L'accès et le contrôle des ressources par les femmes - Belgium

L’ACCèS ET LE CONTRÔLE
DES RESSOURCES PAR LES FEMMES
Un défi pour la sécurité alimentaire
Groupe Genre, Empowerment et Sécurité Alimentaire
de la Commission Femmes et Développement

L’ACCèS ET LE CONTRÔLE
DES RESSOURCES PAR LES FEMMES
Un défi pour la sécurité alimentaire
© Auteures de cette publication:
• Catherine BELEMSIGRI, Consultante Indépendante en Genre au Niger.
• Lisette CAUBERGS, ATOL (vzw), lid van de Werkgroep Gender, Empowerment en Voedselzekerheid (GEV)
van de Commissie Vrouwen en Ontwikkeling (CVO).
• Carmelina CARACCILLO, Entraide et Fraternité, lid van de Werkgroep Gender, Empowerment en
Voedselzekerheid van de Commissie Vrouwen en Ontwikkeling.
• Sophie CHARLIER, Le Monde selon les femmes, Présidente du groupe Genre Empowerment
et Sécurité Alimentaire (GESA) de la Commission Femmes et Développement (CFD).
• Lea CLAES, Agricultrice belge.
• Mara COPPENS, Conseillère à la Cellule stratégique du Ministre de la Coopération au Développement,
M. Charles Michel.
• Virginie DATTLER, titulaire d’un Master en développement, UCL.
• Djènèbou DEMBELE, Association Malienne pour la Promotion des Entreprises Féminines (AMAPEF).
• Isabelle DENIS, Chargée de liaison, Bureau de liaison de la FAO avec l’Union Européenne et la Belgique.
• Martje HOUBRECHTS, Dimitra (FAO), lid van de Werkgroep Gender, Empowerment en Voedselzekerheid
van de Commissie Vrouwen en Ontwikkeling.
• Françoise KAT KAMBOL, Doctorante en Sociologie à l’Université de Lubumbashi /ISES
et Coordinatrice de l’ONG «Action pour le Développement Intégré de la Femme» (ADIF).
• Thierry KESTELOOT, Chercheur en souveraineté alimentaire à Oxfam-Solidarité
et membre de la Coalition belge contre la faim.
• Angèle MBOMBO KATCHIUNGA, Secrétaire exécutive du REFD Casaï Oriental RDCongo
et Coordinatrice du CEDI (Centre D’encadrement pour le Développement Intégré DIKOLELA).
• Eliane NAJROS, Dimitra (FAO), Lid van de Werkgroep Gender, Empowerment
en Voedselzekerheid van de Commissie Vrouwen en Ontwikkeling.
• Fatou NDOYE, Chargée du programme genre à ENDA GRAF et coordinatrice de la plate-forme alimentaire
« Geewo Agro » à Dakar, Sénégal.
• Tiné NDOYE, Présidente du Réseau National des Femmes Rurales du Sénégal.
• Marie-Thérèse NDUMBA, genderexperte, lid van de Werkgroep Gender, Empowerment en Voedselzekerheid
van de Commissie Vrouwen en Ontwikkeling.
• Annick SEZIBERA, Confédérations des Associations des Producteurs Agricoles
pour le Développement (CAPAD), Burundi.
LECTRICES :
• Poupette CHOQUE
• Virginie DELATTRE ESCUDIE
• Sylvie GROLET
• Ashling HOARE
TRADUCTRICE :
Delphine ROSSINI
Mise en page de : www.immediaprint.be
Dépôt légal : 0218/2011/07
Commission Femmes et Développement
DGD, Direction Générale de la Coopération au Développement
SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement
rue des Petits Carmes 15 (Na 59 – B305) - 1000 Brussel
+32 2 501.44.43 - +32 2 501.45.44
cvo-cfd@diplobel.fed.be
http://diplomatie.belgium.be/fr/politique/cooperation_au_developpement/CFD/
© Illustrations de Lisette CAUBERGS

L’ACCèS ET LE CONTRÔLE
DES RESSOURCES PAR LES FEMMES
Un défi pour la sécurité alimentaire
Groupe Genre, Empowerment et Sécurité Alimentaire
de la Commission Femmes et Développement

TABLE DES MATIERES

TABLE DES MATIèRES
ACRONYMES 6
1. INTRODUCTION GLOBALE 8
1.1. IntroductIon
Sophie Charlier 9
1.2. IntroductIon à la problématIque
de l’accès des ressources et de
leurs contrôles par les femmes
en lIen avec les enjeux de
la sécurIté alImentaIre 13
2. LES POSITIONS DES INSTITUTIONS
DE DEVELOPPEMENT 32
2.1. l’Importance de l’agrIculture et
du genre au seIn de la coopératIon
belge au développement
Mara Coppens 33
2.2. l’accès aux ressources et leur
contrôle - poInt de vue de la fao
Isabelle Denis 36
2.3. la souveraIneté alImentaIre ne se
fera pas sans justIce de genre
Thierry Kesteloot 40
3. ANALYSE DES FACTEURS
D’INSECURITE ALIMENTAIRE ET
DES STRATEGIES DES FEMMES POUR
UNE SECURITE ALIMENTAIRE 44
3.1. au sénégal, l’accès et le contrôle des
ressources par les femmes :
défIs pour la sécurIté alImentaIre
Fatou Ndoye & Virginie Dattler 45
3.2. au nIger, l’accès et le contrôle des
ressources par les femmes :
un défI pour la sécurIté
alImentaIre
Catherine Bélemsigri 56
3.3. les InterdIts alImentaIres en
républIque démocratIque du congo
Françoise Kat Kambol 66
4. EXEMPLES DE PRATIQUES ET
STRATEGIES A LA BASE 72
4.1. l’accès et le contrôle
des ressources par les femmes :
un défI pour la sécurIté alImentaIre
Tiné Ndoye 73
4.2. femmes et sécurIté alImentaIre
au malI
Djénébou Dembélé 78
4.3. expérIence en genre de la capad
Annick Sezibera 86
4.4. voedselteams
Lea Claes 89
4.5. rdc : l’accès et le contrôle de
ressources par les femmes, un
défI pour la sécurIté alImentaIre
Angèle Mbombo 92
5. CONCLUSION ET
RECOMMANDATIONS 94
vers une sécurIté alImentaIre :
des InégalItés à combattre 95
5

ACRONYMES

ACRONYMES
ADPIC Accords Internationaux sur la
Protection des Droits Intellectuels
AG
AGR
Assemblée Générale
Activités Génératrices de
Revenus
ALISA Alimentation, Innovation et
Savoir faire Agroalimentaire en
Afrique de l’Ouest
AOPP
BC
Association d’Organisations
Professionnelles Paysannes
Banque de Céréales
CAPAD Confédération des Associations
des Producteurs Agricoles pour
le Développement
GIE
IFPRI
ISDL
MGF
MUSO
NTIC
OMC
Groupement d’Intérêt
Economique
Institut International de
Recherche sur les Politiques
Alimentaires
Institut Supérieur pour le
Développement Local
Mutilation Génitales Féminines
Mutuelle de Solidarité
Nouvelles Technologies
de l’Information et
de la Communication
Organisation Mondiale du
Commerce
CEDI
Centre d’Encadrement pour
le Développement Intégré
OMD
Objectifs du Millénaire pour le
Développement
CFD
Commission Femmes
et Développement
ONG
Organisation
Non-Gouvernementale
CTB
Coopération Technique Belge
PIB
Produit Intérieur Brut
DGCD
DQ
FAO
FMI
Direction Générale de
la Coopération au Développement
Dépenses Quotidiennes
Organisation des Nations Unies
pour l’Alimentation et l’Agriculture
Fonds Monétaire International
SDRP
RDC
RGAC
Stratégie de Développement
accéléré et de Réduction de
la Pauvreté
République Démocratique
du Congo
Recensement Général de
l’Agriculture et du Cheptel
GESA
Genre Empowerment et Sécurité
Alimentaire
UPI
Unité de Production Informelle
7

1. INTRODUCTION
GLOBALE

1.1. INTRODUCTION
Depuis deux ans, le groupe de travail
« Genre et Sécurité Alimentaire» de la
Commission Femmes et Développement
(CFD) travaille sur le thème de l’accès
aux ressources et de leur contrôle par les
femmes, en lien avec la sécurité alimentaire.
Les derniers chiffres publiés par la FAO
confirment qu’il est nécessaire d’attacher
une importance toute particulière à la
sécurité alimentaire. Le nombre de gens
souffrant de la faim dans le monde est,
aujourd’hui encore, de 925 millions de
personnes! Même si ce chiffre montre une
relative amélioration de la situation, il reste
cependant «supérieur au niveau d’avant
les crises alimentaire et économique de
2008», qui était alors de 850 millions.
Paradoxalement, c’est surtout en milieu
rural que les personnes souffrent le plus
de la faim, touchant majoritairement les
femmes et les enfants. Et pourtant, de
par leur rôle socioculturel, les femmes
sont responsables de l’agriculture de
consommation familiale, des plantes
médicinales, ainsi que de la préparation
des plats consommés chaque jour. En
milieu urbain, on les retrouve dans
des activités génératrices de revenus
et ces revenus sont investis en grande
partie dans l’achat de biens alimentaires
destinés à la famille.
Ces différentes réalités ont interpellé
le groupe de travail qui, dans un
premier temps, s’est penché sur le lien
entre le développement du processus
d’empowerment des femmes et la sécurité
alimentaire des familles. Le groupe de
travail a voulu se questionner sur des
réalités comme la faim dans le monde
et les stratégies développées par les
femmes pour assurer l’alimentation de
la famille. Nous avons voulu mettre en
lumière les pratiques de terrain, grâce aux
témoignages de différentes intervenantes
qui ont présenté une analyse critique de
leur expérience de terrain ainsi que leurs
résultats. C’est ainsi qu’un séminaire
international intitulé «l’accès et le contrôle
des ressources par les femmes : un défi
pour la sécurité alimentaire» a été organisé
le 15 décembre 2009. Cette journée nous
a permis de discuter l’approche du thème
avec d’autres partenaires, dans un premier
temps avec des partenaires africains puis
avec des acteurs de la coopération au
développement. Nous avons ainsi écouté
des exposés théoriques, reprenant les
résultats de recherches et/ou analyses de
terrain. Nous avons également reçu les
témoignages de femmes leaders dans des
organisations paysannes et partagé leurs
expériences. Au total, 170 personnes, tous
acteurs ou actrices dans la coopération au
développement en Belgique ou dans les
pays du Sud, ont participé à ce séminaire.
Cette publication s’ouvre sur le document
de base de notre discussion, réalisé par le
groupe de travail de la Commission Femmes
et Développement (introduction).
ll s’agit d’un bref rappel de l’analyse
sur le développement du processus
d’empowerment des femmes, de leur
accès aux ressources et leur contrôle pour
la sécurité alimentaire de la famille.
Un second chapitre intitulé la position
des institutions de développement
reprend d’une part les priorités du Ministre
belge de la Coopération au Développement
face aux enjeux du genre et de la
sécurité alimentaire et, d’autre part, les
recommandations de la FAO sur le sujet.
Les thèmes du genre et de l’agriculture
sont deux thèmes prioritaires pour la
9

1. INTRODUCTION GLOBALE
coopération belge. Lors de son intervention,
Mara Coppens, conseillère à la Cellule
stratégique du Ministre de la Coopération,
Charles Michel, rappelle que le genre est
partie intégrante de la politique de sécurité
alimentaire du Ministre. Elle précise que le
Ministre de la Coopération s’est engagé à
accroître l’investissement dans le secteur
agricole et dans la sécurité alimentaire
ainsi que dans la prise en compte du genre
dans ce secteur.
Isabelle Denis, chargée de liaison au
bureau de liaison de la FAO avec l’Union
Européenne et la Belgique, fait le tour de la
question «femmes et sécurité alimentaire»
et présente les actions de la FAO sur le sujet.
Elle souligne que les inégalités sociales et
économiques entre hommes et femmes
compromettent la sécurité alimentaire et
freinent la croissance économique et les
progrès du secteur agricole.
Enfin, Thierry Kesteloot, chercheur sur la
souveraineté alimentaire à Oxfam solidarité
et membre de la Coalition belge contre la
faim, présente les actions de la coalition,
parle du désir de cette dernière d’intégrer
la dimension genre à son programme et de
faire pour cela des liens avec les différents
acteurs de la lutte contre la faim, pour une
vue plus globale.
Les résultats du séminaire ont démontré le
rôle essentiel des femmes dans la sécurité
alimentaire des familles. Cependant, dans
la pratique, les femmes bénéficient de
moins de droits que les hommes en termes
d’accès aux ressources et de leur contrôle.
De plus, peu de moyens financiers sont
dédiés à l’agriculture vivrière.
Le troisième chapitre de notre publication
concerne l’analyse des facteurs d’insécurité
alimentaire et des stratégies
des femmes pour une sécurité alimentaire.
Il reprend les résultats d’études sur
le thème réalisées au Sénégal, au Niger et
en RDC.
Fatou Ndoye, chargée du programme genre
à ENDA GRAF et coordinatrice de la plateforme
alimentaire «Geewo Agro» à Dakar,
Sénégal et Virginie Dattler, titulaire d’un
master en développement, présentent les
résultats d’une recherche sur les stratégies
développées par les femmes du Sénégal
pour nourrir leurs familles. Les situations
de crise obligent les familles à revoir leur
manière de consommer ainsi qu’à redéfinir
les priorités lors de l’investissement des
revenus. Différentes stratégies existent pour
faire face à la crise et la difficulté de nourrir
la famille pousse parfois les foyers à avoir
recours à la restauration de rue, pratique
de consommation de moindre qualité et
affectant par ailleurs la cohésion familiale. Les
familles sont déstructurées et les enfants de
plus en plus livrés à eux-mêmes. Et pourtant,
malgré ces difficultés, les femmes cherchent
des solutions collectives à travers la création
de restaurants populaires contrôlés ou de
petites entreprises de transformation de
produits agricoles (fruits, farines, etc.). Le
développement de ces pratiques d’économie
solidaire permet de répondre partiellement
au problème de l’insécurité alimentaire. De
plus, elles contribuent au renforcement de
l’estime de soi et de la solidarité entre les
femmes.
Au Niger, Catherine Bélemsigri, consultante
indépendante en genre, nous parle de la
participation des femmes à l’agriculture.
Elle nous propose un regard genre dans
l’agriculture du Niger. Même si cela ne
transparaît pas dans les données officielles,
les femmes participent clairement à la
sécurité alimentaire, que ce soit à travers
l’élevage ou la production agricole (mil,
10

sorgho, maïs, haricot et légumineuses). De
plus, elles constituent une part importante
de la main d’œuvre utilisée dans les
champs familiaux. Le problème de l’accès
à la terre reste une contrainte importante
pour les femmes. En effet, leur accès à la
terre et surtout leur contrôle est limité en
raison du système foncier au Niger (droit
coutumier, religieux et moderne). En outre,
l’accaparement des terres rachetées par
des nantis qui proposent une agriculture
moderne intensive constitue une nouvelle
limite pour les femmes.
Enfin, une étude réalisée par Françoise
Kat, doctorante en RDC, présente une
approche de l’insécurité alimentaire des
femmes enceintes à partir des interdits
alimentaires. Il en existe de nombreux dans
la tradition africaine, qui, dans certains cas,
peuvent avoir des conséquences néfastes
sur la santé des femmes. En effet, si la
situation économique se détériore, cellesci
ne trouvent pas toujours les aliments de
substitution à des prix abordables et font
face à des carences alimentaires.
Un quatrième chapitre intitulé «exemples
de pratiques et stratégies à la base»,
présente quatre témoignages d’organisations
sociales de développement. Chaque
témoignage décrit les stratégies mises en
place par les familles ainsi que les changements
des pratiques alimentaires liés aux
crises. Il souligne également l’importance
de l’accès aux ressources naturelles - et
leur contrôle - financières et humaines,
pour assurer une alimentation de qualité
au sein de la famille.
Tiné Ndoye, présidente du RNFRS «Réseau
National des Femmes Rurales du Sénégal»,
partage son expérience politique et agricole
et décrit les contraintes rencontrées par les
agricultrices.
Djénébou Dembélé, coordinatrice de programmes
d’AMAPEF «Association Malienne
pour la Promotion des Entreprises Féminines»,
fait le point sur le rôle des femmes
dans la gestion de la production agricole.
Elle illustre par ailleurs l’expérience de son
association.
Annick Sezibera, présidente de la CAPAD
«Confédération des Associations des Producteurs
Agricoles pour le Développement» au
Burundi, nous introduit à la mission et aux
activités de son organisation sur ce thème.
Lea Claes, agricultrice belge, présente le
concept des «Voedselteams», groupes
d’achat, qui se fournissent en fruits et légumes
directement chez le cultivateur.
En guise de conclusion, le groupe de
travail présente une série de recommandations
formulées en concertation avec les
femmes du Sud participant au colloque.
Ces recommandations, exprimées selon
les quatre principes de l’empowerment
des femmes - Avoir, Savoir, Vouloir, Pouvoir
- sont destinées à mettre en lumière les
progrès à faire en matière de genre et sécurité
alimentaire. Elles s’adressent à tous
les acteurs du développement que ce soit
la Coopération internationale, bi- et multilatérale,
ou les acteurs de la coopération
non-gouvernementale au Nord et au Sud.
Ces recommandations mettent l’accent sur
l’importance d’appuyer les politiques de
développement qui soutiennent et mettent
en place une agriculture paysanne pour une
souveraineté alimentaire (droit des peuples
à choisir la manière de se nourrir). Et, de
plus, que ces politiques de coopération
puissent prendre en compte les questions
de genre. Cela signifie encourager des
recherches-actions qui tiennent compte
des rôles et des spécificités des femmes
et des hommes dans l’agriculture. Cela
11

1. INTRODUCTION GLOBALE
implique aussi le développement de
recherches qui permettent d’améliorer
les conditions de production des produits
vivriers en se basant sur les savoirs et
en développant les stratégies mises au
point par les paysannes. Les recherches
et les collectes de données devraient être
différenciées par sexe.
Un autre point important est l’accès des
hommes et des femmes à la terre et son
contrôle (sécurité d’accès). L’accaparement
des terres que certains appellent le «nouveau
colonialisme agraire» a des conséquences
directes sur la vie des paysans-nes. Ces
derniers-ières revendent leurs terres dans
l’espoir d’une vie meilleure en ville et se
retrouvent finalement sans moyens et sans
outils de production. L’accès à la terre et son
contrôle sont aussi une question de droits.
Or, à ce jour, les femmes ont moins de
droits que les hommes en matière d’accès
aux ressources, qu’il s’agisse de la terre,
des intrants, du crédit ou de la formation.
Il est urgent de soutenir les gouvernements
du Sud qui sont prêts à revoir les lois et/ou
à mettre en place des dispositifs pour
les faire appliquer de manière à garantir
un accès équitable aux femmes et aux
hommes aux ressources naturelles et
financières. Des indicateurs de genre sont
nécessaires pour mesurer cette évolution.
Il faut également s’assurer que les lois
relatives aux droits des femmes à la terre
soient votées et appliquées.
Les recommandations insistent également
sur le lien entre la sécurité alimentaire
et le besoin d’un climat de paix. En effet,
dans bien des régions, les hommes et
les femmes n’osent plus aller dans les
champs de peur d’être attaqués, torturés
ou violés. La violence n’est pas un
élément pris en compte comme tel dans
les politiques agricoles ni même dans les
indicateurs des Objectifs du Millénaire pour
le Développement (OMD). Et pourtant,
on sait que les violences ont un effet
dévastateur sur la santé des femmes, leur
accès aux ressources et leur estime de soi
(empowerment).
Grâce à cette publication, la CFD espère
attirer l’attention des acteurs de la sécurité
alimentaire sur la nécessité de donner
plus de droits aux femmes et de veiller à
l’application de droits déjà existants, pour
une meilleure sécurité alimentaire.
Sophie Charlier,
Présidente du groupe GESA
Juin 2011
12

