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S<br />
ANTE<br />
GREVE DANS LE SECTEUR DE LA SANTE<br />
Les hôpitaux paralysés<br />
Seu<strong>le</strong>s <strong>le</strong>s urgences<br />
sont assurées. Les<br />
grévistes accusent <strong>le</strong><br />
ministère de la Santé<br />
qui à son tour exhibe<br />
des décisions de justice<br />
déclarant ces grèves<br />
illéga<strong>le</strong>s. Pendant ce<br />
temps, des malades<br />
souffrent et des<br />
cancéreux ratent <strong>le</strong>ur<br />
rendez-vous de<br />
chimiothérapie.<br />
La semaine dernière, <strong>le</strong>s<br />
hôpitaux et <strong>le</strong>s établissements<br />
de santé publique<br />
ont connu une véritab<strong>le</strong> paralysie.<br />
Plusieurs corps ont en effet<br />
observé des mouvements de grève,<br />
pour protester contre <strong>le</strong>s<br />
conditions dans <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s ils<br />
évoluent et réclamer <strong>le</strong>urs droits<br />
et la concrétisation des promesses<br />
de la tutel<strong>le</strong>. C’est dans<br />
<strong>le</strong>s hôpitaux de l’intérieur du<br />
pays et dans <strong>le</strong>s polycliniques<br />
que <strong>le</strong>s effets de ces grèves ont<br />
été <strong>le</strong>s plus ressentis.<br />
Dans <strong>le</strong>s centres hospitalo-universitaires<br />
(CHU), <strong>le</strong>s activités<br />
médica<strong>le</strong>s ont plus ou moins été<br />
assurées car dans ce genre d’établissements<br />
exercent des médecins<br />
hospitalo-universitaires qui<br />
ont deux casquettes : médecins et<br />
enseignants. Ils sont payés par <strong>le</strong><br />
ministère de la Santé et celui de<br />
l’Enseignement supérieur. Les<br />
hospitalo-universitaires ne sont<br />
donc pas en grève.<br />
Quant aux structures où travail<strong>le</strong>nt<br />
<strong>le</strong>s praticiens généralistes<br />
et spécialistes de santé publique<br />
(qui ne sont pas enseignants),<br />
la grève a tout paralysé,<br />
excepté <strong>le</strong>s urgences qui sont assurées<br />
tant dans <strong>le</strong>s hôpitaux que<br />
dans <strong>le</strong>s établissements de santé<br />
de proximité. La grève des paramédicaux<br />
a provoqué, el<strong>le</strong>, l’arrêt<br />
des soins, des analyses, des<br />
examens de radiologie et des interventions<br />
chirurgica<strong>le</strong>s à froid<br />
(programmées et non réalisées<br />
aux urgences). Les corps <strong>com</strong>muns<br />
pour <strong>le</strong>ur part ont cessé de<br />
nettoyer et de réparer <strong>le</strong>s pannes<br />
survenues dans <strong>le</strong>s établissements<br />
de santé.<br />
Cinq syndicats montent<br />
au créneau<br />
Sans s’être mis d’accord ni donné<br />
<strong>le</strong> mot, pas moins de cinq syndicats<br />
ont décidé de déc<strong>le</strong>ncher<br />
des grèves au même moment. Un<br />
tour dans <strong>le</strong>s hôpitaux de la capita<strong>le</strong><br />
nous a permis de constater de<br />
visu la paralysie des établissements<br />
de santé. Lundi matin, <strong>le</strong>s<br />
travail<strong>le</strong>urs des corps <strong>com</strong>muns<br />
de l’hôpital Lamine-Debaghine<br />
de Bab El Oued ont dénoncé <strong>le</strong>s<br />
responsab<strong>le</strong>s du secteur qui <strong>le</strong>s<br />
méprisent, ne <strong>le</strong>ur accordant que<br />
ce qu’ils considèrent <strong>com</strong>me des<br />
salaires de misère.<br />
Les paramédicaux sont présents<br />
dans <strong>le</strong>s services mais refusent de<br />
travail<strong>le</strong>r. Au service des urgences,<br />
situé devant la porte<br />
d’entrée, <strong>le</strong>s médecins et <strong>le</strong>s infirmiers<br />
travail<strong>le</strong>nt norma<strong>le</strong>ment<br />
mais ils portent des brassards sur<br />
