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La céramique - Perpignan la Catalane

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Musée Hyacinthe Rigaud - service éducatif<br />

BP 391 - 66931 <strong>Perpignan</strong> cedex ▪ tél 04 68 35 43 40 ▪ fax 04 68 34 73 47 ▪ email musee-rigaud@mairie-perpignan.com<br />

prêt consenti pour une durée de 2 mois<br />

dossier<br />

<strong>la</strong> <strong>céramique</strong>


Les techniques<br />

SOMMAIRE<br />

Généralités ............................................................................................................................... p. 3<br />

Technique et évolution ........................................................................................................... p. 4<br />

- Matières premières ........................................................................................................ p. 4<br />

- Façonnage des formes d’argile .................................................................................. p. 6<br />

- Décoration ....................................................................................................................... p. 8<br />

- Les g<strong>la</strong>çures .................................................................................................................... p. 9<br />

- Les fours .......................................................................................................................... p. 11<br />

Complément historique<br />

<strong>La</strong> Chine ................................................................................................................................... p.12<br />

Peintures des vases grecs ...................................................................................................... p.14<br />

Peinture sur porce<strong>la</strong>ine de Chine ........................................................................................ p.16<br />

De <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> is<strong>la</strong>mique à <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> hispano-mauresque ................................ p.18<br />

<strong>La</strong> poterie marocaine et berbère ..................................................................................... p. 21<br />

2


1 ère partie LES TECHNIQUES<br />

I. GENERALITES<br />

On désigne sous le nom général de « <strong>céramique</strong> » des produits de composition et<br />

d’aspects divers, ayant pour base commune l’argile. Les terres cuites, les poteries vernissées,<br />

les faïences, sont des poteries tendres, non vitrifiées, translucides et imperméables.<br />

Les grès sont durs et perméables comme les porce<strong>la</strong>ines opaques en épaisseur, parce<br />

qu’incomplètement vitrifiées.<br />

<strong>La</strong> dureté et <strong>la</strong> vitrification de <strong>la</strong> pâte dépendent non seulement de sa composition,<br />

mais aussi de <strong>la</strong> température de cuisson. Celle-ci, au cours des âges, tend à s’élever et <strong>la</strong><br />

<strong>céramique</strong> évolue de <strong>la</strong> matière tendre à <strong>la</strong> matière dure.<br />

Les poteries tendres, opaques et poreuses cuites à basse température, ont précédé<br />

les poteries dures, translucides et imperméables cuites à haute température. Les briques et<br />

les poteries des peuples primitifs furent tout d’abord simplement séchées au soleil ; plus tard,<br />

elles seront cuites en plein air puis dans des fours (<strong>la</strong> faïence commune subit une température<br />

de 800° à 1000°, <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine dure est cuite dans des fours atteignant de 1350° à 1500°).<br />

De très bonne heure, les besoins utilitaires devaient amener le potier à recouvrir le<br />

vase poreux d’un enduit imperméable aux liquides. Le corps de <strong>la</strong> poterie est enveloppé<br />

d’une couche de matière terreuse (engobe) qui dissimule <strong>la</strong> couleur naturelle de l’argile et<br />

se prête à recevoir un décor ; ou bien il est revêtu d’une g<strong>la</strong>çure vitrifiable et transparente<br />

(couverte). <strong>La</strong> couverte peut-être superposée à l’engobe après application du décor. Dans<br />

les faïences proprement dites, l’engobe est un émail b<strong>la</strong>nc opaque, à base d’étain, qui rend<br />

inutile l’emploi de <strong>la</strong> couverte.<br />

<strong>La</strong> composition des engobes varie avec celle de <strong>la</strong> pâte et avec le degré de cuisson.<br />

Pour rester parfaitement adhérente et conserver une surface unie, <strong>la</strong> couche superficielle<br />

doit posséder un coefficient de di<strong>la</strong>tation et de retrait égal à celui du corps de <strong>la</strong> pièce. Des<br />

accidents de cuisson, dus au hasard, ont parfois été à l’origine d’un progrès technique ou<br />

d’un mode de décor nouveau (craquelé, f<strong>la</strong>mmé …)<br />

L’art de façonner et de cuire l’argile pour l’employer à des usages ménagers,<br />

remonte à l’époque préhistorique et <strong>la</strong> <strong>céramique</strong>, née des besoins mêmes de l’humanité,<br />

présente partout à ses débuts des caractères communs.<br />

Les vases sont d’abord modelés et façonnés à <strong>la</strong> main et on ne peut déterminer avec<br />

certitude à quelle époque remonte l’invention du tour à potier. L’Egypte des premiers<br />

pharaons l’a connu et s’en servait, Homère le mentionne. Il n’est au début qu’un simple<br />

disque mû à <strong>la</strong> main, puis se perfectionne et devient une <strong>la</strong>rge roue que le potier actionne<br />

au pied. Son usage se généralise rapidement.<br />

Dans toute <strong>la</strong> poterie primitive, le décor obtenu par pression des doigts ou d’un corps<br />

dur sur l’argile encore molle, ou par incision et grattage à l’aide d’une pointe apparaît avant<br />

le décor peint de <strong>la</strong> surface.<br />

A côté des poteries d’usage et des vases décoratifs, il existe une <strong>céramique</strong><br />

monumentale concourant à <strong>la</strong> construction ou au décor des édifices, de même que toute <strong>la</strong><br />

statuaire en terre qui appartient à l’histoire de <strong>la</strong> sculpture plutôt qu’à celle de <strong>la</strong> <strong>céramique</strong><br />

proprement dite, et qui ne seront pas traitées dans ce dossier.<br />

3


1. Matières premières<br />

II. TECHNIQUE ET EVOLUTION<br />

Ce qu’il faut tout d’abord à un potier, c’est une bonne terre. De <strong>la</strong> qualité de <strong>la</strong> terre<br />

dépend <strong>la</strong> vigueur et plus encore <strong>la</strong> qualité du pot fini.<br />

Presque toutes les argiles sont le produit de <strong>la</strong> décomposition ou de l’érosion des<br />

roches feldspathiques qui forment une très grande proportion de l’écorce terrestre. De telles<br />

formations sont connues sous le nom de « roche mère » de l’argile. Le feldspath que l’on<br />

rencontre habituellement sous <strong>la</strong> forme de cristaux b<strong>la</strong>ncs rectangu<strong>la</strong>ires pris dans le granit<br />

commun, contient suffisamment d’alcali pour fondre en un liquide visqueux, semitransparent,<br />

b<strong>la</strong>nchâtre, vers 1300°.<br />

<strong>La</strong> pegmatite est une variété de roche feldspathique ressemb<strong>la</strong>nt de très près au<br />

feldspath pur et fondant à une température légèrement plus élevée. Ces deux pierres sont<br />

couramment employées comme base pour les couvertes (enduits vitrifiables) de haute<br />

température. Elles forment avec le kaolin, les principaux éléments de <strong>la</strong> vraie pâte dure à<br />

porce<strong>la</strong>ine. <strong>La</strong> décomposition naturelle du granit libère le feldspath de son contenu alcalin<br />

pour produire le kaolin, que l’on trouve en France dans le Limousin, dans <strong>la</strong> Nièvre et en<br />

Bretagne.<br />

Cette argile primaire se trouve près de <strong>la</strong> roche mère. C’est un matériau très prisé par<br />

les potiers parce qu’il supporte des températures très élevées en gardant sa couleur. Il est<br />

composé de silice, d’alumine et d’eau ; les chimistes le nomment kaolinite. <strong>La</strong> plupart des<br />

argiles ne contiennent guère plus de 50% de cette argile pure, mais le kaolin peut en contenir<br />

jusqu’à 95%. L’argile dite « ball c<strong>la</strong>y » est semb<strong>la</strong>ble par sa composition au kaolin tout en<br />

étant beaucoup plus p<strong>la</strong>stique. Elle contient de <strong>la</strong> soude pour de <strong>la</strong> potasse d’origine<br />

végétale, qui abaisse son point de vitrification et explique sa couleur variée à l ‘état pur.<br />

Cependant, cette couleur disparaît à <strong>la</strong> cuisson, <strong>la</strong>issant le tesson (le corps de <strong>la</strong> poterie)<br />

crème ou gris pâle.<br />

Les argiles secondaires sont le résultat d’un kaolin qui a été charrié par l’eau loin de sa<br />

source et a recueilli des impuretés pendant un trajet souvent long, jusqu’à son lit<br />

sédimentaire.<br />

Comme les impuretés peuvent être de plusieurs sorte, l’éventail des argiles secondaires est<br />

vaste. On peut les c<strong>la</strong>sser en réfractaires, vitrifiables et fusibles.<br />

Les argiles réfractaires, parmi lesquelles on faut ranger les terres à feu, ne se vitrifient<br />

pas à 1400° /1500°. Les argiles vitrifiables ont tendance à fondre à <strong>la</strong> température de <strong>la</strong><br />

porce<strong>la</strong>ine dure, 1350°C, ou moins. Les variétés les plus communes contiennent du fer et<br />

cuisent en passant du rouge orangé au brun à plus de 1000°C. Elles servent, par exemple à <strong>la</strong><br />

fabrication des tuiles et des briques rouges. Ce sont les argiles fusibles qui ont été employées<br />

dans les fabrications primitives et paysannes. L’ocre, si utile pour les engobes et les colorants,<br />

et à <strong>la</strong>quelle il faut associer les terres d’ombre et les terres de sienne, est une variété tendre et<br />

souvent très malléable.<br />

<strong>La</strong> préparation des argiles<br />

On améliore les argiles des potiers en les exposant aux intempéries. On étend l’argile<br />

en couche de 45 cm et on l’expose au soleil, au vent, à, <strong>la</strong> pluie et au gel. Tous les 3 ou 4<br />

mois, il faut retourner à <strong>la</strong> pelle <strong>la</strong> masse tout entière pour en exposer de nouvelles surfaces.<br />

Tout ce<strong>la</strong> facilite matériellement les processus de désagrégation par lequel <strong>la</strong> véritable<br />

substance argileuse et, par là, sa p<strong>la</strong>sticité, est améliorée.<br />