1.2. INTRODUCTION à LA PROBLéMATIQUE DE L’ACCèS DES
RESSOURCES ET DE LEURS CONTRÔLES PAR LES FEMMES
EN LIEN AVEC LES ENjEUX DE LA SéCURITé ALIMENTAIRE
GESA*
Avoir à manger chaque jour pour ses
enfants et pour soi-même est la plus grande
préoccupation d’un très grand nombre
d’hommes et de femmes dans le monde.
Pourtant, la qualité de la nourriture ou les
conditions (directes ou indirectes) dans
lesquelles cette nourriture a été produite
ou la manière dont on se l’est procurée
posent encore question. En effet, bien des
femmes et des hommes n’arrivent pas à
subvenir à leurs besoins de base, c’est-àdire,
avoir à manger et à boire en suffisance
et en qualité, même si ceci devrait être un
droit pour toutes et tous.
En 2009, le nombre de personnes ayant
faim dans le monde avait augmenté
jusqu’à 1,02 milliard, le chiffre le plus
élevé depuis 1970.
En 2010, une amélioration a été constatée
et en septembre, la FAO a annoncé 1 que le
nombre de gens souffrant de la faim a chuté
de 98 millions en 1 an mais il reste encore
925 millions de personnes qui souffrent de
la faim. La baisse s’expliquerait en grande
partie par une conjoncture économique plus
favorable en 2010 et par la baisse des prix
alimentaires depuis 2008, aussi bien sur
les marchés internationaux que nationaux.
925 millions de personnes souffrant de
la faim, cela reste «supérieur au niveau
d’avant les crises alimentaire et économique
de 2008», qui était de 850 millions.
La baisse du nombre d’affamés s’est ressentie
dans toutes les régions du monde. L’Asie-
Pacifique est la plus massivement touchée,
avec 578 millions de personnes affamées,
mais c’est aussi celle où la faim a le plus reculé,
avec une baisse de 12% par rapport à
2009. La proportion d’affamés reste la plus
forte en Afrique sub-saharienne, avec 30%
de la population qui souffre de la faim. De
plus, soixante dix pour cent de ceux qui ont
faim vivent en zones rurales.
Les récentes crises régionales ou mondiales
(alimentaires – énergétiques – financières -
environnementales) ainsi que les situations
de guerre et d’insécurité politique ont (eu)
sans doute une influence sur l’insécurité
alimentaire mais le fait que près d’un milliard
de personnes continuent d’être victimes
de la faim, même après la conclusion des
récentes crises alimentaire et financière,
traduit un problème structurel plus profond
conclut la FAO.
Cette situation préoccupante mérite
une attention particulière, raison pour
laquelle la sécurité alimentaire est au
cœur de beaucoup de programmes de
développement, aussi bien des ONG que
des Coopérations bi- et multilatérales.
Par leur rôle socioculturel, les femmes sont
généralement les premières responsables
de l’approvisionnement en eau et de
la transformation et préparation de la
nourriture. Mais le rôle économique des
femmes ne se limite pas à cet aspect de la
sécurité alimentaire. Leurs responsabilités
dans l’agriculture et l’élevage ont souvent
été sous-estimées et leur travail dans ces
domaines reste encore trop peu visible. En
milieu urbain, les femmes – suite à leurs
activités multiples génératrices de revenus
- contribuent considérablement au budget
du ménage pour l’achat et la transformation
des aliments. Cette situation est d’autant
plus parlante pour les ménages ayant une
femme comme chef de ménage - à cause
de la migration, du divorce ou du veuvage -
1
www.france24.com/fr/20100914-fao-onu-faim-monde-recule-crise-alimentaire-prixbaisse
* Document de travail du groupe GESA élaboré sous la coordination de Lisette Caubergs, Carmelina Caraccillo,
Sophie Charlier, Maartje Houbrechts, Eliane Najros, Marie-Thérèse Ndumba.
13

1. INTRODUCTION GLOBALE
et qui figurent souvent parmi les ménages
les plus pauvres. En Afrique subsaharienne,
31% des ménages ruraux sont dirigés par
des femmes, alors qu’en Amérique latine,
aux Caraïbes et en Asie, les chiffres sont
respectivement de 17 et 14%.
D’autre part, les contraintes économiques,
sociales et culturelles auxquelles les femmes
doivent faire face les empêchent d’assurer
leurs responsabilités et/ou de trouver un
juste équilibre avec les hommes dans l’accomplissement
de ces responsabilités.
Ces réalités - la faim dans le monde et les
responsabilités des femmes dans la sécurité
alimentaire - nous interpellent en tant que
groupe de travail de la Commission «Femmes
et Développement». Aussi, le groupe de travail
sur l’empowerment des femmes a décidé
de continuer son engagement et de focaliser
ses efforts sur le rôle des femmes dans la
sécurité alimentaire.
Ce document veut servir de cadre de référence
pour guider les recherches-action en
cours dans le Sud, et pour formuler des
recommandations vis-à-vis de la Coopération
internationale, bi- multilatérale et
non-gouvernementale.
• Les crises et La sécurité
ALImENTAIRE
Ces dernières années, le monde a subi
trois crises importantes qui ont des impacts
sur la sécurité alimentaire : la crise
des prix des matières premières (produits
agricoles et pétrole), la crise financière,
ainsi que la crise environnementale (changement
climatique). Elles ont des origines
communes, liées notamment au manque
d’engagement vis-à-vis des réglementations
internationales, de la faiblesse des
états ainsi que de la libéralisation du commerce
international. Le système mondial a
dérapé dans l’exercice de la gouvernance
de la mondialisation (CSI, 2009).
Premièrement, la crise des prix des matières
premières est au départ due à une
chute constante des prix des produits agricoles
sur le marché international et par
conséquent, une diminution des stocks.
Ces produits agricoles ont dès lors fait l’objet
de spéculation et ont atteint en 2008,
un niveau de prix très bas sur le marché
international (en dessous des coûts de
production). A cela s’ajoutent l’augmentation
du prix du pétrole, et celle des coûts
de production (engrais, pesticide, carburant,
transport, etc.).
La chute des prix des produits agricoles
remet également en question les modifications
de taxes aux frontières, effectuées
en 2008 dans un contexte de hausse des
prix pour les autres produits et de crise
alimentaire. Ces changements sont causes
de tensions entre l’État (ressource budgétaire),
les consommateurs (prix des denrées)
et les producteurs (débouchés).
Depuis quelques années, l’agriculture fait
partie des négociations internationales
(à l’OMC); les politiques agricoles qui
en découlent ont également un impact
important sur la situation précaire de
l’agriculture dans les pays pauvres. Les
échanges commerciaux internationaux
affectent autant les marchés orientés vers
l’exportation que les marchés locaux. Leur
influence sur les ménages peut être tantôt
positive (par l’amélioration des revenus et
la disponibilité de biens à moindre prix),
tantôt négative (par la réduction des
14

terres disponibles ou la perte de revenus
qu’occasionne le dumping de produits
importés face auquel la production
familiale est impuissante). Ainsi par
exemple, des politiques qui soutiennent
prioritairement les marchés d’exportation
auront tendance à bénéficier surtout à
ceux qui font de la culture de rente au
détriment de la culture vivrière. De plus,
la non protection de l’agriculture locale
a pour conséquence la destruction des
petites exploitations familiales. Par ailleurs,
l’importation de produits alimentaires
menace les marchés locaux, car outre
la baisse des prix à la consommation,
notamment la consommation alimentaire
familiale (surtout dans les zones
urbaines), elle fait baisser les rentrées
d’argent issues de la vente de produits
sur les marchés locaux. Ce deuxième effet
pénalise davantage les femmes qui sont
les principales productrices agricoles des
produits vivriers. Le risque est moindre
en revanche si les femmes se spécialisent
dans une production locale qui n’est pas
concurrencée par les importations. En Inde,
par exemple, les femmes Dalits apportent
leur récolte traditionnelle de millet sur
les marchés locaux, elles y trouvent ainsi
un avantage comparatif par rapport aux
grands exploitants rizicoles, étant donné
que le gouvernement considère le riz
comme une denrée alimentaire destinée à
l’exportation. D’autres règles commerciales
actuellement discutées à l’OMC ont
également des conséquences désastreuses
sur les femmes et la souveraineté
alimentaire. Ainsi par exemple les accords
internationaux sur la protection des droits
intellectuels (ADPIC) sont défavorables
aux paysans et particulièrement aux
paysannes gardiennes de la biodiversité
(S. Charlier, 2006).
Deuxièmement, différents mécanismes de
contagion de la crise financière aux pays
du Sud sont reconnus. Suite à la crise financière,
les effets suivants sont à noter :
chute de 33% des investissements directs,
diminution de 20% des transferts des
migrants, diminution de 33% à 40% des
prêts bancaires internationaux. Ces impacts
touchent l’agriculture tant en termes
de croissance que d’emploi et de répartition
des revenus. Le resserrement de
l’offre de crédit devrait jouer directement
sur les capacités à financer l’importation
de produits alimentaires, l’achat d’intrants
et l’investissement dans la production
agricole. En outre, la baisse du prix des
matières premières agricoles affecte fortement
les producteurs et l’économie générale
de ces pays.
Il faut souligner également l’impact en
milieu rural de la dégradation de la situation
économique des populations urbaines
issues de l’exode rural. Ayant perdu leur
emploi, les populations sont en train de
retourner vers leurs pays d’origine et/ou
vers les campagnes. Or, beaucoup de ménages
ruraux dépendent des transferts financiers
de membres de leur famille partis
travailler en ville et perdent donc un
filet de sécurité important. De plus, ces
retours vers les campagnes accentuent la
pression sur la terre et peuvent aboutir
à des conflits fonciers. Au niveau local,
la crise alimentaire a des conséquences
importantes. Non seulement on assiste à
une diminution des denrées alimentaires
disponibles dans la famille, mais également
à un changement dans les habitudes
alimentaires : les disparités dans la
distribution de l’alimentation au sein de
la famille ont augmenté en défaveur des
femmes.
15

1. INTRODUCTION GLOBALE
À ces difficultés s’ajoutent des facteurs de
déstabilisation supplémentaire comme les
risques climatiques. L’impact des changements
climatiques sur l’insécurité alimentaire
vis-à-vis des personnes les plus pauvres
est certainement un grand défi pour demain.
Le changement climatique et les
défaillances du système alimentaire soulèvent
d’importantes questions en termes
de droits (d’accès et de contrôle des ressources
naturelles) et de justice sociale.
Ils doivent être considérés en termes de
genre, c’est-à-dire en fonction des besoins
et des stratégies différentes des femmes
et des hommes.
Les crises économiques mondiales
ainsi que la mise sur le marché des
négociations internationales des produits
agricoles ont un fort impact sur les pays
du Sud en général, et sur leur agriculture
en particulier, avec la menace réelle de
nouvelles crises alimentaires. Ceci nous
rappelle le caractère géostratégique de
l’agriculture, insuffisamment pris en
compte, et le potentiel déstabilisateur
de telles crises sur les États (émeutes,
terrorisme, narcotrafic). Les pays jugés
les plus vulnérables par le FMI sont
souvent déjà fragiles (Libéria, Angola,
République démocratique du Congo,
Soudan, Centrafrique, etc.) et les
risques d’instabilité politique et sociale
voire de conflits sont réels.
Pour faire face à ces menaces, les pays les
plus pauvres ont peu de réserve monétaire
et leur situation budgétaire s’aggrave.
Les 1.100 milliards de dollars de
fonds supplémentaires pour le FMI et la
Banque mondiale votés par le G20 se traduiront
majoritairement par des prêts,
peu accessibles aux pays les moins avancés,
plutôt engagés dans des processus
d’apurement de dettes passées que
de contraction de nouvelles. «A titre de
comparaison, les 44 milliards de dollars
d’aide publique au développement qui
sont consacrés au développement agricole
représentent un montant très faible
comparé aux 365 milliards de dollars dépensés
en 2007 par les pays riches pour
soutenir leurs agricultures ou aux 1.340
milliards de dollars dépensés chaque année
dans le monde sur les armements,
sans compter les sommes inimaginables
qui ont été mobilisées très rapidement en
2008-2009 pour soutenir le secteur financier»
(Discours de M. Jacques Diouf, FAO,
JMA, 16 Octobre 2009).
• La sécurité aLimentaire –
LES TROIS pILIERS 2
«La sécurité alimentaire existe lorsque
tous les êtres humains ont, à tout moment,
un accès physique et économique à
une nourriture suffisante, saine et
nutritive leur permettant de satisfaire
leurs besoins énergétiques et leurs
préférences alimentaires pour mener une
vie saine et active» (Sommet mondial de
l’alimentation, 1996).
Cette définition présente trois dimensions
principales de la sécurité alimentaire
à savoir la disponibilité physique,
l’accès économique et physique des
aliments et l’utilisation des aliments ou
la sécurité nutritionnelle. Les femmes
ont des responsabilités importantes
dans l’apport de ces trois éléments,
indispensables pour atteindre la sécurité
alimentaire. Mais elles les remplissent
en se heurtant à d’énormes contraintes
socioculturelles et économiques. Dans la
2
FAO-focus : http://www.fao.org/focus/f/women/Sustin-f.htm
16

production, le stockage, le commerce et la
transformation des aliments, les femmes
et les hommes n’ont pas les mêmes tâches
ni les mêmes possibilités d’avoir accès
aux moyens de production (terre, temps,
crédit, technologie, information,…) et
de les contrôler. Il en va de même pour
le contrôle des bénéfices des activités
agricoles et commerciales.
Depuis quelques années, les mouvements
sociaux se positionnent au-delà de la sécurité
alimentaire en y ajoutant une dimension
politique. Ils parlent de la souveraineté
alimentaire ce qui désigne «le droit des
peuples, des pays et/ou des Etat à définir
leur politique agricole et alimentaire». Elle
est certainement un enjeu qui touche de
près les femmes, non seulement dans leur
rôle de citoyennes, mais également dans
leur lutte pour plus d’autonomie, pour
un empowerment. Les groupements de
femmes se positionnent non seulement par
rapport aux politiques en matière d’alimentation
mais également en incluant la reconnaissance
et les droits des femmes - ainsi
que de tout être humain - à une vie digne.
La Marche des Femmes au sein du mouvement
Via Campesina a déclaré, lors du
Forum sur la Souveraineté alimentaire
(Nyéléni, 2007):
«La garantie du droit à l’alimentation
passe par la priorité de la production locale
pour nourrir les populations et par l’accès
des agricultrices et agriculteurs ainsi que
des sans-terre, à la terre, à l’eau, aux
semences et aux crédits. Elle passe aussi
par la prise en compte du travail invisible
des femmes qui préparent et distribuent
la nourriture, mais pas dans le sens que
lui donnent les organisations comme la
Banque mondiale, c’est-à-dire en mettant
sur la femme le fardeau et la responsabilité
de la santé et du bien-être familial dans
un contexte de réduction, de la part des
Etats et des entreprises, des salaires et
des droits des travailleuses et travailleurs.
Notre voie est celle de la reconnaissance
du fait que la durabilité de la vie humaine,
pour laquelle l’alimentation constitue une
partie fondamentale, doit être au cœur de
l’économie et de l’organisation sociale.»
D’autres encore se battent pour que le
respect du droit à l’alimentation puisse
être garanti par les pouvoirs publics.
- La disponibiLité des aLiments
La disponibilité des aliments fait référence,
au «côté de l’offre» de la sécurité alimentaire
et est déterminée par la production
agricole et les niveaux de provisions.
Quant à la production agricole, la division
des responsabilités entre les hommes et
les femmes varie selon les pays et est en
évolution constante. En règle générale, les
hommes sont chargés des cultures commerciales
de grande envergure, notamment
lorsqu’elles sont très mécanisées,
tandis que les femmes cultivent des parcelles
plus petites à l’aide de techniques
et d’outils traditionnels, dont la production
est destinée à la consommation familiale et
au marché local. Les femmes représentent
également une partie de la main-d’œuvre
agricole dans les plantations.
«En Afrique sub-saharienne, les paysannes
représentent 60 à 80% de la main-d’œuvre
employée dans la production agricole alimentaire
et de rente. En Asie, elles sont
responsables d’environ 50% de la production
alimentaire globale de la région, avec
des variations considérables, selon les
17

1. INTRODUCTION GLOBALE
pays. En Amérique latine et aux Caraïbes,
aux cours des dernières décennies, la population
rurale a diminué ainsi que la proportion
de la main d’œuvre agricole. Alors
qu’en 1950, 55% de la population appartenait
au secteur agricole, il n’en restait que
25%en 1990. Les femmes s’y occupent
principalement de l’agriculture de subsistance,
particulièrement de l’horticulture et
de l’élevage des volailles et du petit bétail
pour la consommation domestique.» 3
Un aspect souvent sous-estimé est le fait
que les femmes contribuent largement
à la préservation de la biodiversité, un
élément essentiel en matière de sécurité
alimentaire. Grâce à leurs responsabilités
dans les domaines de l’alimentation et
des soins de leurs familles, les femmes
possèdent souvent une connaissance
spéciale des vertus et modalités
d’utilisation des plantes en matière de
nutrition, de santé ou pour la vente. Par
conséquent, elles sont fréquemment les
conservatrices du savoir traditionnel relatif
aux plantes indigènes.
Pour tous ces aspects, la contribution des
femmes et des filles est souvent sous-estimée
car la plupart des enquêtes et des
recensements ne comptabilisent que le
travail rémunéré. De plus, les données de
production proviennent des archives foncières
où les terres appartiennent officiellement
aux hommes.
- L’accès économique et
physique des aLiments
«L’accès économique et physique focalise
sur le revenu, les dépenses, le marché
et le prix des aliments pour atteindre
les objectifs de sécurité alimentaire. Ce
point est important parce que de bonnes
provisions alimentaires au niveau national
ou international ne garantissent pas en
soi la sécurité alimentaire des ménages. A
titre d’exemple, une région peut disposer
de stocks alimentaires mais un village
de cette région peut être marqué par
une insécurité alimentaire en période de
soudure du fait de son isolement. Dans un
autre cas, même si le marché du village
est bien fourni, une famille peut se trouver
en insécurité alimentaire si elle a connu le
chômage et si les prix du marché sont trop
élevés pour son pouvoir d’achat. Quant à
l’accessibilité, il s’agit le plus souvent d’une
combinaison entre production, échanges
et mécanismes sociaux. En zone rurale, les
populations vont s’appuyer principalement
sur leur production, complétée par
des échanges de denrées alimentaires
sur le marché. En milieu urbain, les
denrées alimentaires nécessaires aux
populations proviennent principalement
du marché. Dans ce cas, des mécanismes
sociaux (entraide, soutien familial, aide
alimentaire, crédits…) vont intervenir pour
préserver l’accès aux disponibilités et la
sécurité alimentaire des populations». 4
Des éléments probants relevés en Afrique,
en Asie et en Amérique Latine indiquent
que les revenus des femmes ont une plus
grande incidence que les revenus des
hommes sur la sécurité alimentaire des
ménages et sur la nutrition des enfants.
Ceci s’explique par le fait que les femmes
ont traditionnellement la charge du
ménage, et notamment la responsabilité
d’assurer que tous les membres du
ménage reçoivent une part adéquate des
aliments disponibles. Les observations
montrent aussi que les femmes passent
plus de temps avec les enfants.
3
www.fao.org/docrep/x0233f/x0233f02.htm
4
FAO, Les concepts de sécurité alimentaire et leur aptitude à répondre aux défis posés par la croissance urbaine.
18

