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Les valeurs de la musique - Observatoire de la Musique - Cité de la ...

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I – Dévaluations ?<br />

Avec une valeur économique marginale proche ou égale à zéro,<br />

une banalisation <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s d’écoute musicale d’ambiance, une<br />

mise en cause <strong>de</strong>s légitimités c<strong>la</strong>ssiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>musique</strong>, n’assistet-on<br />

pas à une gran<strong>de</strong> dévaluation <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>musique</strong> explicative <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> crise <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>musique</strong> enregistrée ?<br />

été conçues originellement pour être enregistrées par <strong>de</strong>s interprètes<br />

sur disque. Enfin, c’est le cas <strong>de</strong>s <strong>musique</strong>s les plus<br />

récentes conçues cette fois-ci pour l’enregistrement, comme les<br />

<strong>musique</strong>s électroacoustiques ou électroniques, <strong>musique</strong>s pratiquées<br />

très <strong>la</strong>rgement par les amateurs.<br />

Toutes les <strong>musique</strong>s <strong>de</strong>viennent finalement <strong>de</strong>s objets culturels<br />

indépendamment <strong>de</strong> leurs origines. Cette pratique d’écoute<br />

essentiellement culturelle se fait peut-être au détriment d’une<br />

dimension symbolique, celle <strong>de</strong> l’écoute praticienne, même si<br />

celle-ci peut être re<strong>la</strong>ncée justement par les nouveaux supports<br />

numériques, les nouvelles interfaces <strong>de</strong>s ordinateurs.<br />

Vincent TIFFON<br />

Musicologue, université Lille III, directeur <strong>de</strong> <strong>la</strong> revue Demeter<br />

L’apparition <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>musique</strong> numérique s’inscrit dans un changement<br />

<strong>de</strong> paradigme technologique au XIX e siècle : l’invention <strong>de</strong><br />

l’enregistrement. Cette révolution technologique produit une mutation<br />

<strong>de</strong> l’écoute : le passage d’une écoute instrumentée par l’œil<br />

à une écoute à l’aveugle. Ainsi, avec l’enregistrement sonore,<br />

nous passons d’une écoute visuelle (<strong>la</strong> lecture <strong>de</strong> <strong>la</strong> partition du<br />

« répertoire savant », le regard lors <strong>de</strong>s concerts) à une écoute<br />

dite « acousmatique » : écoute concentrée sur le sonore, indépendamment<br />

du visuel, comme déconnectée <strong>de</strong> son origine causale.<br />

Cette situation prévaut <strong>la</strong>rgement aujourd’hui sur les autres<br />

pratiques. Certes, <strong>la</strong> fréquentation <strong>de</strong>s concerts n’a jamais été<br />

aussi forte, mais, statistiquement, l’écoute via le haut-parleur, le<br />

ba<strong>la</strong><strong>de</strong>ur ou toute autre forme d’écoute simi<strong>la</strong>ire est <strong>de</strong>venue le<br />

mo<strong>de</strong> prioritaire d’écoute.<br />

Il en résulte un nivellement : toutes les <strong>musique</strong>s, y compris celles<br />

qui n’ont pas été conçues pour ce médium numérique, sont écoutées<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> même manière. C’est le cas du chant grégorien, qui est<br />

en réalité une pratique cultuelle et non pas une <strong>musique</strong> <strong>de</strong> type<br />

culturel. C’est le cas également <strong>de</strong>s <strong>musique</strong>s extra-européennes<br />

lorsqu’elles sont écoutées sous forme d’enregistrement. C’est<br />

encore le cas <strong>de</strong>s <strong>musique</strong>s dites <strong>de</strong> « tradition savante », c’està-dire<br />

<strong>de</strong>s <strong>musique</strong>s écrites, dont il faut rappeler qu’elles n’ont pas<br />

Vincent ROUZÉ<br />

Sociologue, université Paris VIII<br />

La technique en prenant une p<strong>la</strong>ce importante a permis à <strong>la</strong><br />

<strong>musique</strong> <strong>de</strong> s’affranchir <strong>de</strong> ses contraintes spatiales et temporelles.<br />

On peut noter différentes étapes <strong>de</strong>puis les années 1930<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> diffusion <strong>de</strong> <strong>musique</strong> dans les lieux publics. Pour l’essentiel,<br />

on est passé <strong>de</strong> <strong>la</strong> Background music (<strong>musique</strong> <strong>de</strong> fond), faite <strong>de</strong><br />

réenregistrements <strong>de</strong> standards, au concept <strong>de</strong> Foreground dans<br />

les années 1970 où l’on prenait en compte <strong>de</strong>s <strong>musique</strong>s enregistrées<br />

existantes sans les retoucher en les adaptant au lieu dans<br />

lequel elles al<strong>la</strong>ient être diffusées.<br />

À présent, on parvient au concept <strong>de</strong> Branding, c’est-à-dire l’utilisation<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>musique</strong> afin <strong>de</strong> personnaliser, <strong>de</strong> créer l’i<strong>de</strong>ntité d’un<br />

produit ou d’un lieu.<br />

Le paradoxe, c’est que ces <strong>musique</strong>s sont diffusées pour ne pas<br />

attirer l’attention, voire ne pas être écoutées. Des stratégies différentes<br />

sont adaptées en fonction <strong>de</strong>s lieux, à savoir <strong>de</strong>s programmations<br />

assez généralistes dans <strong>de</strong>s lieux « grand public ou<br />

public <strong>de</strong> masse » – supermarchés, gares – et <strong>de</strong>s programmations<br />

plus spécifiques diffusées dans <strong>de</strong>s lieux spécialisés.<br />

Une autre caractéristique tient à <strong>la</strong> répétition <strong>de</strong> <strong>la</strong> diffusion. Pour<br />

<strong>de</strong>s raisons techniques, on est passé <strong>de</strong> <strong>la</strong> cassette aux CD, avec<br />

<strong>de</strong>s programmations <strong>de</strong> 4 heures et <strong>de</strong> 8 heures ou davantage,<br />

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