense et t.rès révélateur des réalités
sociales entre Blancs et Noirs... maîtres et esclaves
dans les anciennes sociétés esclavagistes du Nouveau
Monde en général, au point que Manuel Moreno Fraginals,
économiste et hi.storien cubain, traitant des "apport.s
cult.urels et déculturat.ion" en Amérique lat.ine, a pu
écrire :
« Toute étude sur l'importance de la vie sexuelle dans
l e culture africaine doit tenir compte du fait que
l'atmosphère obsédante de la plantation était plus forte
que la tradition culturelle. Des danses et chants
d'origine africaine, qui n'avaient pas de connotation
561

Etude étymologique
corroborer les points vue de Moreno Fraginals. C'est
encore la preuve que bon nombre d'éléments culturels
venus d'Afrique ont été souvent
profondément modifiés, ce qui est
devrait plut6t inciter à nuancer
jugements.
plus
bien normal, et
un peu
ou moins
certains
Dans un tout autre domaine, celui des nombres, par
exemple, nous constatons que les nombres cardinaux, même
s'ils figurent sur les listes lexicales, ne sont jamais
réellement employés dans la langue habituelle du culte.
Ils sont toujours remplacés par les équivalents
portugais, comme dans sete hunk6 (cf: hunko[hu'k6]. On
note, par exemple, e10 signalé comme un numéral pour
"quatre" dans la terminologie du rituel. Mais ce mot
d'origine yoruba ne signifie pas "quatre", le mot yoruba
qui désigne quatre est erin [crin] / me r i n [rnc r i] Par
conséquent, nous ne retenons pour e10 que le sens
attesté c'est-à-dire adverbe de quantité: "combien" ?
Des formes figées dont le contenu n'est pas
analysable, en l' état actuel de nos recherches, telles
que certaines formules de salutation epababa; epahey
, eparipa. Cette dernière forme vient de l'expression
y. epàripa [epàripa] ou epa [epa], employée dans
les cultes ogboni (ogun) et exprimant la surprise ou la
peur. Elle annonce la sortie des masques ogun.
Apparemment, ces mots sont des formations
563

Diaspora ewe-fon
IV. 5. 2. - L'orthographe afro-brésilienne
nous
Les formes écrites des entrées résultent de ce que
fait,
appelons
il n'en
une "orthographe afro-brésilienne". En
existe pas. Mais nous voulons ainsi
dés igner cette "orthographe de fortune" dans laquelle
sont encore écrits, au Brésil, les mots d'origine
africaine, à l'exception, bien sûr, de ceux qui sont
entièrement lexicalisés et qui, naturellement reçoivent
une orthographe portugaise.
L'orthographe afro-brésilienne n'est pas uniforme.
Par exemple :
à Bahia, on écrit amazi, au Maranhâo
dosu ,
k okoru ,
t.ek:i ,
tobosi,
vodu,
orthographe simple, proche de la
mots, dansla situation de Bahia.
amansi
doçu
cocôro
taqui
tobossi
vodum
Devant ces variations, nous avons adopté une
566
forme phonique des

IV. 5. 3. - La forme phonique des entrées
Etude étymologique
Les transcriptions que nous donnons ici correspondent
à la prononciation actuelle des mots à Salvador, tels
qu'ils ont été réalisés par nos informateurs du terreiro
de Bogum Nous n'avons pas étendu la vérification à
d'autres terreiros car nous avons estimé que la
prononciation avai t des chances d'être sensiblement la
même partout, puisque, sur la plan phonique, elle subit
chez tous les sujets, et dans tous les contextes
d'emploi, la même influence du portugais.
En ce qui concerne les réalisations tonales, il faut
rappeler que d'une manière générale, les mots
afro-brésiliens perdent les marques tonales africaines
et que seul le ton haut persiste en se confondant du
reste avec l'accent tonique portugais. Lorsque parfois
nous marquons les tons, comme pour adahu
-, , -
[adahu] , c'est
qu'il nous a semblé percevoir, dans la prononciation, un
effort de réalisation tonale.
On sait que même s'ils sont maintenus parfois, les
tons perdent leur fonction phonologique, ce qUJ_ induit
les confusions homophoniques dont nous avons traité plus
haut (IV. 3. 1. 1.).
567

Diaspora ewe-fon
IV. 5. 4. - Les informations grammaticales
Nous l'avons souligné dans l'étude des
caractéristiques morphosyntaxiques du lexique
afro-brésilien les informations grammaticales sont
plutôt sommaires ou "déviantes" (changement de catégorie
grammaticale) .
Elles concernent l'indication du nom masculin ou
féminin, et rarement du verbe transitif ou intransitif.
IV. 5. 5. - Le sens du mot afro-brésilien
La définition sémantique du mot est celle que nous
avons relevée sur les listes lexicales étudiées. Nous y
apportons au besoin quelques modifications ou
compléments venus de nos informateurs.
Dans son répertoi.re lexical, Yeda Castro réexploite
l'hypothèse des niveaux de langue dans le processus
d'intégration de la lingua-de-santo "langue-de-saint"
(langue africaine) à la langue générale du Brésil .
Par exemple, pour les mots samba "la samba" et dendê
"palmier à huile", d'origine bantu, cette hypothèse est
568

Diaspora ewe-fon
dendé reçoit six acceptions localisèes à deux
diffèrents niveaux de langue N4 et N5.
a) - dans la situation de N5
- "palmier à huile" , ou le fruit de ce palmier (noix de
palme) " .
"huile extraite du palmier et très employèe dans la
cuisine bahianaise. Dans la cuisine rituelle, elle a des
fonctions magiques";
- "chose agrèable"
"toponyme "
Nul doute que ces diffèrentes acceptions sont rèelles,
mais l'exclusion des niveaux 1 et 3 pour samba, 2, 3 et
4 pour ciendé signifie-t-elle que ces mots ne sont pas
attestès à ces niveaux de langue, ou bien,
attestès, que les diverses acceptions
vèrifièes ? Et comment les deu>: mots
s'ils y sont
n'y sont pas
sont-ils
alors
traitès respectivement aux niveaux 1, 3 et 2, 3, 4 ?
Par ailleurs, on ne s'explique pas que dendé, au sens
d' "huile de palme" ne soit pas t r a i.t.e au niveau 1 (Tr.
ou terminologie religieuse ) , alors qu'il dé s i.qrie
justement une huile "à vertu magique", très ernpLoy é e
dans les cultes !
Si le mot samba dès i qrie au niveau 2 "une cérémonie
avec chants et danses, dans les cultes
570

Etude étymologique
afro-brésiliens ... " il devrait normalement être traité
aussi au niveau 1 ; ce qui n'est pas le cas.
Nous avons déduit de ces observations que les niveaux
de langue, tels qu'ils sont exploités dans le répertoire
ne sont pas toujours pertinents au plan sémantique.
En effet, Sl la distribution des niveaux de langue
nous a paru alléchante, parce que très opérationnelle
pour une appréhension du dynamisme socio-linguistique de
la lingua-de-santo (cf. supra, II. 3. 3.), elle ne
semble pas devoir être réellement utile dans une
approche purement sémantique, car on peut toujours
supposer que les mots passent cl' un niveau social à un
autre, mais il semble peu probable que ce passage
s'accompagne d'un changement notoire de sens. Du reste,
comme nous l'avons observé dans la présentation
éthno-linguistique II. 2. 3 De la lingua-de-santo à
la langue populaire, la distinction des cinq niveuux de
langue n'est qu'une hypothèse de travail, ces niveaux se
confondant dans la réalité socio-linguitique.
Par conséquent, nous n'avons pas suivi ici ce procédé
qui présente encore l'inconvénient de conduire à un
émiettement sémantique peu conforme aux faits
linguistiques observés sur le terrain.
571

Etude étymologique
comme signes d'évolution. Mais il faudrait que des
recherches
direction,
programme.
puissent déjà
ce qui pourrait
IV. 5. 6. 1. - La langue-source
être engagées
faire l'objet
dans
d'un
cette
autre
Notre objectif est de préciser, pour les mots signalés
comme d'origine kwa ou ouest africaine, l'appartenance à
telle ou telle langue de cette famille, et, poussant
plus loin la réflexion" de localiser les diverses
formes dialectales du mot-étymon. C'était, du moins,
l'objectif inscrit dans le projet de recherche initial
(cf. supra,
hybrides) .
III.
3 .
3.
structure
des
composés
Il s'agissait au départ, compte tenu des ramifications
dialectales de notre aire linguistique, de donner la
distribution dialectale des mots à l'intérieur de chaque
langue.
Les données du terrain, c'est-à-dire l'extrême
complexité, - des formes dialectales pour un même item
pouvant être totalement différentes de l'étymon
identifié -, pour des résultats peu significatifs ou peu
pertinents, nous ont conduit à limiter l'extension de ce
deuxième volet de l'identification.
Par exemple, on identifie pour le mot afro-brésilien
573

Diaspora ewe-fon
abado [abad6] "maïs" un etymon yoruba àgbado [àgbado]
qu'on retrouve sous la forme àgbàdé [àgbàdé] en fon, et
dans le vodûgb'è "langue du rituel" chez les Ewe du Togo.
Dans la langue générale, les Ewe emploient le mot bli
(un emprunt à la langue twi du Ghana, et que les Fon ne
connaissent pas), dont on ne trouve aucune trace dans le
répertoire linguistique des Jeje du Brésil. Il semble
inutile, dans ce cas, d'insister sur cette forme
dialectale morphologiquement trop éloignée de l'étymon
fon.
Par ailleurs, le mot kuntuto [kututo] "esprit des
morts, revenant" vient du mot fon kututj [ku t ut.o ]
composé comme suit
- ku
- t [1
"la mort"
"délier, détacher"
t-':J " pere, , propriétaire" (monème
fonctionnant comme dérivatif verbo- nominal il
correspond au français -eur dans déli-eur, par exemple) .
Le mot signifie donc litt. "celui qui délie les
attaches, le s 1iens de la mort ou qui s'en l ibère pour
revenir parmi les vivants".
Cette identification morpho-sémantique autoriserait à
traiter le mot comme appartenant à l'ewe et au fon à la
fois, puisque tous les trois composants sont attestés
574

dans
les
deux
sémio-syntaxique.
quoique
branche
langues
Mais il se
parfaitement possible
ewe, n'est pas attesté
clans
Etude étymologique
le
même
rapport
fait que cette formation,
dans les parlers de la
les Ewe appellent le
revenant !JjJ i [9:,li] , forme qu'on ne retrouve pas non
plus chez les Jeje afro-brésiliens.
Par conséquent, nous ne retenons pour le mot kuntuto
que l'origine fon.
IV. 5. 6. 2. - L'identité formelle de l'étymon africain.
Les étymons africa ins sont donnés dans l'orthographe
actuellement en usage dans les programmes d'enseignement
dans les pays respectifs.
La transcription phonétique correspond à la
prononciation moyenne de nos informateurs, qui est, en
gros, celle de Cotonou pour le fon, Lomé pour l'ewe,
Ibadan, Ife et Lagos pour le yoruba, nos informateurs
yoruba étant originaires ou habitants de ces villes (cf
Annexe III, note 13).
IV. 5. 6. 3. - Le sens de liétymon africain.
Pour tous les mots, les sens notés au cours des
séances de travail à Cotonou et à Lomé (cf : Annexe III,
note 13) ont été systématiquement vérifiés dans les
575

