29.04.2014 Views

P oussière de lune - Numilog

P oussière de lune - Numilog

P oussière de lune - Numilog

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Photo <strong>de</strong> couverture<br />

© André Vidic - 22 juin 2005<br />

Club « La Gran<strong>de</strong> Ourse » - 57100 Veymerange<br />

« Pleine <strong>lune</strong> du solstice d’été, la plus basse<br />

<strong>de</strong> l’année sur l’horizon thionvillois. »


POUSSIERE DE LUNE


Du même auteur :<br />

LA COULEUR DES ANGES – Roman<br />

Editions Publibook, Paris, 2002


Robert DOUAULT<br />

POUSSIERE DE LUNE<br />

Pensées, Textes et Nouvelles<br />

<strong>Numilog</strong>


© Robert Douault, 2006<br />

Mise en page réalisée par Robert Douault.<br />

Ce texte est protégé par les lois et traités internationaux<br />

relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est<br />

strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage<br />

personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque<br />

procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait<br />

passible <strong>de</strong>s sanctions prévues par les textes susvisés et<br />

notamment le co<strong>de</strong> français <strong>de</strong> la propriété intellectuelle et<br />

les conventions internationales en vigueur sur la protection<br />

<strong>de</strong>s droits d’auteur.<br />

Dialoguez avec l’auteur et retrouvez cet ouvrage sur le site :<br />

http://www.robert-douault.com


« Un doigt pointe vers la <strong>lune</strong>,<br />

tant pis pour ceux qui regar<strong>de</strong>nt le doigt. »<br />

Proverbe Chinois


SOMMAIRE<br />

Pensées<br />

92 pensées<br />

Textes<br />

La chrysali<strong>de</strong><br />

Les lamentations <strong>de</strong> Lord Ruthwen<br />

Missive pour une petite ombre<br />

Porte-plume<br />

Le double co<strong>de</strong><br />

Poussière <strong>de</strong> <strong>lune</strong><br />

American Solitu<strong>de</strong><br />

A nos amours passées<br />

Les torpilles <strong>de</strong> l’U-Boat<br />

T’embrasser sous la pluie<br />

Révérence épistolaire<br />

Nouvelles<br />

Bon anniversaire<br />

L’espoir du vagabond<br />

Une poupée dans la boue<br />

La belle <strong>de</strong> Dormans<br />

Clinique-confi<strong>de</strong>nce<br />

Le projet E.V.A.<br />

Remerciements


PENSEES


Pensée n° 1<br />

Un poète est une personne qui a la faculté <strong>de</strong><br />

mettre <strong>de</strong>s mots sur ses émotions.<br />

Pensée n° 2<br />

L’homme a <strong>de</strong>s envies qui font naître ses<br />

sentiments, alors que la femme à <strong>de</strong>s sentiments<br />

qui font naître ses envies.<br />

Pensée n° 3<br />

Vouloir analyser une œuvre avec un regard savant<br />

revient à justifier sa carence émotive.<br />

Pensée n° 4<br />

Il est tout aussi préjudiciable d’abuser <strong>de</strong> ses<br />

vertus que <strong>de</strong> s’évertuer <strong>de</strong> ses abus.<br />

Pensée n° 5<br />

Algèbre philosophique : Si le mensonge d’un<br />

mensonge est une vérité alors la vérité d’une<br />

vérité cache un mensonge.<br />

- 13 -


Pensée n° 6<br />

Certains disent que Mozart était un génie, d’autres<br />

qu’il était fou. En fait, tout dépend <strong>de</strong> qui<br />

l’écoute !<br />

Pensée n° 7<br />

J’admire rarement ceux qui prononcent <strong>de</strong>s<br />

citations à la moindre occasion, car au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

leur évi<strong>de</strong>nte mémoire, apparaît leur terrible<br />

inconsistance.<br />

Pensée n° 8<br />

La musique classique agonise parce que les<br />

hommes complexent encore face au talent <strong>de</strong>s<br />

compositeurs passés.<br />

Pensée n° 9<br />

L’abominable différence se ressent, lorsqu’au<br />

travers <strong>de</strong> nos propos, nous nous sentons<br />

supérieur à l’autre.<br />

- 14 -


Pensée n° 10<br />

Jean-Louis Murat est un homme <strong>de</strong> talent dont la<br />

subtilité lyrique a su embellir l’écrin <strong>de</strong> sa<br />

désinvolture.<br />

Pensée n° 11<br />

J’appréhen<strong>de</strong> toujours <strong>de</strong> faire la connaissance <strong>de</strong>s<br />

gens que j’admire le plus… Exception faite, bien<br />

sûr, pour Mozart et Gérard Philipe.<br />

Pensée n° 12<br />

L’œuvre sociale s’arrête ou commence la<br />

légalisation <strong>de</strong>s sans-papiers.<br />

Pensée n° 13<br />

Viva Europa : Si vous citez la marque « Lotus »<br />

à un Anglais, il vous emmènera chez un<br />

concessionnaire automobile <strong>de</strong> prestige ; un Belge<br />

vous fera déguster les délicieux biscuits<br />

Spéculoos. Mais si vous citez la même marque à<br />

un Français, il vous offrira <strong>de</strong>s couches-culottes et<br />

du papier toilette.<br />

- 15 -


Pensée n° 14<br />

Le BASIC est le langage <strong>de</strong> programmation le<br />

plus fantastique au mon<strong>de</strong> car il a la vertu <strong>de</strong><br />

laisser croire aux débutants qu’ils sont déjà <strong>de</strong>s<br />

experts.<br />

Pensée n° 15<br />

« La beauté du diable » n’est pas un titre<br />

antinomique, mais c’est parce que l’homme<br />

l’entend souvent comme une contradiction, qu’il<br />

se laisse séduire par sa tentation.<br />

Pensée n° 16<br />

Le Press-Book flatte la vanité <strong>de</strong>s anonymes et<br />

provoque la nostalgie <strong>de</strong> ceux qui ne le sont plus.<br />

Pensée n° 17<br />

La véritable intelligence ne vient pas <strong>de</strong> l’esprit<br />

mais du cœur. C’est ce qui différencie l’œuvre <strong>de</strong><br />

Napoléon à celle <strong>de</strong> l’Abbé Pierre.<br />

- 16 -


Pensée n° 18<br />

Il paraît qu’Internet décuple l’envie <strong>de</strong><br />

communiquer ! Mais cela doit uniquement<br />

concerner les relations virtuelles, car on oublie<br />

toujours <strong>de</strong> dire bonjour aux voisins et <strong>de</strong> tenir la<br />

porte à la vieille dame.<br />

Pensée n° 19<br />

La règle du jeu : Prenez <strong>de</strong>s anarchistes virulents<br />

et abandonnez-les sur une île déserte. Après une<br />

année d’isolement, ils auront immanquablement<br />

reconstitué les lois du système qu’ils<br />

condamnaient jadis… Mais en pire !<br />

Pensée n° 20<br />

La mer nous trahit plusieurs fois par jour pour un<br />

ailleurs puis revient à nous, en silence, sans<br />

jamais justifier son absence.<br />

Pensée n° 21<br />

Les pseudo-intellectuels ont plus <strong>de</strong> qualité <strong>de</strong><br />

cœur que d’intelligence. Dommage qu’ils soient<br />

persuadés du contraire.<br />

- 17 -


Pensée n° 22<br />

Dans les entreprises actuelles, on ne dit plus<br />

qu’un salarié est un subordonné, mais que c’est un<br />

collaborateur. C’est exactement la même chose,<br />

mais dit <strong>de</strong> façon plus flatteuse.<br />

Pensée n° 23<br />

Quelques artistes cherchent leur muse, en vain.<br />

Pour les autres, c’est le vin qui les amuse.<br />

Pensée n° 24<br />

Etre parent exige <strong>de</strong> se souvenir constamment <strong>de</strong><br />

la nuance qu’il existe entre autorité et<br />

autoritarisme.<br />

Pensée n° 25<br />

L’imagination va dans le bon sens lorsqu’elle<br />

mène à la création.<br />

- 18 -


Pensée n° 26<br />

La Télé-Mania est la maladie incurable <strong>de</strong> ceux<br />

qui n’ont pas divorcé.<br />

Pensée n° 27<br />

Les V.I.P., jadis élégantes et merveilleuses,<br />

<strong>de</strong>viennent, en vieillissant, <strong>de</strong> vieilles pies<br />

arrogantes et capricieuses.<br />

Pensée n° 28<br />

Si vous enten<strong>de</strong>z une personne dénigrer un artiste<br />

qu’elle prétend connaître, <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z-lui comment<br />

souhaiterait-elle qu’il l’a qualifie, lui, qui ne se<br />

souvient assurément pas d’elle.<br />

Pensée n° 29<br />

La guerre Syndico-Patronale est <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce<br />

vouée à l’échec car la pérennité du premier<br />

dépend <strong>de</strong> l’existence du <strong>de</strong>uxième.<br />

- 19 -


Pensée n° 30<br />

A entendre le reproche : « Ne croyez pas, mais<br />

soyez sûr ! », je préfère comprendre : « Doutez<br />

parfois, mais croyez dur ! ».<br />

Pensée n° 31<br />

J’aime le sapin car sa senteur est fraîche et<br />

délicate. Sa ru<strong>de</strong>sse montagnar<strong>de</strong> lui donne la<br />

force <strong>de</strong> résister aux climats les plus ru<strong>de</strong>s, alors<br />

que la tendresse <strong>de</strong> son cœur fait toute sa vertu.<br />

Et, que cela n’en déplaise aux fossoyeurs, pour<br />

toutes ses raisons, je trouve ce bois d’une gran<strong>de</strong><br />

noblesse.<br />

Pensée n° 32<br />

Les regrets sont <strong>de</strong>s fruits verts qui ont pourri trop<br />

vite.<br />

Pensée n° 33<br />

Soyez indulgents envers celui qui se raille d’une<br />

personne en difficulté car sa méchanceté est, dans<br />

le meilleur <strong>de</strong>s cas, le fruit d’une puérile<br />

ignorance et, dans le pire, d’une incurable bêtise.<br />

- 20 -


Pensée n° 34<br />

Nicolas Hulot restera le plus grand défenseur <strong>de</strong> la<br />

terre tant qu’il résistera à l’attrait <strong>de</strong> la politique.<br />

Pensée n° 35<br />

L’extraordinaire volonté <strong>de</strong>s autodidactes est le<br />

fruit d’une alchimie complexe qui porte en elle<br />

toutes les espérances <strong>de</strong> l’homme.<br />

Pensée n° 36<br />

Je dis souvent que j’aime la musique lorsqu’elle<br />

est « Andante » tout comme j’aime les pâtes<br />

lorsqu’elles sont « Al Dente ». Car, même s’il n’y<br />

a que <strong>de</strong>ux lettres qui différencient ces<br />

qualificatifs, ils révèlent, à eux seuls, la richesse<br />

musicale et gastronomique <strong>de</strong> l’Italie.<br />

Pensée n° 37<br />

Je préfère affirmer qu’un meurtrier a pris la vie <strong>de</strong><br />

sa victime que d’affirmer qu’il lui a donné la<br />

mort… Question <strong>de</strong> bon sens !<br />

- 21 -


Pensée n° 38<br />

Les cigarettes mentholées sont pour les adultes, ce<br />

que sont les bonbons acidulés pour les enfants ;<br />

un mensonge ou une mauvaise farce.<br />

Pensée n° 39<br />

Si jadis, un tribunal m’avait <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> jurer sur<br />

la Bible, j’aurais refusé, rappelant aux magistrats<br />

qu’ils représentent la justice <strong>de</strong>s hommes et non<br />

celle <strong>de</strong> Dieu. J’aurais certainement payé mon<br />

insolence sur un bûcher avec l’absolution d’un<br />

prêtre.<br />

Pensée n° 40<br />

A chacun sa vérité : J’aime penser qu’un « pilote<br />

d’impression » est un aviateur qui donne<br />

constamment son point <strong>de</strong> vue.<br />

Pensée n° 41<br />

Tel le tambour du Roi, je suis celui qui avance et<br />

meurt pour une gran<strong>de</strong> cause, avant même les<br />

premiers coups <strong>de</strong> canon.<br />

- 22 -


Pensée n° 42<br />

Délirium-Très-Mince : Mais « QUELLE »<br />

concurrence « REDOUTE » les « 3 SUISSES » ?<br />

Tout <strong>de</strong> même pas la « BLANCHE PORTE » <strong>de</strong><br />

la « MAISON DE VALERIE » ?<br />

Pensée n° 43<br />

Une étu<strong>de</strong> sans réalisation est un projet. Une<br />

réalisation sans étu<strong>de</strong> reste une ébauche.<br />

Pensée n° 44<br />

Il est amusant <strong>de</strong> penser que le vol d’un téléphone<br />

cellulaire puisse conduire en prison.<br />

Pensée n° 45<br />

Le livre « Le Principe <strong>de</strong> Peter » est l’ouvrage le<br />

plus actuel que j’ai lu sur la critique du système<br />

hiérarchique <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s entreprises. C’est<br />

d’autant plus inquiétant, qu’il a été publié pour la<br />

première fois aux Etats-Unis en 1969.<br />

- 23 -


Pensée n° 46<br />

Derrière le pas éclairé <strong>de</strong> chaque artiste, glisse<br />

l’ombre furtive <strong>de</strong> son Pygmalion.<br />

Pensée n° 47<br />

Madame, puisque vous me dites que la profon<strong>de</strong>ur<br />

<strong>de</strong> l’âme est un abysse sans fond, un seul regard<br />

<strong>de</strong> vous me suffira.<br />

Pensée n° 48<br />

Le dimanche matin, la télévision transforme les<br />

Catholiques en cathodique et les Homo sapiens en<br />

Homo zappiens.<br />

Pensée n° 49<br />

Lors d’un repas, une personne homophobe posa la<br />

question suivante ; « Y a-t’il une corrélation entre<br />

l’intelligence et les préférences sexuelles ? ». Je<br />

lui ai répondu : « Je l’ignore, mais jusqu’à<br />

présent, je n’ai jamais eu à répondre à un<br />

homosexuel complètement idiot ! ».<br />

- 24 -


Pensée n° 50<br />

Parti pris : Au début <strong>de</strong>s années quatre vingt-dix,<br />

époque lointaine où je manifestais <strong>de</strong> longues<br />

heures sur le parvis <strong>de</strong> la gare Montparnasse, aux<br />

côtés d’une association d’étudiants en mé<strong>de</strong>cine,<br />

un passant m’aborda pour me témoigner son<br />

indignation. Il me hurla dans les oreilles qu’il<br />

valait mieux militer pour la défense <strong>de</strong>s enfants<br />

maltraités que pour dénoncer la vivisection<br />

pratiquée dans les laboratoires. A cela, je lui ai<br />

<strong>de</strong>mandé ce qu’il faisait pour ai<strong>de</strong>r la noble cause<br />

