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TECHNIQUE ANGLAISE POUR CONFEDERES SUDISTES

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L’APPORT <strong>TECHNIQUE</strong> ET SCIENTIFIQUE<br />

DE LA GRANDE-BRETAGNE<br />

À LA CONFÉDÉRATION SUDISTE<br />

Serge Noirsain<br />

Portrait de Matthew Fontaine Maury par Ella Sophonisba Hergesheimer.<br />

Dessin du général confédéré Gabriel J. Rains, chef du Bureau des Submersibles.<br />

(Museum of the Confederacy, Richmond VA)<br />

Importation de pièces d’ordonnance pour la marine<br />

Au début de la guerre, l’acquisition de matériel pour la marine confédérée incombe<br />

au commander James D. Bulloch. Dans plusieurs de nos articles, notamment ceux qui<br />

traitent des navires confédérés bâtis ou achetés en France et en Grande-Bretagne<br />

(http://www.noirsain.net/articles.php), nous avons suffisamment évoqué la carrière et<br />

les accomplissements de cet officier en Europe pour qu’il ne soit pas nécessaire de<br />

revenir sur ce sujet. Théoriquement, Stephen Mallory, le ministre de la Marine<br />

confédérée, est seul habilité à refuser ou à approuver l’acquisition de canons de marine<br />

à l’étranger. Il est évident que cette compétence, il l’assume après avoir écouté les avis<br />

d’officiers qualitifiés en la matière. En mars 1863, Mallory charge le commander John<br />

M. Brooke de prendre seul toutes les décisions relatives aux choix et aux<br />

caractéristiques des pièces marines à acquérir à l’étranger. Plusieurs raisons ont incité<br />

Mallory à porter son choix sur cet officier : il a créé un nouveau type de canons rayé,<br />

spécifiquement confédéré, et ses compétences en matière d’ordonnance surpassent<br />

celles de tous ses confrères confédérés, civils et militaires.<br />

En matière d’artillerie embarquée, le choix du ministre de la Marine puis de Brooke<br />

se porte sur quatre modèles de canons rayés britanniques : les Blakely, Whitworth, Clay


2<br />

et Armstrong. En 1860, ce dernier modèle est usiné soit avec un tube rayé, soit avec un<br />

tube lisse et dans une large gamme de calibres (de 6 à 600 pounders). Comme<br />

l’ordonnance navale britannique utilise ces pièces sur ses bâtiments de guerre, leur<br />

exportation est en principe prohibée. Au cours de la guerre, les agents confédérés en<br />

Grande-Bretagne réussissent néanmoins à s’en procurer quelques-uns, mais en petit<br />

nombre et vraisemblablement à l’issue de nombreux « dessous de table » 1 .<br />

Au fil du conflit, Brooke comprend qu’il lui faut déléguer ses prérogatives en termes<br />

d’achat de pièces de marine à l’étranger car le courrier entre l’Europe et les ports<br />

rebelles prend un temps considérable et requiert les services d’intermédiaires aux<br />

Caraïbes et le recours aux lignes postales britanniques. (Voir notre article L’odyssée du<br />

courrier entre l’Europe et la Confédération : http://www.noirsain.net/articles/courriereurope-sudiste.pdf).<br />

Le lieutenant William H. Murdaugh appartiet à cette catégorie<br />

d’officiers dont l’histoire se souvient peu en dépit de leur efficacité à l’étranger.<br />

Commander John M. Brooke.<br />

Michael Quinn (chapeau) à Londres avec quelques officiers du CSS Shenandoah.<br />

(U.S. Naval Historical Center Photograph)<br />

En janvier 1864, sur recommandation du commander Brooke, le ministre de la<br />

Marine envoie Murdaugh en Angleterre pour y assister Bulloch. Ce dernier se souvient<br />

avec chaleur de la symbiose qui, dès le départ, imprègne leurs relations :<br />

« Le lieutenant William H. Murdaugh est l’un des officiers qui ont été envoyés<br />

en Europe pour y commander les cuirassés que nous espérions lancer sur les mers.<br />

