10 LONGUEUR D’ONDES N°66
11 LONGUEUR D’ONDES N°66 DJ ClicK the Darjeeling limited La culture tzigane, nomade, habite <strong>le</strong> patron du label sans frontières No Fridge depuis dix ans. Pour son troisième album, DJ ClicK s’est directement rendu aux sources de l’âme rom, dans <strong>le</strong>s lointaines contrées du Rajasthan. quel était ton objectif quand tu as démarré ce projet ? J’ai toujours voulu faire ce sty<strong>le</strong> de rencontre, de son, de production, mais je n’ai trouvé l’occasion qu’en 2009 lors d’une mini-tournée en club à Delhi. Les retours positifs du public m’ont motivé pour revenir avec toute l’équipe, aux sources de la musique tzigane. Comment s’est passée la rencontre avec ces musiciens ? Les as-tu tous rencontrés sur place, en Inde ? J’avais déjà croisé Amrat Hussain en France en 2009. Je lui avais parlé de créer une rencontre entre mes musiciens gitans roumains (<strong>le</strong> groupe Tziganiada) et sa famil<strong>le</strong>, basée à Jaipur, au Rajasthan. Le choc entre eux a été fulgurant. Au-delà de <strong>le</strong>urs différences de culture, de langue et de génération, ce sont des frères séparés depuis plus de mil<strong>le</strong> ans. Ils ont des mots et des notes en commun, des sty<strong>le</strong>s musicaux et de vie parfois incroyab<strong>le</strong>ment proches. Sur ce projet, quel<strong>le</strong> démarche musica<strong>le</strong> adoptes-tu : cel<strong>le</strong> d’un producteur, d’un ethnomusicologue ou d’un musicien en quête de collaboration ? Pas vraiment ethnomusicologue car je modernise énormément <strong>le</strong>s sources acoustiques que je rapporte en studio. Par contre, producteur à 100% : j’enregistre, je finance, je compose, j’arrange, je mixe, j’organise <strong>le</strong>s séances photos, l’artwork, <strong>le</strong>s tournées… what else ? Comment la rencontre entre musiques traditionnel<strong>le</strong>s et é<strong>le</strong>ctroniques a-t-el<strong>le</strong> été perçue au début du projet puis, à l’écoute du résultat ? C’est une des raisons majeures pour <strong>le</strong>squel<strong>le</strong>s je travail<strong>le</strong> avec des musiciens tziganes : ils sont toujours partants pour l’aventure musica<strong>le</strong> et apprécient en général plutôt bien la pulsion é<strong>le</strong>ctronique et ses nouvel<strong>le</strong>s possibilités. b DAMIEN BAUMAL | a ROCH ARMANDO Était-ce la première fois que tu partais sur place pour réaliser un album de rencontres ? Sur mon précédent album “Delhi to Sevilla”, en plus d’al<strong>le</strong>r en Inde, j’avais fait des séances studio en Espagne, en Italie et dans des villages rom de Bulgarie et Roumanie. Dernièrement, je me suis rendu à Fès (Maroc) et à Séoul (Corée du Sud) et je reviens tout juste d’Afrique du Sud ! Le voyage, <strong>le</strong> dépaysement, la langue, <strong>le</strong>s rapports humains… cela a-t-il modifié, sur place, ton rapport à la musique ? Pas vraiment. Je réfléchis souvent en tempo, contrairement à d’autres qui vont se ca<strong>le</strong>r en premier sur la tonalité et <strong>le</strong> mode. Parfois, une séance studio de 3h m’apporte tout ce que j’espérais enregistrer. D’autres fois il faut apprendre, échanger, répéter et ça peut prendre six jours, comme à Jaipur. D’où te vient cet intérêt pour la culture tzigane, toi qui était plus dans l’é<strong>le</strong>ctro à l’origine ? Cette culture m’est tombée dessus en 2002, moi <strong>le</strong> môme du 93. Ce n’était pas évident d’approcher une famil<strong>le</strong> tzigane avec <strong>le</strong>s machines à l’époque. Maintenant, tous <strong>le</strong>s musiciens ont des synthétiseurs, des cousins qui écoutent de la techno ou des DJ’s comme David Guetta. Penses-tu être arrivé au bout de ton voyage tzigane ou bien envisages-tu déjà une suite ? Je n’ai pas fini avec la musique tzigane, c’est même devenu très fort et de nombreuses collaborations sont encore possib<strong>le</strong>s. C’est un travail de fourmi, chaque région d’Europe de l’Est et du Sud regorge de mélodies, de groupes hallucinants, de voix magiques. Je marche au feeling. Je suis un DTT (DJ Tout-Terrain) ! i coup de chapeau “click here Jaipur” No Fridge / L’Autre Distribution Pas faci<strong>le</strong> de s’attaquer à un matériau aussi pur et ancestral que ces musiques du nord de l’Inde, à la source originel<strong>le</strong> de la culture rom. DJ ClicK y va donc avec délicatesse et respect, souvent discrètement et toujours intelligemment. Sa pulsion é<strong>le</strong>ctronique occidenta<strong>le</strong> s’invite sur Ajamal et Sanjan O et <strong>le</strong>ur donne une seconde nature dancefloor évidente. Plus loin, quelques petites touches sur In su monte e gonare suffisent pour moderniser, sans transformer, des sièc<strong>le</strong>s d’histoire. ClicK trouve ici l’équilibre parfait entre découverte musica<strong>le</strong> et réinterprétations, entre passé et présent.