les nouvelles d'Archimède #43 - Espace culture de l'université de ...

More documents

Recommendations

Info

LNA#49 / cycle l'espace 8 Kant que s’imposera une définition d’un espace homogène, antérieur à la matière qui l’habite et structuré par droites et plans immatériels comme autant de fibres et de feuilles. Une histoire de cet avènement de la perspective et de deux de ses nombreux rejetons conceptuels – espace et infini – doit éviter l’urgence de la rétrospection, d’autant plus qu’une lecture épistémologique des traces porte sur un « discours » par formes et par figures, illustrations ou productions plastiques – dessins, gravures, peintures, décors plafonnants, décors de théâtre, anamorphoses, etc. –, autant, voire plus, que sur l’écrit linéaire des traités de perspective, d’architecture ou de peinture. Si l’on veut donc reconstruire les fils de chaine, mais aussi de trame, d’une histoire revisitée de la perspective, il faut se poser plusieurs questions que ne manquent pas de soulever la lecture assidue des textes fondateurs ou didactiques, mais aussi, et surtout, la confrontation aux images, peintures et gravures, schémas de principe et dessins préparatoires, qui jalonnent une histoire mêlée de théories et de pratiques et que celle-ci donne à voir. Parmi ces questions, figurent au premier chef celles-ci, auxquelles nous avons eu l’heur de trouver des réponses ou des embryons de réflexion fondée sur l’analyse géométrique des textes et des figures : - comment la perspectiva antique et médiévale, faite d’optique géométrique et physiologique, a-t-elle pu accoucher d’une scientia perspectiva, science de la représentation ? Cette dernière, dite parfois artificialis, par opposition à une perspectiva naturalis, science de la vision, devenue science de la lumière et des causes des apparences, que l’on nommera bientôt systématiquement optica, et que l’on scindera en optique, catoptrique et dioptrique ; - comment est-on passé de la juxtaposition d’objets physiques, empiriquement et localement figurés, à la représentation du continuum (qui les englobe tous) ? - quelles sont les voies qui conduisent à la construction dite légitime, dès lors qu’elle s’accorde, selon Alberti, à tout ou partie de l’optique dite euclidienne, ou qu’elle sera validée more geometrico par Piero della Francesca ? Sont-elles théoriques Figure 2. – Planche de la Scenographiæ sive Perspectivæ de Hans Vredeman de Vries (Anvers, 1560), réimprimée, à de nombreuses reprises, sous des titres divers : Artis Perspectivæ (Anvers, 1568), Perspectiva (Leyde, 1604) et rééditée en français avec des corrections par Samuel Marolois : La Tres-Noble Perspective… inventée par Jean Vredeman Frison (Amsterdam, 1619), suivie de La Perspective de Samuel Marolois, samielois… Cette planche présente, d’après sa légende, divers solides (donnés pour être des parallélépipèdes rectangles) disposés de diverses manières ; l’auteur semble tenir pour acquis que tous ont toutes leurs arêtes fuyant sur l’horizon ; or, trois d’entre ces solides sont inclinés au regard du sol – et donc de l’horizon « naturel » – ; en conséquence, huit (en particulier les quatre plus longues) des douze arêtes de deux d’entre eux, non parallèles au tableau, devraient fuir en des points hors de l’horizon ; et, pour le solide incliné, situé le plus à droite de la figure, quatre (les plus longues) devraient fuir hors de l’horizon, tandis que les huit autres convergent vers le point de fuite central. Cette erreur, relevée par Marolois, sera corrigée dans son édition. Elle manifeste le fait que la question des points et des lignes de fuite n’est pas maîtrisée dans toute sa généralité au milieu du XVI ème siècle. ou théorisées a posteriori à partir de pratiques d’atelier ? Convergent-elles ? Ou s’opposent-elles un temps, avant que leur équivalence ne se manifeste ? Y a-t-il des pratiques ou des procédés, satisfaisants à l’œil, mais en contradiction avec les conséquences que l’on est en droit légitimement d’attendre d’eux (le cas de Peruzzi, puis de Raphaël et de Serlio sont, à cet égard, exemplaires) ? - l’irruption du point de fuite central et d’une construction légitime implique de facto l’existence