En plus de sa compétence et de son expérience dans le domaine de l’ordonnance, il<br />

possédait le tact, le discernement et la sûreté de soi qui s’avèrent nécessaire pour<br />

mener à bien les opérations qui exigent de la discrétion. Il vérifia et certifia<br />

conformes tous nos articles d’ordonnance. Il effectua magistralement cette tâche,<br />

sortit ce matériel de sa manufacture et l’achemina jusqu’à ses ports<br />

d’embarquement sans susciter la moindre curiosité embarrassante. Au cours de<br />

l’exercice de ses fonctions, Murdaugh me cotoya en permanence, je désirais lui<br />

confier des missions plus importantes, mais la guerre prit fin avant que mûrisse<br />

l’entreprise dans laquelle il joua un rôle majeur 2 . »<br />

1 Tucker S., Confederate Naval Ordnance, in « Journal of Confederate History », vol. 4, 1990. p. 144.<br />

2 Official Records of the Union and Confederate Navies (O.R.N.), II-2, pp. 728-30 ; Navy History Division, Navy<br />

Department, Civil War Naval Chronology, vol. VI, pp. 240, 266, 273. Government Printing Office ; Bulloch J.D.,


3<br />

L’ingénieur en chef William P. Williamson occupe la première place dans la<br />

hiérarchie navale confédérée depuis le début du conflit. Comme l’ingénieur Michael<br />

Quinn le suit de près dans la hiérarchie de ce service, le ministre Mallory le charge, en<br />

janvier 1864, de présider la commission devant laquelle les assistants ingénieurs passent<br />

leurs examens de promotion. Afin d’accroître et d’améliorer, dans le Sud, la fabrication<br />

de tous les composantes mécaniques d’un navire à vapeur, Mallory l’envoie en<br />

Angleterre pour y acquérir l’outillage et les matériaux qui leur font défaut. Dès son<br />

arrivée, en novembre 1864, Quinn procède à l’inspection du matériel dont Bulloch a<br />

passé commande. Sa mission commence beaucoup trop tard car les pièces qu’il examine<br />

ou dont il discute la mise au point avec les techniciens britanniques n’arrivèrent jamais<br />

dans la Confédération ou n’y furent pas utilisées 3 .<br />

Importation de matériel pyrotechnique et de chaloupes-torpilles<br />

Matthew F. Maury (1806-1873) est le seul scientifique sudiste dont la renommée<br />

laissa une empreinte. Maury s’engage dans la marine à l’âge de dix-neuf ans. Il est<br />

promu lieutenant en 1836 mais, en 1842, un accident de diligence le rend définitivement<br />

inapte au service en mer. À l’issue de sa longue guérison, il est affecté à la<br />

surintendance de l’Office hydrographique de la marine fédérale. En 1855, il publie sa<br />

Géographie physique de la mer. L’ouvrage est traduit dans toutes les langues<br />

européennes et acquiert rapidement une renommée internationale. Maury est également<br />

le premier scientifique à avoir organisé un symposium international sur la météorologie.<br />

L’événement a lieu à Bruxelles avec la collaboration de personnalités scientifiques de<br />

toutes les nations occidentales.<br />

En 1861, il démissionne lorsque son État natal, le Tennesse, fait sécession et il offre<br />

ses services à la jeune marine confédérée dans laquelle il est immédiatement promu<br />

commander, le grade qui autorise un officier à commander un navire de haut bord. Au<br />

début de la guerre, il dirige l’Office of Special Service avec l’aide et la compétence du<br />

général Gabriel J. Rains et du lieutenant de marine Hunter Davidson. Dès le départ, leur<br />

mission consiste à élaborer et à améliorer les mines marines et terrestres que les<br />

Rebelles mettent en service dès 1862. Jusqu’à son envoi en Angleterre, Maury ne se<br />

préoccupe que du perfectionnement de ses mines marines et de son Bureau des<br />

Submersibles. Avant le début des hostilités, la causticité de son caractère et l’acidité de<br />

ses propos vis-à-vis de ses collègues et de ses supérieurs lui valent quelques solides<br />

inimitiés. Or, par un curieux tour de l’histoire, lui-même et ceux qui le décrièrent le plus<br />

violemment se retrouvent dans le même camp à l’aube du conflit : Jefferson Davis,<br />

Judah P. Benjamin, Stephen R. Mallory et les officiers de marine Samuel Barron,<br />