4


A condition que l’argile ne contienne pas d’impureté majeure, elle peut être<br />

humidifiée avec de l’eau non calcaire et ma<strong>la</strong>xée à <strong>la</strong> main, au pied ou au broyeur, jusqu’à<br />

<strong>la</strong> consistance requise pour tourner. Si celle-ci contient trop d’impuretés pour l’utilisation<br />

immédiate, le stock doit être complètement séché puis pesé. Toute autre argile à <strong>la</strong>quelle on<br />

<strong>la</strong> mé<strong>la</strong>nge doit être traitée de <strong>la</strong> même façon. Les deux argiles (ou plus), sont ensuite pétries<br />

avec de l’eau. Le liquide qui en sort est alors passé dans des tamis de grosseurs variables. On<br />

doit <strong>la</strong>isser reposer <strong>la</strong> barbotine obtenue, évacuer l’eau de <strong>la</strong> surface et lentement sécher <strong>la</strong><br />

masse d’argile molle, jusqu’à ce qu’elle acquière une substance propre au ma<strong>la</strong>xage, pour<br />

l’utiliser ou <strong>la</strong> conserver. On peut accélérer l’évaporation par des expositions à <strong>la</strong> chaleur<br />

(modérée) ou au moyen de presses à filtrer, mais trop de chaleur détruit <strong>la</strong> vie organique et<br />

<strong>la</strong> p<strong>la</strong>sticité de l’argile. D’autre part, celle-ci devient moins malléable lorsqu’elle est passée<br />

dans les presses à filtrer que quand elle est préparée à loisir selon <strong>la</strong> manière ancienne.<br />

Une longue conservation améliore l’argile, elle gagne en p<strong>la</strong>sticité.<br />

Immédiatement avant l’usage, il faut repétrir l’argile. Dans les usines, le pétrissage se<br />

fait dans les ma<strong>la</strong>xeurs : <strong>la</strong> magnésie, <strong>la</strong> potasse, <strong>la</strong> soude, le fer, <strong>la</strong> chaux, le carbone ou<br />

toute matière végétale, diminuent <strong>la</strong> p<strong>la</strong>sticité.<br />

Les engobes<br />

Le produit fluide que donne le mé<strong>la</strong>nge d’argile sèche et d’eau à peu près dans les<br />

mêmes proportions, est dit « barbotine » ou « engobe ».<br />

Un pot, après avoir été mis à sécher jusqu’à ce que l’argile prenne <strong>la</strong> consistance du<br />

cuir, peut être recouvert de cet engobe selon <strong>la</strong> même méthode que pour <strong>la</strong> g<strong>la</strong>çure. Un<br />

engobe adhère bien quand son pouvoir de contraction au séchage et à <strong>la</strong> cuisson est à peu<br />

près le même que celui du corps sur lequel il est appliqué. Pour cette raison, il doit être<br />

composé de <strong>la</strong> même argile que le corps, autant que le permet <strong>la</strong> différence de couleur.<br />

Les corps à recouvrir d’engobe sont généralement d’une couleur moyenne, c’est<br />

pourquoi les engobes sombres n’offrent aucun problème. Par contre, quand un corps rouge<br />

ou gris est revêtu d’engobe b<strong>la</strong>nc, on rencontre souvent des difficultés. Les engobes qui<br />

pèlent ou s’écaillent le font parce qu’ils sont soumis à une contraction plus grande du tesson.<br />

Des engobes de couleurs variées peuvent se faire par l’addition d’oxydes métalliques.<br />

Corps des pièces recouvertes d’engobe :<br />

<strong>La</strong> poterie ang<strong>la</strong>ise à l’engobe est habituellement composée d’une argile secondaire<br />

locale rouge ou chamois, à <strong>la</strong>quelle on ajoute quelque fois du sable de silice ou de <strong>la</strong><br />

poudre de quartz.<br />

Les vieux potiers paysans et leur clientèle n’étaient pas très sensibles à <strong>la</strong> porosité,<br />

mais aujourd’hui, il est important d’utiliser une argile de texture fine qui se vitrifiera<br />

suffisamment (à 1050°C environ).<br />

Les quatre sortes de <strong>céramique</strong>s suivantes couvrent l’évolution de <strong>la</strong> poterie émaillée<br />

- <strong>La</strong> poterie vernissée appartient à une famille simple de <strong>céramique</strong> à g<strong>la</strong>çure<br />

plombifère. On <strong>la</strong> trouve dans toute l’Europe et l’Asie ; elle est probablement<br />

originaire d’Asie et se cuit à l’orange vers 1000°C.<br />

- Le grès et <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine orientaux, nés en Chine entre le II° et le VI° siècle, se cuisent à<br />

l’incandescence (1250° /1350°C). C’est entre ces températures extrêmes que se font<br />

toutes les poteries.<br />

- <strong>La</strong> g<strong>la</strong>çure « raku » japonaise et leur décorations sur g<strong>la</strong>çure, dont les origines se<br />

trouvent en Perse et en Egypte, fondent environ au rouge, à feu couvert (750°C).<br />

- L’argile du raku : Les argiles utilisées dans le raku doivent pouvoir supporter des<br />

changements de température violents et soudains ; Cette fin peut être assurée très<br />

simplement au moyen du mé<strong>la</strong>nge d’argile ordinaire et d’argile à feu très cuite ou<br />

réduite en poudre appelée « chamotte ». Les tessons de raku sont généralement faits<br />

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Le grès<br />

d’une argile p<strong>la</strong>stique b<strong>la</strong>nche à <strong>la</strong>quelle on ajoute <strong>la</strong> chamotte. Il n’y a pas de<br />

raisons autres qu’esthétiques pour le tesson de raku soit b<strong>la</strong>nc.<br />

- On peut utiliser une argile rouge pour <strong>la</strong> cuisson, mais les Japonais préfèrent le beau<br />

rouge brique ou les teintes saumon de leurs bols à thé en raku, en passant plusieurs<br />

couches d’engobe ocre brut foncé sur un tesson b<strong>la</strong>nc. Le b<strong>la</strong>nc sous le rouge<br />

confère un éc<strong>la</strong>t plus vif et une plus grande variété de tons.<br />

<strong>La</strong> température élevée à <strong>la</strong>quelle cuit le grès limite le choix des matériaux. Des argiles<br />

fusibles convenant aux poteries engobées peuvent s’utiliser en grès seulement si on les<br />

combine à des argiles plus réfractaires. <strong>La</strong> solution <strong>la</strong> plus heureuse est <strong>la</strong> découverte d’une<br />

argile naturelle contenant à elle seule toute les qualités nécessaires : résistance à <strong>la</strong> chaleur,<br />

p<strong>la</strong>sticité, étanchéité, bonnes couleurs et textures.<br />

<strong>La</strong> porce<strong>la</strong>ine<br />

Le corps de <strong>la</strong> vraie porce<strong>la</strong>ine est fait de kaolin et de feldspath ou pegmatite (pierre<br />

de Cornouailles). Mais comme le kaolin est généralement peu p<strong>la</strong>stique, il faut y ajouter du<br />

« ball c<strong>la</strong>y » pour rendre le tesson apte au tournage.<br />

Aucune porce<strong>la</strong>ine européenne, tendre ou dure, n’a jamais possédé ces qualités de<br />

corps, de colorant, de g<strong>la</strong>çure que l’on trouve généralement sous les dynasties Tang, Song et<br />

Ming. En d’autres mots, les fabricants européens ont tiré leur inspiration d’exemples orientaux<br />

tardifs, comparativement abâtardis, simplement parce qu’il ne s’est pas fait de porce<strong>la</strong>ine<br />

en Europe avant le XVIII° siècles. Les plus belles poteries chinoises, plus anciennes, sont restées<br />

pratiquement inconnues jusqu’à <strong>la</strong> seconde décade du XX° siècle.<br />

2. Façonnage des formes d’argiles<br />

Poterie façonnée à <strong>la</strong> main<br />

<strong>La</strong> méthode <strong>la</strong> plus primitive et <strong>la</strong> plus instinctive de faire un pot est de creuser avec le<br />

pouce une cavité dans une boule d’argile, puis d’amincir <strong>la</strong> paroi en <strong>la</strong> comprimant par une<br />

pression régulière des doigts, de façon répétée et avec un lent mouvement de spirale. <strong>La</strong><br />

plupart des bols à thé japonais en raku ont été modelés de cette façon.<br />

Pots faits au panier<br />

Les peuples néolithiques utilisaient des paniers comme moules ; ils les enduisaient<br />

d’argile en les pressant légèrement contre les parois. <strong>La</strong> vannerie et <strong>la</strong> forme devaient être<br />

telles qu’elles permettent de facilement sortir l’argile qui se contracte en séchant. Quelques<br />

pots furent même faits et cuits dans le panier qui brû<strong>la</strong>it dans le feu, <strong>la</strong>issant apparaître sur<br />

l’objet l’ensemble de <strong>la</strong> vannerie.<br />

Pots au colombin<br />

Il s’agit pour le potier de modeler des boudins de pâte, appelés colombins ; il exécute<br />

d’abord le fond de <strong>la</strong> pièce, puis élève les parois en appliquant l’un sur l’autre les colombins.<br />

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Presque tous les façonnages au colombin constituent une opération préludant soit au<br />

tournage, soit au rac<strong>la</strong>ge et au lissage.<br />

C’est simplement un moyen pratique de monter une paroi d’argile en vue d’un<br />

tassement ultérieur. Les colombins sont rarement <strong>la</strong>issés tels quels. Chez quelques peup<strong>la</strong>des<br />

primitives, une base tournante, grossière, s’emploie pour surmonter <strong>la</strong> difficulté de marcher<br />

autour d’un pot de grande dimension, et il semble évident que c’est là l’origine du tour de<br />

potier.<br />

Le tour de potier<br />

On sait que le tour de potier a existé en Egypte dès le début de <strong>la</strong> période historique.<br />

