les nouvelles d'Archimède #43 - Espace culture de l'université de ...

l e s n o u v e l l e s
d
’ Archimède OCT
NOV
DÉC
le journal culturel de l’Université de Lille 1
Ou v e r t u r e d e s a i s O n 08/09
« L’espace », « À propos de la science », « La guerre » Rendez-vous
d’Archimède / La laïcité, ce précieux concept Parution collection Les
Rendez-vous d’Archimède / Masarat-Palestine 2008 Théâtre, musique,
exposition, arts visuels / Pey, Doneda, Nakatani / Pennequin, Pauvros
Poésie sonore / Universi’terre Exposition / 3 ème Valse des livres
2008
« La liberté existe toujours. Il suffit d’en payer le prix »
Henry de Montherlant, Carnets, 1957
# 49
Lille 1

LNA#49 / édito
2
Nabil EL-HAGGAR
Vice-président de l’Université de
Lille 1, chargé de la Culture, de la
Communication et du Patrimoine
Scientifique
1 Hurbert Marcuse, L’homme unidimensionnel,
éd. de Minuit, 1989.
L’équipe
Françoise POINTARD
directrice de l’Espace Culture
Delphine POIRETTE
chargée de communication
Edith DELBARGE
chargée des éditions et communication
Julien LAPASSET
concepteur graphique et multimédia
Audrey BOSquETTE
assistante aux éditions
Mourad SEBBAT
chargé des initiatives étudiantes et associatives
Martine DELATTRE
assistante initiatives étudiantes et associatives
Dominique HACHE
responsable administratif
Angebi ALuwANGA
assistant administratif
Johanne wAquET
secrétaire de direction
Antoine MATRION
chargé de mission patrimoine scientifique
Jacques SIGNABOu
régisseur
Joëlle MAVET
café culture
Pas d’avenir sans diversité culturelle
Le monde est inquiet : avenir incertain,
inégalités grandissantes, accroissement
de la pauvreté et des violences,
régulation quasi inexistante… La politique
et le modèle social européen sont dépassés.
L’économie de marché est le maître
absolu de « l’économie monde ».
Imaginée et développée par l’Occident,
cette mondialisation n’épargne pas la
qualité de vie des Occidentaux.
L’unification des marchés, l’uniformisation
des consommations et de la production,
ainsi que la mondialisation des médias et
le développement de l’Internet touchent
directement la diversité et la richesse culturelles.
Si les spécificités socioculturelles
résistent à cette uniformisation, c’est en
revanche le processus de nivellement culturel
qui est entamé. Ce que H. Marcuse,
déjà en 1964, bien avant la mondialisation
économique, craignait en parlant de la
technique et de la science prises dans
l’engrenage d’une croissance illimitée qui
annihile les hommes et leur esprit critique…,
et d’ajouter : « Après la disparition de l’esprit
critique, la société n’est plus qu’un espace
clos unidimensionnel » 1 .
C’est pourquoi le combat pour l’accès à la
culture et à l’éducation est plus que jamais
une priorité.
Sur tous les continents, des sociétés entières
sont inquiètes sur l’avenir de la diversité
culturelle et des spécificités locales. Elles
se sentent menacées dans leur existence
propre par l’uniformisation au niveau
mondial. Si, par le passé, des cultures dominantes
ont ethnocidé culturellement des
sociétés entières, l’uniformisation – aussi
mondialisée soit-elle – ne peut que faiblir
devant cette diversité culturelle que l’on
sait inhérente à l’homme par rapport au
monde. L’avenir de l’homme n’est ainsi
concevable que dans la différence.
La Laïcité
Le 19 ème ouvrage de la collection Les
Rendez-vous d’Archimède paraîtra en
novembre 2008 aux éditions l’Harmattan.
Je rappelle à nos lecteurs que tous
les ouvrages de cette collection – dont la
dernière parution en deux tomes, À propos
de la culture – peuvent être consultés
librement à l’Espace Culture et sont en
vente dans les librairies.
Les Rendez-vous d’Archimède
Comme chaque saison, nous proposons
trois thèmes au public que nous espérons
encore plus nombreux :
La guerre : un cycle de sept conférences
et une journée d’études consacrée à la
problématique Guerre et religions ;
L’espace : un cycle de douze conférences,
dont quatre dans le cadre de l’Année
Mondiale de l’Astronomie ;
À propos de la science : un cycle de sept
conférences, dont quatre dans le cadre
de l’Année Internationale de la Planète
Terre.
Nous aborderons, lors des Cafés-sciences,
des thèmes liés à l’actualité scientifique et
technique.
L’invité, la Palestine
Masarat-Palestine 2008 est un projet mené
à l’initiative du Commissariat Général
aux Relations Internationales et de la
Délégation Générale de la Palestine auprès
de l’Union Européenne, de la Belgique et
du Luxembourg, sous le haut patronage de
la Ministre des Relations Internationales de
la Communauté française de Belgique et de
Mahmoud Darwish.
Masarat-Palestine déconstruit les clichés
qui nous habitent – télévisuels, journalistiques
– voire même les représentations
les plus familières venues de la militance.
Masarat-Palestine à Lille 1 se veut parcours
et chemins pluriels en opérant
un focus sur la production visuelle et
plastique à travers la présentation d’une
exposition, du cinéma, du théâtre, de la
musique...
Mahmoud Darwish nous a quitté le 9 août
2008. Porte-parole de la tragédie palestinienne,
pilier de la littérature palestinienne
et arabe, il fut le chant des oiseaux migrateurs
qui attendent éternellement le retour,
il restera la voix de la misère des enfants aux
pieds nus des camps de réfugiés...
La citation
Henry de Montherlant nous accompagne
tout au long de cette saison 2008-
2009, avec ces mots : « La liberté existe
toujours. Il suffit d’en payer le prix ».

L’espace
4-5 La genèse de l’espace chez l’enfant par Gérard Vergnaud
6-8 De l’invention de la perspective à la construction de l’espace et de l’infini
actuel par Jean-Pierre Le Goff
À propos de la science
9 Le géosystème et la prose, vous connaissez ? par Francis Meilliez
La guerre
10-11 Où va la guerre ? par Alain Cambier
Rubriques
12-13 Paradoxes par Jean-Paul Delahaye
14-16 Mémoires de science par Robert Locqueneux
17-19 Repenser la politique par Alain Cambier
20-21 À lire par Rudolf Bkouche
22-23 À lire par Bernard Maitte
24-25 Jeux littéraires par Robert Rapilly
26-27 Vivre les sciences, vivre le droit… par Jean-Marie Breuvart
28-29 L’art et la manière par Corinne Melin
30-31 Questions de sciences sociales par Jacques Lemière
Libres propos
32-33 Nanotechnologies par Louis Laurent
34-36 Qu’est-ce, au juste, qu’un philosophe ? Hommage à Jean-François
Lyotard par Jean-François Rey
Au programme
37-38 Ouverture de saison
39 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « L’espace »
40 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « À propos de la science »
41 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « La guerre »
42 Collection Les Rendez-vous d’Archimède : nouvelle parution
« La laïcité, ce précieux concept »
43 Question de sens : Cycle « Chemins d’humanisation »
44 Les enjeux d’une politique patrimoniale universitaire
45 Exposition : Universi’terre
46-47 Poésie sonore : Pey - Doneda - Nakatani / Pennequin - Pauvros
48-49 Masarat-Palestine 2008
50 Valse des livres / Les soirées du Premier Quartier
51 Atelier danse Butô
À noter pages 48-49 :
Masarat-Palestine
2008
sommaire / LNA#49
LES NOUVELLES D’ARCHIMÈDE
Directeur de la publication : Philippe ROLLET
Directeur de la rédaction : Nabil EL-HAGGAR
Comité de rédaction : Rudolf BKOUCHE
Youcef BOUDJEMAI
Jean-Marie BREUVART
Alain CAMBIER
Jean-Paul DELAHAYE
Bruno DURIEZ
Rémi FRANCKOWIAK
Robert GERGONDEY
Jacques LEMIÈRE
Bernard MAITTE
Corinne MELIN
Françoise POINTARD
Robert RAPILLY
Jean-François REY
Rédaction - Réalisation : Delphine POIRETTE
Edith DELBARGE
Julien LAPASSET
Impression : Imprimerie Delezenne
ISSN : 1254 - 9185
3

LNA#49 / cycle l'espace
4
La genèse de l’espace chez l’enfant
Le développement des compétences spatiales est important
chez l’enfant, et précoce : à l’âge de deux ans,
les enfants disposent déjà de compétences différenciées en
matière de localisation des objets, de reconnaissance des
configurations spatiales, d’orientation des parcours. Ces
compétences reposent sur des concepts non explicites mais
néanmoins opératoires. Ce sont des concepts-en-acte. Le
langage n’est pas encore véritablement impliqué dans les
processus de conceptualisation. Il le sera plus tard.
Une première idée importante est que le développement
des représentations spatiales est étroitement associé à
la conceptualisation des objets (ce sont eux qui occupent
et structurent l’espace) et à l’activité gestuelle et
perceptive de l’enfant, qui témoigne justement des changements
de représentation. Mon premier exemple n’intervient
qu’au cours de la deuxième année ; il est particulièrement
spectaculaire et il met bien en évidence ce qu’est une
prise de conscience dans le domaine de l’espace.
Le miroir : un bébé qui se regarde dans un miroir n’a pas
pleinement conscience que c’est lui, le bébé dans le miroir.
Il croit d’abord que c’est un autre bébé, qu’il pourrait toucher
en avançant la main vers le miroir, ou retrouver en
contournant le miroir. Si on fait une marque repérable sur
son front, le bébé n’interprète pas cette marque comme
étant sur son front, mais sur celui du bébé dans le miroir,
et il essaye de l’effacer en avançant la main vers le miroir.
Vers 15 ou 18 mois, dans le meilleur des cas, l’enfant prend
conscience que c’est bien sur son propre front qu’est inscrite
la marque, et il y porte la main. Cette prise de conscience
est définitive, ce qui témoigne d’une conceptualisation nouvelle.
Les singes d’espèces supérieures acquièrent aussi cette
compétence (mais pas toutes les espèces) et des recherches
relativement récentes ont mis cette compétence en évidence
chez les éléphants. Beaucoup d’animaux réputés intelligents
en restent privés.
Après deux ans, et même s’ils n’hésitent pas à porter la main
à leur front pour effacer la tache qui s’y trouve, les bébés
hésitent encore sur le statut du personnage du miroir et peuvent
encore imaginer le rencontrer en contournant le miroir.
La prise de conscience complète peut donc demander plusieurs
étapes.
La coordination des gestes et des espaces : en amont de
cette prise de conscience, les nourrissons apprennent à coordonner
leurs gestes pour attraper un objet, ou pour trouver
un moyen de le rapprocher, ou encore pour le frapper avec
Par Gérard VERGNAUD
Directeur de recherche émérite au CNRS
En conférence le 18 novembre
une main en le tenant avec l’autre main. Ils découvrent
ainsi, progressivement, que l’espace exploré par le regard,
celui exploré par la main droite et celui exploré par la main
gauche sont un seul et même espace. Cela ne se fait pas en
un jour. Dans le même temps, les changements d’apparence
d’un objet selon son orientation et selon le point de vue d’où
l’enfant le perçoit (sous tel ou tel angle, plus ou moins éloigné)
sont intégrés dans une vision unique : c’est le premier
invariant opératoire.
L’objet permanent : une autre découverte importante du
bébé, relevée par Piaget 1 puis par de nombreux autres chercheurs,
concerne la conviction, acquise assez tardivement,
qu’un objet disparu derrière un écran peut être retrouvé
soit en déplaçant l’écran, soit en contournant l’obstacle, et
en annulant ainsi la disparition de l’objet par des déplacements.
La conceptualisation des déplacements est constitutive
du concept d’espace. Avant la prise de conscience par
le bébé, vers 8 ou 9 mois, que l’objet disparu peut ainsi être
retrouvé, celui-ci cesse pratiquement d’exister. Si l’on interpose
deux écrans au lieu d’un, le bébé reste troublé jusque
vers 18 mois. Le concept d’invariant opératoire prend ainsi
un relief nouveau, puisqu’il concerne alors un objet non
accessible à la perception. Dans les sciences, de nombreux
objets de pensée résultent d’une construction hypothétique
et ne sont donc pas accessibles à la perception. Leur conceptualisation
en est plus redoutable.
La coordination de points de vue différents : une autre
expérience spectaculaire de Piaget, reprise de nombreuses
fois par les chercheurs, consiste dans la disposition de plusieurs
objets sur une table ronde, et de plusieurs « photographes
» autour de la table, de telle sorte que certains
photographes ne puissent pas voir tous les objets, les uns
étant cachés par les autres. Piaget met en évidence que les
enfants, jusqu’à 7 ou 8 ans, ont tendance à privilégier leur
point de vue propre et à attribuer aux photographes placés
ailleurs la vue qui est la leur, et qui ne respecte donc pas
les relations devant/derrière et gauche/droite perçues par
l’autre photographe. Cet égocentrisme ne fait place que
très lentement à la décentration. L’étude des erreurs montre
que cette décentration implique des calculs relationnels
1 Piaget J., Inhelder B., La représentation de l’espace chez l’enfant, Paris, Presses
Universitaires de France, 1948.

elativement complexes, qui témoignent de la coexistence
de plusieurs géométries : celle des figures, celle des positions,
celle des transformations.
L’expression langagière des relations spatiales : lorsque
l’enfant commence à parler et à échanger avec son entourage,
le lexique des relations spatiales et la syntaxe de l’énonciation
vont devoir se développer pendant plusieurs années.
On peut désigner cette question par la relation entre la forme
opératoire et la forme prédicative des connaissances
spatiales. La phase de l’apprentissage des prépositions et
des adverbes relatifs à l’espace peut durer plusieurs années,
comme d’ailleurs l’apprentissage de la langue maternelle :
pourtant, à 4 ans et demi, les enfants en ont une connaissance
convenable. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’ils
n’ont plus rien à apprendre, en particulier concernant l’expression
des propriétés géométriques de l’espace mais, pour
l’essentiel, le rapport est fait entre les ressources langagières
et les ressources issues de l’activité perceptivo-gestuelle. Est
notamment concerné l’emploi des expressions près de, loin
de, devant, derrière, en face de, dans le dos de, à gauche, à
droite, avant, après, en avant, en arrière, en dessus, en dessous,
sur, sous, à, contre, dans, hors de, en dedans, en dehors…
La thèse principale de Vandeloise 2 , dans son livre L’espace
en français, est que la description géométrique de l’espace
et la description logique des relations spatiales (du type symétrie
ou asymétrie) ne rendent pas compte de leur sémantique,
et qu’il faut s’intéresser aux aspects fonctionnels des
mouvements du corps dans l’espace. À côté des trois directions
qui structurent l’espace géométrique, et dont nous
avons une représentation utile avec le repère égocentré, l’axe
vertical et les deux directions frontale et latérale, il faut
ajouter l’orientation du mouvement de l’objet par rapport
auquel on s’exprime, la ligne du regard, l’importance relative
de la cible (dont on parle) et du site (par rapport auquel
on situe la cible), le caractère tridimensionnel ou non du
site, ou encore le caractère accessible ou non de l’objet.
L’enfant est derrière la voiture peut être entendu de plusieurs
manières : il est de l’autre côté de la voiture par rapport à
l’endroit où se trouve le locuteur ou le destinataire, ou bien il
est du côté de l’arrière de la voiture.
Les bijoux sont dans la boîte présuppose que le contenant
est tridimensionnel, ce qui n’est pas le cas de l’énoncé nous
faisions la queue dans la même file.
2 Vandeloise C., L’espace en français, Paris, éd. du Seuil, 1986.
cycle l'espace / LNA#49
La bicyclette est devant la maison se dit, tandis que la maison
est derrière la bicyclette ne se dit pas. En d’autres termes, les
couples de prépositions R et R’ qui vont par deux, comme
devant/derrière ou gauche/droite, ne permettent pas tous
d’inférer bR’a à partir de aRb, en tout cas pas toujours : il
existe des conditions, lesquelles ne relèvent ni de la logique
ni même de la géométrie seulement.
De même, on ne peut pas dire que la table est au-dessus du
ballon, même si le ballon est au-dessous de la table.
Vandeloise retient plusieurs idées :
La ligne du regard est un trait important de l’activité perceptive.
L’accès à la perception notamment est fondamental
dans l’usage des prépositions : le coffre-fort est derrière le
tableau, ou sous le tableau. Toutes deux expriment le non
accès à la perception tout en indiquant la position de l’objet
recherché. Le mot sous n’a plus rien à voir avec la dimension
verticale de l’espace.
Les relations contenant/contenu contribuent au sens de
plusieurs relations : il y a du vin dans le verre ; il y a une mouche
dans le verre ; il y a un oiseau dans l’arbre ; mais il y a des
extensions possibles : l’arbre est dans le pot ou encore dans
la terre ; le fil est dans l’aiguille. La relation porteur/porté
joue un rôle également, notamment pour les prépositions
relatives à la verticalité sur, sous, au-dessus, au-dessous.
Une autre idée concerne la rencontre potentielle : dans un
mouvement, on peut faire dire à la même préposition des
sens apparemment opposés. Par exemple, le maillot jaune
est avant le maillot vert (dans un sprint) indique le fait que
le maillot jaune précède le maillot vert (les deux sont en
mouvement) ; par contre, l’antiquaire est avant la cathédrale
indique le fait que la rencontre du magasin de l’antiquaire
précède la rencontre de la cathédrale (c’est le locuteur et le
destinataire du message qui sont potentiellement en mouvement).
Un autre exemple est celui du caractère fixe ou mobile de la
cible et du site : regarde l’étoile filante, près du clocher se dit ;
regarde le clocher, près de l’étoile filante ne se dit pas.
En conclusion, Vandeloise avance la thèse suivante : « Plus
que la description formelle d’un monde statique, le
langage est adapté à la description fonctionnelle d’un
monde en mouvement ».
5

LNA#49 / cycle l'espace
6
De l’invention de la perspective
à la construction de l’espace et de l’infini actuel
Le Quattrocento italien va (ré- ?)inventer la perspective
centrale : puis, deux cents ans plus tard, Girard Desargues 1
réalisera la synthèse de cette science perspective et de la théorie
des coniques fondée par les Grecs : c’est ce qu’affirme, non
sans raison, l’histoire récurrente des origines. Cependant, dans
cette version des faits, historiens d’art et historiens des sciences
occultent souvent certains aspects de la question :
- le procès de production réel de cette scientia nova, en particulier
la diversité et la multitude des approches, des étapes,
voire des impasses, pour ne retenir que la voie royale supposée.
Selon l’histoire classique
des origines, pour ne
prendre que cet exemple,
tout découlerait de l’invention
du point de fuite central
– ce point du sujet, comme
le nommera Jean Pèlerin
Viator au début du XVI ème
siècle –, point donné comme
naturel et d’évidence ;
et le débat porte alors quasi
uniquement sur le moment
et/ou le lieu de cette invention
: le Trecento, chez
Giotto par exemple ? La tradition
italienne, qui serait
caractérisée par un point de
fuite central, ou celle d’Europe
du Nord, qui aurait eu
l’intuition des tiers-points
dans ses vues d’angle ? Le
moment théorique – une
sorte de rupture épistémologique
– qu’auraient institué
Brunelleschi et Alberti
dans la Florence des années
1420-30 ?
Cette approche relève, selon
nous (fig. 1), d’une vision rétrospective – au double sens du
terme « vision », visuel et conceptuel, ici intimement liés – ;
1 Girard Desargues (1591-1661), ingénieur, géomètre et architecte lyonnais, ami
de René Descartes, qui lui accorde une grande estime. Il rédigea un Brouillon
Project… sur les coniques où il définit les éléments à l’infini de ce qui deviendra
la géométrie projective avec Poncelet au XIX ème siècle, et un invariant numérique
dans les transformations de cette géométrie, l’involution de six points, qui préfigure
le birapport de quatre points de Poncelet. Il eut pour élève, en géométrie,
Blaise Pascal (1623-1662), auteur d’un traité des coniques aujourd’hui perdu.
Par Jean-Pierre LE GOFF
Professeur de mathématiques et historien des sciences
à l’IUFM et l’IREM de l’Université de Caen (Basse-Normandie)
Figure 1. – Point n’est besoin du point F – point de fuite des
apparences de droites « fuyant » au droit du regard, perpendiculairement
au plan de projection, et donc parallèles entre elles dans
la réalité, pour donner l’illusion d’une dégradation des grandeurs
« en accord » avec ce que la vision semble indiquer ; une simple
réduction proportionnelle sur une subdivision de AB reconduite
sur CD (si AB et CD sont égales dans le réel) permet de donner
l’illusion d’un « plancher » ou d’une série d’arcades. Certes, les
lignes de jonction des points qui subdivisent AB et CD convergent
alors en un point F (sans existence physique si le plancher
se limite à CD en profondeur), mais il n’est pas nécessaire de le
convoquer comme un point de construction pour la subdivision
de CD et la méthode de réduction proportionnelle est beaucoup
plus conforme à l’esprit de la géométrie euclidienne que l’usage
de lignes fictives (ici en pointillés). L’effet de fuite est analogue,
que AB et CD aient une médiatrice commune ou non, ou que
la figure à réduire soit une ligne droite ou une figure complexe.
Le point de fuite central apparaît donc comme une conséquence
de pratiques empiriques plus en accord avec les conceptions géométriques
du temps, plutôt que comme un point de départ de la
méthode, un passage initial obligé.
En conférence le 9 décembre
- les conditions épistémologiques de ce procès, qui supposent
de prendre en compte les connaissances géométriques
– théoriques et pratiques – effectives des inventeurs de la
première Renaissance, qui obligent l’historien à se dépouiller
des connaissances accumulées depuis l’invention, voire
même ce que cette invention comporte en soi de conséquences
reconnues et assimilées, devenues « seconde nature » en
quelque sorte. Les histoires de la perspective font fi de ce
qu’est la géométrie euclidienne, au sens d’une géométrie de
la doxa euclidienne, au Moyen Âge et à la Renaissance ; les
effets de cette doxa sont encore
sensibles aux XVII ème
et XVIII ème siècles, c’est-àdire
après la mise en scène
de la Nouvelle Analyse de
Descartes ; les Éléments,
faut-il le rappeler, sont, après
la Bible, l’ouvrage le plus fréquemment
réédité jusqu’au
XX ème siècle, dans le monde
occidental : même si l’ordre
synthétique euclidien d’exposition
est régulièrement
remis en cause quant à ses
prétendues vertus pédagogiques,
par exemple par les
théoriciens de Port-Royal
(Arnaud et Nicole), dans
certains ordres enseignants
(l’Oratorien B. Lamy, v. g.),
ou chez tel ou tel esprit des
Lumières (Clairaut, v. g.).
Certes, il est indéniable
que l’innovation de l’architecte
Brunelleschi, vers
1420, relève d’une prise de
position de l’humain comme
maître et possesseur de la nature, ou du moins de sa représentation
illusionniste non empirique : une sorte de video ergo
sum, avant la lettre de Descartes. Et que, creusant le même
sillon, peintres, ingénieurs et architectes européens, et particulièrement
le géomètre lyonnais Desargues, ont jeté les
fondements de concepts et d’objets nouveaux, puis les ont
construits et donnés à voir et à entendre tout au long de ce
procès de production – 400 ans séparent les idées d’Alberti
de celles de Poncelet –, à savoir : l’espace homogène antérieur

à la matière qui l’habite et l’infini actuel, réifiable – puisque
représenté par les fameux points et autres lignes de fuite –,
au-delà de la cosa mentale.
Notons que le déploiement de ces innovations radicales
contribuera amplement à l’émergence de la rationalité au
Grand Siècle, puis à l’industrialisation du monde occidental,
dans la mesure où elles vont engendrer d’autres représentations
géo-(maî)-trisées du réel – perspectives parallèles,
cavalière, militaire, axonométriques, par exemple, où l’œil
du « spectateur » est « rejeté à l’infini », comme un œil divin
sur sa création – : celles-ci autorisent, en effet, la restitution
du réel ou du fabriqué et, par voie de conséquence, sa reproductibilité
à l’identique ; même si les projections perspectives
ne sont pas bijectives, les doubles projections donnent
la maîtrise de la troisième dimension : c’est, en résumé, ce
qu’énonce Gaspard Monge avec sa Géométrie descriptive, à
la fin du XVIII ème siècle. C’est un point qui fait question :
l’histoire des modes de représentation, à laquelle participent
ces mathématiciens (d’un genre si particulier, comme Piero
della Francesca, qu’on oublie parfois de les mentionner es
qualité), est minorée au regard des « grandes découvertes »
de la Renaissance : l’imprimerie ou le recul des limites du
monde méditerranéen découvrant des Indes sur son occident
et les nommant « nouvelles », puisque différentes de celles
qu’il connaît en son orient, ou encore, au Grand Siècle, l’avènement
de l’algèbre littérale, de la géométrie analytique et
du calcul infinitésimal.
Pour autant, il serait préjudiciable à une histoire non fictionnelle
de la perspective d’accepter sans examen des déclarations
telles que : « Giotto – ou : le Trecento – a inventé
l’espace » ; ou encore : « dans les vedute des peintres de la
première Renaissance, le point de fuite principal est souvent surcadré
par telle porte ou telle fenêtre ; c’est donc que ces dernières
‘ouvrent sur l’infini’ ». Que Giotto donne à voir, si ce n’est
l’espace, du moins une « boîte d’espace », est un fait ; derechef,
que les dites vedute pointent l’infini, a posteriori, est
encore un fait ; mais que ces faits manifestent une pensée
conceptuelle consciente de la rupture qu’ils consomment et
de leur irréductibilité avec le monde commun des contemporains
du moment est tout autre chose : « l’espace » d’un
Giotto ou d’un Alberti n’est pas défini comme forme a priori.
Ne serait-ce que parce que la distinction entre matière et
étendue, figure primitive de ce que nous appelons l’espace,
ne s’opère guère, en particulier en termes géométriques,
qu’au début du XVII ème siècle, sous l’influence de la pensée
arguésienne sur Blaise Pascal et ses amis jansénistes de Port-
Royal ; pour donner un contre-exemple et non des moindres,
Descartes lui-même, anti-scholastique s’il en est, philosophe
d’une nouvelle métaphysique qu’il lui faut élaborer sur une
nouvelle physique et à l’aide d’une Méthode inspirée de
cycle l'espace / LNA#49
sa Nouvelle analyse (sa Géométrie de 1636), reste attaché au
principe aristotélo-thomiste qui affirme que « la Nature a
horreur du vide ».
Un peu d’étymologie permet de replacer les concepts en
contexte : espace nous vient de spatium, c’est-à-dire de l’idée
d’intervalle, celui qui se trouve situé entre les solides, fait
d’air ou d’éther, matière volatile ou « subtile », puisque toute
étendue est matière, faite de l’un de ses cinq états ou d’un
autre : Descartes ne dit rien d’autre avec ses « tourbillons »,
qui peuvent seuls expliquer le mouvement des corps célestes par
frottement et entraînement, tant il est vrai que toute autre
hypothèse supposerait des forces « occultes ».
Quant à l’infinitum, c’est l’interminé, l’inachevé, plus que
l’interminable ou l’inépuisable, c’est-à-dire la marque d’une
déception, d’un manque, d’une imperfection plus que d’une
qualité positive (encore en devenir comme attribut du divin,
par exemple) : les philosophes et géomètres grecs développaient
une conception de l’infini dans laquelle celui-ci était
considéré comme essentiellement potentiel, tandis qu’Aristote
imposait une vision géocentrique et finitiste du cosmos,
limité – mais peut-être parfait du fait de sa rotondité supposée
– par la sphère des fixes, sorte de voûte céleste porteuse
d’étoiles comme autant de lumignons marquant les confins
du monde avec le néant extérieur. Dans ce contexte, la géométrie
euclidienne reconnaît et intègre l’infini potentiel
mais s’arrête aux rives de l’infini actuel : on sait la circonspection
avec laquelle les géomètres grecs appréhendaient
tout processus à l’infini, depuis que l’école des Éléates avait
montré à quelles contradictions pouvait conduire son usage
immodéré ou inattentif : sont, à cet égard, exemplaires le
recours à la démonstration par l’absurde et la méthode de
descente sous un seuil donné – dite d’exhaustion au XVII ème
siècle et fondée sur l’axiome d’Eudoxe/Archimède – utilisées
pour toute proposition de type pré-infinitésimal, et que
l’on trouve exposées et mises en application par Euclide
(III ème siècle av. J.-C.) et par Archimède (287-212).
Cependant, des objets plus élémentaires, tirés de la géométrie
d’Euclide, permettront de comprendre la différence
essentielle des conceptions antique et moderne : la ‘ligne
droite’, le ‘plan’ ou le ‘solide’ sont conçus comme finis et
seulement prolongeables ad libitum par Euclide d’Alexandrie,
Archimède de Syracuse ou Apollonios de Pergè (262-
190). Pour faire simple, la ‘ligne droite’ d’Euclide, c’est ce
que nous appelons un segment. C’est avec Desargues, puis
Pascal, dans son esquisse d’une nouvelle géométrie à l’usage
des « studieux », qu’une droite, un plan ou l’espace de la géométrie
dite encore euclidienne sont définis comme supports,
respectivement rectiligne, plan ou volumique de toute portion,
segment, figure plane rectiligne ou corps solide, d’un espace conçu
d’emblée dans son infinie extension. Et c’est seulement avec
7

