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L'ALGÉRIE FRILEUSE, SARKOZY SE VOILE LA FACE

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COMMÉMORATION DU 50 e ANNIVERSAIRE DES ACCORDS D’ÉVIAN EN FRANCE<br />

Le président Sarkozy<br />

à contre-courant de l’histoire<br />

● Il n’y aura pas de commémoration officielle du 50 e anniversaire des Accords d’Evian en France<br />

● Ainsi en a décidé le président Sarkozy, cédant au lobby des ultras rapatriés, minoritaires mais très actifs et introduits jusqu’au plus haut de<br />

l’Etat français, à un mois du premier tour de l’élection présidentielle.<br />

M<br />

Paris<br />

De notre correspondante<br />

arc Laffineur, secrétaire<br />

d’Etat auprès du ministre de<br />

la Défense et des Anciens<br />

combattants a, dans un communiqué<br />

rendu public vendredi, confirmé que<br />

l’Etat français n’organisera aucune<br />

commémoration nationale. C’était prévisible.<br />

«Si le 19 mars évoque la joie<br />

du retour des militaires français dans<br />

leurs familles, il marque également<br />

l’amorce d’un drame pour les rapatriés,<br />

contraints au déracinement, et le<br />

début d’une tragédie pour les harkis<br />

massacrés dans les semaines qui suivirent,<br />

au mépris des Accords d’Evian»,<br />

affirme-t-il. «La date officielle de<br />

l’hommage aux morts pour la France<br />

durant la guerre d’Algérie et les combats<br />

du Maroc et de Tunisie reste fixée<br />

au 5 décembre. Cette date résulte d’un<br />

large consensus obtenu en 2003 par la<br />

commission Favier, réunissant l’historien<br />

Jean Favier et les principales<br />

associations d’anciens combattants»,<br />

ajoute-t-il.<br />

Il est à préciser que, déjà le 29 janvier<br />

2012, devant des rapatriés partisans<br />

de «l’Algérie française», qui participaient<br />

au congrès annuel du Cercle<br />

algérianiste à Perpignan, le ministre<br />

de la Défense, Gérard Longuet, lut<br />

un message de Nicolas Sarkozy rédigé<br />

dans l’esprit de la loi du 23 févier<br />

2005 «portant reconnaissance de la<br />

nation(…) en faveur des Français<br />

rapatriés» et du discours de Toulon, le<br />

7 février 2007.<br />

Nicolas Sarkozy exclut dans son message<br />

que le 19 mars 1962 devienne une<br />

journée officielle de commémoration,<br />

comme le voudrait la FNACA, organisation<br />

progressiste d’anciens combat-<br />

J<br />

tants. «Je puis ainsi vous affirmer que<br />

le 5 décembre (correspondant à l’inauguration<br />

du mémorial de la Guerre<br />

d’Algérie et des combats du Maroc et<br />

de Tunisie par Jacques Chirac en 2002,<br />

ndlr) est et restera l’unique date de<br />

commémoration et d’hommage de la<br />

nation à tous ses enfants tombés pour<br />

la France en Afrique du Nord, avant et<br />

même après le cessez-le-feu.»<br />

M.Laffineur, en présentant ses vœux<br />

aux rapatriés le 31 janvier 2012 à Aixen-Provence,<br />

avait, lui aussi, affirmé<br />

que «le 19 mars ne peut pas être une<br />

commémoration» et que la date officielle<br />

de l’hommage national aux<br />

«morts pour la France» en Afrique du<br />

Nord restera le 5 décembre. Du côté<br />

des associations d’anciens combattants,<br />

le contentieux sur la date du 19 mars et<br />

sa commémoration n’est pas nouveau.<br />

Il oppose ceux qui ont retenu pour les<br />

commémorations annuelles la date du<br />

5 décembre et ceux qui, à l’instar de la<br />

FNACA (la plus importante, de sensibilité<br />

progressiste) depuis 1964, commémorent<br />

le 19 mars et le cessez-le-feu<br />

correspondant à la fin de la guerre.<br />

Selon une enquête réalisée par l’IFOP<br />

pour la FNACA, huit Français sur dix<br />

estiment justifié qu’une cérémonie du<br />