Etude étymologique
proches des réalités culturelles et socio-linguistiques
du pays yoruba, ce qui explique son intérêt pour notre
travail. Bien qu'il soit, lui aussi, d'obédience
catholique, il couvre à peu près l'essentiel de la
terminologie des cultes yoruba originels.
IV. 5. 7. -- Le commentàire historique
« Faire de l'étymologie, c'est tenter de retrouver
l'histoire des mots en partant de leur forme et de leur
sens présents (11) ». Dans le commentaire historique,
nous essayons de rétablir; en quelque sorte, le pont
entre les formes et les sens afro-brésiliens et les
formes et les sens ewe-fon ou yoruba actuels.
Lorsque les données nous en sont connues,
nous
exposons donc les indications sur l'extension des
ernp I o i s dans le contexte de la diaspora, ainsi que les
rapports sémantiques ou culturels impliqués dans les
formes ou emplois relevés au Brésil.
Il est essentiel de noter que la plupart des
changements de sens observés au passage de l'Afrique au
Brésil sont directement liés aux différences de toutes
sortes
qu'illustrent
loko, anaJ.eyu,
Ici nous
observables
d'un
les sens afro-brésiliens des mots
da par exemple (voi r ces mots) .
proposons,
579
milieu à l'autre, ce
ati,
pour les cas d'étymologie

Etude ét.ymologique
IV. 5. 8. Le statut lexicographique du mot
afro-brésilien
Nous appelons ainsi
général de la langue.
à ce lexique.
la place du mot dans le lexique
Il mesure son degré d'intégration
En effet, nous estimons que le processus d'intégration
du mot d'origine africaine arrive à son terme dès lors
que le mot est enregistré par la lexicographie
"of f icielle". La phase de lexicalisation ainsi définie
correspond à l' intégration "scolaire" qui consacrerait,
pout ainsi dire, l'intégrat.ion
national (cf. supra, IV. 3. 4.
581
linguistique au niveau
1 : la lexicalisat.ion).

Diaspora ewe-fon
111.3. - Intégration morphologique
(1) - CASTRO (1976), Tome I.
(2) GUILBERT Louis, la Créativité lexicale, Paris:
Larousse Université (Langue et Langage), 1975, P.136-198.
(3) CASTRO Yeda "l' Afrique au Brésil, une nouvelle
approche", in revue Recherche Pédagigie et Culture, p.10.
(4) - GUILBERT (1975) , p.97.
(5) Cf. WALTER Henriette (sous la
Phonologie des usages du français. Langue
Paris: Larousse, 1983.
(6) - GUILBERT (1975), p. 97 et 98.
di rection de) j
française N° 60,
(7) - HOUIS Maurice; "Description des langues africaines,
in Afrique et Langage, Paris: 1.,' Harmattan, 1974.
(8) - DUBOIS (1973), p.62-63.
(9) - GUILBERT (1975), p.97-98.
(la) - GUIRAUD Pierre,la Sémantique, Paris: PUF.(Que sais­
je?),1969, p.26-28.
(11) - GUIRAUD (1969), p.38.
(12) - DUBOIS (1973), p,139.
(13 ) BENVENISTE Emile, Problèmes de linguistique
générale; Paris: Gallimard, 1974.
(14) - GAFFIOT Félix, Dictionnaire latin-français, Paris:
Hachette, 1984(éd.N"38) . .; ERNOUT A. et MEILLET Antoine,
Dictionnaire étymologique de la langue latine, histoire des
mots. Paris: Klincksieck, 1979; (4è éd.).
586

(15 ) BONNARD Henri,
Etude étymologique
"Transfert et coalescence",
Néologie et lexicologie, Paris: Larousse, 1979, p.28-35.
(16) - BENVENISTE (1974) , p. 145-176.
(17) - DUBO l S (1973), p. 72 -73.
IV. - ETUDE ETYMOLOGIQUE
(1) - NASCENTES Antenor, Dicionàrio e t i moLoqi co da lingua
portuguesa, Rio de Janeiro: A I ndùstria do livro, 1932, (le
éd.), p.XXIII.
(2) - METRAUX Alfred, le Vaudou haïtien, p.24-25.
(3 ) Cf. IANNI Octavio, "Organistion sociale et
aliénation", in l'Afrique en Amérique latine, p.44.
(4) - Cf. listes de mots dans:
Voyage du Chevalier des Marchais en
Guinée ... grammaire abrégée ou entretien en languefrançoise
et celle des nègres de Juda, Paris: Osmont, 1730, de LABAT
.Jean-Baptiste;
- Geschichte der Mission der Evangelischen BrOder aGf
den Caraibischen Inseln, S. Thomas, S. Croix, und S. Jan.
Bardy, 1777, de OLDENDORP, G. C. A.;
Voyages en Guinée, Paris, 1793; (traduction
française de Reise nach Guinea, Copenhague: Morthorst,
1788, d' ISERT Paul Erdman)
(5) Cf. AWONIYITaïwo, Yoruba language in education
(1846-1974), Ibadan: Oxford University Press, 1978.
(6) - HAIR P. E. H. the Early study of nigerian languages,
Cambridge: Cambridge University Press, 1967.
587

Diaspora ewe-fon
(7) - BANGBO$E Ayç, Yoruba orthography, Ibadan, 1967.
(8) FRAGINALS "Apports culturels et déculturation",
l'Afrique en Amérique latine, p. 9-25.
(9) - BASTIDE Roger, 0 Candomble da Bahia, rito nagô, p.160
(l0) - CASTRO, "das Linguas africanas ... , p.99.
(11) - WALTER, le Français dans tous les sens, p.264.
588

A N N E X E S
589
Etude étymologique

ANNEXE - 1 -
(Notes 1 à 8)
591
Etude étymologique

Diaspora ewe-fon
généralement
d'instruction
pas
accéder à
ou de formation.
un niveau supérieur
Quant à· l'emploi, il
existe entres autres motifs d'éviction, la formule dite
de boa aparência "bonne présentation" (synonyme
euphémique de "blanc" peut-être), qui, placée comme
condition sine qua non dans les offres d'emplois,
élimine délicatement, mais sûrement les candidats noirs
ou mulâtres insuffisamment "blanchis". Noirs et
Mulâtres sont « toujours exposés à toutes les formes de
pré jugés, de discrimination et d' exclus ion sociale »,
écrit l'économiste et historien cubain Manuel Fraginals
("Apports culturels ... ") .
Pourtant, on pense qu'« au Brésil, il ya un racisme
de classes, pas un racisme de couleurs (Revue Autrement
44/82 Brésil ... , p. 58-63) », ce qui est exprimé,
sans doute, dans la formule politique bien connue de
"dérnocr a t i e raciale".
Ma i s on ne peut pas nier qu'il y a, historiquement
une classe dominante qui est blanche, et une classe
pauvre et plutôt dominée, constituée de Noirs et de
Mulâtres
Il y a encore ce concept
"blanchissement" (de
La peau, mais
de branqueamento
peut-être aussi de
l'esprit), qui est une réalité tangible de la vie
sociale brésilienne, quotidiennement éprouvée par cette
catégorie de la population. Plus on a la peau claire,
594

Diaspora ewe-fon
mille, dans Races et clasSes dans le Brésil rural
(UNESCO, 1952, p.
Deffontaines P.
millions
Janeiro, 1952)
au maximum
152) .
estime cette population à 3 ou 4
(Geografia humana do Brasil, Rio de
Mais d'une manière générale, lorsqu'on pose le
problème aujourd' hui, le chiffre qu'on retient est 1
million d'indigènesi chiffre donné par le Général
Rondon (cf. Bothelho de Magalfiàes, Cl. Amilcar
Impressoes da comi s sè.o Rondo, Sào Paulo 1942, p. 323)
Il s'agit donc, compte tenu de l'étendue du pays
découvert, d'une occupation très faible, ce qui est
bien différent de la situation en Afrique, par exemple,
où les "conquérants" se sont trouvés en présence d'une
importante population indigène, et où leur
préoccupation majeure était de pouvoir dominer les
hommes plutôt que de peupler les terres.
Vue
sous
l'angle
problème
l'histoire du Brésil sera donc marquée,
du
les XVIe et XVIIe siècles, par
une lutte acharnée
contre
du peuplement,
surtout pendant
un
espace
presquéinnocupé, et un effort soutenu pour maîtriser
une nature où parfois aucun être humain ne semblait
avoir pénétré auparavant.
598

Diaspora ewe-fon
suivis plus tard d'autres travailleurs des Açores et du
Cap Vert. Le gouvernement portugais entreprit alors
d'encourager une émigration de populations laborieuses
du secteur agricole pour amorcer
systématique et massif du Brésil.
un
peuplement
On donne souvent comme exemple de ces faits des
correspondances officielles des années 1550 et des
interventions royales qui ont about i à l'arrivée à
Pernambuco de plusieurs navires de couples portugais...
Il est évident, après tout; que le Portugal, très peu
peuplé lui-même à l'époque,(l million d'âmes, dont
seulement quelques 300 mille hommes "valides",
semble-il) ,
contingent
résoudre
création
ne pouvait pas fournir au
appréciable de travailleurs
le problème de main-d'oeuvre
Brésil
capables
posé par
des plantations de canne à sucre.
II.1.1. Synthèse historique.:.).
un
de
la
(cf. :
D'une manière générale; le problème de la
main-d'oeuvre, et pas seulement agricole, se posait
avec urgence et acuité.
Dans la nouvelle colonie
l'Indien
était
devenu
pratiquement inut i lisable. Il fuyait vers l ' intérieur
des terres pour échapper à un travail qui ne lui
convenait pas. Les battues organisées pour le capturer
et l'installer de force dans les exploitations ont
provoqué les hécatombes historiquement connues, sans
600

linguistique (cf. cartes N" 1 et 2).
603
Etude étymologique

Diaspora ewe-fon
- 4 -
Voici, à titre d'exemple, ce qu'en dit Jorge Amado
dans le célèbre roman Dona Flor e seus dois maridos :
"Seja velorio rico, seja pobre, exige-se, porém,
constante e necessaria, a boa cachacinha; tudo pode
.faltar, mesmo café, 50 ela é indispensavel; sem seu
conforto nao ha velorio que se preze. Velorio sem
cachaça é des corici.dere çe o ao falecido, significa
i ndi ferença e desamor".
"Que la vei Ll.é e funèbre soitriche ou pauvre, il
faut, cependant, constamment et nécessairement la bonne
petite cachaça; on peut manquer de tout, même du café j
elle seule est indispensable; sans son confort, il n'y
a pas de veillée qui vaille la peine. Une veillée sans
cachaça est un manque de considération pour le défunt,
et signifie indifférence et désaffection (notre
traduction)". (Jorge Amado, Dona Fior e seus dois
maridos, Rio de Janeiro : Editora Record,
p. 12).
604
30 e éd. 1978,

- 5 -
"télévision";
"ministre";
Etude étymologique
Dans une conférence que nous avons donnée le Il avril
1984 à l'Institut Rio Branco d' Itamaraty (Ministère
brésilien des affaires étrangères) à Brasilia, sur le
thème "la francophonie et les interférences des
langues africaines dans le français l'exemple du
Togo", nous avons souligné cette position qUl, en
l'état actuel des choses, nous parait la plus réaliste
et la plus progressiste pour les pays africains qui
cherchent à promouvoir leurs langues. En effet, nous ne
pensons pas qu'il soit possible, ou, tout au moins,
commode de créer ex nihilo tout le langage nécessaire à
l'accès auz domaines de la science et de la technologie
modernes. Il faut regretter dé jà que nous nous soyons
engagés dans la voie périlleuse des créations
exclusivement internes par des moyens périphrastiques
du genre :
- didifénukp'J mJ
- dùdonufr» la
- n-:>n:Jmètata
- dùnyàgb:::>gbl'J
"image, cinéma";
"politique";
605

Etude étymologique
dont nécessairement les apports des langues mlS en
contact par l'histoire des peuples.
Chercher à purger, à tout prix, les langues
africaines des "européanismes" lexicaux,
correspondrait, à notre avis, à vouloir recommencer à
zéro le processus d'accession, déjà assez tardive, de
ces langues à l'internationalité.