En Chine et en Europe, il remonte à 2000 ans au moins avant Jésus Christ. On pense<br />

communément qu’il trouva son origine au Proche-Orient et que son utilisation se propagea à<br />

partir d’un seul centre. Quel que soit le type de tour, ils ont tous, comme schéma principal<br />

une roue maîtresse ou disque qui tourne, qu’il soit mû par <strong>la</strong> main, le pied ou par un<br />

engrenage, avec un très fort é<strong>la</strong>n, et qui comporte un contrôle de vitesse aisé. L’é<strong>la</strong>n<br />

s’obtient soit par une lourde roue motrice, soit par un vo<strong>la</strong>nt. Dans certains cas, le pivot est<br />

solidaire de <strong>la</strong> roue et tourne dans une cavité p<strong>la</strong>cée à <strong>la</strong> base ; dans l’autre cas, <strong>la</strong> cavité<br />

est au centre d’un axe creux fixé sous <strong>la</strong> roue, le pivot étant rivé au sol. Ce dernier type est le<br />

plus souvent en Orient, le premier en Occident.<br />

Il est fascinant de voir le travail du tour : les mains mouillées de barbotine, imprimant<br />

avec le pied droit un puissant mouvement à <strong>la</strong> roue, le pied gauche sur le marchepied, le<br />

potier dresse le « rondeau », commence son ébauche, étend <strong>la</strong> pâte, l’humecte, l’allonge,<br />

l’é<strong>la</strong>rgit, fait naître en quelques minutes une forme. Puis, muni d’un outil nommé estèque<br />

(simple <strong>la</strong>me de bois, de cuivre ou d’ardoise), il va perfectionner sa création, en affiner et en<br />

polir les formes. Il ne lui reste plus ensuite qu’à détacher <strong>la</strong> pièce du rondeau avec un fil de<br />

<strong>la</strong>iton et à <strong>la</strong> mettre au séchoir.<br />

Le tournassage<br />

Le pied et <strong>la</strong> partie inférieure de nombreux pots doivent être tournassés quand l’argile<br />

prend <strong>la</strong> dureté du cuir.<br />

Les tournassins sont faits de morceaux de feuil<strong>la</strong>rds assez épais, recourbés aux<br />

extrémités et affilés selon des angles et des courbes variés.<br />

Quand le pot –retourné- est centré pour le tournassage, le potier détermine à vue<br />

d’œil – ou au compas – <strong>la</strong> bonne <strong>la</strong>rgeur du pied, puis il fait une fente verticale nette, de<br />

l’épaisseur du pied environ, en s’aidant d’un outil rectangu<strong>la</strong>ire. Alors il tournasse en spirale,<br />

du haut en bas, de <strong>la</strong> paroi du pot jusqu’à l’obtention d’un bon profil. Il fait en suite une autre<br />

fente verticale pour l’intérieur du pied, puis en partant vers l’extérieur, il évide le pied avec un<br />

tournassin d’angle ou de courbe approprié. Le nombre des opérations dépendra de<br />

l ‘épaisseur du pied et de <strong>la</strong> consistance de l’argile. Finalement, tout le pied se trouve évidé<br />

en biseau.<br />

Succède à cette opération l’action du potier (garnisseur) par <strong>la</strong>quelle les pièces vont<br />

recevoir diverses garnitures, anses, becs, médaillons … Ces ornements (bien qu’il s’agisse<br />

souvent d’attributs utilitaires), sont très rarement modelés mais moulés <strong>la</strong> plupart du temps.<br />

Le mou<strong>la</strong>ge<br />

Qu’il s’agisse d’exécuter une pièce complète ou de décorer une pièce déjà<br />

existante, il est nécessaire tout d’abord, et ce<strong>la</strong> va de soi, de confectionner un moule en<br />

biscuit ou en plâtre pour <strong>la</strong> production de masse. L’opération n’est pas aussi simple qu’il peut<br />

paraître et demande beaucoup de précision et de minutie. Les pièces moulées destinées à<br />

décorer un objet et cet objet lui-même, doivent avoir <strong>la</strong> même composition d’argile et un<br />

degré de dessiccation égal : c’est ainsi seulement qu’elles feront corps, <strong>la</strong> barbotine servant<br />

7


à les réunir. Il faudra encore effacer <strong>la</strong> moindre trace de soudure, reprendre en finesse tous<br />

les menus détails, réparer les défauts (bulles, cavités …) provoqués par le mou<strong>la</strong>ge.<br />

On a recours au mou<strong>la</strong>ge, en particulier pour toutes les pièces de forme irrégulière,<br />

ovale, octogonale, pour les becs, anses (…) des poteries. Ce mou<strong>la</strong>ge « en croûte » (c’est<br />

son nom), s’opère à peu près de <strong>la</strong> façon suivante :<br />

- De <strong>la</strong> pâte est étalée bien régulièrement sur une table de pierre dure. Bien<br />

humectée, <strong>la</strong> pâte est posée sur une peau mouillée : c’est <strong>la</strong> croûte.<br />

- Si l’on désire exécuter une jarre ou une soupière, le moule, divisé en, deux,<br />

donnera d’une part <strong>la</strong> forme intérieure (c’est le noyau), d’autre part <strong>la</strong> forme extérieure<br />

(c’est le creux).<br />

<strong>La</strong> croûte manipulée avec délicatesse va venir épouser très exactement <strong>la</strong> forme du<br />

noyau, s’y coller étroitement. C’est alors que le creux entre en jeu et recouvre croûte et<br />

noyau. <strong>La</strong> croûte bien pressée pour qu’elle remplisse les moindres détails du creux, va, en se<br />

séchant, peu à peu s’en détacher. Démoulée, notre jarre ou notre soupière se sèchera sur<br />

des « renversoirs » remplis de fine poussière.<br />

Les sceaux<br />

Le marquage des pots au nom ou au sigle de <strong>la</strong> fabrique ou de l’artiste, constitue<br />

souvent le dernier traitement de l’argile avant séchage.<br />

3. <strong>La</strong> décoration<br />

Dès les premiers âges de <strong>la</strong> décoration de <strong>la</strong> <strong>céramique</strong>, on a utilisé des motifs<br />

géométriques ou des motifs représentant des symboles, ces deux derniers étant combinés.<br />

Les potiers ont traduit ces motifs dans différentes techniques dont le traitement décoratif de<br />

l’argile crue qui doit être apprécié à sa juste valeur. Car <strong>la</strong> poterie ancienne faite à <strong>la</strong> main<br />

et décorée par différents procédés d’empreinte, qu’elle soit chinoise des époques Han ou<br />

Tang, mexicaine ou ang<strong>la</strong>ise du Moyen-Age, peut surpasser en beauté formelle <strong>la</strong><br />

<strong>céramique</strong> peinte des bonnes époques.<br />

Les plus anciennes méthodes de décoration dérivaient des procédés employés pour<br />

fabriquer les poteries ; l’empreinte du moule-panier, par exemple, conduisait à l’imitation es<br />

dessins de vannerie. Pour obtenir ces impressions répétées, on employait des outils<br />

rudimentaires comme l'os, le bois ou <strong>la</strong> pierre. Battage, dentelure, gaufrage, mode<strong>la</strong>ge et<br />

gravure servaient tous à donner <strong>la</strong> forme du pot ; de là, il n’y avait qu’un pas pour employer<br />

ces procédés à des fins purement décoratives.<br />

Les ornements appliqués<br />

Préparée en rouleau, en pastilles, en bandes ou en bâtons minces, l’argile peut être<br />

tordue, entaillée, peignée ou estampée.<br />

Les gravures<br />

Lorsqu’on se mit à utiliser des argiles plus tendres, on commença à graver des pots<br />

avec plus d’habileté, à l’aide de divers outils pointus.<br />

8


Les cannelures<br />

Elles peuvent être faites à l’aide d’un mince morceau de métal utilisé comme un<br />

rabot de charpentier. Les potiers chinois procédaient ainsi à l’époque Song (960-1279).<br />

Empreintes et incrustations<br />

Depuis des temps très anciens, on estampait les poteries avec des sceaux. On peut<br />

soit <strong>la</strong>isser les empreintes de sceaux, positives ou négatives, pour les remplir d’émail, soit les<br />

inonder d’un fin revêtement de colorant qui coule dans les creux et accentue le dessin. Les<br />

empreintes obtenues par estampage direct dans <strong>la</strong> paroi du pot sont utilisées comme bases<br />

pour l’incrustation. On badigeonne bien les creux d’un engobe épais, de couleur différente<br />

de celle du tesson et on le <strong>la</strong>isse sécher jusqu’à ce qu’il prenne <strong>la</strong> même consistance que <strong>la</strong><br />

paroi. Puis, on ébarbe avec un rasoir ou une <strong>la</strong>me jusqu’à ce que l’aspect du dessin soit net<br />

et p<strong>la</strong>t. A l’engobe d’incrustation, il faut ajouter un matériau non p<strong>la</strong>stique, tel le kaolin, le<br />

quartz ou <strong>la</strong> chamotte, afin de palier à un rétrécissement inégal. Les potiers coréens de <strong>la</strong><br />

dynastie Korai (912-1392) utilisaient cette technique avec beaucoup de délicatesse et de<br />

charme, incrustant des engobes noirs et b<strong>la</strong>ncs, puis recouvrant le corps d’une délicate<br />

couverte de cé<strong>la</strong>don.<br />

Rouleaux gravés ou molettes<br />

Les sceaux en rouleaux existent depuis l’antiquité. Grâce à eux, on peut, tandis que le<br />

pot tourne sur le tour, imprimer rapidement des motifs répétés ou liés sur des bords en saillie.<br />

Facettes<br />

Une autre méthode pour décorer les pots à demi secs, est celle des pans coupés.<br />

Ceci se fait habituellement sur les courbes convexes avec une <strong>la</strong>me.<br />

