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Quel rôle les femmes ont-elles joué pendant la Révolution Française ?

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<strong>Quel</strong> <strong>rôle</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>ont</strong>-el<strong>les</strong> <strong>joué</strong> <strong>pendant</strong> <strong>la</strong><br />

<strong>Révolution</strong> <strong>Française</strong> ?<br />

Théroigne de Méricourt<br />

Thérésa Cabarrus<br />

Avant <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong>, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> s<strong>ont</strong> d’éternel<strong>les</strong><br />

mineures, passant de <strong>la</strong> tutelle d’un père à celle de leur<br />

mari ou en cas de décès d’un homme de <strong>la</strong> famille,<br />

Les <strong>femmes</strong> <strong>ont</strong> <strong>joué</strong> un <strong>rôle</strong> important mais méconnu <strong>pendant</strong> <strong>la</strong><br />

<strong>Révolution</strong>. El<strong>les</strong> se s<strong>ont</strong> battues pour avoir des droits, être <strong>les</strong> éga<strong>les</strong><br />

des hommes.<br />

Olympe de Gouges s’est <strong>la</strong>rgement investie dans <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong>, elle avait<br />

des idées novatrices. Elle a repris <strong>la</strong> déc<strong>la</strong>ration des droits de l’homme<br />

et du citoyen en remp<strong>la</strong>çant hommes par <strong>femmes</strong> / citoyennes.<br />

Les <strong>femmes</strong> <strong>ont</strong> manifesté leur méc<strong>ont</strong>entement de différentes<br />

manières : cahiers de doléances, manifestations, club.<br />

Il est fort dommage qu’elle n’est pas obtenue <strong>la</strong> parité économique,<br />

sociale, mais surtout politique (ni électrice, ni éligible).<br />

Madame Rol<strong>la</strong>nd<br />

Olympe de Gouges


La société occidentale du 18ème siècle est chrétienne. Les mentalités s<strong>ont</strong> forgées sur des croyances anciennes, sur <strong>les</strong><br />

<strong>femmes</strong> notamment. Au 18ème siècle, même si <strong>la</strong> société chrétienne européenne a quelque peu changé depuis le Moyen-<br />

Age, il est des mythes qui <strong>ont</strong> <strong>la</strong> vie dure. Ainsi le mythe de <strong>la</strong> femme créée non en même temps que l'homme, mais à<br />

partir de <strong>la</strong> côte de l'homme (erreur de traduction côté / côte) Sur ce mythe repose l'essentiel de l’attitude des<br />

hommes à l'égard des <strong>femmes</strong> : <strong>la</strong> femme doit tout à l'homme, elle lui est soumise... Sans oublier que <strong>la</strong> femme est à<br />

l’origine du malheur du genre humain avec le pêché originel : car, n'est-ce pas, Eve qui, dans <strong>la</strong> mythologie judéochrétienne,<br />

incita Adam à manger le fruit interdit, <strong>la</strong> pomme de <strong>la</strong> connaissance du bien et du mal ?<br />

Femme faible de par sa constitution, femme tentatrice (créature du diable, sorcière), femme fatale, femme proche de<br />

l’animal avec ou sans âme (toujours moins é<strong>la</strong>boré que celle d’un homme), <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>, depuis <strong>les</strong> temps anciens, s<strong>ont</strong><br />

cause de nombreux malheurs. A <strong>la</strong> veille de <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> française, <strong>les</strong> mentalités n'<strong>ont</strong> pas vraiment évolué...Nombreux<br />

s<strong>ont</strong> ceux qui pensent qu’el<strong>les</strong> ne peuvent penser par el<strong>les</strong> mêmes.<br />

En 1789, lors des débats sur <strong>les</strong> conditions de formation des assemblées primaires, <strong>la</strong> question du droit de vote des<br />

<strong>femmes</strong> ne fut même pas soulevée à l'Assemblée Constituante. El<strong>les</strong> étaient naturellement évincées des droits civiques,<br />

sous le poids des préjugés sur <strong>la</strong> nature des <strong>femmes</strong> et de <strong>la</strong> perception de <strong>la</strong> fr<strong>ont</strong>ière entre espace privé et public,<br />

l'ordre des rapports naturels et sociaux. Citoyenne oui en tant que femme de citoyen.<br />

Les lieux communs sur <strong>la</strong> nature des <strong>femmes</strong> s<strong>ont</strong> nombreux. Littérature, philosophie et médecine <strong>ont</strong> croisé leurs approches<br />

afin de " naturaliser " à l'extrême <strong>la</strong> féminité : " constitution délicate ", " tendresse excessive ", " raison limitée ", " nerfs<br />

fragi<strong>les</strong> « (Hystérie ma<strong>la</strong>die mentale venant de l’utérus et donc ne pouvant toucher que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>)… L'accent est mis sur<br />

l'infériorité intellectuelle et physique de <strong>la</strong> femme. Diderot, dans son essai de 1772 Sur <strong>les</strong> Femmes, note que l'exaltation de <strong>la</strong><br />

beauté féminine et <strong>la</strong> célébration du sentiment amoureux ne s<strong>ont</strong> que l'envers de l'enfermement de <strong>la</strong> femme dans son infériorité<br />

physique (prise de conscience d’un homme de plus un philosophe).<br />

Les <strong>femmes</strong> ne s<strong>ont</strong> pas considérées comme de vrais individus pour <strong>les</strong> hommes de 1789.<br />

El<strong>les</strong> doivent se c<strong>ont</strong>enter d'une activité domestique, extérieure à <strong>la</strong> société civile, et s<strong>ont</strong> donc considérées comme des épouses,<br />

des mères et / des ménagères (selon le niveau de revenu), loin des fonctions socia<strong>les</strong> et politiques que certaines désirent. Cette<br />

identification de <strong>la</strong> femme à <strong>la</strong> communauté familiale dépouille <strong>la</strong> femme de son individualité. La femme est le principe spirituel<br />

(l'âme) du foyer, l'homme en est le principe juridique. Le cantonnement de <strong>la</strong> femme à <strong>la</strong> sphère privée s'accentue lorsque l'homme<br />

est reconnu dorénavant, avec <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong>, comme un sujet autonome, participant directement à <strong>la</strong> souveraineté politique : un<br />

citoyen.<br />

" En vérité, je suis bien ennuyée d'être une femme : il me fal<strong>la</strong>it une autre<br />

âme, ou un autre sexe, ou un autre siècle. Je devais naître femme spartiate<br />

ou romaine, ou du moins homme français. [...] Mon esprit et mon coeur<br />

trouvent de toute part <strong>les</strong> entraves de l'opinion, <strong>les</strong> fers des préjugés, et<br />

toute ma force s'épuise à secouer vainement mes chaînes. O liberté, idole des<br />

âmes fortes, aliment des vertus, tu n'es pour moi qu'un nom !"<br />

Mémoires de Madame Ro<strong>la</strong>nd - Jeanne-Marie ou Manon Philippon (1754-<br />

1793).


