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100 ans d'illustration de mode - Éditions Eyrolles

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<strong>100</strong> <strong>ans</strong> d’illustration<br />

<strong>de</strong> mo<strong>de</strong><br />

Cally Blackman<br />

© Groupe <strong>Eyrolles</strong> pour les éditions en langue française.<br />

ISBN : 978-2-212-12185-8


1925-1949<br />

« Prises en sandwich entre<br />

<strong>de</strong>ux guerres, entre le harem<br />

<strong>de</strong> Poiret et le New Look <strong>de</strong> Dior,<br />

<strong>de</strong>ux femmes dominèrent la<br />

haute couture : Schiaparelli<br />

et Chanel. »<br />

Cecil Beaton, The Glass of Fashion, 1954<br />

Ernst Dry<strong>de</strong>n, « Couple à bicyclette », 1930.<br />

Avec l’aimable autorisation <strong>de</strong> Mary Ev<strong>ans</strong> Picture<br />

Library / Dry<strong>de</strong>n Collection.<br />

L’homme porte une chemise à col ouvert et à<br />

manches courtes avec un pantalon <strong>de</strong> flanelle<br />

ample, tandis que la femme est vêtue d’une jupe en<br />

tweed avec un haut à manches courtes, un foulard<br />

gavroche et un béret.<br />

70 1925-1949<br />

En 1925 l’Exposition Internationale <strong>de</strong>s Arts Décoratifs, dont le nom donna<br />

naissance à l’expression « Art Déco », se tint à Paris. Notoirement difficile à<br />

définir, l’Art Déco s’inspira au départ <strong>de</strong> la plupart <strong>de</strong>s mouvements en « isme »<br />

d’avant-guerre, pour ensuite englober le mo<strong>de</strong>rnisme allemand naissant,<br />

caractérisé par le travail <strong>de</strong>s <strong>de</strong>signers du Bauhaus. Il finit en célébrant un<br />

mo<strong>de</strong>rnisme marqué par l’esthétique lisse et épurée du machinisme. Pour<br />

l’Exposition, Paul Poiret amarra trois péniches sur la Seine afin <strong>de</strong> présenter<br />

ses collections, mais désormais ses créations luxueuses et exotiques étaient<br />

<strong>de</strong> plus en plus éloignées <strong>de</strong> l’esthétique mo<strong>de</strong>rne. Comme le soulignait la<br />

Gazette du bon ton, elles étaient « l’expression d’un homme qui se complait d<strong>ans</strong><br />

l’inattendu, produisant <strong>de</strong>s modèles difficilement portables. » Des difficultés<br />

financières l’accablèrent bientôt et sa maison ferma en 1929. Il mourut pauvre<br />

et oublié.<br />

Chanel maintint sa position <strong>de</strong> figure <strong>de</strong> proue <strong>de</strong> la haute couture parisienne,<br />

avec le lancement en 1926 <strong>de</strong> l’archi-fameuse « petite robe noire »,<br />

décrite par le Vogue américain comme « la Ford <strong>de</strong> Chanel – la robe que le<br />

mon<strong>de</strong> entier va porter ». En accord parfait avec l’époque, elle continua à<br />

créer <strong>de</strong>s vêtements confortables pour la femme a<strong>de</strong>pte <strong>de</strong> luxe non ostentatoire<br />

et <strong>de</strong> simplicité épurée. Le sportswear <strong>de</strong>vint un élément essentiel <strong>de</strong> la<br />

mo<strong>de</strong>. Jean Patou, dont la boutique Au Coin du Sport fut la toute première<br />

<strong>de</strong> son espèce, comptait parmi ses clientes Suzanne Lenglen, joueuse <strong>de</strong> tennis<br />

ultra-chic qui, avec son célèbre ban<strong>de</strong>au d<strong>ans</strong> les cheveux et ses robes <strong>de</strong><br />

Patou plissées, à taille basse, arrivant au genou, imposa un nouveau modèle<br />

d’élégance sur les courts. Pour le nautisme, on portait <strong>de</strong>s pantalons larges<br />

et <strong>de</strong>s blazers, tandis que les vêtements <strong>de</strong> ski furent gran<strong>de</strong>ment améliorés<br />

par l’utilisation <strong>de</strong> fermetures à glissière et <strong>de</strong>s nouveaux tissus élastiques.<br />