Traitement de l’engobe<br />

<strong>La</strong> méthode <strong>la</strong> plus simple est de tremper le pot dans l’engobe, soit partiellement, soit<br />

en entier, mais il existe des techniques plus é<strong>la</strong>borées telles que : les traînées d’engobes, le<br />

peignage à <strong>la</strong> plume dont l’effet fait penser aux dessins de coquil<strong>la</strong>ges, les marbrures qui<br />

produisent les effets les plus inattendus et parfois des motifs intéressants, le peignage de<br />

l’engobe, le brossage de l’engobe, les pochoirs.<br />

A cette opération succède le travail au pinceau.<br />

4 : Les g<strong>la</strong>çures<br />

Après le façonnage des pièces, on les met dans un séchoir où elles restent jusqu’à<br />

dessiccation totale ; elles subissent alors une première cuisson ; ce sont à ce stade des<br />

biscuits.<br />

De couleur variable (suivant l’argile qui a servi de matière première), le biscuit est en<br />

outre fragile et très poreux. On va donc le recouvrir d’une g<strong>la</strong>çure, matière vitreuse fixée par<br />

l ‘action du feu.<br />

Les g<strong>la</strong>çures sont nombreuses ; elles permettent, suivant leur nature et leur épaisseur,<br />

d’obtenir des produits très différents. On distingue en particulier les g<strong>la</strong>çures transparentes, à<br />

9


ase de plomb et qui <strong>la</strong>issent intactes le grain et <strong>la</strong> couleur de <strong>la</strong> pâte ; c’est un vernis et <strong>la</strong><br />

<strong>céramique</strong> prend le nom de poterie vernissée. Les g<strong>la</strong>çures opaques, à base d’étain, qui<br />

dissimulent <strong>la</strong> pâte ; c’est un émail et <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> s’appelle poterie émaillée ou faïence (ce<br />

procédé serait venu d’Extrême- Orient). Il faut enfin se rappeler que <strong>la</strong> « couverte » est un<br />

enduit vitrifiable transparent, tandis que l’engobe, au contraire, est un enduit terreux<br />

opaque.<br />

Pour g<strong>la</strong>cer convenablement une pièce de <strong>céramique</strong>, on a recours à trois<br />

procédés : le trempage, l’application par arrosage ou aspersion, l’application par <strong>la</strong><br />

vo<strong>la</strong>tilisation. Avant de « donner le b<strong>la</strong>nc » (trempage rapide et précis de <strong>la</strong> pièce dans <strong>la</strong><br />

cuve d’enduit), il est indispensable de bien nettoyer <strong>la</strong> <strong>céramique</strong>, et le potier devra veiller à<br />

éviter de très nombreux accidents, bouillonnures, coques d’œufs, gerçures, etc. … Après <strong>la</strong><br />

pose de l’émail, on fait soigneusement égoutter les pièces en cours d ‘exécution, pièces qui<br />

vont maintenant être décorées.<br />

<strong>La</strong> décoration<br />

Il convient de définir ce qu’on entend par couleurs de grand feu et décoration au feu<br />

de moufle.<br />

- Le grand feu :<br />

Ce sont des couleurs qui peuvent supporter une température de feu très élevée ; le<br />

décor sera fait sur l’émail cru, avant <strong>la</strong> deuxième cuisson qui doit durcir l’émail.<br />

- Le feu de moufle :<br />

Rentrent dans cette catégorie les couleurs se vo<strong>la</strong>tilisant à haute température ; <strong>la</strong> pièce<br />

recevra donc, sans décor, <strong>la</strong> deuxième cuisson puis sera décorée sur émail durci. C’est<br />

alors que <strong>la</strong> pièce <strong>céramique</strong> cuira, une troisième fois, à feu doux appelé feu de moufle<br />

ou encore four à réverbère.<br />

Les couleurs du grand feu étaient autrefois très limitées ; les pièces les plus anciennes<br />

sont bien souvent unicolores. Le bleu est le plus fréquemment employé par le décorateur, qui<br />

dispose aussi du jaune de plomb, rouge de fer, violet et brun de manganèse, brun de fer et<br />

b<strong>la</strong>nc d’étain. Gêné par cette palette réduite, l’artiste, notamment le faïencier de Delft,<br />

grâce à de subtils camaïeux, créera des pièces de toute beauté.<br />

Mais les progrès de <strong>la</strong> chimie al<strong>la</strong>ient é<strong>la</strong>rgir considérablement cette palette : le bleu<br />

de Sèvre va naître de l’oxyde de cobalt, les jaunes, les orangés, les roses vont se diversifier à<br />

l’infini, et <strong>la</strong> décoration des pièces <strong>céramique</strong>s atteindra son plus haut degré de perfection<br />

allié au progrès technique. Les couleurs étant épurées, réduites en poudre puis dé<strong>la</strong>yées<br />

dans de l’eau, elles sont appliquées avec un pinceau très long et effilé.<br />

On ne saurait décrire les différentes opérations de décoration qu’effectue l’artiste qui<br />

crée un décor ; celui-ci doit faire vite, procéder par touches franches, éviter les<br />

empâtements et bien sûr, toutes les salissures.<br />

Certains menus outils et divers procédés les aident pourtant dans leur tache : le<br />

« rouet à profiler » (dessin de courbe ou filet), le « poncis », le procédé d’impression (tous<br />

deux, sorte de décalquage du motif sur <strong>la</strong> pièce).<br />

<strong>La</strong> décoration sous couvercle, qui exige un tour de main encore plus expérimenté,<br />

donne un éc<strong>la</strong>t particulier aux couleurs.<br />

10


5. Les fours<br />

<strong>La</strong> méthode <strong>la</strong> plus ancienne de cuisson de poteries non émaillées était celle du feu<br />

ouvert qui se pratique encore dans quelques parties du monde et se présente par un grand<br />

feu au sein duquel sont empilés les pots.<br />

Ce qui détermina l’évolution des fours fut peut-être <strong>la</strong> nécessité de conserver <strong>la</strong><br />

chaleur et d’exclure les courants d’air. C’est ce qu’on fit en élevant des remb<strong>la</strong>is ou des murs<br />

autour des poteries et en introduisant <strong>la</strong> chaleur par des canalisations. Deux types de four<br />

suffirent à illustrer leur développement jusqu’à une époque récente, à <strong>la</strong> fois en Orient et en<br />

Occident, car <strong>la</strong> grande majorité des fours consiste simplement en modifications de l’un ou<br />

l’autre de ces deux types.<br />

Le « four-talus » ou montant<br />

Originaire d’Extrême Orient, on faisait une excavation dans <strong>la</strong> pente raide d’un talus<br />

de terre, on <strong>la</strong>issait une petite entrée comme ouverture du foyer, et à l’extrémité opposée,<br />

on découpait à <strong>la</strong> surface une ouverture ou cheminée. Le sol était en gradins et on empi<strong>la</strong>it<br />

les pots aux différents niveaux, <strong>la</strong> f<strong>la</strong>mme passant autour et au-dessus.<br />

Le « four-bouteille »<br />

Il est d’une construction simple : on surélève le mur, on l’arrondit et on élève une<br />

cheminée au faîte. L’enfournement se fait par un orifice qu’on scelle avec des briques à feu<br />

et de l’argile avant chaque cuisson.<br />

Quel que soit le type de four, ils sont tous constitués d’organes essentiels qui sont restés<br />

identiques à travers les âges : le foyer, organe qui reçoit le combustible ; <strong>la</strong> bouche,<br />

ouverture qui donne l’air au foyer et qui permet une bonne combustion ; le <strong>la</strong>boratoire où<br />

l’on p<strong>la</strong>ce les pièces qui doivent cuire et <strong>la</strong> cheminée.<br />

L’enfournement, opération de rangement des poteries dans le <strong>la</strong>boratoire est une<br />

opération minutieuse et longue ; il faut que l’espace soit occupé au mieux, sans cependant<br />

que les pièces se gênent et que leur émail ne produise des adhérences entre elles. Aussi les<br />

loge-t-on parfois dans des cazettes, étuis qui isolent chaque pièce, ou encore on dispose des<br />

petites cales joliment appelées « colifichets », ou on les soutient avec des « pernettes », genre<br />

de petites chevilles. Différentes phases de feu seront nécessaires pour cuire les pièces de<br />

<strong>céramique</strong> ; <strong>la</strong> première, d’une durée de cinq à six heures est douce ; on donne ensuite le<br />

« petit feu » qui s’étendra une douzaine d’heures ; et en fin le « grand feu », qui peut durer de<br />

douze à vingt heures. Ce n’est que lorsque le four est tout à fait refroidi, vers le quatrième<br />

jour, qu’on peut défourner.<br />

C’est alors que le potier aura <strong>la</strong> récompense de sa longue peine.<br />

11


2 ème partie COMPLEMENT HISTORIQUE<br />

1. Les poteries primitives<br />

I. LA CHINE<br />

Les plus anciennes séries de poteries chinoises ont été livrées par les fouilles de l’Honan<br />

et du Kan-sou, dans <strong>la</strong> vallée du fleuve Jaune, berceau de <strong>la</strong> civilisation chinoise. Elles ne<br />

remontent pas au-delà de l’époque néolithique récente (environ 2500 ans avant J.C.) et les<br />

pièces à décor peint s’apparentent aux <strong>céramique</strong>s de l’Asie Occidentale.<br />

A partir de l’époque « Tchéou », (1100-300 avant notre ère), l’influence des beaux<br />

bronzes est prépondérante et persistera pendant <strong>la</strong> période prospère qui correspond à<br />

l’empire des Han. Les poteries « Han » les plus caractéristiques (206 avant notre ère à 220<br />

après), sont ornées de motifs moulés en relief : scènes de chasse, oiseaux, dragons<br />

directement empruntés aux bronzes. L’émail qui les recouvre, irisé par le séjour prolongé dans<br />

le sol, prend sur <strong>la</strong> terre rougeâtre une tonalité verte ou jaune assez variable. Avec <strong>la</strong><br />

dynastie des « Tang » (du VII° au X° siècle), on voit apparaître les premiers essais de<br />

polychromie. Le pourpre, le jaune, le b<strong>la</strong>nc, plus rarement le bleu et le noir se joignent au vert<br />

des « Han ». Les émaux sont juxtaposés en dessins réguliers que délimite un léger sillon évitant<br />

leur mé<strong>la</strong>nge ou ils se fondent en longues traînées et de marbrures d’un bel effet décoratif.<br />

