L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
L'Ecrit d'Angkor N°4 - Free
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
4<br />
LITTERATURE<br />
Entretien avec Khing Hoc Dy, spécialiste de la<br />
littérature khmère<br />
A l'occasion des parutions, au Cambodge, de ses deux derniers ouvrages, en cambodgien, sur la<br />
littérature khmère du XIXème et du XXème siècle, nous avons rencontré KHING Hoc Dy, ancien<br />
professeur, actuellement chercheur au CNRS, qui a consacré sa carrière à la littérature khmère.<br />
Le Cambodge est souvent représenté<br />
par les temples <strong>d'Angkor</strong>, qui<br />
symbolisent l'art khmer par excellence<br />
; mais la connaissance que l'on<br />
peut avoir de la culture et de la société<br />
khmères passe également par l'étude de<br />
sa littérature. Si l'on accepte l'idée que la<br />
littérature est le miroir d'une société,<br />
alors l'étude de la littérature khmère, en<br />
complément d'autres matières telle que<br />
l'Histoire, apparaît nécessaire pour une<br />
meilleure compréhension de la société<br />
cambodgienne.<br />
KHING Hoc Dy, passionné de littérature<br />
khmère<br />
Né à Kompong Thom, au Cambodge,<br />
en 1945, KHING Hoc Dy, obtient le<br />
diplôme de l'Ecole Normale Supérieure<br />
de Phnom-Penh puis une Licence de<br />
Lettres. Il enseigne la littérature khmère<br />
à l'université de Phnom-Penh de 1967 à<br />
1971, date à laquelle il obtient une bourse<br />
et se rend à Paris, emportant avec lui<br />
les documents qu'il a pu collecter aux<br />
archives de l'Institut Bouddhique de<br />
Phnom-Penh, pour préparer sa thèse de<br />
doctorat de 3ème cycle qu'il soutient en<br />
1974. L'arrivée au pouvoir des khmers<br />
rouges l'empêche de retourner au<br />
Cambodge et il reste en France où, de<br />
1975 à 1985, il travaille à la section<br />
d'ethnomusicologie du Musée de<br />
l'Homme. Parallèlement il continue ses<br />
recherches grâce aux textes cambodgiens<br />
détenus par les Français, et dirige<br />
la revue "Seksa khmer", éditée par le<br />
CEDOREK, le centre de documentation<br />
et de recherche sur la civilisation khmère.<br />
Il intègre ensuite le CNRS, Centre<br />
National de la Recherche Scientifique,<br />
ce qui lui permet de se consacrer entièrement<br />
à sa passion et à son doctorat d'état<br />
qu'il obtient en 1993. Soucieux de sauvegarder<br />
et de faire connaître la littérature<br />
khmère, il publie de nombreux articles et<br />
ouvrages, tantôt en français, tantôt en<br />
khmer. Il enseigne également la littérature<br />
khmère à l'INALCO, Institut National<br />
des Langues et Civilisations Orientales<br />
mais reconnaît que l'étude de cette<br />
matière n'est pas aisée. Selon lui, les jeu-<br />
L’ÉCRIT D’ANGKOR <strong>N°4</strong> - FEVRIER 2004<br />
Le professeur Khing Hoc Dy<br />
nes Cambodgiens de France qui souhaitent<br />
avoir accès à la littérature khmère<br />
doivent d'abord faire le pas de venir<br />
apprendre leur langue maternelle et ne<br />
doivent pas se décourager. Savoir lire et<br />
comprendre une bonne partie des textes<br />
leur permettra ensuite d'étudier la littérature<br />
khmère, en commençant par la lecture<br />
de la littérature moderne, plus<br />
accessible, pour ensuite remonter dans le<br />
temps.<br />
De la littérature ancienne à la littérature<br />
moderne<br />
L'histoire de la littérature khmère<br />
peut se diviser en trois grandes périodes :<br />
les ères pré-angkorienne et angkorienne<br />
(du VIIème jusqu'à la fin du XIVème<br />
siècle de l'ère chrétienne), l'époque<br />
moyenne (du XVème au XIXème siècle)<br />
et la période contemporaine (de la fin du<br />
XIXème siècle à nos jours).<br />
La littérature ancienne est essentiellement<br />
constituée de textes gravés dans<br />
la pierre, appelés textes épigraphiques.<br />
Ces inscriptions, souvent en sanskrit,<br />
sont précieuses puisqu'elles ont permis<br />
de reconstituer l'histoire du pays aux<br />
époques pré-angkorienne et angkorien-<br />
ne. De nombreuses études ont été consacrées<br />
à l'épigraphie, notamment de la<br />
part de George Coèdes.<br />
En revanche, peu d'intérêt a été porté<br />
au reste de la littérature ; KHING Hoc<br />
Dy oriente alors ses recherches sur la littérature<br />
de l'époque moyenne, dite "classique",<br />
qui constitue la partie la plus<br />
importante de la littérature khmère. Les<br />
supports majoritairement utilisés à cette<br />
période sont les feuilles de latanier (ou<br />
palmes) et le papier traditionnel, fabriqué<br />
à partir de l'écorce des mûriers. La<br />
littérature classique comporte des textes<br />
très variés que l'on peut classer en deux<br />
grands ensembles : la littérature sacrée et<br />
la littérature de divertissement. La première<br />
catégorie comprend les textes religieux,<br />
et notamment les jataka, récits des<br />
vies antérieures du Bouddha. Elle englobe<br />
également les chroniques royales du<br />
Cambodge, écrits historiques qui décrivent<br />
le pays ; ou encore les textes dits<br />
"techniques", comme les textes juridiques,<br />
les recueils de coutumes. Enfin,<br />
on peut classer parmi la littérature sacrée<br />
les textes éthiques qui énoncent des<br />
enseignements moraux, tels que les proverbes,<br />
dictons et maximes. La littérature<br />
de divertissement comprend elle aussi<br />
des textes très divers. On classe dans cet<br />
ensemble la littérature transmise oralement<br />
qui a ensuite été écrite. Il s'agit des<br />
contes et légendes, des devinettes, des<br />
chansons. Les contes et légendes cambodgiens<br />
sont très nombreux, et l'un des<br />
plus populaires est le conte du Juge lièvre.<br />
Cette matière a fait l'objet de diverses<br />
études permettant de les classer, et l'une<br />
des spécialistes de ce sujet est Solange<br />
Thierry. A côté de cette littérature populaire,<br />
on trouve également une littérature<br />
plus savante qui comprend les épopées,<br />
dont la plus célèbre est le Ramakerti,<br />
Ramayana cambodgien ; et les romans<br />
classiques en vers. Les œuvres romanesques<br />
classiques ont fait l'objet de peu<br />
d'études, en partie parce qu'il s'agit de<br />
textes longs et relativement difficiles à<br />
lire du fait de l'emploi de termes issus du<br />
sanskrit ou du pali. Il n'en demeure pas<br />
moins que ces romans en vers, dont les