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A retenir :<br />
Jugement du tribunal correctionnel de Bruxelles<br />
du 28 avril 2003<br />
Graver des CD personnels sur son disque dur et télécharger des fichiers musicaux sur Internet<br />
afin de se créer un répertoire et de le mettre à la disposition d’autres internautes constitue un<br />
délit de contrefaçon et une atteinte au droit d’auteur sur un programme d’ordinateur. Par<br />
conséquent, son auteur s’expose à des sanctions pénales.<br />
Références :<br />
Corr. Bruxelles, 28 avril 2003.<br />
Mots-Clés :<br />
Droit d’auteur – Partage de fichiers musicaux – Délit de contrefaçon – Atteinte au droit<br />
d’auteur sur un programme d’ordinateur – Suspension du prononcé<br />
Sommaire :<br />
Le fait de constituer et de mettre à la disposition d’internautes des fichiers musicaux au format<br />
MP3 à partir de CD originaux et à partir d’un téléchargement de musique au départ de sites<br />
pirates sur Internet s’analyse comme une atteinte au droit d’auteur et partant, est constitutif<br />
d’une infraction pénalement répréhensible.<br />
Analyse de la décision :<br />
Parties :<br />
- Ministère Public<br />
- SABAM 1 , partie civile<br />
- ASBL IFPI BELGIUM Industrie Phonographique 2 , partie civile<br />
Contre<br />
X., prévenu<br />
Résumé des faits<br />
Monsieur X., amateur de musique et d’informatique, s’était constitué un répertoire de fichiers<br />
musicaux sur son ordinateur d’une part, en comprimant des CD qu’il possédait au format MP3<br />
et d’autre part, en téléchargeant des chansons à partir de sites sur Internet.<br />
1<br />
Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs qui a pour objet la perception, la répartition,<br />
l’administration et la gestion de tous les droits d’auteur en Belgique.<br />
2 Fédération internationale de l’industrie phonographique qui a pour mission la lutte contre le piratage musical, la<br />
promotion d’un accès raisonnable au marché ou encore l’obtention de lois adéquates sur les droits d’auteur.<br />
1
Ensuite, il avait mis à la disposition d’internautes 3533 fichiers musicaux au format MP3 à<br />
partir d’un serveur FTP qu’il avait configuré par ses soins.<br />
Demandes et arguments des parties<br />
Le Ministère Public requiert que soient établies les deux préventions qu’il invoque. D’une<br />
part, il retient un délit de contrefaçon pour avoir créé des fichiers MP3 et gravé des copies de<br />
logiciels ou de morceaux de musique sur 29 CD au préjudice de nombreux auteurs et<br />
interprètes 3 . D’autre part, il relève que le prévenu a porté atteinte au droit d’auteur sur un<br />
programme d’ordinateur 4 en gravant sur des CD des copies de compilation de logiciels<br />
informatiques Twilight, c’est-à-dire des copies mises à disposition par des pirates non<br />
identifiés.<br />
La SABAM, ayant porté plainte contre Monsieur X. et s’étant constitué partie civile devant le<br />
juge pénal, réclame la réparation du préjudice subi par les auteurs et interprètes qu’elle<br />
représente.<br />
L’ASBL IFPI BELGIUM, quant à elle, postule l’indemnisation du dommage causé aux<br />
producteurs de phonogrammes et des distributeurs.<br />
Monsieur X. sollicite, pour sa part, la suspension simple du prononcé de la condamnation.<br />
Décision du juge<br />
- Quant à l’action publique<br />
Le juge déclare établie les préventions mises à charge de Monsieur X., à savoir le délit de<br />
contrefaçon et l’atteinte au droit d’auteur sur un programme d’ordinateur. Toutefois, il<br />
ordonne la suspension simple du prononcé de la condamnation pendant trois ans.<br />
En outre, il le condamne au paiement d’une indemnité de vingt-cinq euros au titre de frais de<br />
correspondance 5 ainsi qu’aux frais de l’action publique.<br />
Enfin, il prononce la confiscation du matériel informatique de Monsieur X. qui a servi à<br />
commettre les infractions pénales.<br />
- Quant aux demandes des parties civiles<br />
D’une part, le juge déclare la demande de la SABAM recevable et fondée. En conséquence, il<br />
condamne le prévenu à verser à la SABAM un euro à titre provisionnel sur un dommage non<br />
évalué.<br />
D’autre part, le tribunal réserve à statuer sur la demande formulée par l’ASBL IFPI<br />
BELGIUM puisque cet aspect de l’affaire n’était pas en état d’être jugé.<br />