<strong>le</strong>squels on peut lire la mention<br />
«en grève».<br />
«Nous ne sommes pas des irresponsab<strong>le</strong>s.<br />
Il est évident que nous<br />
n’allons pas refuser <strong>le</strong>s soins à<br />
des personnes en danger de mort.<br />
Les malades graves et <strong>le</strong>s accidentés<br />
sont pris en charge <strong>com</strong>me<br />
avant, c'est-à-dire avec <strong>le</strong>s<br />
moyens dont nous disposons», dit<br />
un médecin généraliste. Un des<br />
infirmiers réquisitionné par son<br />
syndicat estime que <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce des<br />
autorités va pousser tous <strong>le</strong>s<br />
corps à faire grève. «Nous<br />
sommes en grève depuis <strong>le</strong> 29<br />
avril dernier, mais <strong>le</strong> ministre de<br />
la Santé reste de marbre. Notre<br />
mouvement ne prendra fin<br />
qu’avec la satisfaction de nos revendications.<br />
Les enseignants<br />
qui ont un cursus de formation similaire<br />
au nôtre, touchent deux<br />
fois notre salaire. Pourquoi cette<br />
politique du deux poids deux mesures<br />
dans la fonction publique<br />
?», dit-il.<br />
Une femme de ménage s’arrête<br />
un moment pour nous interpel<strong>le</strong>r.<br />
«Je travail<strong>le</strong> à l’hôpital depuis<br />
plus de 15 ans. Je touche 9 055<br />
DA par mois. Dans une entreprise<br />
privée, une femme de ménage<br />
touche 25 000 DA. El<strong>le</strong> travail<strong>le</strong><br />
aussi ici à l’hôpital et el<strong>le</strong> ne fait<br />
pas de garde de nuit», se plaint la<br />
femme de ménage mobilisée<br />
pour assurer l’astreinte de 7h à<br />
19h. El<strong>le</strong> tient à rappe<strong>le</strong>r qu’el<strong>le</strong><br />
est en grève et que c’est <strong>le</strong> syndicat<br />
qui l’a réquisitionnée.<br />
Au centre Pierre-et-Marie-Curie<br />
d’<strong>Alger</strong>, c’est une situation identique<br />
que nous trouvons <strong>le</strong> mardi<br />
7 mai. Ici, <strong>le</strong>s malades sont pris<br />
en charge et <strong>le</strong>s consultations ont<br />
lieu car <strong>le</strong>s médecins qui exercent<br />
dans ce centre sont des hospitalo-universitaires.<br />
Par contre,<br />
la grève des paramédicaux a bou<strong>le</strong>versé<br />
<strong>le</strong>s activités des blocs<br />
opératoires. Certains malades ont<br />
dû rebrousser chemin sans avoir<br />
fait de chimiothérapie. «Je viens<br />
de Médéa et je dois attendre 21<br />
jours pour refaire ma chimiothérapie.<br />
Cette cure est perdue, j’espère<br />
qu’au prochain rendezvous,<br />
<strong>le</strong>s infirmiers auront repris<br />
<strong>le</strong> travail», dit ce citoyen atteint<br />
d’un cancer du côlon.<br />
Pourtant, selon <strong>le</strong>s infirmiers, la<br />
grève n’a pas touché <strong>le</strong>s activités<br />
de soins dans cet établissement<br />
spécialisé dans la lutte contre <strong>le</strong><br />
cancer. «Nous assurons toutes <strong>le</strong>s<br />
activités de soins et ceux qui ont<br />
des rendez-vous pour des cures<br />
5<br />
de chimio sont traités norma<strong>le</strong>ment»,<br />
explique Sid Manseur, un<br />
infirmier du CPMC, membre du<br />
syndicat des paramédicaux. Les<br />
parents de malades nous demandent<br />
d’al<strong>le</strong>r dans <strong>le</strong>s services<br />
pour constater que <strong>le</strong>s chimiothérapies<br />
<strong>com</strong>me <strong>le</strong>s interventions<br />
chirurgica<strong>le</strong>s programmées sont<br />
à l’arrêt depuis <strong>le</strong> début de la grève<br />
des paramédicaux.<br />
Les corps <strong>com</strong>muns ne sont pas<br />
en reste dans cette grève et exigent<br />
des autorités un peu plus de<br />
considération. «Oui, nous sommes<br />