Les partisan de l’égalité politique<br />

Les partisans de l'égalité politique homme/femme ne s<strong>ont</strong> pas nombreux <strong>pendant</strong> <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong>.<br />

Leur but est de passer de <strong>la</strong> nature à <strong>la</strong> culture, à <strong>la</strong> société pour comprendre <strong>la</strong> femme et<br />

dénoncer comme de simp<strong>les</strong> préjugés <strong>les</strong> descriptions traditionnel<strong>les</strong> de l'être féminin que<br />

véhiculent toujours l’Eglise.<br />

Pou<strong>la</strong>in de <strong>la</strong> Barre : De l'égalité des sexes / De l'éducation des dames / De l'excellence<br />

des hommes<br />

Dès le XVIIème siècle, François Pou<strong>la</strong>in de <strong>la</strong> Barre écrit dans De l'égalité des deux sexes :<br />

"Tout ce qui a été écrit par <strong>les</strong> hommes sur <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> doit être suspect, car ils s<strong>ont</strong> à <strong>la</strong> fois<br />

juge et partie."<br />

« Nous sommes remplis de préjugés. […] De tous <strong>les</strong> préjugés, on n'en a point remarqué de plus<br />

propre que celui qu'on a communément sur l'inégalité des deux sexes ».<br />

« L’esprit n'a pas de sexe",<br />

Il se sert des ouvrages comme <strong>la</strong> Bible et <strong>les</strong> pères de l’Eglise qui <strong>ont</strong> servi et qui servent<br />

encore à dénigrer <strong>la</strong> femme, à <strong>la</strong> soumettre pour <strong>les</strong> détourner et défendre le second sexe voir<br />

même le sublimer.<br />

Le marquis de Condorcet<br />

Avec le marquis de Condorcet, le mouvement féministe trouve dès 1787 son avocat le plus<br />

convaincant mais aussi le plus décevant car il s’arrêtera aux bel<strong>les</strong> idées sans <strong>les</strong> concrétiser. Il<br />

ouvre une voie.<br />

« Je crois que <strong>la</strong> loi ne devrait exclure <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> d'aucune p<strong>la</strong>ce. […] Songez qu'il s'agit des<br />

droits de <strong>la</strong> moitié du genre humain". (C’est toujours le cas !!!!)<br />

Condorcet s’investit dans <strong>la</strong> cause de tous <strong>les</strong> opprimés (esc<strong>la</strong>ves, juifs, protestants…) et<br />

notamment celle des <strong>femmes</strong>. En 1789, il trouve une spécialité, à <strong>la</strong> Convention, dans<br />

l'éducation.<br />

D’après lui, l'inégalité des <strong>femmes</strong> se fonde sur le manque d'instruction d<strong>ont</strong> el<strong>les</strong> s<strong>ont</strong><br />

victimes. Condorcet ouvre ainsi <strong>la</strong> voie aux féministes du XIXème qui centrer<strong>ont</strong> leur lutte sur<br />

l'accession des fil<strong>les</strong> à l'instruction. Parallèlement à son combat pour l'instruction des <strong>femmes</strong>,<br />

Condorcet met l'accent sur leurs droits politiques . Les <strong>femmes</strong> doivent voter car aucune<br />

spécificité naturelle ne peut être une c<strong>ont</strong>re indication (telle une ma<strong>la</strong>die). Tous <strong>les</strong> féministes<br />

de <strong>la</strong> période révolutionnaire développent le même argument.


Les <strong>femmes</strong> dans <strong>la</strong> révolution en 1789<br />

Les militantes de 1789 s<strong>ont</strong> surtout des <strong>femmes</strong> du peuple, du tiers-état: tricoteuses, marchandes<br />

de hal<strong>les</strong> , pauvresses, révoltées c<strong>ont</strong>re <strong>la</strong> misère, <strong>les</strong> inégalités, l'insolence des deux ordres<br />

privilégiés. El<strong>les</strong> n’<strong>ont</strong> pas conscience d'un combat pour leurs droits de femme, el<strong>les</strong> réc<strong>la</strong>ment du<br />

pain, une vie moins dure, des impôts plus justes. Seu<strong>les</strong> quelques margina<strong>les</strong>, instruites, vite<br />

persécutées, donnent à leurs actes un dimension proprement féministe.<br />

Parmi ces militantes, on peut se pencher plus longuement sur une personnage que nous connaissons<br />

mieux, Marie Gouze, dite Marie-Olympe de Gouges, née en 1748 et guillotinée à Paris le 3<br />

novembre 1793 à 45 ans.<br />

C’est une femme de lettres française, devenue femme politique et polémiste.<br />

Auteure de <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration des droits de <strong>la</strong> femme et de <strong>la</strong> citoyenne, elle a rédigé de<br />

nombreux écrits pour <strong>les</strong> droits civils et politiques des <strong>femmes</strong> et l’abolition de l’esc<strong>la</strong>vage des<br />

Noirs.<br />

Elle est devenue le symbole des mouvements pour <strong>la</strong> liberté des <strong>femmes</strong>, pour l’humanisme en<br />

général.<br />

Fille d’un boucher, elle fut en quelques sortes une autodidacte toute sa vie (apprenant auprès<br />

de <strong>la</strong> gente masculine qu’elle fréquentera à Paris)<br />

Marie Gouze fut mariée entre 16 et 18 ans , puis eut un fils. Après le décès très précoce de<br />

son mari, elle prend conscience de <strong>la</strong> prison que représente le mariage et refusera toute<br />

nouvelle union officielle. A une époque où <strong>la</strong> femme n’existe qu’en tant qu’épouse et mère. Par<br />

ce refus, elle se marginalise, mais ne renoncera jamais à l’amour, Dans le même esprit, elle<br />

qualifie le mariage religieux de « tombeau de <strong>la</strong> confiance et de l’amour »<br />

Elle rejoignit sa sœur aînée à Paris. Au début de 1770, elle était à Paris avec son fils à qui<br />

elle fit donner une éducation soignée.<br />

A Paris elle renc<strong>ont</strong>ra un haut fonctionnaire de <strong>la</strong> marine, Jacques Biétrix de Rozières,<br />

directeur d’une puissante compagnie de transports militaires. Grâce au soutien financier de son<br />

compagnon, elle put mener un train de vie bourgeois.<br />

Grâce à sa bonne éducation et s'adapta aisément à l'élite parisienne. Dans <strong>les</strong> salons qu’elle<br />

fréquentait, elle fit <strong>la</strong> renc<strong>ont</strong>re d’ hommes de lettres, et elle s'essaya l'écriture. Elle aurait<br />

été <strong>la</strong> fille naturelle de Le Franc de Pompignan, dramaturge. Elle revendiquait l’héritage de son<br />

talent, mais ne partageait pas <strong>les</strong> idées de cet adversaire de Voltaire et des philosophes.