souvenir soit organisée à l’occasion du<br />

50 e anniversaire des Accords d’Evian,<br />

de la fin de la guerre et du cessez-le-feu<br />

du 19 mars 1962, et 84% sont pour la<br />

date du 19 mars et non pour celle du<br />

5 décembre.<br />

«Une mémoire officielle de la guerre<br />

d’Algérie s’écrit en ce moment sous<br />

l’influence d’anciens ultras de l’Algérie<br />

française », dénonce l’Association<br />

nationale pour la protection de la mémoire<br />

des victimes de l’OAS (Anpromevo),<br />

qui signale qu’une réunion s’est<br />

tenue le 22 février entre, d’une part,<br />

Suite de la page 1<br />

e pense également aux harkis, condamnés par l’Algérie et<br />

rejetés par la France, qui ont enduré un interminable cal-<br />

vaire et ont été abandonnés dans des camps qui devaient<br />

être provisoires. La France leur doit le respect et la reconnaissance<br />

de son abandon.<br />

Je pense aux familles rapatriées d’Algérie, déracinées, qui<br />

ont emporté avec elles une partie de leur vie et une mémoire<br />

douloureuse, encore vive aujourd’hui. Elles ont transmis à<br />

leurs enfants le souvenir de leur terre natale, où ils ne sont<br />

pour beaucoup jamais retournés. Elles ont droit au respect de<br />

la nation. Je pense aux immigrés algériens qui vivent dans no-<br />

El Watan - Lundi 19 mars 2012 - 2<br />

L’ACTUALITÉ<br />

l’ancien préfet Christian Frémont, directeur<br />

de cabinet du président Sarkozy,<br />

assisté de Renaud Bachy, président<br />

de la mission interministérielle aux<br />

rapatriés, et, d’autre part, les représentants<br />

des courants les plus radicalement<br />

revanchards de la colonisation, mais en<br />

l’absence de délégués des harkis. «Lors<br />

de cette rencontre, M. Frémont se serait<br />

notamment engagé à ce que l’Etat ne<br />

soit pas représenté, le 19 mars 2012,<br />

lors des cérémonies commémoratives<br />

de l’entrée en vigueur des Accords<br />

d’Evian ; une circulaire devrait être<br />

adressée aux membres du corps préfectoral,<br />

les appelant à se détourner de ces<br />

manifestations patriotiques», souligne<br />

l’Anpromevo. Et «ainsi, l’Etat n’hésite-t-il<br />

pas à s’inscrire à contre-courant<br />

de l’histoire et à limiter l’exercice du<br />

droit au souvenir en cette année annoncée<br />

comme étant celle des grands<br />

rendez-vous mémoriels». «Le directeur<br />

de cabinet de M. Sarkozy se serait également<br />

ému que des colloques puissent<br />

être envisagés, en ce mois de mars, sur<br />

des sujets rigoureusement neutres tels<br />

que ’Les Accords d’Evian : la paix en<br />

Algérie ?’ ou ’50 ans après, sortir de la<br />

guerre d’Algérie : regards croisés, regards<br />

apaisés’’», ajoute l’Anpromevo.<br />

«DISCOURS INSIDIEUX»<br />

«D’anciens ultras imposent aux pouvoirs<br />

publics complaisants une écriture<br />

et une mémoire partisanes de la guerre<br />

d’Algérie», indique pour sa part Jean-<br />

Philippe Ould Aoudia, président de<br />

l’association des Amis de Max Marchand,<br />

de Mouloud Feraoun et leurs<br />

compagnons. Et à propos du colloque<br />

d’Evian des 17 et 18 mars : «Serait-il<br />

interdit à des historiens, enseignants<br />

dans des universités, d’essayer de répondre<br />

à une question historique, dès<br />

tre pays, qui partagent son histoire et qui ont vécu la tragédie<br />

du conflit jusque sur le sol français. En me rendant, il y a quelques<br />

mois sur le pont de Clichy pour le 50e anniversaire du<br />

17 Octobre 1961, j’ai voulu rappeler ce jour où des Algériens,<br />

qui manifestaient pacifiquement, ont été tués. Aux enfants de<br />

ces immigrés, qui se sont sentis exclus de la communauté nationale<br />

du fait des déchirures du passé, je dis qu’ils ont toute<br />