Par ailleurs, les hommes et les femmes ont
des flux de revenu différents. Puisque les
revenus des femmes sont plus fréquents
et les montants moins importants, ils sont
davantage consacrés aux besoins de subsistance
quotidiens du ménage par rapport aux
revenus saisonniers globaux perçus par les
hommes. Au Niger, par exemple, une étude
a démontré que la périodicité des flux de
revenus féminins a une incidence profonde
sur le total des dépenses des ménages et les
dépenses alimentaires selon la saison, alors
que la périodicité des revenus masculins n’a
aucune incidence. Ce qui indiquerait que les
femmes ont moins accès que les hommes
aux ressources permettant d’égaliser la
consommation, comme par exemple le crédit
et l’épargne (IFPRI, 1995).
Dans le cadre de la lutte contre l’insécurité
alimentaire, il convient donc de souligner
l’importance du «contrôle» des revenus
par les femmes. En effet, celles-ci ont
tendance à les consacrer au bien-être de
la famille, notamment à l’amélioration du
niveau nutritionnel des membres les plus
vulnérables.
- La sécurité nutritionneLLe
L’utilisation des aliments comprend la
façon dont le corps optimise les différents
nutriments présents dans les aliments. De
bonnes pratiques de soins et d’alimentation,
de préparation des aliments, de diversité
du régime alimentaire, et de distribution
des aliments à l’intérieur du ménage
ont pour résultat un apport adéquat
d’énergie et de nutriments. Ceci s’ajoute
à une bonne utilisation biologique des
aliments consommés, et détermine l’état
nutritionnel des individus. Les femmes,
par leurs tâches de transformation des
denrées, contribuent à ce troisième aspect
de la sécurité alimentaire en permettant
de réduire les pertes, de diversifier les
régimes alimentaires et d’assurer un apport
en vitamines et minéraux important.
Par ailleurs, l’accès aux aliments dans un
ménage demande également une approche
«genre sensible». En effet, la disponibilité de
la nourriture ne garantit pas nécessairement
une répartition équitable de celle-ci entre
tous les membres de la famille. Ainsi, les
femmes et les filles sont parfois défavorisées
quant à la qualité ou la quantité d’aliments
qu’elles peuvent consommer. La plupart
des éléments probants relatifs au préjudice
dans l’affectation des aliments au sein des
ménages vient de l’Asie du Sud, et indique
fortement qu’il existe un préjugé marqué en
faveur des hommes et des adultes en ce qui
concerne l’apport alimentaire dans cette région.
Une partie de ce préjudice s’expliquerait
par la spécialisation des hommes dans
les tâches à forte intensité énergétique. Toutefois,
les garçons sont également favorisés
dans la distribution alimentaire, notamment
durant la saison maigre.
D’autres aspects comme par exemple
les soins infantiles ainsi que l’accès à
l’eau et à un assainissement de qualité
constituent également des éléments clés.
L’une des questions essentielles reste le
temps. Dans de nombreuses régions du
monde, les femmes et les filles consacrent
un temps quotidien considérable au
ramassage du bois et au puisage de l’eau
ainsi qu’à la préparation des aliments. Les
soins ont une incidence sur la sécurité
nutritionnelle à deux égards : tout d’abord
par le biais de pratiques alimentaires,
notamment l’allaitement maternel et la
préparation d’aliments nutritifs pour les
enfants sevrés et les autres membres du
ménage, et ensuite grâce à des pratiques
d’hygiène et de santé telles que le bain
19

1. INTRODUCTION GLOBALE
des enfants et le lavage des mains avant
la préparation d’aliments et les repas.
Il est à noter aussi que le rythme rapide de
l’urbanisation dans de nombreux pays et
la participation accrue de la main-d’œuvre
féminine entraînent une surcharge des
tâches révolues aux femmes.
• Les contraintes pour Les
fEmmES
Toute activité économique nécessite des
moyens de production. Pour l’agriculture
et l’élevage, l’accès à la terre et à l’eau
est indispensable. Ensuite, il faut des
semences, des engrais, des insecticides ou
des produits vétérinaires pour soutenir ou
pour augmenter la productivité. Les accès
à l’information et à la technologie sont
également des facteurs qui soutiennent
le développement des activités agricoles
et d’élevage. Et un facteur souvent oublié
mais déterminant - surtout pour les femmes
déjà surchargées - est le facteur «temps».
- ACCèS ET CONTRôLE DE LA TERRE
ET DE L’EAU
«En Afrique, les femmes triment toute leur
vie sur une terre qu’elles ne possèdent pas,
pour produire ce qu’elles ne contrôlent
pas, et si leur mariage finit par un divorce
où la mort de leur mari, elles peuvent être
renvoyées, les mains vides.»
Mzee Mwalimu Julius Nyerere 5
La possibilité d’accès à la terre, et le
contrôle de celle-ci, préoccupent tant les
agricultrices que les agriculteurs, bien
que les femmes soient particulièrement
défavorisées. Même si elles jouent un rôle
crucial dans les économies rurales des
pays en développement, particulièrement
dans l’agriculture de subsistance, souvent,
elles ne possèdent pas la terre, moyen de
production numéro un s’agissant de la
production de la nourriture. De plus, si
les droits fonciers ne sont pas garantis,
les accès aux crédits, aux organisations
rurales et aux autres intrants et services
agricoles risquent d’être compromis. Et les
exploitants sont moins enclins à garantir la
qualité du sol et des ressources.
Les programmes de réforme agraire
conjugués au morcellement des terres
communales ont déterminé le transfert
des droits fonciers aux seuls hommes en
tant que chefs de famille, ignorant ainsi
à la fois l’existence de ménages dirigés
par une femme et les droits des femmes
mariées à la copropriété. Par ailleurs, le
nombre de ménages ayant une femme à
leur tête est croissant. La première cause
de ce phénomène est l’exode masculin des
zones rurales vers les villes ou à l’étranger
et/ou l’abandon par les hommes des
activités agricoles au profit d’activités plus
lucratives.
La plupart des surfaces cultivables sont
donc la propriété des hommes. Dans de
nombreux pays, les femmes ne possèdent
qu’un très faible pourcentage des terres
arables. A titre d’exemple, au Cameroun,
elles sont en charge de plus de 75% de
tout le travail agricole, mais elles ont
moins de 10% des titres fonciers. Les
droits fonciers sont souvent détenus par
des hommes ou des groupes de parenté
contrôlés par des hommes, et les femmes
n’ont généralement accès à la terre que
par l’intermédiaire d’un parent de sexe
masculin, habituellement un père ou un
mari. Cet accès restreint est, en outre,
très précaire (Eliane Najros, 2009).
5
Mzee Mwalimu Julius Nyerere, Premier Président de la République unie de Tanzanie (voir Bulletin Dimitra N° 8,
octobre 2003).
20

Les lois régissant les droits de propriété
foncière pour les femmes varient sensiblement
selon les régions. Lorsque le droit civil accorde
aux femmes le droit d’héritage foncier, les
coutumes locales l’interdisent en effet bien
souvent et le droit statutaire va l’encontre
du droit coutumier (Dimitra, juillet 2008).
En Afrique subsaharienne, où la production
alimentaire incombe principalement aux
femmes, leurs droits se restreignent
souvent aux droits d’utilisation (ou usufruit)
et uniquement avec le consentement
d’un parent masculin. Cette déficience de
contrôle et de droit de propriété des terres
par les femmes fait qu’elles se retrouvent
souvent avec des lopins de terre de taille
restreinte et aux sols les plus pauvres. Ce
manque de contrôle des terres a également
pour conséquence que les femmes ne sont
pas encouragées à investir dans la mise
en valeur des sols en termes de fertilité
ou de plantation des arbres. Dans le cadre
des programmes de réforme foncière, le
constat est que, souvent, les chefs de
famille masculins reçoivent des superficies
beaucoup plus importantes que les femmes
chefs de famille. Pour ce qui concerne des
projets de revalorisation des terrains et
d’irrigation, comme les titres officiels de
propriété sont remis exclusivement aux
hommes, la possibilité pour les femmes de
contrôler les terres se réduit. Quant aux
systèmes publics d’irrigation les hommes en
ont le plus souvent le contrôle : les décisions
concernant l’utilisation de l’eau d’irrigation
sont donc prises sans tenir compte des
besoins des femmes pour leur propre
production (FAO-focus consulté en 2009).
On constate, particulièrement en Afrique
australe et de l’est, que le VIH-SIDA a encore
fragilisé la situation des femmes et des
orphelins qui, sauf cas de testament écrit
encore très rares, verront leurs terres prises
par les parents de leur défunt mari. Les enfants
se retrouvent à la rue avec leur mère ou livrés
à eux-mêmes si leurs deux parents meurent,
en dépit de la loi qui protège leur patrimoine.
Au Kenya, des comités de surveillance
(«Watchdog Committees» Bulletin Dimitra
N° 13, septembre 2007) se sont mis en
place dans les quartiers pour faire respecter
les droits des femmes et des enfants, et des
services juridiques sont mis à leur disposition
pour faire valoir ces droits. Cependant, les
procédures sont longues et pesantes.
- ACCèS ET CONTRôLE DES REvENUS
ET DES mOyENS fINANCIERS
Les activités développées par les femmes et
les hommes ne se limitent pas à l’agriculture
de subsistance, elles se combinent souvent
avec d’autres activités destinées à procurer
des revenus complémentaires. Les activités
des femmes se développent à partir de la
production agricole, en transformant les
produits agricoles issus de la cueillette (huile
de palme, farines,…), de la pêche et de
l’élevage. Le secteur de la pêche, par exemple,
est assez significatif quant à la manière dont
sont répartis les rôles entre les hommes
et les femmes. Ce sont généralement les
hommes qui pêchent en mer, sur de gros
bateaux. Les femmes ont le plus souvent
un travail à terre, de transformation du
poisson, de commercialisation ou encore
d’artisanat (réparation des filets, fabrication
d’objets à partir des déchets de poisson,
etc.). Dans bien des cas, on remarque que
ce sont aussi les femmes qui développent
les projets d’élevage de poisson dans les
eaux continentales. La pêche est encore
aujourd’hui un secteur qui permet à 120
millions de personnes dans le monde de vivre
et de se nourrir (FAO, 6 consulté en 2007).
6
http://www.fao.org/gender/fr/nutr-f/NU2doc-f.asp
21

1. INTRODUCTION GLOBALE
Souvent, les femmes combinent leurs activités
agricoles à d’autres activités comme la
couture, l’artisanat, la production du savon,
la coiffure, etc. Cette diversification répond
à une logique de sécurisation des revenus
et s’adapte généralement au temps morcelé
des femmes. Parfois, cette diversification
peut être liée au développement d’une
agriculture industrielle d’exportation. Ainsi,
dans plusieurs pays d’Amérique latine, la
floriculture ou l’horticulture, orientées vers
l’exportation et souvent destructrices de
l’environnement, se sont développées dans
des zones précédemment destinées principalement
à la production vivrière.
On ne peut s’empêcher d’analyser la
manière dont les revenus sont utilisés par
les hommes et les femmes, notamment
par rapport aux besoins de la famille.
Plusieurs études montrent que les femmes
investissent prioritairement leurs revenus
dans l’achat d’aliments et d’instruments liés
au ménage. L’effet du revenu de la femme
sur la santé et la sécurité alimentaire de la
famille est 4 à 8 fois plus grand que l’effet
du revenu de l’homme. Pour la survie de
l’enfant, il est presque 20 fois plus élevé
(Christiaensen L. et Tollens E., 1995). Ainsi
à Bukavu, Birindwa B. et Katunga Musale
D. (2007) ont étudié la manière dont les
hommes et les femmes investissent l’argent
des microcrédits dans les besoins familiaux.
Les femmes investissent 30,51% des
microcrédits reçus à l’achat de nourriture
contre 23,33% pour les hommes.
Même si le crédit n’est pas la solution «miracle»
pour remédier aux problèmes d’insécurité
alimentaire, son accès - à des moments
bien précis – peut constituer un facteur
déterminant. Prenons par exemple la
problématique de la vente de céréales au
moment de la récolte à des prix très réduits
à cause de l’afflux au marché. Souvent,
les paysans – hommes et femmes - n’ont
pas le choix car ils ont besoin de l’argent.
L’accès au crédit à ce moment permettra
aux paysans de conserver leurs stocks afin
d’en tirer des bénéfices plus importants
ultérieurement grâce à un meilleur prix
de vente de leur production agricole.
De façon générale, l’accès au crédit est
un problème pour tous les paysans,
étant donné que les possibilités sont très
limitées et les taux d’intérêt très élevés.
Les femmes ont encore moins accès aux
crédits que les hommes. Pour les pays
où les informations sont disponibles,
seuls 10% des crédits sont octroyés aux
femmes, principalement du fait que la
législation nationale et la loi coutumière ne
leur permettent pas de partager des droits
de propriété foncière avec leurs maris,
ou parce que les femmes chefs de famille
sont exclues des systèmes de tenure et ne
peuvent donc fournir les garanties exigées
par les institutions de crédit.
- ACCèS ET CONTRôLE DES
intrants agricoLes –
pRODUITS ET OUTILS
L’accès des femmes aux intrants techniques
tels que les semences améliorées, les
engrais et les pesticides est limité car,
dans bien des cas, elles ne bénéficient
pas des services de vulgarisation. Pour
des raisons socioculturelles, elles sont
moins engagées dans les coopératives,
lesquelles distribuent souvent des intrants
subventionnés. En outre, elles n’ont
pas les moyens suffisants pour acheter
ces intrants même subventionnés. Au
Bénin par exemple, dans le cadre d’une
recherche-action des ONG Vredeseilanden
et ATOL sur le thème «Genre et gestion
des connaissances» 7 , il a été constaté que
7
«Genre et Gestion des connaissances» L. Caubergs, R. Kestier, Programme DGCD 2003-2007
22

les problèmes de fertilisation du sol étaient
plus préoccupants chez les femmes. Etant
donné qu’elles ne pouvaient pas se procurer
des engrais promus par les services de
vulgarisation, un accent particulier a été
mis sur le niébé, un fertilisant organique
facilement accepté et pratiqué par tous et
en particulier par les femmes.
Les agricultrices possédant d’ordinaire
moins d’outils et d’intrants que les hommes,
les femmes obtiennent généralement des
rendements inférieurs à ceux des hommes.
De plus, il a été démontré que les ménages
dirigés par une femme utilisent le moindre
crédit disponible pour se procurer de la
main-d’œuvre ou des semences, ce qui est
susceptible d’accroître la production, mais pas
nécessairement la productivité. Les hommes,
en revanche, sont plus enclins à acheter
des engrais ou des produits agrochimiques,
servant à accroître la productivité 8 .
Lorsque de nouvelles technologies sont
introduites comme le matériel d’ensemencement,
des transplanteurs ou des batteuses,
les effets sur la situation des femmes varient.
Les femmes qui cultivent leurs propres
parcelles et qui ont la possibilité de se
procurer de nouvelles technologies voient
leur travail allégé et leur productivité augmentée.
En revanche, pour les ouvrières
agricoles, l’adoption de ces machines pourrait
entraîner des pertes de revenus et d’emploi
(FAO-focus, consulté en 2009).
- ACCèS AUx INfORmATIONS ET
AUx INNOvATIONS
L’accès des femmes aux informations se
restreint du fait de leur accès limité aux
services d’éducation, de formation et de
vulgarisation. Les deux tiers du milliard
d’analphabètes dans le monde sont des
femmes et des filles. Cette réalité a non
seulement de graves incidences sur la productivité
et les revenus agricoles mais aussi
sur l’état nutritionnel des enfants et des
adultes. Les agriculteurs plus instruits sont
plus à même d’adopter de nouvelles
méthodes et technologies et d’avoir accès
aux services de vulgarisation agricoles et
d’élevage. Les chiffres disponibles montrent
que seuls 5% des services de vulgarisation
visent les femmes rurales et seulement
15% des vulgarisateurs sont du sexe féminin.
Cette réalité a surtout un impact dans
les pays où la culture n’est pas favorable
aux contacts entre les agents de vulgarisation
masculins et les agricultrices. En
outre, la plupart des services de vulgarisation
concernent davantage la production de
cultures de rente au détriment des cultures
vivrières et de subsistance, qui sont cependant
le principal souci des agricultrices et la
clé de la sécurité alimentaire. Par ailleurs,
les tâches multiples des femmes entravent
parfois leur mobilité et par conséquent, leur
participation aux réunions et aux formations
organisées loin de chez elles. Un autre obstacle
est le fait que, la plupart du temps, les
femmes ne maîtrisent pas la langue utilisée
lors des formations. De plus, les informations
sont fournies à 80% par des experts
contre 20% par les paysannes/paysans
ayant une expertise de terrain.
Les femmes n’ont guère accès aux
avantages de la recherche et des
innovations, notamment dans le domaine
des cultures vivrières, qui, malgré leur
importance dans la sécurité alimentaire
familiale et communautaire, ne jouissent
que d’une faible priorité dans la recherche
sur l’amélioration des cultures. Les
technologies d’allègement de tâches
prennent généralement peu en compte
les rôles et les besoins des agricultrices
(FAO-focus, consulté en 2009).
8
www.fao.org/news/story/fr/item/41208/icode/
23

1. INTRODUCTION GLOBALE
Les recherches agricoles peuvent même avoir
des effets négatifs. Si le désherbage et la
récolte des cultures sont considérés comme
des «tâches féminines», un programme
visant à accroître la production de cultures
de rente peut alourdir le fardeau des
femmes et ne pas leur fournir d’avantages.
Effectivement, financièrement elles n’en
profitent pas parce que souvent, les cultures
de rente appartiennent aux hommes.
- ACCèS ET CONTRôLE DU TEmpS ET
DE LA mAIN D’œUvRE
Suite à la combinaison des rôles de
reproduction (tâches ménagères), de
production et communautaires, les femmes
– de façon presque généralisée – ont
relativement moins de temps que les hommes.
Le partage inégal des responsabilités entre
les hommes/garçons et les femmes/filles
d’une part et les difficultés d’avoir accès aux
techniques et équipements d’allègement du
travail d’autre part, en sont les principales
raisons. Il faut noter également que, dans
de nombreux cas, les ménages comptent
un nombre d’enfants élevé en raison des
difficultés d’accès à la contraception, ou de
la pauvreté. Dans certains endroits, le temps
consacré aux occupations quotidiennes
comme la recherche du bois et de l’eau
reste considérable. Les phénomènes du
déboisement, de la désertification - et à plus
long terme du réchauffement climatique -
aggravent la situation.
Dans les pays où les femmes participent
aux activités agricoles - semis, sarclage,
récolte -, les saisons d’hivernage sont
des périodes durant lesquelles les
femmes sont réellement surchargées. Les
responsabilités de leurs champs familiaux
combinées avec celles de leurs propres
champs les privent de temps suffisant
pour les cultures vivrières. Le manque de
moyens pour payer de la main d’œuvre
sur leurs propres parcelles entraîne des
rendements inférieurs aux potentialités.
Dans les périodes de difficultés économiques,
les femmes endossent souvent la charge
de l’ajustement comme, par exemple,
les soins des malades. Elles absorbent les
chocs subis par le niveau de vie du ménage
en allongeant leur journée de travail, déjà
très longue, souvent au détriment de leur
propre santé et de leur nutrition (Dimitra,
septembre 2008).
Les problèmes auxquels se heurtent les
ménages ruraux ayant pour chef une
femme varient selon leur niveau d’accès
aux ressources productives. Selon la FAO,
l’absence de main-d’œuvre masculine
se traduit d’une part par la baisse des
rendements et de la production ou la
tendance à adopter des cultures moins
nourrissantes mais moins exigeantes en
main-d’œuvre. D’autre part, on constate
l’accroissement de la main-d’œuvre infantile
laquelle a, à son tour, des répercussions
sur la famille et le capital humain du pays.
Dans ces cas, l’accès des femmes à des
techniques nécessitant moins de maind’œuvre
revêt une importance capitale
(FAO-focus, consulté en 2009).
Aussi, dans les régions d’insécurité politique
et de guerre, les femmes n’ont pas toujours
la possibilité de rejoindre leurs champs
à cause des militaires ou des milices
qui rendent l’environnement insécurisé.
Au Kivu (RDC) par exemple, des milliers de
femmes sont terrorisées par les militaires
et sont attaquées et violées en allant ou en
revenant de leurs champs. Aux souffrances
physiques et psychologiques des femmes
s’ajoute l’insécurité alimentaire des ménages
(celle des enfants en particulier).
24