Les costumes <strong>de</strong> bain, <strong>de</strong> plus en plus petits, bénéficièrent également <strong>de</strong>s<br />

progrès <strong>de</strong> la technologie textile. D’autres couturiers parisiens connus<br />

comme Lucien Lelong, Jane Regny et Jeanne Lanvin créèrent également<br />

<strong>de</strong>s modèles pour ce marché et furent bientôt rejoints par l’Italienne<br />

Elsa Schiaparelli.<br />

Schiaparelli était la gran<strong>de</strong> rivale <strong>de</strong> Chanel. Sa brillante carrière commença<br />

lorsque son premier modèle, un pull noir ajusté orné d’un arc<br />

blanc en trompe-l’œil, fut remarqué par un acheteur américain. En 1927<br />

elle ouvrit à Paris une boutique appelée Pour le Sport, qui vendait <strong>de</strong>s pulls<br />

et du sportswear aux motifs novateurs. Schiaparelli fut très proche <strong>de</strong> nombreux<br />

artistes <strong>de</strong> son époque, notamment Salvador Dalí, Jean Cocteau et<br />

Christian Bérard, qui tous créèrent <strong>de</strong> <strong>de</strong>ssins pour elle. Très influencée par<br />

le surréalisme, elle tr<strong>ans</strong>formait <strong>de</strong>s objets ordinaires en accessoires <strong>de</strong> mo<strong>de</strong> :<br />

boutons-sucettes, boucles <strong>de</strong> ceinture-ca<strong>de</strong>nas, sacs à main-ballons, chapeaux<br />

en forme <strong>de</strong> côtelette et costumes ressemblant à <strong>de</strong>s commo<strong>de</strong>s. Schiaparelli<br />

connut un énorme succès durant les années trente. Sa philosophie était la suivante<br />

: « Les vêtements doivent être architecturaux ; il ne faut jamais perdre <strong>de</strong><br />

vue le corps, qui doit être utilisé <strong>de</strong> la même façon qu’une structure en architecture<br />

». Ce point <strong>de</strong> vue est mis en évi<strong>de</strong>nce d<strong>ans</strong> ses ensembles aux vestes très<br />

ajustées et très épaulées, qui redéfinirent la silhouette à la mo<strong>de</strong>.


Christian Bérard, Illustration originale<br />

pour la couverture <strong>de</strong> Vogue, 1938. Aquarelle<br />

et gouache. Avec l’aimable autorisation<br />

<strong>de</strong> la Galerie Bartsch & Chariau, Munich.<br />

L’artiste et décorateur bohème Christian (Bébé)<br />

Bérard, proche <strong>de</strong> Cocteau avec lequel il travailla<br />

sur La Belle et la Bête, fut « piqué » à Harper’s Bazaar<br />

par Condé Nast en 1935.<br />

Les créations <strong>de</strong> Ma<strong>de</strong>leine Vionnet furent aussi très souvent comparées à<br />

l’architecture. Cette brillante créatrice <strong>de</strong> mo<strong>de</strong> inventa en effet la coupe en<br />

biais, style flui<strong>de</strong>, gracieux, mais impitoyable, qui <strong>de</strong>vait remplacer les robes<br />

tubes masquant les formes, en vogue au début <strong>de</strong>s années vingt. La féminité<br />

re<strong>de</strong>vint à la mo<strong>de</strong> : les ourlets rallongèrent, la taille, à nouveau soulignée,<br />

reprit sa place naturelle et les hanches et les épaules retrouvèrent <strong>de</strong> l’importance.<br />

Les costumes masculins firent écho à cette silhouette féminine bien<br />

galbée : épaules plus larges, revers <strong>de</strong> veston plus importants, taille marquée<br />

et amples pantalons à revers. Le style américain <strong>de</strong>vint prépondérant, l’industrie<br />

vestimentaire américaine se spécialisant d<strong>ans</strong> le vêtement sport et <strong>de</strong> ville<br />

ainsi que d<strong>ans</strong> les tenues <strong>de</strong> loisir. Les voyages aériens permirent le développement<br />

du tourisme et d<strong>ans</strong> la gar<strong>de</strong>-robe masculine pour les vacances on vit<br />

désormais pantalons sport, chemises à manches courtes et maillots <strong>de</strong> bain<br />

stylisés.<br />

On l’a souvent dit et écrit, les années vingt et trente représentent<br />

l’âge d’or <strong>de</strong> l’illustration <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>. L’admiration <strong>de</strong> Condé Nast pour la<br />

Gazette du bon ton <strong>de</strong> Vogel l’encouragea à investir massivement d<strong>ans</strong> l’illustration<br />