qu’il semblait soutenir. L’homme très gêné resta<br />

bouche bée puis disparu brusquement dans la<br />

foule. Ce jour-là, cette attitu<strong>de</strong> malheureusement<br />

trop fréquente m’a redonné la force <strong>de</strong> clamer<br />

haut et fort mon aversion pour la torture animale.<br />

Pensée n° 51<br />

On entend souvent dire qu’il ne faut pas faire <strong>de</strong><br />

généralité, sitôt que l’on parle d’une évi<strong>de</strong>nce.<br />

Moi, je persiste à penser qu’il existe quelques<br />

exceptions qui se distinguent volontiers d’une<br />

généralité.<br />

- 25 -


Pensée n° 52<br />

En 1977, Franco Zeffirelli a déclaré que l’un <strong>de</strong>s<br />

rôles les plus durs à interpréter était celui <strong>de</strong><br />

Jésus. Quelques années plus tard, Francis Ford<br />

Coppola a révélé la même difficulté quant à<br />

l’interprétation <strong>de</strong> Dracula. Ces <strong>de</strong>ux confessions<br />

tenteraient-elles à prouver que, dans l’art comme<br />

dans la vie, les racines du bien et du mal finissent<br />

souvent par se confondre ?<br />

Pensée n° 53<br />

Bon nombre d’artistes font le choix d’un<br />

pseudonyme, qui leur permet, non pas <strong>de</strong> se<br />

dissimuler <strong>de</strong>rrière une i<strong>de</strong>ntité factice, mais<br />

d'explorer l’une <strong>de</strong>s formes multiples <strong>de</strong> leur<br />

personnalité.<br />

Pensée n° 54<br />

Paradoxal Lover : Il y a <strong>de</strong>s hommes qui<br />

préten<strong>de</strong>nt aimer les femmes sans jamais les<br />

comprendre et <strong>de</strong>s femmes qui abusent volontiers<br />

<strong>de</strong>s hommes qu’elles méprisent.<br />

- 26 -


Pensée n° 55<br />

La Bretagne résonne en moi, m’inspire et<br />

m’aspire telle une essence profon<strong>de</strong> et subtile qui<br />

m’envoûte parfois, m’entraînant dans une spirale<br />

affective et intuitive, m'enchaînant à cette terre<br />

lointaine, comme un éternel expatrié qui cherche<br />

en vain son univers nourricier.<br />

Pensée n° 56<br />

Lorsque j’ai découvert, dans un vieux<br />

documentaire télévisé, les interprétations <strong>de</strong><br />

Jaqueline du Pré au violoncelle, j’ai été<br />

bouleversé par l’extraordinaire authenticité <strong>de</strong><br />

cette femme. L’innocence <strong>de</strong> son regard et sa<br />

profon<strong>de</strong> humilité resteront, pour moi, la preuve<br />

ultime que le plus précieux talent peut aller <strong>de</strong><br />

pair avec la plus gran<strong>de</strong> valeur humaine… la<br />

mo<strong>de</strong>stie.<br />

Pensée n° 57<br />

Les personnes jalouses justifient toujours leur<br />

abominable attitu<strong>de</strong> comme étant la résultante<br />

d’un pieux sentiment. Mais rassurez-vous, elles<br />

n’y croient pas elles-mêmes.<br />

- 27 -


Pensée n° 58<br />

Depuis quelques années, le pourboire grossit plus<br />

souvent la caisse <strong>de</strong>s patrons qu’il ne désaltère la<br />

gorge <strong>de</strong>s employés.<br />

Pensée n° 59<br />

Ma passion pour l’écriture est le fruit d’un mo<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> vie purement émotionnel ; celui d’un voyage<br />

intérieur sans fin.<br />

Pensée n° 60<br />

Les gens aigris méprisent ceux qu’ils ne peuvent<br />

aimer.<br />

Pensée n° 61<br />

La société mo<strong>de</strong>rne condamne les rêves, mais<br />

libre à nous <strong>de</strong> lui prouver que les nôtres ne sont<br />

aucunement futiles.<br />

- 28 -


Pensée n° 62<br />

Réincarnation : Autrefois, étais-je drui<strong>de</strong> ou<br />

mendiant ? Je l’ignore ! Preuve que la réponse est<br />

plus sûre que la question.<br />

Pensée n° 63<br />

Plus rare que l’or et le diamant, il y a la pierre <strong>de</strong><br />

<strong>lune</strong>. Car, quoi <strong>de</strong> plus précieux que ce petit<br />

caillou sans éclat que l’homme est allé chercher si<br />

loin, dans le froid sidéral, au péril <strong>de</strong> sa vie.<br />

Pensée n° 64<br />

Un luthier m’a appris que le violon à une âme. En<br />

y réfléchissant bien, je pense même qu’il en a<br />

<strong>de</strong>ux !<br />

Pensée n° 65<br />

Bad Evolution : La femme a définitivement<br />

prouvé qu’elle pouvait être l’égal <strong>de</strong> l’homme, le<br />

jour où une jeune militaire américaine, basée en<br />

Irak, a photographié les hommes qu’elle<br />

humiliait !<br />

- 29 -


Pensée n° 66<br />

Il n’y a que trois façons <strong>de</strong> démystifier la mort ;<br />

l’appréhen<strong>de</strong>r <strong>de</strong> façon cynique, clinique, ou<br />

mystique.<br />

Pensée n° 67<br />

Avoir une femme aussi merveilleuse que toi me<br />

confirme, si besoin était, <strong>de</strong> l’existence <strong>de</strong> Dieu.<br />

Pensée n° 68<br />

Notre pouvoir créatif nous révèle une infime<br />

partie <strong>de</strong> notre richesse intérieure tout en<br />

occultant à jamais sa source profon<strong>de</strong>.<br />

Pensée n° 69<br />

L’art condamne systématiquement nos doutes tout<br />

en ignorant délibérément nos sacrifices.<br />

Pensée n° 70<br />

En toute logique, une double prestidigitation est<br />

un tour <strong>de</strong> magie qui tourne mal.<br />

- 30 -


Pensée n° 71<br />

Les montres Cartier n’ont <strong>de</strong> populaire que le<br />

nom.<br />

Pensée n° 72<br />

Si vous me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z si je suis A.T., je vous<br />

répondrai « A moitié ! » et si vous me <strong>de</strong>man<strong>de</strong>z<br />

si je suis athée, je vous répondrai, « Pas du<br />

tout ! ».<br />

Pensée n° 73<br />

L’erreur serait <strong>de</strong> vouloir écrire un texte en guise<br />

<strong>de</strong> message personnel car il est rare que les gens<br />

concernés le comprennent en premier.<br />

Pensée n° 74<br />

Toi, que quelques personnes osent regar<strong>de</strong>r <strong>de</strong><br />

haut, sache que je n’ose penser à la petitesse <strong>de</strong><br />

celles qui te dépassent.<br />

- 31 -


Pensée n° 75<br />

En lisant le livre « Le violon intérieur » <strong>de</strong><br />

Dominique Hoppenot, j’ai découvert un ouvrage<br />

d’une gran<strong>de</strong> richesse, qui dépasse volontiers<br />

l’enseignement musical traditionnel pour effleurer<br />

parfois, la finesse <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s œuvres<br />

philosophiques.<br />

Pensée n° 76<br />

Le taxi parisien est le pousse-pousse <strong>de</strong>s<br />

banlieusards.<br />

Pensée n° 77<br />

Il est heureux que l’art ne doive pas ses œuvres à<br />

ceux qui proclament que « le temps est argent »<br />

car nous aurions eu comme seul héritage, <strong>de</strong>s<br />

sculptures <strong>de</strong> plâtre et <strong>de</strong>s cathédrales en cartonpâte<br />

!<br />

Pensée n° 78<br />

Défendre les causes perdues <strong>de</strong>vient vite mon<br />

combat à la seule condition ou l’intérêt n’en<br />

<strong>de</strong>vienne pas la raison.<br />

- 32 -


Pensée n° 79<br />

François Bayrou est un homme qui possè<strong>de</strong> une<br />

intelligence sensée et réfléchie, représentant<br />

parfaitement la maturité politicienne. C’est un<br />

homme sincère dans ses fon<strong>de</strong>ments et raisonné<br />

dans ses propos. Universel, il l’est par ses idées,<br />

dépassant les querelles <strong>de</strong> partis et les piètres<br />

profits pour fusionner avec l’histoire, outrepassant<br />

aisément le temps présent pour atteindre<br />

assurément la postérité.<br />

Pensée n° 80<br />

Rencontre positive : J’ai eu le privilège d’être<br />

présenté à Italo Primus, grand conseiller lorrain en<br />

communication, lors d’un salon Messin. Après<br />

une longue discussion sur les écrivains célèbres<br />

du siècle passé, cet homme m’a <strong>de</strong>mandé :<br />

« Pensez-vous qu’il serait utile à un artiste <strong>de</strong><br />

consulter un spécialiste afin qu’il saisisse l’origine<br />

<strong>de</strong> son inspiration ? » Ce à quoi je lui ai répondu :<br />

« Ren<strong>de</strong>z-vous compte, si l’on avait fait une<br />

psychanalyse à Mozart, Poe, ou Van Gogh, les<br />

libérant à jamais <strong>de</strong> leurs complexes, frustrations<br />

et autres maux… Quelle perte inconsolable pour<br />

le grand art ! ».<br />

- 33 -


Pensée n° 81<br />

La nouvelle est au genre littéraire ce que le courtmétrage<br />

est au cinéma. Non pas un style réducteur<br />

réservé aux novices, mais bien un art complet et<br />

intransigeant, repoussant constamment les<br />

performances <strong>de</strong> l’auteur aux limites <strong>de</strong> son talent.<br />

Pensée n° 82<br />

Lorsque l’homme oubli les traces guerrières <strong>de</strong><br />

son héritage, enterrant un court instant son orgueil<br />

dominant pour laisser apparaître sa sensibilité, sa<br />

raison d’être scintille <strong>de</strong>vant nous comme une<br />

étoile qui brille dans le néant.<br />

Pensée n° 83<br />

Séparation : Murmure-lui que tu l’aimes plutôt<br />

que <strong>de</strong> lui hurler ta peine. Elle te verra sans haine,<br />

te regar<strong>de</strong>ra autrement ; un peu comme avant.<br />

Alors tu verras son cœur fondre dans les larmes<br />

<strong>de</strong> ses yeux lorsque tu poseras un bouquet <strong>de</strong><br />

roses sur ses vœux. Le miracle <strong>de</strong> l’amour renaîtra<br />

entre vous et l’histoire la plus belle se vivra<br />

<strong>de</strong>vant nous.<br />

- 34 -


Pensée n° 84<br />

L’agriculture biologique est un concept mo<strong>de</strong>rne<br />

qui désigne un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> culture traditionnelle. En<br />

Europe, l’agriculture était, par essence, biologique<br />

jusqu’en 1920. On peut donc en déduire que notre<br />

société industrielle a terni nos assiettes et pollué<br />

nos sols en moins <strong>de</strong> cent ans. Ainsi, faire le choix<br />

<strong>de</strong> consommer <strong>de</strong>s produits « AB » sous-entend<br />

donc, d’une certaine manière, faire un voyage<br />

dans le temps pour retrouver <strong>de</strong>s légumes à la<br />

saveur délicate et <strong>de</strong>s fruits juteux à souhait. C’est<br />

un formidable pèlerinage culinaire ; une<br />

renaissance <strong>de</strong> nos sens, renouvelable à souhait.<br />

Pensée n° 85<br />

J’ai la chance d’avoir un enfant extraordinaire,<br />

sublimé à mes yeux par une sensibilité <strong>de</strong>s plus<br />

pure, à fleur <strong>de</strong> peau. Sa tendresse fait sa force, et<br />

sa fragilité, toute sa vertu.<br />

Pensée n° 86<br />

Certains artistes se créent un style pour séduire un<br />

public particulier. D’autres ont un style particulier<br />

qui séduit le public.<br />

- 35 -


Pensée n° 87<br />

C’est en découvrant les interprétations<br />

folkloriques du « Sakura » et du « Kojo-no-tsuki »<br />

que j’ai apprécié la subtilité <strong>de</strong> la musique<br />

traditionnelle japonaise.<br />

Pensée n° 88<br />

Mélodissimo : Des doigts courent en toute hâte<br />

sur le clavier sans fin et l’archet endiablé tire<br />

inlassablement la note vers ses cor<strong>de</strong>s. Le<br />

métronome bat le temps avec <strong>de</strong>s clics et <strong>de</strong>s<br />

claques. Les croches s’envolent, les noires portent<br />

leurs moitiés, et les blanches tiennent volontiers la<br />

ligne… Le musicien émérite n’a qu’à bien se<br />

tenir !<br />

Pensée n° 89<br />

Logique infantile : Mon père me racontait que<br />

lorsqu’il était enfant, il interprétait l’adage<br />

populaire « Jamais 2 sans 3 » comme « Jamais<br />

203 ». Il s’étonnait alors, ne comprenant pas<br />

pourquoi les hommes prononçaient ce chiffre sur<br />

un ton fataliste, habituellement réservé aux<br />

évi<strong>de</strong>nces.<br />

- 36 -


Pensée n° 90<br />

L’accusation a souvent utilisé la peine <strong>de</strong> mort<br />

pour enterrer l’innocence <strong>de</strong> condamnés. Pour<br />

s’en convaincre, il est utile <strong>de</strong> ne jamais oublier<br />

Bartholomeo Sacco, Nicola Vanzetti, Ethel et<br />

Julius Rosenberg, ainsi que le capitaine Dreyfus<br />

qui y échappa <strong>de</strong> justesse.<br />

Pensée n° 91<br />

Ma femme me racontait que pendant les heures<br />

d’ouverture du musée Grévin à Paris en 2001,<br />

Philippe Can<strong>de</strong>loro semblait faire la conversation<br />

à Albert Einstein… Autant ne pas savoir ce qui<br />

s’y passait la nuit !<br />

Pensée n° 92<br />

Rien ne me pré<strong>de</strong>stinait à écrire et passer ma<br />

jeunesse à m’adonner au plaisir livresque ne<br />

m’inspirait guère. Je préférais parfaire mes<br />

connaissances en écoutant <strong>de</strong>s musiques à la<br />

mo<strong>de</strong>, me perdant volontiers dans les bras <strong>de</strong>s<br />

