histoire - Consistoire de Paris
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pour le judaïsme : elle bafoue<br />
l'obligation première <strong>de</strong> celui qui<br />
est né dans le judaïsme <strong>de</strong> par le<br />
choix <strong>de</strong> Dieu : Le connaître par le<br />
biais <strong>de</strong> la Loi. C'est rompre<br />
unilatéralement l'Alliance entre<br />
Dieu et Israël, répétée <strong>de</strong>s dizaines<br />
<strong>de</strong> fois dans la Bible. Qu'il soit un<br />
simple converti ou un cardinal ne<br />
change rien à l'affaire : il<br />
transgresse la loi <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité et<br />
n'observe pas les comman<strong>de</strong>ments<br />
les plus fondamentaux <strong>de</strong> sa foi<br />
d'origine : le chabbat, certains <strong>de</strong>s<br />
dix comman<strong>de</strong>ments, sans parler<br />
du reste. De plus, s'il <strong>de</strong>vient<br />
prêtre, il renonce au tout premier<br />
comman<strong>de</strong>ment <strong>de</strong> la Bible :<br />
transmettre la vie. Il quitte aussi le<br />
navire. Or, après la Shoah, et<br />
l'extermination <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />
cinquièmes du peuple juif, nous<br />
comptons les survivants. Chaque<br />
juif est <strong>de</strong>venu plus précieux encore, et chaque conversion<br />
affaiblit notre communauté.<br />
Enfin et surtout, le substrat <strong>de</strong> toute conversion, c'est le choix<br />
d'une vie spirituelle plus satisfaisante que celle que l'on quitte.<br />
Il est donc évi<strong>de</strong>nt que, même si l'on atténue aujourd'hui la<br />
théologie <strong>de</strong> la substitution, elle démontre spectaculairement<br />
les insuffisances <strong>de</strong> la religion d'origine. Or, le postulat du<br />
judaïsme, en raison <strong>de</strong> l'origine divine <strong>de</strong> la Loi, c'est qu'elle est<br />
parfaite -accomplie - et, pour un juif, se suffit à elle-même.<br />
Psaumes XIX, VIII : " La Torah <strong>de</strong> l'Eternel est parfaite… "<br />
En revanche, pour un païen qui n'a pas reçu la Loi, adhérer<br />
au monothéisme par la foi et le Christ constitue une incontestable<br />
promotion et une véritable révolution spirituelle aux multiples<br />
facettes. Les plus grands penseurs juifs ont certes contesté<br />
quelques dogmes <strong>de</strong> l'Eglise : l'incarnation, la messianité <strong>de</strong><br />
Jésus ; mais ils ont rendu hommage à l'évangélisation du mon<strong>de</strong>,<br />
qui ouvrit à <strong>de</strong>s myria<strong>de</strong>s <strong>de</strong> personnes la voie <strong>de</strong> ce<br />
monothéisme que le judaïsme n'était point en état <strong>de</strong> prêcher.<br />
Bien entendu, cette " promotion " ne saurait concerner les<br />
juifs. Elle est le ca<strong>de</strong>au, à travers Paul, que le judaïsme a légué<br />
à l'humanité. L'apôtre <strong>de</strong>s Gentils l'a clairement dit en s'adressant<br />
aux non-juifs : " Etrangers à toute Alliance, sans espérance et<br />
sans Dieu dans le mon<strong>de</strong>, vous avez été rapprochés par le sang<br />
<strong>de</strong> Jésus-Christ, vous êtes rentrés dans l'Alliance. " Ephésiens<br />
2 11-12<br />
Pas <strong>de</strong> christianisme sans Christ, pas <strong>de</strong> judaïsme sans Torah.<br />
Mais, me direz-vous, que faites-vous <strong>de</strong>s juifs athées ou non<br />
pratiquants ? Sont-ils plus juifs que cet homme <strong>de</strong> foi qu'était<br />
le cardinal ? N'est-ce point absur<strong>de</strong> et paradoxal ? Non, parce<br />
que, pour la pensée rabbinique, tout homme - et donc, tout juif<br />
- a la potentialité <strong>de</strong> retrouver Dieu. C'est la Techouva : l'éternel<br />
retour du retour à l'Eternel. C'est pourquoi l'abandon <strong>de</strong> la<br />
pratique religieuse ne délégitimera jamais un juif. Dieu attend<br />
patiemment le retour <strong>de</strong> l'enfant prodigue : en tout cas, tant qu'il<br />