Miniature sur ivoire de<br />

Théroigne de Méricourt<br />

par : François Hippolyte<br />

DESBUISSONS<br />

(1745-1807)<br />

Née en 1762 près de Liège, de parents <strong>la</strong>boureurs, Anne Josèphe Terwagne dite Théroigne de<br />

Méricourt, mène une vie de mondaine qui <strong>la</strong> conduit d’Angleterre en Italie. Arrivée à Paris en juin 1789,<br />

elle est rapidement gagnée aux idées de <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> et s’y installe pour suivre <strong>les</strong> travaux de l’Assemblée, où<br />

elle fait son éducation politique, Elle tient, le soir venu, un salon, réservé aux hommes politiques. Vêtue en<br />

amazone (voir article diapo suivante) pour se donner une allure masculine, Théroigne devient une figure très<br />

popu<strong>la</strong>ire des tribunes publiques, qu’elle fréquente ardemment,<br />

Elle fonde en janvier 1790, le club des Amis de <strong>la</strong> Loi. Mais, trop élitiste, ce club, qui avait pour objectif de<br />

tenir le peuple informé des travaux de l’Assemblée, n’eut qu’une existence éphémère, et Théroigne tentera<br />

sans succès d’en fonder un autre, celui des Droits de l’homme.<br />

Pendant ce temps, <strong>les</strong> journaux royalistes mènent une campagne de dénigrement c<strong>ont</strong>re elle, l’accusant à tort<br />

d’avoir participé aux journées d’octobre. Un mandat d’arrêt est délivré c<strong>ont</strong>re elle en août 1790, alors qu’elle<br />

est rentrée en Belgique. Là, elle est soupçonnée de vouloir soulever <strong>la</strong> popu<strong>la</strong>tion c<strong>ont</strong>re l’empereur autrichien<br />

et donc de répandre <strong>les</strong> idées de <strong>la</strong> révolution française. A son retour à Paris en janvier 1792, elle est<br />

accueillie triomphalement.<br />

Elle s’engage vivement en faveur de <strong>la</strong> guerre, réc<strong>la</strong>me <strong>la</strong> chute de <strong>la</strong> royauté et prend une part active aux<br />

manifestations révolutionnaires, comme lors de l’assaut des Tuileries le 10 août 1792 qui consacre <strong>la</strong><br />

déchéance du roi. En 1793, elle prend parti pour <strong>les</strong> Girondins aux côtés de Brissot. En tant que partisane, elle<br />

est publiquement dénudée et fessée le 15 mai par des « citoyennes républicaines révolutionnaires » jacobines<br />

et sauvée in extremis par Marat. Mais cette humiliation, le sentiment que <strong>la</strong> révolution est ratée, elle tombe<br />

définitivement dans <strong>la</strong> folie (c’est pourquoi, elle n’est guillotinée comme Olympe de Gouges ou Mme Rol<strong>la</strong>nd).<br />

Elle sera internée dans un asile en 1795 où elle mourra à <strong>la</strong> Salpêtrière en 1817 sans avoir retrouvé <strong>la</strong> raison.<br />

Son héritage : Théroigne de Méricourt est l’une des figures féminines <strong>les</strong> plus accomplies de l’époque. Elle<br />

réc<strong>la</strong>mait le droit de voter à égalité des hommes et des <strong>femmes</strong> , de participer à <strong>la</strong> vie politique des clubs et<br />

assemblées, et celui de s’organiser en corps d’armée. Le but était de permettre aux <strong>femmes</strong> d’être des<br />

citoyennes à part entière et de sortir de <strong>la</strong> condition dans <strong>la</strong>quelle l’histoire des hommes <strong>les</strong> a enfermées.<br />

Mais, ce féminisme remettait en cause <strong>la</strong> supériorité de l’homme sur <strong>la</strong> femme, sa fonstion essentielle à <strong>la</strong><br />

survie de <strong>la</strong> société et c<strong>ont</strong>estait le <strong>rôle</strong> traditionnellement de <strong>la</strong> femme : épouse et mère. Citoyenne en tant<br />

que femme de citoyen. Tout ce<strong>la</strong> rendit Théroigne de Méricourt suspecte aux yeux des révolutionnaires,<br />

Afin de museler <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> comme el<strong>les</strong>, à l’automne 1793, toute activité politique féminine fut officiellement<br />

interdite, avec <strong>la</strong> fermeture des clubs de <strong>femmes</strong>. Ce changement d’attitude prouve que <strong>les</strong> révolutionnaires<br />

restent influencés par l’histoire et Rousseau où l’espace politique était réservé aux hommes, tandis que <strong>les</strong><br />

<strong>femmes</strong> devaient s’occuper de leur foyer.


LES AMAZONES de <strong>la</strong> REVOLUTION<br />

Ces françaises libres que l ’on a appelé amazones en référence au peuple mythologique de <strong>femmes</strong> guerrières<br />

utilisant <strong>les</strong> hommes comme esc<strong>la</strong>ves. Inquiétante, ridicule, l’image des <strong>femmes</strong> révolutionnaires armées de<br />

pique est en général mal vue. Femme masculinisée agressive ou guerrière factice, trop virile pour <strong>les</strong><br />

phallocrates (machos), trop patriote pour <strong>les</strong> féministes, L’amazone est souvent rangée parmi <strong>les</strong> figures<br />

typiques, amusantes de <strong>la</strong> révolution, Pourtant même si <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> n’<strong>ont</strong> pas eu un <strong>rôle</strong> militaire, le patriotisme<br />

féminin qui s’exerce avec ferveur à partir de 1792 (<strong>la</strong> patrie en danger). C’est une mobilisation réelle et <strong>la</strong><br />

vol<strong>ont</strong>é de participer, au côté des hommes, à <strong>la</strong> défense de <strong>la</strong> patrie et de <strong>la</strong> révolution menacées.<br />