Les femmes occupent
candomblés de Bahia.
- 6 -
une place importante
Aujourd'hui, les plus
Etude étymologique
dans les
célèbres
maisons de culte de Salvador sont dirigées par des
maes-de-santo (sacerdotisas do candomblé), entourées
d'une importante "cour" de fidèles et de "suporters".
La mae-de-santo est la protectrice de son "peuple"
(povo-de-santo) au sein du terreiro ou dans la vie
privée Elle accède à cette dignité sacerdotale
après de longues années d'apprentissage des secrets du
culte qu'elle garde jalousement.
Dans la société afro-brésilienne actuelle, elle
exerce un pouvoir spirituel considérable. Nous avons pu
constater, par exemple, au terreiro do Gantois que Mâe
Menininha do Gantois exerçait son autorité spirituelle
de manière indiscutable; Les filhas-de-santo qui sont
ses aides dans les diverses tâches cultuelles lui
obéissent comme à une véritable reine.
Dans 1; exercice de leurs fonctions sacerdotales, les
maes-de-santo sont soutenues par un conseil consultatif
composé de Oqà s (cf. lex. ét.) qui sont souvent des
609

Diaspora ewe-fon
intellectuels ou des personnalités politiques très
influentes. Par exemple, une commission de défense du
terreiro do Bogum, créée en 1985, comprenait des
membres comme Edvaldo Brito, professeur de Droit à
l'Université de Bahia et ancien Préfet de la ville de
Salvador (-il faisait partie de la délégation de
ItU.F.Ba qui était en visite à l'université de Lomé en
1982- cf. Avant propos), Oscar da Penha, compositeur;
Jeova de Carvalho, journaliste ...
Le candomblé, autrefois boudé, méprisé, parce que
considéré comme fétichisme, a gagné ses lettres de
noblesse depuis que les intellectuels et les chercheurs
: le romancier bahianais Jorge Amado et Edison Carneiro
entre autres,en ont montré les valeurs et l'importance
pour l'équilibre culturel et spirituel de la population
afro-brésilienne. Certains chercheurs semblent même
avoir compris que le meilleur moyen de mieux connaitre
les cultes africains est dt Y adhérer. C'est le cas de
Pierre Verger qui prit le nom de Fatumbi en s'initiant
au culte yoruba; et de Deoscorédes Maximiliano dos
Santos, dont on dit qu'il a été initié au culte nago à
l'âge de sept ans. Ce qui est certaint c'est qu'il est
actuellement asogba "prêtre suprême" du culte obaluayé
au terreiro Axe Opô Afonja de la ville de Salvador.
L'une des études les plus intéressante sur cet aspect
du candomblé brésilien nous semble être celle de Jean
610

Etude étymologique
Ziegler "une Théocratie africaine au Brésil: le
candomblé" parue dans les Cahiers Interna t i ona ux de
Soc i o l ooi e , janvier-juin 1970.
611

Diaspora ewe-fon
- 7 -
Nina RODRIGUES, os Africanas Brasil, p. 101-102.
« Nâo se vâ crer
populaçâo mestiça e
(à titre de document)
no entanto
crioula, se
que, i solados
fundam todos
africanos em uma co16nia estrangeira grande e
uniforme. Cada qual procura e vive com os de sua terra
e s âo os sentimentos e as afinidades da pâtria que
nesta cidade repartem os derradeiros africanos em
pequenos circulos ou sociedades. As naçoes ainda
numerosas possuem oS seus cantos, sitios da cidade
onde, a tecer chapéus ou cesta de palha e
das gratas recordaçoes da mocidade, os
aguardam fretes. Na cidade baixa, nos Arcos
Bârbara ficam os guruncis. Passos adiante,
de
entre
da
os
a praticar
velhinhos
Santa
Arcos de Santa Bàrbara e 0 Hotel das Naçoes, alguns
velhinhos, cansados e modorrentos, ultimos
representantes da outrora enérgica, belicosa e
aguerrida co16nia dos haussâs, ali diariamente se
reUnem. Mais numerosos, s â o os cantos dos n aqô s , No
612
os

Etude étymologique
canto do Mercado, rua do Comércio ao lado dos Cobertos
Grandes, em mais de urn ponto na rua das Princesas em
frente aos grandes escrit6rios comerciais, se congregam
velhos nagôs, ainda fortes, robustos, numerosos e
faladores. Sào também de nagôs os cantos da cidade
alta. No canto da rua da Ajuda por tras do edificio da
Câmara Municipal, no largo da Piedade em frente ao
Convêntd t no da porta da casa que fica junto ao Hotel
Paris, na Ladeira de Sào Bento, se reûnem negros desta
procedência. Nestes dois ûltimos cantos astào os
africanos que ainda possuem e car r e q am os palanquins
que em tempos passados e no dominio da escravidào foram
os carros de praça ou e r arn os veiculos de luxo das
classes ricas. No canto do Campo Grande, vindo do Forte
de Sào Pedro, a a l.quns nagôs se r e unern uns t r ê
s
ou
quatro jejes. Na" rua das Mercês, canto de Sào Raimundo,
reûnem-se negros minas, dois ou três. Na Baixa dos
Sapateiros, canto da Rua da Vala, reûnem-se africanos
de diversasnacionalidades.
As mulheres sào encontradas neste uLt i.mo ponto, na
rua da Vala, canto de Sào Miguel, na rua do Guadelupe,
na rua do Cabeça e largo Dois de Julho, no cais de
desembarque, na ladeira do Boqueirào em Santo Antônio.
Em geral nào se separam tanto, como os homens, segundo
as suas nacionalidades. »
613

sa culture",. dont on peut mentionner
Etude étymologique
.Z; Eva.Zuation du projet majeur reJatif à
l'appréciation mutuelle des valeurs culturelles de
l'Orient et de l'Occident, Paris, 1968;
Introduccion a la cultura africana en América
Jatina, Paris 1970;
- enfin, l'Afrique en Amérique latine, Paris, 1984,
qui rassemble Le s : points de vue de quelques dix-huit
spécialistes des études afro-américaines, parml les
plus connus à l'heure actuelle.
b - Il éxiste darts les grandes villes universitaires du
Brésil, des centres ou instituts ayant pour objectif la
promotion et la diffusion des cultures africaines.
Citons
Le centre d'Etudes Afro-Orientales (C.E.A.O) de
l'Université Fédérale de Bahia créé en 1959, et
doté en 1981 d'un musée afro-brésilien;
Le Centre d'Etudes Africaines de l'Université de
Sào Paulo, fondé en 1975 et dont le champ
d'activité couvre également les domaines· de la
science et de la technologie;
Le Centre d'Etudes Afro-Asiatiques créé au sein de
l'Université Candido Mendes de Rio de Janeiro, pour
succéder, dans son but et son orientation, à
l'Institut Brésilien des Etudes Afro-Asiatiques
615

Diaspora ewe-fon
fondé en 1951 auprès de la Présidence de la
République.
l'Institut Culturel Brésil/Afrique, de Rio de
Janeiro dont les programmes ont commencé à prendre
forme en 1981.
- Il faut signaler enfin à Sâo Luis, la création très
récente d'un Nu c leo de estudos afro-brasileiros
dont le projet avait été conçu par le Professeur
Sergio Ferretti du département d'anthropologie de
l'Université Fédérale du Maranhâo, pendant notre
séjour en décembre 1983.
c - Il existe, depuis une dizaine d'années, des accords
de coopération entre le Brésil et plusieurs pays de
l'Afrique noire. Il s'agit, avant tout, d'accords de
coopération économique et culturelle échanges
commerciatix, scientifiques et universitaires.
Mais d'après les observateurs, cette coopération, qui
devrait opérer dans le sens "sud-sud", fonctionne en
fait, jusqu'ici dans le sens "nord-sud"
« On a
l'impression que le Brésil voit
premier lieu comme un marché pour
l'Afrique en
ses produits
manufacturés, et seulement en second lieu comme une
économie ou une série d'économies dont le développement
doit être aidé à travers l'investissement et le
transfert de technologie
616
. », devait déclarer Ela

Akindele,
relations
Directeur de
internationales,
Etude étymologique
l'Institut nigérian des
dans une intervention au
premier séminaire Brésil-Afrique tenu à Rio de Janeiro
en 1981 (cf. revue Estudos Afro-Asiaticos 6 / 7, Rio de
Janeiro, 1982, p. 205).
En ce qui concerne le domaine scientifique et
culturel, il faut souligner que l'installation de
représentations diplomatiques brésiliennes dans les
pays du golfe du Bénin (pour ce qui nous concerne) et
d'ambassades de ces pays au Brésil, facilite des
accords plus ponctuels entre les universités africaines
et les universités brésiliennes, ce qui laisse augurer
aujourd'hui, d'une meilleure connaissance des réalités
des deux mondes, et, par conséquent, d'une plus grande
confiance mutuelle ...
617

Diaspora ewe-fon
ANNEXE - 2 -
( Notes 1 à 3 )
618

Diaspora ewe-fon
"doso gal.iya hua capam
a min trazé turo junto
ho coeyo co treze pombio"
Nous n'avons malheureusement pas pu avoir accès à ces
documents.
620

Diaspora ewe-fon
Edgard Santos de Salvador.
Sur invitat ion de l'équipe de ce laboratoire, nous
avons donné, le 9 avril 1984; une conférence sur le
thème
Onomastica africana como tne i o de integraçao na
sociedade "Onomastique africaine
d'intégration dans la société;'.
comme
moyen
Quel rapport avec les préocupations scientifiques du
Laboratoire de Génétique Médicale ?
Les travaux du Professeur Azevedo visent· à montrer
que les sujets qui ont le phénotype noir, c'est-à-dire,
qUl ont du sang africain dans les veines, sont ceux qui
portent des noms à signification religieuse.
Notre conférence visait à exposer les fonctions des
anthroponymes à caractère religieux dans les sociétés
africaines.
622

. - 3 -
Modèles morphologiques portugais.
Etude étymologique
Les dérivés afro-brésiliens sont construits sur les
modèles morphologiques ci-aprés
- Schème ON 01 Modèle portugais facao, porao
Schème ON 02 " " cozinheiro, peneiro
Schème ON 03 " " maquinismo, animismo
Schème ON 04 " " fumaça, pirraça
Schème ON 05 " " fabricaçao, renovacê
o
- Schème ON 06 " " facada, ninhada
Schème ON 07 " " qer eqem, viagem
. Schème ON 08 "
li padaria, engenharia
- Schème ON 09 " " ribeira, pUlseira
- Schème ON 10 " " velhice, traquenice
- Schème ON 11 " " artista, motorista
- Schème ON 12 "
.i moreno, morena
- Schème dn 13 " " : trabalhador, trabalhadora
morador, moradora
623

Diaspora ewe-fon
- Schème ON 14 = " " castilhano, castilhana
- Schème ON 15 " " grandào, grandona
quentào, quentona
- Schème ON 16 "
- Schème ON 17 Il
- Schème DN 18 "
Il causativo, causativa
" cozinheiro, cozinheira
Il
virulento, virulenta
- Schème ON 19 Il Il filinho filinha
Schème ON 20
- Schème ON 21
- Schème ON 22
- Schème DV 23
- Schème DV 24
Schème DV 25
- Schème DV 26
- Schème DV 27
- Schème DV 28
- Schème DV 29
"
"
"
"
"
"
"
"
Il
"
"
"
"
"
"
"
"
."
"
624
confuso, confusa
miudo, miuda
: levantamento
: rezar
: encantar
: acotovelar,
: esquentar
: des ce I çer
:pernear
:pdoçar

- Schème DA3ü
Schème DAd 31
"
"
"
"
625
Etude étymologique
:adentado, adentada
: apagadamente.