- ACCèS ET CONTRôLE DE LA pRISE
de décision
Traditionnellement, dans la plupart des
cultures, le rôle des femmes est limité
dans les processus de prise de décision
au niveau du ménage, du village et du
pays. Par conséquent, leurs besoins, leurs
intérêts et leurs problèmes sont rarement
pris en compte dans l’élaboration des
politiques et des lois. Celles-ci jouent
cependant un rôle important dans
l’élimination de la pauvreté, la sécurité
alimentaire et la durabilité écologique.
Seul un nombre restreint de femmes
accède à des postes supérieurs dans les
institutions publiques et indépendantes
de recherche et de formation, les
ministères responsables de l’agriculture
et de l’environnement, ainsi que les
organisations non gouvernementales
chargées de l’environnement et des
programmes agricoles. Les causes de
l’exclusion des femmes des processus de
prise de décision sont étroitement liées aux
perceptions des rôles et responsabilités
des femmes par les hommes et par les
femmes, à leur niveau d’instruction, à leur
triple rôle de production, reproduction et
communautaires qui absorbent une partie
importante de leur temps (IFPRI, 1995).
Encore trop peu de femmes ont pu se
positionner en tant que leader au niveau
des communautés et au niveau politique
local. Leur faible représentation au sein de
la classe politique limite leur participation
au développement économique local et
plus précisément à l’élaboration des plans
de développement local. Cependant, c’est à
ce niveau que les stratégies décentralisées
du renforcement des producteurs/trices
sont élaborées et que l’allocation des
moyens se décide.
• d es stratégies pour une
sécurité aLimentaire
- d es stratégies au moment des
CRISES ALImENTAIRES
La vulnérabilité de la population d’une
région soumise à des crises dépend à
la fois des mesures qui peuvent être
mises en œuvre dans un contexte donné
et de la capacité des familles, et plus
particulièrement des femmes, à répondre
à ces événements. La vulnérabilité d’une
population peut être estimée par l’analyse
des mécanismes d’adaptation et de
réaction mis en œuvre en réponse à une
situation difficile. Lorsque les mécanismes
ne sont pas efficaces, le foyer entre dans
une situation de vulnérabilité chronique.
La notion de risques et de mécanismes
d’adaptation est au centre de la sécurité
alimentaire. Le niveau de risque pour un
foyer ou une communauté est fonction des
modes d’accès aux ressources alimentaires
et du capital disponible. Pour minimiser
les risques, les populations adoptent des
mécanismes d’adaptation ou de réaction à
trois niveaux:
• la production (diversification, échelonnement,
stockage) pour les ruraux,
la modification de la structure de la
ration alimentaire pour les urbains
(achats de produits peu chers);
• les activités économiques: augmentation
des revenus par le recours
à des activités du secteur formel et
surtout informel, investissement dans
des valeurs non-productives (bijoux,
vêtements, animaux, argent liquide),
échange des produits de l’aide humanitaire
contre des liquidités ou autres
valeurs;
25

1. INTRODUCTION GLOBALE
• les mécanismes sociaux: appel aux crédits
en argent ou en nature, entraide
et soutiens, enregistrement multiple
d’une famille auprès des organisations
humanitaires.
Lorsque ces mécanismes d’adaptation
sont insuffisants et menacent la sécurité
alimentaire du foyer, des activités vont se
déployer en réponse à la situation défavorable,
en trois étapes:
• stratégie de risques minimisés: activités
informelles des enfants, modification des
habitudes alimentaires (jardins urbains,
réduction des rations alimentaires, réduction
du groupe de commensalité,
repas hors foyer moins coûteux), demande
d’appuis en argent ou en nature
(famille, relations, communauté), vente
des valeurs non productives (bijoux,
ustensiles,); vente de main d’œuvre; la
vente des produits en dessous du prix
du marché afin d‘obtenir rapidement
des liquidités; de petites AGR (Activités
Génératrices de Revenus) temporaires
comme la collecte et le vente du bois;
• vente des valeurs productives du capital:
outils, animaux ou terre pour
les ruraux, ventes des réserves et
location ou vente de maison pour les
urbains;
• migration temporaire de certains
membres de la famille, puis migration
permanente du foyer» (FAO, 1995).
Les femmes combinent des logiques
économiques et sociales. Ainsi par exemple,
en Bolivie, elles vendent prioritairement
leurs produits agricoles à des organisations
de commerce équitable à un prix supérieur
à celui du marché (Charlier S., Yépez I.,
Andia E., 2000). Pourtant, elles continuent
à vendre une partie de leurs produits aux
commerçants, même si d’autres voies
leur offrent un prix plus avantageux. Elles
combinent ainsi une logique de réseau,
«de sécurité sociale» et une logique
économique. Cette réalité se retrouve
chez les femmes africaines. «Saisies par
l’urgence du quotidien et inscrites dans la
logique de survie, les femmes privilégient
quant à elles une articulation entre logique
économique et logique sociale. C’est-àdire
la réalisation de profits économiques
autant que de profits sociaux, politiques
et même symboliques» (Ryckmans H.,
1998 :189).
Les femmes sont aussi les premières
à développer des stratégies pour faire
face à l’insécurité alimentaire, parfois
au détriment de leur propre santé, par
exemple dans le cas de la réduction des
rations alimentaires. Dans les périodes
difficiles, les femmes limitent le nombre de
repas chaud à un par jour afin de réduire
l’utilisation du bois et d’avoir plus de
temps pour les petites AGR. Afin de faire
face aux grandes crises alimentaires ou
aux problèmes de vulnérabilité chronique,
la migration des hommes et parfois des
femmes se généralise. Les programmes
«Food for Work» sont des stratégies mises
en œuvre par l’Etat et/ou les ONG pour
retenir les populations sur place.
Dans les régions touchées par l’insécurité
alimentaire, hommes et femmes s’engagent
de plus en plus souvent dans les systèmes
de banques céréalières afin de vendre une
partie de leur récolte préservée au moment
où les prix des céréales sont avantageux.
L’appui en crédit d’une IMF (Institution
de Micro Finance) est nécessaire car au
moment des récoltes, les paysans ont
besoin de l’argent pour subvenir aux frais
quotidiens. «Garantir le prêt en mettant le
26

stock dans le grenier fermé avec plusieurs
clés est un type de crédit qui a fait ses
preuves. Il porte même un nom savant :
le warrantage !» (Oudet, 2008).
En milieu urbain, c’est surtout autour d’une
pluralité d’activités d’économie solidaire
que les femmes répondent au besoin de
sécurité alimentaire de la famille. Outre
le développement des AGR, elles réalisent
de petits potagers urbains (dans des
espaces réduits et parfois même dans des
bacs autour de chez elles). Les produits
de ces activités servent généralement à
la consommation domestique et, dans
certains cas, si un surplus existe, il peut
être commercialisé.
- L’EmpOwERmENT DES fEmmES
comme stratégie durabLe
pour La sécurité aLimentaire
Le concept de sécurité alimentaire
a évolué au fil des années, grâce à
l’attention de plus en plus grande aux
dimensions sociales, sexuelles, écologiques,
techniques et économiques du problème.
La reconnaissance du rôle des femmes a
également évolué. Il a été mis en évidence
que des mesures spécifiques s’imposent
pour faire face aux contraintes auxquelles
elles se heurtent aussi bien en ville qu’en
milieu rural et spécifiquement en tant que
chefs de famille.
Le défi à relever à l’avenir consistera à
poursuivre la démarche d’empowerment
des femmes - aussi bien au niveau
individuel que collectif - prenant en
compte les quatre composantes : l’avoir
(le pouvoir économique), le savoir (le
pouvoir des connaissances), le vouloir (le
pouvoir interne) et le pouvoir (le pouvoir
social et politique) (Caubergs & Charlier,
2007).
Un plus grand «avoir» fait référence au
renforcement de l’accès et du contrôle des
ressources par les femmes leur permettant
de produire des aliments, et dans leurs
possibilités d’acheter les vivres qui n’ont pu
être produits sur place. L’accès aux services
de base (l’eau, la santé, l’éducation) sont
également des facteurs déterminants du
pouvoir économique. L’accès au marché
constitue également un élément essentiel
aussi bien pour la vente des produits
agricoles que pour l’achat des vivres.
Le «savoir» comprend la valorisation des
connaissances des femmes des systèmes
agricoles dont elles ont la charge. Il
s’agit également d’apprendre à lire, à
écrire et à calculer, et à comprendre
son environnement économique. Sont à
considérer également le développement
de nouvelles connaissances agricoles
dans le cadre des recherches-action et la
participation des femmes aux processus
d’innovation et de création en vue d’une
meilleure sécurité alimentaire.
Le «vouloir» porte sur le pouvoir interne
des femmes, la confiance en soi, l’image de
soi ainsi que les valeurs. La reconnaissance
et le respect pour les femmes en tant que
coresponsable avec les hommes du bienêtre
de la famille a un lien direct avec leurs
responsabilités pour nourrir et soigner les
enfants et tous les membres de la famille.
Au niveau communautaire, il s’agit de
leurs contributions au développement
local et national par la «reproduction» des
personnes qui sont en bonne santé et en
forme pour étudier et/ou travailler.
Le «pouvoir» englobe toutes les mesures
qui visent à assurer une meilleure
participation des femmes aux prises
de décision au sein des ménages, dans
les organisations et collectivités, dans
les politiques locales et nationales. En
27

1. INTRODUCTION GLOBALE
lien avec la sécurité et la souveraineté
alimentaire, il s’agit donc pour les
femmes de pouvoir utiliser leur pouvoir
économique, leur pouvoir de connaissance
et leur pouvoir interne pour renforcer les
trois aspects de la sécurité alimentaire :
une production appropriée et suffisante,
un accès physique et économique et
une utilisation adaptée aux exigences
nutritionnelles.
AVOIR
• Garantir que les femmes aient les
mêmes chances que les hommes de
posséder des terres
• Encourager la production de cultures
vivrières grâce à des mesures d’incitations
• Promouvoir l’adoption d’intrants et de
techniques appropriées pour accroître
le temps que les femmes peuvent
consacrer à des activités rémunératrices;
encourager le développement
des techniques d’allègement des
tâches
• Favoriser l’accès au crédit pour les
femmes afin de leur permettre d’avoir
des moyens de production, de stockage
(warrantage), de transformation,
d’allégement des tâches, de commercialisation
• Favoriser l’accès aux marchés d’une
part pour vendre les excès de leur
production agricole et des produits
transformés; d’autre part pour se
procurer des vivres au besoin
• Améliorer l’état nutritionnel des femmes
et des enfants à travers l’accès aux soins
de santé et de nutrition
• Fournir de meilleures occasions
d’emploi et de création de revenus.
SAVOIR
• Faciliter, pour les femmes, l’accès aux
services agricoles et aux services de
santé (nutrition) et adapter ces services
à leurs besoins
• Encourager l’alphabétisation des femmes
à travers des programmes adaptés
(alphabétisation fonctionnelle)
• Elaborer des programmes d’alphabétisation
économique permettant
aux femmes de mieux comprendre
leur environnement économique : les
mécanismes de formation de prix des
aliments, les mécanismes de marché,
le rôle de l’importation et de l’exportation
de produits alimentaires, etc.
• Valoriser les connaissances des
femmes à propos des cultures et
écosystèmes dont elles ont la charge
• Stimuler la participation des femmes
aux recherches, innovations et création
de nouvelles connaissances par rapport
à la production et la transformation des
produits vivriers
• Stimuler la collecte et l’analyse des
données par sexe, par rapport aux
trois piliers de la sécurité alimentaire;
rendre accessible ces données ventilées
par sexe aux techniciens, aux
planificateurs et aux décideurs.
VOULOIR
• Rendre visibles et valoriser les rôles
des femmes dans toutes les instances:
la famille, les organisations paysannes,
artisanes (comités de gestion, de
commercialisation, etc.), tant dans les
politiques locales qu’internationales…
• Garder une attention spécifique aux
priorités et aux valeurs des femmes:
28

le bien-être des enfants et de la
famille…
• Assurer un environnement de sécurité
physique qui permette aux femmes
d’assurer leurs fonctions en tant que
productrices, gestionnaires, transformatrices,
commerçantes des aliments.
POUVOIR
• Mettre en place des modalités assurant
une plus grande participation des
femmes au sein des ménages quant
aux investissements et aux dépenses
• Promouvoir les organisations de
femmes
• Favoriser la mise en réseau, l’échange
d’informations et la communication
participative. La mise en réseau et
l’échange d’expériences et d’informations
permettent de briser l’isolement
des populations rurales, surtout celui
des femmes. L’accès à l’information et
la possibilité de communiquer, via les
radios communautaires par exemple,
renforcent la confiance en soi et le
pouvoir des femmes en tant que productrices
agricoles et citoyennes
(Dimitra, septembre 2008)
• Veiller à l’intégration des femmes dans
l’organisation et la gestion financière
de la production, du stockage et de la
commercialisation des produits agricoles
au sein des coopératives ou des
organisations mixtes
• Appuyer l’intégration de la femme
dans les structures de pouvoir et sa
participation pleine et entière au
développement rural et aux stratégies
de sécurité alimentaire
• Examiner et réorienter les politiques
nationales de manière à éradiquer
les problèmes qui limitent le rôle des
femmes dans la sécurité alimentaire.
29

1. INTRODUCTION GLOBALE
BIBLIOGRAPhIE
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femmes. Un guide méthodologique »
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Bulletins Dimitra,
n° 8 (octobre 2003),
n° 13 (septembre 2007),
n° 14 (mars 2008),
n° 15 (novembre 2008),
n° 16 (mai 2009)
http://www.fao.org/dimitra/publicationsdimitra/bulletin/fr/
31

2. LES POSITIONS DES
INSTITUTIONS DE
DéVELOPPEMENT

2.1. L’IMPORTANCE DE L’AGRICULTURE ET DU GENRE AU SEIN
DE LA COOPéRATION BELGE AU DéVELOPPEMENT
mara Coppens
Madame la Présidente de la Commission
Femmes et Développement,
Mesdames, Messieurs,
Chacun et chacune en vos titres et qualités,
C’est pour moi un grand honneur et un
grand plaisir de représenter le Ministre de
la Coopération au Développement, Charles
MICHEL, à l’occasion de l’ouverture de
ce séminaire international consacré à
«l’accès et au contrôle des ressources
par les femmes : un défi pour la sécurité
alimentaire».
Retenu par d’autres engagements, M. le
Ministre m’a chargée de vous adresser
ce message de bienvenue à Bruxelles, de
félicitation pour la dynamique et l’expertise
que vous développez et d’encouragement
pour la poursuite des travaux que vous
menez au sein de la Commission Femmes
et Développement.
Vos discussions de ce jour seront riches
en enseignements, en témoignages,
en échanges d’expériences et bonnes
pratiques de terrain tant le panel d’invitées
et d’oratrices présentes est de qualité et
d’expériences variées.
Vous abordez aujourd’hui des thématiques
transversales et sectorielles qui constituent
des domaines prioritaires d’actions du
Ministre Charles Michel : le genre et la
sécurité alimentaire.
En effet, le caractère prioritaire de l’égalité
hommes-femmes a été réaffirmé par le
Ministre de la Coopération au Développement
dans ses notes de politique générale
successives.
Il y rappelle que l’égalité entre les femmes
et les hommes est un droit humain
fondamental et une question de justice
sociale; que l’égalité entre les hommes
et les femmes et le renforcement de
leurs capacités humaines, économiques,
politiques, socioculturelles et défensives
constituent des éléments essentiels pour
permettre un développement juste et
durable.
Mesdames, Messieurs,
En 2010, la Belgique entend intensifier
ses efforts pour renforcer l’attention
transversale pour le genre et accélérer les
progrès dans le domaine de l’égalité entre
les femmes et les hommes en soutenant
les efforts de ses partenaires.
Dans ce contexte, de nouvelles instructions
ministérielles ont été rédigées mettant
l’accent sur la prise en compte effective de
l’égalité des genres et de l’autonomisation
des femmes dans l’analyse et la formulation
de stratégies menant à la conclusion
d’accord de coopération. Certains résultats
prometteurs s’annoncent, comme par
exemple pour le Programme indicatif de
coopération 2010-2014 avec la RDC, j’y
reviendrai.
Quant au niveau politique, quatre domaines
d’actions prioritaires sont retenus. Ils
seront relayés sur le plan international
ainsi que de manière opérationnelle sur le
terrain. Ces priorités sont :
• La santé et les droits sexuels et
reproductifs dans le cadre de notre
appui au secteur de la santé;
• L’éducation des filles et la formation
des femmes;
• Le rôle des femmes dans la résolution
33