Richard L. Page et même William L. Maury, un lointain cousin.<br />

Pour se débarrasser de cet officier qui a un avis sur tout et sur tout le monde - mais<br />

pas toujours à tort - le ministre Mallory essaye de l’envoyer à Cuba pour une mission de<br />

routine. Maury a néanmoins conservé quelques solides amis politiques qui défont<br />

aisément la toile que tisse le ministre confédéré pour se débarrasser de lui et surtout de<br />

ses critiques. À la fin de l’été 1862, le Congrès confédéré crée un comité chargé de<br />

superviser la gestion administrative du ministère de la Marine. Lorsqu’il apprend que<br />

Secret Services of the Confederate States in Europe, vol. II, pp. 217, 243, 268 ; Wells, Confederate Navy, A Study in<br />

Organization, pp. 108, 128. University od Alabama Press, 1971.<br />

3 O.R.N. II-2, pp. 582, 771, 790 : Wells, op. cit., pp. 108, 128.


4<br />

Maury est pressenti pour siéger au sein de ce comité, Mallory renâcle et, pour l’éloigner<br />

définitivement, l’investit d’une mission secrète en Europe, qui consiste à solliciter le<br />

savoir faire britannique pour améliorer les mines marines rebelles et en inventer de plus<br />

performantes. Ses instructions, telles que Mallory les lui formule, n’apparaissent sur<br />

aucun document connu. On en trouve cependant des traces dans deux notes, la première<br />

destinée à Bulloch, Mallory dit notamment :<br />

« Le commander Maury est envoyé en Europe pour une mission spéciale ; vous<br />

lui fournirez les fonds nécessaires à ses dépenses et à son salaire. »<br />

Dans la seconde, du 10 décembre 1862, James Mason, le commissionnaires de la<br />

Confédération à Londres, écrit au ministre confédéré Judah Benjamin :<br />

« Le commander Maury est arrivé ici. Le ministre de la Marine l’a autorisé à<br />

utiliser nos obligations sur le coton s’il le jugeait nécessaire pour réaliser les projets<br />

que le gouvernement lui a confiés. »<br />

Le jour même de son débarquement à Liverpool, le 23 novembre 1862, Maury se<br />

présente chez Fraser & Trenholm où il rencontre Bulloch pour la première fois. Il est<br />

probable que c’est grâce à celui-ci que Maury prend sur-le-champ en location un<br />

appartement de trois pièces dans Sackville Street. L’humilité et la discrétion n’étant pas<br />

les vertus premières de la plupart des agents confédérés en Europe, Maury s’est à peine<br />

installé dans ce meublé qu’y défilent diverses personnalités de la politique, de la marine<br />

et des milieux scientifiques, en substance ceux qui ont assisté à son symposium de<br />

Bruxelles en 1853.<br />

La notoriété de Maury et les relations qu’il a nouées à Londres avant la guerre lui<br />

ouvrent les portes de laboratoires modernes et lui valent l’assistance de scientifiques<br />

chevronnés. Les facilités que lui accordent les Britanniques ne sont évidemment pas<br />

désintéressées car ils manifestent un vif intérêt sur le conditionnement et les effets des<br />

mines marines et terrestres confédérées. Vers la mi-1864, Maury fait parvenir à<br />

Richmond le fruit de ses récentes recherches, notamment la mise au point d’un<br />

détonateur électrique très en avance pour l’époque. En août et en octobre de la même<br />

année, il fait remettre à un forceur de blocus des Bahamas un lot de pièces détachées<br />

essentielles à la fabrication de ses nouvelles mines.<br />

Maury et Bulloch conjuguent également leurs efforts dans le domaine de la<br />

recherche. Assez tôt dans le conflit, les Confédérés conçoivent l’ancêtre de nos<br />

torpilleurs, le David, une chaloupe en bois complètement couverte qui émerge à peine<br />

de la surface des eaux. Elle mesure une quizaine de mètres sur deux de large et deux de<br />

profondeur. Sa propulsion est assurée par une hélice actionnée par une petite machine à<br />

vapeur. Son armement consiste en une mine fixée à l’extrémité d’un espar prolongeant<br />

son étrave. Le préposé au fonctionnement de cette mine en commande mécaniquement<br />

l’explosion lorsqu’elle entre en contact avec les œuvres vives d’un vaisseau ennemi. Les<br />