LNA#49 / cycle l'espace
8
Kant que s’imposera une définition d’un espace homogène,
antérieur à la matière qui l’habite et structuré par droites et
plans immatériels comme autant de fibres et de feuilles.
Une histoire de cet avènement de la perspective et de deux de
ses nombreux rejetons conceptuels – espace et infini – doit
éviter l’urgence de la rétrospection, d’autant plus qu’une lecture
épistémologique des traces porte sur un « discours » par
formes et par figures, illustrations ou productions plastiques
– dessins, gravures, peintures, décors plafonnants, décors
de théâtre, anamorphoses, etc. –, autant, voire plus, que sur
l’écrit linéaire des traités de perspective, d’architecture ou
de peinture.
Si l’on veut donc reconstruire
les fils de chaine, mais
aussi de trame, d’une histoire
revisitée de la perspective,
il faut se poser plusieurs
questions que ne manquent
pas de soulever la lecture assidue
des textes fondateurs
ou didactiques, mais aussi,
et surtout, la confrontation
aux images, peintures et
gravures, schémas de principe
et dessins préparatoires,
qui jalonnent une histoire
mêlée de théories et de pratiques
et que celle-ci donne
à voir. Parmi ces questions,
figurent au premier chef celles-ci,
auxquelles nous avons
eu l’heur de trouver des réponses
ou des embryons de
réflexion fondée sur l’analyse
géométrique des textes
et des figures :
- comment la perspectiva
antique et médiévale, faite
d’optique géométrique et
physiologique, a-t-elle pu accoucher
d’une scientia perspectiva,
science de la représentation
? Cette dernière,
dite parfois artificialis, par
opposition à une perspectiva naturalis, science de la vision,
devenue science de la lumière et des causes des apparences,
que l’on nommera bientôt systématiquement optica, et que
l’on scindera en optique, catoptrique et dioptrique ;
- comment est-on passé de la juxtaposition d’objets physiques,
empiriquement et localement figurés, à la représentation du
continuum (qui les englobe tous) ?
- quelles sont les voies qui conduisent à la construction dite
légitime, dès lors qu’elle s’accorde, selon Alberti, à tout ou
partie de l’optique dite euclidienne, ou qu’elle sera validée
more geometrico par Piero della Francesca ? Sont-elles théoriques
Figure 2. – Planche de la Scenographiæ sive Perspectivæ de Hans
Vredeman de Vries (Anvers, 1560), réimprimée, à de nombreuses
reprises, sous des titres divers : Artis Perspectivæ (Anvers, 1568),
Perspectiva (Leyde, 1604) et rééditée en français avec des corrections
par Samuel Marolois : La Tres-Noble Perspective… inventée par
Jean Vredeman Frison (Amsterdam, 1619), suivie de La Perspective
de Samuel Marolois, samielois… Cette planche présente, d’après sa
légende, divers solides (donnés pour être des parallélépipèdes rectangles)
disposés de diverses manières ; l’auteur semble tenir pour
acquis que tous ont toutes leurs arêtes fuyant sur l’horizon ; or,
trois d’entre ces solides sont inclinés au regard du sol – et donc de
l’horizon « naturel » – ; en conséquence, huit (en particulier les
quatre plus longues) des douze arêtes de deux d’entre eux, non
parallèles au tableau, devraient fuir en des points hors de l’horizon ;
et, pour le solide incliné, situé le plus à droite de la figure, quatre
(les plus longues) devraient fuir hors de l’horizon, tandis que les
huit autres convergent vers le point de fuite central. Cette erreur,
relevée par Marolois, sera corrigée dans son édition. Elle manifeste
le fait que la question des points et des lignes de fuite n’est pas maîtrisée
dans toute sa généralité au milieu du XVI ème siècle.
ou théorisées a posteriori à partir de pratiques d’atelier ?
Convergent-elles ? Ou s’opposent-elles un temps, avant que
leur équivalence ne se manifeste ? Y a-t-il des pratiques ou
des procédés, satisfaisants à l’œil, mais en contradiction avec
les conséquences que l’on est en droit légitimement d’attendre
d’eux (le cas de Peruzzi, puis de Raphaël et de Serlio
sont, à cet égard, exemplaires) ?
- l’irruption du point de fuite central et d’une construction légitime
implique de facto l’existence d’une infinité de points et
de lignes de fuite dans la théorie qui en découle. Mais qu’en
est-il de l’apparition réelle, et surtout progressive puisqu’étalée
sur deux siècles, des autres points de fuite, et de la prise de
conscience de la multiplicité
des « horizons » (fig. 2) ?
À cet égard, l’illumination
que le graveur Abraham
Bosse doit à son maître
Desargues, lorsqu’il s’exclame
que « le perspectif est
conforme au géométral », est
significative à la fois d’un
aboutissement et d’une première
intuition de ce qu’est
une transformation géométrique,
dont Desargues
exhibera l’invariant en étu-
diant les coniques.
Et c’est cela, sans doute,
le paradoxe auquel est
confronté l’historien : la
compréhension de l’espace
euclidien est passée
par l’acceptation de ce
qu’Euclide réfutait, sans
pour autant pouvoir démontrer
ce qu’il dût alors
nommer son cinquième
postulat : il y a intersection
des lignes droites parallèles,
dont on « voit bien »,
depuis que les peintres
nous l’ont donné à voir,
qu’elles se rencontrent ad
infinitum. Juste retour des
choses : sans géométrie
projective, point de cadre pour les géométries non-euclidiennes
; mais ceci est une autre histoire.
À voir sur le même sujet : Colloque Inventer l’espace
(Octobre 2006 - Maison des Sciences de l’Homme : 54, Boulevard Raspail
75006 Paris)
http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?id=862&ress=2797
&video=63234&format=22

Le géosystème et la prose, vous connaissez ?
Lorsque j’ouvre un robinet d’eau chez moi, lorsque je rejette
des eaux usées, j’interviens dans le fonctionnement
du géosystème auquel je participe. Exactement comme Monsieur
Jourdain, en 1670, découvrait qu’il faisait de la prose dès
lors qu’il s’exprimait. À l’époque, ni son maître de philosophie,
ni son maître d’armes ne lui ont révélé que, de surcroît,
il participait à un géosystème. Eux, d’ailleurs, n’en étaient pas
conscients non plus. Pourtant, ils n’étaient guère excusables :
en tirant l’eau du puits, ils savaient que la ressource est localisée
dans le sous-sol ; en jetant l’eau dans la cour, ils la voyaient
s’écouler puis s’infiltrer peu à peu. Ils pouvaient donc accéder
à l’expérience de la ressource puisée pour satisfaire un besoin
d’êtres vivants puis, souillée par ceux-ci, s’en retourner au gisement
en s’épurant par filtration.
Oui mais, en 1670, notre connaissance des milieux naturels
était encore bien pauvre, alors que la disponibilité des observations
était plus facile qu’elle ne l’est aujourd’hui. Leuwenhoek
n’avait pas encore mis au point son microscope et la seule
observation d’êtres vivants invisibles par notre œil n’était
même pas encore à portée d’intuition. Quant à démontrer la
réalité de leur action, il faudrait attendre Pasteur, deux cents
ans plus tard. Combien de malades et de morts a-t-il fallu
pour établir une relation de cause à effet entre la proximité
d’une eau putride et les affections issues de sa consommation ?
Et pourtant, l’observation était à portée de regard, mais la
méthode manquait.
En 1670, la France ne comptait que vingt-cinq millions d’habitants
environ. Et devenir sexagénaire n’était guère plus fréquent
que devenir centenaire aujourd’hui. La faible densité de population
n’imposait pas de construire n’importe quoi n’importe
où, comme permet de le faire la technologie d’aujourd’hui. Les
fonds de vallées, plats, étaient réservés au bétail qui pouvait
paître en tranquillité… entre deux inondations. Sur les plateaux
crayeux et limoneux (Artois, Ternois, Haut-Boulonnais,
Cambrésis), les zones boisées le disputaient à la culture, sans
engrais, sans pesticides, mais avec de faibles rendements. Les
villages s’égrenaient le long des flancs de vallée, là où, l’été, les
sources alimentaient les hommes et la rivière. Dans les plaines
alluviales, argileuses, inondées chaque année, une eau souterraine
de qualité était accessible à peu près partout, à faible
profondeur, permettant la dispersion de l’habitat. La plus petite
éminence de terrain, en relief de 1 à 2 m par rapport au
voisinage, accueillait le logement. Une culture de quasi jardinage,
enserrée entre forêt et zone inondable, mettait à profit
les apports alluvionnaires annuels. Par cumul d’expérience au
cycle à propos de la science / LNA#49
Par Francis MEILLIEZ
Professeur de géologie, Université de Lille 1
En conférence le 16 décembre
fil des générations, un réseau de ruisseaux artificiels (becques,
rus, …) tentait de faciliter le drainage de l’eau en excès. Mais
il ne serait venu à personne l’idée de réclamer contre le risque
d’inondation, ou les effets destructeurs des alternances sécheresse/saturation…
que d’ailleurs on ignorait.
En 1670, l’ingénieur militaire Vauban savait déjà qu’en franchissant
la barrière naturelle des collines d’Artois il découvrirait
un pays déjà très habité, comptant de nombreuses zones
humides et d’eau à faible circulation, favorisant la diffusion de
fièvres qui affectaient les trop nombreuses troupes de passage.
Il élaborait son pré carré, achevant la citadelle de Lille qu’il
considérait comme « la fille aînée dans la fortification ». Il
avait compris que l’orientation naturelle du réseau hydrographique,
coulant vers le nord-est, permettait de progresser dans
l’intérieur des terres avec des barques plates, mais gênait considérablement
les déplacements transverses. Il entreprit alors la
construction de liaisons transverses : le canal d’Aire, le canal
de Neufossé, le canal reliant la Scarpe à la Deûle. Il mettait
en place ainsi un ouvrage de régulation hydraulique d’importance
régionale et une voie de communication transversale,
totalement nouvelle. Aujourd’hui, ce tracé a été repris par le
canal à grand gabarit qui relie Dunkerque à Bouchain, et qui
sera partiellement emprunté par le lien Seine - Mer du Nord
dans les prochaines années.
Vauban observait un paysage et l’utilisait selon ses objectifs. Il a
compris le fonctionnement de la partie superficielle de chaque
géosystème qu’il visitait, mais sans en avoir la conscience que
nous pouvons en avoir aujourd’hui. Admettre qu’aucun paysage
n’est immuable et chercher à comprendre les mécanismes
naturels qui le font évoluer n’étaient pas encore des questions
pertinentes. Le problème d’aujourd’hui – et de l’avenir si nous
ne tirons pas profit de l’analyse des expériences passées – est
que nous avons créé, et que nous créons encore, des situations
à risque pour l’individu à l’échelle de quelques années, et pour
l’agglomération à l’échelle du siècle. Nos ouvrages de protection
nous mettent à l’abri d’effets destructeurs mais nous font
aussi perdre la conscience que ces effets sont des conséquences
naturelles de dispositifs dont nous sommes les auteurs.
Toutes nos constructions masquent une bonne part de ce
qui était naturellement observable. Nos « lunettes » modernes
améliorent la précision de notre capacité de vision, mais il
semble que, corrélativement, elles en restreignent le champ. Il
nous faut réapprendre à observer, apprendre la prose du géosystème.
9

LNA#49 / cycle la guerre
10
Où va la guerre ?
Aborder le thème de la guerre ne peut, à première vue,
que mettre mal à l’aise : la façon dont on en parle ne
revient-elle pas à justifier l’injustifiable ? Pourtant, s’interroger
sur les raisons que se donne la guerre permet aussi d’en
mettre au jour les tenants et les aboutissants pour en cerner
les métamorphoses et passer au crible ses alibis. Car nous
vivons une époque où la menace de guerre n’a pas vraiment
régressé, même si elle ne dit plus vraiment son nom. Non
seulement elle prend des formes techniques nouvelles, mais
la façon dont elle est aujourd’hui théorisée tend à occulter
sa vraie nature.
Il est de bon ton de recourir aujourd’hui à Carl Schmitt
pour penser la guerre : « La distinction spécifique du politique,
à laquelle peuvent se ramener les actes et les mobiles
politiques, c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi » 1 .
Ainsi, le couple ami-ennemi serait fondamentalement celui
de la politique : cette activité humaine serait suspendue à la
relation à l’ennemi. Mais, ici, le risque est grand de réduire
l’action politique exclusivement à la guerre. Certes, Machiavel
avait déjà souligné 2 qu’elle est l’art supérieur du Prince
et qu’elle constitue un moyen privilégié pour garantir la
cohésion d’une collectivité humaine. L’unité politique impliquerait
l’existence d’un possible ennemi, car elle ne s’impose
qu’en s’opposant aux autres et suppose donc l’existence
simultanée d’une autre unité politique rivale : le monde
humain est un pluriversum, et non un universum. Carl
Schmitt a pris soin lui-même de distinguer l’ennemi privé –
inimicus – et l’ennemi public – hostis –, mais la guerre renvoie
chez lui à une conception tragique de l’existence, marquée
par une tendance irrépressible au conflit qui caractériserait
inéluctablement la condition humaine. Ainsi, Carl Schmitt
insiste sur l’enjeu existentiel de la guerre qui constituerait
alors l’épreuve cruciale à laquelle toute collectivité humaine
se retrouve un jour nécessairement confrontée : « Le cas
de guerre est resté, jusque dans le présent, l’épreuve décisive
par excellence. En cette occasion comme en beaucoup
d’autres, on peut dire que c’est la situation d’exception qui
revêt une signification particulièrement déterminante, révélatrice
du fond des choses » 3 . Le deuxième élément qui
accentue, pour lui, le caractère existentiel de la guerre est la
1 Carl Schmitt, La Notion de politique, éd. Calmann-Lévy, 1972, p. 66.
2 Cf. Le Prince, chapitres X à XIV.
3 Carl Schmitt, op. cit., p. 75.
Par Alain CAMBIER
Docteur en philosophie, professeur
en classes préparatoires, Faidherbe - Lille
confrontation à la mort : « La guerre, les hommes qui se battent
prêts à mourir, le fait de donner la mort à d’autres hommes
qui sont, eux, dans le camp ennemi, rien de cela n’a de
valeur normative. Il s’agit, au contraire, de valeurs purement
existentielles, insérées dans la réalité effective d’une lutte effective
contre un ennemi réel (…). Car si, à l’origine de cet
anéantissement physique des hommes, il n’y a pas la nécessité
vitale de maintenir sa propre forme d’existence face à une négation
tout aussi vitale de cette forme, rien d’autre ne saurait
la justifier » 4 . La guerre nous ferait donc prendre conscience
de notre « être-pour-la-mort ». La menace de mort qui pèse
dans l’inimitié politique nous ferait prendre conscience que
notre avenir n’est possible qu’en passant par la guerre et mettrait
au jour le nœud du vital et du mortel. Nous cernons ici
l’ambiguïté fondamentale de la problématique schmittienne :
tout en insistant sur le caractère foncièrement politique de la
guerre, son approche débouche sur un existentialisme politique
propice à toutes les dérives. Ainsi, la guerre exacerberait le
décisionnisme dont Schmitt se réclame et nous confirmerait
que la situation exceptionnelle est la règle. Bien plus, la guerre
préserverait le monde humain de sombrer dans les « divertissements
» frivoles. C’est pourquoi Schmitt voit dans la guerre
une source de salut : il commente les paroles de Cromwell qui
désignait comme ennemi pour son peuple l’Espagne papiste :
« L’Espagnol est votre ennemi, enmity is put into him by God ;
il est ‘the natural enemy, the providential enemy’, et qui le
tient pour un accidental enemy ne connaît ni l’Écriture, ni les
choses de Dieu qui a dit ‘je mettrai une inimitié entre ta postérité
et la sienne (Genèse III, 15) 5 ’ ». Aussi n’est-il pas étonnant
que l’existentialisme politique de Schmitt conduise à un
historicisme mystique qui s’articule sur la notion de katechon,
reprise de Saint-Paul et censée désigner celui qui retient et qui
retarde la venue de l’AntéChrist : la guerre aurait donc, en fin
de compte, un rôle rédempteur 6 . Chez Schmitt, la politique
de la guerre présuppose une théologie.
L’approche schmittienne a tendance à faire de la guerre la
finalité même de la politique. Or, au XIX ème siècle, tout l’effort
de Von Clausewitz a consisté, au contraire, à souligner
que la guerre pouvait être régulée par la politique : pour
4 Carl Schmitt, op. cit., p. 92.
5 Carl Schmitt, op. cit. p. 115.
6 Cf. Carl Schmitt : Le Nomos de la terre, éd. PUF, et Excaptivitate salus,
éd. Vrin.

ce dernier, « la guerre n’est qu’une partie des rapports politiques
et par conséquent nullement quelque chose d’indépendant
(…) Nous affirmons que la guerre n’est rien d’autre
que la continuation de la politique par d’autres moyens (…)
Il est vrai qu’elle a sa propre grammaire, mais non sa propre
logique » 7 . Ainsi, la guerre totale comme pure montée aux
extrêmes, déchaînant une violence illimitée, serait absurde.
Von Clausewitz refusait de considérer la guerre comme
une réalité qui se suffirait à elle-même : elle n’était, pour
lui, qu’un moyen extrême. La guerre possède certes un but
(Ziel) qui correspond à un acte de violence en vue d’imposer
à un adversaire l’accomplissement de notre volonté, mais
ce but ne se confond pas avec sa fin (Zweck) et la fin de la
guerre se trouve en dehors d’elle-même. Certes, la guerre
montre les limites du droit formel, mais en même temps,
elle se réclame d’un droit qui s’enracine alors dans la raison
d’État. Elle révèle que la politique relève d’une logique
de puissance qui a trouvé son accomplissement spécifique
dans l’État moderne, dans la mesure où celui-ci a poussé à
son paroxysme le principe de souveraineté. En se présentant
comme le monopole de la violence légitime, l’État a normalisé
l’art de la guerre et l’a soumis à des règles. Dans le
contexte du Ius publicum europeum, qui est celui de l’État
moderne, le moment spécifiquement politique de la guerre
s’est affirmé. En même temps qu’elle devenait un instrument
de politique pure, elle apparaissait nécessairement comme
une expérience forcément limitée, à côté de la diplomatie.
Car la logique de la guerre doit toujours l’emporter sur la
grammaire de la guerre. La politique est ce qui pouvait
à la fois donner un sens à ce déchaînement de violence et
le modérer. Mais s’il y a bien une logique de la guerre au
sens de Von Clausewitz, c’est aussi parce qu’elle-même reste
soumise à des lois qui s’imposent aux individus quels qu’ils
soient. Ainsi, ce n’est pas un hasard si l’offensive d’Hannibal
s’est arrêtée aux portes de Rome, et celle de Napoléon
devant Moscou, mais en raison d’une loi fondamentale de
la guerre qui implique, dans la durée, la supériorité de la
défensive sur l’offensive. Bien plus, pour Von Clausewitz, il
serait possible de prévoir l’issue d’une guerre à partir de ce
type de lois. Dès lors, le décisionnisme – fût-il celui de l’individu
qui se prétendrait le plus héroïque – se retrouve ici
invalidé. Une logique stricte de la guerre s’impose à tous les
7 Von Clausewitz, De la guerre, éd. de Minuit, 1970, pp. 703-704. Relevons que,
dès le § 24 du livre 1 de son ouvrage, Von Clausewitz précisait que la guerre est
la « simple continuation » de la politique : l’expression bloss (simple) a une signification
restrictive et signifie « rien que ».
cycle la guerre / LNA#49
protagonistes et la Realpolitik consiste précisément à savoir
la prendre en compte plutôt que de s’élancer à l’aventure.
Mais aujourd’hui la guerre se réclame non plus du politique
en tant que tel, mais d’autres sources de justifications qui
conduisent aux effets les plus pervers : ce n’est certes pas la
première fois, mais elles donnent encore lieu aux mêmes
errances. Déjà, avant la modernité, la religion avait été la
source de croisades et de guerres fanatiques : la naissance de
l’État avait permis d’y mettre partiellement fin. Au XX ème
siècle, l’expérience du pouvoir d’un parti unique – en lieu
et place de l’État – a conduit à des guerres fondées sur des
idéologies totalitaires qui n’ont pas hésité à préconiser l’extermination
de masse des prétendus ennemis de race ou de
classe. Or, en ce début du XXI ème siècle, la dimension politique
de la guerre est remplacée par l’invocation morale,
qui transforme l’ennemi en brigand ou délinquant et l’État
récalcitrant en « État voyou ». Cette prétendue moralisation
de la guerre voudrait faire croire que le temps de celle-ci est
révolu et que ne s’ouvrirait désormais plus que celui des opérations
de police, à l’échelle internationale : dans le contexte
de la mondialisation, l’ennemi politique est alors caricaturé
et réduit au statut de « coupable ». Cette idéologie de l’ennemi
« injuste », contre laquelle Kant lui-même s’était élevé 8 ,
fait surgir des notions hybrides très discutables comme celle
de « guerre de légitime défense préventive ». Recourir à la
morale en guise de politique conduit à dénier tout statut
humain à l’ennemi et à en faire la figure du Mal : tel fut
le sort réservé par l’administration Bush aux prisonniers
de Guantanamo, mais que la Cour suprême a désavoué 9 .
L’humanité ne peut atteindre une paix fiable en dénaturant
le sens politique de la guerre et en faisant comme si celleci
ne pouvait plus exister, mais plutôt en reconnaissant les
causes et les raisons profondes des conflits. C’est pourquoi
une réflexion sur la guerre s’avère légitime et une clarification
de ses enjeux se révèle indispensable, pour mieux
comprendre les agissements de tous les « va-t-en-guerre »
d’aujourd’hui.
8 Cf. Kant, Projet de paix perpétuelle, 1 ère section, § 6, où Kant affirme que, lors
d’une guerre, « aucune des deux parties ne peut être qualifiée d’ennemi injuste
(cela présumant une sentence de juge), mais c’est l’issue qui décide (tout comme
dans les jugements dits de Dieu [i.e. l’ordalie]) de quel côté se trouve le droit ».
9 Cf. le dernier arrêt de la plus haute juridiction des États-Unis rendu le 12 juin
2008, accordant aux prisonniers de la base le droit à l’habeas corpus, à disposer des
raisons pour lesquelles ils se trouvent là et à les contester devant les tribunaux.
11

LNA#49 / paradoxes
12
Paradoxes
Rubrique de divertissements mathématiques pour ceux qui aiment se prendre la tête
* Laboratoire d’Informatique
Fondamentale de Lille,
UMR CNRS 8022, Bât. M3
Par Jean-Paul DELAHAYE
Professeur à l’Université de Lille 1 *
Les paradoxes stimulent l’esprit et sont à l’origine de nombreux progrès mathématiques. Notre but est de vous
provoquer et de vous faire réfléchir. Si vous pensez avoir une explication des paradoxes proposés, envoyez-la moi
(faire parvenir le courrier à l’Espace Culture ou à l’adresse électronique delahaye@lifl.fr).
LE PARADOxE PRéCéDENt :
UN CALCUL RéVOLUtIONNAIRE
Rappel de l’énoncé
Calculer la racine carrée d’un nombre n de 80 chiffres n’est
pas très simple, même si on sait que l’entier n est un carré
parfait (n = m 2 ). Calculer la racine treizième d’un nombre n
de 100 chiffres est encore plus compliqué, même si on sait
que n est une puissance treizième exacte d’entier (n = m 13 ).
C’est même certainement impossible de tête. Que penser
alors du calcul de la racine 1789-ème d’un nombre n de
7000 chiffres, même en sachant que n est une puissance
1789-ème exacte (n = m 1789 ). Réussir un tel calcul de tête
constituerait une révolution !
Le troisième exercice est pourtant le plus simple. Le second
calcul est difficile sans papier, mais quelques amateurs de
calcul mental en sont capables. Le premier exercice, lui, n’est,
semble-t-il, pas humainement possible de tête : même les plus
grands calculateurs prodiges de l’histoire n’ont jamais réussi
l’extraction de la racine carrée de nombres de 80 chiffres. Ce
qui semble le plus difficile, à première vue, est en réalité le
plus facile : c’est le paradoxe de la fausse difficulté.
Vous devez expliquer pourquoi il en est ainsi, et découvrir
la méthode permettant de calculer la racine 1789-ème d’un
nombre de 7000 chiffres.
Si vous trouvez cela trop compliqué, attaquez-vous d’abord
au paradoxe lexical suivant. Pourquoi est-il faux que la
racine treizième du nombre a est le nombre b qui, multiplié
treize fois par lui-même, donne a ?
Solution
Merci à Éric Wegrzynowski, Henri Bocquet, Nicolas Decock
et Jef van Staeyen qui m’ont fait parvenir leurs solutions au
paradoxe.
La racine treizième du nombre a est le nombre b qui, élevé
à la puissance treize, donne a, et donc... c’est le nombre qui,
multiplié douze fois par lui-même, donne a.
Précisons bien que, dans les exercices mentionnés, on sait
que le résultat recherché est un entier. Cela signifie que le
nombre qu’on vous soumet – de 80 chiffres pour la racine
carrée, de 100 chiffres pour la racine treizième, de 7000
chiffres pour la racine 1789-ème – est la puissance exacte
d’un nombre entier.
La difficulté du problème dépend de la taille du nombre
que vous devez retrouver, car c’est la quantité d’informations
manquantes. La difficulté ne dépend donc pas de la longueur
des données, comme on est tenté de le croire. Elle
n’est pas non plus dans le fait de rechercher la racine k-ème
pour un k élevé. Nous allons voir que la taille du nombre m
à trouver va en décroissant d’un exercice à l’autre et que c’est
donc bien le troisième exercice qui est le plus facile.
Commençons par lui : comment calculer la racine 1789-ème
d’un nombre de 7000 chiffres ? Un petit calcul algébrique
ou un petit travail d’exploration, aidé d’un ordinateur, montre
que les seuls nombres entiers qui, élevés à la puissance 1789,
donnent des entiers ayant exactement 7000 chiffres sont :
8171, 8172, 8173, 8174, 8175, 8176, 8177, 8178, 8179, 8180.
Les nombres inférieurs à 8171 ont une puissance 1789-ème
possédant moins de 7000 chiffres. Les nombres au-delà de
8180 ont une puissance 1789-ème possédant plus de 7000
chiffres.
De plus, si vous élevez 0, 1, 2, ..., 9 à la puissance 1789,
vous constaterez que le dernier chiffre des résultats est, dans
le même ordre, 0, 1, 2, ..., 9. Il en résulte immédiatement
qu’en élevant à la puissance 1789 un nombre se terminant
par le chiffre i, on trouve un nombre qui se termine encore
par le chiffre i : le dernier chiffre d’un entier élevé à la
puissance 1789 se conserve. (Plus généralement, on montre
que tout nombre entier, élevé à une puissance de la forme
4n + 1, garde le même dernier chiffre en base 10.)
Pour calculer la racine 1789-ème d’un nombre de 7000
chiffres, il suffit donc de regarder le dernier des 7000 chiffres
et de repérer sur la liste [8171, 8172, 8173, 8174,
8175, 8176, 8177, 8178, 8179, 8180] le nombre qui a le
même dernier chiffre. Apprendre cette liste est à la portée
de tout le monde, et donc tout le monde peut, de tête, extraire
la racine 1789-ème d’un nombre de 7000 chiffres !
Considérons maintenant le problème de l’extraction d’une
racine treizième d’un nombre de 100 chiffres. L’ordinateur
vous indique que si un nombre, élevé à la puissance 13, pos-