Le 6 mars 1792, Pauline Léon (qui sera par <strong>la</strong> suite à <strong>la</strong> tête des républicaines révolutionnaires) adresse à<br />

l’assemblée une pétition signée par 300 <strong>femmes</strong> réc<strong>la</strong>mant le droit qu’a tout individu de pourvoir à <strong>la</strong> défense de<br />

sa vie et de sa liberté ». Ce<strong>la</strong> signifiait :<br />

« 1. La permission de nous procurer des piques, des pistolets et des sabres, même des fusils pour cel<strong>les</strong> qui en<br />

auraient <strong>la</strong> force de s’en servir, en nous soumettant au règlement de police ;<br />

2. De nous assembler <strong>les</strong> jours de fêtes et <strong>les</strong> dimanches au champ de <strong>la</strong> fédération ou autres lieux convenab<strong>les</strong><br />

pour nous exercer à <strong>la</strong> manœuvre desdites armes. »<br />

Cette requête reste sans réponse.<br />

Le 25 mars Théroigne de Méricourt appelle <strong>les</strong> citoyennes du faubourg St-Antoine à prendre <strong>les</strong> armes :<br />

« Armons-nous, nous en avons le droit par <strong>la</strong> nature et par <strong>la</strong> loi. M<strong>ont</strong>rons aux hommes que nous ne leur sommes<br />

inférieures ni en vertu, ni en courage. […]brisons nos fers ; il est temps que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> sortent de leur<br />

h<strong>ont</strong>euse nullité ou l’ignorance, l’orgueil ou l’injustice des hommes <strong>les</strong> tiennent asservies depuis si longtemps ».<br />

Son discours va sans doute trop loin pour l’époque. Elle n’arrivera pas à recruter son bataillon.<br />

Cette fureur patriote n’est pas réservée à une élite car « <strong>les</strong> lettres bougrement patriotiques de <strong>la</strong> mère<br />

Duchesne reflètent le même sentiment :<br />

« J’offre mes services à <strong>la</strong> nation en qualité de guerrière. Du premier cours de tambour, je prends <strong>les</strong> armes, je<br />

lève un escadron d’amazones, je me mets à leur tête, et le sabre à <strong>la</strong> main, j’enfonce <strong>les</strong> bataillons ennemis<br />

comme du beurre »<br />

De ce fait, après le 20 avril 1792, début de <strong>la</strong> guerre, des <strong>femmes</strong> s’en<strong>rôle</strong>nt individuellement, sans discours et<br />

tambours. El<strong>les</strong> partent se battre. El<strong>les</strong> s<strong>ont</strong> canonniers, grenadiers, soldats, plus rarement officiers. C’est le<br />

cas des sœurs Fernig, Nerwinde.<br />

D’autres se déguisent en hommes pour s’en<strong>rôle</strong>r, accompagnant parfois maris ou amis comme Rose Bouillon qui<br />

<strong>la</strong>issa au soin de sa mère ses deux enfants et rejoignit son époux comme vol<strong>ont</strong>aire.<br />

Extraits du livre « Citoyennes : <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> et <strong>la</strong> révolution française » de Annette Rosa aux éditions Messidor en 1989


Juana Maria Ignazia Thérésa Cabarrus<br />

Surnom : Notre-Dame de Bon Secours, puis Notre-Dame de<br />

Thermidor, mais aussi Notre-Dame de septembre<br />

Thérèsa Cabarrus, connue aussi sous le nom de son second<br />

époux Madame Tallien, née le 31 juillet 1773, dans un<br />

pa<strong>la</strong>is, près de Madrid, et morte le 15 janvier 1835. Elle a<br />

tenue de nombreux salons. De par ses idées et ses actes, elle<br />

a été une personnalité de <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> française.<br />

Partisane active des idées nouvel<strong>les</strong>, notamment <strong>la</strong> liberté<br />

d’expression permettant de débattre dans <strong>les</strong> salons, <strong>les</strong><br />

tribunes politiques. Elle doit se réfugier à Bordeaux dans <strong>la</strong><br />

famille de son père et parmi ses amis Girondins. Comme eux,<br />

elle est arrêtée, mais est libérée par Tallien (qui tombe<br />

amoureux d’elle). Grâce à son nouveau statut de compagne<br />

de Jean-Lambert Tallien, elle aide des centaines de<br />

prisonniers à échapper à <strong>la</strong> guillotine, protège des suspects<br />

(en pleine période de terreur c<strong>ont</strong>re Robespierre), d’où son<br />

surnom de « Notre-Dame de Bon Secours ».<br />

À nouveau emprisonnée, elle est en partie à l’origine du 9<br />

Thermidor an II (27 juillet 1794). Son amant, Jean-Lambert<br />

Tallien, parce qu'elle lui écrit qu'elle est condamnée, se<br />

décide à participer au coup d'État qui mettra fin à<br />

<strong>la</strong> Terreur en provoquant <strong>la</strong> chute de Robespierre. D’où son<br />

surnom de « Notre-Dame de Thermidor ». Elle se marie<br />

avec Tallien en 1794.<br />

Femme d'esprit, amie de nombres artistes elle tient un salon<br />

et devient une des reines des Merveilleuses et du Directoire,<br />

avec Joséphine de Beauharnais, future impératrice, épouse<br />

de Napoléon Ier.


Madame Rol<strong>la</strong>nd coiffée du<br />

bonnet girondin<br />

MADAME ROLAND — Jeanne-Marie ou Manon Philippon, Madame Ro<strong>la</strong>nd (1754-1793).<br />

elle s’enf<strong>la</strong>mma pour <strong>les</strong> idées nouvel<strong>les</strong> de <strong>la</strong> révolution et devint <strong>la</strong> première femme chef de parti<br />

celui des Girondins.<br />

Historienne et écrivain(e), elle avait avec son mari, Ro<strong>la</strong>nd de <strong>la</strong> P<strong>la</strong>tière (1734-1793), un même<br />

amour de <strong>la</strong> littérature et de <strong>la</strong> philosophie.<br />

Égérie du parti Girondin, son salon attirait, vers 1791, de nombreux hommes politiques d'extrême<br />

gauche comme Jacques-Pierre Brissot, Georges Danton, Fabre d'Ég<strong>la</strong>ntine,<br />

Maximilien Robespierre, Camille Desmoulins, marquis de Condorcet et François Nico<strong>la</strong>s Buzot, son<br />

admirateur éperdu d’amour.<br />

Manon décide, au début de <strong>la</strong> révolution, de faire un salon qui devient le rendez-vous de nombreux<br />

hommes politiques influents. Elle se retrouve de ce fait au centre des inspirations politiques et<br />

préside un groupe d’hommes de progrès. Grâce à ses re<strong>la</strong>tions au sein du parti girondin, Mr Ro<strong>la</strong>nd<br />

devient ministre de l’Intérieur début 1792. Manon suit son mari et va participer à ses décisions,<br />

