histoire - Consistoire de Paris
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l'acharnement <strong>de</strong>s auteurs du Nouveau Testament à justifier<br />
par l'Ancien leurs professions <strong>de</strong> foi et leurs christologies. Dire<br />
qu'il a eu une révolution chrétienne ne suffit pas pour conclure<br />
On peut redouter la confusion<br />
qui menace, on peut aussi<br />
se réjouir du progrès <strong>de</strong> l'acceptation<br />
mutuelle et <strong>de</strong> la tolérance envers<br />
les choix <strong>de</strong>s autres.<br />
à une discontinuité radicale. Il y a eu révolution "dans le<br />
judaïsme", comme d'autres fois, à Yavné en particulier.<br />
Considérer la révolution chrétienne comme une liquidation ou<br />
une perversion du judaïsme est un choix, pas le seul possible.<br />
Toutes choses égales d'ailleurs, cela rappelle les débats sur la<br />
Révolution française. Certains ont cru qu'après ce n'était plus<br />
Incompréhensions<br />
Cher Paul Thibaud, Mes observations<br />
concernant le cardinal Lustiger, ainsi que les<br />
réflexions <strong>de</strong> Jacques Duquesne publiées<br />
dans Information Juive, ont donné lieu à<br />
quelques incompréhensions dont témoigne<br />
votre lettre, et qu'il est <strong>de</strong> mon <strong>de</strong>voir <strong>de</strong><br />
dissiper. Je ne puis le faire sans évoquer longuement divers<br />
aspects, rarement évoqués, <strong>de</strong>s relations judéo-chrétiennes.<br />
J'aimerais commencer par une profession <strong>de</strong> foi personnelle.<br />
Les profon<strong>de</strong>s réserves que j'ai exprimées sur le cas Lustiger ne<br />
sont aucunement polémiques envers le christianisme, et pas<br />
davantage à l'égard <strong>de</strong> l'amitié judéo-chrétienne à laquelle je<br />
suis profondément attaché. Vous ne l'ignorez point puisque votre<br />
institution m'a naguère honoré <strong>de</strong> son grand prix. Les milliers<br />
<strong>de</strong> lettres amicales émanant <strong>de</strong> chrétiens que j'ai reçues tout au<br />
long <strong>de</strong> ma carrière à la télévision pour me remercier <strong>de</strong> mon<br />
ouverture d'esprit sont un éclatant témoignage <strong>de</strong> ma constante<br />
fidélité au dialogue. De plus, notamment dans mon <strong>de</strong>rnier livre<br />
d'<strong>histoire</strong>, je tresse longuement <strong>de</strong>s couronnes aux multiples<br />
aspects du nouveau regard jeté par l'Eglise sur les juifs que je<br />
présente comme l'une <strong>de</strong>s révolutions les plus significatives <strong>de</strong><br />
l'<strong>histoire</strong> juive contemporaine.<br />
Dans mon esprit, cela va sans dire. Cependant, quelques amis<br />
chrétiens semblent redouter que mes prises <strong>de</strong> position<br />
constituent un coup <strong>de</strong> canif dans le contrat <strong>de</strong> confiance si<br />
manifestement établi entre juifs et chrétiens. D'où mes précisions.<br />
Ce n'est pas le chrétien Lustiger que je conteste, mais son rapport<br />
à la judéité. Ce rapport pose <strong>de</strong> très fondamentales questions<br />
qui me contraignent à élargir le débat, non sans répondre<br />
préalablement aux légitimes interrogations que vous m'adressez,<br />
avec, au <strong>de</strong>meurant, une amicale courtoisie dont je vous<br />
sais gré.<br />
1) S'agissant <strong>de</strong>s réactions juives. Elles relèvent<br />
manifestement davantage du " politiquement correct " que du<br />
débat d'idées. Elles émanent généralement <strong>de</strong> personnalités<br />