sède 100 chiffres, alors il est compris entre les deux nombres
suivants :
41246264 49238826
Si un nombre de 100 chiffres est une puissance treizième
exacte, vous savez donc, sans même le regarder, qu’il commence
par un 4. De plus, élever à la puissance treize ne
change pas le dernier chiffre (comme pour la puissance
1789). Le travail nécessaire pour trouver la racine 13-ème
d’un nombre de 100 chiffres consiste donc à déterminer les
6 chiffres manquants entre le 4 du début et le dernier chiffre
facile à trouver. Quelques astuces arithmétiques rendent
cela possible et ceux qui les connaissent et s’entraînent un
peu n’ont besoin que de quelques minutes ou même de quelques
secondes pour réaliser l’extraction de la racine treizième
de nombres de 100 chiffres. L’exploit demande de l’entraînement
et peut-être même un don particulier en calcul
mental, mais ce n’est pas un exploit fantastique. Il a été
réalisé entre autres par Herbert de Grote, Wikhelm Klein,
Gert Mittring et Alexis Lemaire. Ceux qui le pratiquent en
se présentant comme des génies mathématiques exploitent
l’ignorance du public qui, en général, ne comprend pas très
bien ce qu’est une racine treizième et encore moins la facilité
qu’introduit le fait que les nombres proposés soient des
puissances exactes.
Alexis Lemaire – parfois présenté comme le plus grand
calculateur de tous les temps – est capable de mieux que
l’extraction des racines treizièmes de nombres de 100 chiffres
: il pratique l’extraction des racines treizièmes de nombres
de 200 chiffres. Précisons cependant qu’il réalise cette
extraction pour certains nombres et pas pour tous – sans
doute parce que les astuces qu’il met en œuvre ne sont pas
assez générales – et qu’il est totalement incapable d’extraire
la racine treizième d’un nombre de 201 chiffres ou même
de 199 chiffres ! Dans la mesure où on ne connaît pas les
algorithmes utilisés par Alexis Lemaire, il est impossible de
savoir s’il réalise vraiment un exploit exceptionnel de calcul
mental où s’il met en œuvre une recette que d’autres pourraient
appliquer.
Les media qui en parlent semblent victimes du paradoxe de la
fausse difficulté et l’on peut être certain qu’ils seraient encore
plus émerveillés et épatés par le génie qui réussirait le calcul
révolutionnaire consistant à extraire la racine 1789-ème
d’un nombre de 7000 chiffres…, calcul que pourtant tout
le monde peut effectuer.
Le premier exercice (extraire la racine carrée d’un nombre de
80 chiffres) est le plus difficile des trois exercices proposés. Le
calcul demande en effet de retrouver 40 chiffres inconnus.
Le grand mathématicien John Wallis (1616-1703) pouvait,
semble-t-il, extraire la racine carrée de nombres de 55 chiffres.
Zacharias Dase (1824-1861) pouvait extraire la racine
carrée d’un nombre de 60 chiffres. Il réussit aussi l’exploit
de multiplier de tête deux nombres de 100 chiffres l’un par
l’autre... en 8 heures 45 minutes. À ma connaissance, personne
n’a jamais pu extraire de tête les racines carrées des
nombres de 80 chiffres.
NOUVEAU PARADOxE : UNE tROUBLANtE
éQUAtION DU SECOND DEGRé
paradoxes / LNA#49
Un théorème important de l’algèbre indique qu’une équation
polynomiale de degré n (n entier ≥ 1) à coefficients
réels possède au plus n solutions : une équation de degré 1
possède au plus une solution ; une équation de degré 2 possède
au plus deux solutions, etc.
(Si, à la place de considérer des nombres réels, on considère
des nombres complexes – pour les coefficients et pour les
solutions – et si on prend en compte la multiplicité des racines,
le théorème fondamental de l’algèbre indique alors que
toute équation polynomiale de degré n possède exactement
n solutions.)
Dans le cas réel qui seul nous concernera ici, une équation
de degré 2 possède donc au plus 2 solutions différentes.
Souvenez-vous, pour l’équation ax2 + bx + c = 0, les racines
sont données par :
∆ = b2 - 4ac x = (-b + √∆)/2a x = (-b - √∆)/2a
1 2
Pourtant, voici une exception à cette règle. Considérons
trois nombres réels a, b et c fixés et deux à deux distincts
(si vous le souhaitez, prenez a = 1, b = 2, c = 3). Analysons
l’équation suivante :
(x − a)(x − b) (x − b)(x − c) (x − a)(x − c)
+ +
(c − a)(c − b) (a − b)(a − c) (b− a)(b − c) =1
C’est une équation de degré 2 en l’inconnue x car c’est une
somme, chaque terme étant un polynôme de degré 2.
Le nombre a est solution de l’équation car, quand on remplace
x par a, le premier terme s’annule, de même que le
troisième, alors que le second prend la valeur 1. Notons
qu’aucun dénominateur ne s’annule, nous respectons bien
les règles de calcul qu’impose ce genre de manipulations.
Le nombre b et le nombre c, pour des raisons analogues,
sont aussi solutions de cette équation qui possède donc trois
solutions. Puisque a, b et c ont été supposés distincts, nous
avons donc une équation du degré 2 possédant 3 solutions
différentes.
Est-ce la trace d’un paradoxe au cœur de l’algèbre élémentaire,
et faut-il entreprendre le rappel des millions de livres
de mathématiques qui mentionnent l’énoncé du théorème
fondamental de l’algèbre ?
13

LNA#49 / mémoires de science : rubrique dirigée par Rémi Franckowiak et Bernard Maitte
14
Henri Bouasse, un regard sur l’enseignement
et la recherche pendant la troisième République
L’œuvre scientifique
La carrière d’Henri Bouasse coïncide presque avec la durée
de la troisième République. Sa thèse de physique porte sur
la torsion des fils fins. Ce thème de recherche s’inscrit dans
le cadre de recherches sur les phénomènes irréversibles liés
au frottement, à la viscosité, à l’hystérésis et aux déformations
permanentes qui sont, selon Duhem, des « branches
aberrantes qui se détachent du tronc de l’énergétique ».
De 1911 à 1932, Bouasse érige un monument de 45 volumes,
la Bibliothèque scientifique de l’ingénieur et du physicien ; il
y aborde, la relativité mise à part, tous les domaines de la
physique. La collection commence par deux ouvrages de
mathématiques écrits pour les physiciens et les mathématiciens
; elle aborde la mécanique rationnelle et expérimentale,
l’étude des solides et des fluides, la thermodynamique, le
magnétisme et l’électricité, l’optique, l’étude des symétries
et l’optique cristalline, l’électroptique – c’est-à-dire l’étude
des oscillations électriques, des ondes hertziennes, la propagation
de la lumière, l’émission – l’acoustique, l’astronomie
théorique et pratique ; et, pour clore cette collection, la
Géographie mathématique. Ajoutons que celle-ci fait une
large place aux nouvelles techniques et à la physique moderne.
Dans son ouvrage sur les Applications du magnétisme et de
l’électricité, paru en 1919, Bouasse étudie les principes de
fonctionnement des télégraphes et des téléphones ; l’étude
du vol des avions est développée dans l’ouvrage sur la
Résistance des fluides, paru en 1925. Dans Émission, Chaleur
solaire, Éclairage, paru en 1925, Bouasse interprète la distribution
spectrale d’énergie du corps noir avec les quanta de
Planck et les règles de dénombrement statistique utilisées
par Jeans en 1910 ; il interprète les spectres de raies avec
les hypothèses de Planck-Bohr de 1913, il donne même la
théorie de la structure fine de Sommerfeld, qui substitue
aux trajectoires circulaires des électrons de l’atome de Bohr,
des ellipses ouvertes. Bouasse présente la « vieille » théorie
des quanta dans des termes proches de ceux que l’on trouve
dans la Thermodynamique et dans l’Optique de Bruhat, des
termes que Kastler conservera dans les premières rééditions
de l’après-guerre.
Dans les années 1920, c’est l’acoustique qui retient l’attention
de Bouasse, et plus particulièrement les instruments à
vent : six volumes de la Bibliothèque scientifique portent sur
l’acoustique. Dans ce domaine, on reproche communément
à Bouasse d’avoir contesté l’utilité des analogies électriques
dans l’étude des instruments à vent notamment parce que,
pour le calcul de l’effet des orifices, celles-ci ignoraient les
Par Robert LOCQUENEUx
Professeur émérite, Université de Lille 1
*
effets non-linéaires et tourbillonnaires. On lui reproche
aussi de ne pas avoir été attentif aux travaux de ses contemporains,
ceux, par exemple, d’Yves Rocard sur les oscillateurs
et les pavillons. Mais, en ce domaine, les innombrables
expériences effectuées par Bouasse et ses collaborateurs
gardent un grand intérêt, même si les interprétations qu’il
en a données peuvent être discutées. À partir de 1932,
Bouasse s’attache à une science qu’il n’avait que traversée :
la mécanique des fluides, « un édifice si mal bâti qu’on
peut travailler à son aise sans crainte qu’on vous devance ».
« Il est curieux, écrivait-il, à quel point les phénomènes les
plus classiques que l’on croyait définitivement résolus sont
incomplètement étudiés : il faut les reprendre de temps en
temps. On veut que les phénomènes soient tels ou tels : en
conséquence on oublie de les regarder. Sur les sujets traités
par les mathématiciens, les physiciens ferment systématiquement
les yeux. Souvent ces phénomènes réservent des
surprises et sont exactement le contraire de ce qu’on pourrait
raisonnablement prévoir. Toutes les expériences demandent
de la patience, de l’habileté sans idée préconçue. J’étudie
des phénomènes classiques et je constate que mes prédécesseurs
n’en ont pas vu la moitié, médusés qu’ils étaient
par le désir de vérifier des théories : les schémas donnés par
la théorie classique des fluides parfaits n’ont aucun rapport
avec les résultats des expériences. On s’aperçoit bien vite de
l’incertitude des explications qui semblent de tout repos ».
Réflexions sur les méthodes et l’histoire de la physique
Aux environs de 1900, la science et ses fondements occupent
une place centrale en philosophie. Alors Bouasse,
suivant l’exemple de Duhem, publie ses réflexions sur l’objet
et la méthode en physique, sur les domaines de validité des
théories physiques et, parce qu’il considère que celles-ci ne
peuvent pas représenter les choses mais qu’elles n’en peuvent
être que des anamorphoses, il regarde avec suspicion toute
idée de bouleversements périodiques qui conduiraient à
considérer que toute vérité en science n’est que provisoire :
« Mon scepticisme sur la réalité de ce que supposent les
théories est trop complet pour trouver un inconvénient à
exposer successivement deux théories contradictoires [l’optique
ondulatoire classique et la théorie Planck-Bohr], à la
condition qu’il soit entendu qu’elles sont contradictoires
et que l’ancienne n’a aucune raison pour céder le pas à la
nouvelle. Sans vouloir établir une hiérarchie d’importance
entre les phénomènes, je n’admets pas que l’ensemble des

mémoires de science : rubrique dirigée par Rémi Franckowiak et Bernard Maitte / LNA#49
phénomènes d’interférence, de diffraction, de double réfraction…
soit négligeable devant la classification de certaines
raies spectrales ». Comme Duhem, Bouasse se tourne vers
l’histoire des sciences, mais, au rebours de Duhem,
il bannit toute érudition de l’histoire et la généalogie
des idées en sciences ne l’intéresse
pas. L’histoire de la physique n’est, pour
Bouasse, que l’une des voies de formation
du physicien par l’analyse
précise de mémoires bien choisis,
tels le Traité des machines de Descartes,
les Règles pour construire
des thermomètres de Réaumur,
ou les passages d’ouvrages, par
exemple le Traité de dynamique
de d’Alembert, le Discours sur
les lois de la communication du
mouvement de Jean (I) Bernoulli.
C’est que les réflexions
méthodologiques et historiques
de Bouasse ne visent qu’à la formation
du physicien. Ajoutons à
ce tableau que le positivisme propre
à Bouasse ne saurait s’accommoder
de la foi dans la perfectibilité indéfinie
de l’humanité, une perfectibilité
qui serait liée à l’évolution indéfinie des
sciences et à sa valeur morale ; ainsi Bouasse
heurte-t-il une opinion fort commune en son
temps, une opinion qui se nourrit des écrits des Renan, Berthelot
et autres grands maîtres de l’idéologie républicaine.
Un regard sur l’enseignement
Bouasse manifesta une véritable vocation pour l’enseignement,
d’où un vif engagement dans les projets de réforme
de l’enseignement secondaire, pour une nécessaire réorganisation
de l’enseignement supérieur et l’ouverture des facultés
des sciences aux sciences appliquées. En 1910, Bouasse
publie Bachot et bachotage ; cet ouvrage est un plaidoyer pour
un enseignement élitiste : il demande que soit substituée
la sélection par l’intelligence à la sélection par l’argent (l’enseignement
des collèges et des lycées est alors payant et les
boursiers n’y sont qu’en faible nombre) : ne réclame-t-il pas
l’accès de l’Université aux titulaires du brevet supérieur,
dénonçant des discours républicains qui couvrent des
intérêts de caste ? En publiant sa Bibliothèque scientifique,
Bouasse a contribué, plus que tout autre, à l’ouverture de
l’enseignement des facultés des sciences aux techniques de
l’ingénieur ; dans Mécanique rationnelle et expérimentale et
Mécanique physique, il a clairement défini les rapports des
sciences théoriques et des sciences appliquées. Aussi a-t-il
violemment combattu tout ce qui pouvait s’opposer à ce
projet ; d’où sa dénonciation du rôle des mathématiciens
dans l’enseignement : « Ils [les mathématiciens]
ont perverti les enseignements
fondamentaux. Celui de la Mécanique
n’existe plus en France, parce que les
professeurs de Mécanique ne sont
que des mathématiciens camouflés,
connaissant peut-être les équations
de la Mécanique, mais ignorants
comme des carpes des phénomènes
qu’elles représentent.
Nulle part en France la Théorie
de l’Élasticité n’est exposée
d’une façon raisonnable, parce
que les mathématiciens qui s’en
chargent ignorent ses relations
avec la Théorie de la Résistance
des Matériaux. L’Hydrostatique,
l’Hydrodynamique deviennent
prétexte à développements mathématiques
n’ayant avec le réel pas
le moindre rapport. Bref, toutes les
sciences qui sont à la base de l’art de
l’Ingénieur sont en France des repaires à
équations, des antres à théorèmes, des formes
vides, des caricatures du bon sens ». Le lecteur peut
penser que Bouasse exagère, qu’il lise donc l’analyse que fit
Duhem de la Thermodynamique de Poincaré dans la Revue
des questions scientifiques en 1892. Mais, la trop grande
multiplication des instituts de sciences appliquées attira les
foudres du bouillant professeur : « nous avons [en France]
cinquante instituts complets ou soi-disant tels sans augmentation
du budget de l’état ni du personnel, mais avec
un éparpillement, une dispersion, un gâchis corrélatif dont
rien, pas même la politique, ne peut donner une idée ! […].
S’ils sont capables de vendre des diplômes […], ils sont aussi
incapables de fournir de bons élèves que de recruter des professeurs
compétents ».
On comprend que, par ses écarts de langage, Bouasse se soit
attiré de nombreuses inimitiés dans le milieu scientifique. En
un temps où la physique engrange une abondante moisson
de faits nouveaux, Bouasse déplore une frénésie dans leur
recherche et, corrélativement, un développement superficiel
de la science, « les problèmes posés restent en plan :
on les résout jusqu’à un certain point, après quoi l’on s’occupe
d’autres choses ». Il constate que tous ces phénomènes
furent l’objet de multiples interprétations, aussi caduques
15

LNA#49 / mémoires de science : rubrique dirigée par Rémi Franckowiak et Bernard Maitte
16
qu’elles étaient précipitées, lesquelles semblent épisodiquement
mettre en péril les théories les plus pérennes. Aussi,
Bouasse redoute-t-il par-dessus tout le désintérêt des étudiants
pour l’enseignement d’une physique dont les vérités
leur sembleraient éphémères. Ainsi, en s’arrêtant au plaidoyer
de Bouasse pour l’enseignement et la recherche en physique
classique et à sa critique de la relativité, l’opinion universitaire
du temps feignit de croire qu’il était ennemi de la
physique moderne et qu’il était réfractaire à tout progrès
technique ; d’où une méconnaissance consternante de son
œuvre par des physiciens et des historiens de bonne foi, qui
ont cru un peu vite à quelques formules ramassées ici ou
là. Dans une étude fort sérieuse sur l’ouverture des facultés
des sciences à l’industrie en France entre 1860 et 1939, nous
sommes au cœur de notre sujet, Harry W. Paul, un historien
américain, ne cite-t-il Bouasse, « un physicien fantasque » [a
whimsical physicist], « ennemi de la physique quantique et
de la relativité », que parce que, dans « un accès de mauvaise
humeur » [a peevish outburst], il a déclaré que « les mathématiques
sont inutiles à la formation de l’esprit ». On
trouve, sous la plume de Pierre-Gilles de Gennes et de ses
collaborateurs, « L’ouvrage français classique sur la capillarité
est celui d’Henri Bouasse [Capillarité-Phénomènes superficiels,
1924]. Ce Toulousain était célèbre parmi nous, non
seulement pour ses textes, mais aussi pour ses préfaces vengeresses,
dans lesquelles il pourfendait certains collègues, et
notamment les professeurs au Collège de France – astreints
à très peu de cours, et intéressés par des sujets ésotériques
comme la (naissante) physique quantique. Bouasse n’a pas
compris la révolution physique du XX ème siècle, mais il a
construit, avec enthousiasme, des mises au point durables
sur la physique classique, et en particulier ce livre sur les
phénomènes de surface » 1 . Nos auteurs ne ménagent pas
leur admiration pour cet ouvrage que Bouasse a publié en
1924 : « Or, quatre-vingts ans plus tard, la capillarité est encore
une science en mouvement ! […] Et il y a maintenant
un véritable foisonnement : d’où la tentation d’écrire un
nouveau livre. Nous avons voulu le faire en gardant l’esprit
de Bouasse, c’est-à-dire en nous adressant à des étudiants.
Il ne s’agit pas ici d’un inventaire des recherches les plus
récentes, mais plutôt d’un recueil de principes. Et, comme
Bouasse, nous ne prétendons pas fournir une bibliographie
détaillée : au fil des chapitres, nous ne donnons que quelques
références majeures, sans respect pour les priorités historiques.
Nous avons essayé d’être simples, moins mathématiques
que ne l’était Bouasse avec ses cycloïdes, etc. Notre but
est d’illustrer des idées, plutôt que de faire des descriptions
quantitatives ». Et encore : « La capillarité est l’étude des
1 Pierre-Gilles de Gennes, et al., Gouttes, bulles, perles et ondes, 2002.
interfaces entre deux liquides non miscibles, ou entre un
liquide et l’air. Les interfaces sont mobiles, et capables de
se déformer pour minimiser leur énergie de surface. Cette
science est née au début du XIX ème siècle, avec Pierre Simon
de Laplace (1749-1827) et Thomas Young (1773-1829). Elle
a été racontée dans un livre admirable par Henri Bouasse
(1924). C’est elle qui nous permet de comprendre les jeux
de l’eau qui viennent briser la mélancolie des jours de pluie,
ou de s’amuser en faisant la vaisselle ! Plus sérieusement, elle
joue un rôle majeur dans de nombreux domaines scientifiques
(science des sols, climat, biologie végétale, physique
des surfaces, etc.) et industriels en chimie fine (formu lation
en pharmacologie et cosmétique, industrie du verre, automobile,
textile, etc.) ».
Une vision humaniste du monde
On pourrait croire, devant l’œuvre monumentale de Bouasse,
que celui-ci a passé sa vie entière dans son laboratoire, or, cet
homme fut un grand voyageur. Loin des sentiers battus, il a
parcouru l’Italie et la Grèce, le Moyen-Orient, vu l’Égypte
puis l’Inde ; il a parcouru le Sahara avec un guide et quelques
chameaux : « Livingstone, Stanley, Barth, Huc, etc., me sont
connus ; j’ai voyagé sur le Niger ; de grandes randonnées à
cheval m’ont permis de comprendre leurs descriptions. De
tout ce qu’ils racontent, résulte qu’ils accomplissent avec
beaucoup de peine, de souffrances, de soucis matériels et moraux,
ce que les indigènes font tous les jours, aisément, sans
y penser ». Les quelques évocations de ses voyages que l’on
trouve dans ses préfaces laissent percer une profonde estime
pour ceux qu’on nomme alors des indigènes, un sentiment qui
contraste avec la condescendance dont ceux-ci sont ordinairement
l’objet ; il est évident que Bouasse ne voit en la mission
civilisatrice de la France qu’un alibi à la colonisation. Dans
le même ordre d’idée, le récit d’une injustice commise envers
une étudiante juive polonaise, conté quelques années après
l’affaire Dreyfus, nous dit de quel côté allait sa sympathie.
* Robert Locqueneux, Henri Bouasse, un regard sur l’enseignement et la recherche,
préface de Nicole Hulin, Paris, diffusé par la librairie scientifique et technique
Albert Blanchard, 2008.

Politique, civilisation et religion
Invoquer la notion de civilisation a pu apparaître comme
une manœuvre de diversion, quand l’activisme politique
régnant s’est heurté à la résistance des dures réalités économiques
et sociales. Pourtant, il faut prendre au sérieux
les déclarations qui ont alors été faites 1 : « Depuis trop
longtemps la politique se réduit à la gestion, restant à
l’écart des causes réelles de nos maux, qui sont souvent
plus profondes. J’ai la conviction que dans l’époque où
nous sommes, nous avons besoin de ce que j’appelle une
politique de civilisation ». Derrière l’appropriation sauvage
d’une expression d’Edgar Morin 2 , il faut y voir le désir
d’imposer une révision des valeurs sur lesquelles repose
notre société, une prétention à « revoir les fondamentaux
sur des bases qui soient plus qualitatives que quantitatives
» 3 . L’instrumentalisation de la notion de civilisation
renforce le soupçon de la menace d’une véritable régression
idéologique.
Civilisation et progrès
La notion de civilisation est ambiguë : alors que celle de
culture désigne une manière d’être ou un état, celle de civilisation
renvoie à un processus, comme l’indique son suffixe
en –tion. Or, ce processus a longtemps prétendu être porteur
d’une valeur normative. Si les cultures – au sens ethnologique
– apparaissent comme des réalités de fait, marquées du
sceau du particularisme et appelant des jugements strictement
descriptifs, la civilisation correspondrait à la poursuite
d’un idéal d’émancipation vis-à-vis de la nature sauvage et
de la bestialité animale auquel devrait adhérer l’ensemble
du genre humain. Ce n’est pas un hasard si la notion est
apparue au cours du XVIII ème siècle, dans un ouvrage du
marquis de Mirabeau 4 . Elle est contemporaine de l’esprit
des Lumières et tributaire de l’émergence de l’idéologie
du progrès. Elle culmine chez Condorcet qui présente la
conquête coloniale comme une tâche d’éducation et de libération
des peuples exotiques, censés être incapables d’accéder
par eux-mêmes aux lumières de la raison : « Le zèle pour
1 Vœux adressés par le Président de la République aux Français, le 31-12-2007.
2 Cf. Pour une politique de civilisation, ouvrage d’Edgar Morin coécrit avec Sami
Naïr, éd. Arlea, 2002.
3 Précisions apportées par Laurent Wauquiez, porte-parole du gouvernement, en
janvier 2008, dans Le Monde.
4 Mirabeau (père de l’orateur révolutionnaire célèbre), L’Ami des hommes ou
Traité de la population, publié en 1756.
Par Alain CAMBIER
Docteur en philosophie, professeur
en classes préparatoires, Faidherbe - Lille
la vérité est aussi une passion, et il doit porter ses efforts
vers les contrées éloignées, lorsqu’il ne verra plus autour de
lui de préjugés grossiers à combattre, d’erreurs honteuses à
dissiper. Ces vastes pays lui offriront ici des peuples nombreux,
qui semblent n’attendre pour se civiliser, que de recevoir
de nous les moyens, et de trouver des frères dans les
Européens, pour devenir leurs amis et leurs disciples » 5 .
Condorcet se fait ici le porte-voix du mythe d’un progrès
universel de l’humanité dont la clef se trouverait entre les
mains de nations éclairées : il témoigne, en réalité, de la
face sombre du siècle des Lumières dont nous retrouverons
l’écho dans les propos de Jules Ferry, à la fin du XIX ème siècle,
sur un prétendu devoir de civiliser les races inférieures
et sur « la mission éducatrice et civilisatrice qui appartient
à la race supérieure ». En France, le privilège idéologique
accordé à la conception normative de civilisation – au détriment
de celle de culture – a perduré plus qu’ailleurs, au
point de constituer un véritable obstacle épistémologique
au développement d’une ethnologie scientifique moderne
qui requiert davantage une approche relativiste et pluraliste
des modes de vie humains. Il a fallu attendre Marcel Mauss
pour que la notion de civilisation soit vidée de ses connotations
normatives et ne désigne plus qu’une similitude de
traits communs propres à des sociétés différentes. Expurgés
de tout jugement de valeur, ceux-ci ne sont plus alors censés
relever d’une essence dont ils seraient les indices, mais d’un
air de famille dont il faut simplement prendre acte 6 : avec
Mauss, nous sommes enfin passés du normatif au descriptif,
débarrassés ainsi de tout ethnocentrisme.
Or, la « politique de civilisation », à laquelle on nous demande
d’adhérer aujourd’hui, renoue avec cette vision normative
qui conduit à des jugements chargés de préjugés idéologiques
: « Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain
n’est pas assez entré dans l’histoire (…) Dans cet imaginaire
où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour
l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès (…) Jamais il
ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne vient à l’idée de sortir
de la répétition pour s’inventer un destin » 7 . Il apparaît
5 Cf. Condorcet, Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain,
Dixième époque.
6 Cf. Marcel Mauss, Les civilisations : éléments et formes dans Essais de sociologie,
coll. Points-Essais.
repenser la politique / LNA#49
7 Discours du Président de la République française du 26 juillet 2007 à l’Université
Cheikh Anta Diop, Dakar.
17

