p. 5 Ã p.8 - copie - Historisches Institut
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Thomas Späth 165<br />
reconnaît pas l’exceptionnalité comme une valeur positive, en revanche, on<br />
obtient la réputation par une exceptionnelle conformité aux normes. Si donc<br />
Pline, par la publication de ses lettres, érige un monument à sa propre personne,<br />
il ne peut le faire qu’en construisant l’image d’un homme en accord avec les<br />
attentes sociales.<br />
Il y a, certes, de nombreuses raisons de supposer des différences et même des<br />
contradictions entre l’auteur Pline en tant que personnage historique qui écrit,<br />
relit et publie ses lettres et la figure littéraire de l’épistolier « Pline » créée par la<br />
collection épistolaire 1 . Ces contradictions étaient et sont toujours un problème<br />
pour l’exploitation événementielle des Lettres comme source historique ; en effet,<br />
la question de la chronologie des lettres et celle de la datation des étapes de la<br />
carrière de Pline ont occupé les historiens depuis Mommsen 2 . Ces contradictions<br />
n’ont aucune importance, en revanche, pour la question qui nous occupe ici :<br />
celle des normes sociales et de leur mise en pratique. Pline publie ses Lettres en<br />
s’imaginant un « lecteur implicite » 3 qu’il veut convaincre de la qualité morale de<br />
la figure littéraire de l’épistolier présenté dans son recueil ; il présente donc une<br />
orthopraxis, c’est-à-dire des actions et attitudes supposées trouver l’approbation et<br />
même l’adoration de son public, un public qu’il s’imagine très probablement<br />
constitué par ses pairs, par le champ social de l’aristocratie sénatoriale et équestre<br />
dont sont également issus les destinataires de ses lettres 4 .<br />
Ces réflexions m’amènent à lire l’œuvre épistolaire de Pline par rapport à<br />
un comportement normatif : nous n’y lisons pas les normes elle-mêmes<br />
régissant la vie aristocratique, mais bien les pratiques décrites pour laisser une<br />
image exemplaire de la figure littéraire « Pline » ainsi créée. Or la mise en série<br />
de cette orthopraxis permet d’établir des régularités indiquant l’orthodoxie, c’està-dire<br />
les règles normatives dont les pratiques décrites d’un quotidien<br />
aristocratique sont la concrétisation.<br />
Le quotidien d’un aristocrate selon les Lettres<br />
Une lecture orientée sur les activités évoquées dans les neuf livres des Lettres<br />
peut être résumée en distinguant cinq domaines d’occupations dont se compose<br />
le quotidien de la figure « idéaltypique » de l’aristocrate Pline.<br />
1. Cf. F. BEUTEL, Vergangenheit, p. 150-156 ; J. RADICKE, « Der öffentliche Privatbrief als “kommunizierte<br />
Kommunikation” (Plin. Epist. 4,28) », dans L. CASTAGNA,E.LEFÈVRE (éd.), Plinius der Jüngere und seine<br />
Zeit, Munich, 2003, p. 23-34, ici p. 23-25.<br />
2. Cf. le commentaire bibliographique dans E. AUBRION, Correspondance, p. 306-311.<br />
3. Sur ce concept développé notamment par Wolfgang Iser dans le cadre d’une esthétique de la réception,<br />
cf. W. ISER, Der Akt des Lesens. Theorie ästhetischer Wirkung, Munich, 1994 4 (1 ère éd. 1976), p. 37-86 ;<br />
S.R. SULEIMAN, I.C.WIMMERS, The Reader in the Text. Essays on Audience and Interpretation, Princeton,<br />
1980 ; mais cf. la réévaluation critique du concept par A. NÜNNING, « Renaissance eines<br />
anthropomorphisierten Passepartouts oder Nachruf auf ein literarisch-kritisches Phänomen ? », Deutsche<br />
Vierteljahresschrift für Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte, 67, 1993, p. 1-25.<br />
4. Cf. F. BEUTEL, Vergangenheit, p. 171-173 ; J. RADICKE, Privatbrief, p. 32 s.