Malgré <strong>la</strong> passion qui <strong>la</strong> lie à Nico<strong>la</strong>s Buzot, Manon reste fidèle à Ro<strong>la</strong>nd, ce « vénérable vieil<strong>la</strong>rd »<br />

qu’elle « aime comme un père ».<br />

Aux côtés de son mari, elle joue, au ministère de l’Intérieur, un <strong>rôle</strong> essentiel, rédigeant<br />

notamment <strong>la</strong> lettre dans <strong>la</strong>quelle Ro<strong>la</strong>nd demande au roi de revenir sur son veto (Louis XVI met<br />

son veto, a <strong>la</strong> déportation des prêtres réfractaires, et a <strong>la</strong> constitution d'un camp de vol<strong>ont</strong>aires<br />

aux portes de Paris, on surnommera Louis XVI Monsieur veto, il sera obligé de <strong>les</strong> retirés mais se<br />

sera une des causes de sa chute), lettre qui provoque son renvoi le 13 juin 1792,<br />

Lorsque son mari retrouve son portefeuille après le 10 août (prise des Tuileries), Manon dirige plus<br />

que jamais ses bureaux. Après <strong>les</strong> massacres de Septembre (du 2 au 6, <strong>les</strong> révolutionnaires<br />

massacrent <strong>les</strong> nob<strong>les</strong> emprisonnés, La rumeur parle de leur complot avec le roi et l’Autriche<br />

c<strong>ont</strong>re <strong>la</strong> révolution) qui <strong>la</strong> révoltent sans agir. Mais sa haine augmente de jour en jour<br />

c<strong>ont</strong>re Danton, d’où ses attaques de plus en plus violentes par Buzot. Sachant d’où viennent ces<br />

attaques, Danton s’écrit : « Nous avons besoin de ministres qui voient par d’autres yeux que ceux<br />

de leur femme ». Manon est furieuse. Les M<strong>ont</strong>agnards et donc Danton multiplient <strong>les</strong> attaques<br />

c<strong>ont</strong>re <strong>les</strong> Girondins et en particulier c<strong>ont</strong>re Mr Ro<strong>la</strong>nd surnommé « Coco Ro<strong>la</strong>nd », Manon<br />

devenant « Madame Coco » ou « <strong>la</strong> reine Coco ».<br />

Les girondins s<strong>ont</strong> arrêtés en masse, son mari et Buzot fuient mais Manon se <strong>la</strong>isse arrêter, Elle<br />

est sereine.<br />

Elle fut conduite à l'échafaud en compagnie de l'élite de son parti. La légende rac<strong>ont</strong>e que dans le<br />

chariot qui <strong>la</strong> mène à <strong>la</strong> guillotine, elle passe devant <strong>la</strong> statue de <strong>la</strong> liberté, installée là pour<br />

commémorer <strong>la</strong> prise des Tuileries, et elle dit « Ô Liberté, que de crimes on commet en ton nom ! »<br />

Prévenu, son époux ne put supporter une telle nouvelle et s'enleva <strong>la</strong> vie, sur le champ, Buzot<br />

l’apprit peu après et <strong>la</strong> rejoint dans l’autre monde.


REVENDICATIONS ET MOYEN D’EXPRESSION<br />

Les <strong>femmes</strong> <strong>ont</strong> de nombreuses attentes de <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> et expriment leurs revendications par des pétitions,<br />

adresses et cahiers de doléances.<br />

Leurs revendications portent sur des problèmes quotidiens, propres à toutes <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>, depuis <strong>la</strong> nuit<br />

des temps : absence d'instruction, mortalité en couches, droit d'exercer un métier, protection des<br />

travaux féminins (couturière, brodeuse…)<br />

Peu de revendications touchent aux droits politiques car rares s<strong>ont</strong> cel<strong>les</strong> qui <strong>ont</strong> conscience de leur<br />

importance.<br />

Les <strong>femmes</strong> de Provence protestent en 1789 c<strong>ont</strong>re <strong>la</strong> composition des Etats Généraux d<strong>ont</strong> el<strong>les</strong> s<strong>ont</strong> exclues.<br />

Réponse des députés : « ne s<strong>ont</strong>-ils pas, eux, <strong>les</strong> députés de tous et donc des <strong>femmes</strong> ? »<br />

Par un cahier de doléance, une madame du pays de Caux riposte " Etant dém<strong>ont</strong>ré avec raison qu'un noble ne<br />

peut représenter un roturier (membre du tiers-état), […] <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> ne pourraient donc être représentées que<br />

par des <strong>femmes</strong> "<br />

En plus de revendications écrites, el<strong>les</strong> revendiquent par l'action : <strong>les</strong> 5 et 6 octobre 1789 (<strong>les</strong> journées<br />

révolutionnaires), el<strong>les</strong> constituent l'essentiel du cortège de Versail<strong>les</strong> et pénètrent dans le château, réc<strong>la</strong>mant<br />

du pain , Mais el<strong>les</strong> ser<strong>ont</strong> à l’origine du rapatriement à Paris de <strong>la</strong> famille royale. Ju<strong>les</strong> Michelet dira :<br />

« Ce qu'il y a dans le peuple de plus instinctif, de plus inspiré, ce s<strong>ont</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>. […] Les hommes <strong>ont</strong> pris <strong>la</strong><br />

Bastille, et <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>ont</strong> pris le Roi »,<br />

Durant toute <strong>la</strong> période révolutionnaire, el<strong>les</strong> occupent <strong>la</strong> rue dans <strong>les</strong> insurrections, et appellent <strong>les</strong> hommes à<br />

l'action, en <strong>les</strong> traitant de lâches. Ainsi, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> entrent dans <strong>la</strong> sphère politique et y jouent un <strong>rôle</strong> actif.<br />

Mais dès que <strong>les</strong> associations révolutionnaires dirigent l'événement, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> s<strong>ont</strong> exclues des délibérations,<br />

du corps armé (garde nationale), des comités locaux et des associations politiques.<br />

Ne pouvant prendre part aux décisions des assemblées politiques, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> prennent p<strong>la</strong>ce dans <strong>les</strong> tribunes<br />

ouvertes au public. El<strong>les</strong> y reçoivent le surnom de " tricoteuses " (1795) : "Tricoteuses : C'est ainsi qu'on<br />

appe<strong>la</strong> <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> d'origine popu<strong>la</strong>ire qui suivaient en tricotant <strong>les</strong> séances de là Convention et apostrophaient<br />