<strong>de</strong>s pages <strong>de</strong> Vogue. Et <strong>de</strong> 1910 au début <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> guerre<br />

mondiale, sa couverture (<strong>de</strong> première importance pour le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la<br />

mo<strong>de</strong>) comportait toujours une illustration réalisée par l’un <strong>de</strong>s membres<br />

<strong>de</strong> l’équipe. Les premiers illustrateurs <strong>de</strong> Vogue – Helen Dry<strong>de</strong>n, George Wolfe<br />

Plank, Georges Lepape et J. C. Leyen<strong>de</strong>cker – furent rejoint après la première<br />

guerre mondiale par un afflux d’Européens, dont Eduardo Benito, Charles<br />

Martin, Pierre Brissaud, André Marty et Mario Simon. Toutefois, l’objectif<br />

principal <strong>de</strong> Vogue – maintes fois exprimé par Nast et son indomptable rédactrice<br />

en chef, Edna Woolman Chase, fut toujours <strong>de</strong> montrer la mo<strong>de</strong> à ses<br />

lecteurs <strong>de</strong> la façon la plus détaillée et la plus informative possible. En cela,<br />

Nast et Chase divergeaient <strong>de</strong> leurs illustrateurs et se plaignaient d’ailleurs<br />

que « les artistes soient surtout intéressés par les <strong>de</strong>ssins amusants et les effets<br />

décoratifs… tout ce qui ressemble à une obligation <strong>de</strong> rendre fidèlement l’esprit<br />

<strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> contemporaine les ennuie à mourir ».<br />

Bien que Nast ait toujours été enclin à promouvoir la nouveauté d<strong>ans</strong> le<br />

domaine artistique, à condition qu’elle possè<strong>de</strong> le chic insaisissable <strong>de</strong><br />

Vogue, il <strong>de</strong>meura toujours ambigu quant à la supériorité <strong>de</strong> l’illustration<br />

sur la photographie. Jusqu’à un certain point, ses réticences furent atténuées<br />

par le travail <strong>de</strong> l’Américain Carl Erickson (Eric), en poste à Paris pour rendre<br />

compte <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong> française, avec son grand rival le comte René Bouët-<br />

Willaumez. Au cours <strong>de</strong>s années trente les <strong>de</strong>ux hommes, dont les styles<br />

étaient proches, imposèrent un certain réalisme d<strong>ans</strong> l’illustration <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>.<br />

Leurs <strong>de</strong>ssins raffinés et sophistiqués ornèrent les pages <strong>de</strong>s publications<br />

<strong>de</strong> Nast pendant toute la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux guerres. Mais dès le début<br />

<strong>de</strong>s années trente, la balance commença à pencher en faveur du reportage<br />

photographique : la première photographie <strong>de</strong> couverture en couleur (par<br />

Edward Steichen) d’une femme en maillot <strong>de</strong> bain parut en 1932. En 1936<br />

les propres étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Nast concernant les ventes en kiosque <strong>de</strong> Vogue démontrèrent<br />

que les couvertures photographiques se vendaient mieux. Pour lui,<br />

1925-1949 71


Anonyme, Publicité pour les chaussures Dolcis,<br />

années quarante. Avec l’aimable autorisation<br />

du Museum of Costume, Bath.<br />

Pendant la guerre, les campagnes publicitaires<br />

cherchèrent à exploiter le potentiel <strong>de</strong> glamour<br />

<strong>de</strong> l’uniforme.<br />

72 1925-1949<br />

l’avenir était clairement à la photographie, et l’illustration fut reléguée aux<br />

pages intérieures.<br />

Des <strong>de</strong>ux côtés <strong>de</strong> l’Atlantique, la haute couture parisienne continuait à<br />

régner, dominée par Chanel, Schiaparelli et Vionnet. Mais la récession éco-<br />

nomique consécutive au krach <strong>de</strong> Wall Street en 1929, ainsi que <strong>de</strong>s mouve-<br />

ments sociaux parmi les travailleurs français du secteur au cours <strong>de</strong>s années<br />

trente, commencèrent à saper l’hégémonie <strong>de</strong> Paris. L’industrie <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong><br />

aux États-Unis, tout en continuant à rendre hommage à la capitale française,<br />

en <strong>de</strong>vint <strong>de</strong> moins en moins dépendante. Les fabricants <strong>de</strong> vêtements amé-<br />

ricains firent d’énormes progrès durant la pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> l’entre <strong>de</strong>ux-guerres,<br />

