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PASSIONS OPÉRA 92 pelé une berceuse de la mort. Mais c’est ainsi que je sens la mort : comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur de l’au-delà, plutôt que comme un passage douloureux…” Cette interprétation fut bien le reflet de sa pensée et les mélomanes du monde entier en furent saisis d’admiration. À noter la prodigieuse présence et la performance des chœurs de la Radio de Berlin. Pour clore la série des trois concerts officiels, Simon Rattle avait invité le dimanche de Pâques un autre géant de la direction d’orchestre, Zubin Mehta. La Symphonie n°8 de Bruckner, de toute beauté, atteignit elle aussi des sommets d’interprétation. Nous, les Latins, avons toujours eu des difficultés pour pleinement apprécier ce compositeur, adulé en Autriche et en Allemagne. Je reconnais volontiers que j’ai mis quelques années à franchir ce mur que représentent ses neuf longues symphonies. Mais le mur franchi, quel bonheur! Là encore, ce concert fut l’objet d’une interminable standing ovation. Comment, une fois de plus, ne pas s’émerveiller devant une telle prestation de la Philharmonie de Berlin, la “Rolls des Rolls” des orchestres mondiaux. Le Lundi de Pâques, en soirée, c’est Carmen de Georges Bizet (l’un des opéras les plus joués sur la planète, d’après une nouvelle de Prosper Mérimée) qui est l’opéra produit cette année, et qui sera repris l’été prochain pour quatre représentations. C’est la première fois dans ma carrière de critique (quarante ans), que je constate avoir aimé une production tout en sachant qu’elle est totalement en dehors de l’esprit de l’œuvre. La mise en scène et les décors d’Aletta Collins et de Miriam Büther, avec des éclairages LION EN FRANÇAIS N°645 de grande qualité d’Andreas Fuchs, sont superbes, à part la première scène de l’acte I où nous sommes davantage en milieu hospitalier que chez les cigarières, avec air conditionné, etc. Le déplacement des protagonistes a été étudié avec le plus grand soin et est d’une efficacité renversante. Rattle voulait des chorégraphies pendant les intermèdes musicaux : très réussies, ce furent des chorégraphies exemplaires et judicieuses. Il faut noter aussi la remarquable diction des chœurs et des solistes, qui ont dû travailler dur pour ce résultat. Tout cela est fort séduisant. Les choses commencent à se gâter avec l’arrivée de Carmen, chantée ici par Magdalena Kožená. La tessiture de la soprano est magnifique dans les Cantates de Bach ou certains opéras de Mozart, mais certainement pas dans Carmen, où ses expressions voulues par la mise en scène sont un non-sens. Carmen doit être une grande tragédienne, une femme fatale, ce que la voix de Magdalena DOMMAGE QUE L’ÉMOTION PROCURÉE PAR LE DRAME NE SOIT PAS TOUT À FAIT LÀ, MAIS JE RESTE TOUT DE MÊME IMPRESSIONNÉ.
Kožená ne peut pas traduire. Pourtant, on sent à chaque instant un travail considérable. Don José est chanté par l’époustouflant Jonas Kaufmann: les amateurs de grandes voix savent qu’on ne peut pas trouver de plus grand Don José à l’heure actuelle. Madame Genia Kühmeier, quant à elle, est une fabuleuse Micaëla et les acclamations des festivaliers durant ses grands airs le démontrent. L’Escamillo de Kostas Smoriginas est excellent et sans faille. Tous les autres rôles sont très bien chantés, en particulier le Remendado (un contrebandier) du Français Jean-Paul Fouchécourt (ténor). Il ne faut évidemment pas oublier la Philharmonie de Berlin et son chef Simon Rattle, ainsi que les chœurs de Radio de Berlin, tous irréprochables. C’est donc la première fois que j’aime une production par laquelle je ne devrais pas être emballé, car ne correspondant pas ou peu à ce que l’on peut attendre d’une interprétation du chef-d’œuvre de Bizet. C’est dommage que l’émotion procurée par le drame ne soit pas tout à fait là, mais je reste tout de même impressionné. En 2013, c’est Parsifal de Wagner qui est au programme, avec l’orchestre de la Staatskapelle de Dresde dirigé par Christian Thielemann. N°645 LION EN FRANÇAIS 93
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