3 De façon plus précise, il s’agit d’une infraction aux articles 80 et 81 de la loi du 30 juin 1994 sur le droit<br />
d’auteur<br />
4 Il s’agit d’une infraction aux articles 2, 10 et 11 de la loi du 30 juin 1994 transposant en droit belge la directive<br />
européenne du 14 mai 1991 concernant la protection juridique des programmes d’ordinateur.<br />
5 Cette indemnité est prescrite par l’article 91, alinéa 2, de l’Arrêté royal du 28 décembre 1950.<br />
2
<strong>Commentaires</strong> et explications<br />
Bien que reconnaissant établies les préventions à charge de Monsieur X., le juge pénal fait<br />
preuve d’une certaine clémence à son égard. En effet, malgré sa culpabilité, le tribunal ne<br />
condamne le prévenu à aucun emprisonnement ni au payement d’une amende pénale puisqu’il<br />
lui accorde la suspension simple du prononcé de la condamnation. Pour justifier sa décision,<br />
le juge a tenu compte non seulement de l’absence d’antécédents dans le chef de Monsieur X.<br />
mais aussi de la possibilité d’amendement et du souci de ne pas entraver son avenir<br />
professionnel par une condamnation.<br />
Nous sommes enclins à estimer que le tribunal correctionnel de Bruxelles a rendu une<br />
décision raisonnable et ceci pour deux raisons.<br />
D’une part, il ne pouvait que conclure à la culpabilité du prévenu car les faits correspondaient<br />
à la réalisation d’infractions pénales. En d’autres termes, il est dans la logique des choses que<br />
les atteintes aux droits d’auteurs commises par Monsieur X. soient reconnues sur le plan pénal<br />
dans la mesure où la loi elle-même érige de telles entraves en faits pénalement répréhensibles.<br />
D’autre part, le juge a eu raison, selon nous, de ne pas appliquer de peine à Monsieur X. En<br />
effet, le juge pénal est là pour sanctionner des comportements qui sont socialement<br />
inacceptables au regard de la loi. Néanmoins, il conserve un pouvoir d’appréciation qui lui<br />
permet d’appliquer ou non la peine que mérite l’infraction. En l’espèce, nous pensons que le<br />
prévenu a eu un comportement socialement inacceptable. Il nous semble intéressant de<br />
développer ce point vu qu’une grande partie de la société pourrait se retrouver à la place de<br />
Monsieur X.<br />
En effet, tout un chacun peut, avec une facilité déconcertante, télécharger de la musique à<br />
partir de l’Internet pour se constituer des CD ou les placer sur un lecteur MP3. Le jugement<br />
est l’occasion de rappeler les règles relatives au comportement permis et ceux non permis au<br />
regard de la loi sur les droits d’auteur. Nous voudrions dès lors mettre en garde les citoyens à<br />
l’égard d’une tentation à laquelle il pourrait succomber. Ainsi, télécharger de la musique au<br />
départ de sites payants est une opération qui peut manifestement être perçue comme licite. En<br />
revanche, surfer sur des sites qui ne vous demanderont aucune rémunération pour le<br />
téléchargement que vous auriez effectué nous paraît suspect, c’est-à-dire que le concepteur du<br />
site a sûrement commis une atteinte aux droits d’auteur. Lorsque vous téléchargez des fichiers<br />
musicaux à partir de tels sites, vous attentez vraisemblablement aux droits d’auteur. A fortiori,<br />
nous ne pouvons que fortement déconseiller de créer, comme le prévenu en l’espèce, un site<br />
afin de permettre l’échange de fichiers musicaux<br />
Quoi qu’il en soit, l’Internet est sans doute une des innovations majeures de la dernière<br />
décennie mais qui doit toutefois être manié avec une certaine prudence, tant son utilisation<br />
peut nous tenter d’adopter des comportements illicites. Souvenons-nous que la copie d’œuvre<br />
musicale n’est permise que si elle est réalisée au départ de sites licites (c’est-à-dire qui<br />
respectent les droits des auteurs) et accomplie dans un but d’ordre privé et personnel.<br />
Enfin, nous devons rappeler que le jugement commenté s’est essentiellement focalisé sur le<br />
volet pénal de l’affaire. Il faut cependant préciser que ce même tribunal a statué sur l’aspect<br />
civil, c’est-à-dire sur la question de l’indemnisation des parties civiles (SABAM et IFPI<br />
BELGIUM), dans un jugement rendu le 25 octobre 2004.<br />
3
Pour en savoir plus…<br />
- http://www.auvoleur.be/<br />
- http://www.sabam.be/<br />
- http://www.ifpi.be/<br />
Commentaire réalisé par le CRID, sous la coordination de Romain Marchetti.<br />
4