Davids coulèrent quelques bâtiments de léger tonnage et en endommagèrent de plus<br />

gros. Le concept est nouveau pour l’époque et, si les Confédérés avaient eu les moyens<br />

de les perfectionner et d’en lancer davantage, les Davids auraient été une force amphibie<br />

avec laquelle les escadres fluviales nordistes auraient eu à compter 4 .<br />

4 Perry M.F., Infernal Machines, pp. 81-4, 87-89. LSU Press, 1965 ; Scharf J.Y., History of the Confederate<br />

Navy, vol. 2, pp. 758-62. New York, 1887.


5<br />

Quelques modèles de Davids, endommagés ou non, récupérés par l’armée fédérale<br />

(National Archives)


6<br />

Tandis que Maury peaufine des détonateurs de plus en plus performants dans l’une<br />

ou l’autre entreprise britannique, Bulloch suit de près l’assemblage, en Grande-<br />

Bretagne, de Davids plus solides, plus rapides et plus maniables. Dans le même temps,<br />

il se démène pour expédier dans le Sud les pièces des engins à vapeur destinés aux<br />

chaloupes qui sont en cours de construction dans le chantier naval de Rockett’s près de<br />

Richmond. Dès que la fonderie George & James Thompson de Glasgow lui livre<br />

l’équipement de douze Davids avec leur machine et leurs accessoires, Bulloch répartit<br />

ce matériel sur trois forceur de blocus en partance pour Wilmington. L’un de ses aides,<br />

le lieutenant de marine William F. Carter, assure le suivi du contrat et, entre août et<br />

septembre 1864, il fait livrer à Wilmington quatre paires supplémentaires de matériel<br />

analogue avec leurs pièces de rechange.<br />

Le 18 juin 1864, Bulloch avait commandé la construction de six nouveaux types de<br />

Davids en acier léger, mais la négligence de l’ingénierie rebelle perturbe leur livraison.<br />

Le lieutenant William A. Graves a dessiné le plan de leur coque et l’ingénieur en chef<br />

William P. Williamson celui de sa machinerie et de son emplacement. Faute de<br />

concertation, le plan du premier ne s’inscrit pas dans dans celui du second. La fin des<br />

hostilités les empêche de revoir leur copie. D’après les plans de Graves et de<br />

Williamson, ce nouveau modèle de chaloupe-torpille aurait mesuré 15 mètres de long<br />

avec un creux de 2,80 mètres et un tirant d’environ un mètre. Il devait filer quinze


7<br />

nœuds avec cinq hommes à la manœuvre. La capacité explosive de leur torpille aurait<br />

été de 40 à 100 livres de poudre selon les cas.<br />

Fin 1864, sur base du plan du lieutenant confédéré Joseph Fry, les constructeurs<br />

britanniques J. & W. Dudgeon bâtissent un autre concept de semi-submersible :<br />

18 mètres de long sur 3,70 mètres au barrot avec un creux de 2,13 mètres. Sa propulsion<br />

aurait été assurée par une machine à vapeur actionnant une paire d’hélices. Pour<br />

diminuer la vulnérabilité de ce craft, il aurait été équipé d’un système d’adduction et<br />

d’expusion d’eau (le principe du ballast) afin d’abaisser son pont au ras de la surface<br />

des eaux. Les Confédérés en commandèrent six qu’ils ne reçurent pas ou n’eurent<br />

jamais le temps d’utiliser 5 .<br />

Le site du navy yard de Rockett’s à Richmond, pendant la guerre. (Library of Congress)<br />

Le lieutenant Joseph Fry. (http://www.historyofcuba.com)<br />

Quand, le 2 mai 1865, Maury s’embarque pour le Texas avec du matériel sophistiqué<br />