la dernière roue du carrosse<br />
et nous travaillons dans <strong>le</strong>s caves<br />
et <strong>le</strong>s locaux délabrés. Nous<br />
avons supporté cela durant des<br />
années, mais cette fois, nous<br />
irons jusqu’au bout de nos revendications<br />
car nous touchons<br />
des salaires de misère. Une femme<br />
de ménage touche 9 000 DA<br />
après 10 ans de travail. Moi, je<br />
ne perçois que 16 650 DA par<br />
mois après 17 ans de travail. On<br />
se moque de nous», affirme Hadadj<br />
Malik, un agent polyva<strong>le</strong>nt<br />
au CPMC. D’autres agents interviennent<br />
pour affirmer que «si<br />
tous <strong>le</strong>s malades se plaignent de<br />
la qualité des repas servis dans<br />
<strong>le</strong>s hôpitaux, c’est la faute à la<br />
politique des salaires. Pour faire<br />
de la bonne nourriture, il faut de<br />
bons cuisiniers. Ces derniers<br />
préfèrent <strong>le</strong>s grandes entreprises<br />
ou <strong>le</strong> secteur privé car <strong>le</strong>s salaires<br />
dans <strong>le</strong>s hôpitaux sont<br />
beaucoup trop bas».<br />
Djafar Amrane.<br />
L e<br />
ministre de la Santé, de la<br />
Population et de la Réforme<br />
hospitalière, M. Abdelaziz<br />
Ziari, a affirmé, jeudi dernier à<br />
Tipasa, que <strong>le</strong> dialogue constructif<br />
avec l’ensemb<strong>le</strong> des partenaires<br />
restait ouvert pour débattre<br />
de certains dossiers, mais<br />
qu’«il est hors de question de réviser<br />
<strong>le</strong> statut particulier et <strong>le</strong> régime<br />
indemnitaire».<br />
«Le gouvernement ne reviendra<br />
jamais sur sa décision de ne pas<br />
rouvrir <strong>le</strong>s dossiers du statut<br />
particulier et du régime indemnitaire,<br />
qui a été tranché par la<br />
Direction de la Fonction publique»,<br />
a insisté M. Ziari, lors<br />
d’une rencontre nationa<strong>le</strong> des directeurs<br />
de la santé des wilayas,<br />
rappelant que cette décision «est<br />
LE PROFESSEUR MOHAMED YOUSFI, PRESIDENT<br />
DU SYNDICAT NATIONAL DES PRATICIENS<br />
SPECIALISTES DE SANTE PUBLIQUE<br />
«Nous sommes<br />
dans la légalité»<br />
<strong>Alger</strong> <strong>Hebdo</strong> : Quoi de<br />
neuf au troisième jour de<br />
grève ?<br />
- C’est <strong>le</strong> si<strong>le</strong>nce total. Au ministère<br />
de la Santé, on croit qu’il<br />
suffit de rédiger un <strong>com</strong>muniqué<br />
pour rég<strong>le</strong>r tous <strong>le</strong>s problèmes<br />
en instance.<br />
<strong>Alger</strong> <strong>Hebdo</strong> : Pourquoi<br />
cette grève alors que tout<br />
semblait al<strong>le</strong>r vers la satisfaction<br />
de vos revendications<br />
?<br />
Dr Mohamed Yousfi : C’est <strong>le</strong><br />
ministre de la Santé qui fait fi<br />
des instructions verba<strong>le</strong>s du<br />
Premier ministre. Lors de l’audience<br />
qu’il a accordée à l’Intersyndica<strong>le</strong><br />
des praticiens de<br />
santé publique en date du 12 février<br />
2013. Nous avons saisi par<br />
écrit <strong>le</strong> ministre de la Santé et <strong>le</strong><br />
Premier ministre en date du 6<br />
avril 2013, mais aucune réponse<br />
depuis.<br />
Une décision de justice<br />
vient de déclarer votre<br />
grève illéga<strong>le</strong>…<br />
Nous sommes tous des universitaires<br />
et nous respectons la<br />
justice. Nous avons lancé un<br />
préavis de grève et sommes<br />
dans la légalité. Je tiens à préciser<br />
que notre syndicat n’a pas<br />
reçu cette décision de justice<br />
qui aurait dû nous être remise<br />
par un huissier de justice.<br />
Puisque <strong>le</strong> département de la<br />
Santé cherche la légalité, pourquoi<br />
n’a-t-il pas organisé une<br />
rencontre de conciliation quand<br />
il avait reçu notre préavis? Norma<strong>le</strong>ment,<br />