leur place dans l’histoire de notre pays.<br />

Je pense enfin aux stigmates laissés par la violence de la<br />

guerre, à la souffrance des familles des Français et des Algériens<br />

qui ont laissé leur vie, y compris après le cessez-le-feu.<br />

Mais pour que cette histoire entre de manière apaisée dans<br />

notre passé, un travail de mémoire est nécessaire. La guerre<br />

d’Algérie, sombre période de la conscience nationa1e, sort<br />

C’est par la bouche de Marc Laffineur que l’Etat français confirme ne pas<br />

commémorer le 19 Mars<br />

lors que celle-ci concerne l’écriture<br />

de la Guerre d’Algérie ? Les partisans<br />

de la colonisation auraient-ils l’exclusivité<br />

de la vérité sur cette période de<br />

l’histoire de France ?»<br />

Jacques Pradel, président de l’Association<br />

nationale des pieds-noirs<br />

progressistes et de leurs amis, qui vit<br />

à Marseille, conteste aux associations<br />

de nostalgiques de l’Algérie française<br />

le droit de s’exprimer au nom de tous<br />

les rapatriés : «La date retenue du 5<br />

décembre ne correspond à rien. Les<br />

pieds-noirs de droite et d’extrême<br />

droite se mobilisent contre le 19 mars<br />

pour des raisons politiques et revanchardes.<br />

Ils s’appuient sur une réalité<br />

indéniable : après cette date, des assassinats<br />

ont continué. Mais qu’on le<br />

veuille ou non, les Accords d’Evian ont<br />

été signés un 19 mars. C’est l’histoire»<br />

(dans un entretien à la Marseillaise). Et<br />

d’ajouter : «On ne fête pas l’arrachement,<br />

l’exode, le départ. En revanche,<br />

on peut commémorer la victoire contre<br />

le colonialisme, car la lutte du peuple<br />

UNE TRIBUNE DE FRANÇOIS HOL<strong>LA</strong>NDE POUR EL WATAN<br />

«Une repentance jamais formulée»<br />

algérien pour son émancipation était<br />

une lutte juste. Nous participerons dans<br />

cet esprit à des initiatives qui sont en<br />

préparation. L’une de nos priorités est<br />

d’œuvrer au rapprochement des peuples<br />

français et algérien.»<br />

La LDH demande aux autorités françaises<br />

d’abandonner «le discours insidieux»<br />

tenu depuis l’élection de Nicolas<br />

Sarkozy sur «le refus de la repentance»<br />

et l’éloge de «l’œuvre civilisatrice» de<br />

la colonisation, pour formuler une «véritable<br />

reconnaissance des injustices<br />

fondamentales» qui ont marqué cette<br />

époque. «Seule une telle reconnaissance<br />

permettra, enfin, de tourner cette<br />

page tragique de notre histoire et de<br />

construire, avec les peuples du sud de<br />

la Méditerranée, un avenir de paix et<br />

de progrès.» Est-il besoin de rappeler<br />

qu’il a fallu attendre 1999, soit 45 ans<br />

après son déclenchement, pour que le<br />

terme «guerre d’Algérie» soit reconnu<br />

par l’Etat français ?<br />

Nadjia Bouzeghrane<br />

ainsi des turbulences passionnelles et du traumatisme collectif<br />

pour s’offrir, enfin, à l’examen de l’historien. Les jeunes<br />

générations font déjà la France et l’Algérie de demain, et<br />

n’ont aucune responsabilité dans l’affrontement d’hier, peuvent<br />

ainsi lire cette page avec méthode, loin du bruit et de la<br />

fureur longtemps entretenus par leurs aînés, acteurs de cette<br />

histoire. La France et l’Algérie ont un travail commun à mener<br />

sur le passé pour en finir avec la «guerre des mémoires». Pour<br />

passer à une autre étape afin d’affronter les défis communs<br />

en Méditerranée. Pour que l’avenir se construise ensemble.<br />

Nous avons tant de choses utiles et belles à faire dans une<br />

même perspective. Celle du respect mais aussi du dépassement.<br />

François Hollande<br />

PHOTO : D. R.

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