L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Avril 1975 : Phnom Penh est vidée<br />
de ses habitants. " Pour trois<br />
jours ", avaient affirmé ces mystérieux<br />
sauveurs. Mais l'Histoire nous a<br />
prouvé l'ampleur du mensonge…<br />
Somanos Sar, à travers son œuvre,<br />
nous fait part d'un témoignage touchant<br />
et percutant, à la fois beau et apocalyptique.<br />
La couverture du livre ? Le charnier<br />
de Choeung Ek, devant lequel un jeune<br />
garçon, coiffé d'un krama, nous jette un<br />
regard assez hostile. Mais en réalité, il<br />
exprime souffrance, incompréhension et<br />
désarroi…<br />
Afin de mieux comprendre la tragédie,<br />
l'auteur nous invite à une rétrospective<br />
de la vie cambodgienne durant la<br />
guerre du Vietnam dont il retrace l'histoire<br />
vue par ses yeux d'en-<br />
fants…<br />
De l'Indépendance à<br />
la prise de Phnom Penh<br />
par les Khmers Rouges :<br />
le Sangkum Reastr<br />
Niyum (socialisme bouddhiste) de<br />
Norodom Sihnaouk et le régime capitaliste<br />
corrompu du général pro-américain<br />
Lon Nol.<br />
Nous saluons cette initiative qui évite<br />
aux lecteurs de faire des recherches historiques,<br />
qui en même temps nous permet<br />
de ressentir la plénitude des évènements<br />
qui suivront. “Apocalypse<br />
Khmère” n'est pas un conte de fée, il<br />
aurait pu être un roman cauchemardesque<br />
mais le talent de l'auteur nous a<br />
évité cela. Au fil des pages, nous pouvons<br />
découvrir, ou redécouvrir le<br />
Cambodge, son histoire et sa beauté.<br />
L'Apocalypse a bien eu lieu, il ne s'agit<br />
pas d'un mauvais film ou encore d'un<br />
film d'épouvante. Ce n'est pas de la fiction.<br />
“Trois jours”, avaient-ils affirmé.<br />
Trois jours, trois mois, trois ans et<br />
même plus…<br />
Le petit Somanos, dont la mère vit en<br />
France et le père a disparu pendant l'évacuation,<br />
se retrouve quelque peu seul. Il<br />
ne sait pas encore tout ce qu'il va devoir<br />
subir, mais il n'est pas dupe malgré son<br />
jeune âge, il comprend très vite qu'il va<br />
se retrouver dans un enfer sans nom.<br />
L'Angkar, ainsi fut nommée<br />
l'Organisation Khmers Rouges, était sans<br />
Apocalypse Khmère<br />
pitié. Une révolution passait absolument<br />
par une " purification spirituelle ". Toute<br />
personne déjà éduquée pouvait être dangereuse<br />
pour l'Angkar. Selon elle, une<br />
poignée de khmers suffisait pour exploiter<br />
les terres riches du Cambodge. Nul<br />
n'avait besoin de réfléchir, il fallait avant<br />
tout obéir, suivre ses directives au risque<br />
de ne pas avoir à manger et donc, mourir<br />
de faim.<br />
Rien à perdre en te perdant, rien à<br />
gagner en t'épargnant.<br />
Cette phrase, maintes fois répétée,<br />
résumait grosso modo comment les<br />
Khmers Rouges traitaient leurs travailleurs<br />
prisonniers. Prisonniers sans<br />
même être capturés car il n'y avait pas<br />
d'autres choix que de travailler pour<br />
l'Angkar. Le pays était malicieusement<br />
quadrillé, nul ne pouvait<br />
passer entre les mailles<br />
du filet.<br />
Chaque jour ressemblait<br />
à la veille et au lendemain.<br />
La souffrance<br />
était à son paroxysme. La mort ne faisait<br />
plus peur et représentait dans cette folie<br />
meurtrière une sorte d'échappatoire à<br />
l'Apocalypse. Travailler toute la journée<br />
pour manger de moins en moins chaque<br />
soir. Travailler inutilement dans des<br />
conditions inhumaines, n'est-ce pas la<br />
mort lente que proposait les Khmers<br />
Rouges ?<br />
Les résistants à l'Angkar disparaissaient<br />
massivement ou alors étaient<br />
publiquement abattus pour servir<br />
d'exemple à quiconque voulait contrarier<br />
ce maudit système.<br />
Déplacés plusieurs fois, les jeunes<br />
travailleurs, dont faisait partie l'auteur,<br />
avaient perdu tout espoir. Il était impossible<br />
de concevoir autre chose que la<br />
mort. La faim était la première préoccupation<br />
mais en même temps, à quoi<br />
bon... puisque le point de non-retour<br />
avait déjà été dépassé d'une manière si<br />
lâche.<br />
Cet ouvrage constitue un témoignage<br />
assez exhaustif. Il permet au lecteur de<br />
comprendre la souffrance des personnes<br />
qui ont vécu cet enfer, cette apocalypse...<br />
Ce crime contre l'Humanité, jusqu'ici<br />
resté incompris, n'a toujours pas été<br />
puni.<br />
LECTURE<br />
de Somanos SAR - Paris, Edition Jean Picollec, 2003<br />
Le titre de l'ouvrage à lui seul nous fait froid dans le dos et nous rappelle que ce génocide a bel et<br />
bien eu lieu et qu'il restera à jamais gravé dans la mémoire de tous les khmers qui l'ont directement<br />
ou indirectement subi.<br />
"Rien à perdre en te<br />
tuant, rien à gagner en<br />
t'épargnant."<br />
25<br />
Pol Pot est mort mais un génocide,<br />
aussi cruel soit-il, ne peut être oublié. Il<br />
est même un devoir de se remémorer<br />
l'Année Zéro, cette révolution dénuée de<br />
sens.<br />
Plus de 2 millions de cambodgiens<br />
ont trouvé la mort durant ses 3 ans, 8<br />
mois et 20 jours. Ce lourd bilan est resté<br />
et restera dans la mémoire collective<br />
aussi longtemps que l'âme Khmère existera.<br />
Somanos SAR<br />
Sophak UONG<br />
Né en 1965 à Phnom Penh, Somanos<br />
Sar n'avait pas 10 ans lorsque les<br />
Khmers rouges s'emparèrent du pou-<br />
voir. Dès son arrivée en France en<br />
1982, il voulut relater ce drame par<br />
écrit, mais la tâche lui parut alors<br />
insurmontable tant la langue françai-<br />
se, dont il ne connaissait que quelques<br />
mots, lui était étrangère. Aujourd'hui,<br />
après un DESS de microélectronique<br />
obtenu à la Faculté des Sciences<br />
d'Orsay, il est ingénieur en informa-<br />
tique. Ce récit constitue sa première<br />
oeuvre.<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004