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LNA#49 / jeux littéraires Mallarmé par Toffeur http://toffeur.canalblog.com 24 Roubaud plagié par Mallarmé Les poètes aiment à dire la chose, mais la nommer autrement ; n’appellent-ils prosodie la science qui s’occupe de versification, de métrique, d’accentuation, de mélodie ? Monsieur Jourdain s’y perdrait d’entendre le Maître de Philosophie enseigner que « la prosodie concerne tout ce qui n’est point prose mais vers ». François de Malherbe, le premier en France, édicte à la charnière du XVII e siècle des règles prosodiques stables. Chaque fois qu’ils écriront en vers, Molière et tous les autres s’y soumettront. Puis Théodore de Banville enrichit la discipline d’un p e t i t t r a i t é d e p o é s i e f r a nç a i s e dévolu à la seule pureté technique, ouvrage qui a trouvé lecteur assidu en Stéphane Mallarmé. L’auteur du Coup de dés, celui pour qui « la poésie doit être une rupture de toutes nos habitudes » 1 n’en souscrit pas moins aux préceptes de Malherbe et Banville. Les rares entorses mallarméennes obéissent à une nécessité supérieure, par exemple plagier par anticipation l’Oulipo : Voix étrangère au bosquet Ou par nul écho suivie, L’oiseau qu’on n’ouït jamais Une autre fois en la vie. C’est nous qui avons souligné les syllabes -quet et -mais. Scandale ces deux syllabes, car Malherbe et Banville exigent que les consonnes finales « riment »... y compris 1 Gaston Bachelard, Le droit de rêver, éd. PUF, 1970. & par anticipation par Robert Rapilly http://robert.rapilly.free.fr/ « On a touché au vers » (Stéphane Mallarmé, conférences à Oxford et Cambridge) muettes ! Parcourons nos classiques : aucun jusqu’Apollinaire ne déroge à cette survivance orthographique des prononciations révolues ; nul donc ne ferait rimer « bosquette » et « jamaisse », surtout pas Mallarmé hanté de perfection. Alors, pourquoi déroger soudain, et dans ce seul quatrain - le second de pe t i t a ir ii ? Reprenons la strophe d’un trait : « voix étrangère au bosquet ou par nul écho suivie, l’oiseau qu’on n’ouït jamais une autre fois en la vie ». C’est tout simple, quatre vers ne chantent rien d’autre que : voici la rime qui ne rime pas, celle que l’on n’a jamais entendue. Limpidité conjuguée de la forme et du fond ! À dessein vertigineux, Mallarmé souscrit au premier principe de Jacques Roubaud : « Un texte écrit suivant une contrainte parle de cette contrainte ». Et Paul Bénichou 2 , auditeur perspicace, perçoit ici « au lieu de multiples essais, un seul chant, décisif et fatal ». * Ve n d r e d i 10 o c t o b r e 2008 : Za Zi e Mo d e d’eM p l o i au pr at o Récrivons un poème d’osk a r pa r t i o r suivant 100 000 milliards de tours oulipiens et dans toutes les langues et dialectes de l’univers. Car à la rentrée, ZaZ i e Mo d e d’eMp l o i mettra à l’honneur le grand poète né en 1927, entré à l’Oulipo en 1992, couronné l’année de son décès du plus prestigieux prix littéraire allemand, le Georg-Büchner-Preis 2006. Musique de table. Tino est dans le jardin et voit une orange. Il dit qu’est-ce que c’est comme fleur. Il demande ce que c’est comme nuage. Le père dit qu’une fleur est une fleur. Tino prend l’orange et dit papa pèle-moi le nuage. Le père pèle la fleur et donne six tranches à Tino. Le père mange une tranche et dit qu’une tranche est une tranche. Tino mange. Il dit c’est une tranche de nuage elle a un goût de fleur. Il demande ce que c’est comme fleur. Le père dit qu’un nuage est un nuage et qu’une orange est une orange. Tino voit une limace. Le père voit 2 Selon Mallarmé, éd. Gallimard, 1995.
un petit chien de Calabre. Le père dit qu’est-ce que c’est que cette pluie dans le jardin. Il demande qu’est-ce que c’est que cette comète dans le jardin. Tino dit ce n’est pas une queue de comète dans le jardin c’est une orange avec deux cornes. Le père pèle l’orange et dit voici une tranche de pluie voici une tranche de neige et voici une tranche de patatras. Chouette dit Tino et il donne l’orange au ramoneur. (Extrait de Après l’est et l’ouest, Textuel, collection L’œil du poète, 2001, traduction Alain Jadot, version originale dans Höricht, Klaus Ramm, 1975). Multiples réécritures sur www.zazipo.net Et retrouvons-nous vendredi 10 octobre 2008, lors de la n u i t d e l’é c r i t au pr at o, pour décliner de 666 666 façons la s e x t i n e , manière poétique des troubadours qui passionna osk a r pa s t i o r ! Affiche exceptionnelle, lisez donc : - À 19 heures : ça s’a ppe l l e se x t i n e , lecture étincelante par Jacques ro u b a u d, Marcel bé n a b o u, Frédéric fo r t e , Paul fo u r n e l , Hervé le te l l i e r, Ian Mo n k et Olivier sa l o n. - De 20h30 à minuit dans tout l’espace du pr at o (salle de spectacle, coulisses, bar, jardin…) : cabaret, soupe, lectures de Gilles de f a c q u e et Parviz la k, ateliers d’écriture avec les Oulipiens, de bande dessinée avec Étienne lé c r o a r t, peinture par Claude ch au ta r d, chorale par Martin Gr a n G e r, etc. - Le lendemain, ateliers d’écriture et de bande dessinée à la Médiathèque de Moulins. Renseignements, réservations, contributions, etc. encore sur www.zazipo.net jeux littéraires / LNA#49 Opé r a s-m i n u t e d e Fr é dé r ic FO r t e Ce qu’invente fr é d é r i c fo r t e , cadet de l’OuLiPo, est promis à devenir classique. Ses opé r a s-M i n u t e (Théâtre typographique, 2005) annoncent un potentiel incalculable d’écriture, de dessin, de calligraphie… On y trouve à lire, à compter et conter, entendre et chanter, toucher, mesurer. fo r t e apporte une réponse inusitée à l’injonction sibylline des Poésies II d’Isidore Ducasse : « La poésie doit être faite par tous », où « tous » désigne non d’abord l’humanité mais « les phénomènes de l’âme ». Chaque page, divisée en scène et coulisse, accomplit l’exploit d’inventer une forme poétique inédite. Et nous tous, machinistes complices du haut du grill, sommes poètes en même temps. 25
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