2. Les positions des institutions de déVeLoppement
des conflits et la lutte contre les
violences sexuelles;
• La promotion économique des femmes,
en particulier dans le secteur agricole,
secteur économique majeur dans la
plupart des pays en développement.
C’est ce dernier point qui retiendra votre
attention aujourd’hui.
Ce thème est effectivement essentiel dans
le cadre des débats concernant la réponse
globale à apporter à la crise alimentaire.
En étant responsable de 60 à 80% de la
production des aliments dans la plupart
des pays en développement, et de la moitié
de la production alimentaire mondiale,
le rôle clé des femmes mais surtout
leurs difficultés d’accès aux facteurs de
production et de transformation agricole,
doivent être rappelés avec force.
Malgré les efforts entrepris depuis les
émeutes de la faim en 2008, l’insécurité
alimentaire demeure une réalité et une
problématique qui doit retenir toute notre
attention. Nous venons de dépasser le cap
du milliard de personnes souffrant de la
faim dans le monde. C’est une situation
inacceptable. Le premier Objectif du
Millénaire pour le Développement visant à
réduire de moitié les personnes souffrant
de la faim en 2015 reste hors de portée, en
particulier en ce qui concerne le continent
africain.
Dans ce contexte, une approche basée
sur les droits humains est essentielle et
l’égalité d’accès des femmes par rapport
aux hommes à l’ensemble des ressources
et facteurs de production constituent des
éléments-clés de réponse.
Pour ce faire, il est indispensable de
disposer de données exactes sur l’accès
relatif des hommes et des femmes aux
ressources et sur leur contrôle. La méthode
de recherche-action permettant de
faire remonter des expériences du terrain
et de les confronter entre elles est particulièrement
intéressante à cet égard.
Ce séminaire permettra de capitaliser
les bonnes leçons pour ainsi alimenter le
débat stratégique et politique et rendre
opérationnelle notre vision.
Mesdames, Messieurs,
Si la Belgique s’est engagée, dès 2008,
à porter à 10% en 2010 et 15% en
2015, la part de son aide publique au
développement consacrée au secteur
agricole et à proposer cet objectif à tous les
pays donateurs, il faut bien entendu veiller
à ce que cette aide soit opportune, efficace
et investie dans des domaines vecteurs de
croissance et contribuant effectivement
à réduire l’insécurité alimentaire. Il faut
réinvestir dans les capacités de production
locale, en valorisant l’approche filière,
pour une agriculture durable et axée sur
les cultures vivrières dans lesquelles les
femmes jouent un rôle capital.
Dans sa politique en faveur de la sécurité
alimentaire, le Ministre plaide également
pour une augmentation graduelle des
achats locaux de produits alimentaires par
le PAM et les autres institutions nationales,
régionales et internationales. La Belgique
s’engage donc de façon résolue à œuvrer
en faveur de l’autosuffisance et de la
sécurité alimentaire en Afrique, continent
le plus touché par la crise alimentaire et
qui souffrira sans doute le plus des effets
des changements climatiques. La mise en
œuvre de cet engagement nécessite non
seulement de définir une piste de croissance
34

quantitative mais surtout qualitative
où l’égalité de genre, l’autonomisation
économique des femmes doivent occuper
une place prépondérante si l’on veut
atteindre les résultats escomptés.
De façon opérationnelle, l’agriculture a été
retenue comme secteur de concentration
de notre aide bilatérale pour 11 de nos
18 partenaires (Bénin, Bolivie, Burundi,
RD Congo, Equateur, Mali, Maroc,
Mozambique, Niger, Rwanda, Tanzanie).
Je vous citerai l’exemple de la préparation
du prochain Programme Indicatif de
Coopération (2010-2013) avec la RDC où
l’agriculture est retenue comme secteur
d’intervention et dans lequel le Ministre
Charles Michel a décidé de faire appel
à une expertise genre conjointe belgocongolaise
pour définir clairement les
processus et les modalités d’intégration
du genre dans les secteurs et zones
de concentration de l’aide en vue de la
promotion de l’égalité, de l’équité de
genre et de l’empowerment de la femme
congolaise et ainsi contribuer à la mise
en œuvre de la politique nationale dans
ce domaine.
Au nom du Ministre, je vous souhaite une
journée d’échanges riches et fructueux et
vous invite à lui communiquer les principaux
enseignements de cette journée.
Je puis vous assurer que ceux-ci seront
pris en compte par M. le Ministre à leur
juste valeur.
Je vous remercie pour votre attention.
Mesdames et Messieurs,
Il reste donc beaucoup de travail si nous
voulons que le 21ème siècle soit celui au
cours duquel la sécurisation alimentaire des
populations du Sud et la reconnaissance
du rôle des femmes comme véritables
actrices privilégiées du développement
rural soit une réalité.
C’est avec cette vision que la Coopération
belge continuera à placer l’égalité des
genres, l’empowerment des femmes et le
soutien au développement de l’agriculture
au cœur de son action.
35

2. Les positions des institutions de déVeLoppement
2.2. L’ACCèS AUX RESSOURCES ET LEUR CONTRÔLE - POINT
DE VUE DE LA FAO
Isabelle Denis
Les femmes jouent un rôle clé dans la
production de denrées alimentaires. Elles
produisent près de 80% des aliments
dans les pays en développement et sont
responsables de la moitié de la production
alimentaire mondiale. Ce sont des acteurs
majeurs dans la production vivrière, la
transformation des produits, et le stockage.
En plus d’assurer l’alimentation de leur
propre foyer, les femmes contribuent à la
sécurité alimentaire urbaine par le biais de
l’horticulture urbaine et périurbaine qui
permet un apport en légumes frais au
niveau des villes, et contribue à la qualité
nutritionnelle des populations urbaines.
Grâce au soutien du Gouvernement belge,
les cultures maraîchères se sont développées
autour de certaines grandes villes d’Afrique,
notamment au Congo et au Burundi.
Elles s’occupent de l’élevage des volailles
et des petits ruminants. Elles jouent un
rôle prépondérant dans la transformation
et la commercialisation du poisson. En
gestion forestière, les femmes s’occupent
de la récolte de plantes sauvages qui sont
employées dans l’alimentation. La forêt
constitue une source importante pour la
subsistance des femmes, lorsqu’elles ont
moins de temps à consacrer à la production
agricole et sont dès lors beaucoup plus
tributaires pour leur alimentation des
produits alimentaires récoltés en forêt.
Les femmes jouent un rôle non négligeable
dans la biodiversité agricole. Tandis que
les systèmes commerciaux dominés par
les hommes utilisent habituellement des
variétés standard, les femmes gèrent des
systèmes de production de plantes traditionnelles
riches en espèces, et qui constituent
un réservoir en matériel génétique.
• a ccès réduit aux ressources
Malgré la reconnaissance du rôle fondamental
que joue la femme dans la gestion
des activités agricoles, elle ne dispose
pas d’une garantie de droit d’accès et de
contrôle des ressources productives, ce
facteur influençant négativement le développement
agricole. Il a des répercussions
sur l’accès aux ressources complémentaires
de la production agricole, tel
que le crédit.
Dans bon nombre de pays d’Afrique
sub-saharienne, les femmes ne sont
généralement pas autorisées à posséder
la terre. L’accès à la terre s’obtient par
le biais du mariage. Si celui-ci est rompu
par mort du mari, la veuve devra épouser
soit un frère soit un parent du défunt,
pour conserver cet accès. Elle peut en
outre perdre l’accès aux animaux à la
mort du conjoint et l’accès à la terre
suite à une répudiation. Il existe dans
certains pays des lois qui accordent des
droits égaux de propriété aux hommes et
aux femmes, mais ces lois ne sont bien
souvent pas appliquées; les systèmes
coutumiers prévalent sur le droit civil,
et octroient le droit de propriété aux
hommes.
Les terres attribuées aux femmes sont
généralement les terres les plus marginales,
de superficie réduite qui ne permettent
pas de mener des activités productives
à hauts rendements. Suite aux risques
d’expropriation, les femmes évitent de
réaliser des investissements tendant à la
bonne conservation et à l’amélioration de
la fertilité des sols, avec pour conséquence
une productivité plus faible et par là
même, des répercussions sur la sécurité
alimentaire. C’est généralement l’homme
36

qui assure la gestion de la terre dont il est
propriétaire, la femme étant un acteur de
la production agricole.
L’accès à l’eau constitue également un
facteur limitant à une production agricole
soutenue. La femme doit fournir l’eau pour
la famille et les cultures et doit souvent
parcourir de longues distances avant de
trouver un puits ou un ruisseau. Les jeunes
filles sont souvent obligées d’abandonner
leur scolarité pour aller puiser l’eau dans
les sources éloignées. Quand elles ont des
pompes manuelles, elles ne peuvent pas
toujours les actionner, par manque de force.
Elles ne peuvent bien souvent pas les réparer,
n’ayant pas reçu la formation adéquate.
L’accès au crédit, qui fait généralement
défaut, permettrait aux femmes d’accéder
aux moyens de production nécessaires
pour accroitre le niveau de production et
la productivité agricole. L’autofinancement
n’est souvent pas suffisant pour acquérir
les intrants en quantités requises.
• q ue fait La fao ?
Les inégalités hommes-femmes exacerbent
l’insécurité alimentaire. L’équité hommesfemmes
est une condition essentielle vers
laquelle il faut tendre pour mettre en
œuvre les décisions adoptées au sommet
mondial sur la sécurité alimentaire qui
s’est tenu à Rome en novembre 2009.
Depuis des années, la FAO mène le combat
pour la reconnaissance de la contribution
des femmes à la production vivrière et à la
sécurité alimentaire par le biais de divers
programmes dont notamment la formation
à l’analyse socioéconomique selon le
genre, en envoyant des messages clefs par
le biais de son site internet. Elle compte,
depuis 2007, au sein du département du
développement économique et social,
une division de la parité, de l’équité et de
l’emploi rural en charge de ce sujet.
La FAO a placé l’intégration des considérations
de parité au cœur de ses politiques
et programmes de développement. Dans
son nouveau cadre stratégique, elle a fixé
parmi ses principaux objectifs pour les dix
prochaines années, l’équité entre les sexes
dans la prise de décisions et dans l’accès
aux biens et aux services en zones rurales.
Grâce au travail de la FAO sur la parité, de
nombreux pays ont adopté des politiques
et des programmes de développement
intégrant davantage les dimensions de
genre. Cependant, des lacunes importantes
restent à combler : les préjugés culturels et
le manque de volonté politique ont eu pour
effet que les politiques et les conventions
approuvées au niveau international
sur la parité hommes-femmes, ont été
très inégalement adoptées et mises en
œuvre. Même lorsque des progrès ont été
accomplis, la capacité à mettre en œuvre
des politiques et à évaluer l’impact qu’elles
ont, est souvent inadapté. La stratégie de
la FAO concernant la dimension de genre
vise à combler ces lacunes et à relever le
niveau d’égalité entre hommes et femmes
dans les zones rurales.
• c oncLusions
En conclusion, nous notons que la
population pauvre de notre planète est
en majorité composée de femmes vivant
en milieu rural. Les femmes sont loin de
bénéficier des mêmes facilités que les
hommes en ce qui concerne l’accès à la
propriété foncière, aux services financiers,
37

2. Les positions des institutions de déVeLoppement
à la formation et aux autres moyens
qui permettent d’accroître la production
agricole et d’améliorer les revenus. Une
étude sur les systèmes de crédits agricoles
en Afrique a montré que les emprunts
accordés aux femmes ne dépassaient
pas 10 pour cent. Il existe rarement des
statistiques sur les rendements des femmes,
leur taux d’adoption des technologies et
leur utilisation des intrants. L’absence de
participation des femmes à la production
agricole commerciale est rarement un
choix, mais plutôt la conséquence d’un
accès limité aux intrants et aux marchés.
Elles sont bien plus durement touchées
par la récession économique et l’envolée
des prix des denrées alimentaires. Les
inégalités sociales et économiques entre
hommes et femmes compromettent
la sécurité alimentaire et freinent la
croissance économique et les progrès
du secteur agricole. Pourtant, une étude
a permis de calculer qu’en Afrique
subsaharienne la productivité agricole
pourrait augmenter de 20 pour cent si les
femmes bénéficiaient d’un accès égal à la
terre, aux semences et aux engrais.
• r ecommandations
Le spectre de la faim subsiste dans bon
nombre de pays en développement.
La sous-alimentation touche plus d’un
milliard de personnes, soit un sixième de
l’humanité. La communauté internationale
est en outre confrontée à d’autres défis
que sont le ralentissement de l’économie
mondiale, l’effondrement des échanges
et des investissements, la raréfaction
des ressources naturelles et l’impact du
changement climatique. Le renforcement
de la productivité agricole est indispensable
à la sécurité alimentaire. Pour nourrir une
population estimée à plus de 9 milliards
en 2050, l’agriculture devra doubler sa
production alimentaire malgré la diminution
de la quantité de terre arable par habitant,
la baisse des gains de rendements agricoles,
les effets du changement climatique. La FAO
appelle à augmenter la productivité agricole
et sa contribution à la sécurité alimentaire,
grâce à des pratiques agricoles durables
telles que la protection intégrée contre les
ravageurs et l’agriculture de conservation.
Rappelons que le troisième Objectif du
Millénaire pour le Développement des
Nations-Unies est de promouvoir l’égalité
des sexes et l’autonomisation des femmes.
Il vise à éliminer les disparités entre
les sexes à tous les niveaux d’ici 2015.
L’égalité des sexes peut également aider
la communauté internationale à atteindre
d’autres Objectifs du Millénaire pour le
Développement, tel qu’éradiquer l’extrême
pauvreté et la faim, lutter contre la mortalité
infantile et améliorer la santé maternelle.
Les inégalités entre les hommes et les
femmes constituent dans bon nombre
de sociétés un frein à la croissance
économique et au développement durable.
Des objectifs de développement durable
impliquent qu’ils participent de façon égale
aux différentes étapes qui conduisent à la
création et à la redistribution de richesses.
Ces défis pour nourrir la planète ne
pourront être relevés tant que persisteront
les préjugés ancestraux sur le rôle respectif
des hommes et des femmes, qui interdisent
à celles-ci de participer pleinement aux
décisions et au développement économique
et social. Nous devons être conscients que
l’agriculture durable, le développement
rural et la sécurité alimentaire ne peuvent
être atteint si on exclut plus de la moitié
de la population rurale.
38

Pour instaurer l’équilibre entre les sexes
dans le secteur de l’agriculture et du
développement rural, l’action des communautés
rurales, des gouvernements et des
institutions internationales de développement
est nécessaire. Les dirigeants politiques du
monde commencent à prendre conscience
de l’importance d’adopter des mesures qui
visent à garantir le travail des femmes rurales,
à renforcer leur sécurité économique,
et à favoriser leur accès aux ressources et
aux services.
Il est important que les ministères responsables
du développement rural améliorent
l’équilibre entre les sexes, encouragent
plus de femmes pour les activités de
vulgarisation. Au niveau local, il faut que
les femmes et les hommes jouent un rôle
actif dans les organes de décision pour
les infrastructures communautaires.
Il est important d’organiser des campagnes
de sensibilisation, des radios communautaires
pour que les communautés rurales
puissent échanger leurs expériences, pour
que les femmes soient sensibilisées à leurs
droits, notamment en matière d’accès aux
ressources. La communication, par exemple
au travers des radios solaires ou à manivelle,
est un élément essentiel pour la sensibilisation
et la mobilisation des femmes,
la connaissance et la reconnaissance de
leurs droits, pour qu’elles puissent prendre
mieux conscience de leur rôle au sein de
la société, pour qu’elles puissent partager
des idées et des pratiques avec d’autres.
Il est important également de développer
des initiatives d’information et de communication
touchant les chefs communautaires,
les chefs coutumiers, et les sensibiliser au
respect de l’accès des femmes à la terre.
L’alphabétisation doit être promue si on
veut que les femmes puissent avoir un
meilleur accès à l’information, et qu’elles
puissent se défendre et revendiquer leurs
droits. La pleine participation de la femme,
l’accès aux ressources est une condition
sine qua non pour le développement de
la société. Il est important de garantir
l’accès des productrices aux facteurs de
production, qu’elles utilisent leurs propres
outils pour cultiver, et non ceux de leurs
maris, qu’elles disposent si possible pour
l’irrigation des techniques modernes
comme la motopompe, la pompe à
pédales au lieu de l’arrosoir, qu’elles soient
mieux informées sur les techniques de
production, d’irrigation et de protection
intégrée. Il faut favoriser, dans les écoles,
la formation des productrices aux champs.
Il faut qu’elles aient accès aux semences
améliorées.
Notre objectif est de tendre vers une
éradication de la faim dans le monde,
pour avoir un monde plus prospère, plus
juste, plus équitable. Nous venons de
faire un point rapide sur la situation de la
femme quant à l’accès aux ressources, et
l’importance des objectifs que se fixe la
FAO pour réduire les inégalités hommesfemmes.
Nous remercions celles et ceux
qui au cours de cet atelier voudront bien
enrichir cette réflexion par le fruit de
leur expérience et connaissance, et qui
œuvrent chaque jour pour que les femmes
deviennent actrices d’un développement
concerté et qui contrecarre leur
marginalisation.
39

2. Les positions des institutions de déVeLoppement
2.3. LA SOUVERAINETé ALIMENTAIRE NE SE FERA PAS SANS
jUSTICE DE GENRE
Thierry Kesteloot
Au sein de la Coalition contre la Faim,
diverses ONG travaillent pour défendre
la souveraineté alimentaire. A l’occasion
de la Journée Mondiale de l’Alimentation
elles ont, avec l’appui de partenaires et
d’organisations de producteurs d’Europe
et du Sud présenté des propositions
pour une politique belge face à la crise
alimentaire. La reconnaissance et le
renforcement des droits des femmes, y
compris dans l’accès aux ressources, en
fait partie.
• La coaLition contre La faim
Une coalition d’ONG belges (francophones
et néerlandophones) s’est mise en place
en 2002 pour contribuer aux politiques de
coopération belges liées au problème de la
faim dans le monde. La Coalition est avant
tout une plate-forme qui doit faciliter
la réflexion commune entre différents
acteurs de coopération impliqués dans la
politique contre la faim. Ces acteurs sont
la Direction Générale de la Coopération au
Développement (DGCD), la Coopération
Technique Belge (CTB), les chercheurs, la
Commission Femmes et Développement,
les ONG et les organisations de producteurs
du Nord et du Sud. Eradiquer la faim
dans le monde est possible. Toutefois, les
réponses pour y arriver sont complexes,
les enjeux de pouvoirs importants, les
solutions souvent inadéquates. Par ailleurs,
les crises climatiques, économiques,
financières ou énergétiques ont eu un
impact direct sur une crise alimentaire
plus structurelle. La réflexion commune
nous permet de mieux appréhender les
interventions de différents acteurs de la
coopération belge.
D’autre part, la Coalition estime important
de pouvoir informer l’opinion publique
sur les politiques contre la faim, en y
associant des partenaires des pays en
développement. Elle vise non seulement
l’opinion publique par le biais d’un
travail avec les médias, mais veut en
particulier pouvoir également informer les
parlementaires belges intéressés sur les
enjeux généraux. Avec des propositions
concrètes développées par la Coalition, les
parlementaires, ainsi que le gouvernement
belge sont invités à renforcer les politiques
contre la faim.
En termes de contenu, il y a trois axes
de travail sur lesquels la Coalition se
concentre.
Le premier axe est la défense de
l’agriculture familiale durable. Le deuxième
axe est la cohérence des politiques. La
faim dans le monde n’est pas uniquement
une affaire de production agricole et une
affaire d’un modèle d’agriculture familiale,
elle est également influencée par de
nombreuses autres politiques, que ce
soit la politique agricole européenne, la
politique commerciale ou le changement
climatique.
Le troisième axe est la nécessité de reconnaître
et de renforcer les organisations de
paysannes et de paysans comme acteurs
de changement.
• Le genre comme axe transVersaL
Ces trois axes de travail ont un lien évident
avec la thématique du genre. Concernant
le premier axe «agriculture familiale
durable», la famille est forcément le
pilier de ce modèle agricole et la femme
en est souvent le pilier central au niveau
40

du ménage. Ceci implique la nécessité
d’aborder la répartition de travail inégale
et l’accès aux moyens de production
inégal entre hommes et femmes.
Ces inégalités constituent un frein au
développement de l’agriculture familiale
durable. Ainsi, par une meilleure prise
en compte du genre, on pourrait produire
plus et répondre mieux aux fonctions
multiples qu’a l’agriculture familiale
au niveau des communautés locales,
du développement rural, des marchés
locaux et régionaux, etc. Prendre en
compte l’inégalité de genre et l’accès
aux ressources ne pourra que renforcer
l’urgence de mettre l’agriculture familiale
durable au cœur des politiques agricoles.
La libéralisation des marchés agricoles,
les politiques d’investissements privés,
le recul significatif du rôle régalien des
Etats sur le développement agricole
ne sont que quelques éléments qui
ont favorisé l’agriculture industrielle
au détriment de l’agriculture familiale,
avec des conséquences souvent plus
dramatiques encore pour les femmes.
Concernant le deuxième axe, la cohérence
des politiques se fait par rapport à une
certaine vision de l’agriculture : celle de la
souveraineté alimentaire.
La souveraineté alimentaire est le droit des
peuples à une alimentation saine, dans le
respect des cultures, produite à l’aide de
méthodes durables et respectueuses de
l’environnement, ainsi que leur droit à
définir leurs propres systèmes alimentaires
et agricoles. Elle place les producteurs,
distributeurs et consommateurs des
aliments au cœur des systèmes et politiques
alimentaires en lieu et place des exigences
des marchés et des transnationales. (…)
Elle garantit que les droits d’utiliser et
de gérer nos terres, territoires, eaux,
semences, bétail et biodiversité soient
aux mains de ceux et celles qui produisent
les aliments. La souveraineté alimentaire
implique de nouvelles relations sociales,
sans oppression et inégalités entres les
hommes et les femmes, les peuples, les
groupes raciaux, les classes sociales et les
générations. 9
Cette vision de souveraineté alimentaire
est indispensable pour faire face aux
enjeux et aux crises multiples, mais elle
reste confrontée à un modèle dominant,
à des réponses de repli sur soi face aux
crises, aux inégalités de pouvoir. Plutôt
que de renforcer l’intérêt général, la
solidarité ou la justice sociale, nous restons
confrontés à un système d’exclusions avec
pour premières victimes les sans voix qui
travaillent la terre, et en particulier les
femmes.
Il est important de reconnaître, qu’audelà
du nécessaire accès et contrôle des
ressources par les femmes, d’autres
politiques sont tout autant exclusives,
tant pour les femmes que pour l’ensemble
des petits producteurs. Les politiques
agricoles, commerciales, énergétiques,
de coopération ou d’investissements ne
sont que quelques enjeux politiques qui
déterminent le sort des paysans et des
paysannes, sans parler des inégalités
de pouvoir dans les filières de marchés.
Par ailleurs, l’agriculture paysanne reste
considérée comme archaïque et sa
contribution à répondre aux enjeux est
insuffisamment reconnue. La cohérence
nous appelle à joindre les luttes d’équité de
genre, y compris en termes d’accès et de
contrôle des ressources naturelles, à celles
plus larges qui sont menées de manière
9
Déclaration de Nyéléni, Forum pour la Souveraineté Alimentaire, 27 février 2007, www.nyeleni.org
41