LNA#49 / repenser la politique
18
ici que, pour celui qui tient un tel discours, parler de la
civilisation revient à réduire celle-ci à sa propre vision de
l’histoire pour la présenter comme une sorte d’état de
choses idéal et réel à la fois, causal et final en même temps,
qu’un progrès dont on ne doute pas devrait dégager nécessairement
peu à peu.
Civilisation et religion
Mais ce n’est pas non plus le moindre paradoxe que, pour
se donner un contenu, cette « politique de civilisation » recourt
à des thèmes vis-à-vis desquels la notion même de
civilisation avait voulu fondamentalement rompre. Dans le
contexte des Lumières, la notion de civilisation s’est imposée
contre l’obscurantisme de la religion. Condorcet lui-même
ne s’était pas privé d’opposer sa conception d’un progrès
universel de l’humanité au prosélytisme des missions chrétiennes
d’outre-mer. Il se servait des épithètes traditionnellement
réservées aux barbares (« sanguinaires », « tyranniques
», « stupides ») pour désigner les missionnaires et ceux
qui restaient attachés aux anciennes « superstitions ». Le sacré
de la civilisation prenait résolument et avantageusement
la relève du sacré de la religion.
La substitution de la civilisation à la religion se présentait
comme une exigence pour soustraire la nation à la tutelle
de l’Église de Rome. Cette exigence, tout à la fois républicaine
et chargée d’intensité sacrée, s’est retrouvée exprimée
de manière emblématique chez Hugo : « On peut dire que
dans notre siècle il y a deux écoles. Ces deux écoles condensent
et résument en elles les deux courants contraires qui
entraînent la civilisation en sens inverse, l’un vers l’avenir,
l’autre vers le passé ; la première des deux écoles s’appelle
Paris, l’autre s’appelle Rome. Chacune de ces deux écoles a
son livre ; le livre de Paris, c’est la Déclaration des Droits de
l’homme ; le livre de Rome, c’est le Syllabus. Ces deux livres
donnent la réplique au Progrès. Le premier lui dit Oui ; le
second lui dit Non. Le Progrès, c’est le : pas de Dieu » 8 .
Or, la « politique de civilisation » dont on nous parle
aujourd’hui met systématiquement en avant le rôle de la
religion : cet amalgame ne peut apparaître que comme une
régression par rapport à ceux-là mêmes qui se sont réclamés
de cette notion pour rendre compte de l’émancipation des
8 Victor Hugo, Œuvres politiques complètes, éd. Francis Bouvet, Paris, Pauvert.
peuples. Dire que « l’instituteur ne pourra jamais remplacer
le pasteur ou le curé parce qu’il lui manquera toujours la
radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d’un engagement
porté par l’espérance » sonne, non seulement comme
une injure vis-à-vis de ces laïques convaincus qui – comme
Jean Cavaillès – sont morts devant le peloton d’exécution
nazi, mais surtout comme une remise en question radicale
de notre esprit républicain. Le discours de Latran, puis celui
de Ryad ont ressassé l’idée de la « reconnaissance du fait
religieux comme un fait de civilisation » : ils ne faisaient
même pas référence à une quelconque religion civile, mais
bien à la religion monothéiste, celle du Dieu caché censé
être « le rempart contre l’orgueil démesuré et la folie des
hommes ». Ces discours transgressent la déontologie de
l’homme d’État moderne.
Civilisation et État
Si la civilisation correspond à un progrès, celui-ci n’est possible
que sur la base d’un procès réflexif critique vis-à-vis
de ce qui constitue « la substance éthique » d’un peuple,
c’est-à-dire vis-à-vis du système de valeurs qui s’établit, grâce
à la coutume, comme une seconde nature 9 . L’homme
est toujours culturellement conditionné par une tradition
qui l’influence de manière irréfléchie, grâce aux habitudes
contractées. Or, la religion constitue le socle même de cette
tradition qui nous façonne de manière mécanique : sa liturgie
produit des automatismes qui nous persuadent à notre insu.
Or, chacun ne peut progresser, se former qu’en effectuant
une distanciation critique vis-à-vis de cette culture transmise
de manière catéchistique. Le processus attribué à la
civilisation ne peut d’abord consister qu’en celui effectué
par chaque individu lorsqu’il se réapproprie la substance
éthique dans laquelle il se trouve d’abord immergé et qu’il
revivifie grâce à sa propre expérience critique. L’individu
qui veut affirmer sa personnalité ne peut se contenter d’être
l’émanation passive de sa culture maternelle.
Ce n’est donc pas sans raison si la notion même de civilisation
a émergé dans le contexte du développement de la
société civile, dont le dynamisme repose sur la reconnaissance
de la personne individuelle. La prise de conscience
d’un processus de civilisation fut concomitante du passage
9 L’expression est de Hegel. Sur les rapports entre civilisation et culture, cf. notre
article « Culture et civilisation » publié dans À propos de la culture, tome 1,
éd. L’Harmattan, 2008.

de la société organisée comme Gemeinschaft – c’est-à-dire
comme communauté historique fondée sur la tradition –
à une société comme Gesellschaft – c’est-à-dire considérée
comme une association libre d’individus autonomes procédant
à des échanges conscients et réfléchis. Si la civilisation
correspond à un progrès, celui-ci tient donc dans cet écart
qui se crée lorsque les individus se réapproprient leur culture
ambiante et sont alors en mesure de porter un jugement
critique sur elle. Dans un tel contexte, le ciment social ne
peut plus être fourni par la religion : seul l’État se présente
comme l’unité réfléchie de la collectivité, consciemment
voulue par des individus qui se sont élevés à la citoyenneté.
Si le religieux a pu auparavant servir de liant social, il n’a pu
le faire que sous la forme traditionaliste de religions du rite
et dans le cadre de sociétés holistes. Et lorsque la religion a
reconnu elle-même l’esprit de libre examen en son propre
sein pour se réclamer d’une foi toute personnelle – comme
dans le cas du protestantisme –, elle a alors revendiqué de
son propre chef son indépendance vis-à-vis du politique et
de la sphère publique 10 . Affirmer que « Dieu n’asservit pas
l’homme mais le libère » pourrait paraître légitime tant que
l’on se place du point de vue de la sphère de l’homme privé
qui peut éventuellement puiser ses repères dans la religion
monothéiste, mais ce rôle ne peut en aucun cas être présenté
comme un devoir de citoyen ou comme une profession de
foi de l’État, à moins d’effectuer une terrible régression vers
une conception archaïque des mœurs et de la politique.
Dialogue ou clash ?
La notion de civilisation est nécessairement ambivalente et
mérite mieux qu’un traitement idéologique qui ferait de la
religion son trait fondamental. Une telle politique reviendrait
à déposséder les citoyens de leur prise sur la destinée de leur
société, pour s’en remettre de nouveau à des « maîtres du
sens » invisibles et à leurs prétendus interprètes. En restaurant
le confort des dogmes et la chaleur maternelle des rituels,
elle ferait régresser l’esprit critique. Mais surtout, une politique
de la religion se révélerait en porte-à-faux avec une
politique de l’État, au sens moderne du terme, c’est-à-dire
10 Cf. le rôle joué par le théologien puritain anglais Robert Brown (1550-1630).
Le brownisme se transforma, sous l’influence de John Robinson, en « indépendantisme
» dont les principes étaient la séparation de l’Église et de l’État.
De même, en Amérique, Roger Williams, pasteur de Salem, puis fondateur de
Providence, lutta pour la séparation de l’Église et de l’État.
repenser la politique / LNA#49
articulée sur cet auxiliaire rationnel qu’est le droit. Mettre
en avant la notion de civilisation et l’articuler sur celle de
religion revient à favoriser des amalgames au détriment de
la notion d’État.
Bien plus, considérer la religion comme déterminant l’identité
d’une culture conduit à s’inscrire tôt ou tard dans une
logique de conflits de civilisations. L’erreur de Huntington 11
est d’avoir conçu les civilisations comme des substances
éthiques constituant autant de blocs monolithiques générateurs
de tous les intégrismes, alors que le propre d’une
civilisation est d’asseoir son progrès éventuel sur la capacité
que possède une culture à réfléchir de manière critique son
identité. L’homme peut s’élever alors de la communication
intraculturelle irréfléchie à des échanges interculturels
volontaires et s’ouvrir à d’autres visions du monde. La religion
comme tradition a tendance à enfermer l’homme
dans le cercle étroit de ses dogmes, alors que le processus de
civilisation requiert plutôt une ouverture des mentalités à
d’autres expériences de spiritualité. La distanciation critique
vis-à-vis du rôle accordé à la religion dans la détermination
de l’identité des communautés humaines est la condition
irréfragable pour infirmer le prétendu fatalisme du clash des
civilisations.
11 Cf. Samuel P. Huntington, Le Choc des civilisations, éd. Odile Jacob, 1997.
19

LNA#49 / à lire
20
Neurosciences et enseignement
Le désir de réduire la connaissance à la cognition 1 et
les sciences cognitives aux neurosciences peut être relié
à l’usage ambigu du terme « matière », terme que l’on retrouve
dans les sciences de la nature et dans les diverses philosophies
dites matérialistes, comme si le terme « matière »
avait une signification bien définie, libre de toute confusion.
C’est cette confusion que l’on retrouve dans cette profession
de foi matérialiste de Pierre Jacob qui proclame :
« Souscrire au monisme matérialiste, c’est admettre que les processus
chimiques, psychologiques, linguistiques, économiques,
sociologiques et culturels sont des processus physiques. » 2
La matière joue ici le même rôle que les Idées platoniciennes,
et le monisme matérialiste que propose Pierre Jacob relève
plus de la croyance que de la science.
C’est via ce réductionnisme plus métaphysique que scientifique
3 qu’il faut comprendre les tentatives d’explication
biologique de l’apprentissage renvoyant aux neurosciences,
réductionnisme d’autant plus fort que s’y entremêlent
le désir théorique de comprendre comment l’homme
apprend et le désir pratique de définir les conditions d’un
enseignement réussi. Ainsi s’ajoute au projet scientifique des
neurosciences, celui de comprendre l’activité cérébrale qui
accompagne tout acte de pensée, un projet pratique, celui
d’énoncer les bonnes règles de l’enseignement. Les neurosciences
prennent ici la relève des théories de l’apprentissage en y
ajoutant une image de scientificité plus canonique.
Nous ne nous prononçons pas ici, en ce qui concerne l’acte
de connaissance, sur le matérialisme et les diverses idéologies
qui s’en réclament, nous nous proposons seulement
de mettre l’accent sur les limites de cette naturalisation de
l’acte de connaissance qui, sous prétexte de mieux le comprendre,
conduit à réduire les obstacles épistémologiques à
l’appréhension d’un contenu de connaissance à de simples
mouvements neuronaux. On confond ainsi les contraintes
liées à l’apprentissage d’un domaine de la connaissance et
les contraintes imposées par l’élaboration des neurosciences
comme étude de l’activité cérébrale ; on continue ainsi, sous
1 On peut considérer la cognition comme l’ensemble des phénomènes psychologiques
et biologiques qui accompagnent l’acte de connaître.
2 Pierre Jacob, Pourquoi les choses ont-elles un sens ?, éd. Odile Jacob, Paris,
1997, p. 9.
3 Si le réductionnisme joue un rôle essentiel dans l’activité scientifique, tout
réductionnisme ne relève pas de la science.
une forme différente, la confusion introduite par Piaget entre
ce qu’il considérait comme les structures profondes de la
cognition et les modes d’apprentissage, confusion renforcée
ici par un matérialisme simpliste, les structures profondes se
rattachant à l’activité cérébrale.
Pourtant, s’il y a un apport des neurosciences à l’enseignement,
il s’appuie sur l’étude des dysfonctionnements du cerveau qui
peuvent s’opposer à l’apprentissage. On pourrait, par exemple,
citer le discours sur la dyslexie qui mêle des problèmes réels
de dysfonctionnement cérébral et les difficultés créées par certaines
formes d’enseignement de la lecture, comme l’explique
Colette Ouzilou dans son ouvrage Dyslexie, une vraie fausse
épidémie 4 . On peut voir ici comment les neurosciences
permettent de distinguer les difficultés qui proviennent de
dysfonctionnements cérébraux de celles qui proviennent de
mauvaises méthodes d’enseignement.
Stéphane Dehaene aborde cette question dans Les Neurones
de la Lecture 5 , mais il l’accompagne de considérations
sur l’apprentissage de la lecture qui dépassent le cadre des
neurosciences. Même si nous partageons ses conclusions
sur la nécessité d’user de la méthode alphabétique dans
l’apprentissage de la lecture, nous ne pouvons accepter ses
arguments qui renvoient moins à la langue qu’à l’activité
neuronale. Même si on reconnaît que la lecture, comme
toute activité humaine, a un fondement biologique, on
ne peut la réduire à ce seul aspect biologique. En ce qui
concerne les langues et leur diversité, il faudrait avoir une
théorie biologique de cette diversité, ce qui reviendrait à
réduire l’histoire humaine à une suite de phénomènes biologiques,
et seulement biologiques.
On peut rappeler que les premières écritures historiquement
connues ne sont pas alphabétiques, et qu’aujourd’hui encore
existent des systèmes d’écritures non alphabétiques. Sauf à
considérer que le passage de l’écriture idéographique à l’écriture
alphabétique relève d’une mutation génétique de l’espèce
humaine, on ne peut accepter une quelconque naturalité de
l’écriture alphabétique ; on ne peut que prendre acte du fait
historique de l’apparition de l’écriture alphabétique, de la
facilité de lecture et d’écriture qu’elle a apportée et de son
4 Colette Ouzilou, Dyslexie, une vraie fausse épidémie, éd. Presses de la Renais-
sance, 2001.
Par Rudolf BKOUCHE
Professeur émérite, Université de Lille 1
5 Stéphane Dehaene, Les Neurones de la Lecture, préface de Jean-Pierre
Changeux, éd. Odile Jacob, Paris, 2007.

développement ultérieur. Il faut alors prendre en compte,
dans l’enseignement de la lecture, ou plutôt de la lectureécriture
6 , le caractère de la langue : la méthode alphabétique
s’impose dès lors qu’une langue est alphabétique. Et l’on sait
que l’apprentissage reste fonction de la langue, particulièrement
de la correspondance « graphème - phonème », correspondance
qui peut être plus ou moins simple ou complexe
suivant les langues. Stéphane Dehaene souligne, dans son
ouvrage, les distinctions entre l’italien où la correspondance
est biunivoque, la langue française où la correspondance est
déjà plus complexe et la langue anglaise où cette correspondance
se complique 7 ; ainsi, même dans le cas d’une langue
alphabétique, l’apprentissage ne peut être réduit à un problème
de neurones, tout au plus sait-on, et c’est un apport
des neurosciences, que l’apprentissage impose au cerveau des
reconfigurations neuronales qui dépendent des connaissances
apprises.
Piaget pensait déjà à la possibilité d’une explication biologique
des activités cognitives mais, explique Olivier Houdé,
il lui manquait les moyens techniques d’observer in vivo
l’activité cérébrale, à savoir l’imagerie cérébrale fonctionnelle
8 . L’utilisation de cette nouvelle technique a permis de
nouvelles observations de l’activité cérébrale accompagnant
les actes de raisonnement, permettant de corriger certaines
erreurs de Piaget, mettant en évidence les inhibitions qui
accompagnent tout apprentissage 9 . En ce qui concerne le
raisonnement logique, Houdé rappelle, ce que l’on savait
bien avant les neurosciences, les contradictions entre
perception sensible et raisonnement logique 10 . Mais la question
reste celle de la validité d’une explication neurologique
pour comprendre ce qui se joue dans ces contradictions.
Alors que Piaget en appelait à la méthode historico-critique,
même si, pour respecter les dogmes de l’épistémologie génétique,
il tordait l’histoire à sa convenance 11 , celle-ci n’intervient
pas dans le discours de Houdé. La naturalisation
6 Michel Delord, http://michel.delord.free.fr/lecture.html
7 Stéphane Dehaene, Les Neurones de la Lecture, o.c. p. 305-306.
8 Olivier Houdé, La psychologie de l’enfant, « Que sais-je ? », éd. PUF, Paris,
2004-2005, p. 97.
9 Ibid, p. 72.
10 Ibid, p. 91-96.
11 Jean Piaget de Rolando Garcia, Psychogenèse et Histoire des Sciences, « Nouvelle
Bibliothèque et Histoire des Sciences », éd. Flammarion, Paris, 1983.
des obstacles épistémologiques devient ici un obstacle à leur
compréhension. On retrouve, en outre, une erreur classique
des théories de l’apprentissage, la réduction des questions
d’apprentissage aux seuls enfants, même si Houdé pose la
question des erreurs de raisonnement chez les adultes. Au
discours de Houdé, nous pouvons objecter les « erreurs »
commises par les mathématiciens au cours de l’histoire, ce
qui montre que la réduction neurologique est insuffisante
pour comprendre le rôle des obstacles. Sauf à chercher, par
exemple, une explication biologique des démonstrations
du postulat des parallèles, démonstrations dans lesquelles
on peut voir la prégnance de ce que Houdé appelle
l’appariement perceptif. Les inventeurs de la géométrie noneuclidienne
seraient-ils des mutants comme l’auraient été,
à l’aube de l’histoire, les inventeurs de l’écriture alphabétique
? Et Cauchy, démontrant que la limite d’une suite de
fonctions continues est une fonction continue, était-il atteint
de lésions cérébrales ?
Il n’est pas question de remettre en cause les apports des
neurosciences dans la compréhension de l’activité intellectuelle.
Mais on ne saurait, au nom d’une caricature de
matérialisme, réduire l’activité intellectuelle à l’activité cérébrale
qui l’accompagne. Quant à chercher dans les neurosciences
une explication de ce que l’on appelle les difficultés
des élèves, cela nous semble relever de l’angélisme scientiste.
Mais cet angélisme, en se proposant de naturaliser les
obstacles épistémologiques, prend le risque de créer des
difficultés artificielles et de faire ainsi écran à la compréhension
des disciplines enseignées, continuant ainsi la tradition
des théories de l’apprentissage.
à lire / LNA#49
21

LNA#49 / à lire
22
Histoire de la thermodynamique classique,
de Carnot à Gibbs *
* Robert Locqueneux, Paris, éd. Belin, 2008.
Tous les historiens des Sciences connaissent les ouvrages
de Robert Locqueneux, notamment son Histoire de la
physique 1 , sa Préhistoire et Histoire de la thermodynamique
classique 2 , son Ampère, encyclopédiste et métaphysicien 3
qui vient de paraître, ainsi que son Henri Bouasse, un
regard sur l’enseignement et la recherche 4 . Ce sont des
œuvres admirables, savantes, riches et concises à la fois.
C’est donc avec un réel bonheur que nous verrons paraître
prochainement « Une histoire de la thermodynamique
classique, de Carnot à Gibbs », que vont lire avec
empressement et profit les enseignants de physique – qui
pourront éclairer les connaissances actuelles à la lumière
des problématiques développées dans le passé –, mais aussi
les historiens des Sciences et des Techniques et le public
cultivé.
L
’histoire des sciences peut-être présentée de trois manières
différentes dans les livres. Les uns sélectionnent
les épisodes qui semblent conduire à notre science contemporaine
et en font une suite d’éléments classés de manière
chronologique qui mènent à un savoir achevé : le nôtre.
D’autres énumèrent comme un catalogue les prétendues
opinions des uns et des autres, sans que le sens des travaux
énoncés apparaisse. C’est à la troisième catégorie qu’appartient
l’ouvrage de Robert Locqueneux. Celui-ci nous y fait
accéder à son immense culture en nous donnant les grilles
intellectuelles qui permettent, à chaque époque, d’interpréter
les phénomènes où le chaud et le froid sont impliqués. Il
peint les contextes, les présupposés, les œuvres des hommes
et les intègre dans leurs visions du monde : elles donnent
naissance à des systèmes physiques continûment remis en
causes. Ainsi, l’auteur prend-il en compte, dans les œuvres
de Clausius, Boltzmann et quelques autres, la part qui substitue
à l’éternel retour des choses – caractéristique de la vision
laplacienne du monde – l’idée de la mort annoncée de l’univers.
Il souligne la place prise par la thermodynamique dans
l’énergétique d’Ostwald, laquelle prétend rendre compte de
tous les domaines de l’activité humaine ; il montre l’implication
scientiste de certains acteurs de cette histoire.
1 Que sais-je, éd. PUF.
2 Cahiers d’histoire et de philosophie des Sciences.
3 EDP Sciences.
4 Albert Blanchard.
Par Bernard MAIttE
Professeur d’histoire des sciences et d’épistémologie
à l’Université de Lille 1
La science est ainsi présentée comme œuvre diverse et collective,
comme pensée vivante sur le monde. Pour nous
faire comprendre ces problématiques où les frontières
de nos actuelles disciplines n’existent pas, où les sens des
mots attachés aux concepts diffèrent, Robert Locqueneux a
choisi de nous donner des textes significatifs de la manière
dont on peut, tout au long du XIX ème siècle, raisonnablement
et contradictoirement, se représenter les phénomènes
où le chaud et le froid interviennent. Ces textes sont insérés
dans l’histoire elle-même, la complètent, l’illustrent,
montrent l’incidence du discours scientifique sur la façon
de penser du temps, de même que la façon de penser du
temps agit sur le discours scientifique. Au milieu du XIX ème
siècle, nul ne fait de la physique sans avoir recours à l’analyse
mathématique : ce serait trahir la pensée des auteurs
qui ont élaboré les thermodynamiques phénoménologique
et statistique que de donner leurs textes sans leur formalisme
mathématique. L’auteur nous permet donc d’entrer dans ce
qu’il a été convenu d’appeler la « physique mathématique »,
mais c’est son grand mérite de l’avoir fait de telle manière
que le lecteur plus intéressé par l’histoire des idées que par
l’histoire de la physique puisse enjamber les formules citées
sans vergogne.
En voulant ainsi donner idée de l’état des connaissances en
physique aux différents moments de cette histoire, Robert
Locqueneux met en scène des conflits et montre que diverses
interprétations peuvent parfois être faites d’un même phénomène,
sans que les connaissances du temps permettent
de les départager. Il décrit à égalité les différentes tendances
qui s’affrontent en une époque : celles qui rétrospectivement
ont marqué l’évolution vers nos modernes théories, celles
qui ont conduit à une impasse, celles qui ont été oubliées,
celles qui se sont révélées – beaucoup plus tard – fécondes...
Cette manière de faire nous incite à beaucoup de modestie,
d’une part parce que l’on peut se rendre compte que la
pertinence d’une recherche ne se mesure pas à l’aune de sa
mathématisation, ensuite parce que nous découvrons que
les recherches les plus contemporaines pourraient gagner en
épaisseur et en fécondité en reformulant d’anciennes questions,
en se nourrissant aux sources des auteurs du passé.
L’auteur n’a pas voulu terminer son ouvrage sur l’établissement
des thermodynamiques phénoménologique et statistique,
dont les formalisations mathématiques restent en
grande partie les nôtres, la clarté des exposés en moins : il
montre le rôle central qu’elles ont joué dans la crise de la

physique aux environs de 1900, alors que beaucoup de physiciens
pensaient que la physique était achevée, comme déjà
avant eux d’autres avaient pu penser de même... La physique
actuelle bénéficie elle aussi d’une présentation consensuelle
; elle fait chaque jour preuve de sa fécondité. Est-elle
pour autant garantie contre toute remise en cause ? Le livre
de Robert Locqueneux permet de suggérer que nos connaissances
en physique nous font percevoir certains phénomènes
d’une manière telle que nous ne puissions les utiliser pour
rechercher d’autres formalisations ou, peut-être, une autre
physique fondée sur d’autres principes... Ainsi est-il pertinent
de se demander si ce livre magistral, qui nous présente
l’histoire de la thermodynamique classique, constitue une
leçon d’histoire ou une leçon de physique. Il faut lire et
relire ce récit de l’invention des thermodynamiques. La leçon
de physique que nous donne Robert Locqueneux nous
répète que notre science, si dogmatisée, n’est pas achevée et
ne saurait épuiser le réel. La leçon d’histoire nous montre
que l’évolution des idées en physique est toujours faite, à
toute époque, de continuités et de ruptures, mais surtout de
tensions contraires.
Ludwig Boltzmann
Sadi Carnot
à lire / LNA#49
23

LNA#49 / jeux littéraires
Mallarmé par Toffeur http://toffeur.canalblog.com
24
Roubaud plagié par Mallarmé
Les poètes aiment à dire la chose, mais la nommer autrement
; n’appellent-ils prosodie la science qui s’occupe
de versification, de métrique, d’accentuation, de mélodie ?
Monsieur Jourdain s’y perdrait d’entendre le Maître de
Philosophie enseigner que « la prosodie concerne tout ce qui
n’est point prose mais vers ».
François de Malherbe, le premier en France, édicte à la
charnière du XVII e siècle des règles prosodiques stables.
Chaque fois qu’ils écriront en vers, Molière et tous les autres
s’y soumettront. Puis Théodore de Banville enrichit la discipline
d’un p e t i t t r a i t é d e p o é s i e f r a nç a i s e dévolu à
la seule pureté technique, ouvrage qui a trouvé lecteur
assidu en Stéphane Mallarmé. L’auteur du Coup de dés, celui
pour qui « la poésie doit être une rupture de toutes nos habitudes
» 1 n’en souscrit pas moins aux préceptes de Malherbe
et Banville. Les rares entorses mallarméennes obéissent à
une nécessité supérieure, par exemple plagier par anticipation
l’Oulipo :
Voix étrangère au bosquet
Ou par nul écho suivie,
L’oiseau qu’on n’ouït jamais
Une autre fois en la vie.
C’est nous qui avons souligné les syllabes -quet et -mais.
Scandale ces deux syllabes, car Malherbe et Banville
exigent que les consonnes finales « riment »... y compris
1 Gaston Bachelard, Le droit de rêver, éd. PUF, 1970.
& par anticipation
par Robert Rapilly http://robert.rapilly.free.fr/
« On a touché au vers »
(Stéphane Mallarmé, conférences à Oxford et Cambridge)
muettes ! Parcourons nos classiques : aucun jusqu’Apollinaire
ne déroge à cette survivance orthographique des prononciations
révolues ; nul donc ne ferait rimer « bosquette »
et « jamaisse », surtout pas Mallarmé hanté de perfection.
Alors, pourquoi déroger soudain, et dans ce seul quatrain -
le second de pe t i t a ir ii ?
Reprenons la strophe d’un trait : « voix étrangère au bosquet
ou par nul écho suivie, l’oiseau qu’on n’ouït jamais une
autre fois en la vie ». C’est tout simple, quatre vers ne chantent
rien d’autre que : voici la rime qui ne rime pas, celle que
l’on n’a jamais entendue. Limpidité conjuguée de la forme et
du fond ! À dessein vertigineux, Mallarmé souscrit au premier
principe de Jacques Roubaud : « Un texte écrit suivant
une contrainte parle de cette contrainte ».
Et Paul Bénichou 2 , auditeur perspicace, perçoit ici « au
lieu de multiples essais, un seul chant, décisif et fatal ».
*
Ve n d r e d i 10 o c t o b r e 2008 :
Za Zi e Mo d e d’eM p l o i au pr at o
Récrivons un poème d’osk a r pa r t i o r suivant 100 000
milliards de tours oulipiens et dans toutes les langues et
dialectes de l’univers. Car à la rentrée, ZaZ i e Mo d e d’eMp
l o i mettra à l’honneur le grand poète né en 1927, entré à
l’Oulipo en 1992, couronné l’année de son décès du plus
prestigieux prix littéraire allemand, le Georg-Büchner-Preis
2006.
Musique de table. Tino est dans le jardin et
voit une orange. Il dit qu’est-ce que c’est comme
fleur. Il demande ce que c’est comme nuage. Le
père dit qu’une fleur est une fleur. Tino prend
l’orange et dit papa pèle-moi le nuage. Le père
pèle la fleur et donne six tranches à Tino. Le
père mange une tranche et dit qu’une tranche
est une tranche. Tino mange. Il dit c’est une
tranche de nuage elle a un goût de fleur. Il
demande ce que c’est comme fleur. Le père dit
qu’un nuage est un nuage et qu’une orange est
une orange. Tino voit une limace. Le père voit
2 Selon Mallarmé, éd. Gallimard, 1995.