filles, à me délecter <strong>de</strong> leur parfum d’été.<br />

* * *<br />

- 37 -


- 38 -


TEXTES<br />

- 39 -


- 40 -


LA CHRYSALIDE<br />

(Texte)<br />

Texte dédié à Maurice ou Mauricette.<br />

Je ne sais plus…<br />

Je pourrais t’écrire que les nuits <strong>de</strong> la rue Bordas<br />

ne sont pas plus lumineuses que celles <strong>de</strong> Rio, que<br />

le pont <strong>de</strong> Recouvrance ne conduit pas sur une île<br />

déserte et que Brest est aussi froid que Budapest.<br />

Mais, tous cela, tu le sais déjà !<br />

Je pourrais te rappeler que le bonheur ne dépend<br />

pas <strong>de</strong> l’endroit où l’on vit, mais <strong>de</strong> nous-même et<br />

que les inconnus ne te verront jamais telle que tu<br />

es.<br />

Mais tous cela, tu le subis déjà !<br />

Enfin, sache que nous sommes plusieurs à te<br />

regar<strong>de</strong>r vivre, sans dire et sans médire ; plusieurs<br />

à te suivre sans parjurer notre affection au nom<br />

d’un principe ou d’une religion.<br />

- 41 -


Et si je t’écris aujourd’hui, c’est parce que, grâce<br />

à toi, j’ai compris qu’une femme n’existe que par<br />

elle-même et que la fatalité ni est pour rien. Que<br />

ton combat auprès <strong>de</strong>s hommes force le plus<br />

grand respect, puisque tu sais déjà que ta<br />

résurrection, ou ton déclin, viendra du jugement<br />

<strong>de</strong>s tiens.<br />

Alors moi, ton ami, je te le dis, nymphe <strong>de</strong><br />

papillon, sors <strong>de</strong> ton cocon et envole-toi vers <strong>de</strong><br />

beaux len<strong>de</strong>mains.<br />

Envole-toi haut et joue-toi du vent qui souffle sur<br />

la plaine. Virevolte dans les airs petite Suzon, toi<br />

qui a aimé plus <strong>de</strong> garçons que <strong>de</strong> raison.<br />

Abandonne ici-bas tes amours sans glamour et tes<br />

nuits sans passion. Dépose à nos pieds tes lourds<br />

far<strong>de</strong>aux et tes souffrances passées pour enfin<br />

découvrir celle que tu es désormais.<br />

Et, sache enfin que je resterai là, <strong>de</strong>bout et<br />

silencieux, futile et immobile, toujours à l’écoute<br />

<strong>de</strong> ce qui te coûte.<br />

* * *<br />

- 42 -


LES LAMENTATIONS<br />

DE<br />

LORD RUTHWEN<br />

(Texte)<br />

Texte inspiré à la lecture du livre<br />

« Le vampire », <strong>de</strong> John William Polidori<br />

-- 1819 --<br />

Mais que reste-t’il <strong>de</strong> notre amour passé… Un<br />

bouquet fané, un nom sur le marbre, ou un cœur<br />

gravé sur un arbre. Depuis votre départ, je tourne<br />

en rond dans la nuit froi<strong>de</strong> et, tel un chat au regard<br />

vertical, je déforme le mon<strong>de</strong> que j’y vois,<br />

cherchant encore dans votre absence, les causes<br />

<strong>de</strong> mes souffrances présentes.<br />

Le jour, votre souvenir m’apaise autant qu’il me<br />

peine et, le soir, le vent d’automne sème son<br />

désespoir sur la plaine. Au fil du temps, votre<br />

doux visage s’efface <strong>de</strong> ma mémoire et votre<br />

parfum passé s’évapore encore au gré <strong>de</strong>s saisons.<br />

Donnez-moi <strong>de</strong>s signes et je serai là, à vous<br />

- 43 -


attendre, immobile comme un sémaphore. Mais<br />

prenez gar<strong>de</strong> et ne traînez point en route car la<br />

nuit passe et les étoiles filantes déchirent la<br />

sombre toile, emportant leurs voiles <strong>de</strong> lumière<br />

lentement sur l’horizon.<br />

Regar<strong>de</strong>z Miss Aubrey, je trépigne déjà<br />

d’impatience, comme un enfant nerveux, croyant<br />

<strong>de</strong>viner l’ondulation angélique <strong>de</strong> vos cheveux,<br />

emmêlés à l’ombrage <strong>de</strong>s nuages. La douleur <strong>de</strong><br />

votre absence me gagne et me déchire un peu plus<br />

les entrailles, comme l’entaille fine d’une dague<br />

qui blesse, mais ne tue point. Je faiblis déjà et, le<br />

genou à terre, je crois vous rejoindre enfin, mais<br />

mon corps, <strong>de</strong>venu froid <strong>de</strong>puis trop longtemps,<br />

ne projette plus son ombre. Mon âme égarée par<br />

le chagrin, vous <strong>de</strong>ssine, vous <strong>de</strong>vine, … en vain !<br />

Oh vous, amour <strong>de</strong> jeunesse que j’ai sacrifié, ne<br />

me laissez plus répandre le mal dans les villes et<br />

emporter avec moi le souffle <strong>de</strong>s jeunes filles.<br />

Amour, gui<strong>de</strong>z-moi une <strong>de</strong>rnière fois et prenez ma<br />

main pour accompagner mon geste, comme le<br />

ferait une mère… Car ce soir, je souffre trop ! La<br />

<strong>lune</strong> est là, qui surplombe les montagnes, avec son<br />

linceul d’illusions qui me berce et m’accompagne.<br />

Je suis prêt et regar<strong>de</strong> mon sang se répandre sur le<br />

sol. Je vous attends déjà mais en vain, car je ne<br />

peux périr ainsi. Je suis condamné à errer et à<br />

vous survivre en vous aimant <strong>de</strong> souvenir. Ceci<br />

est la plus terrible <strong>de</strong>s punitions, que même le<br />

- 44 -


agne ne saurait égaler… La plus pertinente <strong>de</strong>s<br />

douleurs, je vous l’assure !<br />

Mais que l’espoir <strong>de</strong> vous revoir, qui<br />

m’accompagne chaque jour, en témoigne… Je<br />

vous ai aimé, je vous aime et je vous aimerai<br />

toujours mon amour.<br />

Lord Ruthwen.<br />

* * *<br />

- 45 -


MISSIVE POUR<br />

UNE PETITE OMBRE<br />

Texte inédit, inspiré du roman « L’ombre du<br />

souvenir », du même auteur.<br />

(Livre à paraître)<br />

J’aurais aimé pouvoir apprécier vos vertus, sans<br />

endurer vos vices, mais je n’en retiendrai que<br />

l’introductif. Vos soirées orgiaques, où se mêle le<br />

parfum <strong>de</strong> vos déplaisirs à ceux <strong>de</strong> mes regrets,<br />

n’amusent que vous. La déca<strong>de</strong>nce habillée <strong>de</strong> vos<br />

cinq à sept ne dénu<strong>de</strong> plus personne et vos<br />

charmes démoniaques n’ensorcellent plus que<br />

moi.<br />

Mais Marie, l’immaculée conception, n’était à<br />

confondre, car ce prénom cache en vous sa<br />

pénombre. Votre prière n’est que chimère et ma<br />

passion n’est qu’un poison. La fraîcheur <strong>de</strong> votre<br />

regard est un crève-cœur pour mon corps et vos<br />

baisers sont les leurres <strong>de</strong> mon sort.<br />

Venez à moi et tissez votre toile dans le songe <strong>de</strong><br />

mon innocence, apportant en offran<strong>de</strong> vos amours<br />

- 46 -


ien étranges. Lune rousse <strong>de</strong> Venise, vous que<br />

vos cheveux décoiffés par le vent oscillent et ne<br />

craignent point le temps, embrassez-moi sans plus<br />

attendre car ma jouvence n’est point vigilance.<br />

Je sais que la voûte <strong>de</strong> votre <strong>de</strong>ssein est un fruit<br />

mûr que la courbe généreuse <strong>de</strong> vos seins<br />

pervertit, pour sûr !<br />

Et vous me regar<strong>de</strong>z et mentez déjà comme triche<br />

l’amante lorsque son corps endiablé danse<br />

silencieusement sous son corsage… pas toujours<br />

sage.<br />

Aussi, même si votre nudité m’est exquise, prenez<br />

gar<strong>de</strong> car la pléthore <strong>de</strong> vos plaisirs à tort, lorsque<br />

l’ivresse <strong>de</strong> votre corps se transforme en soupirs.<br />

Car, à ni prendre gar<strong>de</strong>, votre flagorneur abandon<br />

pourrait être le serf <strong>de</strong> ma jeunesse, comme le<br />

vertige <strong>de</strong> vos sens est <strong>de</strong>venu le précepteur <strong>de</strong> ma<br />

sagesse.<br />

Votre dévoué,<br />

Paul<br />

* * *<br />

- 47 -


PORTE-PLUME<br />

(Texte)<br />

Le 15 juillet 2004<br />

Hôtel Muller, Nie<strong>de</strong>rbronn-Les-Bains<br />

Ecrire sur une feuille blanche, avec comme seul<br />

outil un porte-plume trempé dans un encrier,<br />

provoque en moi un plaisir infini. Car, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong><br />

son charme, écrire ainsi est un mo<strong>de</strong> <strong>de</strong> vie<br />

recouvré, le temps d’un petit mot ou d’un billet<br />

doux. C’est l’instrument du romantisme d’antan,<br />

perdu à jamais au profit d’une efficacité<br />

universelle, régie par le temps.<br />

Ainsi, même si l’opulence <strong>de</strong> la mo<strong>de</strong>rnité a eu<br />

raison du plaisir <strong>de</strong>s âmes, ma mémoire<br />

inconsciente ne peut oublier la beauté du geste. Et<br />

qu’à l’époque oubliée, subsiste notre présent, pour<br />

que se succè<strong>de</strong>nt les générations futures du temps<br />

restant…<br />

* * *<br />

- 48 -


LE DOUBLE CODE<br />

(Texte)<br />

On dit souvent que le hasard est étonnant.<br />

D’ailleurs, certains d’entre-nous voient volontiers<br />

en lui, le messager mystique d’un heureux<br />

présage, ou d’un mauvais signe.<br />

En ce qui me concerne, le hasard m’amuse et<br />

m’étonne constamment, car il semble toujours se<br />

moquer impunément <strong>de</strong> nos peurs, <strong>de</strong> nos vœux,<br />

et <strong>de</strong> nos croyances.<br />

Pour anecdote, j’ai pu le vérifier lors <strong>de</strong> mon<br />

embauche dans une entreprise.<br />

Je venais d’acheter un ca<strong>de</strong>nas à co<strong>de</strong> que je<br />

m’empressais d’attribuer au vestiaire que l’on<br />

venait <strong>de</strong> m’octroyer. Je choisis alors comme<br />

chiffre, celui du jour et du mois <strong>de</strong> ma naissance<br />

qui est le 20-02. Mais m’apercevant que la<br />

combinaison n’étant possible que sur trois<br />

chiffres, je dus me résoudre à supprimer un zéro<br />

et à vali<strong>de</strong>r le numéro 202.<br />

- 49 -


Ce n’est qu’après plusieurs mois, que je me rendis<br />

compte, en retournant le ca<strong>de</strong>nas dans la paume<br />

<strong>de</strong> ma main, que son opposé indiquait le numéro<br />

757, qui n’était autre que le numéro<br />

d’i<strong>de</strong>ntification peint sur la porte <strong>de</strong> mon placard.<br />

Ainsi le hasard avait encore frappé, rendant toute<br />

certitu<strong>de</strong> caduc, tout en me désignant du doigt,<br />

comme le coupable d’un effet <strong>de</strong> zèle<br />

arithmétique prémédité, qu’une personne mal<br />

intentionnée aurait pu m’attribuer… à tort.<br />

* * *<br />

- 50 -


POUSSIERE DE LUNE<br />

(Texte)<br />

Lorsque mon fils était enfant, il avait si peur <strong>de</strong> la<br />

nuit que nous <strong>de</strong>vions laisser une veilleuse<br />

allumée jusqu’aux premières pâleurs du jour. La<br />

situation dura plusieurs mois, jusqu’à que je<br />

déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> remédier définitivement à cette<br />

situation.<br />

Nous venions <strong>de</strong> le coucher et, l’embrassant une<br />

<strong>de</strong>rnière fois, une idée lumineuse se présenta à<br />

moi.<br />

Je le fis sortir <strong>de</strong> son petit lit et j’ouvris le doubleri<strong>de</strong>au<br />

<strong>de</strong> la fenêtre en lui expliquant que la pleine<br />

<strong>lune</strong> éclairait sa chambre d’une douce lumière,<br />

comme une lanterne dans le néant.<br />

Mon imagination m’emportant, je lui racontais<br />

même, qu’au matin, les mamans secouaient les<br />

draps par la fenêtre pour chasser la poussière <strong>de</strong><br />

<strong>lune</strong> qui avait recouvert nos rêves.<br />

- 51 -


Mon fils buvait mes mots, le regard songeur et<br />

n’eut plus jamais peur <strong>de</strong> la nuit.<br />

Ainsi, je compris que les enfants préfèrent<br />

toujours une petite histoire imaginaire à la plus<br />

gran<strong>de</strong> <strong>de</strong>s vérités, bien trop ordinaire à leur goût.<br />