Diaspora ewe-fon
ANNEXE - 3 -
( Notes 1 à 13 )
626

Nadja Andrade alors responsable du
langues vernaculaires à l'Institut
l'Université Fédérale de Bahia.
Etude étymologique
Département des
des Lettres de
Nous avons été associé à ce projet dès notre arrivée
à Salvador en août 1983; Mme. Nadja Andrade nous fit
alors travailler sur. les listes lexicales présentées
comme material para
perfectionner"
suivante :
dans le
aperfeiçoamento
sens indiqué
"matériel à
par la notice
« A Lista de palavras que se segue foi feita em
colaboraçao com muitas pessoas. Epossivel que algumas
dessas palavras vocé conheça com outro significado.
Sera muito bom se esse trabalho continuar com a ajuda
de pessoas que conhecem lingua africana e que apren
deram palavras e frases com seus pais ou seus av6s. Se
você pode melhorar essa lista, estara ajudando aos que
acham importante aprofundar a sua cultura de raiz.
Se no meio dessas palavras você encontrar alguma de
origem indigena e nà o africana, va desculpando e nos
diga para podermos tira-la da lista ».
La plupart des mots de cette liste se retrouvent sur
la liste lexicale de Castro, ce qui est un indice de
l'existence réelle de ces mots et peut-être aussi de
leur caractère plus ou moins général dans les milieux
629

Diaspora ewe-fon
(voir notre étude â l'entrée kevioso du lex. ét.).
632

Diaspora ewe-fon
usage au Brés i l
traduction)
(os Africanos ... p. 141)>> (Notre
634

- 11 -
Etude étymologique
L'écriture a été introduite sur notre aire
linguistique par les Européens (cf. II.3.2 : Quelques
aspects du paysage linguistique ouest-africain). Les
con jectures sur l' existence antérieure d'un système
d'écriture ne concernent que les signes écrits du fa
(système de divination; voir le mot ifa/fa) dont le
contenu sémantique correspond à un message entier
accessible aux seuls initiés. Ces signes écrits n'ont
jamais fait l'objet d'un usage généralisé, dépassant le
cadre restreint du rituel; (cf. Aguessy Honorat,
"Convergences religieuses dans les sociétés aja, ewe,
et yoruba sur la côte du Bénin", dans Peuples du golfe
du Bénin (Aja-Ewe) , p. 237).
C'est en 1857 que fut publiée, sous forme de
grammaire, la première étude linguistique sur l' ewe,
par J, B. Schlegel sous le titre Schlüssel zur
Ewe-Sprache. Un premier dictionnaire
Ewe-Deutsch-Englisches Worterbuch (Ewe-German-English
Vocabulary) sera publié en 1891 par Y. Knüsli.
Certes, Courdioux avait publié, auparavant, en 1879,
637

Etude étymologique
l'indépendancei aucune institution similaire n'ayant
été mise sur pied durant la colonisation française qui
ignora purement et simplement les langues indigènes.
L' "Ellegbe Akademi" contrôle aujourd'hui toutes les
productions littéraires en langue ewe au Togo, et
participe activement aux travaux d'un Comité national
de la langue ewe chargé de la conception et de la
confection du matériel didactique utilisé dans les
écoles et dans les programmes de vulgarisation par les
media.
Au Bénin, c'est en 1972 qu'une "Commission
Nationale de Linguistique" composée de Prêtres
catholiques et de jeunes étudiants initiés â la
linguistique i vit le jour à Cotonou. Appuyée par le
Gouvernement, cette commiss ion a pu se convertir, en
1974, en une Commission gouvernementale érigée ensuite,
le 20 juillet 1984, en "Centre National de Linguistique
Appliquée" .
Dans les
travaillent
trois pays, la
â l'émergence
tâche
de
des
organismes
l'ewe et du
qUl
fon â
l'écriture et â la littérature peut se résumer en trois
points essentiels
production du
matériel
l'alphabétisation des adultes et
jeunes;
641
pédagogique pour
la scolarisation des

Etude étymologique
Capo entend par « orthographe à base phonétique, une
orthographe dans laquelle chacun des sons (qu'il soit
distinctif ou non), est représenté par un graphème (une
lettre) spécifique (peu importe la forme de la lettre)>>
et par « orthographe à base phonémique, un système
d'écriture dans lequel seuls les sons pertinents
(phonèmes) ont des représentations graphiques
specifiques (Capo, 1986, p. 33-39, et 210, note 6)>>.
643

Diaspora ewe-fon
- 12 -
L'ewe, le fon et le yoruba connaissent
- trois tons ponctuels haut, bas, moyen;
- des combinaisons de tons ou tons modulés.
Voici quelques exemples
t a "crachat"
rn) "chemin II
xa "balais"
ké "cueillir"
k6 "opérer" (chir i )
bi
dà
dè
do.
nanà
nu
"courber"
"serpent"
"pays"
"trou"
"mère"
"bouche"
ewe
fon
sé "pierre à moudre'!
sa "oindre"
s6 "montagne"
t6 "oreille"
644
tà "tête"
m) "figure"
xà
j'nasse';
kè "ouvrir"
ka "railler"
bi "brûler"
da "soeur aînée"
de "palmier"
d6 "planter"
nàna "don"
nu "chose"
sè "entendre"
sà "vendre"
sa ."foudre"
ta "pays"

Diaspora ewe-fon
IV.3.1.3. - La dévélarisation des occlusives
labio--vélaires
IV.3.2. - Caractéristiques morpho-sémantiques
IV.3.3. - Caractéristiques morpho-syntaxiques
IV.3.3.1. - Les changements de catégorie
523
524
526
grammaticale 526
IV.3.3.2. - L'opposition des genres 527
IV.3.3.3. - La segmentation 528
IV.3.4. - Caractéristiques lexicographiques 533
IV.3.4.1. - La lexicalisation 533
IV.3.4.2. - L'actualisation 535
IV.3.S. - Caractéristiques socio-linguistiques 537
IV.4 - Le système graphique actuel des langues
ewe-fon et yoruba
IV.4.1. - Introduction
IV.4.2. - L'alphabet yoruba
IV.4.3. - L'alphabet ewe
IV.4.4. - L'alphabet fon
IV.4.5. - La notation tonale
IV.S. - COMPOSITION DES ENTREES
IV.S.l. - Les entrées
IV.5.2. - L'orthographe afro-brésilienne
IV.5.3. - La forme phonique
IV.5.4. - Les informations grammaticales
IV.5.4. - Le sens du mot afro-brésilien
IV.S.G. - L'étymologie (ET.)
IV.5.6.1. - La langue - source
652
539
541
544
547
550
554
556
559
566
567
568
568
572
573

Etude morphologique
IV.5.6.2. - L'identité formelle de l'étymon kwa 575
IV.5.6.3. - Le sens de l'étymon kwa
IV.5.? - Le commentaire historique ou
socio-linguistique (Hist.)
IV.5.S. - Le statut lexicographique du mot
NOTES DU TOME II
afro-brésilien (Lex.)
653
575
579
581
583

UNIVERSITE RENNES 2 HAUTE BRETAGNE
LABORATOIRE DE LINGUISTIQUE
LES APPORTS LINGUISTIQUES "KWA" DANS LE PORTUGAIS DE
BAHIA-BRESIL (ETUDE MORPHOLOGIQUE ET ETYMOLOGIQUE)
Thèse de Doctorat d'Etat ès-Lettres
(Linguistique)
Présentée et soutenue par
Sous lô Direction des Professeurs
Henriette WALTER
Directrice du LaboraLoire
de Phonologie
TOME III
Louis Charles PRAT
Directeur du L.L.Q.

« Eu preto negriciosamente
preto e brasileiro
que descubro em mim essa floresta
amorinada das vigorosas civilizaçoes
do Mali
às lutas libertadoras
de Moçambique e Angola
pateticamente orgulhoso
Marcio BARBOSA, Cadernos Negros, 7.
Sao Paulo, 1984
de terras
que jamais conheci »
"Noi. noir, "nègrement"
noir et brésilien
je redécouvre en moi cette forêt
ameutée des vigoureuses civilisations
du 1'1 a l i
aux luttes libératrices
du Mozambique et de l'Angola
pathétiquement orgueilleux
de terres
que je n'ai jamais connues".

IV.G.
LEXIQUE ETYMOLOGIQUE
termes d'origine ewe-fon, yoruba
659

aba
- A -
661
angu
Le x i que

Diaspora ewe-fon
.ababa [aba'ba] n.m. le mot est donné comme synonyme
de aba puis comme terme désignant un vase a col
large, employé dans les cultes afro-brésiliens.
Et. y. agbada [agbadaJ sorte de large cuvette sans
couvercle, en terre cuite, utilisée pour faire la
cuisine ou pour laver le linge.
Hist. Ababa, syn. de aba résult.e de la réduplication
de ce mot, phénomène trés courant dans nos langues. Par
exemple, en evJe-fon, les rno t s t') "père", fo "père", da
"mère" , né. "grand-mère" orrr des formes emphatiques
tJtJ, fofo, dada, nanà .
. abada [aba'da] n. m. boubou,vêtement ample et allongé,
porté par les Africains musulmans (malê).
Et. y. àgbada [àgbada] , forrne clérivée du haoussa
albeda.
Hist. Ce vêtement a été introduit, avec l'Islam, en
noire où, dans les régions de ::orte
implantation de c e t t e r e Liqi o n , comme la Guinée, il
s'est substitué à la peau de slnge. En malinké le mOL
bubu signifie SlI1ge (ou peau de s i riqe ) . On retrouve le
mot yoruba daI15 les la:--:gues ewe et fO:1, sous la forme
agbàra [agbàrà]
664

Diaspora e we r f
on
vodu. Le beignet est alors appelé àklà dze [àklà je]
beignet rouge (-dze).
On sait encore, par les traditions répandues sur
l'aire culturelle ajatado, que c'est des Ewe-Fon du
Togo et du Dahomey que les Nago (Yoruba) appris
le culte du l e qbe , et surtout le rituel de l'off rande
à legba, de la purée de haricot (àbJbJ) et
dze.
de l'àklà
Au Brésil, ce beignet a été considérablement
transformé, en raison du corit.ex t e social et biologique.
Il est fait à partir d'un type spécifique de haricot
appelé fradinho ou feijào fradinho distinct notamment
du feijào muiatinho et du feijào preto. Cuit
exclusivement à l'azeite-de-dendê "huile de palme", ce
qui laisse supposer que ce fût la préparation rituelle
qui se répandit au Brésil, l'acarajé bahianais est
richement assaisonné et accompagné de divers autres
menus plat s (qui t utes) également dérivé s de la cuisine
africaine, comme le v e t.epé , les peissons frits et le
mo l iio de nagô.
L'acarajé brésilien garde, de ses origines
africaines, la tradition de n'être qu'une "friandise",
et jamais un plat essentiel, toujours préparée et
vendue hors de la maison, au bord des rues ou sur les
places publiques.
676