évalué à près de 40 000 dollars, il n’a pas encore appris la chute de Richmond, la<br />

reddition de l’armée de R.E. Lee, la totale débandade des autres armées confédérées et<br />

la fuite de ce qui reste du gouvernement confédéré. Il compte se servir de ses nouvelles<br />

inventions pour rouvrir le port de Wilmington (Caroline du Nord) aux forceurs de<br />

blocus et démontrer à l’Europe la capacité des Rebelles à assurer seul leur<br />

indépendance.<br />

C’est en débarquant au port de St. Thomas, dans les Iles Vierges britanniques, qu’on<br />

l’informe de la liquéfaction de sa jeune nation. Maury ne se résigne pas car il n’entend<br />

pas poursuivre ses activités pour le compte des Républicains nordistes. Il emporte son<br />

matériel à bord d’un autre steamer qui le débarque à Matamoros au Mexique puis il se<br />

rend à Mexico pour offrir ses services à l’empereur Maximilien. Le matériel de Maury<br />

disparaît au cours de la débâcle qui suit le départ des troupes françaises et la prise de<br />

Querétaro par les forces juaristes. Heureusement, avant de s’embarquer pour les<br />

Antilles, Maury a vendu ses plans et leurs applications à un certain Nathaniel J. Holmes<br />

de Londres, qui les a conservés 6 .<br />

5 U.S. Navy Department - Office of the Chief of Naval Operations - Naval History Division, Dictionary of<br />

American Fighting Ships, annexe v : Torpedo launches, vol. 2, Washington D.C., 1959-91 ; Lester R.I., Confederate<br />

Finance and Purchasing in Great Britain, p. 113. Charlottesville, VA, 1975 ; Navy History Division, op. cit., vol. 6,<br />

p. 187 ; Fry K., Some Aspects of Confederate Shipbuilding in Great Britain and France, pp. 60, 63, in « Magazine of<br />

the Confederate Historical Society of Great Britain ».<br />

6 Perry, op. cit., pp. 191-2 ; Coski, Capital Navy, pp. 121-4. Campbell, California 1996 ; Bulloch, op. cit., vol. 2,<br />

p. 270.


8<br />

Recrutement de lithographes<br />

(The Ficklin Family in America,<br />

de W.H. Ficklin)<br />

En août 1862, le ministre confédéré des Finances<br />

charge Benjamin Ficklin de gagner la Grande-<br />

Bretagne pour y recruter des imprimeurs et y<br />

acheter tous les accessoires indispensables à la<br />

pratique de leur métier car ces articles sont devenus<br />

introuvables dans la Confédération. Ficklin se<br />

procure ce qui lui faut auprès de la compagnie<br />

Thomas De la Rue à Londres et persuade même<br />

vingt-six graveurs et lithographes écossais de le<br />

suivre à Richmond après leur avoir fait miroiter de<br />

vertigineux avantages pécuniaires. Tous ces<br />

hommes et leur outillage prennent place sur le<br />

forceur de blocus R.E. Lee dont c’est le premier<br />

voyage, en novembre 1862.<br />

Recrutement de métallurgistes<br />

Plutôt que de paraphraser Bulloch dans cette affaire, laissons-lui l’exposer dans ses<br />

détails 7 .<br />

« Le manque de main-d’œuvre spécialisée était un problème auquel se<br />

heurtaient sans cesse les ministères de la Guerre et de la Marine et ils firent<br />

beaucoup d’efforts pour en engager à l’étranger. Le 11 avril 1863, le ministre de la<br />

Marine m’adressa une lettre urgente à ce sujet et me pria de lui envoyer des<br />

techniciens et, si possible, un chef d’entreprise capable de diriger la production<br />

d’acier Bessemer. C’était très difficile de trouver des hommes qui accepteraient le<br />

risque d’un voyage vers la Confédération (…) Seuls des hommes compétents<br />

pourraient nous être utiles et cela aurait été à la fois malhonnête et malvenu de leur<br />

cacher les risques de ce qui leur était proposé (…) Ce fut donc nécessaire de les<br />

séduire par de substantiels émoluments et ces arrangements prirent un certain<br />

temps (…) Considérant les hauts salaires dont ils bénéficiaient chez eux, je me<br />

trouvais confronté à des difficultés imprévues dans la réalisation de mon projet.<br />

« Je compris d’abord qu’il était impossible d’inciter à s’expatrier, un homme<br />

capable de produire de l’acier Bessemer. En effet, les dirigeants des Cyclops Steel<br />