d’une infinité de points et de lignes de fuite dans la théorie qui en découle. Mais qu’en est-il de l’apparition réelle, et surtout progressive puisqu’étalée sur deux siècles, des autres points de fuite, et de la prise de conscience de la multiplicité des « horizons » (fig. 2) ? À cet égard, l’illumination que le graveur Abraham Bosse doit à son maître Desargues, lorsqu’il s’exclame que « le perspectif est conforme au géométral », est significative à la fois d’un aboutissement et d’une première intuition de ce qu’est une transformation géométrique, dont Desargues exhibera l’invariant en étu- diant les coniques. Et c’est cela, sans doute, le paradoxe auquel est confronté l’historien : la compréhension de l’espace euclidien est passée par l’acceptation de ce qu’Euclide réfutait, sans pour autant pouvoir démontrer ce qu’il dût alors nommer son cinquième postulat : il y a intersection des lignes droites parallèles, dont on « voit bien », depuis que les peintres nous l’ont donné à voir, qu’elles se rencontrent ad infinitum. Juste retour des choses : sans géométrie projective, point de cadre pour les géométries non-euclidiennes ; mais ceci est une autre histoire. À voir sur le même sujet : Colloque Inventer l’espace (Octobre 2006 - Maison des Sciences de l’Homme : 54, Boulevard Raspail 75006 Paris) http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?id=862&ress=2797 &video=63234&format=22
Le géosystème et la prose, vous connaissez ? Lorsque j’ouvre un robinet d’eau chez moi, lorsque je rejette des eaux usées, j’interviens dans le fonctionnement du géosystème auquel je participe. Exactement comme Monsieur Jourdain, en 1670, découvrait qu’il faisait de la prose dès lors qu’il s’exprimait. À l’époque, ni son maître de philosophie, ni son maître d’armes ne lui ont révélé que, de surcroît, il participait à un géosystème. Eux, d’ailleurs, n’en étaient pas conscients non plus. Pourtant, ils n’étaient guère excusables : en tirant l’eau du puits, ils savaient que la ressource est localisée dans le sous-sol ; en jetant l’eau dans la cour, ils la voyaient s’écouler puis s’infiltrer peu à peu. Ils pouvaient donc accéder à l’expérience de la ressource puisée pour satisfaire un besoin d’êtres vivants puis, souillée par ceux-ci, s’en retourner au gisement en s’épurant par filtration. Oui mais, en 1670, notre connaissance des milieux naturels était encore bien pauvre, alors que la disponibilité des observations était plus facile qu’elle ne l’est aujourd’hui. Leuwenhoek n’avait pas encore mis au point son microscope et la seule observation d’êtres vivants invisibles par notre œil n’était même pas encore à portée d’intuition. Quant à démontrer la réalité de leur action, il faudrait attendre Pasteur, deux cents ans plus tard. Combien de malades et de morts a-t-il fallu pour établir une relation de cause à effet entre la proximité d’une eau putride et les affections issues de sa consommation ? Et pourtant, l’observation était à portée de regard, mais la méthode manquait. En 1670, la France ne comptait que vingt-cinq millions d’habitants environ. Et devenir sexagénaire n’était guère plus fréquent que devenir centenaire aujourd’hui. La faible densité de population n’imposait pas de construire n’importe quoi n’importe où, comme permet de le faire la technologie d’aujourd’hui. Les fonds de vallées, plats, étaient réservés au bétail qui pouvait paître en tranquillité… entre deux inondations. Sur les plateaux crayeux et limoneux (Artois, Ternois, Haut-Boulonnais, Cambrésis), les zones boisées le disputaient à la culture, sans engrais, sans pesticides, mais avec de faibles rendements. Les villages s’égrenaient le long des flancs de vallée, là où, l’été, les sources alimentaient les hommes et la rivière. Dans les plaines alluviales, argileuses, inondées chaque année, une eau souterraine de qualité était accessible à peu près partout, à faible profondeur, permettant la dispersion de l’habitat. La plus petite éminence de terrain, en relief de 1 à 2 m par rapport au voisinage, accueillait le logement. Une culture de quasi jardinage, enserrée entre forêt et zone inondable, mettait à profit les apports alluvionnaires annuels. Par