Diaspora ewe-fon
sémantique de « pâte alimentaire cuite au feu ou au
four! !».
NB. Nous avons e.xpo s é
notre
analyse de l' etymologie des
mots acarajé et vatapa dans une interview publiée dans
les deux grands quot; idiens de Salvador Correio da
Bahia, du 2 septembre 1983, page »; et Atarde, du 6
septembre 1983, page 4.
Lex. Le mot est lexicalisé comme brasilerisme, sous les
,
formes acarajé / carajé [akaoa'JsJ / kaGa'3sJ .
. adagà / dagà [ada'gà] Personne responsable de la
cuisine rituelle. Le rôle est normalement confié à la
plus agée des filles-de-saint chargées des offrandes.
Et. En .e./f, il s'agit de deux mots distincts
1) a d a q à , de àdà furie, colère e t; gâ grend,
chef ou celui qui est chargé d'une fonction spécifique.
Dand le rituel vodun, adagâ eS"L l'animateur
principal, chargé dexhor t e r les initiés a '.1 cours des
cérémonies et de provoquer ainsi les transes.
2) dàgâ, de da = soeur ainée, ou mère et gà grand
ou grande. Dans la lengue courante, soeur aînée à qui
on voue un respect particulier dû à sa forte
personalité. Le terme est passé dans la termlnologie du
rituel des culL.es var2és dérivés au vaudou, pour
désigner l'aînée des initiés ou parfois même la grande
prêtresse.
67 (6

Lexique
Et. y. àtori [àtori] = bois, particuliérement résistant
et inflexible, utilisé p ou r faire des arcs, des fouets
et des cannes.
. a t L [a' c L] n . m. dan s l' ens e mbl e des candomblés,
terme désignant le règne végétal
herbe, feuille, fôret, brousse.
arbre, plante,
Cf. os atL [uja c L] jardin ou plantation de la
mai son de culte, avec, s ouven t au milieu, les arbres
sacrés, no t arnrnent; la gameleira branca qui, dans tous
les cultes afro-brésiliens, remplit la fonction
s ymboLique du Lok o des Ewe-iF'or, et des Yoruba (voir loko
et at.t.nLok o l .
Hist. Par ext.en s i on , le mot at L désigne tout l'espace
situé hors du domèine du
terrèins vagues etc .
terreiro route, rue,
Cf. exp. ir para 05 atL [iD paoa uja c c ] èller
uriner ou déféquer (hors du domaine du terreiro).
Notons içi que cette extension eSL: un calque séman-
tique (cf. suprè, 111.3.4) des expressions ewe-fon
- yi nu xa [ji nu xa] = aller à côté
- yi kpJxa [ j i k PJ :.:à J aller à côté de la clôture
- yi kpJ g6d6 [jikpJg6d6] = èller derrière la clôture
Ce sont, toutes, expressions euphémiques pour
dire "aLl e r déféquer".
Les listes lexicales de Yeda Cèstro donnent pour atL
le sens de « poudre de feuilles séchées mècérées ou
729

Lexique
.atlnsa [a'clsa] = Ensemble des arbres sacrés attachés
au terreirs; brousse ou forêt.
Et . f . à t l sa [à t l sa] litt .
arbres. Cf: toponyme lokosa
sous l'arbre, sous les
"Sous l'arbre loko". De
àtl et -sà : morphéme locatif signifiant au-dessous de,
sous .
. atlnfi [a'ctfi] = balai.
Et. f. à t cJ i. [àttfi].
.avereketi 1 aHre'keti 1
alafreketi [a Le f bc ' k cc e ] 1 vereke [vebe' k e ] 1 vereketi
[vetSe'kE:cL] : Ancien Vodu, divinité de la mer.
Et. e. If. àvLek è t è [àvlékétë] = Déesse de la rner chez
les peuples GE: ou Mina du sud Togo et Dahomey (Benin
actuel). Divinité réputée pour ses humeurs turbulentes.
Cf: àvlèkétési prêtresse de cette divinité femme
dificile et d'humeurs changeantes.
Hist. On retrouve le mot aujourd'hui comme prénom
féminin, surtout sous la forme abrégée àvlèsi [àvlèsi],
sur toute l'aire cul"Curelle ajatado (eHe-fon) .
. ayaya [aja'ja] n. m. joie.
- -
Et. y.ayàya [ajàja] joie, bonne humeur.
731

Diaspora ewe-fon
La structure étymologique des formes angu de negra
mina et anguzô nous semble confirmer l'origine fon
(Kwa) du mot.

aba
- B -
ï39
bwere
Lezique

Diaspora-ewe-fon
. baba [ba' bal ancêtre, père, titre de respect a
l'adresse d'une personne âgée.
- Chef de culte (pai-de-santo)
s: •
Et. y. baba [baba] père, maître. C 1. • babanla
[babânla] = grand-père.
Hist. Le terme baba est attesté dans d'autres langues
de l'Afrique de l'ouest (avec sensiblement la même
signification) Il apparait quelquefois en ewe-fon;
mais il nous semble qu'il s'agit, dans ce cas, d'une
influence, du yoruba ou du haoussa.
Lex. IvJot Le x i c a Li s é
baba. Syn. pai-de-santo.
comme
brasilérisme sous la forme
. baba ifa [ba'ba i' fa] celui qui pratique la
divination par ira. Voyant.
Et. y. baba ifa [baba Lfé] = ?rêtre voué au culte de la
divinité fa
'oC ou ll.a.
.baba kekere [ba'ba keke' c]
pequeno "petit père".
sous-chef de culte paï
Et. y. baba et kékeré p:ékeré] petit, jeune,
petit-père .
. babalao [baba' lawo] / babalâw [baba' law] / babânla
[baba' la] Dans le s cultes nago-kétu , prêtre qui se
consacre à la divination
740
Ita; devin, voyant.

nations nago-ketu), nom donné à
743
l'cgu
Lexique
(masque de

Diaspora-ewe-fon
barcos formés.
746

abada "vêtement" et -ga
Lezique
fer, métal. Bracelet de métal
ï 49

PêS initiée au culte d'une divinité.
755
Lezique

de manioc.
Lex. Le mot est Lexi caLi s è
comme
Lexique
brasilérisme sous la
forme bobo [bo' bol (à ne pas confondre avec port. bobo
['bobo) (paroxyton) "fou, stupide etc . . " ) ; plat
africain fait de haricots "mulatinho" et d'huile de
palme, sevi avec de l'igname ou du manioc. Cf: bobo de
cemerè 0 bobo garni de crevettes; plat national
brésilien très apprécié (cf. Annexe III, note 14).
Hist. Cette forme reçoit, dans la langue du Brésil,
d'autres sens qui ne semblenL pas provenlr de l'Afrique,
et qui correspondent, sans doute, à des homonymes non
africains attestés dans diverses régions du pays.
Par exemple, en Amazonie, bobo désigne l'ensemble du
coeur, foie, rate et poumons d'un animal (fressure).
Dans l'Etat de Maranhâo, au Nord-est, il désigne une
vinaigrette de gombo battu, et à Bahia, un début de
grossesse.
Le Dicionério etimologico da lingua portuguesa de José
,
Pedro Machado (1959), se référant à Re n at.o Mendonça (a
lnfluência africana no português do Brasil 1933),
donne un étymon « "rulbe" bovô, avec
en b ». S'agit-il du même mot ?
assimilation de v
.bogu lb:J' guj nom de la plus ancienne maison de culte
considérée comme la plus pure des terreiros de nation
jeje (origine ewe-fon) à Sal\lador. Cf. Supra, 11.2.2.,
757

Diaspora-ewe-fon
l'étude consacrée a ce terreiro.
758

Diaspora-ewe-fon
musulmans afro-brésiliens qui soutenaient le mouvement
de révolte qui eut lieu à Salvador de 1807 à 1835. Ainsi
s'expliquerait l'appellation Bogum Malé.
Comrne on peut le remarquer, les tentatives
d'explication ne vont pas jusqu'au bout. Rien n'est
proposé pour le cas de rundô. On ne voit d'ailleurs pas
les critères linguistiques à la base de ces hypothèses
Il est peu probable que bogum soit une altération
phonétique de vodu. En effet, vodu est, parmi les
formes phonétiques africaines introduites au Nouveau
Monde, celle qui a le mieux résisté aux altérations. On
le retrouve sous sa forme originelle ewe-fon dans tous
les pays de la diaspora africaine (Antilles françaises,
Haiti ... ). Le mot s'est maintenu tel quel dans tous les
répertoires Lexi caux des candomblés a fro-brés iliens et
notamment dans celui du terreiro en question.
Zoogodô c omme formule pour rendre hommage à Xango
n'est pas attesté dans la tradition culturelle réservée
à cette divinité, ni chez les Jeje et les Nago-Kétu, ni
chez les Ewe-Fon et les Yoruba (sur le terrain africain)
- Un fait est certain, car la tradition historique le
confirme, c'est qu'il y a eu Url rnaLê "musulman" à
l'origine de la maison de culte qui fut d'abord Url lieu
de r è s i s t arice secrète à l'esclavage (le terreiro se
situait alors au coeur d'une forêt faisant partie d'une
immense fazenda "domaine agricole"),
760
ce qui autori-

Diaspora-ewe-fon
+ déterminé; sans obligation de monème de détermination
ici)
Rundô peut être interprété comme l'orthographe
brésilienne de [b'ud,)], réalisation bahianaise de hud ,
forme ewe-fon où nous relevons la base hu- qui apparaît
dans le Le x i.que afro-brésilien des c eridombl é
s dans les
formations : hUS2, hubono, humbondu, hunko, huny etc
(voir ces mots). Cette base doit être distinguée de hu
(à ton haut) "tambour" et les dérivées hunle, humpi,
hunto qu'on retrouve également dans le répertoire
linguistique afro-brésilien.
En ewe-fon, hu est le terme générique qUl désigne le
lien mystique entre une divinité et une personne initiée
au culte de cette divinité, puis le culte même voué aux
divinités.
Cependant, quelle que puisse en être la validité
linguistique, ces analyses, loin de nous aider à
remonter à une s i cni t ica t i on cohérente de l'ensemble du
nom, comme le
confirment,
une
souhaitaient
fois de plus,
les Je j e du Bogum,
notre hypothèse d'une
ju:·:tapos i t ion "s t ratégique" de termes plus ou rno i.n s en
rapport direct avec la genèse de cette maison de culte
(cf. Sup r a , II.1.2 Esquisse ethno-linguistique du
terreiro do bogum).
Lex. Le terme est lexicalisé, pour êinsi dire, puisqu'il
désigne couramment une rue, sous la forme Bogum [b gu]

Diaspora-ewe-fon
dabu
- D -
766
dyedye

Le x i que
.dabu [da:'bu] terme de politesse par lequel les plus
anciens des membres des cultes jeje se désignent. Il
équivaut au portugais pai "père". Le mot est employé
également dans les cultes de nation bantu, ce qui est un
exemple de l'influence de la terminologie ewe-fon dans
les candomblés.
Et. f. dàgbo [dàgb6], de dà- terme de politesse à
l'égard d'un homme âgé, ou qui occupe un rang élevé
dans la hiérarchie sociale ou religieuse; le
correspondant pour une f e rnme est nà (voir le mot ana
"chef de culte" ou màe-de-sant.o) .
Dans ce con t ext e , dà et nà s ignifient respectivement
"père" et "mère"; gbo, " grand, éminent" ; cf. d àqbo ,
nàgbo, noms initiatiques dans les cultes vaudou en pays
ewe et fon .
. dada [da'da] nom donné, àans les candomblés des nations
je je, à une représentation féminine de oxum, la divinité
correspondant au leqba des Ewe-Fon (cf: ce mot)
Dans les cultes nago-ketu, cette divinité est la
protectrice de la nature et des plantes.
Et. L'origine de ce mot, avec les sens notés au Brésil
reste obscure.
Hist. Il e x i s t e toutefois, en ewe-fon, une forme dàda
qui est le redoublement de dà (voir ent rée précédente),
mais dont le sens, dans les divers emplois notés d>::z
767