un petit chien de Calabre. Le père dit qu’est-ce
que c’est que cette pluie dans le jardin. Il demande
qu’est-ce que c’est que cette comète dans
le jardin. Tino dit ce n’est pas une queue de
comète dans le jardin c’est une orange avec deux
cornes. Le père pèle l’orange et dit voici une
tranche de pluie voici une tranche de neige et
voici une tranche de patatras. Chouette dit Tino
et il donne l’orange au ramoneur.
(Extrait de Après l’est et l’ouest, Textuel, collection L’œil du poète, 2001, traduction
Alain Jadot, version originale dans Höricht, Klaus Ramm, 1975).
Multiples réécritures sur www.zazipo.net
Et retrouvons-nous vendredi 10 octobre 2008, lors de la
n u i t d e l’é c r i t au pr at o, pour décliner de 666 666 façons
la s e x t i n e , manière poétique des troubadours qui passionna
osk a r pa s t i o r ! Affiche exceptionnelle, lisez donc :
- À 19 heures : ça s’a ppe l l e se x t i n e , lecture étincelante par
Jacques ro u b a u d, Marcel bé n a b o u, Frédéric fo r t e , Paul
fo u r n e l , Hervé le te l l i e r, Ian Mo n k et Olivier sa l o n.
- De 20h30 à minuit dans tout l’espace du pr at o (salle de
spectacle, coulisses, bar, jardin…) : cabaret, soupe, lectures
de Gilles de f a c q u e et Parviz la k, ateliers d’écriture avec les
Oulipiens, de bande dessinée avec Étienne lé c r o a r t, peinture
par Claude ch au ta r d, chorale par Martin Gr a n G e r, etc.
- Le lendemain, ateliers d’écriture et de bande dessinée à la
Médiathèque de Moulins.
Renseignements, réservations, contributions, etc. encore
sur www.zazipo.net
jeux littéraires / LNA#49
Opé r a s-m i n u t e
d e Fr é dé r ic FO r t e
Ce qu’invente fr é d é r i c
fo r t e , cadet de l’OuLiPo,
est promis à devenir classique.
Ses opé r a s-M i n u t e
(Théâtre typographique, 2005)
annoncent un potentiel
incalculable d’écriture, de
dessin, de calligraphie…
On y trouve à lire, à compter
et conter, entendre et
chanter, toucher, mesurer.
fo r t e apporte une réponse inusitée à l’injonction sibylline
des Poésies II d’Isidore Ducasse : « La poésie doit être faite
par tous », où « tous » désigne non d’abord l’humanité mais
« les phénomènes de l’âme ». Chaque page, divisée en scène
et coulisse, accomplit l’exploit d’inventer une forme poétique
inédite. Et nous tous, machinistes complices du haut du
grill, sommes poètes en même temps.
25

LNA#49 / vivre les sciences, vivre le droit...
26
Les statistiques, ou les histoires du « compteur »
Les problématiques conduisant à des questions de nature
statistique sont variées. La prise en compte de l’aléatoire
a gagné presque tous les domaines : le contrôle de
qualité en milieu industriel, la prévision des petits et
des grands risques, l’élaboration de politiques de santé
publique, les calculs financiers, etc. 1
Lorsque Durkheim, que l’on peut considérer comme
le père de la sociologie, voulait étudier le phénomène
social du suicide, il se référait certes à des statistiques officielles,
mais ne se situait pas lui-même dans une optique
expressément politique. Il voulait seulement comprendre
un fait de société, ses tenants et aboutissants, et ne pouvait
le faire sans mesurer les comportements individuels, examinés
à l’échelle de faits sociaux que l’on peut alors corréler, en
fonction de l’état civil, de l’âge, bref de toutes les variables
qui peuvent être significatives sur la question étudiée.
Or, ce qui caractérise notre époque, c’est que l’approche
statistique ne se limite plus à l’étude désintéressée de phénomènes
sociaux globaux. Elle s’est soumise à des objectifs
plus particuliers de l’action humaine sensée, par exemple
ceux du travail, de la santé, de la politique 2 . À la conception
probabiliste de la statistique s’est peu à peu ajoutée une visée
ouvrant à des perspectives d’action. À l’époque actuelle, il
n’est pas de ministère qui ne dispose de son service statistique
en vue d’une action, que ce soit même dans le domaine
de la communication, de la culture ou de l’éducation. Plus
généralement, tous les grands acteurs sociaux se dotent de
ces moyens puissants pour régir une réalité mouvante et lui
appliquer éventuellement de nouvelles orientations, afin de
justifier une stratégie déterminée.
1 Introduction au rapport d’étape Statistique et probabilités de la commission
de réflexion sur l’enseignement des mathématiques (avril 2001).
Cette commission s’était constituée à la demande des associations de
mathématiciens (avec lettre de mission du Ministre de l’éducation
nationale J. Lang en avril 1999) pour réfléchir aux conditions de « l’enseignement
des mathématiques de l’école élémentaire à l’université ».
Un chapitre avait été rédigé sur Statistiques et probabilités. Le rapport
définitif de ce chapitre date du 15 mars 2003.
2 Encore que les premières études sur l’applicabilité des statistiques aux
secteurs socio-politiques remontent à la fin du XIX ème siècle (cf. Daniel
J. Denis & Kara R. Docherty : Late Nineteenth Century Britain : A
Social, Political and Methodological Context for the Rise of Multivariate
Statistics, in Journ@l Electronique d’Histoire des Probabilités et de la
Statistique, Vol. 3, n° 2, décembre 2007).
Par Jean-Marie BREUVARt
Philosophe
Encore faut-il que les corrélations retenues soient réelles, et
non le fruit du hasard. Comme le recommande la commission
de réflexion évoquée au début, « une corrélation forte
n’implique pas nécessairement une causalité », ce qui s’énonce
aussi : si un nuage de points est presque rectiligne, cela n’implique
pas nécessairement de relation de cause à effet entre le
phénomène mesuré par les abscisses et celui qui est mesuré par
les ordonnées. Les rapporteurs donnent alors l’exemple d’une
fausse corrélation entre le nombre d’entrées aux cinémas
projetant des films violents et le nombre d’agressions sur la
voie publique. En l’absence de toute hypothèse précise, une
telle corrélation relèverait de l’aléatoire.
Pourtant, c’est sur de telles liaisons douteuses que se définissent
parfois ce que les statisticiens appellent une modélisation,
une représentation fictive de la réalité, conduisant
elle-même à des projections à plus ou moins long terme. Or,
une telle fiction peut être suscitée par d’autres intérêts que
ceux de la recherche, comme cela se manifeste dans le domaine
spécifique du politique, pour la définition des grands
axes à mettre en place. C’est à ce niveau que peuvent se
glisser des visées de pouvoir fort peu compatibles avec une
méthode scientifique. Sans revenir sur l’abus des sondages
en politique, avec une interprétation des côtes de popularité
montantes et descendantes, il suffit de voir, par exemple,
comment se définissent les grandes orientations du corps
électoral. La représentation fictive de la population est celle
d’un grand corps social, traversé de pulsions qu’il s’agit de
satisfaire ou de maîtriser. Cette fiction vient s’interposer
entre la réalité des « gens » et la vision que l’on en a. Les
statistiques risquent alors de supplanter ce qui faisait jadis la
valeur du politique : elles permettent de faire l’impasse sur
d’autres valeurs, notamment sur la préservation des biens
les plus élémentaires pour tous et la prise en compte de la
vie du désir en chacun.
On dira que les grandes entreprises de consommation
semblent alors prendre le relais du politique et considérer
ces désirs des citoyens. Mais de quel désir s’agit-il alors, sinon
celui d’une jouissance de possession, y compris pour les
objets dits « culturels », envisagés simplement sous l’angle
de leur rentabilité ? On est ainsi passé du simple goût
durkheimien pour la recherche désintéressée à l’étude de ce
que l’on pourrait appeler un pouvoir sur la façon de posséder.
Les statistiques permettent alors d’agir sur l’éventuel
client, en choisissant les variables les plus aptes à développer

ses appétits d’objets. La fiction est ici celle d’un immense
corps consumériste, dont il faut comprendre les désirs les
plus « rentables » afin de les satisfaire.
Mais les statistiques produisent d’autres fictions, comme
celle d’un corps collectif qui serait unique et cohérent,
par exemple le corps des citoyens mécontents de telle mesure
politique, ou celui des spectateurs de tel ou tel film.
Comptabiliser, par exemple, le nombre d’entrées à un film,
sur une période donnée, serait certes très utile lorsque l’on
veut définir le type de spectacle qui attire le public, voire
le taux de fréquentation des salles. Mais il y a, sans doute,
autant de raisons d’aller au cinéma que de spectateurs. De
plus, cette comptabilité devient elle-même un instrument
de promotion commerciale lorsqu’elle est répétée à longueur
de semaines, sur le mode du slogan selon lequel tout le monde
utilise le produit « x », donc il est bon. Tout se passe donc
comme si l’on considérait les gens sondés ou comptabilisés
comme un simple faisceau de quelques propriétés : celles
que l’on tente de corréler selon la « loi des grands nombres »,
et dans l’intention de peser ainsi sur les comportements.
Outre qu’elles ignorent les détails individuels, les statistiques
peuvent également être faussées par l’impossibilité
même d’en tirer un enseignement directement exploitable.
Envisageons, par exemple, le cas d’une évaluation des ressources
de la planète, en vue de définir un avenir et de laisser
une terre riche et féconde à nos descendants. Le discours
est souvent entendu et majoritairement admis. La fiction du
« réservoir » en train de se vider plus ou moins rapidement
selon les zones géographiques laisse entière la question :
comment changer significativement de comportement, en
cessant précisément de considérer la terre comme un simple
réservoir de ressources ?
Une autre fiction statistique est celle du « grand malade »
que représente la Sécurité Sociale. Il faut soigner ce corps
souffrant collectif comme on le ferait pour un patient ordinaire.
Les statistiques permettent certes de faire un diagnostic
détaillé sur les maux dont il souffre. Mais quel médecin
pourrait venir à son chevet ? Pour cela, il faudrait, ici aussi,
accéder à des informations que ne délivre pas nécessairement
la méthode statistique, tant les champs de dépenses
sont nombreux et parfois difficilement appréciables. Peuton,
par exemple, réellement corréler la pollution ou le stress
aux chances de vie de ce grand malade ? Peut-on, surtout,
vivre les sciences, vivre le droit... / LNA#49
agir en conséquence sur ces deux fléaux des temps modernes ?
Ici également, on en est réduit à des hypothèses selon la
fiction de départ.
Que dire de domaines difficilement déterminables scientifiquement,
comme ceux de la politique ou de la religion ?
Ainsi, faire reposer sur une enquête d’opinion l’affirmation
d’appartenance à telle ou telle religion ne retient de la foi religieuse
que son côté public sans, du reste, que soit toujours
mis le même sens sous cette affirmation. Et l’on sait qu’en
fait de « couleur » politique, la chose est encore plus patente,
et les catégories classiques de plus en plus incertaines entre
droite et gauche.
On peut donc en inférer que plus les techniques de numération
se développent, plus se creuse la distance entre le cours
social de la vie et sa manifestation concrète dans des vies
individuelles dites « inestimables » à tous les sens du mot.
Pourtant, émerge en même temps, dans nos vies tant de fois
« estimées », la possibilité de désirer cet « inestimable », voire
d’oser y trouver plaisir. Comme dans d’autres domaines,
l’excès et le manque disent la même chose : trop de numération,
dans des domaines réputés comme n’en relevant pas,
conduira sans doute à la peur de toute numérisation. Et si
l’appareil juridique n’avait pas d’autre sens dernier que celui
de protéger un tel inestimable contre toutes les volontés plus
ou moins masquées de pouvoir ?
27

LNA#49 / l'art et la manière
28
Bétonsalon, premier centre d’art et de recherche
en lien avec l’université
Depuis novembre 2007 s’est ouvert dans le 13 ème
arrondissement de la ville de Paris, non loin de la
Bibliothèque Nationale, le premier Centre d’Art et de
Recherche (CAR) pensé en regard de l’université, ici
l’université pluridisciplinaire Paris Diderot / Paris 7
(Lettres, Langues, Sciences Sociales ; Sciences : Physique,
Chimie, Mathématiques ; Médecine, Odontologie ; Arts
et Cinéma…). Dirigé par l’association Bétonsalon, ce
CAR se veut un lieu où la transmission du savoir et des
pratiques est revisitée selon une certaine dynamique.
La refondation de l’université Paris Diderot sur la rive
gauche (travaux commencés en 2001) a pour objectif
principal d’inscrire « l’université dans la ville ». Afin de
garantir une vie de quartier pendant et en dehors des
périodes d’activité universitaire, ses différents bâtiments ont
été disséminés entre les logements, les bureaux et les équipements
publics 1 et plusieurs espaces en rez-de-chaussée
ont été réservés par la municipalité pour y insérer des commerces
ou des activités associatives. C’est dans un de ces
espaces, en rez-de-chaussée de la Halle aux Farines, face
aux Grands Moulins, que la ville (adjoints à l’éducation et
à la culture) a proposé à l’association Bétonsalon, qui existe
depuis 2004, d’animer un espace de 250 m2 2 . Une subvention
annuelle de fonctionnement de 53 000 euros lui est
versée par la ville et l’université apporte un soutien matériel
à l’association. En d’autres termes, le CAR est un projet
issu de la volonté de la ville de Paris ; une convention a été
passée avec l’université mais le CAR n’y est pas directement
rattaché, l’université a son propre espace culture voire, dans
certaines universités, un propre espace d’expositions.
Ce centre d’art et de recherche n’a pas pour vocation de
fonctionner non plus comme un centre d’art contemporain 3
classique mais, par son implantation sur le site universitaire,
de fonctionner comme un pôle d’attraction, d’échanges
et d’expérimentations entre artistes et universitaires, riverains,
curieux, amateurs d’art et de science, et étudiants.
Pour cela, Bétonsalon développe un projet où l’exposition
1 Pour la refonte de l’université et du quartier, la ville de Paris (Maire : Bertrand
Delanoë) a investi environ 300 millions d’euros.
2 Le Centre d’Art et de Recherche a été entièrement financé par la ville pour une
somme de 500 000 mille euros et aménagé par la SEMAPA.
3 Un centre d’art ne possède pas de collections. Il est entièrement dédié à la
production d’œuvres d’artistes vivants donc et à la diffusion.
Par Corinne MELIN
Historienne d’art contemporain
devient un espace de co-construction par le biais d’une
médiation permanente, des ateliers destinés à tous publics
(enfants, adultes, étudiants), des conférences ou encore des
cours qui poursuivent, développent, questionnent, etc., les
œuvres exposées et/ou la thématique qui les réunit. L’espace
d’exposition devient le théâtre de la dynamique recherchée
par la directrice de Bétonsalon, Mélanie Bouteloup, pour
établir des liens vraisemblables et somme toute tangibles
entre un certain art contemporain et une université pluridisciplinaire.
La première exposition « In the stream of life » (novembre
2007/février 2008) a rassemblé une exposition, un cycle de
conférences, de performances et de projections. Son titre est
emprunté au film de l’artiste conceptuel américain Lawrence
Weiner, « Plowmans Lunch » (1982), dans lequel un personnage
dit : « une idée n’a de sens que dans le courant de la
vie ». Cela correspond bien à l’idée de Bétonsalon : expérimenter
les interrogations, les concepts, les pratiques de l’art
contemporain avec les publics. Pour aller en ce sens, l’exposition
s’intéressait à la circulation de l’œuvre d’art : comment
une œuvre peut-elle être activée, racontée ? Comment
penser l’œuvre en termes de narration et d’expériences ?
L’exposition 4 Argument de la diagonale est une exposition
qui, selon les deux commissaires, Isabelle le Normand et
Florence Ostende, « s’intéresse aux méthodologies qui bifurquent,
aux stratégies obliques et autres analogies vertigineuses.
Hommage à une performance d’Éric Duyckaerts
et référence à la célèbre démonstration du mathématicien
Georg Cantor, Argument de la diagonale reflète la méthodologie
en zig zag de cette exposition. Pour comprendre
ce projet, il suffira d’imaginer une petite danse en pas de
crabe, un jardin aux sentiers qui bifurquent ou les principes
fondamentaux de la théorie des graphes ». Cette exposition
informe par métaphores sur la façon dont bétonsalon
construit sa relation aux territoires qui l’environnent. Ce
sont bien des territoires car ils se divisent en autant de surfaces
qu’il y a de publics potentiels. Dans la présentation de
leur projet, Bétonsalon souligne qu’une vitrine écran fait le
lien (symbolique) avec les bâtiments universitaires et les habitations
qui l’environnent. Sur cette vitrine sont projetés,
selon les expositions, les intervenants des vidéos, des propositions
de dialogue. Ce lien infra mince témoigne de la
volonté d’échanger avec son milieu sans autoritarisme, mais
4 Exposition qui se déroulait à Bétonsalon lors de la rédaction de cet article.

Vue du site (projet).
en fonction d’un chemin qui se trace au fur et à mesure des
expériences que le CAR met en chantier.
Chaque semaine sont proposés des ateliers, des conférences,
des rencontres. La particularité de cette dense programmation
est que chacune de ces activités est traversée par la
démarche et l’esthétique des artistes invités, qu’ils soient
danseurs, plasticiens, hommes de théâtre, scientifiques…
La forme des conférences est, en ce sens, non classique : ce
sont des conférences performées. Aux côtés des conférences
universitaires, le CAR agite les savoirs et les pratiques. Comment
les artistes restituent une parole, un savoir, une pratique ?
Pourquoi le jeu, le glissement, la fiction tiennent autant de
place dans cette forme de communication singulière ?
Le projet artistique qui, sans doute, cristallise cette démarche
est le cours proposé depuis janvier 2008, tous les jeudis à
20h, par l’artiste Jochen Dehn, « l’école pour devenir invisible
». Chaque cours propose une possibilité « de devenir
moins concret, plus diffus, de se dissoudre sans disparaître ».
Jochen Dehn intervient dans des lieux pour y effectuer des
démonstrations théoriques et pratiques au moyen de la parole,
d’objets ou de personnes… Il utilise ce qu’il trouve
sur place et que beaucoup ne voient pas ou alors amène des
accessoires sujets à subir diverses transformations. Il s’agit
de montrer ce que l’on ne voit pas, faire apparaître, sous nos
yeux, cette disparition. « Le scientifique, lorsqu’il observe
un phénomène à travers son microscope, constate la même
apparition, seulement il peut utiliser des outils très performants
et spécialisés alors que Jochen Dehn s’amuse à détourner
les usages des objets qui nous entourent 5 ». Prenons
des exemples de cours : « cours 4 : comment s’accrocher à
une surface de manière élégante / cours 5 : tracer des lignes
droites, avancer sans être vu dans la ville / cours 9 : tentative
de lévitation entre deux tables et cours de cuisine abstractoconcrète…
». Jochen Dehn invite également des amis ou
le public à enseigner avec lui. Ainsi, le 13 février 2008 par
exemple, il a invité, pour une conférence-danse, les compagnies
les Gelitin et les Moms. Cette soirée était dédiée
aux membranes et leurs transits. Il invite aussi une personne
extérieure issue d’une autre discipline, comme ici l’actrice
Tarita Teripaia. Certains des cours à venir seront construits
avec des étudiants en sciences de l’université Paris 7.
5 Mélanie Bouteloup, directrice de Bétonsalon, in édito du bs n° 3, Argument de
la diagonale, Journal de Bétonsalon, juin/août 2008.
D’autres liens art et université sont actuellement à l’étude
comme « initier une collaboration avec l’université par la
mise en place d’une résidence au sein d’un laboratoire scientifique,
basé sur un réel processus de travail en commun 6 ».
On espère que le CAR interrogera un modèle de résidence
qui puisse prendre en compte les spécificités de la recherche
universitaire et celle des arts ; on sait combien il est difficile
de faire cohabiter ces deux mondes sur le projet de la
recherche.
Centre d’Art et de Recherche
47-51 quai Panhard et Levassor
Esplanade des Grands Moulins
Rez-de-Chaussée de la Halle aux Farines 75013 Paris
www.betonsalon.net / info@betonsalon.net
6 Mélanie Bouteloup dans l’édito de bs n° 1, journal de Bétonsalon, novembre
2007/janvier 2008.
l'art et la manière / LNA#49
Vue de l’exposition « In the Stream of Life » au Bétonsalon
(17 novembre 2007 - 2 février 2008).
Façade de Bétonsalon, 13 ème arrondissement,
Paris, Rive gauche, 2007.
29

LNA#49 / questions de sciences sociales : rubrique dirigée par Bruno Duriez et Jacques Lemière
30
Mai 68 : histoire, mémoire, politique
« La question se pose à chaque commémoration : Mai 68 estil
en passe de devenir un objet d’histoire ? Il ne s’agit pas de
mettre en question l’honnêteté des travaux existants, mais
il faut considérer en premier lieu qu’ils n’abondent pas. Ils
sont, par ailleurs, confrontés dans leur rareté à deux écueils
massifs : d’une part, les médias et leur machine commémorative
; de l’autre, le mur d’interprétations et de commentaires
qui a été bâti devant les événements au cours des quarante
dernières années et qui leur sont devenus quasiment indissociables.
On en veut pour preuve l’obligation où se trouvent
les auteurs de se positionner comme si le face-à-face avec l’archive
était impossible. En somme, l’histoire doit faire avec la
mémoire », écrit Bénédicte Delorme-Montini 1 .
Ajoutons : « Et la mémoire avec la politique ». Car, en
l’espèce, la mémoire est toujours sous juridiction de la
politique. Celle de Mai 68 y est d’autant plus soumise que
l’hétérogénéité des figures subjectives qui sont à l’œuvre dans
l’événement est maximale, ce qui en démultiplie les lectures
possibles (et les lectures/écran) : subjectivité du grand mouvement
revendicatif (la grève générale) ; subjectivité de la
réforme, éventuellement radicale (la crise de l’Université, de
la société) ; subjectivité du changement des mœurs (les rapports
entre les sexes, la famille) ; subjectivité de l’invention de
pratiques et d’organisations politiques nouvelles 2 (le maoïsme
d’après Mai, qui ne se réduit pas à la Gauche Prolétarienne).
La définition/périodisation de « Mai 68 » est problématique,
et on adoptera plutôt la nomination « 68 », car on
peut contester la définition de « 68 » par le seul « Mai » : la
triade mouvement étudiant, grève générale syndicale, crise
du régime. On peut considérer que le noyau de la nouveauté
politique de 68 se situe en juin, plutôt qu’en mai, quand des
étudiants et des jeunes ouvriers se trouvent engagés ensemble,
dans certaines usines du pays, dans l’opposition à la reprise
du travail préconisée par la CGT après les négociations de
Grenelle. (« Les ouvriers prendront des mains fragiles des étudiants
le drapeau de la lutte contre le régime anti-populaire »,
énonçait, le 16 mai, la banderole de la manifestation qui se
rendit de la Sorbonne à Renault-Billancourt, pour y trouver
une usine bouclée par la CGT).
1 Regards extérieurs sur Mai 68, Le Débat, n° 149, éd. Gallimard, 2008.
2 Propos d’un quadragénaire dans Grands soirs et petits matins (W. Klein), filmés
dans une discussion, dans une rue du Quartier Latin au début de mai : « On n’a
plus que foutre des élections. On a besoin d’un mouvement révolutionnaire, que
ce ne soit plus comme les vieux partis où la vérité vient d’en haut. On n’a pas
besoin d’un parti électoraliste ».
Par Jacques LEMIèRE
Professeur agrégé de sciences sociales
Institut de sociologie et d’anthropologie, Université de Lille 1
Membre du CLERSE-CNRS
« Mai 68 » devient « Juin ». Et « 68 », ne se limitant plus à l’année
68, s’étend, en termes de mobilisations politiques inédites,
sur la décennie qui suit, devenant « les années 1968 » 3 .
Dans la mémoire courante qui s’est fixée de cette hétérogénéité
de 68, deux images, l’image émeutière des barricades
du Quartier Latin, et l’image syndicaliste de la grève générale
4 , dissimulent ce noyau événementiel, qui consiste en une
inédite ouverture des possibles ne trouvant son siège ni dans
la seule violence anti-policière, ni dans le seul mouvement
gréviste, puisque portée par l’idée d’un déplacement des
pratiques politiques et des modes de pensée de la politique.
Déplacement de la pensée et de la pratique qui induisent,
en province comme à Paris, d’authentiques déplacements
dans la conscience comme dans la vie des sujets, la jeunesse
intellectuelle pouvant quitter son site assigné (la vie sociale
de la petite bourgeoisie) et son destin assigné (devenir les
cadres dirigeants et culturels de la société), et la jeunesse
ouvrière, dans son site assigné (l’usine), quittant le cadre
institué de la protestation (celui des appareils et des chefs
syndicaux, sur l’unique question des salaires : les « Charlot,
des sous ! » et « Pompidou, tu navigues sur nos sous ! » des
défilés syndicaux des années 60). Rappelons ce plan du film
Oser lutter, oser vaincre, où un jeune ouvrier de l’usine de
Renault-Flins, en juin 1968, prépare, pour une manifestation
à Mantes-la-Jolie, deux pancartes sur lesquelles il a
écrit : « Le capital à l’humanité » et « La terre aux paysans » ;
passe un responsable syndical qui lui dit, sur la première,
« Cela ne veut rien dire » et, sur la seconde, « Ce ne sont pas
nos revendications ».
Cette autorité de la politique sur la mémoire, qui vaut pour
les acteurs, vaut aussi pour les circonstances entourant chacune
des opérations commémoratives : le 10 ème anniversaire
marqué par le reflux, déjà sensible, des mobilisations des
« années rouges » 1968-1978, et par l’échec de la gauche aux
élections de mars ; le 20 ème , en 1988, marqué par l’atmos-
3 Ce fut le paradigme adopté en avril 2004, au Méliès, par la 11 ème Journée
cinématographique de sociologie et d’ethnologie, Mai 68, déclinée en 3 séquences :
« Avant Mai : 1967. La Chinoise, de J-L. Godard » ; « Mai 68, c’est Juin 68. Reprise
du travail aux usines Wonder, film IDHEC, 1968, et Oser lutter, oser vaincre,
15 mai-18 juin 1968, film de J-P. Thorn, 1969 » ; et « Après Mai : 68 continue
après 68. Tout va bien, de Godard, 1972 ».
4 Il est significatif que les documents des collectifs engagés à Lille dans le 40 ème
anniversaire de 68 se partagent les images de ce couple : le collectif nordiste
« Autour de Mai 68 » choisit celle de la grève générale, et l’AMUL, à Lille 1,
« Mai 68, 40 ans après », celle de l’étudiant lanceur de pavés.