n'a pas officiellement déserté.<br />
2) S'agissant <strong>de</strong> la discontinuité entre le judaïsme et le<br />
christianisme. Vous n'êtes pas d'accord avec Jacques Duquesne.<br />
Je lui donne cependant raison : la filiation n'exclut ni la<br />
Le pape Jean-Paul II à la synagogue <strong>de</strong> Rome<br />
DOSSIER<br />
discontinuité ni la rupture. La " mort du père " existe également<br />
au sein <strong>de</strong>s familles religieuses. Aussi étonnant que cela puisse<br />
paraître, alors que jamais dans l'<strong>histoire</strong> n'a régné une telle et<br />
fraternelle concor<strong>de</strong> entre juifs et chrétiens, un véritable abîme<br />
sépare la foi juive - sa vision du mon<strong>de</strong> - <strong>de</strong> la foi chrétienne. A<br />
part quelques concepts fondamentaux - l'existence d'un Dieu-<br />
Un ( et encore, avec la Trinité,…) Créateur et Juge <strong>de</strong>s hommes<br />
- et la conscience d'une pré<strong>histoire</strong> commune, il n'y a<br />
véritablement pas une seule <strong>de</strong>s croyances <strong>de</strong> nos <strong>de</strong>ux religions<br />
qui ne soit l'objet <strong>de</strong> divergences profon<strong>de</strong>s, voire <strong>de</strong><br />
contradictions radicales. Rapi<strong>de</strong>ment : l'élection, la loi, la liberté<br />
et la grâce, le salut par la Torah ou le salut en Jésus, les places<br />
respectives <strong>de</strong> la justice et <strong>de</strong> la charité, la nature <strong>de</strong>s Béatitu<strong>de</strong>s,<br />
le pluralisme religieux et, last but not least, la conception du<br />
royaume <strong>de</strong> Dieu. Pour les Evangiles Il n'est pas <strong>de</strong> ce mon<strong>de</strong>,<br />
alors que la substantifique moëlle du judaïsme, c'est que l'homme<br />
n'a été créé qu'en vue d'instaurer ce royaume sur terre.<br />
Ce tour d'horizon, qui n'est pas bref mais pourrait être plus<br />
long, n'est en rien un constat pessimiste et encore moins un<br />
jugement <strong>de</strong> valeur. Souligner les différences et savoir écouter<br />
la différence est, au contraire, la première condition d'un<br />
véritable dialogue. Il naît précisément <strong>de</strong> la rencontre <strong>de</strong>s<br />
différences. Qu'on me pardonne cette comparaison : qu'y a-t-il<br />
<strong>de</strong> plus différent qu'un homme et une femme ? Pourtant, c'est<br />
<strong>de</strong> leur rencontre que naissent l'amour et la vie. Ce face à face<br />
dans le respect et l'amour <strong>de</strong> l'autre, ce dialogue judéo-chrétien,<br />
l'<strong>histoire</strong> les a rendus encore plus impérieux, non seulement en<br />
réparation <strong>de</strong>s fautes passées, mais parce que dans un mon<strong>de</strong><br />
sans Dieu, le judaïsme et le christianisme, ainsi d'ailleurs qu'un<br />
Islam revisité, sont <strong>de</strong>s alliés naturels. Leurs divergences, qui<br />
ten<strong>de</strong>nt au <strong>de</strong>meurant à s'atténuer, sont aujourd'hui moins une<br />
source <strong>de</strong> conflits qui n'ont plus <strong>de</strong> raison d'être qu'une possibilité<br />
d'échanges, <strong>de</strong> clarifications mutuelles, et <strong>de</strong> renforcement<br />
fraternel <strong>de</strong>s convictions respectives. A condition que chacun<br />
sache qui il est. Comme disait Socrate : " Connais-toi toi-même".<br />
Bernard Shaw a dit un jour une phrase très méchante : " Le<br />
christianisme ? Quelle belle religion ! Dommage que personne<br />
n'ait jamais essayé ! " C'est évi<strong>de</strong>mment excessif. Et - ce serait<br />
aussi un peu excessif - on pourrait quelquefois en dire autant<br />
du judaïsme… Tirons une leçon <strong>de</strong> cette bouta<strong>de</strong> : frères juifs,<br />
essayez d'être juifs ; frères chrétiens, soyez chrétiens. Dieu<br />
reconnaîtra les siens, c'est-à-dire, vous et nous. J.E<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 11