* * *<br />

- 52 -


AMERICAN SOLITUDE<br />

(Texte)<br />

Vous êtes seul, vous souffrez d’un manque <strong>de</strong><br />

communication et vous êtes en mal <strong>de</strong><br />

conversation ? Allez donc comman<strong>de</strong>r un menu<br />

dans le Fast-Food le plus proche. Cela pourrait<br />

donner le dialogue qui suit :<br />

- Bonjour Monsieur, que désirez-vous ?<br />

- Un hamburger s’il-vous-plait.<br />

(N’hésitez pas à prononcer « ammeburegé »<br />

accompagné <strong>de</strong> votre plus beau sourire pour<br />

décoincer le serveur).<br />

- Oui, Monsieur, lequel ? Nous en avons cinq au<br />

choix.<br />

- Un double, s’il-vous-plait.<br />

- Vous désirez autre chose ?<br />

- Oui, <strong>de</strong>s frites s’il-vous-plait.<br />

- Une gran<strong>de</strong> portion ou une petite ?<br />

- Une gran<strong>de</strong>.<br />

- Avec ou sans sauce ?<br />

- Avec, … vous avez quelle sorte ?<br />

- 53 -


- Nous en avons trois : Ketchup, moutar<strong>de</strong> ou<br />

mayonnaise !<br />

(Prenez une expression indécise avant <strong>de</strong> répondre<br />

et grattez-vous un peu la tête, cela fait gagner<br />

quelques secon<strong>de</strong>s <strong>de</strong> plus…)<br />

- Heuuu, … Ketchup, s’il-vous-plait.<br />

- Ce sera tout ?<br />

- Non, je désire également une crème glacée<br />

- Quel parfum ? Vanille ou chocolat ?<br />

- Vanille.<br />

- Oui, … avec quel nappage ? Chocolat ou<br />

caramel ?<br />

- Chocolat.<br />

- Ce sera tout ?<br />

(Ne vous arrêtez pas en si bon chemin…<br />

Poursuivez votre comman<strong>de</strong>…)<br />

- Non, je désire aussi un soda.<br />

- Normal ou light ?<br />

- Normal !<br />

- Petit verre ou grand verre ?<br />

- Petit.<br />

- Avec glaçons ou sans glaçon ?<br />

- Avec glaçons.<br />

(Au besoin, si votre interlocuteur est trop rapi<strong>de</strong>,<br />

n’hésitez pas à le faire répéter pour faire durer le<br />

plaisir…)<br />

- Sur place ou à emporter ?<br />

- Heuuu…Pardon ?<br />

- 54 -


- Vous consommez sur place ?<br />

- Oui, sur place.<br />

(Une fois payé, n’hésitez pas à poursuivre les<br />

politesses…)<br />

- Bonne journée et bon courage.<br />

- Merci bien monsieur, vous aussi.<br />

Voilà, votre plaisir est à son comble… Et rien ne<br />

vous empêche <strong>de</strong> finir agréablement la soirée en<br />

engageant une conversation toute aussi stérile,<br />

avec votre voisin <strong>de</strong> tablée…<br />

* * *<br />

- 55 -


A NOS AMOURS PASSES<br />

(Texte)<br />

Désirs ordinaires et partages indécents, <strong>de</strong> visages<br />

éphémères en corps ar<strong>de</strong>nts, je tiens comme futile<br />

acquis, le goût amer <strong>de</strong> nos nuits.<br />

Je me souviens mieux que quiconque <strong>de</strong>s hivers<br />

<strong>de</strong> mon cœur et <strong>de</strong>s labeurs <strong>de</strong> mes vers. Mais le<br />

temps a poli vos faces et vos envies lointaines ne<br />

me hantent plus mais me lasse.<br />

Alors n’insistez pas avec vos relances savamment<br />

choisies, car aujourd’hui je suis heureux et mon<br />

cœur, loin <strong>de</strong> vous, bat la chama<strong>de</strong>, emportant<br />

avec lui votre souvenir vers l’oubli.<br />

* * *<br />

- 56 -


LES TORPILLES DE L’U-BOAT<br />

(Texte)<br />

Les mé<strong>de</strong>cins semblent encore ignorer que la<br />

chose la plus terrible à faire admettre aux enfants,<br />

est <strong>de</strong> supporter l'introduction d’un suppositoire<br />

sans que les parents aient à subir, après quelques<br />

secon<strong>de</strong>s, le rejet systématique du produit fondu<br />

par la chaleur d’un petit corps en fièvre et en<br />

pleurs.<br />

A cela, j’avais trouvé une para<strong>de</strong> efficace en<br />

faisant vivre à mon fils, avec moult détails,<br />

l’envoi d’une torpille par un sous-marin allemand.<br />

Je le mettais en condition, en lui faisant les<br />

bruitages inhérents à une bataille subaquatique.<br />

Tout y était, les sirènes d’alerte, les hommes qui<br />

<strong>de</strong>scen<strong>de</strong>nt en glissant sur l’échelle métallique, la<br />

fermeture <strong>de</strong>s écoutilles, bref, tout…<br />

La mise en place <strong>de</strong> l’action militaire <strong>de</strong>vait être<br />

bien préparée pour que l’ordonnance médicale<br />

puisse s’accomplir sans encombre. L’introduction<br />

dudit suppositoire était, dans mon histoire,<br />

symbolisé par une torpille que l’on <strong>de</strong>vait<br />

expulser par le tube pour couler un hypothétique<br />

- 57 -


ateau ennemi. J’avais, si je puis dire, le doigt<br />

prêt à la détente, serrant tant bien que mal cette<br />

matière soli<strong>de</strong> et grasse entre le pouce et l’in<strong>de</strong>x.<br />

Mais pour que tout se passe sans encombre, je ne<br />

<strong>de</strong>vais pas relâcher ma concentration d’une seule<br />

secon<strong>de</strong>. Car une fois la torpille expédiée dans le<br />

tube, je <strong>de</strong>vais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à mon fils <strong>de</strong> bloquer<br />

fortement la porte arrière. Tout en mimant<br />

l’action, je faisais le bruit <strong>de</strong> la course folle du<br />

projectile qui glisse sous l’eau en finissant par<br />

simuler la <strong>de</strong>struction spectaculaire du bateau<br />

ennemi.<br />

Mon fils Anthony me regardait l’air attentif, les<br />

jambes écartées sur la table à langer en<br />

m’interrompant parfois <strong>de</strong> quelques questions<br />

pertinentes que je <strong>de</strong>vais satisfaire d’une réponse<br />

expéditive et convaincante pour reprendre<br />

immédiatement le cours <strong>de</strong> mon histoire, tout en<br />

espérant que le suppositoire avait déjà eu le temps<br />

<strong>de</strong> se dissoudre.<br />

Et c’est ainsi que plusieurs soirs durant, la gran<strong>de</strong><br />

bataille <strong>de</strong> l’Atlantique se joua dans notre petit<br />

<strong>de</strong>ux pièces <strong>de</strong> banlieue. Tous cela pour que ce<br />

médicament puisse fondre tranquillement sans<br />

risque d’éjection prématurée afin d’assurer sa<br />

fonction première ; celle <strong>de</strong> soigner mon petit<br />

garçon.<br />

* * *<br />

- 58 -


T’EMBRASSER SOUS LA PLUIE<br />

(Texte)<br />

Le vent s’agite, le mon<strong>de</strong> sombre et change<br />

lorsque la pluie s’annonce. Aux premières<br />

gouttes, les enfants <strong>de</strong> la plage se réfugient sous<br />

les parasols et les bourgeoises <strong>de</strong> la croisette<br />

s’enfuient en courant, laissant leur amant, aimant,<br />

sur le sol.<br />

Moi, je te regar<strong>de</strong>, je serre ton corps sage qui frôle<br />

ma chemise et les démons glorifient déjà l’ar<strong>de</strong>ur<br />

<strong>de</strong> notre âge. Tu m’embrasses et je sombre dans<br />

ton silence, oubliant à l’instant mes passions et<br />

mes songes…<br />

Je chute… Chuuuut ! Tu t’inclines, tu courbes<br />

l’échine et ma main fébrile saisit l’instant que le<br />

temps fige. Tes reins bougent, impatients, juste à<br />

temps, mine <strong>de</strong> rien, pour un tout et pourtant…<br />

T’embrasser sous la pluie, sans retenue, sans<br />

parapluie. T’enlacer sous la pluie, sans pu<strong>de</strong>ur et<br />

sans cri.<br />

* * *<br />

- 59 -


REVERENCE EPISTOLAIRE<br />

(Texte)<br />

Champigny–sur–Marne,<br />

à l’aube du 19 octobre 1996<br />

Très chère amie,<br />

Ayant récemment appris vos profonds tourments,<br />

permettez-moi <strong>de</strong> solliciter ma plume pour vous<br />

écrire.<br />

N’ayez point d’impatience car, même si l’amour<br />

n’avait comme autre cause que d’embellir votre<br />

cœur, non par la douleur du crin, mais par la<br />

douceur d’une rose, il vous faudrait néanmoins<br />

attendre…<br />

Et ce jour ultime oubliera vos tristes nuits, car<br />

votre âme, plusieurs fois meurtrie, ne subira point<br />

<strong>de</strong> pleurs sans bruit.<br />

- « Voici le mon<strong>de</strong> et les hommes ? », vous<br />

interrogiez-vous.<br />

- « Voici ma plus belle ron<strong>de</strong>, en somme ! »,<br />

affirmerez-vous.<br />

- 60 -


Parce que l’amour naissant d’un baron sera pour<br />

vous un tendre poison, nul ne pourra vous<br />

régenter. Car les mensonges rédhibitoires passés,<br />

n’auront altéré votre touchante naïveté.<br />

- « Venez à moi une fois pour toute car je vous<br />

reconnais et vous appartiens déjà », vous dira-til.<br />

- « Qui l’aurait cru, madame la comtesse, votre<br />

ancienne écurie est <strong>de</strong>venu l’alcôve d’un<br />

temple », vous dira-t-on.<br />

En cet instant, sur vos lèvres, que <strong>de</strong> sourires, et<br />

en votre âme, que <strong>de</strong> soupirs. Ainsi, vous serez<br />

touchée par la grâce du plus haut, je vous l’assure.<br />

Dès lors, aucun doute ne subsistera sur le pouvoir<br />

<strong>de</strong> votre charme car le bonheur embellira<br />

généreusement votre cœur et votre face.<br />

Alors ne vous inquiétez donc plus et laissez passer<br />

leur chemin aux aveugles sentimentaux et autres<br />

sots. Car contrairement à la froi<strong>de</strong>ur <strong>de</strong> leur table,<br />

en ce temps, fertiles seront vos nuits et chau<strong>de</strong><br />

sera votre couche.<br />

« Il ne faut point croire en l’homme », préten<strong>de</strong>nt<br />

les fous... Moi je crois en vous et vous confie, par<br />

ce présent et dès à présent, ma plus sincère<br />

fidélité.<br />

Robert.<br />

* * *<br />

- 61 -


- 62 -


NOUVELLES<br />

- 63 -


- 64 -


BON ANNIVERSAIRE<br />

(Nouvelle)<br />

Le corps d’un homme gisait sans vie sur le<br />

carrelage clair <strong>de</strong> la salle <strong>de</strong> bain. Sa bouche était<br />

entrouverte et un épais filet <strong>de</strong> <strong>de</strong>ntifrice<br />

parcourait ses <strong>de</strong>nts, coulait sur sa joue et<br />

s’amoncelait lentement sur le sol. Son peignoir<br />

entrouvert, laissait apercevoir une silhouette<br />

musclée, et ses yeux immobiles fixaient le lavabo.<br />

Le flash du photographe crépitait en rafale et se<br />

reflétait sur <strong>de</strong>s miroirs en vis-à-vis, répétant<br />

l’image d’un éclair décalé à l’infini.<br />

En cette fin <strong>de</strong> matinée, les allers et venues <strong>de</strong>s<br />

policiers n’avaient <strong>de</strong> cesse. Ils traversaient les<br />

pièces <strong>de</strong> ce luxueux appartement parisien en<br />

faisant quelques commentaires <strong>de</strong> circonstance.<br />

Une jeune femme distinguée était en larmes,<br />

assise sur le canapé du salon et une fonctionnaire<br />

<strong>de</strong> police lui parlait en la consolant. Elle clamait<br />

son innocence et son impuissance, insistant sur le<br />

fait qu’elle ne comprenait pas ce qui avait tué son<br />

mari. Elle ne pouvait s’arrêter <strong>de</strong> répéter qu’il<br />

- 65 -


s’était effondré d’un seul coup, et sans raison<br />

apparente.<br />

Le mé<strong>de</strong>cin légiste ne tarda pas. Il fut tout d’abord<br />

convaincu que la mort était le résultat d’une<br />

violente crise cardiaque mais l’âge du défunt le<br />

faisait encore douter. En effet, l’homme avait à<br />

peine une trentaine d’années, une vie active,<br />

sportive et ne faisait aucun abus. Pour ce<br />

professionnel du corps médical, ou bien cette<br />

personne était vraiment pré<strong>de</strong>stinée à une mort<br />

subite, ou ce décès n’était pas naturel.<br />

Le corps fut emmené à l’institut médico-légal du<br />

quai <strong>de</strong> la râpée afin <strong>de</strong> pratiquer une autopsie. Le<br />

légiste, pertinent et appliqué, su extraire les<br />

organes essentiels et faire les prélèvements<br />

d’usage pour les examens sanguins. Quelques<br />

jours plus tard, le verdict fut aussi tranchant qu’un<br />

couperet. Il était inscrit sur le compte-rendu du<br />

spécialiste que « la victime a succombé à un<br />

empoisonnement par ingestion <strong>de</strong> substance<br />

toxique ».<br />

Suite à l’expertise, la veuve fut emmenée et<br />

entendue au commissariat. Mais cette jeune<br />

femme continuait à jurer son innocence et à<br />

clamer les pieux sentiments qui l’unissaient à son<br />

défunt mari. Convaincus que cette femme était <strong>de</strong><br />

bonne foi, les policiers établirent avec elle, la<br />

planification et les faits marquants <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières<br />