Lexique
principaux centres historiques du trafic négrier sur le
littoral de l'actuel Bénin (cf: supra, 11.1.1.1)
771
On y

Diaspora-ewe-fon
visite encore le "couvent" du vodu da
vivent en liberté.
où les pythons
Dans les terreiros brésiliens où ce culte est
pratiqué, il nous a été donné de constater que le da
vénéré n'était pas le python mais le cobra, ainsi que le
montrent les
, .
aeSSlns peintures murales dans le
vestibule iebes e ) du terreiro do Bogum par e xernp Le . Il
était intéressant de savoir comment était traité le da
(cobra) des cultes afro-brésiliens. La màe-de-santo
Evangelista dos Anjos Costa dite Nicinha ous a déclaré,
au cours de nos t r avaux au sein du terr e i r 0 , qu' i l Y
avait, dans les bois sacrés du domaine du Bogum, un
cobra qui représentait effectivement la divinité da;
mais qu'à la suite de la poussée urbaine qui a envahi
une bonne partie des bois, le cobra aurait disparu (cf.
supra, II.2.2.).
La liste lexicale de Yeda Castro signale la forme
dambira [dàbi' aJ comme une formaion brésilienne
synonyme de da défini comme équivalent de oxumare
[)Suma'rc] arc-en-ciel des Yoruba.
On retrouve la même forme (darnb i r é
) dans
le Le x i que
des Jeje de la Casa das Minas du Maranhào où elle
désigne une divinité apparLenant au panthéon de la terre
(cf: Sergio Ferretti, Querebencam ... ).
772

Lexique
.damvisi [dà'visi] nom initiatique donné à une fidèle du
culte da.
Et. e i I i , dàgbuisi [dàgbwisi] de dàgbui et asi 1 si
"époux, épouse mystique". Nom initiatique d'une adepte
du vodu dà. On rencontre plus souvent, en pays ewe-fon,
la forme dàsi [dàsi]. Les hommes sont appelés dàgbui i
dàklu [dàkluj où -klu "serviteur, esclave"i dàsu
[dàsuj où -(àsu "épou:·:, épou:·: mystique".
On ne retrouve pas les formes masculines de ce nom
initiatique dans le répertoire linguistique des nations
jeje, le rôle des femmes étant prépondérant dans les
cultes afro-brésiliens.
.deka [d[:'ka] Cérémonie non publique, au cours de
laquelle les initiés é:·:pé r imentés dans le culte
reçoivent du· pai- ou de la màe-de-santo le pouvoir
d'organiser eux-mêmes le culte de la divinité à laquelle
ils ont été consacrés. On note mes formations tomada
do deka; tirada do deka (voir ces mots supra,
111.3.3.1.2)
Et. e. If. èkà [ èkà J, de è enlever, détacher f
libérer, et kà = lien, attache.
Hist. Ils' agit d'un rite au cours duquel sont rompus
les liens mystiques de subordination qui rattachent les
initiés à leur terreiro. Cf:
chaîne, Libérer, affranchir.
773
ègài de è et gà = fer,

ebe
- E -
779
ezo
Lexique

Diaspora e'lve-fon
glossolalie) .
786

Diaspora ewe-fon
788

Le x i que
On peut rapprocher la fonction de cette queue de
cheval de celle d'une baguette magique .
. ezo [e'zo] n. m. feu, lumière.
Et. e./f. zà [zo] feu, flame.
Hist. Dans la terminologie du rituel vaudou, le terme
désigne également le pacte de sang qui unit certains
membres du culte. Ce dernier emploi n'est pas connu
dans la situation afro-brésilienne.
793

Diaspora ewe r f
on
cba
- E: -
794

Diaspora ewe-fon
..... . ,
L.amlsees.
8û2

fila
- F -
80ï
funfu
Le x i que

Lexique
.fu ['fui = v. tr. donner. Le terme est souvent employé
à l'impératif, lorsque l'officiant demande qu'on lui
donne un objet tu mac "donne la main, donne les
mains", par e xernpLe .
Et. y. fun [fui v. tr. donner. Ne pas confondre avec
fun [fui = v. tr. "se moucher", "semer" .
. funfu [fu'fu] n. m.1 adj. blanc. Le mot s'applique
p Lu s particulièrement à la couleur des vêtements des
danseuses, ou à la couleur symbolique des divinités.
Et. y. funfun [fufu] adj. blanc.
NB. Ne pas confondre avec fun fun [fufu] v. tr.
"nettoyer et préparer les tripes".
Hist. On retrouve la forme fù [fù] et son redoublement
rù fù [rù fù] "blanc" en ewe-ron.
Cependant, le mot afro-brésilien est réalisé avec la
voyelle [u] nasale, ce qui aurait sa: _.:; doute suggéré
une influence yoruba. Mais il faut noter que le mot est
également réalisé nasal chez les Fon.
809

galalaw
- G -
Ell
gwele
Lexique

Diaspora ewe-fon
. galalaw [gala'lawJ n. m. homme de grande taille .
Et. y. gàgara [gàgara J
élevé.
/ gagara [gagara J adj. haut,
Hist. Le passage de [gJ et [rJ intervocaliques du mot
yoruba à [lJ dans la forme afro-brésilienne n'illustre
pas un phénomène courant.
On relève dans le afro-brésilien des
variantes comme galapaw / garapaw / grangara de
formation populaire, ou familière.
Il existe en yoruba U:J substantif gàga16 "échasse".
Ce qu'il importe de noter, c'est la racine ga- [gaJ
qu'on retrouve dans toutes ces formes. Elle est.
attestée comme adjectif ou nom aussi bien en yoruba
qu'en ewe- fon avec le sen s de "grand, haut, élevé,
excellent"; Cf. adagan, h urica , h ueq à , la réalisation
nasale indiquant toujours une influence fon.
Lex. Le mot est Le.c i caLi s e comme "brasilérisme" sous la
forme galalau. Il appartient à l'usage familier, avec,
comme synonymes qe l e rê o [gale' à o ] , manguari
[màgwa' i], arganaz [a ga'naz], peroba ['pi: oba], et
butelo [bu'ti:luJ localisé dans le Nord et le Centre, et
. 1manJo_ao
1985) .
'làwJ dans l'Etat de Pernambouc (JI.urélio,
. gara [ga'\:)a] n . m. voleur. Dans la langue du rituel
candomblé, le terme s'applique a u.: e s p r i t s enfantins
312

Diaspora ewe-fon
Yoruba les Ewe-Fon où les mots désignent
généralement l'idiophone à une ou deux clochettes,
servant essentiellement d'instrument de musique, mais
utilisé également dans les cérémonies ou à d'autres
fins plus profanes. Par e xernpLe , pour faire passer un
message des chefs traditionnels, le crieur public
(gàfàla "gongonneur") s'annonce et requiert l'attention
des gens en jouant l'idiophone; ?ratique et moyen
d'information traditionnels que les Afro-Brésilines
n'ont pas conservé, mais qui, aujourd'hui encore
fonctionnent chez les Ewe-Fon, concurrament avec les
media modernes
et la radio.
communiqués et annonces par la presse
.ganleto [galE" tJJ n. m. Dans la langue du rituel
candomblé, chez les nations Jeje, nago-ketu et même
angola, officiant chargé de conduire les initiés au
bain rituel.
r i v i è
Les initiés se rendent, en file indienne, a la
r
e proche de la maison àe culte, sous la conduite
du qè n l etz o qui joue
Et. e. / f. [ g à l é t'J ] litt. Il celu i qu l t i e n t l' idi 0 Phone" ;
de gà "tid i ophone v , lé
"teni r " et t, "père, auteur;
monème fonctionnant dans ce corit ext e comme dérivatif
d'agent, avec le sens de "celui ou celle qui fait une
action ou qui possède quelque chose".
814

Diaspora ewe-fon
est, a i n s i, synonyme de bunda de nega mina "fesses de
négresse ewe-fon, avec une connotation dépréciative
(cf. supra, IV. 5.1. ) .
316

Diaspora ewe-fon
hel
- H -
820
hunjebi

de communauté de culte, élément essentiel du clan.
Lexique

Diaspora ewe-fon
ia
- l -
,328
itarneta

Diaspora ewe-fon
.iale [ija'l€] / yanile [jani'l€] n.f. terme de respect
employé dans la maison de culte, lorsqu'on s'adresse à
la màe-de-santo. Désigne plus généralement la maîtresse
de la maison.
Et. y. iyàlé [ljàlé] n. le mot désigne, dans la famille
polygame yoruba, la première épouse ou la "doyenne" des
"co-épouses". Les autres "co-épouses" sont appelées
iyaw6 [ijaw6] , terme qui s'applique généralement à
toute personne me r i è
e : (voir le mot iao) .
. ialorixa [ijal'Jth' fa] n. f. mae-de-santo, chef du
culte candomblé, dans les nations nago-ketu. Correspond
à voduno chez les Jeje, et à màrne t u chez les Angola.
(voir Annexe l, note 6).
Et. y. iyàlori?a [ijàlorifa] n. prêtresse; de iyàlé
"première épouse" et àri?a
"saint" .
[àrlfa] "divinité"; ou
Rist. La structure morpho-sémantique du mot procède du
même mode de formation que les mots ewe-fon vàdun ,
vàdusi ou hun, hu s â (cf.
s upra , II.2.1: langue et
religion), qui associent le concept du sacré (vàdu / hu
"divinté" / "culte") et le concept du lien conjugal (si
/ (à) si"e p oux , partenaire àu se:·:e opposé). C'est là
une manifestation des similitudes culturelles et
religieuses entre les Swe-Fon et les Yoruba (cf. supra,
1. 4: économie générale de l' étude; et Ir. 3.4.: de la
830

Diaspora ewe-fon
"gbe" (cf. II. 3 . 4 . regroupement des dialectes "gbe"),
notamment dans le fon, le gen/mina et même l' ewe,
probablement par le "relais" du gen/mina, en raison du
cérémonial particulièrement sompcueux qui marque les
fiançailles et le mariage, dans la tradi t i on yoruba.
Les Ewe-Fon, chez qui ceLte tradition n'existe pas
originellement, ont dû impressionnés par cet
aspect de la culture yoruba. En ewe- f on, la nouvelle
épouse s'appelle yàw6 yéyé,
"nouveau".
le mot yéyé signifiant
Lex. On peut considérer que le mot est lexicalisé, bien
qu'il ne soit pris en compte isolément dans les
dictionnaires que nous avons exploités. On le retrouve
dans les formes i e l or i sé: (voir plus haut) et dans la
formation hybride trinomique quitanda das iao "rituel
de vente publique par les initiés" (cf. supra, 111.3.3:
structure des composés hybrides).
Eri f i.n , dans la ville de Saivador, le terme iao est
utilisé sous ses diverses formes Dour baDtiser des
maq a s a n s , des restaurants ou des débits de boissons.
(Cf. supra, 11.2.3.: De la ling'..:3.-de-santo a la langue
populaire) .
. iba [i'ba] n. f. récipienL consiscant en une moitié de
la coque évidée d'une calebasse rende, et utilisé comme
"porte-cierge" dans les cultes candomblés des nations