questions de sciences sociales : rubrique dirigée par Bruno Duriez et Jacques Lemière / LNA#49
phère désabusée du début du 2 nd septennat de Mitterrand ;
le 30 ème par le retour, sous l’effet des mouvements sociaux de
1995-1996 (cheminots, puis sans-papiers de Saint-Bernard),
de nouvelles figures et énergies militantes ; et ce 40 ème anniversaire
par une évidente volonté de réponse au « il faut
liquider Mai 68 » de Sarkozy.
À partir du milieu des années 70 s’était imposée une explication
du 68 français, non par la seule concordance des trois
phénomènes de Mai – le soulèvement étudiant, la grève générale
des travailleurs et la crise du régime –, mais par leur
rencontre avec une discordance entre deux termes : l’intensité
et la rapidité de la modernisation gaulliste de l’infrastructure
économique du pays, contredites par la fixité et
l’archaïsme du système de codification des valeurs et des
mœurs. Régis Debray concentra cette lecture dans la formule
« Trois ont fait un, parce qu’un faisait deux », dans Modeste
contribution aux discours et cérémonies officielles du dixième
anniversaire (1978), où il systématisait la thèse de « la bourgeoisie
[qui] se trouvait politiquement et idéologiquement
en retard sur la logique de son propre développement économique
» et des « contestataires de Mai » qui, se battant
contre cette bourgeoisie, l’aidèrent à combler ce retard :
c’est la thèse de l’ajustement, par un 68 « libéral-libertaire »
(expression apparue en 1978 précisément), de l’état des
mœurs aux besoins du capital.
On sait que certains des acteurs principaux de 68,
adoptant, après le passage de la « nouvelle philosophie »,
une position idéologique de reniement de leurs radicaux
engagements de jeunesse, et bénéficiant d’une position sociale
de notoriété éditoriale ou médiatique, ont contribué
à enraciner cette interprétation de 68 par sa dimension
culturelle et par l’effet de « génération », où les années
1968, celles de l’hédonisme et l’individualisme, deviennent
les « sixties ». Dans cette lecture culturaliste qui fonctionne
contre une définition politique, en profondeur, de
l’événement et qui fut dominante pendant presque une
trentaine d’années 5 , on verra la version dépolitisée de ce
qui est curieusement nommé l’ « héritage » de 68, cette
dépolitisation résultant aussi d’une parlementarisation de
ce qui a existé, en 68, comme posture de distance à la
question du pouvoir et à l’État 6 .
5 Michelle Zancarini-Fournel, qui a étudié le corpus de manuels scolaires en
usage de 1998 à 2004 (programmes de 1995 et de 2002), note que cette interprétation
est fortement relayée par l’enseignement secondaire, qui en assure la
postérité (Le moment 68. Une histoire contestée, éd. Le Seuil, 2008).
6 Les manifestations de 68 évitent toujours les lieux du pouvoir d’État, au grand
étonnement du préfet de police Grimaud (En mai, fais ce qu’il te plaît, 1977),
et le mouvement voit venir les élections législatives de juin comme un piège
(« Élections, piège à cons »).
Le 40 ème anniversaire s’est présenté, sarkozysme oblige, comme
un essai de repolitisation de l’ « héritage ». Sans surprise,
mais au risque d’arrangements avec l’histoire, et d’une
sérieuse édulcoration des conflits de l’époque entre PC-
CGT et extrême gauche, une volonté s’est signalée, sur le
versant de la gauche mouvementiste et de l’extrême gauche
militante, de ramener la lecture de 68 du côté de la grève
générale, des thèmes du « tous ensemble » et de la « convergence
des luttes », dans un curieux rêve de recommencement
puisque « Mai 68, ce n’est toujours qu’un début... »,
disaient les affiches et les flyers.
Sur l’autre versant, celui de certaines entreprises historiennes,
on fera l’hypothèse d’un glissement interprétatif en
cours, quant à une mémoire autorisée de l’ « héritage » de
68, par le passage de la thèse de l’héritage dépolitisé à celle de
l’héritage impossible, selon l’expression du sociologue Jean-
Pierre Le Goff 7 . « Mai 68 est un événement devenu opaque
: il est tout autant réactif que modernisateur », écrit-il
dans la suite de son livre publié en 1998 8 . 68 devient alors
« un moment de catharsis d’une société considérablement
bouleversée par une modernisation qui semble avoir bien
rompu le fil qui la reliait encore à la tradition ». Cette « révolte
du peuple adolescent » serait l’événement paradoxal
qui, « s’offrant le luxe, l’espace de quelques semaines, d’une
fuite dans l’imaginaire harmonisant tous les possibles », refuse
le passage à une modernité qui implique « l’État de
droit, le suffrage universel et les médiations institutionnelles »
au lieu du « retour aux formes du pouvoir révolutionnaire
de type fusionnel ».
Cette thèse de l’héritage impossible, qui fait de 68 un événement
politique réactif, plutôt qu’un ajustement culturel
moderne, semble prendre acte d’une conjoncture où, dans le
nouveau paysage militant de l’après 1995, s’est rouvert un
intérêt pour ce qui constituait le noyau politique de l’événement
68. Elle marque ainsi, chez les avocats de la « réconciliation
de la France avec son histoire et avec la modernité »,
l’impossibilité de continuer à tenir, sur 68, la thèse d’un
héritage dépolitisé.
7 Mai 68. L’héritage impossible, éd. La Découverte, 1998.
8 « Mai 68 : la France entre deux mondes », Le Débat, n° 149.
Juillet 2008 9
9 Ce texte contient une part des thèmes développés dans une conférence le 15 mai
2008 à l’Espace Culture, à l’invitation de l’Association des Amis de Lille 1 (AMUL).
31

LNA#49 / libres propos
32
Nanotechnologies
Plus qu’une discipline, les nanotechnologies sont une manière
de représenter une partie de la recherche fondamentale
et appliquée avec, comme point focal, l’unité de longueur
qu’est le nanomètre. À cette échelle, physique, chimie et biologie
convergent et s’enrichissent mutuellement par la mise
en commun de problématiques, de méthodes expérimentales
et de concepts. Le prisme « nano » présente un intérêt
certain, en permettant de brasser les idées, en suscitant
des programmes de recherche pluridisciplinaires ou en mettant
en perspective recherche et application. Ces caractéristiques
font que la plupart des états financent désormais des
programmes de recherche en nanotechnologie 1 .
De même, le mot « nanotechnologies » a le pouvoir de mettre
en perspective progrès et craintes associées. On pourrait
même dire que cela se fait de manière exacerbée, à cause du
caractère invisible des objets concernés, mais aussi des promesses
inouïes souvent associées à ces technologies.
Ce sont ces deux facettes du sujet qu’il convient désormais
de prendre en compte.
Les nanotechnologies, pour quoi faire ?
Cet engouement pour l’échelle « nano » a été à l’origine d’un
renouveau des sciences dures et on ne peut que constater
la forte croissance des publications sur le sujet et des financements
accordés à ce type de recherche. Ce secteur n’est
toutefois pas aussi monolithique qu’on voudrait le croire :
- Un certain nombre de disciplines de recherche ou d’activités
industrielles flirtent avec l’échelle nanométrique
« depuis toujours ». Il s’agit de la chimie, des matériaux,
de la biologie, de l’énergie, etc. En termes d’applications,
on cherche à utiliser la compréhension de l’échelle
« nano » pour améliorer des produits ou des procédés.
Il serait exagéré de parler de révolution dans tous les
secteurs, mais les enjeux peuvent être d’importance :
conversion d’énergie (cellules photovoltaïques, batteries,
éclairage), nano-médecine.
- Certaines branches de l’industrie ont une feuille de
route les conduisant à une miniaturisation toujours plus
poussée, comme la microélectronique, qui produit des
composants toujours plus petits (65 nm en 2007), la
production de mémoires de masse tels les disques ma-
1 Dans ce texte, on ne distinguera pas les mots « nanotechnologies » et
« nanoscience ».
Par Louis LAURENt
Chef du département « Sciences et Technologies de
l’information » à l’Agence Nationale pour la Recherche
gnétiques ou optiques et la mécanique, la fluidique qui
emboîtent le pas. Elles sont accompagnées par d’autres
recherches qui ont pour but l’étude de petits objets,
notamment pour comprendre, voire tirer parti des phénomènes
qui émergent à l’échelle nanométrique.
- En toute rigueur, on pourrait envisager une troisième
approche qui émergerait si on parvenait un jour à réaliser
des objets en trois dimensions, structurés avec précision
à l’échelle nanométrique. Cela donnerait le jour
à une industrie entièrement nouvelle. On évoque souvent
le modèle du vivant. Celui-ci exhibe en effet une
immense variété de « dispositifs » structurés à l’échelle
nanométrique, parfois très complexes, qui tirent parti
des lois de la physique à cette échelle (forces d’interactions,
agitation thermique) de manière bien plus efficace
que les objets fabriqués par l’homme et ceci sans doute
pour longtemps.
La plus-value du concept « nano » est de faire partager à
toutes ces activités des concepts, des méthodes de mesure,
des procédés, voire de permettre le croisement de leurs
résultats. Les promoteurs des « nanotechnologies » mettent
en avant des retombées positives variées en termes de compétitivité
économique ou, plus récemment, de réponse à des
développements durables, au secteur de la santé.
Quelles questions se posent ?
Le mot « nanotechnologies » a ceci de remarquable qu’il
permet d’évoquer la plupart des questionnements traditionnels,
liés à l’essor de la science, déclinés sous l’aspect
« nano ».
> La question du risque pour le travailleur, pour le consommateur
ou le citoyen. Dans le cas des nanotechnologies, la
question qui domine est celle de la toxicité de nano particules
et plus généralement de leur devenir dans l’environnement.
D’un côté, nous sommes déjà entourés de telles nano
particules, par exemple celles produites par toute combustion
(de 10 à 20 millions par litre d’air en ville), ou d’autres
artificielles comme le noir de carbone, le dioxyde de titane.
D’un autre côté, rien n’exclut que des particules ou des fibres
issues d’un nouveau matériau se révèlent toxiques, comme
cela était arrivé pour l’amiante. Les premiers travaux sur le
sujet datent des années 1990 (le sujet d’étude était alors la

pollution de l’air) et, dans les années 2000, les recherches
sur la toxicité de nano particules artificielles se sont développées.
On observe effectivement des effets sur le vivant
induit par des nano particules, mais les connaissances dans
ce domaine sont encore trop lacunaires, par exemple pour
que l’on associe à chaque type de particules des valeurs limites
en termes d’exposition, comme on sait le faire pour des
substances chimiques. Cette situation est peu satisfaisante à
cause du décalage entre la mise sur le marché de nouveaux
matériaux contenant des nano particules (parfois de type
nouveau) et la future stabilisation des connaissances sur les
risques associés.
> L’évolution de la société entraînée par des produits issus
de nouvelles techniques, qu’il s’agisse de nouveaux usages
ou d’un mouvement plus général comme cela s’est produit
maintes fois dans le passé (impact de l’invention de l’électricité,
de l’automobile…). La question n’est pas tant l’existence
d’une évolution (après tout, c’est ce qu’on demande
au progrès) que de la non maîtrise de celle-ci. En ce qui
concerne les nanotechnologies, la question est indirecte
parce qu’elles ne sont pas associées à un produit identifié.
On les évoque surtout au sujet des technologies de l’information
et de la communication. Les objets incriminés (implants,
objets communicants) ne sont pas nécessairement si
petits que cela, mais les nanotechnologies sont pointées du
doigt comme moyen d’en multiplier les possibilités.
- Un des sujets qui fait actuellement débat est l’évolution
de la notion de vie privée. La multiplication des services
et loisirs faisant appel au numérique et, à terme, le déploiement
d’objets communicants ne peut qu’amplifier
cette question. D’un côté, l’individu perçoit la plus-value
apportée par de tels services, de l’autre, il peut redouter
de voir sa vie privée disparaître.
- Un autre sujet, et une source d’angoisse, est la possibilité
d’une dérive de la société telle que l’implantation
de puces dans le corps deviendrait chose courante, à
des fins médicales mais aussi à des fins d’identification,
voire de contrôle.
> Les questions d’éthique. Ces questionnements apparaissent
inévitablement lorsqu’une nouvelle technique agit
sur le vivant ou sur l’environnement. En ce qui concerne
les nanotechnologies, on s’interroge par exemple sur les
conséquences de nouvelles méthodes de mesure (prédisposition
à des maladies) ou, pour le plus long terme, sur la
question de l’amélioration de l’être humain.
> La possibilité qu’une recherche déclenche un phénomène
irréversible qui aurait des conséquences sur la population
ou l’environnement. Le risque (jugé après coup très
irréaliste) que les nanotechnologies permettent un jour
de fabriquer une population de nanorobots hors contrôle
avait été popularisé dans les années 80 par Eric Drexler.
Quelques commentaires
libres propos / LNA#49
Les nanotechnologies sont une construction fructueuse
pour expliciter une partie des programmes de recherche et
évoquer des applications. C’est devenu aussi un lieu de discussion
au sujet de l’impact du progrès, de la question du
chercheur face à ses responsabilités. En guise de conclusion,
on peut évoquer deux enjeux :
- Mener des recherches en prenant en compte les possibles
aspects négatifs de futures applications. Cette démarche
s’impose de plus en plus. Tout d’abord, c’est une
demande du citoyen ou du consommateur. C’est aussi
devenu un enjeu de compétitivité : celui qui innovera
dans des produits utiles, reconnus comme sans danger,
respectueux de l’environnement ou de l’individu, a toutes
ses chances de devenir le plus compétitif. Cette question
concerne l’équilibre entre les applications visées [étude
de risque, produit avec des effets explicitement positifs
(par exemple bio dégradables)], mais aussi la prise en
compte du développement de connaissances génériques
qui permettent de prendre du recul.
- L’anticipation, même si c’est un exercice difficile. De
nombreux films ou romans mettent en scène une découverte
qui a un effet immédiat et radical. La réalité est
souvent tout autre. L’impact d’un résultat de recherche,
ou d’ailleurs de son absence, est souvent difficile à prévoir.
En effet, le lien entre la recherche fondamentale et
les objets technologiques auxquels elle donnera naissance
est souvent indirect et il en est de même du lien entre
ces objets et leurs usages. Par exemple, comment auraiton
pu faire le lien entre les recherches en physique du
début du XX ème siècle, l’invention du transistor dans les
années 1950, puis l’essor de l’informatique avec l’impact
que l’on connaît ?
33

LNA#49 / libres propos
34
Qu’est-ce, au juste, qu’un philosophe ?
Hommage à Jean-François Lyotard
Les philosophes n’ont jamais eu de destinataires institués,
affirmait Jean-François Lyotard dans Le Différend
(1983) qu’il voyait comme « son » livre de philosophie.
Pourtant, le chemin de pensée de Jean-François Lyotard
(1924-1998) a traversé bien des périodes avant et après cet
ouvrage. L’hommage que nous voulons lui rendre, dix ans
après sa disparition, doit tenir compte autant de la vigueur
exceptionnelle de ce livre que de la riche palette esthétique,
éthique, politique de l’œuvre dans son entier. Lyotard nous
a appris à toujours prendre en compte simultanément le
destinateur, le destinataire, le sens et la référence. Le sens,
ou la signification, d’un énoncé philosophique est donc
adressé à un destinataire non institutionnel, ce qui peut,
au moins partiellement, vouloir dire que tout lecteur de cet
énoncé est son destinataire, quand bien même celui-ci serait
étranger à l’institution « philosophes » ou université, ou
même « lectorat d’ouvrages de philosophie ». Le destinataire
pourrait donc être chacun d’entre nous, sans préciser
les appartenances de ce « nous ». Mais inviter à lire ou relire
aujourd’hui Lyotard, c’est proposer à chacun la découverte
d’un itinéraire singulier, impossible à réduire à un système,
mais au long duquel ont été abordées des questions essentielles
à l’humanité de la deuxième moitié du siècle dernier.
Après avoir livré quelques repères bio-bibliographiques, on
s’attachera à répondre à la question « qu’est-ce qu’un philosophe
? » dans son rapport à l’institution du Juste.
Son premier livre publié est un exposé original de la Phénoménologie,
paru sous ce titre dans la collection « Que saisje
? » 1 . Il enseigne alors en Algérie et rejoint bientôt, tout au
long de la guerre qui commence, la revue et le groupe Socialisme
ou Barbarie. C’est une période militante dont il ressort
indemne, quoique désorienté, jusqu’à sa thèse (Discours, figure)
et sa nomination (1971) à l’université de Vincennes.
S’ouvre alors, dans l’effervescence des années 70, la période
« libidinale » (Économie libidinale, Dérive à partir de Marx et
Freud, Des dispositifs pulsionnels, Instructions païennes) où il
se confondrait, faute d’attention, avec les productions désirantes
d’alors. Mais son nom propre est associé, au tournant
des années 80, à l’adjectif « postmoderne » qu’il invente et
qui aura un succès qu’il n’escomptait pas et qui lui échappe,
au point d’éclipser, quelques années après, la parution du
Différend. Ce que Lyotard pointe, c’est la disparition par
épuisement des « grands récits » dans lesquels chaque génération
de la modernité inscrivait le sens qu’elle prêtait à
1 Éd. PUF, 1954.
Par Jean-François REY
Professeur de philosophie à l’IUFM de Lille
l’histoire collective et singulière : Révolution, messianisme,
progrès, mais aussi communisme, libéralisme. Bientôt, tout
fut appréhendé sous ce jour, comme s’il s’agissait de la dernière
« nouvelle vague » de la modernité qu’alimenteraient
encore des libelles rapides sur la « fin de l’histoire » ou « le
choc des civilisations ». Avec Au juste, dialogue serré avec
Jean-Loup Thébaud 2 , se dessine la problématique qui va
occuper désormais entièrement Lyotard : la justice, le jugement,
le juste délié d’avec le vrai, discours éclaté en jeux de
langage (concept emprunté à Wittgenstein). C’est dans ces
travaux qu’il avoue sa dette envers Levinas et qu’il amplifie
la critique kantienne du jugement, mais aussi de l’imagination
et de la sensation. Citons : Logique de Levinas in
Collectif, Textes pour Emmanuel Levinas 3 , L’enthousiasme,
la critique kantienne de l’histoire 4 , Leçons sur l’analytique
du sublime 5 . Il publie également, en 1996, un Signé
Malraux qui vibre de connivence et nous laisse, l’année de
sa mort, une Confession d’Augustin (inachevée) 6 . Ce trop
rapide et trop linéaire rappel masque la cohérence profonde,
les réaménagements successifs de la pensée, les audaces et
les énigmes.
L’un des portraits associés explicitement à Lyotard a été
celui de « sophiste », ce qui ne doit pas être pris, malgré leur
mauvaise réputation, pour un affront. Avec les sophistes,
Lyotard partage un immense intérêt pour le langage, et tout
autant une passion pour le « maintenant » et l’événement.
Comme eux, il court le risque d’être renvoyé au-dehors de
la philosophie. Car, c’est à la fois du dehors et du dedans de
la philosophie que travaille Lyotard. À celle-ci, il reproche
son « logocentrisme » et dénonce la supériorité du concept
sur l’intuition ou la sensation. Mais il élargit le cercle des
philosophes.
« Philosophique, c’est-à-dire n’importe qui à condition qu’il
accepte de ne pas venir à bout du ‘langage’ et de ne pas
‘gagner du temps’ » 7 . Mais on voit aussitôt que Lyotard,
comme tout philosophe, est attaché au temps de la réflexion.
2 Éd. Christian Bourgois, 1979.
3 Éd. JM Place, 1980.
4 Éd. Galilée, 1986.
5 Éd. Galilée, 1991.
6 Éd. Galilée, 1998.
7 Le Différend, p. 13.

« Il n’y aura plus de livres, le siècle prochain. C’est trop long
de lire, quand le succès est de gagner du temps » 8 . Du sophiste,
il aurait donc la maîtrise des jeux de langage, le parti
pris du sensible et l’accueil de l’événement. Ses adversaires
ou ses interlocuteurs incontournables dans l’histoire de la
philosophie seraient donc Platon ou Hegel. Philosopher,
c’est toujours se situer par rapport à ces deux-là. Sophiste, le
philosophe peut être aussi avocat, voire procureur, dès lors
qu’il a affaire au juste.
La position classique du problème du juste est celle d’Aristote
9 qui place le juste au sommet de l’ordre pratique, distinct
de l’ordre théorique (la connaissance). Position reprise
dans les mêmes termes par John Rawls 10 : « La justice est la
première vertu des institutions sociales comme la vérité l’est
des théories. » Autrement dit, le juste commande l’action,
le vrai commande la connaissance. Les difficultés apparaissent
lorsqu’on hypostasie le Juste et le Vrai, à côté du Beau
et du Bien, en universaux. Dans ce cas, celui où nous devons
nous expliquer avec Platon, le juste est juste parce qu’il
est vrai : « Platon pense que, si on a une vue ‘juste’ (c’està-dire
vraie) de l’être, à ce moment-là on peut retranscrire
cette vue dans l’organisation sociale, avec des intermédiaires
certes (la psyché par exemple), mais, néanmoins, le modèle
reste la distribution même de l’être, il faut que la société
répète pour elle-même cette distribution qui sera aussi bien
distribution de capacités, de responsabilités, des valeurs, des
biens, des femmes et ainsi de suite » 11 . Le juste ne peut être
dérivé du vrai. Le devoir-être ne dépend pas de l’être, la
justice n’est pas la transcription ou la sanction d’une ontologie.
L’accord avec Levinas est ici profond, explicite et
revendiqué. En termes techniques, le descriptif ne fonde pas
le prescriptif. Contre Platon, Lyotard établit l’hétérogénéité
de ces deux ordres et dénonce le rabattement du second sur
le premier. Mieux même, face au discours apophantique
(ou propositionnel), Lyotard, comme Levinas, réhabilite la
demande et la prière. Non pas celle que je serais tenté de
faire pour qu’ « on » me rende justice, mais celle que je
suis requis d’écouter dans la rencontre d’autrui réclamant
justice. Leçon adressée à la philosophie politique : « toute
politique implique la prescription de faire autre chose que
8 Ibid.
9 Éthique à Nicomaque, livre V.
10 Théorie de la justice.
11 Au juste, p. 47.
ce qui est » 12 . Adresse aussi à tous les philosophes, de Platon
à Marx et ses disciples : on ne dérive pas le juste du vrai,
la bonne société à venir de l’analyse « scientifique » de la
société actuelle. Non pas qu’elle soit inutile mais, entre le
régime du vrai et le régime du juste, il y a hétérogénéité.
Le danger totalitaire est dans la fusion des hétérogènes. Il
n’y a pas une instance (Dieu, le Parti) qui me commande
au nom de l’être. Tout ordre est à la deuxième personne : le
récepteur, le destinataire, c’est moi. Du côté de la référence, le
discours théorique (« voilà comment les choses se passent, je
vais vous expliquer le mécanisme d’extraction de la plus-value
») reste entièrement dans le descriptif. Un discours centré
sur la référence, et non sur le destinataire, finit toujours dans
l’abstraction anonyme ou la terreur. Le projet de Lyotard
était donc de penser la justice débarrassée du poids de l’être
et de la vérité : « Il me semble que dans la justice, pour autant
que la justice renvoie à du prescriptif, et elle y renvoie nécessairement,
il y a un usage du langage qui est foncièrement
différent de celui qui est son usage théorique » 13 .
Le Différend se présente comme la mise à l’épreuve réciproque
des jeux de langage et du prescriptif. En avançant
le concept de phrase et d’enchaînement de phrases, Lyotard
franchit un pas décisif. Il réaffirme l’hétérogénéité des régimes
de phrase, de leurs règles d’usage : dans l’enseignement,
l’exercice de la justice, la pratique artistique, la relation
amoureuse, etc. Rien ne peut ramener ces jeux à l’unité d’un
langage. Ce qui arrive, c’est la phrase. Ce qui me manque,
c’est la réponse à la question : comment enchaîner sur cette
phrase ? « Le différend est l’état instable et l’instant du langage
où quelque chose doit pouvoir être mis en phrases, ne
peut pas l’être encore. Cet état comporte le silence qui est
une phrase négative, mais il en appelle aussi à des phrases
possibles en principe » 14 . Silence, celui des rescapés. Phrase
à venir, jusqu’ici bloquée : « comment enchaîner après Auschwitz
? ». « Le silence ne signale pas quelle est l’instance
niée, il signale qu’une ou des instances sont niées, et l’on
peut entendre : 1) que la situation en question (le cas) n’est
pas l’affaire du destinataire (il n’a pas la compétence, ou il
ne mérite pas qu’on lui en parle) ou 2) qu’elle n’a pas eu lieu
(c’est ce qu’entend Faurisson) ou 3) qu’il n’y a rien à en dire
(elle est insensée, inexprimable) ou 4) que ce n’est pas l’af-
12 Ibid., p. 48.
13 Ibid., p. 49.
14 Ibid.
libres propos / LNA#49
35

LNA#49 / libres propos
36
faire des survivants d’en parler (ils n’en sont pas dignes) ou
plusieurs de ces négations ensemble » 15 . Le Différend est le
premier argumentaire puissant contre le négationnisme.
« J’aimerais appeler différend le cas où le plaignant est dépouillé
des moyens d’argumenter et devient de ce fait une
victime. Si le destinateur, le destinataire et le sens du témoignage
sont neutralisés, tout est comme s’il n’y avait jamais
eu de dommage. Un cas de différend entre deux parties a
lieu quand le « règlement » du conflit qui les oppose se fait
dans l’idiome de l’une d’elles alors que le tort dont l’autre
souffre ne se signifie pas dans cet idiome » 16 . Ici le cas,
c’est le travailleur. Dans le jeu de langage le plus simple, le
travailleur est dans un rapport tel avec son employeur qu’il
cède sa force de travail et son temps en échange d’un salaire.
Mais il n’y a pas équivalence entre le prix de la force de travail
et le salaire, ni non plus entre le temps réel de l’ouvrier
dans l’atelier et le temps du calcul économique, ni entre
le travail salarié et le travail « vivant ». Le problème, c’est
qu’aucune instance de justice ne peut entendre ce tort. La
souffrance non évaluable, le silence du sentiment restent à
la porte du tribunal. Comment ne pas entendre ici l’inévaluable
de nos évaluations professionnelles ? Marx, en 1843,
parlait de « tort tout court » (et non particulier) fait aux travailleurs.
Lyotard en 1983 : « c’est ainsi que le marxisme n’a
pas fini comme sentiment du différend » 17 . Lyotard, avec
le Différend, renoue avec la pensée critique, au sens kantien
de ce terme, sans allégeance nouvelle, sans se donner l’illusion
d’un secours. Ce qu’il doit à Kant se tient, comme
pour Hannah Arendt, mais pour un usage différent, dans
la Critique de la faculté de juger. Plus explicitement, dans
la distinction opérée par Kant entre jugement déterminant
et jugement réfléchissant. La question du juste devient la
question du jugement.
À gros traits : Kant appelle « déterminant » un jugement qui
subsume le particulier sous l’universel. L’universel, c’est la
règle, le principe, la loi qui permet de penser le particulier.
Les lois scientifiques sont de l’ordre du déterminant. Mais si
seul le particulier est donné, comme dans le cas de la découverte
d’une nouvelle espèce végétale, c’est à notre faculté de
juger de trouver l’universel. Commentaire de Lyotard : « Et
15 Ibid., p. 31.
16 Ibid., p. 24.
17 Ibid., p. 236.
alors ou bien il faut admettre une recherche régressive à l’infini
des critères de critères, qui interdit de facto le jugement
ou bien il faut s’en remettre à ce ‘don de la nature’ qu’est le
jugement, qui nous permet de dire : ici c’est le cas » (L’enthousiasme.
La critique kantienne de l’histoire 18 ).
Le jugement, c’est l’acte de l’esprit qui doit penser un « cas »
imprévisible, contingent, inédit ou inouï, une phrase sans
règle, sans genre sous lequel la ranger. Ce type de jugement
fait défaut lorsque, armés de la toute vraie et donc toutepuissante
théorie, les acteurs de l’histoire (ici, par exemple,
les marxistes-léninistes de Mai 68) ne reconnaissent pas
l’événement. Pour la « Théorie », les étudiants de 68 ne pouvaient
que détourner l’attention des « vraies luttes », à savoir
des luttes prolétariennes, selon le vocabulaire de cette époque.
Et qu’on ne dise pas que c’était une « erreur », car nous
serions encore dans le paradigme déterminant de la science
politique, en l’occurrence marxiste. Le défaut de jugement
par gros temps, lorsque s’agitent et s’accumulent les menaces,
est tout simplement une tragédie ou un crime. Hannah
Arendt : « Ils devaient juger par eux-mêmes chaque cas à
mesure qu’il se présentait, car il n’y avait pas de règles pour
ce qui est sans précédent » (Eichmann à Jérusalem). Cet accueil
de la phrase, du « arrive-t-il ? », dit Lyotard, du cas qui
se présente sans son universel, renvoie à une fondamentale
« passibilité », à rapprocher de la « passivité plus passive que
toute passivité » de Levinas, ou du « transpassible » d’Henri
Maldiney : être en mesure d’être affecté, c’est-à-dire surpris
et révélé à soi-même comme passible d’un « il m’arrive ».
Antidogmatique, rétive à toute unification, la pensée de Jean-
François Lyotard n’a négligé aucun domaine de la culture.
Il convient de conclure, comme le Différend en 1983, par une
non-conclusion, car c’est « notre cas » aujourd’hui : « Quelle
assurance y a-t-il que les humains deviendront plus cultivés
qu’ils ne sont ? Si la culture (de l’esprit, du moins) exige un
travail et donc prend du temps, et si le genre économique
impose son enjeu, gagner du temps, à la plupart des régimes
de phrases et des genres de discours, la culture consommatrice
de temps, devrait être éliminée » 19 .
Si tel devait être le cas, philosopher serait résister.
18 Éd. Galilée, 1986, p. 19.
19 Le Différend, p. 259.