<strong>les</strong> députés depuis <strong>les</strong> tribunes. El<strong>les</strong> se trouvaient aussi sur le chemin menant à l'échafaud et participaient aux<br />

"messes rouges", trempant leurs mouchoirs dans le sang des victimes. La plus célèbre des tricoteuses est<br />

Aspasie Carlemigelli qui fou<strong>la</strong> aux pieds le cadavre du député Féraud, massacré le 20 mai 1795..." (J. TULARD,<br />

J.F. FAYARD, A. FIERRO, Histoire et dictionnaire de <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> française, 1789 1799, Laff<strong>ont</strong>, Paris, 1987).<br />

Dans <strong>la</strong> mentalité popu<strong>la</strong>ire, ces tribunes <strong>ont</strong> une fonction politique capitale et y prendre p<strong>la</strong>ce signifie exercer<br />

une part de souveraineté.<br />

Les <strong>femmes</strong> se regroupent aussi en clubs à Paris et en province. El<strong>les</strong> y tiennent des séances régulières où<br />

el<strong>les</strong> lisent des lois et des journaux, discutent des problèmes politiques et s'occupent des tâches humanitaires.<br />

A partir de 1792, l'activité des clubs se durcit, et aux côtés de Jacobins (société politique modérée jusqu’en<br />

1792 et se renforce sous Robespierre. Le nom vient de l’ancien couvent qui <strong>les</strong> abritait). Ces clubs prennent part<br />

à <strong>la</strong> vie politique de leur région. Parmi <strong>les</strong> plus réputés à Paris on peut citer <strong>la</strong> Société Patriotique et de<br />

Bienfaisance des Amis de <strong>la</strong> Vérité (1791-1792). Fondé par Etta Palm d'Aedlers, ce club de <strong>femmes</strong> p<strong>la</strong>ide pour<br />

l'éducation des petites fil<strong>les</strong> pauvres puis réc<strong>la</strong>me le divorce et <strong>les</strong> droits politiques.<br />

Enfin, <strong>les</strong> salons, tenus par <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> des milieux dirigeants, tels ceux de Mme Ro<strong>la</strong>nd et de Mme de<br />

Condorcet, <strong>ont</strong> également <strong>joué</strong> un <strong>rôle</strong> important sous <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong>. Le salon est à <strong>la</strong> fois un espace privé<br />

et un espace public, lieu d'échange entre <strong>les</strong> sexes


La <strong>Révolution</strong> : un bi<strong>la</strong>n mitigé pour <strong>les</strong> <strong>femmes</strong><br />

Les <strong>femmes</strong> s<strong>ont</strong> exclues des débats politiques,<br />

La majeure partie des <strong>femmes</strong> actives au sein de <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> n'a pas conscience d'appartenir à une catégorie particulière.<br />

Mais <strong>les</strong> plus violentes de ces <strong>femmes</strong> f<strong>ont</strong> peur aux révolutionnaires.<br />

Lorsque le 18 novembre 1793 C<strong>la</strong>ire Lacombe pénétra au Conseil Général de <strong>la</strong> Commune de Paris à <strong>la</strong> tête d’un groupe de<br />

<strong>femmes</strong> très décidées et portant bonnet phrygien, le Procureur Général Chaumette leur en interdit l'accès par un discours<br />

misogyne.<br />

C’est par <strong>la</strong> suite que <strong>la</strong> Convention décréta l'interdiction de tous <strong>les</strong> clubs et sociétés de <strong>femmes</strong>.<br />

Cel<strong>les</strong> ci n'aur<strong>ont</strong> bientôt même plus le droit d'assister aux réunions politiques.<br />

La <strong>Révolution</strong> n'a absolument pas ouvert aux <strong>femmes</strong> le chemin de le citoyenneté.<br />

Pour <strong>les</strong> plus militantes, <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> est surtout une grande insatisfaction, el<strong>les</strong> <strong>ont</strong> l’impression d’un vol, on leur a dérobé<br />

leur révolution et leurs droits politiques. Tant d’espoir, tant d‘investissement pour être finalement dominées par l’autre sexe,<br />

dit le sexe fort.<br />

Pourtant, <strong>les</strong> hommes <strong>ont</strong> découvert que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> <strong>ont</strong> une p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> société. La <strong>Révolution</strong> a permis une remise en cause<br />

des rapports entre <strong>les</strong> sexes, et des questions jusque là impensab<strong>les</strong> <strong>ont</strong> été abordées, comme <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ce des <strong>femmes</strong> dans <strong>la</strong><br />

cité.<br />

Mais découvrir que <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> avaient une p<strong>la</strong>ce dans <strong>la</strong> société ne signifie pas leur donner cette p<strong>la</strong>ce.<br />

Jamais <strong>la</strong> possibilité de donner le droit de vote aux <strong>femmes</strong> n’est abordée. Par diverses mesures (interdiction des clubs<br />

de <strong>femmes</strong>, puis interdiction faite aux <strong>femmes</strong> d'entrer dans <strong>les</strong> tribunes, puis de se grouper à plus de cinq dans <strong>la</strong><br />

rue) prises par <strong>les</strong> révolutionnaires, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> se voient exclues des affaires politiques.<br />

Des avancées civi<strong>les</strong> mais toujours pas politiques<br />

Ce<strong>pendant</strong>, <strong>la</strong> <strong>Révolution</strong> a reconnu aux <strong>femmes</strong> une personnalité civile. El<strong>les</strong> s<strong>ont</strong> devenues des êtres humains à part<br />

entière. Avec <strong>la</strong> Déc<strong>la</strong>ration de 1789, <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> s<strong>ont</strong> libres de leurs opinions, de leurs choix et bénéficient de l'abolition des<br />

ordres, de <strong>la</strong> hiérarchie, de l'esc<strong>la</strong>vage. La Constituante favorise l'émancipation civile des <strong>femmes</strong> en décrétant l'égalité des<br />

droits aux successions.<br />

La Constitution de 1791 définit de façon identique pour <strong>les</strong> hommes et <strong>les</strong> <strong>femmes</strong> l'accession à <strong>la</strong> majorité civile.<br />

La <strong>Révolution</strong> délivre <strong>les</strong> jeunes fil<strong>les</strong> de <strong>la</strong> tutelle paternelle : cel<strong>les</strong> ci s<strong>ont</strong> désormais libres de se marier ou non, et<br />

d'épouser qui el<strong>les</strong> veulent.<br />

Les grandes lois de septembre 1792 sur l'état civil et le divorce traitent à égalité <strong>les</strong> deux époux.<br />

La femme mariée est délivrée de <strong>la</strong> tutelle maritale. La loi dit que le mariage se dissout par le divorce, soit par simple<br />

incompatibilité d'humeur, soit par consentement mutuel.<br />

La marche vers <strong>la</strong> citoyenneté complète : le suffrage universel masculin (sans <strong>les</strong> <strong>femmes</strong>)<br />

La <strong>Révolution</strong> ouvre l'accès aux droits politiques à un plus grand nombre. Auparavant, <strong>les</strong> droits politiques étaient réservés<br />

seulement aux propriétaires. La Constitution de 1791 décrète un suffrage presque universel (à moitié). Pour voter, il faut être<br />

français, avoir 21 ou 25 ans, avoir des revenus conséquents ou payer une c<strong>ont</strong>ribution équivalente à quelques jours de travail,<br />

et ne pas être domestique, ni religieux cloitrés et <strong>les</strong> aliénés (handicapés mentaux ou personnes atteintes de folie).