2. Les positions des institutions de déVeLoppement
conjointe pour la souveraineté alimentaire,
qu’elles soient menées au Sud, au Nord ou
au niveau international. La Coalition contre
la Faim vise en premier lieu à travailler sur
ces politiques du Nord qui ont un effet sur
le droit à la souveraineté alimentaire. Ceci
se traduit par un travail sur l’accaparement
des terres, les agro carburants, les APE,
les modes agricoles émetteurs de gaz à
effets de serre, les pratiques de dumping,
les pratiques de coopération. Relier ces
dossiers avec celui du genre est sûrement
un travail qui mérite d’être renforcé.
Le troisième axe est la reconnaissance
et le renforcement des organisations de
paysannes et paysans. Trop longtemps
ignorées, elles sont parties intégrantes
pour répondre aux crises alimentaires
ou climatiques. Plutôt que d’être les
seules victimes du système dominant, ou
principales bénéficiaires de politiques de
coopération, elles doivent être reconnues
comme actrices de changement. Le
renforcement de ces organisations doit
nécessairement aborder les iniquités de
genre en termes d’ «avoir», de «savoir»,
de «vouloir», et surtout de «pouvoir».
L’empowerment des femmes leur permet
d’avoir leur place légitime au sein de
leurs organisations et conduit l’ensemble
des organisations paysannes à avoir une
légitimité beaucoup plus forte tant visà-vis
de l’ensemble des producteurs et
productrices que vis-à-vis de l’extérieur.
L’empowerment des femmes et le
renforcement des organisations vont
de pair et doivent permettre d’aborder
l’iniquité de genre, mais sont aussi la
clé pour résister aux injustices, pour
renforcer les capacités de proposition,
pour construire des alliances et pour peser
sur les politiques.
• t raduire Les intentions en
ACTES
Avec l’appui de la Coalition contre la
Faim, un consensus s’est construit au
sein des acteurs de la coopération belge
autour des axes de travail décrits cidessus,
que ce soit la reconnaissance
des organisations paysannes, la priorité
à donner à l’agriculture familiale durable,
la cohérence des politiques ou même
l’égalité de genre. Un consensus très
large se dégage mais cela ne se traduit
pas nécessairement en pratiques ni en
changements concrets pour les populations
dans les pays en développement. Bien sûr
la politique de coopération peut être mise
à mal par d’autres politiques. Mais il est
indispensable de rechercher les meilleures
pratiques, d’essayer de voir ce qui fait la
différence dans la mise en pratique des
politiques.
En ce qui concerne l’exemple des inégalités
de genre, même si dans le discours les droits
des femmes sont largement reconnus,
il reste des résistances très fortes, que
ce soit au niveau des ménages ou des
communautés ou encore des pouvoirs
publics et acteurs non gouvernementaux.
A chaque niveau, chacun des acteurs
se doit de voir comment surmonter ces
obstacles, ces conflits d’intérêts. La
Coalition contre la Faim veut mener une
réflexion beaucoup plus approfondie sur
le genre et le développement, et pouvoir
appuyer ses recommandations sur des
pratiques concrètes.
Une pratique intéressante à souligner
dans le domaine de la sécurité alimentaire
est l’organisation de la société civile au
niveau international. En novembre 2009,
un forum de la société civile a eu lieu
42

lors du sommet mondial sur la sécurité
alimentaire à Rome. Ce forum, ainsi que le
mécanisme de représentation de la société
civile qui en découle 10 , tente de traduire en
pratique l’égalité de genre. Non seulement
la participation des représentants des
différents groupes d’acteurs (paysans,
pêcheurs, pasteurs, peuples autochtones,
pauvres urbains,…) doit respecter la parité
de genre, résultant en une participation
de 60% de déléguées. De plus, au cours
des trois jours de ce forum qui préparait la
contribution de la société civile au sommet,
un lieu spécifique, une assise, a été organisé
pour les femmes qui leur a permis, avec
les jeunes et les peuples autochtones, de
réfléchir à leur contribution. Ce n’est pas
nouveau, car depuis plusieurs années les
forums sur la souveraineté alimentaire
reconnaissent le rôle central des femmes
dans la sécurité alimentaire, et cela se
traduit par des mécanismes concrets leur
permettant d’y participer pleinement.
10
Voir www.cso4cfs.org
43

3. ANALYSE ...
DES FACTEURS D’INSECURITE ALIMENTAIRE
ET DES STRATEGIES DES FEMMES POUR UNE
SECURITE ALIMENTAIRE

3.1. AU SéNéGAL, L’ACCèS ET LE CONTRÔLE DES RESSOURCES
PAR LES FEMMES : DéFIS POUR LA SéCURITé ALIMENTAIRE
fatou Ndoye et virginie Dattler
La crise économique et financière qui frappe
le monde est encore plus ressentie par les
pays africains, notamment ceux qui dépendent
très fortement des importations
pour satisfaire leurs besoins de consommation.
Le Sénégal est un pays qui a une
consommation très extravertie car l’essentiel
de ses produits alimentaires vient de l’extérieur.
Le riz qui constitue l’aliment de base
des populations est principalement importé
des pays asiatiques. De 300 000 tonnes en
1980, les importations de riz sont passées
à 900 000 tonnes, voire 1 million de tonnes
en 2009, soit une valeur moyenne estimée à
plus de 100 milliards de francs CFA 11 .
La consommation alimentaire apparaît
comme l’un des postes de dépenses
les plus importants dans le budget de
consommation des ménages. Les dépenses
alimentaires représentent près de 52% au
plan national et 46% au niveau de la région
de Dakar. Ce qui signifie que l’essentiel
des revenus des populations est destiné à
couvrir des besoins en alimentation.
Face à cette situation déjà alarmante, la
crise économique et financière de 2008
ne vient qu’approfondir et accentuer la
pauvreté, en créant de nouvelles ruptures
et de nouvelles formes de vulnérabilités par
l’aggravation de l’insécurité alimentaire.
Elle a engendré de nouvelles modifications
qui se traduisent par un changement des
habitudes alimentaires et surtout des
modes de consommation des populations,
notamment la prolifération des restaurants
de rue. La crise économique et financière
de 2008 provoque de nouvelles stratégies
pour survivre et répondre aux besoins de
la famille.
Après un bref rappel de la démarche
méthodologique, nous aborderons dans un
second chapitre les différentes stratégies
déployées par les femmes pour faire face
à la crise. Dans une troisième partie nous
ferons un zoom sur la restauration de rue
et ses caractéristiques et enfin, dans la
quatrième partie nous ferons une lecture
des activités économiques des femmes au
travers du concept d’Empowerment.
• p résentation de La démarche
méthodoLogique
Le travail présenté ici est issu de différentes
études réalisées par Enda Graf. Il s’agit
d’enquêtes quantitatives menées auprès
des ménages dakarois et des restauratrices
de rue et une enquête qualitative réalisée
par Enda Graf en collaboration avec une
stagiaire du Monde selon les Femmes,
Virginie Dattler.
- Les enquêtes quantitatiVes
Différentes enquêtes quantitatives ont été
réalisées en 2001, 2008 et 2009. Elles
ont toutes porté sur les modifications des
habitudes alimentaires des populations en
milieu urbain dakarois.
En 2001, l’Etude ALISA (Alimentation, Innovation
et Savoir faire Agroalimentaire en
Afrique de l’Ouest) 12 a été menée à Dakar
auprès de 500 ménages. Dans cette enquête
il s’agissait d’identifier les pratiques d’approvisionnement,
de préparation et de consommation
des ménages par une analyse portant
sur les facteurs qui influencent les habitudes
alimentaires.
En 2008, cette même étude a été reconduite
dans le but de faire une comparaison
11
Dieye P. Noyine : «Etude Sectorielle sur l’Agroalimentaire», Enda Graf, 2008
12
ALISA était un programme de recherches sur les styles alimentaires, il était financé par
l’Union Européenne et Coordonné par le CIRAD. Ce programme de recherche a été réalisé
dans 3 pays de la sous région : Burkina Faso, Bénin et Sénégal.
45

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
avec les résultats de 2001. Au cours cette
enquête, la restauration de rue s’est révélée
comme un phénomène très important
dans les stratégies de sécurité alimentaire,
ce qui nous a conduit à mener une étude
spécifique auprès des acteurs en 2009.
L’enquête dans le secteur de la restauration
de rue a été réalisée en collaboration avec
l’Institut Supérieur pour le Développement
Local (ISDL), elle portait sur 600 vendeuses
réparties dans les différents départements
que compte la région de Dakar (Dakar,
Pikine, Guédiawaye et Rufisque).
Département Nb. Vendeuses %
Guédiawaye 201 33,5%
Dakar 193 32,2%
Pikine 102 17%
Rufisque 104 17,3%
TOTAL CIT. 600 100%
Source : Enquête Restauration de Rue Enda Graf/
ISDL, mai 2009
- L’étude quaLitatiVe
L’étude qualitative a été menée en collaboration
avec des stagiaires du Monde Selon
les Femmes, Virginie Dattler et Maïmouna
Ka. Le sujet de la recherche portait sur les
stratégies développées par les femmes
pour assurer la sécurité alimentaire de
leur famille suite à la crise.
Elle a été réalisée auprès de 90 femmes
vivant dans les différents quartiers de la
banlieue (Pikine, Rufisque), les quartiers
populaires de Dakar (Grand Dakar, Ñari
Tally, Grand Yoff, Parcelles Assainies
etc.) et en milieu rural au niveau de
Pointe Sarène.
Des entretiens semi-directifs ont été menés
au plan individuel et collectif à travers les
organisations de femmes notamment,
les Groupements d’Intérêts Economiques
(GIE) et les associations.
• Les différentes stratégies
déVeLoppées par Les femmes
pOUR fAIRE fACE à LA CRISE
Comme nous l’avons révélé en introduction,
la consommation alimentaire occupe
un poste important dans le budget des
ménages, près de 50% du budget familial
est consenti pour assurer des besoins
alimentaires. En période de crise, des
ajustements sont nécessairement effectués
pour maintenir ce poste important et
répondre aux besoins familiaux.
A) STRATEGIE N°1 :
Le changement de l’organisation et
de la préparation des repas
Depuis quelques années, un changement
profond est apparu dans les pratiques
alimentaires des ménages. Ces modifications
peuvent porter sur la composition
des plats et produits consommés au sein
des ménages.
Rappelons que de tout temps, au Sénégal,
la consommation était structurée en
3 temps: petit-déjeuner, déjeuner et
dîner au sein de toutes les familles.
En milieu urbain dakarois, où nous avons
porté l’essentiel de nos études, le petit
déjeuner était composé de pain, café au
lait, thé etc.; le style européen.
A midi, les plats de riz dominaient dans
tous les ménages. Il s’agissait du «riz au
poisson» (le plat national) ou de plats à
sauce.
46

Au dîner, on observait une plus grande
diversité répartie en 3 catégories :
- des plats à base de pain
(ragoût, beefsteak, poulet)
- des plats à base de riz
(mbaxal, dakhine, ou le prélèvement
sur le repas de midi etc.)
- des plats à base de céréales locales
(bouillies, couscous, etc.)
Avec la crise de 2008, on peut observer
l’abandon de la consommation du lait
(généralement consommé au petit
déjeuner par les familles). Les tisanes
locales comme le Kinkéliba pour les
enfants et le café touba pour les adultes
sont consommés dans la grande majorité
des familles dakaroises et ont pris la place
du café classique.
A midi, la consommation du riz n’a pas
changé par contre, la composition des
plats a connu quelques modifications avec
la suppression des espèces nobles de
poissons, au profit des pélagiques comme
les sardinelles, les chinchards, etc.
Au dîner, on observe des modifications
liées surtout à la suppression de la viande
et du pain qui l’accompagne. Les familles
ont plutôt tendance à consommer des
plats à base de céréales locales comme le
couscous, la bouillie de mil ou des pâtes
alimentaires, plats assez bourratifs au
détriment de la qualité nutritionnelle.
D’autres modifications sont aussi visibles
dans l’organisation des repas, cela se
traduit par la réduction du nombre de
repas et/ou le changement des horaires
auxquels ils sont pris.
Enfin, toujours dans cette catégorie de
stratégie, on peut considérer le recours
à la restauration de rue, autrefois tabou
dans la société sénégalaise car mal
considérée. En effet au Sénégal, le repas est
traditionnellement consommé en famille.
C’est autour du plat commun que les
membres de la famille partagent le repas.
Le recours à la restauration de rue est
apparu véritablement avec l’instauration
de la journée continue et la dévaluation
du franc CFA en 1994. Le phénomène s’est
accentué en 2008 avec les familles qui ont
abandonné les préparations à domicile au
profit de la restauration de rue. C’est au
dîner que l’on observe plus ce phénomène.
En effet, les chefs de famille se sentent
de moins en moins engagés pour ce type
de repas. Aujourd’hui, près de 50% des
familles ne préparent plus de repas du
soir et s’approvisionnent dans la rue
auprès de vendeuses, alors qu’en 2001 ce
phénomène ne concernait que 25% des
ménages dakarois.
B) STRATEGIE N°2 :
Trouver des Activités Génératrices de
Revenus (AGR)
On assiste à une réelle mutualisation de
l’allocation des ressources du ménage.
Le chef de famille n’est plus le seul à se
soucier du budget familial et à y contribuer.
La femme a un nouveau rôle en tant que
contributrice à la dépense quotidienne
(DQ). On note l’émergence de nouveaux
acteurs avec, comme évoqué à l’instant, la
femme contributrice mais aussi les jeunes
filles qui s’investissent dans l’économie
domestique.
Parmi les multiples activités économiques
développées par les femmes, les plus
courantes sont la transformation de
produits locaux et la restauration de rue.
47

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
Cette dernière est devenue un véritable
phénomène depuis le tournant de la
dévaluation de 1994. Il s’est accentué en
2008 avec les familles qui ont abandonné
les préparations à domicile.
On reviendra plus en détail sur la
restauration de rue et ses caractéristiques.
C) STRATEGIE N°3 :
Le recours au crédit, à l’achat au
détail et à l’utilisation des épargnes
En période difficile, les stratégies développées
par les femmes vont crescendo selon
le degré d’urgence et de désespoir face
aux besoins.
L’un des mécanismes souvent observé
et relaté est celui du recours aux crédits
usuriers. A court terme, ils peuvent aider
mais, dans certains cas, ils peuvent
aussi enclencher une spirale infernale
d’endettement.
Une autre manière de réagir que les
femmes ont pu mettre en application
en période de crise est celle de revoir la
méthode de ravitaillement. Lorsque les
temps sont durs, on peut observer la
disparition des stocks alimentaires au
sein des foyers. En effet, auparavant, le
ravitaillement se faisait mensuellement
avec un achat en gros du riz et autres
denrées non périssables (huile, sucre,
etc.). Les femmes achètent désormais au
détail, avec des quantités de plus en plus
revues à la baisse.
Enfin, elles en arrivent, souvent en dernier
recours, à l’utilisation des épargnes. Cela
signifie qu’elles n’ont plus de réserve
de sécurité en cas d’imprévu (maladie,
accident, décès d’un proche, etc.). Elles
se retrouvent plus vulnérables face aux
événements.
D) STRATEGIE N°4 :
Réduire les dépenses concernant
certains secteurs
Les femmes interrogées dans le cadre de
l’étude qualitative évoquent, parmi les
stratégies pour faire face à la crise, la
réduction des autres postes de dépense
tels que l’habillement (pour elles-mêmes
mais aussi pour les enfants), la baisse
des contributions accordées lors des
cérémonies (les cérémonies représentent
d’ordinaire une part conséquente du
budget car elles permettent d’entretenir
le réseau social qui est très important), la
diminution des frais liés à la scolarisation
(ce qui peut générer des inquiétudes
quant à l’accès des enfants à l’éducation)
et enfin, la réduction des dépenses liées à
la santé.
E) STRATEGIE N°5:
La vente de certains biens personnels
Les femmes peuvent être amenées à
vendre certains de leurs biens personnels.
Il peut s’agir de bijoux, vêtements ou
meubles, de terrains voire de leurs outils
de production (matériel, bétail, etc.).
Dans ce cas, cela revient à hypothéquer
leur avenir et à rendre leur condition
et celle du foyer concerné encore plus
vulnérables.
• Zoom sur La restauration de
rue et ses caractéristiques
La restauration de rue joue un rôle
important dans la sécurité alimentaire
et les stratégies de survie des ménages.
48