Lexique
jeje et nago-ketu. Ce récipient sert également de
contenant pour un ensemble de préparations rituelles.
On utilise, alors, les deux moitiées de la calebasse,
dont l'une sert de couvercle.
Et. Le mot résulte de la dévélarisation de la forme
yoruba igba [Lgba] n. calebasse coupée en deux et
servant de récipient traditionnel.
NB. Etymon à ne pas confondre avec
igbà [igbà] n . "temps, espace de temps, durée".
- igba [igba] n. "arbuste aquatique du genre acacia".
- igbà ["Zgbà] n. "corde d'attache ou d'assurance dont
on se sert pour grimper les palmiers.
- igbà [Lgbà] n. "système d'hYPoL.hèque chez les
Yoruba" .
Hist. L'usage de la calebasse comme récipient est
attesté chez tous les peuples du golfe du Bénin. Dans
les cultes, elle est employée comme support de certains
symboles mobiles des divinités.
Nous avons eu l'occasion de voir dans un terreiro de
Salvador, des s yrnboLe s de div i n i tés installés dans de
larges calebasses et recouverL.S d' hui Le de palme
mélangée au sang des animaux sacrifiés,
II.2.1.2. Langue et parole sacrée)
(cf. supra
. ib L [ i b' L] / i b i [ i ' b i j n . m. Dan s lev0 cabulai r e de
la cuisine rituelle, grand escargot consacré à la

Diaspora ewe-fon
divinité Oxalé. ou orixala (syncrétisé avec
Jesus-Christ, dans le culte candomblé).

Diaspora ewe-fon
morts ou des ancêtres, chez les Nago-Ketu): < y. ifa /
f à et gb6hùn [gb6huJ « gbÇ) "entendre" + o hù n "vo i x ")
838

entendre
Lexique
une vo i x , Par conséquent, le nom signifie,
étymologiquement "Fa a entendu (ma) v o i x ': .
- f abum L [ f abum L] < y. ifa / fa; bun [bu] v. t r. donne r ,
faire cadeau; et ml qui résulte de l'aphérèse de e de
emi [ernc l : 1§ pers. du pron. sujet ou objet: Je; moi,
me. La signification du nom est donc "Fa me l'a donné
comme présent", en parlant de l'enfant qui vient de
naître.
fadu [fadu] < y./e./f. ifa/fa et e./f. dù "message,
information".
NB. L'étymon ewe r
f
on dù "message", ne doit pas être
confondu avec dù n . "pays, ville, village, course" ou
dù v. tr. "puiser de l'eau" ou encore, dù v. tr.
arracher avec force.
- fatumbi [fatubi] < y. .i f a z f è
: t
un [tu] adv. "encore,
une foi s encore" ; correspond ici à "re-" dans le
français "re-naître"; et bi \T. tr. "donner naissance à
. . . " créer; gérérer, mettre au monde". La signification
du nom e st donc "Fa m' a redonné la -17 ie, ou je renâis
grâce a Fa".
Rappelons, enfin, oue ces noms ont perdu ces
significations et leurs connotations culturelles dans
la situation afro-brésilienne actuelle .
. ika [i'ka] n. m. doigt.
Et. y. ika [ika] n. doigt ou orteil; ika 9w9 [ika -w ]
839

Diaspora ewe-fon
n. "doigt de la main" .
. ika [i'ka] n. m. chose mauvaise, malheur.
Et. y. ikà [ikà] n. cruauté, méchanceté.
Hist. Dans le corit e x t e afro-brésilien des candomblés,
ce terme se confond avec le précédent, car selon les
croyances, les "choses mauvaises" et le "malheur"
proviennent du doigt du diable .
. ika [i'ka] n , geste de révérence qui consiste a se
tourner à gauche et à o r o i t e . "Civilité" propre a u.:
adeptes jeje et nago-ketu. (Cf. supra, 11.:.1. - Langue
et religion.)
Et. y. ikà [ikà] n. calculer, compter.
Hist. Il s'agit, sûrement d'une adëptation de la forme
et du sens, dans le contexte de l'ésotérisme langagier
dans les cultes afro-brésiliens.
Devant les symboles des divinités, ou devant la
mae-de-santo, cette révérence s'e:.:écut e le corps
complètement allongé au sol, geste qui n'esL pas
attesté dans les pratiques religieuses chez les Ewe-Fon
ou chez les Yoruba, et ·qui montre à quel point les
chefs de culte (mees-de-santo) sont r e s oect.è s chez les
Afro-Brésiliens (cf. infra, II.2.1.3.: Qu'est-ce-que la
1ingua-de-santo? eL lmne:,:e l, note 6 - a s sacerdot i sas
do candomblé).
840

Diaspora ewe-fon
culte a son l6gà/16kà sacré, (voir le mot loko/loku).
844

jaba
- J -
.r:; 47
joko
Lexique

Diaspora ewe-fon
· jaba
seca) .
Et. y. jàbàjàbé. 5àbàJabé.].
n.m. viande séchée au soleil (carne
.jara n. chambre, en parlant- surtout de la
chambre sacrée (quarco-de-santo), dans la maison de
culte des nations nago-ketu.
Et. y. yàré. [ j à ra]- n . chambre. Terme employé
concurrament avec ip6 [Lkp6] et âyé [àjé] (qui peuvent
signifier
emplacement" )
encore "lieu, espace, situation,
.jara olua [3a't)a olu'a] n . m. sanctuaire des maisons
de culte.
Et. y. y à
- -
r a et 01ùwa [01uwa ] n . Seigneur, l-ia î tre. Le
sens littéral de la formation afro-brésilienne est, par
conséquent, "chambre du Seigneur".
· jara orixa [Ja'l6a J!::5i' Sa] n . m. chambre secrète des
divinités, dans les cultes nago-ketu,
quarto-de-sento (cf. le mot: jara).
Et. y. l'ara et- o r i s a [6rlSa] "divinité, saint".
correspond à
· javalu 1.3 ava ' lu j n . rn..hommage rendu aux divinités par
les cérémonies publiques et les spectàcles

"
chorégraphiques, dans les cultes candomblés.
849
Lexique

Diaspora ewe-fon
Et. Le terme provien"t de l'e:·:pression ewe-fon
tsé(à)vâlû/câvâlû [câvâlû] v. rendre hommage à
C'est une formule incantatoire employée au début des
prières (cf. supra, II.2.1.2.3).
Hist. On observe ici le passage d'une forme verbale
africaine â une forme nominale, dans la situation
afro-brésilienne (cf. supra, Iv.3.3.1: Les changements
de catégorie grammaticale).
Visiblement, structure morphologique de l'étymon
ewe-fon cvcvcv suggère une formation composée,
probablement d'une base v e r beLe cv [câ-] * et d'un
radical nominal (v)cvcv [(â)và10] * (A propos du
caractère f a cu I tatif de la voyelle initiale dans ce
type de structure, voir supra,
typologiques communs)
II.3.3.3.8.: Traits
Cependant, nous n'avons pas pu ident i fier les sens
des deux composants pris isolément, ce qui, une fois
encore, confirme le caractère ésotérique de ce type de
manifestation langagière.
NB. Voir le mot savara/sarava .
. jeje n. adj. Terme connu
généralement au Brésil comme ethno-glot"tonyme désignant
les peuples de langue ewe-fon du golfe du Bénin et les
nations de fondées per leurs descendants (cf.
supra, II. 1. 1. 2.2. S.: >='je).
2.50

Lexique
Du fait de l'importance nurnè r i que de ces peuples à
Bahia au cours des siècles d'esclavage, le terme a
pris, dans cet Etat, d e ux autres sens spécifiques
il désigne une certaine couleur de la robe des
bovidés (dicionârio Aurélio; lexique de CASTRO ... );
- dans les rn i Li e u.: culturels afro-brésiliens, le terme
employé comme adj. r e nvoae à un modèle culturel, un
type de comportement, fait de discrétion, de méfiance
et d'un certain mystère (c: . supra, 11.2.2.1. :
Introduction le terreiro 0'0 Bocutn dans le contexte
socio-culturel actuel du candomblé de Bahia)
Et. Vu sous l'angle brésilien (Rodrigues, entre
autres), le terme je je ne pose aucun
. l .
proD_eme,
puisqu'il est traité comme un s yrionyrne de ewe (êv,rê ou
ewe) au sens le plus étendu où cet ethno-glottonyme est
employé jusqu'ici dans la t.erminologie de la
linguistique afre-brésilienne (cf. supra, l l .3. 3 . 1 .
localisation des parlers qbe). Lv1ais en l'état actuel de
nos recherches, l'origine africaine du mot jeje n'est
pas p r ouv è e .
Rist. Il existe quelques hypothèses qui n'ont jamais pu
être vérifiées.
Robert Cornevin (Hist.oire du Dahomey, p. ï9.) pense
que je je (qu'il écrit est le nom que
l'Acirninistration française a donné a u.: Gun, une ethnie
de l'ensemble ethno-linguistique (cf. supra,

Diaspora ewe-fon
11.3.3.2.: Inventaire des parlers gbe parler 53; et
II.3.3.4.: Regroupement des dialectes dugbe).
Mais pour Pierre Verger, la forme "je je" serait une
déformation brésilienne de adja ou aja, un
ethno-glottonyme
culturelle.
de notre aire linguistique et
Rappelons que le groupe dialectal "aja" comprerid les
parlers dàgba (42), sikpi (40), t é do (26) et hwè (28)
qUl figurent dans notre inventaire. Par ailleurs, la
ville de Tada étant considérée comme la cité historique
de tous les peuples de langue gbe (cf. entre autres
Peuples du golfe du Bénin Aja-Ewe ) et CAPO,
Renaissance du Gbe ... ), ces derniers sont souvent
appelés Aja-Tado dans de nombreux documents, sans que
les populations en aient,
conscience.
elles-mêmes, la moindre
Dans un article publié en 1984 sur la présence
latino-américaine en Af r i que , Verger Pierre
("L'l>.mérique latine en Afrique", l'Afrique en Amérique
latine, p. 305-315.), écriL encore que les Dahoméens
étaient appelés "Gegé" au Brésil.
Dans leur des langues du "groupe
éburnéo-dahoméen" (kwa) , Antoine MeilleL eL Marcel
Cohen mentionnent
lJ V
nom "jeji" comme synonyme de
« fon (fa) ou fogne ou dà:·:ome, Dahomey propre
(c'est-à-dire Abomey) et régions d'Allada et Ouidah ...
852

Lexique
Maranhào); jeje-mundubi, losque ces groupe s de culte
exploitent un répertoire essentiellement fon.