2. <strong>La</strong> porce<strong>la</strong>ine des Tang aux Ming<br />

Il est prouvé que <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine existait en Chine dès <strong>la</strong> dynastie des Tang (618-907).<br />

Lo-Yang, <strong>la</strong> capitale des empereurs Tang, possédait une popu<strong>la</strong>tion de trois millions<br />

d’hommes, parmi lesquels se trouvaient de quarante à cinquante mille perses, turcs, arabes<br />

et autres étrangers. Ces commerçants et ces missionnaires, y compris les chrétiens nestoriens,<br />

introduisirent divers objets occidentaux dont certains exercèrent une influence directe sur les<br />

métiers chinois.<br />

Il est certain que <strong>la</strong> poterie Tang fut influencée par les formes métalliques importées.<br />

Elle est souvent jointoyée, cerclée au pied et au bord, et elle représente des courbes<br />

brutales. Mais déjà s’était développé chez les Chinois un sens raffiné des rapports de formes<br />

qui s’exprimaient principalement dans le bronze et que, durant les époques Han (206 avant<br />

notre ère à 220 après), on avait en partie transposé dans les <strong>céramique</strong>s moulées ou<br />

tournées, émaillées au vert. Ainsi, on comprend qu’une fois les influences étrangères de <strong>la</strong><br />

période Tang assimilées, les potiers chinois, dans ces conditions de paix et de protection,<br />

aient rompu avec le formalisme sévère et se soient mis à donner <strong>la</strong> plénitude de leur<br />

expression p<strong>la</strong>stique.<br />

De toute <strong>la</strong> <strong>céramique</strong>, celle de <strong>la</strong> période Song (960-1279) est <strong>la</strong> plus expressive.<br />

C’est en fait <strong>la</strong> plus pure. Et si nous regardons dans son ensemble <strong>la</strong> culture Song, nous ne<br />

pouvons manquer de reconnaître qu’à ce point culminant, les Chinois réussirent une<br />

merveilleuse fusion des influences culturelles extérieures avec leurs propres cultures taoïstes et<br />

confucianistes. Dans le domaine de <strong>la</strong> <strong>céramique</strong>, il en résulte une oeuvre parfaite. Des<br />

potiers chinois de <strong>la</strong> dynastie Song travaillent en Annam et en Cochinchine aussi bien qu ‘au<br />

12


Siam et les cé<strong>la</strong>dons coréens du XII° siècle, de <strong>la</strong> dynastie Korai (912-1392, Corée), qu’on<br />

admirait grandement en Chine, trouvèrent leur origine dans les prototypes chinois.<br />

Le développement tardif de <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine chinoise se fit indirectement grâce à <strong>la</strong><br />

conquête de <strong>la</strong> Chine par Kub<strong>la</strong>i Khan, en 1280. De nouveau, les influences occidentales<br />

jouèrent un rôle en modifiant les traditions autochtones et l’inspiration gréco-bouddhique fit<br />

p<strong>la</strong>ce à l’inspiration musulmane. Il en résulta <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine bleue et b<strong>la</strong>nche, les émaux sur<br />

couverte et les g<strong>la</strong>çures monochromes. En général, l’é<strong>la</strong>rgissement de <strong>la</strong> gamme des<br />

couleurs (sanctionnée par l’esthétique d’une philosophie de <strong>la</strong> vie très différente),<br />

s’accompagnant d’une perte de vitalité et d’une rigidité de forme. Si beaux que soient<br />

nombre de ces pots et les plus anciens sont de loin beaucoup plus beaux que les récents, ils<br />

sont d’un ordre de beauté autre, plus légers, plus badins, tendant souvent à un luxe<br />

extravagant et auquel manque <strong>la</strong> puissance et <strong>la</strong> dignité de leurs prédécesseurs Song.<br />

<strong>La</strong> porce<strong>la</strong>ine Ming (1368-1643) ordinaire tend à être lourde et quelquefois opaque,<br />

mais le pigment de cobalt natif lui confère un très beau bleu discret, <strong>la</strong> couverte est<br />

profonde. Les motifs de cette période sont pour <strong>la</strong> plupart floraux ou symboliques, avec une<br />

abondante ornementation conventionnelle et emblématique ; ils déploient quelques fois un<br />

formalisme plutôt lourd qui, en Europe, trouve son équivalent dans les décorations romaines.<br />

A près <strong>la</strong> période Ming, les impératifs techniques s’accrurent régulièrement, les tessons<br />

furent travaillés plus fins et plus b<strong>la</strong>ncs, les formes reflétèrent de moins en moins l’expression<br />

du matériau, les motifs devinrent plus compliqués et recherchés, les couleurs plus dures, les<br />

couvertes plus pauvres. Même en Chine, <strong>la</strong> virtuosité commença à prendre le pas sur <strong>la</strong><br />

rigueur ; le fameux bleu mauresque qu’on obtenait à l’époque de l’empereur K’ang Hsi, à<br />

partir d’un cobalt importé très dur, n’était ne fait qu’un progrès technique.<br />

Son influence<br />

Il est probable que les premiers spécimens de porce<strong>la</strong>ine chinoise atteignirent<br />

l’Europe après <strong>la</strong> fin du XII° siècle, mais ce ne fut apparemment qu’au début du XV° que des<br />

exemples connus (cé<strong>la</strong>don et porce<strong>la</strong>ine bleue et b<strong>la</strong>nche) firent route jusqu’en Angleterre.<br />

L’impression produite par <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> translucide bleue et b<strong>la</strong>nche dut être profonde sur<br />

des gens seulement accoutumés à des terres cuites re<strong>la</strong>tivement grossières et, bien qu’on ait<br />

tenté d’imiter <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine chinoise en Italie, en France, on n’en produisit que des substituts<br />

vitreux.<br />

Ce<strong>la</strong> se prolongea jusqu’en 1710, lorsque Böttger réussit <strong>la</strong> fabrication de <strong>la</strong> vraie<br />

porce<strong>la</strong>ine à Meissen à partir de matériaux appropriés. Même après qu’on eut assimilé <strong>la</strong><br />

méthode chinoise et que <strong>la</strong> terre de chine et le kaolin purent être obtenus en Angleterre, <strong>la</strong><br />

porce<strong>la</strong>ine ne supp<strong>la</strong>nta jamais les tessons vitreux à pâte tendre produits par les expériences<br />

antérieures. A <strong>la</strong> Manufacture Bow en 1750, <strong>la</strong> cendre d’os commença à remp<strong>la</strong>cer les<br />

éléments vitreux à pâte tendre ; c’est ainsi que naquit un nouveau type de porce<strong>la</strong>ine<br />

intermédiaire, se cuisant plus facilement que <strong>la</strong> vraie porce<strong>la</strong>ine et, pour cette raison,<br />

convenant mieux à l’usage domestique : ce fut <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine à l’os, portée finalement à sa<br />

perfection par Josiah Spode en 1800, et pour <strong>la</strong>quelle l’Angleterre jouit d’une grande<br />

réputation pendant le XIX° siècle. <strong>La</strong> porce<strong>la</strong>ine dure, après une courte période de<br />

fabrication à Plymouth et à Bristol, fut abandonnée en Angleterre en 1781 mais on continua<br />

à en produire ailleurs et elle se développa sur le continent à Sèvre, Berlin, Meissen et<br />

Copenhague.<br />

13


II. PEINTURES SUR VASES GRECS<br />

Base : vases d’argile brute, façonnés au tour et séchés, ayant <strong>la</strong> dureté du cuir.<br />

Substances utilisées : barbotines de cristaux variables : argiles ferrugineuses pour obtenir le<br />

rouge et le noir ; argiles non ferrugineuses pour le b<strong>la</strong>nc ; couches d’ocre pour le violet.<br />

Instruments : stylets de bois dur pour dessiner les motifs ; pinceaux.<br />

Les vases peints sont les seuls restes de <strong>la</strong> peinture grecque. Les deux principaux<br />

modes de décoration sont dénommés « à figure rouge » et à « figure noire ». Dans le décor<br />

des figures noires, les personnages sont représentés en silhouette de couleur noire sur le fond<br />

d’argile naturelle. Dans le décor à figure rouge, le fond est recouvert de cette riche couleur<br />

noire et les motifs et ornements sont réservés, sauf les lignes noires qui dessinent les détails. Il y<br />

a également un groupe moins important dénommé « décor à fond b<strong>la</strong>nc » ou style de<br />

Kertoh.<br />

Ce n’est que très récemment que <strong>la</strong> technique réelle a été découverte, grâce à des<br />

analyses physico-chimiques. En fait, c’est un procédé parfait de peintures par couches, dans<br />

lequel les différentes couleurs dépendent de l’ épaisseur variable d’une couche, avec une<br />

seule cuisson, ; en plusieurs stades.<br />

Les vases furent par conséquent peints avec une barbotine qui selon Schumann et<br />

Oberliès, était obtenue en dé<strong>la</strong>yant de l’argile naturellement avec de l’eau et en y ajoutant<br />

de très petites quantités d’alcalins et de décoctions de p<strong>la</strong>ntes ou de substances animales.<br />

Quand cette solution avait vieilli, elle pouvait être décantée et employée pour peindre les<br />

vases.<br />

Tout d’abord, le peintre devait graver les contours du motif décoratif sur le vase qui<br />

avait <strong>la</strong> consistance du cuir, avec un outil de bois à pointe fine ; les marques faites par ces<br />

instruments sont encore visibles sur les vases grecs. Cependant, comme les traces incisées ne<br />

correspondent pas toujours au dessin terminé, on suppose que le dessin était également<br />

esquissé par un dessin beaucoup plus détaillé. De ces lignes préparatoires, il ne reste aucune<br />

trace ; peut être étaient elles tracées par une substance grasse qui a brûlé à <strong>la</strong> cuisson ?<br />