- 66 -


semaines, en espérant avoir quelques précieux<br />

indices. La réponse tant attendue, sur les causes<br />

mystérieuses <strong>de</strong> ce décès, ne tarda pas à venir<br />

lorsque l’épouse se remémora l’anniversaire <strong>de</strong><br />

son mari qui avait eu lieu <strong>de</strong>ux semaines avant le<br />

drame.<br />

Elle expliqua alors, qu’elle lui avait offert<br />

quelques précieux ca<strong>de</strong>aux savamment choisis,<br />

accompagnés d’une petite fantaisie <strong>de</strong> <strong>de</strong>rnière<br />

minute. C’était une brosse à <strong>de</strong>nts en porcelaine<br />

blanche, dont le manche représentait le corps<br />

d’une femme. Son mari avait trouvé cet objet<br />

d’une telle originalité qu’il l’utilisa tous les jours.<br />

Mais un matin, alors qu’elle nettoyait la salle <strong>de</strong><br />

bains, elle fit tomber son précieux ca<strong>de</strong>au, qui se<br />

brisa en <strong>de</strong>ux sous le choc. La cassure était nette,<br />

juste sur la partie la plus fine, entre la tête et le<br />

manche. Elle contacta aussitôt le magasin où elle<br />

avait acheté cet objet, mais, à sa gran<strong>de</strong> déception,<br />

le commerçant l’informa <strong>de</strong> l’indisponibilité <strong>de</strong><br />

cet article.<br />

Ne voulant pas faire <strong>de</strong> peine à son mari, sa<br />

femme répara l’objet avec une colle extra-forte et<br />

le replaça sur l’étagère. Mais au fil <strong>de</strong>s jours, cette<br />

réparation <strong>de</strong> fortune ne résista pas longtemps à<br />

l’eau <strong>de</strong>s brossages réguliers et l’opération <strong>de</strong><br />

recollage dut être renouvelée quotidiennement.<br />

Car, outre son extraordinaire pouvoir adhésif,<br />

cette colle contenait du « cyanoacrylate »,<br />

- 67 -


substance dérivé du cyanure. Ainsi, au bout <strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>ux semaines, cet homme avait absorbé une<br />

quantité infime <strong>de</strong> matière toxique, mais<br />

suffisante pour empoisonner son organisme.<br />

Ainsi, en voulant à tout prix sauver son petit<br />

ca<strong>de</strong>au, cette femme amoureuse avait tué son<br />

précieux mari.<br />

* * *<br />

- 68 -


L’ESPOIR DU VAGABOND<br />

(Nouvelle)<br />

Je quittais la place Lépine et son grand marché<br />

aux fleurs qui diffusait <strong>de</strong> riches senteurs<br />

printanières, laissant <strong>de</strong>rrière moi, <strong>de</strong>s touristes<br />

hébétés aux regards perdus entre les roses et les<br />

roseaux. Moi, je ne me lassais pas <strong>de</strong> la grâce <strong>de</strong><br />

notre belle capitale, admirant les mille reflets du<br />

soleil que la seine renvoyait sur les luxueuses<br />

faça<strong>de</strong>s <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong> Lutèce. Le quai <strong>de</strong> Corse<br />

semblait se distinguer <strong>de</strong> toute sa hauteur,<br />

surpassant effrontément le passage <strong>de</strong> quelques<br />

péniches lour<strong>de</strong>ment chargées. Et en re<strong>de</strong>scendant<br />

la rue d’Arcole, je longeais les murs sans fin <strong>de</strong><br />

l’Hôtel-Dieu qui ressemblaient à ceux d’une<br />

forteresse tout en évitant au feu vert, le démarrage<br />

brutal <strong>de</strong> quelques voitures impatientes. Je flânais,<br />

insouciant, regardant le fleuve verdâtre bor<strong>de</strong>r les<br />

pieds <strong>de</strong> Notre-Dame, les yeux écarquillés <strong>de</strong>vant<br />

tant <strong>de</strong> beauté. Le printemps faisait éclore la<br />

magie <strong>de</strong>s couleurs, offrant ainsi, sa plus belle<br />

parure d’ornement aux pelouses du square Jean<br />

XXIII.<br />

- 69 -


Les enfants couraient et riaient sur cette<br />

promena<strong>de</strong>, sautant et gesticulant autour <strong>de</strong>s<br />

cerisiers du Japon qui habillent le flan droit <strong>de</strong> la<br />

cathédrale, me faisant revivre un court instant mes<br />

souvenirs <strong>de</strong> jeunesse. Les pigeons fuyaient le pas<br />

poussiéreux <strong>de</strong>s passants, s’envolant un court<br />

instant pour se poser sur le buste <strong>de</strong> Goldini. Je<br />

contournais le vieux kiosque à musique, dépassais<br />

les touristes et m’installais volontiers face à la<br />

fontaine <strong>de</strong> la Vierge. Je me sentais bien ici et<br />

chaque secon<strong>de</strong> passée en ce lieu me faisait aimer<br />

la vie plus que tout, pensant à tord que rien au<br />

mon<strong>de</strong> n’aurait pu troubler ma quiétu<strong>de</strong>. Ceci fut<br />

exact, jusqu’à l’instant précis où une femme<br />

fraîche et gracieuse comme le jour, vint s’assoire<br />

non loin <strong>de</strong> moi…<br />

Ah, satanée ritournelle <strong>de</strong> la vie, que le hasard<br />

cautionne parfois <strong>de</strong> son plus puissant poison !<br />

Elle était encore plus belle qu’autrefois, elle, dont<br />

le plus petit souvenir mettait encore le feu à ma<br />

mémoire et suffisait à me faire souffrir jusqu’au<br />

plus profond <strong>de</strong> ma chair. Pour elle j’avais tout<br />

renié, même le souvenir <strong>de</strong> mes amours passés,<br />

oubliant leurs existences jusqu’à l’absence.<br />

Je la contemplais, immobile et tranquille à<br />

l’ombre d’un merisier, scrutant jalousement le<br />

moindre <strong>de</strong> ses gestes, tout en m’abreuvant<br />

outrageusement du temps présent. Elle renaissait<br />

ainsi brusquement dans mon cœur, faisant gonfler<br />

- 70 -


mes veines d’une chaleur <strong>de</strong> vie, trop vite oubliée.<br />

Chacune <strong>de</strong> ses mimiques m’embrasait davantage<br />

avec l’ar<strong>de</strong>ur du feu qui nous avait jadis<br />

enchaînés. Son charme innocent opérait encore <strong>de</strong><br />

toute sa magie, et son envoûtement faisait rage en<br />

moi avec une séduction infernale qui décuplait<br />

mes sens.<br />

J’aurais dû courir à en perdre haleine, fuir pour<br />

abréger cette douce torture, mais je n’en fis rien.<br />

Je restais là, contemplatif, bénissant secrètement<br />

le sort présent que les démons m’infligeaient, car<br />

la revoir ici et ainsi, était le châtiment le plus<br />

doux que la vie ait pu m’infliger.<br />

Mais j’attendis trop longtemps avant d’oser la<br />

rejoindre, hésitant encore à l’approcher, tel un<br />

ancien amant redoutant cet heureux présent. Je me<br />

levai enfin, pour aller vers elle, lorsqu’un homme<br />

au pas décidé vint à me dépasser. Sa fougue<br />

semblait sûre et leurs baisers avi<strong>de</strong>s attestaient<br />

effrontément <strong>de</strong> leur récente passion.<br />

Eux, que l’amour isolait <strong>de</strong> tout, me laissaient seul<br />

et perdu dans ce mon<strong>de</strong> d’indifférence. Je me<br />

rassis, anéanti, laissant couler ma peine sur le cuir<br />

sombre et dur <strong>de</strong> mes chaussures.<br />

Depuis ce jour lointain, j’ai tout abandonné, tout<br />

laissé <strong>de</strong>rrière moi. Aujourd’hui, je parcours<br />

inlassablement ce square, <strong>de</strong> long en large,<br />

traînant péniblement en ce lieu, ma nonchalante<br />

vieillesse. Je murmure <strong>de</strong>s mots en vain, sans nom<br />

- 71 -


et sans fin, répétant inlassablement mon chagrin<br />

aux pigeons ou racontant aux nuages que nos<br />

passions étaient folles et que nos envies ne furent<br />

qu’illusions. Et ne croyez pas que la nature soit<br />

sour<strong>de</strong> à mes divagations ; elle me répond parfois,<br />

par un éclair lointain ou par une belle saison.<br />

Alors même si vous, passants sans illusions, vous<br />

qui riez volontiers <strong>de</strong> moi comme d’un vagabond,<br />

sachez que je suis le plus riche <strong>de</strong>s hommes parce<br />

que je crois encore en l’amour. Et, sachez que les<br />

saisons qui se succè<strong>de</strong>nt sur l’horizon n’auront<br />

raison <strong>de</strong> ma passion, pour celle que j’attendrai<br />

sans cesse.<br />

Vous me trouverez donc ici, <strong>de</strong> jour comme <strong>de</strong><br />

nuit, digne et droit <strong>de</strong>vant la vie, fixant l’or <strong>de</strong>s<br />

étoiles en espérant encore que le hasard lui-même,<br />

force le bonheur à m’accor<strong>de</strong>r une <strong>de</strong>rnière<br />

chance... Celle <strong>de</strong> la revoir !<br />

* * *<br />

- 72 -


UNE POUPEE DANS LA BOUE<br />

(Nouvelle)<br />

Je dédie ce texte au grand ventriloque<br />

Jacques Albert.<br />

L’homme à qui je <strong>de</strong>vais rendre visite m’intriguait<br />

plus que tout autre. Cet étrange individu habitait<br />

sur les hauteurs <strong>de</strong> la ville, dans une vielle<br />

roulotte perdue parmi les herbes folles. Pour s’y<br />

rendre, il fallait s’aventurer sur un chemin<br />

scabreux, envahit par les fougères et les ronces,<br />

qui se terminait par l’entrée d’un champ qu’une<br />

vieille barrière délimitait vaguement.<br />

Cet habitacle sans essieux, posé sur <strong>de</strong>s poutres en<br />

bois, était percé au flanc par un conduit vertical<br />

qui laissait doucement échapper une fumée<br />

noirâtre. Les parois extérieures <strong>de</strong> ce logement<br />

précaire variaient <strong>de</strong> couleur, passant du bois le<br />

plus clair au sombre le plus crasseux, altérées par<br />

la succession d’hivers très ru<strong>de</strong>s qui les<br />

vieillissaient à vue d’œil. L’esthétique salace et<br />

pitoyable <strong>de</strong> la roulotte aurait dissuadé les intrus<br />

- 73 -


les plus motivés, si tentés qu’il y en eut d’autres<br />

que moi.<br />

Je venais <strong>de</strong> terminer mes étu<strong>de</strong>s journalistiques<br />

et c’était mon premier emploi dans un quotidien<br />

régional.<br />

Pour combler une actualité exceptionnellement<br />

plate, on m’avait envoyé en ce lieu perdu pour<br />

rencontrer une figure pittoresque et locale qui<br />

s’était fait remarquer, <strong>de</strong>puis un peu plus d’un an,<br />

en déambulant dans les rues <strong>de</strong> Thionville avec<br />

une poupée toujours plaquée contre lui. Très<br />

apprécié <strong>de</strong>s enfants, on le trouvait souvent dans<br />

le parc Napoléon, éveillant la curiosité <strong>de</strong>s<br />

passants.<br />

Mais tout en frappant à sa porte, je maudissais au<br />

fond <strong>de</strong> moi mon responsable, car je savais que<br />

mon inexpérience professionnelle me faisait<br />

encore défaut et me cantonnait à rédiger <strong>de</strong>s<br />

articles <strong>de</strong> presse <strong>de</strong> second plan. Pourtant<br />

j’espérais secrètement avoir un jour le privilège,<br />

<strong>de</strong> pouvoir interviewer le Maire <strong>de</strong> la ville sans<br />

bafouiller ni défaillir par la panique.<br />

Une femme âgée, au visage sec et creusé,<br />

m’ouvrit la porte avec un regard si froid que je fis<br />

un brusque saut en arrière. Je me présentai<br />

timi<strong>de</strong>ment à elle en essayant d’argumenter<br />

l’objet <strong>de</strong> ma venue. Elle m’écouta, stoïque, en<br />

- 74 -


me laissant poursuivre tout en s’essuyant<br />

machinalement les mains dans un torchon.<br />

Cette femme semblait surprise par l’intérêt<br />

soudain <strong>de</strong> la presse pour son mari et jeta un<br />

rapi<strong>de</strong> coup d’œil aux alentours, puis me fit signe<br />

d’entrer.<br />

Elle me fit asseoir, puis me servit un café.<br />

Pendant que je précisais le motif <strong>de</strong> ma présence,<br />

mon oeil ne pouvait s’empêcher d’observer ce<br />

décor exigu et sombre. Sur une étagère déformée<br />

par l’humidité, une tabatière et quelques pipes<br />

ornaient la photographie monochrome d’un<br />

ventriloque avec sa poupée. Je me levai du siège<br />

et me plaçai face au cadre.<br />

Elle prit soudainement la parole et me dit ;<br />

- Je sais bien que vous êtes ici par curiosité, mais<br />

je vais tout <strong>de</strong> même m’efforcer <strong>de</strong> vous<br />

apporter <strong>de</strong>s éclaircissements !<br />

Cette femme, ancienne trapéziste, habituée aux<br />

contacts humains, commença son récit :<br />

- Sur cette photographie si touchante, vous voyez<br />

mon mari en train <strong>de</strong> se blottir contre une<br />

quelconque poupée faite <strong>de</strong> bois et <strong>de</strong> chiffons,<br />

n’est-ce pas ?<br />

Mais sans attendre ma réponse, elle continua :<br />

- Mais vous ne pourrez jamais avoir idée <strong>de</strong><br />

l’affection qu’il porte à cette chose inerte, qui<br />

pourtant prend vie à l’intérieur <strong>de</strong> lui,<br />

l’obsédant jour et nuit. Car, à la différence <strong>de</strong><br />

vous qui êtes <strong>de</strong> toute évi<strong>de</strong>nce un jeune<br />

- 75 -


homme équilibré, lui est persuadé qu’il serre<br />

dans ses bras la femme qu’il a aimée jadis, plus<br />

que <strong>de</strong> raison. Et cela, je sais que vous aurez du<br />

mal à le comprendre.<br />

Tournant son visage vers moi, elle continue, d’un<br />

air attristé :<br />

- Vous savez, moi aussi j’ai eu du mal à<br />

l’admettre, mais en le côtoyant <strong>de</strong>puis toutes<br />

ces années, l’évi<strong>de</strong>nce m’est apparue. Nous ne<br />

vivons plus à <strong>de</strong>ux dans cette roulotte, mais<br />

bien à trois : Edward et Betty, et puis… moi.<br />

Puis retournant brusquement vers la cuisine, la<br />

femme ajouta que cette photo lui faisait trop mal<br />

et qu’elle préférait volontairement l’ignorer.<br />

- Mais dans quelle circonstance avez-vous fait la<br />

connaissance d’Edward ? surenchérissais-je<br />

aussitôt.<br />

Derrière le ri<strong>de</strong>au <strong>de</strong> perles qui s’entrechoquaient<br />

en casca<strong>de</strong>, Louise poursuivit :<br />

- J'étais en convalescence à l’hôpital <strong>de</strong> Calais,<br />

suite à un léger acci<strong>de</strong>nt survenu lors d’un<br />

spectacle. Ma jambe était cassée, mais mon<br />

attelle me permettait <strong>de</strong> me déplacer tant bien<br />

que mal dans les couloirs <strong>de</strong> l’hôpital. Et c’est<br />

ainsi que j’ai découvert Edward, dans une<br />

chambre voisine. Il venait tout juste <strong>de</strong> sortir<br />

d’un long comma et ne parlait pas bien<br />

Français. J’appris par quelques indiscrétions,<br />

que sa famille fortunée, l’avait fait transporter<br />

dans notre pays car son état était jugé<br />

désespéré. Je savais juste qu’il avait eu un<br />

- 76 -


acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> cheval en Angleterre, où il<br />