Déc<strong>la</strong>ration des droits de <strong>la</strong> femme et de <strong>la</strong> citoyenne<br />

Olympe de Gouges<br />

1791<br />

Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait <strong>la</strong> question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le<br />

souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours <strong>la</strong> nature dans toute sa grandeur,<br />

d<strong>ont</strong> tu semb<strong>les</strong> vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique.<br />

Rem<strong>ont</strong>e aux animaux, consulte <strong>les</strong> éléments, étudie <strong>les</strong> végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes <strong>les</strong> modifications de <strong>la</strong> matière organisée ; et<br />

rends-toi à l’évidence quand je t’en offre <strong>les</strong> moyens ; cherche, fouille et distingue, si tu peux, <strong>les</strong> sexes dans l’administration de <strong>la</strong> nature. Partout<br />

tu <strong>les</strong> trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel.<br />

L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de<br />

sagacité, dans l’ignorance <strong>la</strong> plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes <strong>les</strong> facultés intellectuel<strong>les</strong> ; il prétend jouir de<br />

<strong>la</strong> <strong>Révolution</strong>, et réc<strong>la</strong>mer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus.<br />

Préambule<br />

Les mères, <strong>les</strong> fil<strong>les</strong>, <strong>les</strong> sœurs, représentantes de <strong>la</strong> nation, demandent d’être constituées en assemblée nationale. Considérant que l’ignorance,<br />

l’oubli ou le mépris des droits de <strong>la</strong> femme, s<strong>ont</strong> <strong>les</strong> seu<strong>les</strong> causes des malheurs publics et de <strong>la</strong> corruption des gouvernements, <strong>ont</strong> résolu d’exposer<br />

dans une déc<strong>la</strong>ration solennelle, <strong>les</strong> droits naturels inaliénab<strong>les</strong> et sacrés de <strong>la</strong> femme, afin que cette déc<strong>la</strong>ration, constamment présente à tous <strong>les</strong><br />

membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs, afin que <strong>les</strong> actes du pouvoir des <strong>femmes</strong>, et ceux du pouvoir des<br />

hommes pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés, afin que <strong>les</strong> réc<strong>la</strong>mations des<br />

citoyennes, fondées désormais sur des principes simp<strong>les</strong> et inc<strong>ont</strong>estab<strong>les</strong>, tournent toujours au maintien de <strong>la</strong> constitution, des bonnes mœurs, et<br />

au bonheur de tous.<br />

En conséquence, le sexe supérieur en beauté comme en courage, dans <strong>les</strong> souffrances maternel<strong>les</strong>, reconnaît et déc<strong>la</strong>re, en présence et sous <strong>les</strong><br />

auspices de l’Être suprême, <strong>les</strong> Droits suivants de <strong>la</strong> Femme et de <strong>la</strong> Citoyenne.<br />

Article premier<br />

La Femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits. Les distinctions socia<strong>les</strong> ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.<br />

II. : Le but de toute association politique est <strong>la</strong> conservation des droits naturels et imprescriptib<strong>les</strong> de <strong>la</strong> Femme et de l’Homme : ces droits s<strong>ont</strong><br />

<strong>la</strong> liberté, <strong>la</strong> propriété, <strong>la</strong> sûreté, et surtout <strong>la</strong> résistance à l’oppression.<br />

III. : Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans <strong>la</strong> Nation, qui n’est que <strong>la</strong> réunion de <strong>la</strong> Femme et de l’Homme : nul corps, nul<br />

individu, ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément.<br />

IV. : La liberté et <strong>la</strong> justice consistent à rendre tout ce qui appartient à autrui ; ainsi l’exercice des droits naturels de <strong>la</strong> femme n’a de bornes que<br />

<strong>la</strong> tyrannie perpétuelle que l’homme lui oppose ; ces bornes doivent être réformées par <strong>les</strong> lois de <strong>la</strong> nature et de <strong>la</strong> raison.<br />

V. : Les lois de <strong>la</strong> nature et de <strong>la</strong> raison défendent toutes actions nuisib<strong>les</strong> à <strong>la</strong> société : tout ce qui n’est pas défendu par ces lois, sages et divines, ne peut être<br />

empêché, et nul ne peut être c<strong>ont</strong>raint à faire ce qu’el<strong>les</strong> n’ordonnent pas.<br />

VI. : La Loi doit être l’expression de <strong>la</strong> vol<strong>ont</strong>é générale ; toutes <strong>les</strong> Citoyennes et Citoyens doivent concourir personnellement ou par leurs représentants, à sa<br />

formation ; elle doit être <strong>la</strong> même pour tous : toutes <strong>les</strong> Citoyennes et tous <strong>les</strong> Citoyens, étant égaux à ses yeux, doivent être également admissib<strong>les</strong> à toutes<br />

dignités, p<strong>la</strong>ces et emplois publics, selon leurs capacités, et sans autres distinctions que cel<strong>les</strong> de leurs vertus et de leurs talents.<br />

VII. : Nulle femme n’est exceptée ; elle est accusée, arrêtée, et détenue dans <strong>les</strong> cas déterminés par <strong>la</strong> Loi. Les <strong>femmes</strong> obéissent comme <strong>les</strong> hommes à cette Loi<br />

rigoureuse.<br />

VIII. : La Loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée<br />

antérieurement au délit et légalement appliquée aux <strong>femmes</strong>.<br />

IX. : Toute femme étant déc<strong>la</strong>rée coupable ; toute rigueur est exercée par <strong>la</strong> Loi.<br />

X. : Nul ne doit être inquiété pour ses opinions mêmes fondamenta<strong>les</strong>, <strong>la</strong> femme a le droit de m<strong>ont</strong>er sur l ’échafaud ; elle doit avoir également celui de m<strong>ont</strong>er à <strong>la</strong><br />

Tribune ; pourvu que ses manifestations ne troublent pas l’ordre public établi par <strong>la</strong> Loi.