Après l’application du dessin préliminaire, le vase entier était recouvert d’une couche très<br />

mince qui était absorbée rapidement par l’argile. Puis <strong>la</strong> décoration était peinte par-dessus,<br />

avec une couche plus épaisse. <strong>La</strong> sous couche mince donnait au vase un éc<strong>la</strong>t doux.<br />

Le vase était alors cuit au four. Cette cuisson s’accomplissait en trois stades que l’on<br />

distinguait selon <strong>la</strong> quantité d’oxygène introduite dans le four. Pendant le premier stade à feu<br />

oxydant, les deux couches peintes prenaient une coloration rouge, <strong>la</strong> dernière couche<br />

devenant plus sombre. Au stade suivant, à feu réducteur, on diminuait considérablement <strong>la</strong><br />

quantité d’oxygène dans le four ; ainsi les couleurs épaisses devenaient noires et les nuances<br />

grises. Dans le troisième stade de ré-oxydation, les zones grises devenaient rouges, mais les<br />

zones noires ne changeaient pas de couleur. Le procédé de cuisson était donc<br />

apparemment le même pour les peintures à figure noire et à figure rouge. Il y avait<br />

cependant une différence essentielle dans le procédé de décoration, c’est à dire dans <strong>la</strong><br />

technique d’application de <strong>la</strong> peinture.<br />

<strong>La</strong> peinture en noir était particulièrement indiquée pour un effet p<strong>la</strong>t et décoratif. Les<br />

silhouettes étaient étalées sur <strong>la</strong> surface : elles étaient statiques, et il était impossible de<br />

rendre par cette méthode un mouvement animé. Pour ce<strong>la</strong> il fal<strong>la</strong>it une méthode de lignes<br />

plus libres, et vers 500 avant J.C., on inventa une nouvelle technique consistant, procédé<br />

apparemment simple, à inverser les couleurs du fond et de <strong>la</strong> peinture. Jusqu’alors, <strong>la</strong><br />

couche qui devenait noire à <strong>la</strong> cuisson représentait les figures peintes sur le fond rouge. Plus<br />

tard, le fond du vase était entièrement peint avec <strong>la</strong> riche couleur noir bril<strong>la</strong>nt, en réservant<br />

l’emp<strong>la</strong>cement des dessins de façon à ce qu’ils ressortent rouges. Cette méthode permis de<br />

14


dessiner avec une riche profusion de détails sur les surfaces réservées et de satisfaire ainsi le<br />

désir de représenter librement le mouvement, particulièrement le mouvement du corps<br />

humain, car <strong>la</strong> ligne est dynamique par elle-même, et elle nous sonne l’impression d’un<br />

instantané. Tandis qu’une surface p<strong>la</strong>te a un effet paisible et statique, un dessin traité par<br />

lignes est bien préférable pour rendre le mouvement.<br />

Les contours du dessin sont surélevés et portent pour cette raison le nom de « lignes en<br />

relief ». Ces lignes en relief sont à peu ^près aussi hautes que <strong>la</strong>rges, de sorte qu’on les<br />

distingue nettement des lignes p<strong>la</strong>tes qui dessinent les détails à l’intérieur des contours. Elles<br />

apparaissent plus franches et plus bril<strong>la</strong>ntes dans <strong>la</strong> surface noire épaisse et lisse et elles ont<br />

un plus bel effet décoratif que les lignes p<strong>la</strong>tes dessinées au pinceau. Elles doivent être<br />

tracées par un instrument très régulier dont l’action est diamétralement opposée au<br />

mouvement libred’un pinceau.<br />

Reishold écrit que les lignes en relief « ont vraiment une régu<strong>la</strong>rité mécanique ». Peut<br />

être était-il une simple soie dure fixée à un manche, creusant <strong>la</strong> surface du vase. Les essais<br />

tentés avec cet instrument n’ont jamais donné de résultat satisfaisant. Une comparaison<br />

entre les styles à figure noire et à figure rouge, montre tout ce qu’une nouvelle technique<br />

peut apporter pour mettre en valeur une nouvelle possibilité d’expression. Erns Pfulh a dit :<br />

« <strong>La</strong> nouvelle technique donne naissance à un nouveau style ». <strong>La</strong> figure rouge est demeurée<br />

depuis <strong>la</strong> haute antiquité une simple technique à <strong>la</strong> barbotine, mais pour <strong>la</strong> figure moire, les<br />

engobes (revêtement d’argile visqueuse qui au four prend un aspect mat et plutôt épais)<br />

formant rehauts ont été parfois employés. Un troisième petit groupe est <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> à fond<br />

b<strong>la</strong>nc, également décorée en couleurs, mais l’époque c<strong>la</strong>ssique a toujours préféré<br />

l’harmonie produite par les minces couches d’argile colorée translucide et le noir épais et<br />

bril<strong>la</strong>nt.<br />

15


III. PEINTURE SUR PORCELAINE DE CHINE<br />

Base : poterie crue, cuite en biscuit ou vernie.<br />

Substances utilisées : couleurs faites de métaux et d’oxydes métalliques, émaux.<br />

Instruments : pinceaux.<br />

Il est prouvé que <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine existait en Chine dès <strong>la</strong> dynastie des Tang (618-905) ;<br />

au XIV° siècle, elle a pris une prépondérance sur toutes les autres espèces de <strong>céramique</strong>. <strong>La</strong><br />

porce<strong>la</strong>ine de Chine ne diffère pas fondamentalement, quant à sa composition, de <strong>la</strong><br />

porce<strong>la</strong>ine européenne qui a été inventée beaucoup plus tard ; elle est un mé<strong>la</strong>nge de terre<br />

de kaolin b<strong>la</strong>nc fusible et de feldspath fusible. Cependant, <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine de Chine est<br />

différente en ce qu’elle peut être cuite à des températures plus basses. Aussi a-t-elle été<br />

dénommée « porce<strong>la</strong>ine à pâte tendre ». En outre, son vernis est plus transparent que celui<br />

des porce<strong>la</strong>ines européennes et il est, d’ordinaire, légèrement teinté.<br />

<strong>La</strong> porce<strong>la</strong>ine de Chine peut être c<strong>la</strong>ssée en trois groupes. Le plus ancien procédé,<br />

« <strong>la</strong> peinture sous couverte », consiste à peindre <strong>la</strong> décoration sur l’argile crue, séchée au<br />

grand air (cf. peinture européenne sous couverte où <strong>la</strong> décoration est appliquée sur l’argile<br />

cuite en biscuit). L’argile crue n’étant pas aussi poreuse que le biscuit, elle n’absorbe pas<br />

aussi bien les couleurs ; en conséquence, cette méthode permet d’obtenir des esquisses plus<br />

nettes qu’en peignant sur le biscuit.<br />

Certaines couleurs, seulement le bleu de cobalt et le rouge de cuivre, qui sont des oxydes<br />

métalliques, conviennent au procédé de décoration sous couverte. En effet, <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine<br />

une fois vernie, est cuite à des températures si élevées que les autres couleurs seraient<br />

brûlées. Aussi, ces oxydes métalliques sont-ils appelés « couleurs de grand feu ». Le rouge<br />

est plus difficile à appliquer que le bleu et les œuvres de cette couleur sont rares, bien<br />

qu’au cours de <strong>la</strong> dynastie Ming (1368-1644), on trouve parfois les deux couleurs sur <strong>la</strong><br />

même pièce. Ces couleurs sous couverte sont très durables, car elles sont entièrement<br />

protégées par l’émail.<br />

Une gamme de couleurs beaucoup plus étendue peut être employée dans <strong>la</strong><br />

peinture sous couverte, car <strong>la</strong> porce<strong>la</strong>ine a déjà été vernie et cuite, et les couleurs ne sont<br />

exposées qu’à <strong>la</strong> température re<strong>la</strong>tivement basse d’un four à moufle. Les meilleures couleurs<br />

pour <strong>la</strong> décoration sur couverte sont les oxydes minéraux verts, turquoises, jaunes et<br />

aubergines, mé<strong>la</strong>ngés avec du verre de plomb, un brun rouge dur et un brun noir ne<br />

contenant pas de fondant.<br />

Cette technique a été utilisée depuis le XV° siècle et les couleurs sur couverte étaient<br />

souvent combinées avec <strong>la</strong> décoration bleue sous couverte. On ajoutait aussi parfois de l’or.<br />

Comme les couleurs sur couverte ne contiennent qu’une quantité modérée de pigment, on<br />

peut les appliquer en couche épaisse pour renforcer leur effet, en donnant un léger relief<br />

que l’on peut déceler en passant le doigt sur <strong>la</strong> poterie. Le troisième titre de décoration, au<br />

contraire des deux autres, est appliqué sur <strong>la</strong> poterie cuite en biscuit mais non vernie (<strong>la</strong><br />

peinture sous couverte est <strong>la</strong> peinture sur l’objet non verni et non cuit ; <strong>la</strong> peinture sur<br />

couverte est celle qui est appliquée sur l’émail cuit).<br />

Elle consiste à peindre avec des émaux de couleurs variées sur le biscuit qui est alors<br />

recuit à une température moyenne. Les couleurs sont séparées les unes des autres par<br />

d’étroites arêtes en saillie appelées cloisons, ou par des incisions. On l’appelle « décoration<br />

trichrome » car on utilise souvent trois couleurs différentes.<br />

16


<strong>La</strong> technique dénommée « émail<strong>la</strong>ge sur biscuit » est semb<strong>la</strong>ble à cette dernière. Là<br />

aussi, <strong>la</strong> couleur est appliquée directement sur le biscuit non vernis, non pas cependant sous<br />

forme d’émaux, qui sont formés de feldspath avec une grande quantité de calcium, mais<br />

sous <strong>la</strong> forme des couleurs utilisées pour <strong>la</strong> peinture sous couverte. Cette technique ne<br />

nécessite, également, qu’une température assez basse mais, après cuisson, les couleurs sont<br />

plus pâles que celles de <strong>la</strong> décoration trichrome où l’on utilise des émaux vernis. Les artisans<br />

chinois obtenaient des résultats merveilleux avec toutes ces techniques, ainsi, d’ailleurs avec<br />

certaines autres, comme le travail en relief ou les perforations. Néanmoins, dans les périodes<br />

ultérieures, leur virtuosité avait tendance à compromettre l’harmonie de leur œuvre.<br />