Elle permet à de nombreuses femmes
et hommes de disposer de revenus. Son
développement en milieu urbain est assez
récent contrairement aux autres centres
urbains des pays de la sous région (Abidjan,
Cotonou, Lomé etc.). La restauration
de rue s’est réellement développée au
Sénégal avec l’instauration de la journée
continue en 1992 et la dévaluation du
franc CFA en 1994.
Déjà en 1996, l’étude menée dans ce
secteur nous a permis de faire une
typologie : les restaurants modernes, les
gargotes, les maisons aménagées et les
restaurants de fortune (abris de fortune,
tables installées en pleine rue etc.) 13 .
L’enquête quantitative réalisée en mai
2009 a concerné les gargotes et les
restaurants de fortune.
L’accès à ces restaurants peut être :
• De type individuel : cette restauration
de type individuel est plutôt une pratique
des hommes. Le soir, ils fréquentent
certains espaces comme les «dibiteries»
(espaces destinés à la vente de viande
grillée), les «tangana», etc.
• De type collectif : il s’agit d’achat de
plats comme les bouillies, les couscous
destinés aux membres de la famille. La
ménagère achète son plat de bouillie, de
couscous ou de soupe, qu’elle partage
avec les membres de la famille. Un
phénomène que l’on observe plus dans
les quartiers populaires et qui concerne
plutôt le dîner.
Quelques caractéristiques des actrices
de restauration de rue :
L’étude sur le secteur de la restauration
de rue montre que près de 95% des
personnes interrogées sont des femmes
d’âge moyen, se situant entre 36 et 38 ans.
69% des femmes sont mariées contre
20% de célibataires, 5% de divorcées et
5% de veuves.
Ces restauratrices font fonctionner des
ménages dont la taille varie entre 1 et
30 personnes avec une moyenne de 8
personnes. L’activité de restauration
constitue la principale source de revenus
de leur famille.
Ce secteur est pourvoyeur d’emplois, 95%
des restauratrices emploient en moyenne
2 personnes au sein de leur activité, pour
la plupart, des enfants ou des membres de
leurs familles.
Ces restauratrices sont généralement
dans des situations assez précaires, 51%
d’entre elles utilisent en général des abris
de fortune (sans abris 15%, cantine de
récupération 16%, abri en dur 15%) et
le surplus des acteurs sont installés de
manière libre.
Mode d’occupation
du lieu de vente
Nb.
cit.
Fréq.
propriété 80 13,9%
Location 184 31,9%
installation libre 300 52,1%
autre (préciser) 12 2,1%
TOTAL CIT. 576 100%
Source : Enquête Restauration de Rue Enda Graf/
ISDL, mai 2009
L’essentiel des plats vendus dans la rue
sont préparés à domicile par 63% des
restauratrices (35% préparent les plats
aux abords des trottoirs).
Par contre, il existe un déficit criant en
matière de formation. L’enquête révèle
que seules 10% des femmes interrogées
13
Ndoye F. : «Dévaluation et Restauration de rue à Dakar», 1996
49

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
ont déjà suivi des formations dans
les domaines suivants : gastronomie,
pâtisserie, nutrition. Pour l’hygiène, 5%
de notre échantillon seulement déclarent
avoir reçu des formations dans ce domaine,
ce qui pose des inquiétudes par rapport à
la santé des populations.
Une marginalisation des acteurs malgré
leur forte contribution à la sécurité
alimentaire
La restauration de rue est, comme
nous l’a révélé l’enquête, un secteur
pourvoyeur d’emplois surtout pour les
femmes qui jouent le rôle de chef de
famille et qui sont marginalisées par le
système formel.
Sur le plan économique, la restauration
de rue apporte une large contribution
à l’économie nationale. En effet, cette
étude portant sur un échantillon de 600
personnes montre que l’activité draine
près de 3 300 000 000 F CFA (5 030 818 €)
de chiffre d’affaire.
Le développement du secteur de
la restauration de rue, témoin du
dynamisme des populations, de leurs
capacités à inventer en permanence des
réponses face aux contraintes nouvelles
que la ville impose aux citadins, soulève
cependant de nombreuses interrogations.
Et malgré son rôle important dans
la sécurité alimentaire, la création
d‘emplois et de revenus surtout pour
les femmes, force est de constater que
le secteur est faiblement pris en compte
dans les politiques publiques nationales
et locales. En effet, ce secteur est ignoré
voire marginalisé par les politiques
publiques, il n’existe aucune statistique
fiable permettant d’avoir le nombre exact
d’acteurs évoluant dans le domaine. Par
ailleurs, le secteur n’a pas de ministère
de tutelle ce qui empêche les acteurs
d’avoir des interlocuteurs directs en cas
de besoin.
Sur le plan local, les restauratrices sont
confrontées à un manque flagrant de
dialogue avec les collectivités locales. Elles
sont victimes car souvent chassées de
leurs emplacements (déguerpissement).
Cette situation s’explique par le
manque de reconnaissance par les
autorités locales de la légitimité de ces
acteurs. Les femmes ne développent
aucune capacité de négociation avec
les collectivités locales, ce qui ne leur
permet pas d’être prises en compte dans
la gestion de l’espace urbain. Ceci se
traduit par des actions de répression et
de poursuites souvent perpétrées par les
autorités locales et dictées par un souci
de préservation de l’environnement et de
valorisation des espaces pour la création
de sources de revenus municipaux
(construction de cantines payantes pour
les commerçants).
C’est dans cette perspective que s’inscrivent
les actions d’Enda Graf pour accompagner
les femmes afin qu’elles puissent bénéficier
de :
• une meilleure maîtrise des enjeux de
leur secteur;
• une sensibilisation des autorités locales
à leur contribution aux économies;
• l’appartenance à un ministère de
tutelle;
• l’existence de données statistiques;
• la formation des restauratrices (hygiène,
nutrition, gestion etc.);
• l’amélioration des espaces de vente;
• la structuration des acteurs.
50

• Lecture des actiVités
génératrices de reVenus (agr)
AU TRAvERS DU CONCEpT DE
«L’EmpOwERmENT»
On peut définir la notion d’Empowerment
comme le pouvoir que peuvent acquérir
les femmes sur leur propre vie et sur
la société. Ce concept comprend trois
notions de pouvoir, dans leurs dimensions
individuelles et collectives :
- le «pouVoir intérieur»:
fait référence à l’estime que les femmes
ont pour elles-mêmes et l’impression
qu’elles peuvent avoir d’être quelqu’un
ou non. [VOULOIR]
- le «pOUvOIR DE»:
désigne les capacités et compétences (le
savoir-faire), la capacité de développer
une conscience critique (le savoir
critique) et la capacité d’influencer, de
changer, de se positionner vis-à-vis de
ses proches (le savoir être) et enfin
«l’avoir» avec la notion de propriété
et de revenus financiers. [SAVOIR;
AVOIR]
- le «pOUvOIR AvEC»:
vise la capacité de conscience critique
collective, la capacité de s’organiser
pour un changement socioéconomique
et l’impact que les femmes peuvent
avoir sur le développement local et
national pour un changement politique.
[POUVOIR]
Dans le cadre de l’étude qualitative, nous
avons analysé les Groupements d’Intérêts
Economiques (GIE) rencontrés au travers
de la grille de lecture de ce concept. Il
s’agit principalement des GIE membres
du réseau APROVAL qui regroupe des
femmes qui s’activent dans le domaine
de la transformation des produits locaux
comme les céréales, les fruits et légumes.
Une analyse a été menée aussi au
niveau des organisations des femmes
transformatrices des produits halieutiques.
- LE «pOUvOIR INTERIEUR»
Les femmes sont fières de pouvoir améliorer
la situation de leur famille aux niveaux
financier et alimentaire et de mettre fin
à la souffrance de voir leurs enfants avoir
faim. Les femmes interrogées expriment
aussi leur fierté d’exister autrement qu’en
tant que mère ou épouse. Elles ont le
sentiment de compter en tant qu’individu
et non au travers de leur famille.
Les femmes se sentent valorisées en
réalisant qu’elles sont capables de
travailler en dehors du domicile conjugal.
Elles (re)prennent confiance en elles et
reconnaissent leurs propres aptitudes.
Etre membre actif d’un GIE procure un
nouveau statut et un réel changement
du regard des autres (dont la famille,
les voisins, l’entourage). Cela peut être
exprimé sous la forme de valorisation/
admiration ou parfois de jalousie. (Les
coépouses notamment peuvent être
jalouses de voir se mettre en place ce
nouveau statut).
Les femmes des GIE ne sont plus
retranchées seules dans leurs problèmes.
Elles n’ont plus à porter seules le souci
de subvenir aux besoins de leur famille.
Elles peuvent en discuter et partager leurs
expériences avec les autres femmes de leur
groupe, ce qui leur permet de se libérer
l’esprit et d’envisager des projets, de voir
plus loin. Les femmes retrouvent une
certaine dignité du fait d’être considérée
51

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
comme une personne compétente,
participant à un projet collectif. Dans
le cas où l’activité du GIE est rentable
et qu’elles en tirent des bénéfices, cela
permet d’améliorer concrètement les
conditions de vie du foyer en assurant la
sécurité alimentaire familiale. Cela peut
ainsi permettre à la mère de retrouver sa
dignité, elle est soulagée parce que ses
enfants ne souffrent plus de la faim.
«Avant, je n’avais pas la même estime de
moi-même. Je ne me considère plus de
la même manière. J’ai même changé de
démarche !»
«Avant, on restait à la maison en tant que
femmes un peu effacées. Maintenant, on
quitte la maison, avec des sacs à main,
en tant que femmes actives, de vraies
entrepreneuses !»
- LE «pOUvOIR DE»
Les femmes sont actrices de changements
en s’impliquant dans de nouvelles
Activités Génératrices de Revenus (AGR)
au plan individuel ou au sein d’un GIE.
Leur stratégie est d’obtenir des revenus
supplémentaires pour contribuer au budget
familial, le stabiliser et ainsi assurer la
sécurité alimentaire de la famille.
Elles ont aussi une autre stratégie, à effet
direct cette fois-ci : les changements
des habitudes alimentaires. En tant que
«maitresse d’orchestre» de l’alimentation
à la maison, la femme conjugue les menus
en fonction des ressources dont elle
dispose. Pour ajuster cet équilibre, elle
peut supprimer certains aliments devenus
trop chers comme la viande, le poisson et
le lait. Elle peut aussi réduire le nombre de
repas préparés à la maison par jour.
Les femmes membres des GIE ont un rôle
à jouer que ce soit en tant que simple
membre ou dans un poste à responsabilités.
Elles développent des compétences telles
que l’alphabétisation, la prise de parole
en public, les bases de calcul simples, les
notions de base de gestion.
Les femmes des GIE acquièrent non
seulement des rudiments de gestion pour
leurs activités, mais accèdent aussi à des
formations plus poussées en gestion,
en règles d’hygiène, en techniques
d’emballage, en marketing, en techniques
de transformation des produits locaux et/
ou en techniques de restauration. Elles
apprennent à utiliser un nouveau matériel
de transformation (moulins, tamis,
centrifugeuses, etc.) qui leur permet d’être
plus efficaces dans leur activité.
Du moment que le mari donne son accord
pour que la femme travaille au sein d’un
GIE, il lui accorde une certaine liberté de
mouvement (plus ou moins cadrée selon
les cas) et le droit de décider (de manière
plus ou moins autonome) pour ce qui
concerne son activité.
Les GIE sont ainsi des espaces fertiles pour
l’émergence d’idées et d’opinions. Les
femmes peuvent s’organiser pour défendre
une opinion ou un projet commun au sein
de leur GIE ou plus largement au niveau
du réseau APROVAL.
«Les femmes ont plus de dignité, plus de
courage. Les femmes veulent désormais
être associées aux hommes pour prendre les
décisions. Elles veulent vraiment s’engager,
participer. Elles se sont affirmées.»
Les activités de l’AGR poussent les
femmes à anticiper, elles sont obligées de
se projeter au travers de leur commerce.
Elles gagnent donc une meilleure vision du
futur et cela peut avoir un impact sur la
manière dont elles appréhendent le futur
de leur vie personnelle.
La mère doit quitter le foyer pour aller
52

travailler à l’unité de production du GIE. Cela
implique une réorganisation des activités
domestiques durant son absence. Soit un
de ses enfants (les filles le plus souvent)
prend la relève, soit il y a une coépouse qui
joue ce rôle (sous conditions que les deux
femmes s’entendent bien), soit encore la
mère anticipe ses tâches domestiques en
les faisant avant de quitter le domicile !
Dans la majorité des cas, la femme gagne
plus de respect auprès de son conjoint,
elle gagne de l’importance du fait de
contribuer au budget familial. Aussi,
comme évoqué à l’instant, le mari est
amené à lui laisser plus de liberté d’action
et à lui faire plus confiance dans la gestion
de la vie quotidienne.
L’entraide entre les femmes des GIE est
une valeur essentielle, défendue dans tous
les groupes que nous avons rencontrés.
Les membres des GIE se soutiennent
mutuellement.
Dans le cas où l’AGR est rentable, la
perception de revenus supplémentaires
provenant de l’activité développée,
permet à la femme de sécuriser le budget
familial et d’assurer l’achat des denrées
alimentaires nécessaires, ce qui permet
d’améliorer le régime alimentaire du
ménage et contribuer ainsi au maintien
de la sécurité alimentaire de la famille. On
notera que la femme a plus de chances
de contrôler les revenus supplémentaires
qu’elle apporte et ainsi de les allouer aux
dépenses de nourriture. Comme on a pu le
voir dans le chapitre II, les femmes sont
plus à même d’accorder la priorité aux
dépenses de nourriture que les hommes.
Indirectement, la femme améliore les
conditions de vie de l’ensemble de la
famille (y compris celles de ses coépouses)
en allégeant les frais à charge du mari chef
de famille.
Dans certains cas, et cela devient de plus
en plus courant, la femme a son mot à
dire concernant la gestion des ressources
depuis qu’elle contribue au budget familial.
Aussi, pour les femmes membres des GIE,
les formations qu’elles ont suivies pour
l’activité génératrice de revenus du groupe
influencent positivement leur manière
de gérer le budget familial. Elles ont pu
acquérir un savoir-faire en gestion qui leur
est potentiellement utile.
Le sentiment d’apaisement de savoir ses
enfants et sa famille nourris à leur faim n’a
pas de prix. On sort dès lors de la notion de
survie, on considère possible de faire des
projets à court, moyen voire, long terme.
On redevient acteur de sa propre vie.
- LE «pOUvOIR AvEC»
Lorsqu’elles se retrouvent ensemble
au sein des GIE, les femmes discutent,
échangent autour des préoccupations
de chacune… C’est dans ces moments
de dialogue et d’échanges qu’elles ont
l’occasion de prendre conscience que
les problèmes d’insécurité alimentaire
et d’inégalités de genre ne sont pas
individuels mais bien sociétaux, culturels
et politiques.
Au sein des GIE, une dynamique de
groupe se met en place. Les femmes
membres ressentent un fort sentiment
d’appartenance au groupe. Elles travaillent
pour une cause commune. Il est de
l’intérêt de chacune que le GIE vende
bien leurs produits. Le groupe leur permet
aussi de tisser de nouveaux contacts, qui
sortent éventuellement des cercles de
voisinage et/ou familiaux, ce qui élargit
leurs horizons.
Pour mettre en lumière la notion
d’empowerment dans le cadre des GIE,
53

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
il est intéressant de se pencher sur ce
qui motive les femmes appartenant
à des GIE qui ne dégagent aucun
profit à continuer. Ce cas de figure
illustre bien le fait que l’apport de
revenus supplémentaires est une des
motivations mais n’est pas la seule.
Participer à ce forum de décision,
se sentir ‘femme active’, gagner en
autonomie, en liberté de mouvement…
tous ces éléments construisent la
volonté et la persévérance de ces
femmes.
Le fait d’être membre actif d’un GIE
implique un engagement considérable
et régulier. Cela signifie assister aux
réunions, venir travailler de manière
régulière, travailler dans une démarche de
qualité pour faire perdurer l’activité. C’est
un grand pas pour beaucoup de femmes.
Le GIE devient presque une deuxième
famille pour les plus engagées.
«Le groupe a apporté une consolidation
de nos liens. Actuellement, nous sommes
comme une famille. La cohésion de notre
groupe est forte».
Les femmes du réseau APROVAL
commencent à se faire entendre mais
manquent encore de moyens pour
vraiment influencer les décisions au niveau
politique. N’ayant pas de reconnaissance
juridique, le réseau APROVAL ne peut
pas être représenté officiellement dans
les instances de décisions, malgré la
motivation et l’engagement de ses
membres. L’absence de reconnaissance
juridique va de pair avec l’absence de siège
fonctionnel, de support de communication
et de promotion pour faire évoluer la
structure.
Impact sur le développement (local,
national) vers un changement politique
Les bénéfices tirés des nouvelles AGR
des femmes permettent la sécurisation
du budget du ménage. Dans les meilleurs
des cas, en apportant leur contribution,
les femmes fournissent le pouvoir d’achat
qui manquait pour pouvoir assurer et
améliorer la sécurité alimentaire de la
famille. Les restauratrices de rue, quant
à elles, améliorent la sécurité alimentaire
via deux facteurs : en facilitant l’accès
physique et financier à la nourriture pour
leur famille.
Localement, le travail des femmes devient
de plus en plus reconnu. Les maris
l’acceptent dans leur grande majorité et
l’encouragent même, une fois qu’ils se
rendent compte de l’apport précieux que
cela peut représenter pour le foyer. Nous
préciserons toutefois qu’il est difficile pour
nous d’estimer la part de ménages dont le
mari refuse que l’épouse soit membre d’un
GIE. En effet, nous n’avons approché lors
de notre étude que des femmes autorisées
à travailler en dehors du domicile familial.
Mais généralement les maris qui refusent
à leur épouse l’accès à des activités
économiques sont pour la plupart en
mesure de couvrir l’essentiel des besoins
et par conséquent, ne trouvent pas utile
pour leur épouse de chercher des revenus
supplémentaires.
Les représentantes de certains GIE
ont acquis une certaine expérience de
l’expression en public. Certaines ont même
pris goût à la politique et s’investissent
dans la vie politique de leur communauté
(ville, communes d’arrondissement, etc.)
en tant qu’actrices de la société civile.
Elles ont la capacité de faire évoluer les
habitudes alimentaires et d’encourager
la consommation de produits locaux en
véhiculant la valorisation des produits
locaux auprès de leur clientèle et
54

de leur communauté, et surtout de
développer des initiatives de lutte contre
la malnutrition dans les quartiers et les
écoles.
CONCLUSIONS
Les différentes études menées montrent
le rôle incontournable des femmes pour
le maintien de la sécurité alimentaire. La
transformation des produits locaux et la
restauration constituent principalement
leur domaine de prédilection. Cela pourrait
s’expliquer par les faibles barrières à
l’entrée.
Les activités qu’elles développent permettent
d’acquérir des revenus supplémentaires
et de participer pleinement au bon
fonctionnement de leur ménage.
En intégrant des structures comme les
Groupements d’Intérêts Economiques
(GIE), les femmes acquièrent plus de
pouvoir et d’autonomie. En tant que forum
d’appui à la décision, le GIE offre à celles-ci
la possibilité de s’épanouir et de s’engager
ensemble de manière solidaire.
Malgré leur rôle important et leur contribution
pour maintenir la sécurité alimentaire,
les activités qu’elles développent
sont pour la plupart ignorées voire marginalisées
par les décideurs politiques. Ces
femmes contribuent largement à l’économie
à travers la création d’emplois et
la création de richesse. Par conséquent,
elles doivent participer pleinement à l’élaboration
des politiques publiques. Elles
doivent construire des argumentaires
pour avoir une meilleure visibilité de leur
contribution.
Cela nécessite au préalable un renforcement
des capacités dans le domaine
du plaidoyer, le lobbying et le dialogue
politique.
BIBLIOGRAPhIE
Charlier S. & Warnotte G. (2007),
«La souveraineté alimentaire, regards
croisés», PUL.
Dièye Pape N. (2008), «Etude sectorielle sur
l’Agroalimentaire au Sénégal», Enda Graf.
Gueye, O. (2009), «Le Secteur de la transformation
des céréales locales au Sénégal,
enjeux, défis et stratégies des acteurs»,
Enda Graf.
Ndoye F. (1996), «Dévaluation et Restauration
de Rue à Dakar», IEDES.
Ndoye F. (2001), «Evolution des styles
alimentaire à Dakar», Enda Graf CIRAD.
Sy M. (2009), «Etude sur l’Etat des lieux
de la restauration de rue dans la région de
Dakar», Enda Graf ISDL.
55