<strong>de</strong>meurait alors. L’ayant pris en amitié, j’ai<br />

passé mon mois <strong>de</strong> convalescence à lui<br />

apprendre, jour après jour, les rudiments <strong>de</strong><br />

notre langue et les efforts qu’il déployait pour<br />

se faire comprendre étaient impressionnants. Je<br />

sentais que cet homme faisait l’impossible pour<br />

communiquer et semblait avoir quantité <strong>de</strong><br />

chose à dire. Au fil du temps, je comprenais<br />

tant bien que mal ce qu’il baragouinait dans un<br />

mélange linguistique très personnel. Bien sûr,<br />

mon attention à son égard n’était pas tout à fait<br />

désintéressée et sa préoccupation constante<br />

pour sa fiancée Elizabeth, dont il n’avait pas <strong>de</strong><br />

nouvelles, me heurtait le cœur chaque jour un<br />

peu plus. Cette jeune femme semblait hanter le<br />

peu <strong>de</strong> place que contenait encore sa mémoire.<br />

Son acci<strong>de</strong>nt avait été si violent qu’une gran<strong>de</strong><br />

partie <strong>de</strong> son passé avait instantanément<br />

disparu dans les méandres du temps, hormis<br />

l’image <strong>de</strong> celle que je commençais déjà à<br />

détester. Lors <strong>de</strong> ma sortie <strong>de</strong> l’hôpital, je lui ai<br />

promis <strong>de</strong> lui rendre régulièrement visite, car<br />

chez nous, les gens du cirque, la parole donnée<br />

et l’amitié sont <strong>de</strong>s choses sacrées. J’avais<br />

découvert en lui, un être extraordinaire et plein<br />

<strong>de</strong> charme. De plus, son côté très Anglais, lui<br />

conféraient une classe et une distinction bien<br />

inhabituelles pour moi. A sa sortie d’hôpital, je<br />

lui ai servi <strong>de</strong> gui<strong>de</strong> dans ce pays qu’il ne<br />

- 77 -


connaissait pas et lui ai proposé <strong>de</strong> me suivre<br />

afin <strong>de</strong> rejoindre le cirque qui était en tournée.<br />

- Mais comment Edward est-il <strong>de</strong>venu<br />

ventriloque ? lui <strong>de</strong>mandais-je alors.<br />

- D’après ses vagues souvenirs, j’ai vite compris<br />

qu’il était violoniste, alors je me suis battue<br />

pour l’imposer dans l’orchestre du cirque qui<br />

comportait alors, plus <strong>de</strong> cuivres que <strong>de</strong> cor<strong>de</strong>s.<br />

Mais cet emploi était temporaire, en attendant<br />

qu’il maîtrise une discipline lui permettrant <strong>de</strong><br />

s’intégrer pleinement à la troupe. La suite <strong>de</strong><br />

cette aventure est tout simplement<br />

incroyable…Un jour je me suis rendu compte<br />

qu’Edward maîtrisait <strong>de</strong> plus en plus<br />

difficilement son instrument, car l’arthrite avait<br />

eu raison <strong>de</strong> ses doigts. Ce mal sournois venait<br />

s’ajouter à la longue liste <strong>de</strong> ses maux. Et,<br />

certains soirs, ses prestations musicales<br />

s’arrêtaient à une forme <strong>de</strong> mime, tant la<br />

douleur l’empêchait <strong>de</strong> jouer. Mais, le plus<br />

grand mal dont il souffrait, et souffre encore<br />

aujourd’hui, était l’absence <strong>de</strong> cette femme<br />

qu’il a tant aimée et qui a anéanti mon futur.<br />

Car Elizabeth hante toujours son esprit, me<br />

laissant impuissante fasse à cette fatalité. Même<br />

les années passées à ses côtés, à l’entourer <strong>de</strong><br />

tout mon amour, restent vaines <strong>de</strong> sens. Je le<br />

sentais s’enfermer dans un autre mon<strong>de</strong>.<br />

Parfois, il esquissait son visage au fusain, mais<br />

le temps qui passe a cela <strong>de</strong> particulier, qu’il<br />

- 78 -


efface peu à peu <strong>de</strong> notre mémoire, les traits et<br />

les particularités d’un visage, pour laisser place<br />

à une image floue, exempte <strong>de</strong> précision. Une<br />

sorte d’icône fantomatique apparaissait alors,<br />

exacerbant le mythe qui subsiste d’un être cher,<br />

<strong>de</strong>puis trop longtemps disparu. Un jour, nous<br />

avons croisé un cirque slave qui se produisait<br />

non loin <strong>de</strong> notre ville, et là, pour Edward ce<br />

fut la gran<strong>de</strong> révélation, à la vue du spectacle<br />

du grand ventriloque Russe « Igor ». Il<br />

présentait un numéro particulier avec une<br />

marionnette, assemblage <strong>de</strong> bois, <strong>de</strong> papier<br />

mâché et <strong>de</strong> tissus, dont il avait<br />

miraculeusement insufflé la vie, la faisant<br />

bouger et parler <strong>de</strong>vant ses yeux, agrémenté<br />

d’une mise en scène exceptionnelle. Edward<br />

avait sympathisé avec lui et passait le plus clair<br />

<strong>de</strong> son temps avec ce magicien. Un jour, après<br />

un grand spectacle <strong>de</strong> week-end, Edward voulut<br />

nous faire une surprise. Il avança sur la piste,<br />

encore recouverte <strong>de</strong> sciure, et posa à même le<br />

sol, une malle en bois qui faisait faillir son<br />

épaule. Il s’agenouilla, ouvrit le couvercle puis<br />

en sortit une marionnette <strong>de</strong> bonne taille. Il en<br />

prenait tellement soin, que l’on aurait pensé,<br />

qu’il sortait <strong>de</strong>s roses d’un écrin. A notre plus<br />

grand étonnement, il avait donné vie à une<br />

poupée… A une fille ! C’était très inhabituel,<br />

car un ventriloque choisi <strong>de</strong> préférence la<br />

marionnette d’un petit garçon ou d’un animal<br />

pour accor<strong>de</strong>r plus facilement sa voix grave au<br />

- 79 -


personnage. Mais pas dans le cas d’Edward car,<br />

pour lui, c’était sa façon d’anéantir la<br />

machination que le diable lui imposait et <strong>de</strong><br />

montrer à Dieu, lui-même, qu’il pouvait recréer<br />

celle qu’il lui avait ôtée. Nous nous<br />

approchâmes tous <strong>de</strong> cette nouvelle arrivante<br />

avec <strong>de</strong>s commentaires et <strong>de</strong>s exclamations<br />

d’admiration tant elle était belle. Pour ma part,<br />

je n’avais jamais vu <strong>de</strong> poupée aussi fraîche et<br />

aussi vraisemblable. Il en avait commandé<br />

l’exécution à un bon menuisier qui avait suivi<br />

les strictes recommandations d’Edward. Et le<br />

résultat dépassait toutes ses espérances tant elle<br />

paraissait réelle. Elle était d’une gran<strong>de</strong> beauté,<br />

tout simplement magnifique. Ses habits étaient<br />

<strong>de</strong> couleur claire, comme ceux d’un ange et son<br />

visage pâle était égayé par <strong>de</strong>ux pommettes<br />

roses pastelle. Deux beaux yeux bleus<br />

resplendissaient comme <strong>de</strong>s émerau<strong>de</strong>s sur ce<br />

visage trop fa<strong>de</strong>. Sa bouche articulée était ornée<br />

<strong>de</strong> lèvres finement peintes, qui ajoutaient du<br />

réalisme à l’ensemble. Seul le choix <strong>de</strong> ses<br />

cheveux rai<strong>de</strong>s, aussi blancs que le coton,<br />

restait un choix que nous ne comprenions pas.<br />

Pour arriver à ce prodige, il n’avait pas hésité à<br />

s’entourer <strong>de</strong>s meilleures compétences en<br />

mettant à profit le meilleur <strong>de</strong> chacun. Ses<br />

vêtements avaient été confectionnés sur mesure<br />

par la couturière <strong>de</strong> la troupe. Son corps avait<br />

été peint par le décorateur du cirque,<br />

formidable artiste, sous la direction d’une<br />

- 80 -


danseuse qui avait un sens inné <strong>de</strong> l’esthétisme<br />

et du maquillage. C’est à partir <strong>de</strong> ce jour<br />

qu’Edward a vraiment changé. Tout d’abord, il<br />

a commencé par ne plus pouvoir se séparer<br />

d’elle, l’emportant partout avec lui. Au début,<br />

cela flattait quelque peu les protagonistes <strong>de</strong><br />

cette réussite et sa soudaine extravagance<br />

n’était pas remise en cause. C’était un peu<br />

comme si cette marionnette, <strong>de</strong>venue le<br />

prolongement naturel <strong>de</strong> son bras gauche, était<br />

une entité autonome à part entière. Elle était<br />

<strong>de</strong>venue Elizabeth Hillmore, cette jeune femme<br />

qu’il avait tant aimée autrefois en Angleterre et<br />

désormais matérialisée et retrouvée pour<br />

l’éternité. Cela ne vous surprendra<br />

certainement pas si je vous dis qu’elle était la<br />

doublure parfaite <strong>de</strong> la jeune fille. Je le sais, car<br />

Edward m’en avait tellement parlé, que j’avais<br />

l’étrange sensation <strong>de</strong> l’avoir toujours connue ;<br />

elle était maintenant face à moi. Et même si je<br />

savais que tout cela était le fruit d’une folie<br />

douce, je ne pouvais occulter cette confusion et<br />

« Betty » prenait vie dans ma tête aussi,<br />

emportant malgré moi, ma raison dans la<br />

démence <strong>de</strong> celui que j’aimais.<br />

Pour moi, qui n’étais qu’un débutant, cette<br />

approche journalistique, par l’intermédiaire d’un<br />

proche, donnait soudainement plus <strong>de</strong> puissance à<br />

mon futur article. Je laissais parler cette femme,<br />

sans jamais l’interrompre ou la contrarier. Je<br />

- 81 -


l’écoutais, prenais <strong>de</strong>s notes, en gardant une<br />

distance volontaire, sans jamais m’impliquer<br />

d’une façon ou d’une autre. La patience était<br />

<strong>de</strong>venue l’instrument <strong>de</strong> mon <strong>de</strong>venir dans ce<br />

métier. Le len<strong>de</strong>main, à la première heure, je<br />

présentais le brouillon <strong>de</strong> mon article, au<br />

rédacteur en chef, qui s’empressait <strong>de</strong> le survoler<br />

d’un œil professionnel et exigeant, ignorant que<br />

j’avais passé toute la nuit à rédiger ses quelques<br />

pages.<br />

Quelques jours plus tard, et après les corrections<br />

d’usage, mon texte parut dans le « Républicain<br />

Lorrain ». En ouvrant le journal, j’étais heureux<br />

<strong>de</strong> découvrir mon texte finalisé avec l’apposition,<br />

<strong>de</strong>vant mon nom, <strong>de</strong> la fameuse phrase « Propos<br />

recueillis par … ». Ainsi, mon nom figurait pour<br />

la première fois sur un article <strong>de</strong> presse. Ma<br />

famille et mes parents étaient fiers <strong>de</strong> moi et<br />

j’avoue volontiers, que pour la première fois <strong>de</strong><br />

mon existence, j’avais pris <strong>de</strong> l’importance.<br />

Malheureusement, la semaine suivante, <strong>de</strong>s<br />

conséquences dramatiques vinrent ternir cette<br />

parution. Une ban<strong>de</strong> <strong>de</strong> voyou venus <strong>de</strong> la ville se<br />