Mardi 7 octobre 2008
18h : présentation de la saison et des ateliers de pratiques
artistiques
19h : danse
20h : concert
La soirée sera clôturée par un cocktail.
Scander les mouvements et les rythmes d’une saison, accorder la diversité
des interventions intellectuelles avec les tonalités artistiques plurielles relève
d’une partition complexe, une composition orchestrale où fusionnent harmonieusement
les sons, les paroles et la multiplicité des exécutants.
Le solo original La peau et les os de Lydia Fromont, nourri d’un bel esprit
d’ouverture, symbolisera, entre l’énergie du hip-hop, la danse afro et la
danse sarde, l’émotion et la force de vie.
Puis, l’intervention de l’Orchestre Universitaire de Lille 1 sera le symbole
de cette nouvelle saison, de cette ouverture à l’ensemble des manifestations.
Suivra ensuite l’émergence tellurique de l’exposition géologique Universi’terre
et les incantations des poèmes sonores, et leurs magiques volutes.
L’Europe, en ses ruptures diachroniques, conjuguera le Masarat de Bruxelles
à tous les accents de la Palestine.
Enfin, les pas du Butô s’accorderont aux temps de la valse des livres pour
faire retentir les somptueuses harmonies de l’automne universitaire lillois.
Ateliers, stages, workshops
Inscriptions dès le 7 octobre
JAZZ WORKSHOP
Direction artistique : Olivier Benoit
L’orchestre du workshop, dirigé par
Olivier Benoit * , recherche des musiciens
d’un niveau confirmé ou très
motivés, venus d’horizons divers
(classique, rock, jazz) pour sa création
2008-2009.
Vous apportez au groupe vos propres
connaissances, le bagage jazz n’est absolument
pas une obligation. Impro-
au programme / ouverture de saison & ateliers / LNA#49
visation, rythme, écriture, travail en
groupe, élaboration d’un répertoire,
interprétation des morceaux écrits par
les étudiants et par Olivier Benoit,
sessions d’enregistrement, vous explorerez
toutes les facettes de la création.
Le lundi de 17h à 21h
Reprise le lundi 20 octobre
* Pour plus d’informations : obenoitmusic@gmail.com
http://obenoitmusic.free.fr
ATELIER DE PHOTOGRAPHIE
Direction artistique : Antoine
Petitprez et Philippe Timmerman
La photographie peut-elle être considérée
comme l’autoportrait de son
auteur ?
Pour le photographe américain Robert
Adams, l’image photographique nous
en dit autant sur la personne qui tient
l’appareil que sur ce qui est devant
l’objectif.
Selon Serge Tisseron : « […] tout
photographe est préoccupé par sa
présence dans ses images 1 ». En effet,
la photographie cristallise l’ensemble
des décisions qui ont poussé l’auteur
à capturer une image à un moment
précis.
Ainsi, qu’elle soit réelle ou non, la présence
de l’auteur participe de près ou
de loin à l’image photographique.
Dans le cadre de cet atelier, il est
proposé aux participants de s’initier
à la photographie (argentique et/ou
numérique). Au-delà de l’aspect purement
technique, par le choix des
images réalisées, chacun s’engagera à
formuler un propos artistique autour
de sa propre présence dans ses images.
L’atelier est ouvert à tous, débutants
ou non.
Le mercredi de 18h à 21h
Reprise le mercredi 5 novembre
ATELIER THÉÂTRE
Direction artistique : Jean-Maximilien
Sobocinski
L’atelier sera l’occasion d’expérimenter
des situations, de proposer, de découvrir
pour certains.
1 Tisseron S., Le mystère de la chambre claire -
photographie et inconscient, Les Belles Lettres,
Archimbaud, 1996, p. 49.
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LNA#49 / au programme / ouverture de saison & ateliers
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De faire du théâtre pour avancer et
comprendre.
Ébaucher un montage de textes pas
forcément faits pour le théâtre.
Des textes, des témoignages, des improvisations
pour construire ensemble.
L’atelier à vivre comme une avancée
vers l’autre, les autres, pour les autres.
Pour se souvenir de l’histoire et du récit.
Pour faire du théâtre sans oublier que
le théâtre est un jeu…
Le lundi de 19h à 21h30
Reprise le lundi 3 novembre
ÉCRITURE
Direction artistique : François Fairon
Le déroulement d’une séance d’atelier
d’écriture comprend quelques invariants,
dont une consigne d’écriture,
un temps d’écriture, une lecture et
les commentaires des participants et
de l’animateur. La consigne d’écriture
est variable et multiple. Elle
puise, pour une large part, dans les
textes d’auteurs et les joueurs d’écriture,
où l’un et l’autre, chacun à sa
manière, provoque et stimule l’écriture.
L’atelier d’écriture s’appuie
sur une dynamique individuelle et
collective.
Progressivement, au fil des séances,
sous l’effet de l’écriture et des échanges
provoqués lors des lectures, un groupe
se forme. Les sensibilités et les caractères
des participants s’exposent. Une
complicité naît. L’atelier d’écriture
poursuit tout autant une finalité : celle
de sortir de son cadre en s’exposant
et en se publiant.
Pour cette seconde édition – après
avoir travaillé sur le thème de la fron-
tière – aucune thématique particulière
n’est avancée. Le choix des sujets et
des modes d’écriture se dévoilera au
long des séances, tout en cherchant à
profiter et à s’inspirer de la programmation
de l’Espace Culture.
Le mercredi de 18h à 20h30
Reprise le mercredi 5 novembre
__________
INSCRIPTIONS
Dans la limite des places disponibles,
l’inscription de participants extérieurs
à l’Université de Lille 1 sera envisagée.
TARIFS
Étudiants et personnels Lille 1
1 atelier : 30 euros / 2 ateliers :
50 euros / 3 ateliers : 70 euros
Extérieurs
1 atelier : 50 euros / 2 ateliers :
80 euros / 3 ateliers : 100 euros
Paiement uniquement par chèque
à l’ordre de l’Agent Comptable de
l’Université de Lille 1.
DANSE CONTEMPORAINE
Les membres du collectif danse w2YD,
en résidence à l’Espace Culture depuis
novembre 2006, proposent, pour l’année
2008-2009, des rendez-vous d’ateliers
chorégraphiques.
http://w2yd.free.fr
Atelier États de corps : mené par
Alice Lefranc (+ w2YD)
À la croisée de ses différentes pratiques,
Alice Lefranc proposera à chacun de
développer une mise en condition propice
à la recherche chorégraphique.
Chacun se familiarisera avec son propre
schéma corporel, les sensations de
poids du corps et le contact.
Aujourd’hui chorégraphe, Alice Lefranc
a été interprète dans plusieurs
projets (Vivat d’Armentières, Danse à
Lille, Espace Culture Lille 1…). Au
cours de nombreux stages, elle a abordé
différentes techniques (Feldenkrais,
Alexander, Yoga) en parallèle d’une
pratique avancée de l’Aïkido. Elle
développe son langage chorégraphique
à partir de ces différentes approches du
mouvement.
http://onlineblog.fr/alicelefranc.php
Atelier gratuit et ouvert à tous
(débutants - confirmés), une à deux
fois par mois les samedis de 15h à
17h. Inscriptions et renseignements
au 03 20 43 69 09.

Hans Vredeman de Vries, planche de la Perspectiva, édition de
Leyde, 1604 (éd. orig. : Anvers, 1560). Collection privée
RENDEZ-VOUS D’ARCHIMÈDE
u L’espace : des axiomes réels
Mardi 21 octobre à 18h30
Par François Wahl, Philosophe, ancien
directeur littéraire aux éditions du
Seuil. Animée par Nabil El-Haggar,
Vice-président de l’Université de Lille 1,
chargé de la Culture, de la Communication
et du Patrimoine Scientifique.
u La genèse de l’espace chez l’enfant
Mardi 18 novembre à 18h30
Par Gérard Vergnaud, Directeur de
recherche émérite au CNRS. Animée
par Jean-François Rey, Professeur de
philosophie à l’IUFM de Lille.
u De la perspective à la construction
de l’espace
Mardi 9 décembre à 18h30
Par Jean-Pierre Le Goff, Professeur de
mathématiques et historien des sciences
à l’IUFM et l’IREM de l’Université de
Caen (Basse-Normandie). Animée par
Bernard Pourprix, Professeur émérite
de physique et d’histoire des sciences à
l’Université de Lille 1.
u Une histoire du ciel de Copernic
à… demain
Jeudi 8 janvier à 18h30
Par Jean-Pierre Luminet, Directeur
de recherches au CNRS, Laboratoire
Univers et Théories
(LUTH), Observatoire de
Paris-Meudon.
Animée par Bernard Maitte,
Professeur d’histoire et d’épistémologie
des sciences à l’Université de Lille 1.
Octobre 2008 – mai 2009
Cycle L’espace
u La refonte du concept d’espace cosmique
à la Renaissance et l’effondrement
de la cosmologie traditionnelle
Mardi 13 janvier à 18h30
Par Jean Seidengart, Professeur de
philosophie et d’histoire des sciences
à l’Université de Paris X-Nanterre.
Animée par Robert Gergondey,
Mathématicien.
u Espace, territoire et ville
Mardi 3 février à 18h30
Par Alain Cambier, Docteur en philosophie,
professeur en classes préparatoires,
Lycée Faidherbe, Lille. Animée
par Nabil El-Haggar.
u L’homme à la recherche de nouveaux
mondes
Jeudi 12 février à 18h30
Par Sylvie Vauclair, Astrophysicienne,
professeur à l’Université de
Toulouse, membre de l’Institut
universitaire de France.
Animée par Georges Wlodarczak,
Professeur de physique
à l’Université de Lille 1.
u Espace et rationalité
Mardi 10 mars à 18h30
Par Michel Fichant, Professeur en
histoire de la philosophie, directeur
de l’UFR de philosophie de l’Université
de Paris IV.
Animée par Robert Locqueneux,
Professeur émérite à l’Université de
Lille 1 et historien de la physique.
u La planète Mars
Jeudi 12 mars à 18h30
Par Francis Rocard, Astrophysicien,
responsable des programmes d’explo-
au programme / réflexion-débat / LNA#49
ration du Système Solaire
au Centre National d’Études
Spatiales.
Animée par Hugues Leroux,
Maître de conférences
en physique à l’Université de Lille 1.
u La formation du système solaire
Jeudi 19 mars à 18h30
Par Matthieu Gounelle, Professeur
au Muséum National d’Histoire
Naturelle, cosmochimiste.
Animée par Hugues
Leroux.
u Les espaces à plus de trois
dimensions
Mardi 31 mars à 18h30
Avec Michel Cassé, Directeur de recherche
au Commissariat à l’Énergie
Atomique, chercheur associé à l’Institut
d’Astrophysique de Paris et Robert
Gergondey, Mathématicien.
Animée par Robert Locqueneux.
u Le cubisme : invention d’un nouvel
espace plastique
Mardi 14 avril à 18h30
Par Nathalie Cogez, Docteur en
histoire de l’art contemporain, chargée
de cours à l’Université Charles de
Gaulle - Lille III, membre associé du
Centre d’Étude des Arts Contemporains
(CEAC) - Lille III.
Remerciements à Rudolf Bkouche, Jean-Marie
Breuvart, Alain Cambier, Rémi Franckowiak, Robert
Gergondey, Hugues Leroux, Bernard Maitte, Bernard
Pourprix, Alain Vienne et Georges Wlodarczak pour
leur participation à l’élaboration de ce cycle.
Plus d’informations : www.univ-lille1.fr/culture
Programme détaillé disponible à l’Espace Culture.
39

LNA#49 / au programme / réflexion-débat
40
CONFéRENCES
Octobre 2008 – mai 2009
Cycle À propos de la science
u Temps de la terre, temps de
l’homme
Mardi 14 octobre à 18h30
Par Patrick De Wever, Professeur au
Muséum National d’Histoire Naturelle,
Département Histoire de la Terre, Géologie.
Animée par Nabil El-Haggar,
Vice-président de l’Université de Lille 1,
chargé de la Culture, de la Communication
et du Patrimoine Scientifique.
u Vidéoconférence : Les ressources
énergétiques et minérales en France,
en Europe et dans le monde
Mardi 25 novembre à 18h30
Par Pierre Andrieux, Vice-président
de l’Union Française des Géologues,
professeur émérite de géophysique appliquée
de l’Université Pierre et Marie
Curie (Paris VI). Animée par Francis
Meilliez, Professeur en sciences de la
terre à l’Université de Lille 1.
u Le géosystème et la prose, vous
connaissez ?
Mardi 16 décembre à 18h30
Par Francis Meilliez, Professeur en
sciences de la terre à l’Université de
Lille 1. Animée par Alain Blieck,
Secrétaire général du Comité National
Français de Géologie (CNFG),
secrétaire de la Fédération Française
de Géologie (FFG).
CAFéS-SCIENCES
Des rencontres seront proposées au
cours de la saison sur des sujets d’actualité.
Consultez régulièrement notre
site web !
u L’homme et l’animal : enjeux
philosophiques et éthiques, des Lumières
à aujourd’hui
Mardi 27 janvier à 18h30
Par Jean-Luc Guichet, Philosophe,
directeur de programme au Collège
International de Philosophie (Paris) et
membre du Centre Georges Chevrier
(UMR-CNRS 5605, Dijon). Animée
par Dominique Boury, Enseignant
chercheur au Centre d’Éthique Médicale
de l’Université Catholique de Lille.
u La technique et le vivant
Mardi 17 février à 18h30
Par Jean-Claude D’Halluin, Directeur
de recherche au CNRS. Animée
par Rémi Franckowiak, Maître de
conférences en histoire des sciences et
épistémologie à l’Université de Lille 1.
u Évolution ? Évolution !
Journée d’études proposée par la
Société Géologique de France
Lundi 16 mars
8h30 : Introduction
9h : L’évolution : des faits aux modèles
par André Schaaf, Université de
Strasbourg 1
9h45 : Les fossiles, les interprétations
désopilantes des créationnistes
par Claude Babin, Université de Lyon 1
10h30 : L’Intelligent Design : nature
et enjeux par Jean Dubessy, Université
de Nancy 1
11h15 : Débat
14h : L’évolution, fait, hypothèse ou
théorie : le problème de l’administration
de la preuve dans les sciences
historiques et son retentissement pour
leur enseignement par Armand de
Ricqlès, Collège de France
14h45 : Les stratégies des créationnismes
et les contours des sciences
par Guillaume Lecointre, Muséum
National d’Histoire Naturelle
15h30 : Chroniques terriennes des
origines de l’Homme
par Pascal Picq, Collège de France
16h15 : Débat et clôture
Avec la FFG (Fédération Française de Géologie), l’APF
(Association Paléontologique Française), le Palais de la
Découverte, l’ULP (Université Louis Pasteur, Strasbourg),
l’EOST (École et Observatoire des Sciences
de la Terre), l’Académie de Bordeaux, l’Université
de Bordeaux 1, le CAREN (Centre Armoricain
de Recherches en Environnement), l’Université de
Rennes 1, Géosciences Rennes, l’Université Claude
Bernard - Lyon 1, le PEPS (Laboratoire PaléoEnvironnements
et PaléobioSphère), le Forum Départemental
des Sciences (Villeneuve d’Ascq), le BRGM (Bureau
de Recherches Géologiques et Minières) et le Collège de
France.
u Les expérimentations « in silico »
Mardi 19 mai à 18h30
Par Jean-Gabriel Ganascia, Professeur
à l’Université Pierre et Marie Curie
(Paris VI) et directeur de l’équipe
ACASA (Agents Cognitifs et Apprentissage
Symbolique Automatique) du LIP6
(Laboratoire d’Informatique de Paris 6).
Animée par Jean-Paul Delahaye, Professeur
d’informatique à l’Université
de Lille 1, Laboratoire d’Informatique
Fondamentale de Lille.
Remerciements à Rudolf Bkouche, Jean-Paul Delahaye,
Gilles Denis, Hugues Leroux, Robert Locqueneux,
Bernard Maitte, Bernard Pourprix, Bernard Vandenbunder,
Alain Vienne et Georges Wlodarczak pour
leur participation à l’élaboration de ce cycle.
Plus d’informations : www.univ-lille1.fr/culture
Programme détaillé disponible à l’Espace Culture.
Sédiments passés à l'acide chlorhydrique Laboratoire Géosystème
Photo : Eric Bross communication Lille1

Rendez-vous d'archimède
Octobre 2008 – mai 2009
Cycle La guerre
RENDEZ-VOUS D’ARCHIMÈDE
$
u Les métamorphoses de la guerre
Mardi 2 décembre à 18h30
Par Pierre Hassner, Directeur de recherches
émérite à l’Institut d’Études
Politiques de Paris, chercheur associé
au CERI (Centre d’Études et de
Recherches Internationales).
Animée par Nabil El-Haggar, Viceprésident
de l’Université de Lille 1,
chargé de la Culture, de la Communication
et du Patrimoine Scientifique.
u Guerre et conflits de civilisation
Mardi 6 janvier à 18h30
Par Sandrine Tolotti, Journaliste
(sous réserve).
Animée par Jean-Marie Breuvart,
Philosophe.
u Penser l’ennemi
Mardi 20 janvier à 18h30
Par Jean-Claude Monod, Chercheur
en philosophie au CNRS (UMR
8547, Archives Husserl), enseignant à
l’École Normale Supérieure, Paris.
Animée par Alain Cambier, Docteur
en philosophie, professeur en classes
préparatoires, Lycée Faidherbe, Lille.
u Le terrorisme aujourd’hui
Mardi 10 février à 18h30
Par François-Bernard Huyghe, Expert
associé à l’Institut de Relations
Internationales et Stratégiques (IRIS),
enseignant sur le campus virtuel de
l’Université de Limoges. Animée par
Jean-François Rey, Professeur de
philosophie à l’IUFM de Lille.
au programme / réflexion-débat / LNA#49
u Économie et guerre
Mardi 17 mars à 18h30
Par Claude Serfati, Enseignant-chercheur
en économie, Centre d’Économie
et d’Éthique pour l’Environnement et
le Développement (C3ED), Université
de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Animée par Rémi Franckowiak,
Maître de conférences en histoire des
sciences et épistémologie à l’Université
de Lille 1.
u Prévenir et humaniser la guerre,
est-ce possible ? Le cas du Vietnam
Mardi 7 avril à 18h30
Par Monique Chemillier-Gendreau,
Professeur émérite de droit public et
science politique, Université Paris
Diderot.
Animée par Nabil El-Haggar.
u Guerre et paix
Mardi 26 mai à 18h30
Par Jean-Marc Ferry, Philosophe, professeur
à l’Université Libre de Bruxelles
en science politique et en philosophie
morale, docteur honoris causa de l’Université
de Lausanne, Suisse.
Animée par Jean-Marie Breuvart.
Remerciements à Youcef Boudjemai, Jean-Marie
Breuvart, Bruno Duriez, Rémi Franckowiak, Robert
Gergondey, Jacques Lemière, Patrick Picouet, Jean-
François Rey et Frédéric Worms pour leur participation
à l’élaboration de ce cycle.
Plus d’informations : www.univ-lille1.fr/culture
Programme détaillé disponible à l’Espace Culture.
41

LNA#49 / au programme / réflexion-débat
42
Ce livre reprend, avec de nombreuses mises à jour, les
travaux présentés lors d’une journée d’études organisée
par l’Espace Culture de l’Université de Lille 1 sur le thème
de la Laïcité.
Notre propos n’a pas été de reprendre l’ordre chronologique
des conférences. Nous lui avons préféré une présentation
que l’on pourrait qualifier de « mise au point » sur le concept
de laïcité, un concept que nous considérons comme l’un
des plus beaux concepts philosophiques. Nous avons voulu
insister autant sur le rappel historique de l’émergence de
la « laïcité à la française », et plus particulièrement sur la
loi dite de 1905, que sur la dimension profondément moderne
de notre laïcité. Dans cet esprit, cet ouvrage montre
que la loi dite de séparation des Églises et de l’État n’est pas
une « loi de combat », ni une « loi de transaction », car elle
n’est pas une « loi conjoncturelle », à « actualiser » et à « moderniser
». Au contraire, c’est une loi organique.
Cet ouvrage montre l’urgence de rétablir la laïcité comme
pilier de la République, de la démocratie et du vivre ensemble,
au centre de l’esprit républicain. La laïcité est universelle,
elle est passion de l’égalité et de la lutte contre les
communautarismes et le confessionnalisme. Pourtant, incontestablement,
la laïcité a été pour le moins délaissée.
C’est pourquoi elle doit être enseignée à l’école, à l’université,
dans les quartiers. Cette responsabilité n’incombe pas seulement
aux enseignants et aux éducateurs. Il appartient aussi,
et avant tout, aux politiques de la porter et surtout de ne
pas tolérer son bafouement, d’où qu’il vienne. Enfin, nous
concluons cet ouvrage en montrant que le concept de laïcité
internationale est une condition de la démocratie mondiale
à venir.
Présentation de l’ouvrage
« La laïcité, ce précieux concept »
Nouvelle parution dans la collection Les Rendez-vous d’Archimède
Dirigé par Nabil El-Haggar, Vice-président de l’université de Lille 1, chargé
de la Culture, de la Communication et du Patrimoine Scientifique
Lundi 24 novembre à 17h
Espace Rencontres du Furet de Lille
Entrée libre
En présence de Philippe Rollet, Président de l’Université de Lille 1,
Nabil El-Haggar, Vice-président et des auteurs.
Rudolf Bkouche, professeur émérite de mathématiques à
l’Université de Lille 1
Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite de
droit public et sciences politiques à l’Université Paris-Diderot
Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au
Centre de recherches politiques, CNRS – Paris, membre du
Haut Conseil à l’Intégration, ancienne directrice de l’Observatoire
de l’Immigration et de l’Intégration
Sophie Ernst, philosophe de l’éducation, chargée d’études
dans le projet ECEHG (Enjeux Contemporains de l’Enseignement
de l’Histoire et Géographie), INRP (Institut
National de Recherche Pédagogique)
Catherine Kintzler, professeur émérite à l’Université de
Lille 3
Jean-François Rey, philosophe et enseignant à l’IUFM de
Lille
Jean-Paul Scot, historien
Bernard Stasi, président de la Commission de réflexion sur
l’application du principe de laïcité dans la République
Michèle Vianès, conseillère municipale déléguée à l’égalité
hommes/femmes – Caluire, présidente de Regards de
Femmes
Retrouvez toutes les informations sur cet ouvrage et la
collection complète sur : http://www.univ-lille1.f/culture

La suprématie de l’économie de marché entraîne des
guerres économiques. Mais un autre monde est possible,
on peut en percevoir les prémices dans nombre d’initiatives,
qui ouvrent des chemins d’humanisation, issues du tissu
associatif notamment.
Néanmoins, un passage à l’acte est toujours nécessaire pour
être davantage humain, fraternel et solidaire, pour ne pas
rester enfermé dans notre individualisme, mais se confronter à
l’altérité. Une réflexion s’avère toujours nécessaire en amont
ou a posteriori pour faire le point, ne pas s’égarer, avant de
s’engager.
Ces conférences sur différentes facettes de « chemins d’humanisation
», qui passent par des approches concrètes, voudraient
inviter à cette réflexion :
Valeurs de résistance au niveau des droits de l’ homme, de réflexion
aussi bien sur l’humanitaire que sur la détresse en milieu étudiant,
dans la vie affective et sexuelle, qui s’exprime aujourd’hui
de manière interculturelle. Mais aussi les possibilités de dons qui
sont offertes : dons d’organe, de sang… Allons-nous vers un engagement
durable ?
Conférences
u Droits de l’homme et immigrations
Jeudi 13 novembre à 18h30
Par Emmanuel Terray, Membre de la Ligue des Droits de
l’Homme, du Cedetim, spécialiste des migrations. Avec la
participation du Cercle de Silence de Lille.
Animée par Régis Verley, Journaliste.
Des vagues successives d’immigrants font partie de notre
histoire. Voulues ou forcées, économiques, politiques,
environnementales, les migrations vont dessiner demain un
nouveau monde qu’il convient d’anticiper pour ne pas le
subir.
En partenariat avec le CRDTM et dans le cadre de la semaine
de solidarité internationale.
Question de sens 2008/09 :
Chemins d’humanisation
u Sexualité, terre d’aventure et de rencontre
Vers de nouveaux espaces dans la santé sexuelle en
milieu étudiant
Jeudi 4 décembre à 18h30
Avec Nadia Flicourt, Sexologue formée en anthropologie
(Formation-Expertise CIRM-CRIPS) et Isabel De Penanster,
Psychosociologue formée à la rencontre interculturelle
(Formation-Expertise CIRM-CRIPS).
Animée par Elisabeth Fichez, Professeur émérite en sciences
de l’information et de la communication.
« L’existence de tabous et de mythes sexuels, la culpabilité et
le secret qui en découlent et qui sont imposés par la société
sur les sujets sexuels constituent des obstacles importants à
l’éducation sexuelle… Le culte du machisme, la domination
masculine et la victimisation des femmes constituent
à leur tour des obstacles à l’introduction de l’idée de plaisir
sexuel pour les deux partenaires, une idée essentielle pour
la réalisation de relations sexuelles saines… » (Définition
OMS 1975). Que pourrait-on en dire en 2008 ?
En partenariat avec le CUPS (Centre Universitaire pour la
Promotion de la Santé) des Universités de Lille 1, Lille 2 et
Lille 3.
Avec l’aide du Carrefour d’Initiative et de Réflexion pour les
Missions relatives à la vie affective et sexuelle (CIRM) et du
Centre Régional d’Information et de Prévention du SIDA
(CRIPS : http://www.cirm-crips.org).
À noter :
au programme / réflexion-débat / LNA#49
Projet enseignant proposé par Jean-Pierre Macrez et l’équipe « Question de sens » (Université de Lille 1)
JOURNéE D’étUDES
Valeurs et enseignement des valeurs
Vous avez dit valeurs ?
Faut-il enseigner les valeurs ?
Samedi 14 mars 2009
En partenariat avec l’ARELC
(Association Religions - Laïcité - Citoyenneté )
http://www.arelc.org
43