17


IV. DE LA CERAMIQUE ISLAMIQUE<br />

A LA CERAMIQUE HISPANO-MAURESQUE<br />

1. Origines de <strong>la</strong> poterie is<strong>la</strong>mique<br />

<strong>La</strong> Perse est le berceau de <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> is<strong>la</strong>mique. Il s’agit du vieil art iranien et<br />

assanique, influencé par <strong>la</strong> Chine pour <strong>la</strong> maîtrise technique et le raffinement.<br />

Petit à petit, l’Is<strong>la</strong>m crée un art original : arabesques, jeux de lignes et de couleurs. Le<br />

décor s’adapte à <strong>la</strong> surface ( cette conception est opposée à celle des athéniens). <strong>La</strong><br />

faune et <strong>la</strong> flore sont représentés de façon très stylisée, déformée pour remplir le champ à<br />

orner.<br />

Les Arabes excellent dans les décors de surface (étoffes, tapis, <strong>céramique</strong>). Les couleurs<br />

sont d’une gamme très simple mais très variées.<br />

Période archaïque<br />

Du VII° s au XII°s : Perse, Mésopotamie, Egypte.<br />

Il existe plusieurs types de décors : le décor gravé sur l’engobe ou sous couverte dont<br />

les couleurs dominantes sont le brun, le vert, le jaune ; le décor en relief ; le décor peint sur<br />

l’émail ; le décor lustré : le lustre est très caractéristique de <strong>la</strong> poterie is<strong>la</strong>mique. Les reflets<br />

métalliques sont dus <strong>la</strong> cuisson avec des sels oxydants. Cet usage est répandu dans tout le<br />

monde musulman.<br />

Faïences persanes<br />

Du XII°s au XVIII°s.<br />

Le décor est lustré. Il représente des personnages, des arabesques, des motifs floraux,<br />

sur des fonds ivoire ou bleu foncé. On retrouve les mêmes motifs sur les revêtements muraux.<br />

Au VIII°s, <strong>la</strong> Chine influence de plus en plus <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> persane en imitant les décors de <strong>la</strong><br />

porce<strong>la</strong>ine Ming, sans toutefois l’égaler. Les décors représentent des bustes féminins, des<br />

animaux ou des ornements floraux.<br />

Faïences de l’Asie Mineure<br />

Du XV°s au XVII°s.<br />

<strong>La</strong> finesse et <strong>la</strong> g<strong>la</strong>çure de ces poteries rivalisent avec celles d’Extrême Orient<br />

(faïence de Kutayeb, faïence de Damas).<br />

2. <strong>La</strong> <strong>céramique</strong> hispano-mauresque (XIII°s – XV°s)<br />

Les origines<br />

Les poteries hispano-mauresques sont faites par des potiers arabes, installés sur les<br />

territoires reconquis, à côté des potiers chrétiens.<br />

18


Ces poteries se distinguent par le lustre métallique et <strong>la</strong> richesse des décors.<br />

Il y a eu deux grands ateliers :<br />

- Ma<strong>la</strong>ga (du XII°s au XV°s) : <strong>la</strong> fin de cet atelier coïncide avec l’arrivée des rois<br />

catholiques. Il s’agit de grands vases couverts d’arabesques et d’inscriptions<br />

ornementales en bleu et or sur fond ivoire.<br />

- Paterna, Manisès (faubourgs de Valence) : apogée au XV°s, au moment du déclin<br />

des ateliers de Ma<strong>la</strong>ga.<br />

Paterna : style un peu archaïque. Des personnages, des animaux ou des éléments floraux<br />

vert et manganèse sur fond b<strong>la</strong>nc.<br />

Manisès : début du XV° . Décor très oriental, inscriptions arabes décoratives en bleu sur<br />

fond crème. Au milieu du XV° s, le style arabe s’atténue, le décor floral se développe. Ce<br />

style est proche de <strong>la</strong> nature malgré son ordonnance en zones concentriques (goût des<br />

combinaisons linéaires). Parfois un animal dans le fond. Décor doré.<br />

Autres ateliers : Teruel (Aragon), Barcelone, Manresa.<br />

<strong>La</strong> cuisson des ces poteries se fait à feu oxydant (apport d’oxygène dans le four) ou à<br />

feu réducteur (<strong>la</strong> fumée pénètre dans le four).<br />

Oxydes utilisés : oxyde de cobalt ( bleu) ; oxyde de manganèse ( vert brun) ; oxyde<br />

de cuivre ( vert) ; sulfate de cuivre et souffre dissous dans du vinaigre (reflets dorés).<br />

Les changements<br />

A <strong>la</strong> fin du XV°s, les décors floraux sont réduits à des pointillés ou à des jeux de fond.<br />

Les surfaces sont entièrement couvertes, très chatoyantes, avec quelques lignes<br />

géométriques de soutien. Les armoiries très fréquentes mettent le décor en valeur et font<br />

partie de celui-ci.<br />

Les <strong>céramique</strong>s ont aussi été exécutées pour l’étranger, dont l’Italie (d’où <strong>la</strong> présence d’un<br />

certain nombre d’armoiries siennoises ou florentines).<br />

Fin XV°s : déclin de <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> hispano-mauresque sous l’influence italienne.<br />

XVI°s et XVII°s : <strong>la</strong> décadence de cette <strong>céramique</strong> est liée à <strong>la</strong> reconquête.<br />

<strong>La</strong> <strong>céramique</strong> hispano-mauresque de Collioure<br />

- Origine<br />

Des tessons du XIII°s ont été retrouvés dans les fossés du château.<br />

Il s’agit de poteries utilitaires humbles (les pégaus) et de <strong>céramique</strong>s dignes d’une<br />

vaisselle royale.<br />

Cette <strong>céramique</strong> est impossible à dater car l’art hispano-mauresque a connu une<br />

évolution très lente. <strong>La</strong> datation est possible grâce à des textes et tarifs douaniers<br />

retrouvés (<strong>la</strong> <strong>céramique</strong> a été importée).<br />

<strong>La</strong> <strong>céramique</strong> a certainement été utilisée dès le début du XII°s, après <strong>la</strong> construction du<br />

château (XII°s). <strong>La</strong> <strong>céramique</strong> vert-brun a été importée jusqu ‘en 1348 (date<br />

correspondant à une épidémie de peste).<br />

<strong>La</strong> <strong>céramique</strong> bleue à l’oxyde de cobalt et <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> à reflets dorés est utilisée<br />

jusqu’à <strong>la</strong> fin du moyen - âge.<br />

- Témoignage de <strong>la</strong> vie à cette époque<br />

Les <strong>céramique</strong>s renseignent sur <strong>la</strong> vie dans le royaume cata<strong>la</strong>no - aragonais du XIII°s au<br />

XV°s.<br />

<strong>La</strong> <strong>céramique</strong> de Collioure répond aux besoins de <strong>la</strong> table royale : les rois de Majorque et<br />

leurs successeurs immédiats de <strong>la</strong> branche aragonaise, et même deux papes et leur cour<br />

pontificale. Cette <strong>céramique</strong> témoigne du train de vie raffiné de <strong>la</strong> cour. Le château de<br />

Collioure était un lieu de festivités fréquentes.<br />

19


- Témoignage de <strong>la</strong> puissance des cata<strong>la</strong>ns à cette époque<br />

Ce train de vie est le reflet de <strong>la</strong> puissance économique de <strong>la</strong> « confédération cata<strong>la</strong>no –<br />

aragonaise ». Cette vaisselle hispano-mauresque n’est pas seulement réservée à <strong>la</strong> table<br />

royale. Ces <strong>céramique</strong>s décorent certains murs entre deux repas (des p<strong>la</strong>ts sont perforés<br />

à <strong>la</strong> base à cet effet). Une grande importation a eu lieu. <strong>La</strong> cour royale à Collioure et à<br />

<strong>Perpignan</strong> ne pouvait l’épuiser seule. <strong>La</strong> vaisselle était également utilisée à des tables<br />

aisées et raffinées. <strong>La</strong> « confédération cata<strong>la</strong>no – aragonaise » offrait une grande<br />

perméabilité entre <strong>la</strong> noblesse et le tiers - ordre. Les marchands et les artistes pouvaient<br />

être aussi patriciens (appartenir à <strong>la</strong> noblesse) que les aristocrates de sang.<br />

<strong>La</strong> confédération était très puissante : dès <strong>la</strong> seconde moitié du XIV°s, les Cata<strong>la</strong>ns<br />

conquirent une grande part de <strong>la</strong> Méditerranée (expéditions guerrières, mariages,<br />

influences diplomatiques et économiques) : Roussillon, Baléares, Sicile, Sardaigne, Malte,<br />

Djerba. Des consu<strong>la</strong>ts cata<strong>la</strong>ns sont dans toutes les villes importantes du Maghreb, mais<br />

également en Syrie, Egypte, Chypre, Rhodes, Crête.<br />

- Les marchandises à destination de Collioure étaient exemptes de taxes douanières<br />

(privilège royal), dont les <strong>céramique</strong>s de Barcelone et de Malique.<br />

- L’engouement pour <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> hispano-mauresque<br />

<strong>La</strong> <strong>la</strong>rge utilisation de <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> hispano-mauresque à Collioure répondait à des<br />

besoins matériels et des goûts caractéristiques.<br />

Collioure importait surtout de <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> d’origine proche : hispano-mauresque<br />

cata<strong>la</strong>n (Barcelone, Manresa). Ces importations ont encouragé <strong>la</strong> production en<br />

Roussillon (<strong>Perpignan</strong>, Thuir) ; cette production ne gène pas l’importation car <strong>la</strong> demande<br />

est très forte.<br />

- Pourquoi un tel engouement pour des <strong>céramique</strong>s inspirées de l’is<strong>la</strong>m, et qui<br />

refluaient du sud au nord, à l’inverse du mouvement de <strong>la</strong> reconquista ?<br />