c’est <strong>le</strong> ministère qui<br />
aurait dû gérer <strong>le</strong> service minimum,<br />
mais <strong>com</strong>me nous connaissons<br />
la loi, ce sont <strong>le</strong>s syndicats<br />
qui ont veillé à désigner<br />
ceux qui travail<strong>le</strong>nt pour sauver<br />
<strong>le</strong>s cas urgents ou ceux nécessitant<br />
des soins spéciaux.<br />
Les malades se plaignentils<br />
de cette grève ?<br />
valab<strong>le</strong> pour tous <strong>le</strong>s secteurs».<br />
Il considère que «la mise en<br />
œuvre du statut particulier et du<br />
régime indemnitaire ne remonte<br />
pas loin dans <strong>le</strong> temps, et a été<br />
précédée par une large consultation<br />
avec l’ensemb<strong>le</strong> des partenaires<br />
sociaux».<br />
Le ministre a réitéré la «disponibilité»<br />
de son département à<br />
«dialoguer avec tous <strong>le</strong>s syndicats<br />
pour trouver des solutions<br />
appropriées qui satisfassent<br />
l’ensemb<strong>le</strong> des parties concernées»,<br />
tout en appelant à «bannir<br />
l’extrémisme et <strong>le</strong> jusqu’auboutisme<br />
concernant des revendications<br />
‘impossib<strong>le</strong>s’ à<br />
satisfaire».<br />
Prônant l’apaisement, M. Ziari a<br />
considéré que «<strong>le</strong>s syndicats<br />
N° 377 -Du 11 au 17 mai 2013<br />
Je dis aux malades que cette<br />
grève est la <strong>le</strong>ur en quelque sorte.<br />
Nous luttons pour qu’il y ait<br />
une seu<strong>le</strong> santé en Algérie et<br />
non deux <strong>com</strong>me c’est <strong>le</strong> cas<br />
aujourd’hui. Nous espérons<br />
parvenir à ce que tous <strong>le</strong>s Algériens<br />
fassent confiance à nos<br />
hôpitaux. Al<strong>le</strong>r se soigner à<br />
l’étranger est une reconnaissance<br />
implicite quant au peu de<br />
moyens dont dispose <strong>le</strong> médecin<br />
algérien. Nous avons des<br />
<strong>com</strong>pétences.<br />
On par<strong>le</strong> de malades<br />
morts faute de soins ?<br />
Il s’agit de rumeurs. Le cas du<br />
décès enregistré à l’hôpital<br />
Mustapha n’est pas à imputer au<br />
service des urgences. Un automobiliste<br />
avait trouvé <strong>le</strong> corps<br />
sans vie d’un SDF dans un coin<br />
reclus. Il a appelé <strong>le</strong>s services<br />
concernés mais <strong>le</strong> malheureux<br />
était déjà mort. Il n’existe pas<br />
un seul médecin au monde qui<br />
laisserait mourir un être humain<br />
sans essayer de <strong>le</strong> sauver.<br />
Votre mouvement se poursuit<br />
donc ?<br />
Non, nous reprendrons <strong>le</strong> travail<br />
<strong>le</strong> jeudi 9 mai. Nous espérons<br />
que nous trouverons avec<br />
notre partenaire social une réponse<br />
à nos revendications.<br />
Prp D. A.<br />
Pas de révision du statut particulier<br />
et du régime indemnitaire<br />
grévistes se doivent de s’éloigner<br />
des considérations extraprofessionnel<strong>le</strong>s»<br />
et ce, avant<br />
d’exprimer la disponibilité de<br />
son département à «dialoguer et<br />
à négocier certaines questions,<br />
tel<strong>le</strong> cel<strong>le</strong> relative au reclassement<br />
dans des postes supérieurs».<br />
Evoquant, par ail<strong>le</strong>urs, la prime<br />
de contagion et la prime de permanence<br />
concernant certains<br />
travail<strong>le</strong>urs des corps <strong>com</strong>muns,<br />
<strong>le</strong> ministre a rappelé que «ce<br />
dossier est définitivement clos».<br />
Mettant en avant <strong>le</strong>s spécificités<br />
du secteur de la santé, M. Ziari a<br />
invité <strong>le</strong>s syndicats grévistes à<br />
«prendre en <strong>com</strong>pte l’intérêt des<br />
malades et à <strong>le</strong> privilégier en<br />
toute circonstance».