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L'ALGÉRIE FRILEUSE, SARKOZY SE VOILE LA FACE

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La chaîne franco-allemande<br />

Arte brise le carcan<br />

d’un 50e anniversaire qui<br />

commençait à sentir la suffisance<br />

du correctement pensé. Le 19<br />

Mars prend enfin son sens ; avec<br />

le documentaire Palestro-Algérie :<br />

histoire d’une embuscade, on<br />

pénètre enfin dans les<br />

soubassements de la volonté de<br />

soulever le joug colonial.<br />

Lyon<br />

De notre correspondant<br />

I l<br />

faut rendre hommage à l’universitaire<br />

Raphaëlle Branche d’avoir mis<br />

du corps à son étude L’embuscade<br />

de Palestro, paru en France en 2010, aux<br />

éditions Armand Collin, et publiée en<br />

2011 en Algérie aux éditions Casbah.<br />

Avec l’appui du documentariste Rémi<br />

Lainé, elle a transcrit en documentaire<br />

le fait guerrier, fruit de ses recherches.<br />

Le 18 mai 1956, vingt militaires français<br />

tombent dans une embuscade montée par<br />

des maquisards d’Ali Khodja, l’un des<br />

jeunes chefs de l’ALN, sur les hauteurs<br />

des gorges de Palestro. Ce sont des rappelés,<br />

ouvriers et pères de famille. Les<br />

corps des soldats sont retrouvés mutilés.<br />

L’embuscade suscite une émotion considérable<br />

en France et peut être considérée<br />

comme un tournant dans la répression<br />

française : passage à tabac de suspects<br />

A<br />

l’occasion du cinquantième anniversaire de la<br />

fin de la guerre de Libération, le réseau Paix et<br />

développement algérien et le Mouvement de la paix<br />

français espèrent déterrer le projet du traité d’amitié<br />

entre l’Algérie et la France. Une pétition a été lancée<br />

à cet effet, proposant aux citoyens des deux pays<br />

d’asseoir des projets communs. «Si l’anniversaire<br />

de la fin de la guerre d’Algérie doit donner lieu bien<br />

évidemment à un retour sur l’histoire ainsi qu’à une<br />

condamnation sans équivoque du colonialisme, il<br />

doit aussi être orienté vers l’avenir», est-il noté dans<br />

un communiqué parvenu à notre rédaction.<br />

«Face aux initiatives de l’OTAN pour dominer et<br />

militariser encore plus l’espace euro-méditerranéen,<br />

la France et l’Algérie devraient s’inspirer de ce type<br />

d’actions mises en œuvre par leurs citoyens pour<br />

mettre en œuvre des politiques de nature à construire<br />

un espace euro-méditerranéen de paix et de fraternité»,<br />

soulignent-ils dans un communiqué parvenu<br />

à notre rédaction. Les deux associations mettent<br />

en exergue les actions communes initiées ces dix<br />

dernières années. Elles citent notamment la participation<br />

de cinq enseignantes algériennes au colloque<br />

mondial des éducateurs de la paix à l’Unesco à<br />

l’invitation du Mouvement de la paix, l’accueil en<br />

France de la caravane des associations algériennes,<br />

le stage de formation au montage de projets à Rennes<br />

pour dix femmes algériennes ayant des responsabilités<br />

associatives en Algérie ainsi que la création d’une<br />

coopérative d’apicultrices près de Boumerdès.<br />

«Grâce à l’aide de militants syndicaux, de militantes<br />

féministes et de journalistes en Algérie, nous avons<br />

rencontré pendant 10 jours un peuple debout, luttant<br />

contre le terrorisme islamiste pour garder les acquis<br />

de la révolution de 1988», témoignent les membres<br />

du Mouvement pour la paix.<br />

Il est à rappeler que le projet d’un traité d’amitié<br />

entre l’Algérie et la France avait été lancé à la suite<br />

de la «Déclaration d’Alger» cosignée le 2 mars 2003<br />

par le président Abdelaziz Bouteflika et son homo-<br />

arrêtés, exécutions sommaires, déplacement<br />

de populations. Raphaëlle Branche<br />

ne se contente pas des faits. Elle a tenté de<br />

lire derrière l’évidence, autopsiant la réalité<br />

et remontant jusqu’à l’origine de cette<br />

violence : la conquête et le déni d’existence<br />

des tribus qui possédaient cette<br />

région. Pour elle, le projet était d’abord de<br />

ne pas faire «un énième documentaire sur<br />

la guerre d’Algérie, mais un film qui restitue<br />

la guerre dans son contexte colonial,<br />

ce qui est le projet de mon livre». Le film<br />

démontre, grâce à des nombreux témoignages<br />

d’anciens combattants algériens,<br />

dont celui du commandant Azzedine, que<br />

les mutilations des corps de jeunes soldats<br />

n’étaient pas le fait des moudjahidine<br />

d’Ali Khodja. Pour lui, les opérations<br />

étaient toujours rapides. Tuer, prendre les<br />

habits et les armes des soldats et fuir sans<br />

s’attarder. Les habitants des lieux se sont<br />

donc vengés sur les malheureux. Mais<br />

pourquoi ? Le documentaire remonte à<br />

l’établissement du village colonial de Palestro<br />

sur les terres des tribus locales. En<br />

1871, alors qu’est lancée l’insurrection<br />

des chouyoukh Mokrani et Haddad, le<br />

village colonial est attaqué par les Algériens<br />

qui tuent des dizaines de colons. Un<br />

monument sera érigé, peu avant 1880, par<br />

les autorités locales pour leur rendre hommage.<br />

Un paradoxe dont l’histoire est<br />

friande. Le monument fige en effet dans<br />

la pierre la vérité historique de la lutte<br />

à mort entre coloniaux et colonisés, qui<br />

logue Jacques Chirac. Dans l’euphorie d’une visite<br />

triomphale du chef de l’Etat français et au lendemain<br />

de la réélection de son pair algérien, il s’agissait<br />

d’engager les deux Etats et les deux peuples dans un<br />

«partenariat d’exception», sur le modèle de celui qui<br />

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El Watan - Lundi 19 mars 2012 - 4<br />