améliorant les métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> production à gran<strong>de</strong> échelle et standardisant les<br />

tailles. L’industrie du prêt-à-porter américaine commença ainsi à distancer cel-<br />

les <strong>de</strong>s pays européens. Les principaux grands magasins comme Lord & Taylor<br />

et Bergdorf Goodman se mirent à promouvoir les créateurs américains. Les<br />

tailleurs chics <strong>de</strong> Hattie Carnegie et les modèles <strong>de</strong> ville <strong>de</strong> Claire McCar<strong>de</strong>ll,<br />

incarnations du look américain confortable, déclinés d<strong>ans</strong> <strong>de</strong>s tissus utilitai-<br />

res comme le <strong>de</strong>nim, trouvèrent une nouvelle clientèle. Le choix par Wallis<br />

Simpson, pour son mariage avec l’ex-roi Édouard viii, d’une robe créée par le<br />

couturier américain Mainbocher, stimula encore le marché domestique.<br />

Hollywood commença également à jouer un rôle en matière <strong>de</strong> style. Les<br />

stars glamour <strong>de</strong> l’écran, hommes et femmes, <strong>de</strong>vinrent <strong>de</strong> véritables icônes<br />

<strong>de</strong> mo<strong>de</strong>. Garbo lança un nouveau style masculin avec ses tailleurs panta-<br />

lons, ses bérets et un usage limité du maquillage. Comme il fallait que les<br />

costumes portés d<strong>ans</strong> les films soient relativement intemporels, à cause du<br />

décalage entre le tournage du film et sa sortie, il <strong>de</strong>vint vite évi<strong>de</strong>nt que<br />

les vêtements <strong>de</strong> la haute couture parisienne se démodaient trop vite. Les<br />

grands couturiers qui avaient été engagés pour créer <strong>de</strong>s costumes pour<br />

Hollywood furent remplacés par <strong>de</strong>s spécialistes maison, comme Adrian<br />

à la Metro-Goldwyn-Meyer et Edith Head chez Paramount<br />

La haute couture britannique s’affirma également au cours <strong>de</strong> l’entre-<strong>de</strong>ux<br />

guerres. Norman Hartnell <strong>de</strong>vint le couturier officiel <strong>de</strong> la famille royale bri-<br />

tannique en 1938 et les modèles qu’il créa pour la Reine Elizabeth (la future<br />

Reine mère) étaient l’expression même du style romantique et intemporel qui<br />

caractérisa la mo<strong>de</strong> « royale » pendant la majeure partie du xx e siècle. Parmi<br />

les autres couturiers londoniens réputés, dont les créations représentaient le<br />

mieux le « style anglais », fait <strong>de</strong> coupes classiques et <strong>de</strong> robes romantiques, on<br />

peut citer Victor Stiebel, Edward Molyneux, Digby Morton et Hardy Amies.<br />

Les femmes <strong>de</strong>s classes moyennes avaient recours à d’habiles couturières<br />

pour interpréter les <strong>de</strong>rniers modèles <strong>de</strong> couture à un prix<br />

abordable, tandis que les patrons publiés par <strong>de</strong>s magazines comme<br />

Vogue, Woman’s Journal et Weldon’s s’avéraient précieux pour les couturières<br />

amateurs. Avec la secon<strong>de</strong> guerre mondiale, ce savoir-faire prit une nouvelle<br />

importance, les femmes faisant <strong>de</strong> gros efforts pour rester à la mo<strong>de</strong> malgré les<br />

pénuries et les restrictions.<br />

Contrairement au rationnement alimentaire, institué en Gran<strong>de</strong>-Bretagne<br />

dès la déclaration <strong>de</strong> guerre, les restrictions textiles n’apparurent pas avant


Eric, Modèle New Look <strong>de</strong> Christian Dior, Vogue<br />

britannique, novembre 1947. Avec l’aimable<br />

autorisation <strong>de</strong> The Condé Nast Publications Ltd.<br />

Eric accentue la taille sanglée et les hanches<br />

rembourrées du manteau <strong>de</strong> Dior, porté sur<br />

une jupe plissée.<br />

1941. D<strong>ans</strong> l’optique <strong>de</strong> stabiliser les prix et <strong>de</strong> mieux répartir l’offre, <strong>de</strong>s<br />

coupons furent émis pour la plupart <strong>de</strong>s vêtements, hormis les chapeaux.<br />

Les maisons <strong>de</strong> couture commencèrent à offrir <strong>de</strong>s services <strong>de</strong> retouche et<br />