Diaspora ewe-fon
kele
- K -
858
kuntuto

Lex i que
Mouton, 1977, p. 121)), d'où son culte aurait été
fi 61

Diaspora ewe-fon
Et. y. k o [ko] adv. de négat.ion et si [si] \T. l. "être,
exister"; ko si = litt. "il n'y a plus rien".
866

Diaspora ewe-fon
laba
- L -
868
lubassa

personnage hors palr du panthéon vodun.
Lex i.que
Pour les
premiers missionnaires et explorateurs qui ont eu à
prendre connaissance de nos panthéons, Legba c'est le
diable ( . . . ) Mais ( . . . ) , Legba, divinité de
l' imprévi s ibilité, de l' inassignable (... ) représente,
non pas le diable, malS le tragique quotidien,
l'au-delà du bien et du mal conçu par la société »
("convergences religieuses "; Cf. du même auteur,
"la Divinité Légba e t la dynamique du panthéon vodoun
au Dan-Homé" - Cahiers des religions africaines: vol.4,
janvier 1970) .
. loko [' loko] / loku [' lokuJ n. Dans les terreiros
je je, terme désignanL l'arbre sacré représenté par
une gameleira branca (ficus diliaria). Correspond a
iroko [ilJokoJ chez les n a t i ons nago-ketu (voir le mot
iroko) .
Et. e./f. loko [lokoJ / logo [16goJ n. arbre sacré dans
le culte vaudou, reorésent.é par l'arbre iroko
(chlorophora excelsa) .
. lubasa [lu'basaj n. désigne l'oignon (port. cebola
[se'bolaJ) dans la terminologie de la cuisine rituelle.
Et. y. àluD9Sà [àlubJsàJ n. oignon.
B7l

Diaspora ewe-fon
marie
M - N - 0 - J - p
pejiga

875
Lexique

Lezique
profondément marqué l'image du "Brésil culturel" comme
881

sare
S - J - T
,S,57
tô
Lexique

Diaspora ewe-fon
/ cavàlu ? (cf. le mot javalu)
.segi n. m. perles bleues utilisées comme
ornements sur les vêtements rituels dans les nations
nago-ketu.
Et. y. s è
Yoruba.
q
i [SEgL] perles très valorisées chez les
NB. Etymon à ne pas confondre avec s e q.i [sEgi] v. l.
"parler de m2nière 2normale, comme les personnages
masqués du culte egungun; ou avec s é
" e xtraire- l'amidon du mais pilé".
q i [sEgi] v. tr.
.seti hunko [' SECL \:S'u' kJJ n. m. personnage du
povo-de-santo qui participe à tous les cultes candomblé
sans s'engager réellement dans aucun.
Et. mot de formation hybride "binornique", de port. sete
[sEciJ , sept" et e. / f . hunkJ "communauté de culte"
(voir ce mot) .
sidaga [sida'gà] n. désigne, dans les nations je je,
la jeune fille chargée d'aider la responsable de la
cuisine riLuelle. La seconde de l'adaga (voir ce mot).
Et. e./f. dàga. [dàgà]
1
/ [dàgà] litt. soeur ainée; dans
les communautés de culte, terme de politesse pour
désigner une remme 2ssumant une responsabilité.
Hist. L'élément "si-" préposé à dasâ' dans cette
formation arro-brésilienne nous
890
semble provenir du

Le x i que
terme si [si], parfois réalisé [fi], qui, dans la
891

Et. e. If. s6gb6 [s6gb6],
Lexique
de s o "foudre" considérée
comme phénomène atmosphérique, puis manifestation d'une
puissance surnaturelle; et c .l.. • gb6 "grand" (terme de la
langue initiatique vaudou en milieu ewe) .
Rist. Dans la situation ewe-fon, le nom s6 ou s6gb6 est
l'appellation originelle de la divinité de la foudre et
du tonnerre, telle que nous la présentons a propos de
"keviosu". Mais chez les Jeje-Minas d" Maranhao, sobô 1
sogbo représente une divinité « mae dos
voduns da familia de (cf. Ferretti,
Querebentam ... p. 2ïO) », ce qui suggère qu'il s'agit
d'une représentation distincte de celle du dieu-
tonnerre. Ce n'est le cas ni chez les Jeje des
candomblés de Bahia
Togo et du Bénin.
(Sogum), ni chez les Ewe-Fon du
C'est là un e.cernpI e des mutations internes du
panthéon vaudou originel, dans le
afro-brésilien.
Une forme dérivée de sobo soboaôà est associée,
comme, attribut, à la èivinité dà 1 c è
mbe
, symbolisée
par le serpent cobra (voir le mot da) dans les
candomblés de Bahia.
Mais cette forme nous semble provenir de l'expression
ewe-fon sàgb6 w àda litt:. "sôgb6", en f u r r e u r , en
colère, formule très employée COf:.lT ? "titre" ou
"attribut" de la divinité dans les cantiques ou les

905
Lexique

Le x i que
Il semblerait que le développement et l'extension du
culte de cette divinité dans norte région du golfe du
Bénin et principalement en pays yoruba s' e xpl i que r a i t.
par le fait que cette région est située dans la zone
forestière pluvieuse de la côte de Guinée qui est la
deuxi ème dans le monde entier pour la fréquence des
tonnerres et des coups de foudre (cf. Brooks C.E.P.,
Climate in Every day Lire, London, p. 216-217)
l-îai s ce est intéressant pour nous, c'est la
représentation symbolique de :·:ango dan s le candomblé de
Bahia, par ce que Bêbêtunde Laval appeLle « 0 oxé
encx opomo x t i co ( ... ) maior evidênçia para o
reconhecimento integral de Xangô », cette précision
confirme ce que nous avons dit à propos du symbolisme
de hèbioso chez les Ewe-Fon, et apporte un meilleur
éclairage a l'explicêtion linguistique du terme. Tout
au moins permet-elle d'écarter le symbolisme de
"l'oiseau qui projette du feu".
Lex. Le terme est Lex i c a Li sé comme brasilérisme sous
les formes Xango / Xangô .
. xinxin [Sc' Sc] n . m. plat de la cu.i s i rie bahianaise
consistant en un ragoGt de poule ou de viande coupée en
petits morceaux et cuite à l'eau avec du sel, des
crevettes séchées et pilées, de l' huile de palme, des
arachides et des amandes de cajou moulues.
C__,0 - ­;'

Lexique
IV.G.1 RECAPITULATION DES SOURCES ETYMOLOGIQUES.
Le corpus lexical que nous venons de présenter
comporte en tout 411 lexèmes que nous pouvons répartir
en quatre groupes selon les sources étymologiques :
1
LANGUES-SOURCES
IDENTIFIES LEXICALISES
0 MOTS -0 MOTS %
ewe/fon/Y0ruba 26 6 7 21
ewe/fon 86 21 4 12
fon 40 10 2 6
yoruba 259 63 20 61
411 33
On peut estimer, d'une p3.rt, ces ;nots sont
effectivement connus et employés aujourd'hui au sein
des communautés arro-brésiliennes des candomblés
bahianais et dans la société plus large, pour les
formes Le x i c aLi s è e s , et que, d'autre part, ces
ma"L.erléUX correspondent à des réalités
linguistiques et culturelles actuelle;nent a"L.testées au
sein des sociètés ewe-fon et yoruba.
911

Diaspora ewe-fon
que . les apports non yoruba du golfe du Bénin
actuellement relevés Bahia, proviennent, pour
l'essentiel, des parlers gbe, aujourd'hui classés dans
les branches dialectales fon ou Îlà-Îè a (cf. supra,
II.3.3.4., et arbre généalogique gbe).
Géographiquement, il s'agit des parlers localisés à
l'est du fleuve Mono qu i constitue, à Deu près une
frontière naturelle e n t r e ces parlers et les parlers
ewe (cf: carte N- 1)
Il nous semble que Ise faits, sur le terrain
brésilien et sur le terrain
.c' .
.&: -- • ....
a r r i ca i n sont SU.LIlSammenL
probant s au jourd' hui, pour qu'une réadaptation de la
terminologie puisse être normalement envisagée.
Le terme ewe (ethno-glottonyme) traditionnellement
l' . .
employé en _lnguls"Clque afro-brésilienne pour
identifier les apports culturels et linguistiques de
cette partie du golfe du Bénin ne paraît pas adéquat,
même si l'on prend la précaution, comme l'a fait Castro
dans ses travaux, de rappeler qu'il s'agit de « groupe
de langues, selon Westerma:-.n et Bryan (" de s Linguas
africanas note 4) ». Cet emploi, outre le fait
qu'il peut induire en erreur, présente le double
inconvénient d'ê"Cre à la fois restrictif et trop large:
restrictif, car comme nous l'avons mentionné dans
l'inventaire des parlers (11.3.3.2.), l'ewe ou
vègbe, n'est, en réalité, qu'un parler parmi d'autres
916

Lezique
qui ont été regroupés sous l'appellation ewe (cf. Capo,
1986) .
91 "7

Diaspora ewe-fon
cours des deux derniers siècles
Maranhào, notamment.
Mina Gerais et
On sait que dans le Mina Gerais, le fon a été pendant
longtemps la base de la lingua franca des travailleurs
serviles, et que cians la liturgie actuelle des cultes
afro-brésiliens de la Casa de Mina de Sà.o Lui s, le
vocabulaire d'origine fon est loin d'être submergé par
le vocabulaire yoruba.
922

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953
le
de

AVANT PROPOS
TABLE DES MATIERES
l
INTRODUCTION GENERALE
1.1 - LE SUJET DEFINITION ET LIMITES 21
1.2 - LES OBJECTIFS
1.3 - LES MOYENS MIS EN OEUVRE
1.3.1 - L'outillage linguistique et culturel
1.3.2 - L'expérience des milieux
1.3.3 L'étude sur le terrain africain
1.3.4 - L'étude sur le terrain brésilien
1.4 - ECONOMIE GENERALE DE L'ETUDE
7
26
29
29
31
41
43

IV.3.1.3. La dévélarisation des occlusives
labio-vélaires 523
IV.3.2. - Caractéristiques morpho-sémantiques
IV.3.3. - Caractéristiques morpho-syntaxiques
IV.3.3.1. - Les changements de catégorie
524
526
grammaticale 526
IV.3.3.2. - L'opposition des genres
IV.3.3.3. - La segmentation
IV.3.4. - Caractéristiques lexicographiques
IV.3.4.1. - La lexicalisation
IV.3.4.2. - L'actualisation
IV.3.S. - Caractéristiques socio-linguistiques 537
IV.4 - Le système graphique actuel des langues
ewe-fon et yoruba
IV.4.1. - Introduction
IV.4.2. - L'alphabet yoruba
IV.4.3. - L'alphabet ewe
IV.4.4. - L'alphabet fon
IV.4.5. - La notation tonale
IV.S. - COMPOSITION DES ENTREES
IV.S.l. - Les entrées
IV.5.2. - L'orthographe afro-brésilienne
IV.5.3. - La forme phonique
IV.5.4. - Les inrormations grammaticales
IV.5.4. - Le sens du mot arro-brésilien
IV.S.6. - L'étYmologie (ET.)
IV.5.6.1. - La langue - source
IV.5.6.2.
L'identité formelle de l'étymon kwa
973
527
528
533
533
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568
568
572
573
575

IV.5.6.3. - Le sens de l'étymon kwa
IV.S.? - Le commentaire historique ou
socio-linguistique (Hist.)
IV.S.S. - Le statut lexicographique du mot
afro-brésilien (Lex.)
NOTES DU TOME II 583
IV.6. - LE LEXIQUE ETYMOLOGIQUE 659
IV.6.1. - Récapitulation des sources étymologiques 911
IV.6.2. - Quelle conclusion? 914
BIBLIOGRAPHIE 924
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ILLUSTRATIONS
9ï4
575
579
581
965
975

TABLE DES ILLUSTRATIONS
Carte N°l - Localisation des parlers gbe
Carte N°2 - L'aire linguistique gbe et yoruba
dans le golfe du Bénin
Carte N°3 - Aire de prédominance afro ­
brésilienne
Carte N°4 - Aires dialectales de Garçia R.
23 / 24
24 / 25
25 / 26
364 / 365
Carte N°S - Aires dialectales de Nascentes A. 366 / 367
975