LNA#49 / au programme / exposition
44
Les enjeux d’une politique patrimoniale universitaire
La question du patrimoine universitaire
est généralement oubliée et négligée
depuis trop longtemps, ce qui ne
pouvait que conduire à la défiance que
l’on connaît d’une bonne partie des universités
françaises en matière de conservation
et de valorisation de leur patrimoine.
Aujourd’hui, on note une prise
de conscience croissante de l’importance
du patrimoine culturel et scientifique des
universités en ce qui concerne le patrimoine
hérité et, dans une moindre
mesure, le patrimoine en émergence.
Si cette prise de conscience est nécessaire,
le patrimoine culturel et scientifique
des universités reste une question
dont personne ne nie l’importance mais
que l’on classe souvent comme « non
prioritaire ».
Le sens de l’héritage
Pourtant, les universitaires ont toujours
fait jouer à ce patrimoine un rôle important
dans la construction des savoirs, des
connaissances et de la recherche.
La conservation et la valorisation du
patrimoine, c’est avant tout un acte de
partage et une appropriation de l’héritage.
Et l’appropriation du passé s’avère
nécessaire pour nous armer contre les
barbaries du présent. L’écrivain italien
Giuseppe Pontiggia disait : « rendre
flou le passé ne peut que dilater le vide
du présent ».
Paul Ricœur décrit le phénomène d’usure
et d’érosion que l’unique civilisation
mondiale exerce sur les grandes civilisations
du passé et « qui, entre autres effets
inquiétants, se traduit par la diffusion sous
nos yeux d’une civilisation de pacotille qui
est la contrepartie dérisoire de ce que j’appelle
la culture élémentaire » 1 . Cela vaut
autant pour le patrimoine artistique que
1 Paul Ricœur, Civilisation universelle et cultures
nationales, in Histoire et vérité, éd. du Seuil, 1967.
Par Nabil EL-HAGGAR
Vice-président de l’Université de Lille 1,
chargé de la Culture, de la Communication et du Patrimoine Scientifique
En collaboration avec Antoine MAtRION, Chargé de mission Patrimoine Scientifique
pour l’héritage culturel et scientifique,
matériel et immatériel des universités.
Toujours selon Paul Ricœur 2 : « C’est
à partir d’une analyse subtile de l’expérience
individuelle d’appartenir à un
groupe, et sur la base de l’enseignement
reçu des autres, que la mémoire individuelle
prend possession d’elle-même…
Dans ce contexte, le témoignage n’est
pas considéré en tant que proféré par
quelqu’un en vue d’être recueilli par un
autre, mais en tant que reçu par moi
d’un autre à titre d’information sur le
passé. À cet égard, les premiers souvenirs
rencontrés sur ce chemin sont les souvenirs
partagés, les souvenirs communs. Ils
nous permettent d’affirmer ‘qu’en réalité
nous ne sommes jamais seuls’ ».
Musées et collections universitaires
Le périmètre du patrimoine de l’université
englobe des champs multiples. Le
patrimoine hérité, témoin du passé et
constitutif de la mémoire collective, est
appelé à jouer un rôle important dans la
valorisation de la culture scientifique, de
passeur entre l’université et la Cité. Ce
rôle est pleinement assumé par les musées
universitaires en Europe et en Amérique
du Nord. L’université française est
un cas particulier : les musées n’existent
quasiment pas ! La France construit ses
musées depuis quatre siècles hors de
l’université. Les Français n’ont pas pour
habitude de se rendre à l’université pour
visiter des collections.
Le patrimoine à l’université de Lille 1
Le patrimoine matériel scientifique et
technique de l’enseignement et de la recherche
a été oublié ou perdu. Il n’a pas
pu jouer son rôle de témoin de ce qui
2 Paul Ricœur, De la mémoire et de la réminiscence,
in La mémoire, l’Histoire, l’oubli, éd. Points Essais,
2003.
a été fait, créé et inventé à l’Université
de Lille. Il n’a pas pu fournir non plus
un support matériel pour la mémoire
collective, ce qui est indispensable à sa
constitution 3 .
Nous pouvons distinguer trois types
d’objets. Les objets à finalité pédagogique,
les objets qui sont des outils pour la
recherche et, enfin, les objets qui sont les
résultats appliqués de la recherche. Certains
objets, plus rares donc précieux, ont
été conçus et construits au sein même de
l’Université. À une époque où l’industrie
ne répondait pas encore totalement aux
besoins des chercheurs, ceux-ci devaient
construire eux-mêmes les instruments
nécessaires à leurs recherches. Le laboratoire
était aussi un atelier !
Grâce au travail fait par l’Association de
Solidarité des Anciens de Lille 1, et notamment
par le professeur Guy Séguier,
environ 500 objets ont pu être inventoriés
4 . Ce travail a participé à instaurer la
culture du patrimoine au sein de notre
communauté universitaire.
Afin d’en assurer la pérennité, il faudra
associer à ce travail une démarche
professionnelle que l’institution devrait
prendre en charge. En attendant, une
collaboration est d’ores et déjà engagée
avec la mission nationale du patrimoine
scientifique contemporain du Musée des
Arts et Métiers 5 , qui permet de donner
une visibilité à ce patrimoine et d’y intégrer
les objets de toute époque. C’est dans
ce cadre que l’Université a également
pu intégrer un chargé de mission pour
prendre en charge l’inventaire et la mise
en valeur des objets.
3 Cf. Maurice Halbwachs, La Mémoire Collective,
1950, p. 84 : « Mais chaque objet rencontré, et la
place qu’il occupe dans l’ensemble, nous rappellent
une manière d’être commune ».
4 Cf. http://phymuse.univ-lille1.fr/
5 Cf. http://www.patstec.fr

Carte du Bassin Houiller du Nord par Charles Barrois - Source : Lille et la région Nord en 1909, Lille, Imprimeur L. Danel, Tome 2, p. 176.
Universi’terre
Du 13 octobre au 28 novembre
Vernissage le lundi 13 octobre à 18h30
Entrée libre
Lire la terre en ses formes premières, en son alphabet
millénaire, en ses métamorphoses et ses empreintes.
Lire l’histoire des hommes qui ont, les premiers, déchiffré
la terre, de la première chaire de géologie de la Faculté
des Sciences de Lille en 1864 jusqu’aux travaux les plus
récents. Lire une région façonnée par sa terre, la richesse
inouïe de son sous-sol. Lire l’histoire de la terre, l’histoire
des hommes de science, c’est lire l’histoire d’une région,
l’histoire d’une aventure commune partagée par une science
et par une région.
À travers cartes, photographies, fossiles, objets personnels,
l’exposition illustrera ce parcours. Du temps de
l’exploitation industrielle de la terre à celui de la préservation
de l’environnement et du développement durable
de la terre mère.
Elle rendra hommage au premier titulaire de la chaire de
géologie de Lille, Jules Gosselet, fondateur de la Société
Géologique du Nord en 1871 et du musée qui porte son
nom en 1902, ainsi qu’à son successeur, Charles Barrois.
Charles Barrois fut fondateur du musée houiller à Lille en
1907.
« Vivre pour la science et par la science, commander aux océans
et aux montagnes, tracer comme un Dieu leurs limites aux
mers du passé et leur marche aux montagnes, les faire bondir
et déferler devant ses disciples au gré de ses théories, découper
les frontières des provinces naturelles sans effusion de sang, remonter
par le raisonnement dans l’immensité des temps incommensurés,
s’ élever assez haut dans son rêve pour planer
au-dessus des misères humaines, descendre assez bas dans son
vol pour voir et déceler tout ce que la terre renferme d’utile à
l’homme dans ses flancs : tel est le destin du géologue. »
Charles Barrois
La Bibliothèque Universitaire de Lille 1 présentera la
riche collection d’ouvrages de la Société Géologique du
Nord. Ces œuvres seront exposées pour la première fois et
démontreront la richesse de l’école de géologie lilloise.
au programme / exposition / LNA#49
Dans le caDre De l’année InternatIonale De la Planète terre
Portrait de Jules Gosselet
Structures tectoniques dans la carrière de Bettrechies, commune de Bellignies (59) Source : O.Averbuch
45

LNA#49 / au programme / poésie sonore
46
Serge Pey, Michel Doneda, tetsuya Nakatani
Jeudi 16 octobre à 19h
Entrée gratuite sur réservation
En partenariat avec le Crime
Dans le cadre du festival « Les Voix Magnétiques »
et du réseau Les Affinités Sono-Mécaniques.
Nouveau troubadour du tour du monde, sans cesse invité
dans de nombreux festivals de performances en
Europe, au Japon, aux États-Unis, en Asie, au Mexique, en
Amérique du Sud…, Serge Pey est l’un des performers les
plus importants sur la scène poétique actuelle. Créateur
de situations, il rédige ses textes sur des piquets de tomates
ou sur des bâtons avec lesquels il réalise des installations
rituelles de poèmes.
Fondateur du mouvement international des poésies contemporaines
de Toulouse, théoricien de la poésie contemporaine,
auteur de nouvelles et de nombreuses critiques d’art, il
mène un travail singulier dans la poésie d’aujourd’hui.
Saxophone soprano, Michel Doneda est un artiste majeur
de la scène improvisée européenne. Une vie semée
de rencontres qui, d’Elvin Jones à John Zorn, de Daunik
Lazro à Keith Rowe, a façonné sa voix unique et résolument
contemporaine.
Son style très personnel s’est nourri des échanges tous azimuts
dans des champs artistiques très diversifiés, aussi bien
en musique (musique traditionnelle, jazz, improvisation
libre, rock expérimental) que dans d’autres domaines artistiques
(théâtre, cinéma, littérature, poésie...).
Né au Japon et vivant régulièrement aux États-Unis, Tetsuya
Nakatani est un des percussionnistes clés de la scène des
musiques improvisées outre-atlantique. Il utilise des tambours,
gongs, cymbales, cuvettes de chant et divers bâtons. Il
travaille aussi pour la télévision, la danse et participe à tous les
genres musicaux (free jazz, rock, improvisation).
Sa musique, bien que défiant tout classement en genre ou
catégorie, est cependant influencée par différentes cultures :
aussi bien les musiques improvisées, la musique dite expérimentale,
le jazz et le free jazz ou encore le rock. Liberté dans le
développement de ses idées et précision de frappe redoutable,
telles pourraient être les caractéristiques de son approche des
percussions.
Trois artistes d’envergure, marqués par une vie semée de rencontres,
par une ouverture à la transversalité, à la diversité, qui
offriront, sans aucun doute, au public une soirée inoubliable.

Charles Pennequin, Jean-François Pauvros
Mercredi 22 octobre à 19h
Entrée gratuite sur réservation
En partenariat avec le Crime
Dans le cadre du festival « Les Voix Magnétiques »
et du réseau Les Affinités Sono-Mécaniques.
Charles Pennequin découvrit simultanément l’écriture
de la poésie et l’art de la pilonner. Remarquable lecteur
de ses textes, il apparaît comme l’un des meilleurs
poètes de la nouvelle génération, l’un des plus attachants
en tout cas. L’un des plus généreux également, capable d’un
réel et rare intérêt pour les livres des autres, aînés ou pairs.
Il bouscule par la violence de sa poésie. Son rythme, sa rapidité,
sa ponctuation rapide et le travail de langue, en apnée,
hypnotique, vont s’imposer auprès de nombreux auditeurs
lors de ses lectures. Au niveau éditorial, cela le conduira à publier
à partir de 2002, chez un éditeur d’envergure nationale,
POL, qui, en parallèle de livres plus accessibles, a toujours
défendu la littérature expérimentale ou d’avant-garde.
Depuis 2004, il a commencé à travailler l’improvisation à
partir de l’usage de dictaphones, qu’il enregistre en direct,
puis qu’il rediffuse. La question de l’improvisation correspond
chez lui à la question même du langage, à sa donation,
à son enchaînement.
Ce travail d’improvisation l’a amené à faire des lectures-performances
avec le guitariste compositeur Jean-François
au programme / poésie sonore / LNA#49
Pauvros qui, lui, promène depuis trente ans sa silhouette
dégingandée de funambule nomade sur les sentiers escarpés
des musiques de traverse. Son acharnement à extirper toutes
sortes de sons inouïs de ses cordes lui forge un instrument
hybride à mi-chemin entre le violoncelle et la cithare ethnique
électrifiée, propice à toutes les aventures sonores.
Jean-François Pauvros a aussi composé et interprété de
nombreuses musiques de films, courts-métrages, reportages,
fictions.
C’est aussi un amoureux des mots et de la littérature,
comme en témoignent ses morceaux basés sur des textes de
Pierre Mc Orlan ou Pasolini, ou ses collaborations fréquentes
avec des poètes contemporains.
Jean-François Pauvros - Charles Pennequin : un duo explosif,
une rencontre majeure et atypique, une alchimie de l’improvisation
en duo.
Expositions, installations et concerts du 10 au 26 octobre
au Tri Postal, à la Malterie et à l’Espace Culture. Jusque fin
novembre dans divers lieux de la métropole.
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LNA#49 / au programme / masarat-palestine 2008
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Saison artistique et culturelle en Communauté française wallonie-Bruxelles, à l’initiative du Commissariat Général aux
Relations Internationales et de la Délégation Générale de la Palestine auprès de l’union européenne, de la Belgique et
du Luxembourg, sous le haut patronage de la Ministre des Relations Internationales de la Communauté française et de
Mahmoud Darwish, avec le soutien de la Ministre de la Culture.
Conception et réalisation : Les Halles
Terre de l’exil, territoire de la
guerre, du sang et des larmes, la
Palestine peut-elle devenir le lieu de
la plus haute forme du dialogue des
cultures ? Le projet MASARAT, mis
en place par la Communauté Française
de Belgique, en témoigne au
moment même où l’union européenne
décrète 2008 l’année du dialogue
interculturel.
Le désir de dialogue peut-il être plus
fort que la haine et la mort ? Le désir
de vivre, de surmonter les enfermements,
les murailles, l’exclusion peutil
être plus puissant que la violence et
la loi du plus fort ? Lorsque surgissent
ces images, lorsque se déplacent
les paroles de théâtre et les sons de
la résistance d’un peuple banni, audessus
des villages bouclés, des villes
verrouillées, ne peut-on comprendre
qu’en ces terres se noue une certaine
destinée de l’humanité, un enjeu déterminant
pour le temps que nous
traversons, la culture que nous partageons
? Ou bien céder à la mortelle désolation
d’une guerre de civilisation,
d’une chaotique régression, où toujours,
avec obstination, parcourir les
voies d’une appréhension plus libre et
plus fraternelle, du village monde que
nous habitons très provisoirement.
thÉâtRE
Une mémoire pour l’oubli
Lundi 20 octobre à 19h
Entrée libre sur réservation préalable
D’après le texte de Mahmoud Darwish
Par la Compagnie El-Hakawati
Mise en scène : Amer Khalil et François
Abou Salem
François Abou Salem - Droits Réservés
Scénographie : Amir Nizar Zuabi
Avec : François Abou Salem
Coproduction : El-Hakawati avec le soutien
du Centre Culturel Français de Jérusalem et
la Fondation A. M. Quattan à Ramallah
Durée : 1h
Août 1982, les
troupes israéliennes
envahissent
le Liban et assiègent
Beyrouth.
La résistance
palestinienne a
fait de la ville
son quartier général
et essaie
de tenir bon. Dans cette ambiance de
folie meurtrière, un poète, exilé de
la Palestine et habitant son huitième
étage, écrit la chronique d’une ville livrée
aux jeux de l’amour et de la mort.
Considéré comme l’un des chefs de
file de la poésie arabe contemporaine,
Mahmoud Darwish révèle un aspect
moins connu de son œuvre. À l’heure
où s’ouvre un nouveau chapitre de
l’histoire palestinienne, le texte prend
une nouvelle et singulière résonance.
Interprète et metteur en scène de ce
spectacle, créé en avril 2007 à Ramallah
dans les territoires occupés, François
Abou Salem porte en funambule
un texte qui mêle les fils inextricables
de l’individu, la lourdeur du quotidien
et les douleurs d’une nation.
François Abou Salem, de père palestinien
et de mère française, auteur, metteur en
scène, comédien, est l’un des créateurs
de la compagnie et du théâtre El-Hakawati,
figure incontournable et presque
solitaire du théâtre palestinien.
MUsiQUE
Groupe Watar
Lundi 27 octobre à 19h
Entrée libre sur réservation préalable
Directeur Artistique : Wassim Odeh
Violon : Sroor Saliba
Quanun : Mahran Mir’b
Percussions : Raed Said
Bouzouq : T.B.C.
Le mot Watar
désigne les cordes.
Un fil tendu
sur une table
d’harmonie d’un
instrument de
musique. Le fil
joint les musiciens
de Palestine
à ceux d’Europe,
la musique classique à la musique orientale
comme vibration singulière, comme
tentative harmonique d’un temps et
d’un espace disharmonique !
Exposition
Naji Al Ali
Du 20 octobre au 28 novembre
Entrée libre
Naji Al Ali, caricaturiste palestinien
assassiné à Londres en 1987, a produit
des milliers de dessins qui expriment
la lutte et la résistance à l’occupation
israélienne et critiquent les régimes
arabes.
Hanthala, son personnage, petit garçon
de dix ans, l’âge qu’avait Naji
lorsqu’il a quitté la Palestine, est situé
dans l’espace, sans terrain d’appui car
il est sans patrie. Il est témoin de la
Groupe Watar - Droits Réservés

tragédie de tout un peuple, il tourne
le dos au public car il se sent trahi.
Naji dit de Hanthala : « Hanthala est
le témoin de cette ère qui ne mourra
jamais, il pénètre la vie avec une force
qui ne le quitte jamais, une légende
dont l’existence est un défi à l’éternité.
Ce personnage que j’ai créé ne
disparaîtra pas après moi. »
Production : Centre Wallonie Bruxelles.
Avec l’aide du Commissariat Général aux
Relations Internationales de la Communauté
française de Belgique (CGRI).
ARts visUELs
Mardi 21 octobre à 13h
Entrée libre
Palestine, été 2006
13 courts-métrages de cinéastes palestiniens
Vidéo, durée : 26 mn
L’été de la guerre au Liban, en 2006,
chaque cinéaste vivant en Palestine a
été invité à tourner un film de 3 minutes
avec pour seule contrainte : un
plan-séquence, donc une seule prise
effectuée dans une linéarité spatiotemporelle,
sans aucune intervention
de montage. Tous les films, montés
bout à bout, composent une radiographie
à multiples facettes de la Palestine
vivante.
Films de Akram Al Ashkar, Rowan
Al Faqih, Amer Shomali, Riyad
Deis, Ahmad Habash, Ismail Habbash,
Annemarie Jacir, Liana Bader,
May Odeh, Mohanad Yaqubi, Enas
Muthaffar, Razi Najjar, Nahed
Awwad.
Mercredi 22 octobre à 13h
Entrée libre
Une journée
de Lamia Joreige
(2006, 41 mn)
Ce film trace le parcours de la
grand-mère de l’auteur, dont
la trajectoire personnelle se
mêle à l’histoire collective
au Proche-Orient. L’auteur
amorce une réflexion sur
l’histoire et les conflits de
cette région, sur le temps, la disparition
et la perte. Elle interroge sa mère
et sa grand-mère, soulevant aussi des
questions sur son propre engagement
politique et révélant le lien complexe
entre trois femmes de trois générations
différentes.
Jours tranquilles en Palestine
de Fouad El Khoury (1998, 13 mn)
De la Palestine, nous ne connaissons
que la violence et la souffrance. Ce film
nous raconte une autre histoire, celle des
habitants de la société pré-israélienne vivant
paisiblement sur leur terre.
Jeudi 23 octobre à 13h
Entrée libre
Les enfants d’Arna de Juliano Mer
Khamis (2003, 84 min)
Arna Mer Khamis, une femme juive
qui s’était battue pour le fondement
d’Israël, met en place une troupe de
théâtre dans le camp de réfugiés de
Jénine, dans lequel elle apprend à des
enfants palestiniens à s’exprimer grâce
à l’art. De 1989 à 1996, le fils d’Arna,
Juliano, a filmé ces enfants pendant
leurs répétitions. Après l’attaque du
Avec le soutien de l'association France Solidarité Palestine - Villeneuve d'Ascq, Roubaix.
au programme / masarat-palestine 2008 / LNA#49
camp par Israël en 2002, Juliano retourne
voir ce que sont devenus ces
jeunes acteurs si prometteurs que lui
et sa mère avaient encadrés.
Du 20 au 28 octobre
Entrée libre
The Road Map
Installation vidéo : Collectif Multiplicity
« Munis de nos passeports européens,
afin de mesurer la densité des dispositifs
frontaliers dans les environs de Jérusalem,
nous avons roulé, le 13 janvier,
accompagnés d’une personne titulaire
d’un passeport israélien, depuis la colonie
de Kiriat Arba vers la colonie de
Kudmin. Le jour d’après, nous avons
fait le voyage de la ville de Hébron à
celle de Naplouse avec une personne
détentrice d’un passeport palestinien.
Pour relier les deux latitudes, il a fallu
une heure au voyageur israélien, tandis
que le voyageur palestinien a pris cinq
heures et demie. »
Sandi Hilal et Alessandro Petti
Multiplicity : Stefano Boeri, Maddalena
Bregani, Maki Gherzi, Matteo Ghidoni,
Sandi Hilal, Alessandro Petti, Salvatore
Porcaro, Anniina Koivu, Francesca Recchia,
Eduardo Staszowsky.
Production : Festival TEMPS D’IMAGES
2007/Les Halles. Dans le cadre de MA-
SARAT/Palestine 2008. Avec l’aide du
Commissariat Général aux Relations Internationales
de la Communauté française
de Belgique (CGRI).
© Naji Al Ali
Road Map © Collectif Multiplicity
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LNA#49 / au programme
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La lunette de l’Observatoire de Lille va bientôt fêter
ses 100 ans : les membres de l’Association Jonckhèere et
le Laboratoire d’Astronomie de Lille vous invitent à découvrir
cet instrument et son histoire en participant à une
visite nocturne inédite de l’Observatoire de Lille.
Au programme de la soirée (1h30 à 2h de visite) : miniconférence,
visite d’exposition, découverte de la lunette
et, selon les conditions météorologiques, observation
du Premier Quartier de la Lune et survol visuel de ses
reliefs et de ses cratères.
Les mardi 7 octobre, vendredi 7 novembre, vendredi 5
décembre, mardi 6 janvier, mardi 3 février, vendredi 6
mars, vendredi 3 avril et vendredi 1 er mai : rendez-vous
à l’Observatoire de Lille dès 20h.
Réservation obligatoire auprès de l’Espace Culture
(20 personnes maximum) : 03 20 43 69 09
Pour tout public à partir de 10 ans
3 ème Valse des Livres
Mercredi 26 novembre de 10h à 17h
Entrée libre
Le jeu d’échange de livres vaut largement le déplacement. Vous donnez des livres, désirez des
livres, vous recevez des livres.
Entre le désir d’un livre et sa possession, il n’y a qu’un mouvement du poignet, pour s’en saisir
gratuitement, pas de caisse, pas de file d’attente, pas de carte bancaire.
Vous n’avez qu’une seule journée pour satisfaire votre désir de lire, c’est le 26 novembre au café de
l’Espace Culture.
Dépôt possible à partir du lundi 17 novembre.
Renseignements : 03 20 43 69 09
Les soirées du Premier Quartier
Association Jonckhèere
Les Amis de l’Observatoire de Lille
Observatoire de Lille
1, Impasse de l’Observatoire 59000 LILLE
http://asso.jonckheere.free.fr/

Atelier Danse Butô
Danser les ténèbres, sens premier de l’Ankoka Butô.
Danser l’érotisme, la mort. Danser le temps. Déchirer
les traditions figées, inventer ce pop-butô, ce mouvement
du corps, ce mouvement de l’esprit, qui engage le regard
féminin sur lui-même, qui engage son propre corps dans
l’infini mouvement de l’improvisation.
Dans le butô, un danseur ne dira jamais « je danse », mais
« le corps danse ». Le corps à distance se métamorphose, se
libère, devient le pôle rayonnant de l’imagination, de l’énergie
créatrice.
Les danseuses de Hanaarashi entendent créer leur propre
style en explorant leur propre corps. Elles ne s’arrêtent pas à
la danse, elles écrivent, créent des installations, chantent…
L’atelier proposé par l’Espace Culture de Lille 1 du 15
au 17 décembre, vous invite, avec le groupe Hanaarashi, à
pénétrer au cœur intime du mouvement, dans un parcours
sensible, dont vous serez à la fois la source et le témoin de ce
jaillissement créateur.
Chikako Bando est née à Kyoto en 1967. Elle entame une
carrière d’actrice et auteur, puis débute l’apprentissage du butô
au programme / atelier / LNA#49
Lundi 15, mardi 16, mercredi 17 décembre à 18h30
Gratuit sur inscription à l’Espace Culture
Compagnie Hanaarashi
Avec
Chikako Bando, chorégraphe et danseuse
Yumiko Nii, chorégraphe et danseuse
On Furukawa, chorégraphe et danseuse
en 1993. Elle fonde Hanaarashi en 1998, On Furukawa et
Yumiko Nii, œuvrant dans le groupe comme chorégraphe et
danseuse. Elle crée un style unique, mêlant danse et théâtre, tel
son personnage emblématique, la shaman Itako.
Yumiko Nii, née à Hiroshima, est diplômée de l’Université
d’Enseignement, section Beaux-Arts, d’Osaka. Sa spécialité est
la sculpture et la création d’œuvres en mousse de polystyrène.
Elle chante avec plusieurs formations et aborde, en 1993, le
travail du corps à travers les méthodes fondamentales de la
danse moderne, du butô et du shintaidô. Elle intègre Hanaarashi
en 1998.
On Furukawa, née à Kyoto, est diplômée de sociologie. Peu
intéressée par la société qui l’entoure, elle s’initie au butô. Elle
pense que, si elle n’avait pas étudié la danse, elle serait devenue
l’un de ces nombreux jeunes Japonais qui s’enferment dans leur
chambre.
Cet atelier a lieu à l’occasion du colloque de la Société française
des Études Japonaises qui se tient à l’Université de Lille 3
et dont la thématique porte sur la modernité japonaise en
perspective. Il coïncide avec la fin des célébrations du 150 ème
anniversaire des relations amicales franco-japonaises.
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g e n d a
*Pour ce spectacle, le nombre de places étant limité, il est nécessaire de retirer préalablement vos entrées libres à l’Espace Culture (disponibles un mois avant les manifestations).
Octobre, novembre, décembre 2008
A
Retrouvez le détail des manifestations sur notre site : www.univ-lille1.fr/culture ou dans « l’in_edit » en pages
centrales. L’ ensemble des manifestations se déroulera à l’Espace Culture de l’université de Lille 1.
Les 7, 14 et 21 octobre 14h30 Conférences de l’UTL
Mardi 7 octobre 18h Ouverture de saison : Présentation des ateliers de pratiques artistiques
19h : Danse - 20h : Concert
Du 13 octobre au 28 novembre Exposition « Universi’terre » dans le cadre de l’Année Internationale de la Planète Terre
Vernissage le 13 octobre à 18h30
Mardi 14 octobre 18h30 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « À propos de la science »
« Temps de la terre, temps de l’homme » par Patrick De Wever
Jeudi 16 octobre 19h Poésie sonore : Serge Pey - Michel Doneda - Tetsuya Nakatani *
Du 20 au 28 octobre Installation vidéo « The road map » - Collectif Multiplicity
dans le cadre de Masarat-Palestine 2008
Du 20 octobre au 28 novembre Exposition de Naji Al Ali dans le cadre de Masarat-Palestine 2008
Lundi 20 octobre 19h Théâtre : « Une mémoire pour l’oubli » par la Cie El-Hakawati
dans le cadre de Masarat-Palestine 2008 *
Mardi 21 octobre 13h Vidéo « Palestine, été 2006 » dans le cadre de Masarat-Palestine 2008
18h30 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « L’espace » « L’espace : des axiomes réels » par François Wahl
Mercredi 22 octobre 13h Films « Une journée » et « Jours tranquilles en Palestine »
dans le cadre de Masarat-Palestine 2008
19h Poésie sonore : Charles pennequin - Jean-François Pauvros *
Jeudi 23 octobre 13h Film « Les enfants d’Arna » dans le cadre de Masarat-Palestine 2008
Lundi 27 octobre 19h Concert : Groupe Watar dans le cadre de Masarat-Palestine 2008 *
Jeudi 13 novembre 18h30 Question de sens : Cycle « Chemins d’humanisation »
« Droits de l’homme et immigrations » par Emmanuel Terray
Les 18 et 25 novembre 14h30 Conférences de l’UTL
Mardi 18 novembre 18h30 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « L’espace »
« La genèse de l’espace chez l’enfant » par Gérard Vergnaud
Lundi 24 novembre 17h Présentation de l’ouvrage « La laïcité, ce précieux concept » (Furet - Lille)
Collection Les Rendez-vous d’Archimède
Mardi 25 novembre 18h30 Rendez-vous d’Archimède / Vidéoconférence : Cycle « À propos de la science »
« Les ressources énergétiques et minérales en France, en Europe et dans le monde »
par Pierre Andrieux
Mercredi 26 nov. de 10h à 17h 3 ème Valse des livres
Les 2, 9 et 16 décembre 14h30 Conférences de l’UTL
Mardi 2 décembre 18h30 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « La guerre »
« Les métamorphoses de la guerre » par Pierre Hassner
Jeudi 4 décembre 18h30 Question de sens : Cycle « Chemins d’humanisation » « Sexualité, terre
d’aventure et de rencontre » avec Nadia Flicourt et Isabel De Penanster
Mardi 9 décembre 18h30 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « L’espace » « De la perspective à la
construction de l’espace » par Jean-Pierre Le Goff
Les 15, 16, 17 décembre 18h30 Atelier danse Butô - Cie Hanaarashi
Mardi 16 décembre 18h30 Rendez-vous d’Archimède : Cycle « À propos de la science »
« Le géosystème et la prose, vous connaissez ? » par Francis Meilliez
Espace Culture - Cité Scientifique 59655 Villeneuve d’Ascq
Du lundi au jeudi de 11h à 18h et le vendredi de 10h à 13h45
Tél : 03 20 43 69 09 - Fax : 03 20 43 69 59
www.univ-lille1.fr/culture - Mail : ustl-cult@univ-lille1.fr