mirent en tête <strong>de</strong> rendre une visite hostile à la<br />

roulotte et, dans un vacarme mécanique, les<br />

Vespas et autres motos arrivèrent sur place. Après<br />

avoir chahuté violemment le couple et cassé<br />

quelques bibelots, les blousons noirs volèrent la<br />

poupée « Betty » et la jetèrent dans la boue, la<br />

- 82 -


piétinant et crachant <strong>de</strong>ssus comme s’il s’agissait<br />

d’une infamie.<br />

Un journaliste confirmé fut dépêché sur place<br />

pour couvrir le terrible l’événement. Il trouva<br />

l’homme, abattu par la peine et rendu impuissant<br />

par la vieillesse, à genoux <strong>de</strong>vant sa marionnette<br />

souillée par les hommes. Il tenait ses mains<br />

plaquées sur ses joues, le regard en larme. Edward<br />

était prosterné, tel un animal blessé que son âme<br />

en charpie, exhibait sans retenue.<br />

Ainsi, l’image <strong>de</strong> celle qu’il avait tant aimée<br />

s’évanouissait <strong>de</strong> sa mémoire pour laisser place à<br />

la vision tragique et bien réelle d’une poupée dans<br />

la boue…<br />

Ce jour-là, j’ai compris que vouloir placer un<br />

individu sous les feux <strong>de</strong>s projecteurs, n’était pas<br />

sans conséquences. J’avais été dupé par la fougue<br />

<strong>de</strong> ma jeunesse, me laissant croire, un court<br />

instant, que la célébrité soudaine d’un inconnu<br />

était un aboutissement suprême… Exception faite<br />

pour cette innocente victime !<br />

* * *<br />

- 83 -


LA BELLE DE DORMANS<br />

(Nouvelle)<br />

- Excusez-moi Ma<strong>de</strong>moiselle, je suis perdu,<br />

pourriez-vous m’indiquer la direction du bois<br />

<strong>de</strong> Dormans ?<br />

- Oui bien sûr, mais pourquoi faire ?<br />

- Pardon ?<br />

- Qu’allez-vous faire au bois <strong>de</strong> Dormans à cette<br />

heure tardive ?<br />

- Et bien, je dois le traverser pour rejoindre<br />

Epernay où j’ai ren<strong>de</strong>z-vous !<br />

- Mais il est trop tard pour aujourd’hui car dans<br />

quelques minutes, il va faire nuit et traverser ce<br />

bois n’est pas sans risques... Le savez-vous ?<br />

- Heuuu, non, je ne le sais pas… Que voulezvous<br />

dire exactement ?<br />

- Que la « Belle » est revenue ! Elle rô<strong>de</strong> dans les<br />

alentours en guettant ses proies et elle pourrait<br />

vous remarquer et prendre votre vie !!!<br />

- Mais, que dites-vous… Quelle « Belle » ?<br />

- Ne connaissez-vous pas l’histoire <strong>de</strong> la « Belle<br />

au bois dormant » ?<br />

- Si, le film <strong>de</strong> Walt Disney, mais…<br />

- 84 -


- Et bien sachez que l’héroïne <strong>de</strong> ce conte pour<br />

enfant n’a rien à voir avec le personnage dont<br />

je vous parle. La vraie « Belle » n’est pas celle<br />

que vous croyez, elle se nourrit <strong>de</strong> toute vie. Un<br />

soir, alors que le cinéaste traversait le bois pour<br />

le besoin du repérage <strong>de</strong> son premier film<br />

« Blanche-neige », la Belle lui laissa la vie,<br />

dans l’unique condition qu’il écrive une<br />

histoire, contant l’existence misérable d’une<br />

innocente jeune fille, afin d’attirer en ce lieu<br />

maudit grand nombre <strong>de</strong> victime. Mais le bois<br />

<strong>de</strong> Dormans resta sans visiteur, car Walt<br />

Disney, qui ne possédait qu’un français très<br />

approximatif, fit une faute d’orthographe fatale<br />

dans le titre <strong>de</strong> son film. Depuis ce temps, la<br />

Belle est déchaînée et encore plus assoiffée.<br />

- Tout cela est bien absur<strong>de</strong> ! Que dois-je faire<br />

alors, dormir ici et attendre le lever du jour,<br />

dites-moi ?<br />

- Je vous le conseille fortement ! D’ailleurs si<br />

vous dépassez l’orée du bois, à l’heure qu’il<br />

est, vous constaterez qu’il n’y a plus aucun<br />

chant d’oiseaux et nul murmure <strong>de</strong> ruisseau…<br />

Rien que du silence ; celui <strong>de</strong> la mort !!!<br />

- C’est malheureusement impossible, je suis déjà<br />

en retard !<br />

- Alors poursuivez votre chemin en roulant à<br />

vive allure, et soyez pru<strong>de</strong>nt ! Toutefois, je<br />

vous recomman<strong>de</strong> d’éteindre vos phares, votre<br />

autoradio et tout ce qui pourrait attirer<br />

l’attention sur vous… Allez maintenant, partez<br />

- 85 -


sans plus attendre. Je prierai pour que la nuit<br />

noire ne vous emporte pas avec elle, ajouta la<br />

jeune fille.<br />

L’homme la remercia, remonta sa vitre d’un geste<br />

rapi<strong>de</strong>, puis partit en trombe en s’enfonçant dans<br />

le bois, tous feux éteints. Quelques secon<strong>de</strong>s plus<br />

tard, un bruit <strong>de</strong> fracas d’une gran<strong>de</strong> violence<br />

résonna dans la campagne alentour et la jeune fille<br />

regarda en direction du lointain tout en<br />

murmurant : « Maintenant, tu es à moi ! », avec<br />

un regard effrayant, froid et sans âme.<br />

Son visage sans expression se gardait <strong>de</strong> toute<br />

compassion pour cette proie facile, et le coin <strong>de</strong> sa<br />

bouche se plissa lentement pour laisser apparaître<br />

un rictus glacial, un rien terrifiant !<br />

* * *<br />

- 86 -


CLINIQUE-CONFIDENCE<br />

(Nouvelle)<br />

Je soulevais maladroitement mes <strong>lune</strong>ttes <strong>de</strong> soleil<br />

et regardais sur le côté <strong>de</strong> la porte. J’aperçus une<br />

petite plaque <strong>de</strong> bronze usée, stipulant, « Sonnez<br />

et entrez ». Le hall était grand, désert et blanc et<br />

l’o<strong>de</strong>ur ambiante semblait exempte <strong>de</strong> toute vie.<br />

Pas <strong>de</strong> secrétaire médicale ni <strong>de</strong> patient dans la<br />

salle d’attente. Je m’assis sur l’une <strong>de</strong>s chaises,<br />

aux formes impersonnelles, et j’ouvris un<br />

magazine féminin, froissé par <strong>de</strong>s centaines <strong>de</strong><br />

mains. Je le feuilletais nerveusement sans grand<br />

intérêt, puis regardais ma montre et tournais<br />

épisodiquement sur le siège pour soulager mon<br />

inconfort. Et c’est au moment ou mon esprit était<br />

captivé par un article scientifique, aux<br />

explications vulgarisées mais suffisantes, qu’un<br />

homme d’âge mûr, vêtu d’une blouse blanche,<br />

entra :<br />

- « Au suivant… », lança-t’il, à qui voulut<br />

l’entendre.<br />

Devant la pertinence <strong>de</strong> son propos, je tournais<br />

machinalement la tête pour chercher en vain la<br />

- 87 -


présence d’autres personnes, mais étant seul dans<br />

la salle, je regardai l’homme et me levai.<br />

- « Docteur Walter ? »<br />

- Oui ! Vous êtes ?<br />

- Charles Duplan, j’ai ren<strong>de</strong>z-vous à 18 heures.<br />

- Tout à fait, veuillez me suivre.<br />

Je traversai un long couloir puis entrai dans un<br />

grand bureau. Je me sentais gêné et mal à l’aise,<br />

presque honteux, car j’étais à la merci d’une<br />

personne étrangère à qui je <strong>de</strong>vais confier mes<br />

tourments et cela, je n’en avais pas l’habitu<strong>de</strong>. Ma<br />

fonction, au contraire, était celle d’un homme qui<br />

trop souvent, doit écouter les confi<strong>de</strong>nces <strong>de</strong>s<br />

employés et subir l’agressivité <strong>de</strong>s syndicats.<br />

J’expliquai à cet homme que c’était la première<br />

fois que j’entreprenais une visite chez un<br />

Psychiatre, sur les conseils d’un ami mé<strong>de</strong>cin. Il<br />

me répondit : « Eh bien pas moi ! », puis me<br />

rassura avec un large sourire et m’invita à me<br />

débarrasser <strong>de</strong> mes affaires et à prendre place.<br />

Quel plaisir que <strong>de</strong> m’étendre sur ce divan <strong>de</strong> cuir<br />

vert et épais <strong>de</strong> style anglais ! J’étais harassé par<br />

une journée fatigante, <strong>de</strong>s réunions interminables<br />

et <strong>de</strong>s gros conflits <strong>de</strong> services. Car occuper la<br />

fonction <strong>de</strong> Directeur <strong>de</strong>s Ressources Humaines,<br />

d’une entreprise <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> mille employés, est<br />

loin d’être <strong>de</strong> tout repos ! Ayant toujours la tête au<br />

travail, mes phrases étaient bien structurées ; je<br />

- 88 -


parlais comme un Directeur, un cadre supérieur,<br />

en trichant, en meublant et en maniant les mots.<br />

Mais, au fil du temps, mes propos m’impliquaient<br />

au plus profond <strong>de</strong> mon être lorsque je <strong>de</strong>vais<br />

répondre à <strong>de</strong>s questions intimes, sur ma tendre<br />

enfance. Mon verbe <strong>de</strong>venait maladroit et sans<br />

style. Ma voix tremblotante me fragilisait<br />

davantage. J’étais re<strong>de</strong>venu un homme simple qui<br />

regar<strong>de</strong> le mon<strong>de</strong> en face et sa vie à nu.<br />

Peu à peu, j’entrais dans une étrange<br />

introspection, dans une spirale infernale ; je<br />

re<strong>de</strong>venais un enfant, face à cet homme que je<br />

voyais comme un père, finissant même par penser<br />

que c’était lui… Ce père qui n’était plus et auquel<br />

j’aurais voulu tout dire, tout hurler.<br />

Le docteur, quant à lui, était présent mais passif,<br />

écoutant en silence mes mots d’âme et mes maux<br />

<strong>de</strong> cœur. Ainsi cet homme, que je connaissais à<br />

peine, savait tout <strong>de</strong> moi. Je lui avais tant confié<br />

que ma fatigue était à son apogée. Je finissais<br />

même par me ridiculiser, le suppliant <strong>de</strong> me<br />

laisser partir, car trop exténué pour poursuivre<br />

cette aventure intérieure. Mais ce praticien restait<br />

sourd à ma <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et poursuivait sa pleine<br />

attention.<br />

Un inéluctable vi<strong>de</strong> finit par s’établir entre nous,<br />

tel un lourd ri<strong>de</strong>au qui tombait sur le <strong>de</strong>rnier acte<br />

d’une mauvaise comédie. Je ne pouvais plus<br />

parler, me renfermant dans la plus gran<strong>de</strong> solitu<strong>de</strong><br />

- 89 -


qui soit. Je réfléchissais sur mon histoire et sur<br />

mon <strong>de</strong>venir tout en regardant le plafond,<br />

surveillant du coin <strong>de</strong> l’œil l’ombre <strong>de</strong>s platanes<br />

qui assombrissait épisodiquement la pièce. Rien<br />

ne <strong>de</strong>venait plus pesant que ce court instant, aux<br />

secon<strong>de</strong>s longues comme <strong>de</strong>s heures.<br />

Soudain, un grincement brutal résonna dans la<br />

pièce et un homme apparut, visiblement contrarié.<br />

Une mèche tirée et plaquée sur la tempe, couvrant<br />

une calvitie naissante, semblait être rebelle au sort<br />

qui lui avait été choisi. L’homme tendit son in<strong>de</strong>x<br />

vers le psychiatre et déclara d’un ton sec et<br />

ferme :<br />

- « Allons Monsieur Leduc, veuillez cesser vos<br />

fantaisies, me rendre ma blouse et reprendre<br />

votre place dans la salle d’attente ! ».<br />

Et m’apercevant tout à coup, il entra dans une<br />

colère folle. Se retournant brusquement vers lui, il<br />

lui cria :<br />

- « Comment avez-vous pu ? Vous avez laissé un<br />

patient vous consulter en vous faisant passer<br />

pour moi ? Vous ren<strong>de</strong>z-vous compte <strong>de</strong> votre<br />

ignominie et <strong>de</strong> l’embarras <strong>de</strong> cette<br />

situation ? »<br />

L’individu ne répondit pas et, l’air coupable, ôta<br />

la blouse blanche qu’il portait, puis la lui tendit<br />

d’un air craintif. Le vrai docteur Walter se dirigea<br />

vers moi, m’adressa quelques mots d’excuses et<br />

- 90 -


me pria <strong>de</strong> remettre notre ren<strong>de</strong>z-vous à un autre<br />

jour…<br />

Mais moi, qui avais tout raconté à cet homme, que<br />

<strong>de</strong>venais-je maintenant ? Moi, qui avait pleuré<br />

sans pu<strong>de</strong>ur, hurlé sans silence et tout revécu sans<br />

retenue ?<br />

En quittant ce sombre bâtiment, je humais l’o<strong>de</strong>ur<br />

<strong>de</strong> la ville, avec une impression <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>ur<br />

absolu, car je n’étais plus seulement un Directeur<br />

<strong>de</strong> Société ; j’étais plus que cela ; j’étais re<strong>de</strong>venu<br />

un homme, tout simplement !<br />

* * *<br />

- 91 -


LE PROJET E.V.A.<br />

(Nouvelle)<br />

Avant <strong>de</strong> refermer ce recueil, je propose aux plus<br />

imaginatifs d’entre-vous, <strong>de</strong> finaliser le synopsis<br />

d’une histoire d’amour mo<strong>de</strong>rne, volontairement<br />

inachevée...<br />

Une société d’ingénierie informatique tente <strong>de</strong><br />

développer un module <strong>de</strong> synthèse <strong>de</strong><br />

reconnaissance <strong>de</strong> textes, ainsi qu’un générateur<br />

<strong>de</strong> phrases parlées en Intelligence Artificielle, et<br />

ce, en prévision <strong>de</strong> la commercialisation<br />

prochaine d’un jeu <strong>de</strong> rôles interactif, nouvelle<br />

génération. Lors <strong>de</strong> son développement, les<br />

premiers essais donnent <strong>de</strong>s résultats qui<br />

dépassent toutes les espérances <strong>de</strong>s différents<br />

concepteurs et intervenants. La jeune société<br />

déci<strong>de</strong> alors d’élargir les possibilités<br />

commerciales <strong>de</strong> cette interface pour l’incorporer<br />

à <strong>de</strong>s applications plus variées et <strong>de</strong> s’ouvrir ainsi<br />