cumul d’expérience au cycle à propos de la science / LNA#49 Par Francis MEILLIEZ Professeur de géologie, Université de Lille 1 En conférence le 16 décembre fil des générations, un réseau de ruisseaux artificiels (becques, rus, …) tentait de faciliter le drainage de l’eau en excès. Mais il ne serait venu à personne l’idée de réclamer contre le risque d’inondation, ou les effets destructeurs des alternances sécheresse/saturation… que d’ailleurs on ignorait. En 1670, l’ingénieur militaire Vauban savait déjà qu’en franchissant la barrière naturelle des collines d’Artois il découvrirait un pays déjà très habité, comptant de nombreuses zones humides et d’eau à faible circulation, favorisant la diffusion de fièvres qui affectaient les trop nombreuses troupes de passage. Il élaborait son pré carré, achevant la citadelle de Lille qu’il considérait comme « la fille aînée dans la fortification ». Il avait compris que l’orientation naturelle du réseau hydrographique, coulant vers le nord-est, permettait de progresser dans l’intérieur des terres avec des barques plates, mais gênait considérablement les déplacements transverses. Il entreprit alors la construction de liaisons transverses : le canal d’Aire, le canal de Neufossé, le canal reliant la Scarpe à la Deûle. Il mettait en place ainsi un ouvrage de régulation hydraulique d’importance régionale et une voie de communication transversale, totalement nouvelle. Aujourd’hui, ce tracé a été repris par le canal à grand gabarit qui relie Dunkerque à Bouchain, et qui sera partiellement emprunté par le lien Seine - Mer du Nord dans les prochaines années. Vauban observait un paysage et l’utilisait selon ses objectifs. Il a compris le fonctionnement de la partie superficielle de chaque géosystème qu’il visitait, mais sans en avoir la conscience que nous pouvons en avoir aujourd’hui. Admettre qu’aucun paysage n’est immuable et chercher à comprendre les mécanismes naturels qui le font évoluer n’étaient pas encore des questions pertinentes. Le problème d’aujourd’hui – et de l’avenir si nous ne tirons pas profit de l’analyse des expériences passées – est que nous avons créé, et que nous créons encore, des situations à risque pour l’individu à l’échelle de quelques années, et pour l’agglomération à l’échelle du siècle. Nos ouvrages de protection nous mettent à l’abri d’effets destructeurs mais nous font aussi perdre la conscience que ces effets sont des conséquences naturelles de dispositifs dont nous sommes les auteurs. Toutes nos constructions masquent une bonne part de ce qui était naturellement observable. Nos « lunettes » modernes améliorent la précision de notre capacité de vision, mais il semble que, corrélativement, elles en restreignent le champ. Il nous faut réapprendre à observer, apprendre la prose du géosystème. 9
Page 1 and 2: l e s n o u v e l l e s d ’ Archi
Page 3 and 4: L’espace 4-5 La genèse de l’es
Page 5 and 6: elativement complexes, qui témoign
Page 7: à la matière qui l’habite et l
Page 11 and 12: ce dernier, « la guerre n’est qu
Page 13 and 14: sède 100 chiffres, alors il est co
Page 15 and 16: mémoires de science : rubrique dir
Page 17 and 18: Politique, civilisation et religion
Page 19 and 20: de la société organisée comme Ge
Page 21 and 22: développement ultérieur. Il faut
Page 23 and 24: physique aux environs de 1900, alor
Page 25 and 26: un petit chien de Calabre. Le père
Page 27 and 28: ses appétits d’objets. La fictio
Page 29 and 30: Vue du site (projet). en fonction d
Page 31 and 32: questions de sciences sociales : ru
Page 33 and 34: pollution de l’air) et, dans les
Page 35 and 36: « Il n’y aura plus de livres, le
Page 37 and 38: Mardi 7 octobre 2008 18h : présent
Page 39 and 40: Hans Vredeman de Vries, planche de
Page 41 and 42: Rendez-vous d'archimède Octobre 20
Page 43 and 44: La suprématie de l’économie de
Page 45 and 46: Carte du Bassin Houiller du Nord pa
Page 47 and 48: Charles Pennequin, Jean-François P
Page 49 and 50: tragédie de tout un peuple, il tou
Page 51 and 52: Atelier Danse Butô Danser les tén

les nouvelles d'Archimède #43 - Espace culture de l'université de ...

Create successful ePaper yourself

Delete template?

Save as template?