L’ACTUALITÉ<br />

DEMAIN SOIR SUR <strong>LA</strong> CHAÎNE ARTE<br />

«On ne peut séparer la guerre<br />

d’Algérie du contexte colonial»<br />

aboutira au 1er novembre 1954 et à l’indépendance<br />

de 1962. «Dans ce lieu il y a<br />

eu énormément de violence au XIX e siècle<br />

et cela les Français ne l’ignoraient pas»,<br />

précise Raphaëlle Branche. La réalité de<br />

l’écrasement d’un peuple est démontrée.<br />

Au lendemain de 1871, le séquestre de<br />

surfaces de plus en plus importantes a<br />

appauvri les Algériens. Sur les terres agricoles<br />

volées, leurs légitimes propriétaires<br />

devenant les ouvriers des colons. Les<br />

poèmes colportés de génération en génération,<br />

les chants, révèlent cette blessure<br />

que 1962 cautérisera. Le documentaire,<br />

comme le livre qui l’avait précédé «reconstitue<br />

l’événement du XX e siècle dans<br />

la continuité du XIX e siècle. Les témoins,<br />

acteurs de la situation au XX e siècle portent<br />

aussi la mémoire du passé lors de la<br />

colonisation». Un film complexe et clair<br />

comme l’eau de la rivière qui serpente<br />

dans les gorges de Palestro : «Le projet<br />

n’était pas de raconter un lieu dans toute<br />

sa dimension, mais qu’on ne peut pas<br />

comprendre la guerre d’Algérie si on ne<br />

regarde pas l’histoire coloniale.» Autant<br />

dire que la guerre a duré 132 ans.<br />

Walid Mebarek<br />

* A voir mardi soir à 22h30 sur Arte.<br />

Sur la même chaîne, le deuxième volet<br />

de Karambolage, dimanche 25 mars à<br />

20h, avec l’écrivain Boualem Sansal.<br />

ALGÉRIE-FRANCE<br />

Des associations se mobilisent<br />

pour faire renaître le traité d’amitié<br />

a rapproché la France et l’Allemagne en 1963. Puis<br />

vint le temps des reproches et des crispations : d’un<br />

côté Alger conditionne la signature de ce traité par la<br />

reconnaissance officielle des crimes coloniaux, de<br />

l’autre, Paris introduit dans sa législation un article<br />

TROIS QUESTIONS<br />

À RAPHAËLLE BRANCHE<br />

«Des témoins algériens<br />

exceptionnels»<br />

En tant qu’universitaire, chercheur<br />

au CNRS, quels sentiments<br />

a-t-on lorsqu’on réussit à mettre<br />

en images son travail de recherche<br />

?<br />

Un sentiment à la hauteur de l’angoisse<br />

qu’on avait. J’étais d’abord<br />

persuadée que cela serait décevant,<br />

parce qu’effectivement des images,<br />

ce ne sont pas des mots, où il faut<br />

beaucoup simplifier. En fait non !<br />

La force des témoins, le plaisir de<br />

rencontrer d’autres gens que je<br />

n’avais pas rencontrés pour le livre,<br />

des témoins algériens exceptionnels,<br />

cela a été un vrai bonheur. Après,<br />

on a pu aller plus loin dans le film<br />

sur certains domaines, sur l’école à<br />

l’époque coloniale et l’inégalité. Ce<br />

sont les témoins qui nous ont apporté<br />

ce regard, ils ont dit la souffrance<br />

de ne pas être allés à l’école. Au<br />

bilan, c’est une bonne expérience<br />

qui apporte beaucoup. On a fait un<br />

travail d’équipe, ce qui est plutôt<br />

bien, car la recherche universitaire<br />

est un travail solitaire.<br />

Allez-vous récidiver sur un<br />

autre sujet ?<br />

Là, c’était un film basé sur des<br />

années de travail, un sujet sur lequel<br />

j’avais une connaissance précise.<br />

Les images c’est très sérieux, des<br />

documentaires qu’on a vus à la télévision<br />

ne sont pas aussi sérieux et<br />

cela me choque beaucoup. Si je fais<br />

un autre film sur un thème où j’ai la<br />

compétence, je voudrais être aussi<br />

sûre sur ce qu’on a mis dedans, aussi<br />

sûre que je l’étais sur celui-là. Je le<br />

ferai volontiers, mais cela prendra<br />

des années.<br />

Sur quoi travaillez-vous actuellement<br />

?<br />

Sur le maquis algérien, toujours.<br />

J’aimerais avoir plus de temps pour<br />

me rendre en Algérie, là où l’ALN a<br />

fait des prisonniers français, en croisant<br />

enquête orale, côté prisonnier et<br />

côté algérien, des maquisards. Un livre<br />

sortira, mais pas avant deux ans.<br />

W. M.<br />

de loi (dit du 23 février 2005) glorifiant le colonialisme.<br />

Après maintes tergiversations, les responsables<br />

des deux pays se sont entendus sur le fait qu’ils<br />

n’étaient pas encore prêts pour la construction d’un<br />

avenir partagé. Amel Blidi

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