à un marché plus vaste.<br />

Mais il est difficile pour les concepteurs du<br />

programme <strong>de</strong> pouvoir tester la phase qui consiste<br />

- 92 -


à simuler un individu dans un contexte relationnel<br />

ordinaire. Pour réaliser ce projet, la société passe<br />

alors un accord secret avec les dirigeants d’un site<br />

<strong>de</strong> rencontres sur Internet.<br />

Ainsi, le chef <strong>de</strong> projet guette tous les jours les<br />

nouvelles annonces afin <strong>de</strong> trouver le profil du<br />

sujet qui sera choisi, à son insu, pour cette<br />

expérience. Au bout d’une semaine, un homme,<br />

d’une trentaine d’années, s’inscrit sur le site <strong>de</strong><br />

rencontre et rédige une annonce qu’il intitule<br />

« Jeune-homme cherche femme parfaite ». Il se<br />

décrit avec <strong>de</strong>s mots simples et la photo qu’il<br />

insert en entête <strong>de</strong> son annonce, présente un<br />

homme brun, posé, au sourire généreux.<br />

Les responsables du projet se regroupent<br />

rapi<strong>de</strong>ment pour désigner cet homme comme le<br />

« cobaye » idéal. En effet, son annonce s’impose<br />

car elle symbolise à elle seule, la complexité <strong>de</strong>s<br />

rapports amoureux dans notre société.<br />

Le groupe <strong>de</strong> spécialistes, assisté d’un<br />

psychologue et d’un sociologue, définit les<br />

gran<strong>de</strong>s lignes du « Projet E.V.A. » (Exchange &<br />

Virtual Action). Ce nouveau concept audacieux<br />

<strong>de</strong>vra simuler la pensée d’une jeune femme au<br />

travers d’une relation virtuelle. Le « cobaye »<br />

commence à recevoir quelques messages assez<br />

évasifs d’une émettrice nommée « Eva ». Les<br />

techniciens surveillent tous les mots contenus<br />

dans les réponses du jeune homme et lorsque Eva<br />

ne comprend pas, et génère <strong>de</strong>s co<strong>de</strong>s erreurs<br />

- 93 -


syntaxiques, les techniciens enrichissent<br />

immédiatement sa base <strong>de</strong> connaissance pour que<br />

sa réponse ne tar<strong>de</strong> pas.<br />

Au fil <strong>de</strong>s jours les messages <strong>de</strong>viennent plus<br />

complets et plus impliqués. La femme se dévoile<br />

tout en gardant ses distances vis à vis <strong>de</strong> certains<br />

sujets qu’elle ne semble pas comprendre.<br />

Le jeune homme a une vie tranquille et sans<br />

attache et se fait prendre à ce jeu <strong>de</strong> rédaction et<br />

<strong>de</strong> correspondance. Il découvre rapi<strong>de</strong>ment que la<br />

jeune femme est exceptionnelle et<br />

particulièrement intéressante. Après plusieurs<br />

jours <strong>de</strong> courriers intensifs, il lui <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />

élégamment <strong>de</strong> bien vouloir placer sa photo dans<br />

son annonce. A la réception du message, c’est la<br />

panique totale dans les bureaux d’étu<strong>de</strong>s. Les<br />

« penseurs » refusent tout d’abord, pensant qu’il<br />

était inutile d’associer ce projet à une quelconque<br />

icône, mais finissent par cé<strong>de</strong>r <strong>de</strong>vant le soudain<br />

désintérêt du jeune homme. Les penseurs<br />

prennent rapi<strong>de</strong>ment conscience <strong>de</strong> la subtilité et<br />

la fragilité <strong>de</strong>s relations virtuelles et influencent<br />

les décisions au plus haut niveau hiérarchique.<br />

Le Directeur, <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au service communication<br />

<strong>de</strong> trouver la photo d’une jeune femme dans une<br />

banque <strong>de</strong> donnée graphique professionnelle.<br />

Mais la recherche propose un catalogue <strong>de</strong><br />

mannequins, aux visages plus sophistiqués les uns<br />

que les autres, sont bien trop parfaits pour être<br />

crédibles.<br />

- 94 -


En rentrant chez lui ce haut dirigeant explique son<br />

problème à son épouse. Devant son embarras, elle<br />

consent à utiliser la photo <strong>de</strong> sa fille aînée pour les<br />

besoins <strong>de</strong> cette expérience. La jeune fille étudiant<br />

dans une ville assez éloignée, la possibilité que<br />

ces <strong>de</strong>ux personnes se croisent un jour était d’une<br />

chance sur cinq millions.<br />

De toute façon, cet homme <strong>de</strong> pouvoir sait mieux<br />

que quiconque que sa société se porte très mal et<br />

que ce choix est sa seule possibilité. Alors, sans<br />

hésiter, il est prêt à faire tous les sacrifices<br />

possibles pour que ce projet n’échoue pas, car il<br />

met tous ses espoirs sur la réussite <strong>de</strong> ce nouveau<br />

produit qui pourrait enfin le sortir <strong>de</strong> l’impasse.<br />

Le len<strong>de</strong>main matin c’est donc sans regret que le<br />

visage angélique <strong>de</strong> sa fille, âgée alors <strong>de</strong> vingt<strong>de</strong>ux<br />

ans, apparut sur l’annonce en ligne. L’effet<br />

escompté fut un véritable succès, car l’intérêt du<br />

jeune homme redoubla subitement et la bonne<br />

nouvelle se propagea <strong>de</strong> bureau en bureau comme<br />

une grippe espagnole, emportant avec elle, les<br />

<strong>de</strong>rniers doutes.<br />

La société d’ingénierie continua donc d’améliorer<br />

son logiciel et Eva <strong>de</strong>vint, <strong>de</strong> messages en<br />

messages, plus crédible qu’une jeune femme <strong>de</strong><br />

son âge.<br />

Le jeune homme découvre que Eva a tout pour le<br />

séduire : elle a les mêmes goûts, <strong>de</strong>s espoirs<br />

similaires et semble douce et affectueuse. Il désire<br />

- 95 -


<strong>de</strong> plus en plus la découvrir en réel et s’impatiente<br />

à l’idée <strong>de</strong> pouvoir bientôt la rencontrer. Devant<br />

l’insistance du « cobaye », les concepteurs<br />

doivent simuler une rencontre, bien évi<strong>de</strong>mment<br />

fictive, pour gagner du temps et entretenir la<br />

relation avant <strong>de</strong> finaliser définitivement leur<br />

logiciel.<br />

Eva lui proposa alors une rencontre le vendredi<br />

suivant à 11 H 30. Dans son message, elle lui<br />

avait <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> l’attendre <strong>de</strong>vant un arrêt <strong>de</strong> bus<br />

à côté d’un building. Elle avait décrit ses<br />

vêtements et précisé qu’elle porterait un parapluie<br />

bleu car le temps <strong>de</strong>vait se gâter.<br />

L’homme, impatient au possible, se rendit le jour<br />

dit au ren<strong>de</strong>z-vous. Arrivé sur place bien en<br />

avance, il guettait avec gran<strong>de</strong> attention, toutes les<br />

jeunes femmes qui passaient à proximité, mais en<br />

vain.<br />

Plus haut, dans les étages supérieurs du building<br />

d’à côté, un petit comité observait le jeune<br />

homme à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> jumelles. Puis, une femme,<br />

d’une vingtaine d’années, vint à passer <strong>de</strong>vant<br />

l’abri <strong>de</strong> bus, traversa la rue et rentra dans la tour.<br />

Le jeune homme sortit précipitamment une feuille<br />

<strong>de</strong> papier <strong>de</strong> sa veste et déplia la photo qu’il avait<br />

imprimée par précaution. Il pensa immédiatement<br />

que c’était Eva, tant la ressemblance était<br />

flagrante.<br />

- 96 -


Il la suit alors précipitamment, mais un portier<br />

tenait déjà la porte ouverte à la belle créature qui<br />

s’engouffra en disparaissant dans l’immeuble. Le<br />

jeune homme resta à l’extérieur, attendit plusieurs<br />

minutes, puis repartit, le visage pâle et le cœur<br />

battant.<br />

Le hasard avait voulu que ce jour-là, la fille du<br />

directeur, eu l’envie <strong>de</strong> faire une surprise à son<br />

père en venant le chercher à son travail pour<br />

partager avec lui, le repas du midi.<br />

Le jeune homme ne s’était pas trompé, la fausse<br />

Eva était bien passée à quelques centimètres <strong>de</strong><br />

lui. En rentrant, il se précipita sur son le clavier <strong>de</strong><br />

son ordinateur et envoya un message à Eva pour<br />

lui faire part <strong>de</strong> son étonnement et <strong>de</strong> sa gran<strong>de</strong><br />

déception quant à son comportement.<br />

A la lecture du message, les responsables du<br />

projet ont, pour la secon<strong>de</strong> fois, peur <strong>de</strong> perdre<br />

l’enthousiasme du jeune homme pour Eva. Ce<br />

serait une véritable catastrophe, car recommencer<br />

une nouvelle procédure retar<strong>de</strong>rait énormément<br />

l’aboutissement du projet.<br />

L’équipe <strong>de</strong> développement déci<strong>de</strong> alors <strong>de</strong> créer<br />

une ligne téléphonique temporaire avec un<br />

répon<strong>de</strong>ur et d’enregistrer un message d’absence<br />

avec une voix féminine <strong>de</strong>s plus sensuelles. Eva<br />

est <strong>de</strong> nouveau programmée pour lui répondre et<br />

lui transmettre ses coordonnées téléphoniques. Le<br />

- 97 -


jeune homme accueille, à tort, cette initiative<br />

comme un pas en avant. L’échange <strong>de</strong> messages<br />

sur Internet reprend <strong>de</strong> plus belle et le jeune<br />

homme harcèle le répon<strong>de</strong>ur téléphonique d’Eva<br />

<strong>de</strong> messages plus doux les uns que les autres.<br />

Mais les <strong>de</strong>rniers correctifs du programme<br />

viennent <strong>de</strong> s’achever et le projet arrive à son<br />

terme. La société informatique déci<strong>de</strong> qu’il est<br />

temps d’arrêter la phase <strong>de</strong> « prototypage » du<br />

programme et <strong>de</strong> franchir une nouvelle étape :<br />

celle <strong>de</strong> la « finalisation ». Une gran<strong>de</strong> réunion a<br />

lieu et il est décidé <strong>de</strong> supprimer l’annonce sur<br />

Internet, mais <strong>de</strong> laisser temporairement le<br />

répon<strong>de</strong>ur téléphonique. Ils pensent que le jeune<br />

homme, qui a déjà saturé l’appareil plusieurs fois,<br />

se lassera <strong>de</strong> lui-même et finira par abandonner<br />

ses avances. Mais le « cobaye » ne veut pas<br />

abandonner. Il ne comprend pas la brusque<br />

disparition d’Eva. Sa désillusion et l’inquiétu<strong>de</strong><br />

l’habitent <strong>de</strong> plus en plus fort et l’angoisse le<br />

déstabilise terriblement. Il ne se rend même plus à<br />

son travail <strong>de</strong>puis plusieurs jours, prétextant un<br />

mal soudain et se néglige à vue d’œil. Motivé par<br />

sa détresse, il contact un ami, employé dans une<br />

société <strong>de</strong> télécommunication, et arrive à le<br />

convaincre <strong>de</strong> chercher les coordonnées postales<br />

d’Eva à partir <strong>de</strong> son numéro <strong>de</strong> téléphone.<br />

Devant l’état <strong>de</strong> détresse et l’insistance du jeune<br />

homme, son ami fait une recherche et constate<br />

avec stupeur que cette ligne est au nom d’une<br />

- 98 -


société. Peut importe ! Le jeune homme est prêt à<br />

tout et ne peut attendre davantage. Il se présente à<br />

l’adresse indiquée par son ami. Arrivé <strong>de</strong>vant le<br />

siège social <strong>de</strong> l’entreprise, il se rend compte que<br />

c’est le building à côté duquel ils avaient eu<br />

ren<strong>de</strong>z-vous. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alors au réceptionniste le<br />

numéro <strong>de</strong> bureau d’une <strong>de</strong>moiselle prénommée<br />

Eva. L’employé ne trouve personne correspondant<br />

à ce prénom dans l’annuaire <strong>de</strong>s employés <strong>de</strong> la<br />

société. Il élargit même sa recherche sur<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s sociétés présentent dans les autres<br />

étages. Pourtant, le jeune homme se souvient que<br />

ce jour-là il l’avait bien vu y entrer.<br />

A bout <strong>de</strong> nerfs, il perd son sang froid, s’énerve et<br />

<strong>de</strong>man<strong>de</strong> à voir immédiatement un responsable.<br />

Car, pour lui, ce ne pouvait être une simple<br />

coïnci<strong>de</strong>nce. Il <strong>de</strong>vait à tout prix retrouver Eva,<br />

déterminé à rencontrer cette femme parfaite qui<br />

s’était promise à lui.<br />

Maintenant il savait qu’il n’abandonnerait jamais,<br />

décidé à patienter <strong>de</strong>s heures entières <strong>de</strong>vant cette<br />

tour <strong>de</strong> verre aux dimensions inhumaines qui<br />

reflétait le mouvement <strong>de</strong> la ville, dans l’espoir<br />

fou <strong>de</strong> serrer enfin dans ses bras… la douce Eva.<br />

* * *<br />

- 99 -


- 100 -


REMERCIEMENTS<br />

Merci à toutes les personnes qui m’ont aidé à me<br />

construire, d’année en année, pour <strong>de</strong>venir celui<br />

que je suis, avec tout d’abord un grand merci à<br />

mes parents. A ma femme, à mon fils et à<br />

Sébastien pour tout leur amour. Merci à mon<br />

cousin Franck d’avoir toujours cru en moi, ainsi<br />

qu’à mon neveu Vincent pour son soutien et sa<br />

constante attention.<br />

Enfin, un grand merci à mes amis <strong>de</strong> toujours,<br />

Francisco et Héléna, Denis et Valérie, Nicolas et<br />

Bernard, sans oublier André Vidic pour la<br />

magnifique photo lunaire qui habille<br />

admirablement la couverture <strong>de</strong> ce livre.<br />

Je terminerai en remerciant mes plus fidèles<br />

lecteurs, qui, <strong>de</strong>puis la parution <strong>de</strong> mon premier<br />

roman, me témoignent toute leur sympathie. A<br />

ceux-là même, qui, par le cœur et l’esprit font,<br />

sans même s’en douter, partie <strong>de</strong> ma famille.<br />

R.Douault<br />

Site internet <strong>de</strong> l’auteur : http://www.robert-douault.com<br />

- 101 -

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!