Le contexte sociologique l’explique en grande partie : malgré les affrontements violents,<br />

un sentiment prédomine : <strong>la</strong> tolérance et l’admiration mutuelle des musulmans, des<br />

chrétiens et des juifs.<br />

Les mozarabes étaient des chrétiens en terre d’Is<strong>la</strong>m ; le mujedares étaient des<br />

musulmans en terre chrétienne. Les artisans musulmans formaient les apprentis chrétiens<br />

et vice - versa. Les céramistes musulmans étaient très recherchés car ils étaient les maîtres<br />

incontestés dans cette discipline.<br />

Au moyen - âge, le pouvoir politique appartenait aux chrétiens, mais <strong>la</strong> vie quotidienne<br />

était contrôlée par les juifs et les musulmans. L’erreur de <strong>la</strong> part des Rois Catholiques a été<br />

de persécuter les juifs et les musulmans non convertis (inquisition).<br />

20


Les berbères<br />

V. LA POTERIE MAROCAINE<br />

LA POTERIE BERBERE<br />

Le peuple berbère est préis<strong>la</strong>mique. Les ethnies qui le compose sont réparties au<br />

Maroc, en Algérie, en Tunisie, au Mali, en Libye, au Niger. Elles ont survécu aux invasions<br />

égyptiennes, romaines et arabes, enfin, qui arrivent en Afrique du Nord au VII° siècle. Les<br />

berbères sont soit nomades (Touaregs), soit sédentaires (Kabyles).<br />

1. <strong>La</strong> poterie citadine<br />

Origine<br />

Au IX° siècle, un grand nombre de familles andalouses sont chassées d’Espagne par<br />

l’Emir de Cordoue. 8000 d’entre elles sont accueillies au Maroc et se fondent dans <strong>la</strong><br />

popu<strong>la</strong>tion berbère. Ces espagnols constituaient une puissante colonie artisanale d’où se<br />

distinguaient les potiers. Leurs premières réalisations seront des carreaux multicolores : les<br />

« zellijs », ancêtres des azulejos. Fez en couvre ses mosquée. L’engouement pour cette<br />

<strong>céramique</strong> est tel qu’au XI° siècle, l’Emir Youssef Ben Tachfin, fondateur de Marakech, fait<br />

venir d’Espagne des potiers andalous.<br />

Au XI° siècle, Fez est le phare de l’Is<strong>la</strong>m et <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> occupe une p<strong>la</strong>ce<br />

importante dans <strong>la</strong> ville.<br />

Les berbères vivent dans les montagnes ; un certain nombre d’entre eux partent à <strong>la</strong><br />

ville, attirés par les couleurs des <strong>céramique</strong>s.<br />

Caractéristiques<br />

<strong>La</strong> poterie citadine découvre les fleurs et les guir<strong>la</strong>ndes, les arabesques et les lianes.<br />

Elle ne met jamais en scène d’animaux, selon les préceptes du Coran. Les couleurs<br />

traditionnellement utilisées sont le vert, le jaune et le brun.<br />

A <strong>la</strong> fin du XI° siècle, on découvre le bleu ; de multicolores, les <strong>céramique</strong>s deviennent<br />

monochromes (c’est le bleu de Fez). Les puristes adeptes du bleu jugent les couleurs jaune,<br />

vert et brun trop faciles et sans virilité.<br />

Bien que chatoyantes et vives, les poteries étaient souvent tachetées et ternes. Ce<br />

problème sera résolu au XIX° siècle grâce à <strong>la</strong> découverte du bain de sel. Lire : « Le secret<br />

d’un potier berbère » (pages suivantes).<br />

L’arrivée des potiers berbères marque un tournant : le romantisme des villes se marie à<br />

l’artisanat rigoureux de <strong>la</strong> montagne : mé<strong>la</strong>nge de lignes courbes et géométriques, ajout du<br />

bleu aux trois couleurs (bleu pâle avant 1853, bleu vio<strong>la</strong>cé dans <strong>la</strong> <strong>céramique</strong> récente).<br />

<strong>La</strong> fin du XIX° siècle voit <strong>la</strong> décadence de <strong>la</strong> poterie marocaine destinée au tourisme. Le<br />

fond b<strong>la</strong>nc millénaire fait p<strong>la</strong>ce au mauve, les volutes des dessins s’européanisent.<br />

21


2. <strong>La</strong> poterie des régions montagneuses<br />

Le Rif, Tsoul, Zehrouym, Azemmour, sont les hauts lieux de <strong>la</strong> poterie berbère au<br />

Maroc. Lire : « Légende de <strong>la</strong> naissance de <strong>la</strong> poterie berbère » (pages suivantes).<br />

Cet artisanat est effectué par des femmes, il s’agit presque d’un travail ménager :<br />

l’homme juge humiliant de battre <strong>la</strong> terre. Il trouve également important de conserver cet art<br />

austère, masculin et viril, loin des couleurs féminines utilisées dans les villes.<br />

Ces poteries sont conçues selon un mode ancestral et primitif qui remonte à <strong>la</strong> nuit<br />

des temps. Elles sont modelées à <strong>la</strong> main par <strong>la</strong> technique du colombin. Les potières<br />

travaillent sans atelier, au foyer. Le tour n’est pas mobile : ce sont les potières qui tournent<br />

autour. Le séchage se fait au soleil et <strong>la</strong> cuisson à ciel ouvert.<br />

Les poteries berbères sont de grandes jarres et accessoires ménagers d’argile rouge,<br />

de ligne pure, mais de décor pauvre. Le souci n’est pas esthétique mais utilitaire. Ces<br />

récipients sont notamment destinés au transport et à <strong>la</strong> conservation des liquides et des<br />

aliments.<br />

Les berbères sont des gens de <strong>la</strong> montagne, frustres et rudes. Leurs poteries sont<br />

décorées à leur image : des décors géométriques et durs. Les décors se font au couteau :<br />

des lignes brisées, des traits verticaux, des points, des losanges, des croisillons. Ces figures sont<br />

souvent empreintes de signification. L’olive, par exemple, est le symbole de l’œil, au pouvoir<br />

protecteur dans <strong>la</strong> religion Musulmane.<br />

On retrouve beaucoup de poteries à fond rond, à l’image des coquil<strong>la</strong>ges, même<br />

dans les régions éloignées de <strong>la</strong> mer. Cette forme n’est pas très pratique ; pourrait-elle alors<br />

revêtir un aspect symbolique : le dogme universel qui rappelle que tout vient de <strong>la</strong> mer,<br />

même les hommes ?<br />

<strong>La</strong> potière ne manifeste pas sa personnalité. Son souci est celui du confort ménager,<br />

plus que d’harmonie. Sa démarche n’est jamais artistique.<br />

<strong>La</strong> poterie berbère est empreinte de rites et de croyances<br />

Exemple des potières des Ouadhias, en Grande Kabylie.<br />

<strong>La</strong> recherche de <strong>la</strong> terre est une quête qui subit des interdits importants, car l’acte est<br />

« dangereux ». Il dérange les forces obscures de <strong>la</strong> Terre, source de fertilité et de fécondité.<br />

Le lieu même d’où l’argile est tirée est tenu secret. Nul autre que le potière ne peut toucher à<br />

cette terre qui lui est personnelle. Si une autre potière néglige cette loi, toutes ses poteries<br />

éc<strong>la</strong>teront au four. Le jour de <strong>la</strong> cuisson n’est pas choisi par hasard et les curieux du vil<strong>la</strong>ge<br />

sont à éloigner.<br />

Quelques rites<br />

On brise une poterie à <strong>la</strong> porte de <strong>la</strong> maison pour protéger le foyer de <strong>la</strong> ma<strong>la</strong>die et<br />

de <strong>la</strong> mort. Dans une maison visitée par <strong>la</strong> mort, on jette tous les objets en argile, puisque leur<br />

pouvoir n’a pas été suffisant pour éloigner le malheur.<br />

Chaque année, on jette du haut d’un mât de tente, un couscoussier. S’il se casse en<br />

peu de morceaux, les champs seront fertiles. S’il se pulvérise, les temps seront rudes.<br />

Chaque année, dans les montagnes du Rif sont confectionnés des modèles réduits<br />

d’accessoires domestiques. Ils sont accrochés au mur pour chasser les mauvaises influences.<br />

Les rites sont là pour obtenir <strong>la</strong> fertilité de <strong>la</strong> terre, <strong>la</strong> fécondité des femmes et <strong>la</strong><br />

protection des ancêtres.<br />

Toutes les poteries sont considérées par les religieux traditionalistes comme sacrées,<br />

car elles sont le réceptacle du don, le trait d’union de l’offrande.<br />

22


3. <strong>La</strong> renaissance de <strong>la</strong> poterie marocaine<br />

Boujémââ <strong>La</strong>mali, potier d’origine kabyle, devient le plus grand potier marocain du<br />

XX° siècle.<br />

Ce prodige berbère est pris en charge dès l’adolescence par un maître potier<br />

français et après quelques années d’apprentissage, il part étudier <strong>la</strong> poterie à Sèvre. A son<br />

retour, il révolutionne <strong>la</strong> poterie marocaine en introduisant de créatures dans ses décors,<br />

acte impie selon l’Is<strong>la</strong>m.<br />

Ce grand potier proposera les retrouvailles des dessins géométriques et des<br />

techniques ancestrales, avec <strong>la</strong> poterie marocaine ; il lui alliera également des harmonies<br />

inédites.<br />

Grâce à lui, <strong>la</strong> poterie marocaine a pu proposer à nouveau des objets de qualité et<br />

faire un peu oublier <strong>la</strong> poterie sans âme destinée aux touristes.<br />

Boujémââ <strong>La</strong>mali est mort en 1971.<br />

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Dossier réalisé pour le Service éducatif du musée Rigaud par : Catherine Domenjo (1981)<br />

Mise à jour et compléments : Aude Va<strong>la</strong>ison (2000)<br />

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