& Iron Works me convainquit que les principaux obstacles à l’implantation d’une<br />

aciérie Bessemer étaient insurmontables dans la situation où se trouvaient les États<br />

confédérés (…) J’engageai néanmoins un certain Thomas Ludlam qui était<br />

contremaître aux Low Moor Iron Works et je le chargeai de rassembler une équipe<br />

d’habiles techniciens et de les regrouper sous sa direction afin d’embarquer dans le<br />

premier paquebot en partance pour le Sud. M. Ludlam avait la compétence voulue<br />

pour gérer une fonderie de n’importe quel type, pour en choisir le site, en dessiner<br />

les plans et superviser l’érection de ses bâtiments ainsi que l’installation de ses<br />

machines. Il lui était également possible de fabriquer les outils utilisés<br />

habituellement dans de telles entreprises et il connaissait parfaitement le<br />

fonctionnement du marteau à vapeur.<br />

7 Bulloch, op. cit., pp. 230-32.


9<br />

« Il emmena avec lui trois chefs d’équipe, trois spécialistes du moulage des<br />

grosses pièces d’artillerie, trois modeleurs (…) ainsi qu’un homme à tout faire<br />

comme on en trouve dans chaque fonderie, capable de forger un fer à cheval aussi<br />

bien aussi bien que de réparer une quelconque machine.<br />

« M. Ludlam et son groupe quittèrent ensemble l’Angleterre, mais ils se<br />

séparèrent aux Bermudes parce qu’ils ne trouvèrent pas tous place dans le même<br />

forceur de blocus. Néanmoins, ils arrivèrent à destination et se montrèrent à la<br />

hauteur de leurs engagements. Toutefois, considérant les difficultés locales dues à<br />

la pression de la guerre, il leur fut impossible de créer de nouvelles fonderies ou<br />

même d’agrandir celles où leurs hautes compétences furent mises à profit. »<br />

Importation de produits chimiques, de métaux, d’outils et de<br />

machines-outils<br />

De 1861 à décembre 1864, plus de mille tonnes de salpètre ; 1,5 tonne de chlorate de<br />

potassium ; 1 350 tonnes de nitrate de potassium ; près de mille tonnes de fer en lingots<br />

(soit 40% de la production confédérée) ; 20 tonnes de feuilles de cuivre ; environ<br />

7 tonnes d’acier et 1 200 caisses de feuilles d’étain auraient réapprovisionné les<br />

fonderies, les armureries et autres auteliers métallurgiques sudistes. Il est impossible,<br />

même approximativement, de supputer les quantités de plomb, de zinc et de fer<br />

importées par les forceurs de blocus. La nomenclature de ce qui entra à Charleston et à<br />

Wilmington en six semaines (entre le 25 octobre et le 7 décembre 1864) peut en donner<br />

une idée : 150 paquets de feuilles de plomb ; 5 caisses de fer en feuilles ; 5 caisses de<br />

lingots de fer - 29 caisses d’acier - 29 caisses de zinc - 8 caisses d’étain en lingots - 110<br />

caisses de feuilles d’étain - 4 caisses de boulons, vis et rivets en cuivre - 20 barils<br />

d’huile de graissage. De septembre 1861 à février 1863, le service de l’Ordonnance<br />

reçoit près d’une centaine de sets britanniques comprenant chacun l’outillage complet<br />

de selliers, d’armuriers et de maréchaux-ferrants 8 .<br />

Les uniformes et l’équipement des Confédérés ressortissent à une étude spécifique<br />

dont nous avons déjà tenté de résumer les grandes tendances dans les article Confection<br />

des uniformes confédérés (http://www.noirsain.net/articles/confection_uniformes.pdf) et Les<br />

grolles de guerre des Confédérés (http://www.noirsain.net/articles/grolles.pdf). Rappelons<br />

seulement qu’en 1864, Alexander Lawton, le chef du Bureau des Fournitures, envoie<br />

tardivement des agents à l’étranger pour y acheter les machines-outils qui auraient pu<br />

accélérer la fournitures de brodequins militaires, d’articles de sellerie et de buffleterie.<br />

8 Diamond W., Import of the Confederate Government from Europe and Mexico, in « Journal of Southern<br />

History », vol. 6, n°4, 1940 ; Wise S.R., Lifeline of the Confederacy, Blockade Running during the Civil War,<br />

University of South Carolina Press, 1988.

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