]XI. : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits <strong>les</strong> plus précieux de <strong>la</strong> femme, puisque cette liberté assure <strong>la</strong><br />

légitimité des pères envers <strong>les</strong> enfants. Toute Citoyenne peut donc dire librement, je suis mère d’un enfant qui vous appartient, sans qu’un<br />

préjugé barbare <strong>la</strong> force à dissimuler <strong>la</strong> vérité ; sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans <strong>les</strong> cas déterminés par <strong>la</strong> Loi.<br />

XII. : La garantie des droits de <strong>la</strong> femme et de <strong>la</strong> Citoyenne nécessite une utilité majeure ; cette garantie doit être instituée pour l’avantage de<br />

tous, et non pour l’utilité particulière de cel<strong>les</strong> à qui elle est confiée.<br />

XIII. : Pour l’entretien de <strong>la</strong> force publique, et pour <strong>les</strong> dépenses d’administration, <strong>les</strong> c<strong>ont</strong>ributions de <strong>la</strong> femme et de l’homme s<strong>ont</strong> éga<strong>les</strong> ;<br />

elle a part à toutes <strong>les</strong> corvées, à toutes <strong>les</strong> tâches pénib<strong>les</strong> ; elle doit donc avoir de même part à <strong>la</strong> distribution des p<strong>la</strong>ces, des emplois, des<br />

charges, des dignités et de l’industrie.<br />

XIV. : Les Citoyennes et Citoyens <strong>ont</strong> le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, <strong>la</strong> nécessité de <strong>la</strong> c<strong>ont</strong>ribution publique.<br />

Les Citoyennes ne peuvent y adhérer que par l’admission d’un partage égal, non seulement dans <strong>la</strong> fortune, mais encore dans l’administration<br />

publique, et de déterminer <strong>la</strong> quotité, l’assiette, le recouvrement et <strong>la</strong> durée de l’impôt.<br />

XV. : La masse des <strong>femmes</strong>, coalisée pour <strong>la</strong> c<strong>ont</strong>ribution à celle des hommes, a le droit de demander compte, à tout agent public, de son<br />

administration.<br />

XVI. : Toute société, dans <strong>la</strong>quelle <strong>la</strong> garantie des droits n’est pas assurée, ni <strong>la</strong> séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de constitution ;<br />

<strong>la</strong> constitution est nulle, si <strong>la</strong> majorité des individus qui composent <strong>la</strong> Nation, n’a pas coopéré à sa rédaction.<br />

XVII. : Les propriétés s<strong>ont</strong> à tous <strong>les</strong> sexes réunis ou séparés ; el<strong>les</strong> <strong>ont</strong> pour chacun un droit lorsque <strong>la</strong> nécessité publique, légalement<br />

constatée, l’exige évidemment, et sous <strong>la</strong> condition d’une juste et préa<strong>la</strong>ble indemnité.<br />

Post ambule.<br />

Femme, réveille-toi ; le tocsin de <strong>la</strong> raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de <strong>la</strong> nature n’est plus<br />

environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le f<strong>la</strong>mbeau de <strong>la</strong> vérité a dissipé tous <strong>les</strong> nuages de <strong>la</strong> sottise et de<br />

l’usurpation. L’homme esc<strong>la</strong>ve a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste<br />

envers sa compagne. Ô <strong>femmes</strong> ! Femmes, quand cesserez-vous d’être aveug<strong>les</strong> ? <strong>Quel</strong>s s<strong>ont</strong> <strong>les</strong> avantages que vous avez recueillis dans <strong>la</strong><br />

révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans <strong>les</strong> sièc<strong>les</strong> de corruption vous n’avez régné que sur <strong>la</strong> faib<strong>les</strong>se des hommes.<br />

Votre empire est détruit ; que vous reste t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réc<strong>la</strong>mation de votre patrimoine, fondée sur <strong>les</strong><br />

sages décrets de <strong>la</strong> nature ; qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? Le bon mot du Légis<strong>la</strong>teur des noces de Cana ? Craignez-vous<br />

que nos Légis<strong>la</strong>teurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de <strong>la</strong> politique, mais qui n’est plus de saison, ne<br />

vous répètent : <strong>femmes</strong>, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez vous à répondre. S’ils s’obstinent, dans leur faib<strong>les</strong>se, à mettre<br />

cette inconséquence en c<strong>ont</strong>radiction avec leurs principes ; opposez courageusement <strong>la</strong> force de <strong>la</strong> raison aux vaines prétentions de supériorité ;<br />

réunissez-vous sous <strong>les</strong> étendards de <strong>la</strong> philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, non<br />

servi<strong>les</strong> adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous <strong>les</strong> trésors de l’Être Suprême. <strong>Quel</strong><strong>les</strong> que soient <strong>les</strong> barrières que<br />

l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de <strong>les</strong> affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir. Passons maintenant à l’effroyable tableau de ce que vous<br />

avez été dans <strong>la</strong> société ; et puisqu’il est question, en ce moment, d’une éducation nationale, voyons si nos sages Légis<strong>la</strong>teurs penser<strong>ont</strong> sainement<br />

sur l’éducation des <strong>femmes</strong>.<br />

Les <strong>femmes</strong> <strong>ont</strong> fait plus de mal que de bien. La c<strong>ont</strong>rainte et <strong>la</strong> dissimu<strong>la</strong>tion <strong>ont</strong> été leur partage. Ce que <strong>la</strong> force leur avait ravi, <strong>la</strong> ruse leur a<br />

rendu ; el<strong>les</strong> <strong>ont</strong> eu recours à toutes <strong>les</strong> ressources de leurs charmes, et le plus irréprochable ne leur résistait pas. Le poison, le fer, tout leur<br />

était soumis ; el<strong>les</strong> commandaient au crime comme à <strong>la</strong> vertu. Le gouvernement français, surtout, a dépendu, <strong>pendant</strong> des sièc<strong>les</strong>, de<br />

l’administration nocturne des <strong>femmes</strong> ; le cabinet n’avait point de secret pour leur indiscrétion ; ambassade, commandement, ministère,<br />

présidence, p<strong>ont</strong>ificat, cardina<strong>la</strong>t ; enfin tout ce qui caractérise <strong>la</strong> sottise des hommes, profane et sacré, tout a été soumis à <strong>la</strong> cupidité et à<br />

l’ambition de ce sexe autrefois méprisable et respecté, et depuis <strong>la</strong> révolution, respectable et méprisé.

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