juives agnostiques ou ignorantes, souvent les <strong>de</strong>ux à la fois,<br />
Cardinal Lustiger<br />
© Melanie FREY / Fe<strong>de</strong>photo<br />
DOSSIER<br />
le même pays, d'autres si, qui<br />
ont même fait <strong>de</strong> l'événement<br />
une clé pour lire l'i<strong>de</strong>ntité<br />
nationale.<br />
Ceci dit, je ne pense pas<br />
que la position du cardinal<br />
soit au- <strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> toute<br />
critique possible. En ignorant<br />
les ruptures, acrimonies et<br />
exclusions <strong>de</strong> l'<strong>histoire</strong>, en se<br />
plaçant au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> celle-ci,<br />
dans une position que l'on<br />
pourrait dire mystique ou<br />
eschatologique, il posait un<br />
témoignage mais il s'épargnait<br />
un travail d'examen critique<br />
du christianisme historique<br />
qui reste nécessaire. P.T<br />
PAR JOSY EISENBERG<br />
ainsi que <strong>de</strong> quelques rares rabbins, qui, eux, sont rarement<br />
agnostiques, mais chez lesquels l'esprit <strong>de</strong> concor<strong>de</strong> l'emporte<br />
inopinément sur l'esprit <strong>de</strong> vérité. A cela vient s'ajouter la<br />
légitime reconnaissance <strong>de</strong> divers milieux juifs, en général<br />
ar<strong>de</strong>nts défenseurs du <strong>de</strong>voir <strong>de</strong> mémoire, pour l'empathie que<br />
le cardinal manifesta pour tout ce qui touche à la Shoah et sa<br />
dénonciation sans équivoque <strong>de</strong> toute forme d'antisémitisme.<br />
J'ajoute qu'il ne faut pas confondre le judaïsme et les juifs,<br />
notamment les institutions qui sont censées les représenter. Pour<br />
la plupart, elles ont une vocation politique - défendre les juifs<br />
et Israël - ou communautaire. il s'agit alors d'œuvres caritatives,<br />
également d'inspiration laïque, mais dont les objectifs <strong>de</strong> charité<br />
et <strong>de</strong> solidarité expriment bien évi<strong>de</strong>mment <strong>de</strong>s valeurs<br />
fondamentales <strong>de</strong> la Torah. Quoi qu'il en soit, il faut toujours<br />
avoir à l'esprit qu'il existe, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> la foi, une sociologie<br />
juive et que ce qu'il est convenu d'appeler la judéité -<br />
l'appartenance au peuple ou à la communauté - n'a quelquefois<br />
que <strong>de</strong> très lointains rapports avec la théologie.<br />
1) S'agissant <strong>de</strong> la double appartenance. Elle a d'une part<br />
été rendue impossible par un double phénomène <strong>de</strong> rejet mutuel<br />
au début <strong>de</strong> l'ère chrétienne et <strong>de</strong> l'autre par une rupture<br />
hautement affirmée tant du côté juif que du côté chrétien. Je<br />
vous renvoie à l'immense littérature historique parue sur ce<br />
Ce n'est pas le chrétien Lustiger<br />
que je conteste, mais son rapport<br />
à la judéité.<br />
sujet. Notamment <strong>de</strong>ux sommes récentes tout à fait<br />
remarquables : <strong>de</strong> Dan Joffé " Le judaïsme et l'avènement du<br />
christianisme " (Cerf) et <strong>de</strong> Jean Hirsh " Regard talmudique sur<br />
la condition chrétienne " (Connaissances et Savoirs). Enfin, les<br />
plus éminents représentants <strong>de</strong> la foi juive, <strong>de</strong>puis le Talmud<br />
jusqu'aux plus grands rabbins contemporains en passant par<br />
les théologiens juifs du Moyen-âge ont affirmé avec force qu'on<br />
ne pouvait être à la fois juif et chrétien.<br />
INFORMATION JUIVE Décembre 2007 9