<strong>de</strong> tr<strong>ans</strong>formation et tous ceux qui ne portaient pas l’uniforme furent invités<br />

à « ravau<strong>de</strong>r et faire durer ». Bientôt apparut le Utility Clothing Scheme<br />

(plan d’habillement utilitaire), qui proposait une collection <strong>de</strong> vêtements et<br />

d’objets domestiques bien conçus, pratiques et économiques, pouvant être<br />

incorporés d<strong>ans</strong> le système <strong>de</strong>s coupons. En 1942, le premier d’une série <strong>de</strong><br />

décrets appelés Civilian Clothing Restriction Or<strong>de</strong>rs (décrets <strong>de</strong> restriction<br />

pour les vêtements civils) restreignit considérablement l’utilisation <strong>de</strong>s tissus<br />

d<strong>ans</strong> les vêtements : les garnitures, les plis, les poches furent limités,<br />

ainsi que les revers <strong>de</strong> pantalon pour les hommes. Les décorations <strong>de</strong> surface<br />

furent interdites et les coutures, les ceintures, les cols et les poignets <strong>de</strong>vaient<br />

être réalisés <strong>de</strong> façon à économiser le plus <strong>de</strong> tissu possible. Les couturiers<br />

britanniques furent réquisitionnés pour montrer que ces vêtements<br />

« utilitaires » n’étaient pas incompatibles avec la mo<strong>de</strong> et, d<strong>ans</strong> les limites<br />

imposées par le plan, ils créèrent <strong>de</strong>s tenues chics, bien coupées, au genou,<br />

à la silhouette mince mettant en valeur les épaules marquées et la taille fine,<br />

avec <strong>de</strong>s détails d’inspiration militaire comme les poches <strong>de</strong> poitrine.<br />

À Paris, occupé par les Nazis en juin 1940, le secteur <strong>de</strong> la haute couture se<br />

trouva menacé. Seuls les efforts incessants <strong>de</strong> Lucien Lelong, Prési<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la<br />

Chambre Syndicale <strong>de</strong> la Haute Couture lui permirent <strong>de</strong> survivre, au prix<br />

d’une réduction drastique du nombre <strong>de</strong> maisons et d’ouvrières qualifiées.<br />

Les restrictions étaient encore plus sévères qu’en Gran<strong>de</strong>-Bretagne : les<br />

tissus étaient extrêmement rares et le cuir quasiment introuvable. Certains<br />

grands couturiers s’exilèrent et d’autres s’installèrent à Vichy (Chanel<br />

se retira à l’hôtel Ritz, Schiaparelli fit <strong>de</strong>s conférences aux États-Unis), tandis<br />

que d’autres, plus jeunes, poursuivirent leur carrière pendant les années<br />

<strong>de</strong> guerre : notamment Jacques Fath, Cristobal Balenciaga, Pierre Balmain<br />

et Christian Dior, qui <strong>de</strong>vaient tous contribuer à redonner tout son lustre<br />

à la haute couture parisienne au cours <strong>de</strong>s années cinquante.<br />

Mais ce fut Dior qui impulsa l’élan d’une renaissance <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>, en présentant<br />

en 1947 sa première collection révolutionnaire, baptisée New Look. Après<br />

avoir travaillé pour Robert Piguet et Lucien Lelong, Christian Dior créa sa propre<br />

maison <strong>de</strong> couture en 1946, avec le soutien <strong>de</strong> Marcel Boussac, patron du<br />

Comptoir <strong>de</strong> l’industrie cotonnière. D<strong>ans</strong> le domaine <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>, l’innovation<br />

n’est jamais entièrement le fait d’un seul créateur – Dior le reconnaissait luimême<br />

– et la silhouette féminine tout en courbes du New Look était en fait la<br />

continuation d’une évolution qui avait commencé dès avant la guerre. Quoi<br />

qu’il en soit, la première collection <strong>de</strong> Dior stupéfia le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>.<br />

L’utilisation prodigue du tissu, les longues et complexes métho<strong>de</strong>s d’assemblage<br />

indignèrent tous ceux qui avaient souffert (et en Gran<strong>de</strong>-Bretagne, souffraient<br />

encore) <strong>de</strong>s privations et du rationnement. C’était à bien <strong>de</strong>s égards un<br />

style rétrogra<strong>de</strong>, tourné vers le passé plus que vers l’avenir, mais il symbolisait<br />

aussi le retour à une époque plus gaie, plus optimiste.<br />

1925-1949 73

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