L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
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CAMBODGE, 50 ANS D’INDEPENDANCE<br />
De l'oasis de paix aux tourmentes de la guerre<br />
1955 - 1970, les années du Sangkum<br />
Le second volet de notre dossier "Cambodge, 50 ans d'indépendance" est consacré à la période<br />
charnière qui s'étend de 1955 à 1970 pendant laquelle Norodom Sihanouk, après son abdication,<br />
prend la destinée du pays entre ses mains, fonde son mouvement populaire, le Sangkum Reastr<br />
Niyum sur les bases du "socialisme bouddhique" et affirme sa volonté de pratiquer une politique de<br />
neutralité, avant d'être déposé le 18 mars 1970, marquant l'entrée du Cambodge dans le conflit<br />
américano-vietnamien.<br />
Quand le roi Norodom Sihanouk<br />
abdique en faveur du Prince<br />
Suramarit, son père, pour entrer<br />
dans l'arène politique lors des élections de<br />
1955, le Cambodge vient de recouvrer<br />
depuis peu sa totale indépendance (cf. l'article<br />
"De la difficile indépendance du<br />
Cambodge", <strong>L'Ecrit</strong> <strong>d'Angkor</strong> numéro 3,<br />
novembre 2003). Le pays rentre alors dans<br />
une période de relative stabilité politique<br />
qui lui permet de s'engager dans un processus<br />
d'édification nationale et de modernisation<br />
du pays.<br />
Durant les années qui suivent, sous la<br />
direction du Prince Sihanouk qui a réussi,<br />
en interne, à mettre en œuvre une idéologie<br />
fondée sur le "socialisme bouddhique",<br />
et sur le plan extérieur à affirmer<br />
une politique de neutralité, le Cambodge<br />
est perçu dans l'imagination consensuelle<br />
populaire comme un "oasis de paix", une<br />
période "faste" qui fait encore référence<br />
même de nos jours.<br />
Mais ces années ont aussi été décisives<br />
pour le pays khmer qui a vu germer en son<br />
sein les semences funestes d'un prochain<br />
chaos, et le glissement inexorable vers les<br />
tourmentes de la guerre du Vietnam.<br />
La conférence de Genève : la totale<br />
souveraineté<br />
Tenue en juillet 1954, au moment<br />
même où les troupes françaises ont été<br />
défaites à Dien Bien Phu par l'armée nordvietnamienne,<br />
la conférence de Genève a<br />
porté sur le désengagement de la France<br />
du bourbier indochinois et le règlement<br />
des problèmes inhérents à ce départ.<br />
La délégation cambodgienne menée<br />
par S.E. Penn Nouth obtient tout d'abord<br />
que le cas du Cambodge ne soit pas lié au<br />
problème vietnamien. Elle réussit ensuite<br />
à écarter les partisans khmers communistes<br />
(Khmers Vietminh) que les Nord-<br />
Vietnamiens ont voulu imposer à la table<br />
des négociations, empêchant ainsi une<br />
possible partition du territoire à l'instar du<br />
Vietnam, séparé en deux par le 17ème<br />
parallèle. Enfin elle parvient à faire reconnaître<br />
sur le plan international la pleine<br />
souveraineté du Cambodge à définir sa<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Samdech Euv, Norodom Sihanouk, durant l’un de ses “discours fleuves”.<br />
propre politique de sécurité.<br />
En août 1954, conformément aux<br />
accords, les dernières troupes vietminh<br />
quittent le territoire khmer. L'armistice<br />
général est déclaré sur tous les fronts indochinois.<br />
Le Sangkum Reastr Niyum<br />
Après le départ des troupes françaises<br />
et vietminh, le roi Norodom Sihanouk a<br />
voulu transformer ses victoires diplomatiques<br />
en triomphe personnel en organisant<br />
en février 1955 un référendum sur "la<br />
croisade royale pour l'indépendance". Les<br />
résultats plébiscitaires (plus de 99,8% des<br />
voix) de cette consultation populaire le<br />
place au devant de la scène politique,<br />
éclipsant tous les partis en présence. Cette<br />
victoire lui permet de se proclamer "Père<br />
de l'indépendance nationale" et lui ouvre<br />
la voie, après son abdication en faveur de<br />
son père, à la création en mars 1955 du<br />
Sangkum Reastr Niyum (littéralement la<br />
Communauté Pro-Peuple, cf. Norodom<br />
Sihanouk dans "Souvenirs doux et<br />
amers"), un rassemblement pour l'unité<br />
des khmers, et l'instauration d'une véritable<br />
"démocratie socialiste". S'il a renoncé<br />
au trône, le prince Sihanouk entend garder<br />
son titre de Samdech Upayuvareach (littéralement<br />
le Prince qui fut Roi) et aussi de<br />
Samdech Euv (Monseigneur Père), sousentendu<br />
de ses sujets du Cambodge.<br />
Président fondateur du Sangkum, dont<br />
chaque membre est appelé Sahachivin<br />
(Compagnon), Samdech Sahachivin<br />
(Prince Compagnon) s'emploie dès lors à<br />
le développer aux dépens des autres mouvements<br />
politiques. Ne pouvant contenir<br />
la vague du Sangkum, plusieurs partis prononcent<br />
leur dissolution pour s'intégrer au<br />
mouvement de Samdech Euv tels que<br />
"Démocratie Nationale" de M. Oum<br />
Chheang Sun, "Rénovation khmère" du<br />
colonel Lon Nol et le parti du "Peuple" de<br />
Sam Sary. Des personnalités démocrates,<br />
comme LL.EE Penn Nouth et Son Sann,<br />
se rallient individuellement au Sangkum<br />
entraînant un peu plus tard la dissolution<br />
complète du Parti Démocrate. Seul, le<br />
Prachéachon (Parti Communiste<br />
Cambodgien) fondé par les anciens<br />
Khmers Vietminh dont les accords de<br />
Genève ont permis l'établissement, refuse<br />
de suivre le mouvement.<br />
Quelques mois plus tard, aux élections<br />
législatives du 11 septembre 1955, le<br />
Sangkum obtient 83% des voix, les démocrates<br />
12% et les communistes 4%. A la<br />
suite de ce scrutin, le Prince Sihanouk<br />
prend la tête du gouvernement. Il entend<br />
établir un contact direct avec le peuple, et<br />
promouvoir le développement rapide du<br />
pays tout en contrôlant l'administration par<br />
la base grâce aux congrès nationaux du<br />
Sangkum qui supplantent le Parlement<br />
élu.<br />
Le Sangkum, selon les affirmations du<br />
Prince, devait en principe mettre fin à<br />
l'instabilité et au tumulte politique. Mais