histoire - Consistoire de Paris

y renoncer car il a contracté la tuberculose. Mais son projet
le poursuit : en Algérie où il séjourne pour sa santé, il pratique
l'hébreu avec les juifs locaux, dans un café du Boulevard
Montmartre il soutient une longue conversation en hébreu
avec un voyageur venu de Jérusalem.
Déjà il décide de rassembler tous les mots usuels dans un
dictionnaire qu'il veut appeler milon. C'est à Jérusalem où
Eliézer, qui a pris le patronyme de Ben Yehuda, s'installe en
1881 avec sa jeune épouse, que commence véritablement son
action et se crée sa légende. Infatigable défenseur de son
projet, il s'y emploie par tous les moyens à sa disposition. Il
enseigne l'hébreu en hébreu dans l'école de l'Alliance à
Jérusalem. Il publie un journal dans un hébreu puisé à toutes
les couches historiques de la langue, en recourant à des
termes de sa création quand les mots lui manquent. Il
s'entretient en hébreu avec un groupe d'amis et s'efforce de
mettre sur pied avec eux, dès 1890, un Comité de la langue,
chargé de pourvoir aux lacunes du vocabulaire et de trancher
les incertitudes de la prononciation. Il s'attelle à la tâche d'un
vaste dictionnaire historique (sept volumes sur seize seront
publiés de son vivant). C'est surtout son expérience familiale
qui contribue à la création de sa légende. Son fils aîné, Ben
Sion (qui prit plus tard le nom d'Ithamar Ben Avi 1 ), sera le
premier enfant qui n'aura pas entendu parler d'autre langue
que l'hébreu dès le berceau.
Ce petit homme à bésicles, frêle et sec, qui lutta plus de
trente ans contre la tuberculose qui le minait, avait une volonté
d'acier et une ardeur com-municative. Mais que peut un seul
homme ? Il ne suffit pas de vouloir, il faut qu'un projet
réponde aux besoins du moment. Or c'était le cas. Les jeunes
HISTOIRE
pionniers des nouveaux villages agricoles avaient maintenant
des enfants et n'envisageaient pas de les élever dans des
langues qui évoquaient "l'amer exil". L'hébreu représentait la
solution, même si les maîtres manquaient de tout -
Son fils aîné sera le premier enfant
qui n'aura pas entendu parler d'autre
langue que l'hébreu dès le berceau.
d'expérience, de manuels et surtout de mots. Les besoins
s'accentuèrent après 1903, avec la seconde aliya. C'est alors
que le Comité de la langue put commencer à remplir sa
mission. Déjà une nouvelle génération était at tachée à
l'hébreu : en 1914, quand il fut question de créer à Haïfa un
grand établissement scientifique (le futur Technion) où
l'enseignement se ferait en allemand, il y eut des
manifestations de rue.
En 1922, quand la SDN confia à la Grande-Bretagne un
mandat sur l'ancienne Palestine ottomane, l'hébreu était si
bien entré dans l'usage qu'on dut l'admettre comme langue
officielle du pays à côté de l'anglais et de l'arabe.
Eliézer Ben Yehuda mourut le premier jour de Hanoucca
de cette même année. Son rêve avait commencé à se réaliser
de son vivant.
(1) Avi "mon père" est formé des initiales d'Eliézer Ben Yehuda.
*Mireille Hadas-Lebel est professeur à la Sorbonne
INFORMATION JUIVE Décembre Novembre 2007 37