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
3.2. AU NIGER, L’ACCèS ET LE CONTRÔLE DES RESSOURCES PAR
LES FEMMES : UN DéFI POUR LA SéCURITé ALIMENTAIRE
Catherine Bélemsigri
• contexte généraL
- SITUATION AU pLAN
géographique, démographique
et poLitique du niger
Le Niger est un pays enclavé de l’Afrique
de l’Ouest dont la superficie est de
1 267 000 km². Il est entouré par le Mali, le
Burkina Faso, le Bénin, le Nigeria, le Tchad,
la Libye et l’Algérie. Les deux tiers du territoire
sont situés en zone saharienne et
sont donc désertiques. Il est traversé par
le fleuve Niger qui est son seul cours d’eau
permanent sur une longueur de 550 km.
Du fait des difficultés de mobilisation des
ressources en eau et des problèmes importants
de maintenance des ouvrages mis en
place, les besoins (domestiques, agricoles
et industriels) sont loin d’être couverts. La
proportion de la population en milieu rural
ayant accès à l’eau potable est passée de
22,3% en 1992 à 36,1% en 2000, pour se
situer à 60,3% en 2005.
Le Niger a une population estimée à
13,4 millions d’habitants en 2007, dont
48,6% a moins de 15 ans. Environ 4 nigériens
sur 5 vivent dans les zones rurales.
Le Niger est classé parmi les pays les plus
pauvres du monde.
Au-delà de son taux d’accroissement moyen
annuel de 3,3% par rapport au recensement
précédent (1988), la population nigérienne
se caractérise aussi par:
• sa faible densité de peuplement
(10,3h/km²) et sa concentration dans
la bande sud du pays;
• une distribution presque équilibrée
de la population par sexe, (50,1% de
femmes contre 49,9% d’hommes) et
une urbanisation relativement faible
(16,6%) mais en forte progression;
• sa jeunesse, car près de la moitié de la
population est âgée de moins de 15 ans.
Dans le domaine de l’éducation, l’on note
selon le rapport annuel 2008 du Ministère
en charge, une amélioration du taux brut
de scolarisation; il est de 53,5% pour
les filles et de 71,7% pour les garçons.
Cependant, les problèmes persistent au
niveau du maintien, surtout des filles,
dans le cursus scolaire.
Le territoire est divisé en huit (8) régions,
trente six (36) départements et deux cent
soixante cinq (265) communes reparties en
cinquante deux (52) communes urbaines
et deux cent treize (213) communes
rurales.
- situation économique
L’économie nigérienne est peu diversifiée
et se caractérise par sa forte dépendance
de l’agriculture et sa grande vulnérabilité
aux aléas climatiques. Le taux de croissance
du PIB est de 3,9% en moyenne au
cours de la période 2001-2006, à peine
supérieur au croît démographique de
3,3% 14 . L’activité économique est largement
dominée par le secteur informel qui
contribue pour 70% au Produit Intérieur
Brut. Le Niger est fortement tributaire de
l’aide extérieure, qui reste cependant très
faible par rapport aux besoins de financement
des OMD. Notre communication
porte sur le secteur agricole.
Dimension agricole de l’économie
nigérienne
Malgré ses contraintes naturelles, le secteur
rural domine l’économie nigérienne.
14
Recensement Général de la Population et de l’Habitat, 2001
56

En effet, le secteur rural a contribué, pendant
les dix dernières années, à hauteur
de 40% en moyenne à la formation du PIB
et de 31% aux recettes d’exportation en
2004. Il est également le premier pourvoyeur
d’emploi, car il occupe actuellement
84% de la population active, organisée
autour des activités liées à l’agriculture,
l’élevage et l’exploitation des ressources
forestières, fauniques et halieutiques.
Les systèmes de production sont pour
l’essentiel de type traditionnel. A l’exception
de quelques cultures de rente, telles que
celle de l’oignon, du souchet et de la
gomme arabique, il s’agit d’une agriculture
de subsistance essentiellement basée sur
l’agriculture pluviale (principalement le
mil, le sorgho et le niébé) et sur un élevage
extensif, extrêmement sensibles aux aléas
climatiques. Des cultures irriguées sont
également pratiquées (parcelles familiales
de 0,25 à 0,5 ha) mais elles ne concernent
que moins de 30% du potentiel irrigable
du pays, estimé à 270 000 ha.
Quant à l’élevage, il permet de substantielles
exportations vers les pays voisins (surtout
le Nigeria) et constitue la principale source
de revenu pour une partie importante
de la population par l’intermédiaire de la
production de viande, de la vente de bétail
sur pied et de produits secondaires (lait,
fromage, cuirs, etc.).
Malgré une croissance de la production
agricole de base estimée en moyenne
à 2,5% par an, le pays n’arrive pas à
satisfaire les besoins alimentaires de sa
population sans cesse croissante. Cette
situation rend le Niger tributaire de ses
voisins, en particulier du Nigeria, principal
fournisseur potentiel de céréales. La
crise de 2005 a en effet mis en évidence
cette dépendance, car le déficit céréalier,
habituellement résorbé par les flux
transfrontaliers avec le Nigeria, le Burkina
Faso et le Mali, n’ont pas fonctionné pour
les mêmes raisons dans ces pays.
De toute évidence, compte tenu des effets
de la crise 2005, la recherche de la sécurité
alimentaire passe par la maîtrise de la
production agricole céréalière.
- La situation généraLe de La
fEmmE AU NIGER
La société nigérienne se caractérise par
une riche diversité culturelle, matérialisée
par la coexistence de plusieurs groupes
ethniques dont les Haussa, les Zarma,
les Songhaï, les Peulh, les Touareg, les
Kanouri, les Buduma, les Arabe, les
Toubou et les Gourmantché. Répartis
sur l’ensemble du territoire, ces groupes
ethniques partagent pour l’essentiel
les mêmes valeurs culturelles fondées
sur les us et coutumes spécifiques à
chaque groupe; ceux-ci sont renforcés
par l’islam, religion dominante au Niger.
L’organisation sociale traditionnelle de la
société nigérienne est de type patriarcal
dans la majorité des communautés.
Ainsi, les relations familiales entre les
hommes et les femmes sont édifiées à
partir d’une inégalité fondamentale entre
l’homme, chef de famille, et la femme,
mère et épouse. Il est à noter l’exception,
notamment chez les Touareg et les Peulh
Bororo, qui sont des communautés de
type matriarcal. Dans le processus de
socialisation, les rôles sociaux sont traduits
à travers des stéréotypes qui en font les
portraits imagés facilement intériorisés
comme étant dévolus aux hommes et aux
femmes. L’homme est présenté comme
57

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
celui qui pourvoit aux frais d’entretien et
d’alimentation de la famille, et la femme,
elle, s’occupe de la maison. En réalité,
cette image est aujourd’hui trompeuse,
révolue, car dans la grande majorité des
cas, les femmes participent aux dépenses
du ménage, si elles ne les prennent pas
totalement en charge grâce aux bénéfices
qu’elles tirent de leurs activités agricoles
et aux activités génératrices de revenus,
qu’elles initient de plus en plus.
En 2000, le Parlement nigérien a adopté
une loi instituant le système de quota dans
les fonctions électives, au gouvernement
et à l’administration de l’Etat. L’article 3
de ladite loi stipule «lors des élections législatives
ou locales, les listes présentées
par parti politique, groupement de partis
politiques ou regroupement de candidats
indépendants, doivent comporter des candidats
de l’un ou l’autre sexe. Lors de la
proclamation des résultats définitifs, la
proportion des candidats élus de l’un ou
de l’autre sexe, ne doit pas être inférieure
à 10%». L’article 4 quant à lui, élève la
proportion à 25% lors de la nomination
des membres du gouvernement et de la
promotion aux emplois supérieurs.
C’est que la mobilisation des femmes à
travers la société civile a permis l’application
de la loi qui a donné les résultats suivants:
670 femmes ont été élues sur 3747
conseillers communaux soit 17%. En outre
14 femmes sur 113 députés, soit 12%,
au parlement des élections municipales
et législatives de 2004. Mais cette loi est
considérée comme une mesure transitoire
sur laquelle il faut s’appuyer pour élargir
la participation des femmes sur la base du
mérite. Une Politique Nationale de Genre a
été adoptée en juillet 2008.
A ce jour, le Niger ne dispose pas encore
d’un code de statut des personnes et de
la famille (Code de la famille). Ainsi, la
situation juridique de la femme continue à
être tiraillée entre le droit civil, les coutumes
et le religieux. Mais grâce à la volonté du
Ministère de la Promotion de la Femme et
à la mobilisation des Associations et ONG
féminines, renforcées par les Associations
de Défense des droits de la personne, on
note certaines avancées sur le plan juridique
comme, l’adoption d’une loi pénalisant les
Mutilation Génitales Féminines (MGF), la
prise en compte des intérêts des enfants
en cas de répudiation/divorce entre les
deux parents, une proposition sur l’âge
du mariage des filles à 18 ans. Cependant
l’insuffisance d’information des femmes
et des hommes permet de mobiliser
des groupes se réclamant membres
de certaines associations islamiques à
contester les prochains pas nécessaires
pour faire avancer le cadre légal de
l’égalité des chances entre les femmes
et les hommes. Il faut souligner que le
Niger a ratifié la CEDEF en 1999, avec des
réserves sur certains articles ayant trait
au statut de la femme et aux rapports
familiaux.
Aujourd’hui, même si le genre est utilisé
dans les discours et documents-cadres
nationaux, il y a une insuffisance dans la
compréhension des questions de genre
dans le pays qui se traduit par l’implication
des femmes seulement. L’insuffisance des
compétences nationales dans le domaine
limite la traduction concrète de la prise en
compte des dimensions et de l’approche
genre à tous les niveaux. Néanmoins, les
actions spécifiques connaissent une avancée
positive (scolarisation des filles, lutte
contre les violences faites aux femmes et
aux enfants, le développement du leadership
féminin, le crédit féminin).
58

• Le regard genre dans L’agri-
CULTURE AU NIGER
Même si le genre a été inscrit thème
transversal de la Stratégie de Développement
accéléré et de Réduction de la Pauvreté
(SDRP), il demeure difficile d’avoir une
situation différenciée de l’apport des femmes
et des hommes au cours d’une campagne
agricole. Le rapport d’évaluation de la
campagne, élaboré chaque année par le
Ministère en charge du secteur, présente des
insuffisances à ce niveau.
- pLACE DES fEmmES ET DES hOmmES
dans Les actiVités agricoLes
Cette situation connait un début de solution
avec les résultats d’un Recensement
Général de l’Agriculture et du Cheptel
au Niger (RGAC 2005-2008), initié par
les Ministères du Développement de
l’Agriculture et des Ressources Animales,
avec l’appui de l’Institut National des
Statistiques, de la FAO, de la Banque
Mondiale et de l’Union Européenne.
Ce projet vise à mettre à jour les
connaissances sur l’agriculture et l’élevage
afin de les moderniser. L’utilisation de
l’approche différenciée homme/femme
est à saluer car elle a permis d’obtenir
des données désagrégées par sexe,
nécessaires dans les prises de décisions
pour une planification conséquente à la
recherche d’un développement équitable
et durable. Quelques données pertinentes
de ce recensement :
• Sur une population agricole de
10.108.795 individus, les femmes en
constituent 49,4% soit 4.997.034. Il faut
noter que 53,4% de l’effectif a moins
de 20 ans d’âge.
• Chefs de ménage agricole par sexe :
1.627.294 dont 6,6% sont des femmes;
le taux de dépendance moyen est plus
élevé pour les femmes cheffes de
ménage (1,03) que pour les chefs de
ménage hommes (0,86). Ce qui indique
que les femmes cheffes de ménage ont
plus de personnes à leur charge.
• La superficie agricole connait deux
modes de gestion : gestion collective
avec une superficie de 4.813.167 ha
dont 40% sont entre les mains des
femmes; et en gestion individuelle,
elles se retrouvent avec 24% des
1.721.485 ha.
• L’élevage constituant la deuxième
activité économique du pays occupe
une place importante dans la vie des
hommes et des femmes en milieu rural;
c’est ainsi que les femmes représentent
49,5% des ménages agricoles pratiquant
l’élevage sédentaire.
• Ainsi la répartition des chefs de ménage
par activité principales nous donnent le
tableau ci-dessous :
Sexe Agriculture Elevage Agriculture
et Elevage
Femmes 8.434
(8%)
Hommes 172.172
(11%)
27.966
(26%)
151.203
(10%)
71.749
(66%)
1.195.729
(79%)
- CONTRIBUTION DES fEmmES à LA
sécurité aLimentaire
Les résultats statistiques du recensement
général de l’agriculture et du cheptel (RGAC),
montrent que les femmes pratiquent des
activités agricoles et particulièrement celles
59

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
en milieu rural. La pratique de l’agriculture
et de l’élevage tant par les femmes que les
hommes, constitue traditionnellement les
sources de richesse et de célébrité. Même
si les femmes se présentent différemment
selon les régions, selon les communautés,
elles cherchent toujours à produire soit des
céréales, soit des légumineuses pendant
la saison des pluies, selon les opportunités
et en dépit des aléas climatiques.
En agriculture, elles pratiquent les cultures
suivantes : du mil, du sorgho, du maïs,
du haricot et des légumineuses comme
l’arachide et le voandzou. Les femmes sont
dans la production de légumes pluviaux et
en saison de décrue, avec le maraîchage.
Le RGAC a fait ressortir la situation
suivante en termes de superficie exploitée
par les femmes et les hommes (cas du mil,
du gombo, du maïs, du voandzou) : les
femmes exploitent 51% de la superficie
sous voandzou, 44% de celle du gombo
et 22% de celle du maïs. Il faut noter que
ces résultats renferment des disparités
régionales.
Les femmes constituent une part
importante de la main-d’œuvre utilisée
dans le champ familial qui est prioritaire
par rapport à ses cultures. Les récoltes
des femmes servent en grande partie à
l’alimentation de la famille. La production
agricole des femmes a longtemps servi
d’épargne et a été utilisée directement
comme cadeaux lors des cérémonies;
les surplus des cultures dites de rente
(niébé, oseille, gombo, sésame, etc.)
étaient vendus sur les marchés afin
d’acquérir du numéraire pour subvenir
à leurs besoins spécifiques ainsi qu’à
ceux des enfants (habillement, santé,
scolarisation, mariage, capital bétail…).
En milieu rural, la richesse de la femme
vient du champ.
Les femmes sédentaires pratiquaient aussi
l’élevage des bovins, ovins et caprins, et
s’étaient spécialisées dans l’embouche
ovine et caprine. L’élevage joue un rôle
important dans les activités économiques
des femmes : il constitue un capital
aisément mobilisable en cas de crise et
une épargne sur pied en cas d’abondance
(avec intérêt puisque les animaux se
reproduisent). Son importance sociale
influe de façon déterminante sur le statut
des femmes en milieu sédentaire et en
milieu pastoral et il contribue fortement
à réduire la vulnérabilité des ménages.
En milieu pastoral, les femmes possèdent
des animaux (gros et petits ruminants)
qui évoluent au sein du troupeau familial.
Là aussi, les crises répétées ont vu
diminuer et même disparaître le troupeau
familial, contraignant femmes et hommes
à chercher d’autres ressources, voire à
changer de mode de vie.
Bovins Ovins Caprins
Fem. Hom. Fem. Hom. Fem. Hom.
22,3% 77,7% 39,7% 60,3% 54,5% 45,5%
Propriétés des animaux RGAC 2005-2008 :
répartition des animaux sédentaires
- Les contraintes Liées à La
pRODUCTION AGRICOLE DES
fEmmES
Les aléas climatiques et sociaux
Le Niger, à l’instar des autres régions arides
et semi-arides, connaît des difficultés
croissantes. Des sécheresses répétées,
une agriculture trop gourmande en
ressources et une démographie galopante
60

ont entraîné une forte pression foncière
sur les terres de culture pluviale, réduisant
ainsi la taille des exploitations agricoles à
5 ha puis à 4 ha en moyenne par ménage
en 2005.
- u n accès Limité aux ressources
- L’accès à la terre
L’agriculture étant la première source de
revenus pour les femmes rurales, elles se
battent pour disposer d’un lopin de terre.
Mais le chiffre de 6,6% de femmes chefs
de ménage agricole montre les inégalités
d’accès entre les femmes et les hommes.
Cette situation est due à la cohabitation
de plusieurs systèmes fonciers au Niger
(systèmes basés sur le droit coutumier,
droit coranique et droit civil). Le RGAC a
relevé les modes suivants d’acquisition
de la terre : l’héritage est le premier
mode d’accès, 69% contre 83% pour
les hommes; 11% sont prêtés (5% pour
les hommes); 9% sous forme de don
(1% pour homme); 6% sont achetés
(7% pour les hommes); 0% en fermage
ou métayage (1% pour les hommes);
autres modes d’acquisition : 5% pour les
femmes, contre 3% pour les hommes. Les
superficies étant limitées, les cultivatrices
ne peuvent pas pratiquer les cultures
de rentes pérennes qui sont d’un grand
apport financier pour l’exploitant. Elles se
consacrent essentiellement aux cultures
vivrières. Les terres irriguées restent
encore la chasse gardée des hommes.
L’arrivée des nantis pour la pratique d’une
production intégrée moderne, constitue
aujourd’hui dans le pays une grande
menace foncière cultivable, car ces
derniers achètent les champs mais aussi
menacent certaines réserves du pays.
- Conditions de travail peu gratifiantes
Les productrices agricoles déploient une
intense activité tout au long de l’année.
Toutes ces activités sont accomplies
selon les méthodes traditionnelles peu
performantes. Elles n’utilisent pas d’outils
ou machines modernes. Elles se servent de
peu d’intrants dont les coûts sont hors de
leur portée. Elles ne bénéficient que d’une
très faible proportion d’encadrement, de
formations et d’informations. Par rapport
à l’amélioration des terres, le RGAC relève
que 55,4% des productrices ne font
aucune amélioration; 5,6% seulement des
femmes font le labour avec enfouissement
de matière organique (13,3% chez les
hommes); 20,7% améliorent avec la
fumure de fonds.
- Une division sociale inégale du travail
Pendant la période des cultures la femme
est tenue de travailler quatre à cinq jours
sur le champ familial, ne travaillant sa
parcelle que deux ou trois jours par semaine
particulièrement chez les Haussa; mais
elle a la possibilité de se faire aider par ses
enfants. D’autre part, ayant la charge des
tâches domestiques, elle ne peut pas avoir
le même temps de travail sur les champs
que les hommes. Parfois les corvées d’eau
de longues distance ou longues attentes
sont imposées aux femmes. Le bois de
chauffe devient de plus en plus rare à cause
de la déforestation. Ainsi, la ressource
temps est précieuse pour les productrices.
- Aide financière aléatoire et peu consistante
Les revenus tirés de leur travail sont si
minimes que les femmes qui s’adonnent au
travail de la terre ont besoin d’appoints si
61

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
elles désirent émerger et évoluer. Or ceuxci
ne peuvent provenir que des emprunts.
Les structures financières classiques
n’offrent pas de services aux opérateurs
économiques dépourvus d’épargne ou de
garanties. Les dossiers de prêt des femmes
qui travaillent la terre, pour cette raison,
ne sont pas bancables dans leur grande
majorité. Il y a eu des actions d’appui
aux producteurs/productrices, mais
malheureusement, à cause de la mauvaise
gouvernance, elles n’étaient pas adaptées
aux capacités des femmes et en général
aux pauvres. L’offre reste limitée du coté
des Institutions de la Micro-Finance. Les
chefs de ménage femmes et hommes sont
dans le cercle vicieux des usuriers créant
ainsi une dépendance, un endettement
chronique.
- Analphabétisme
Avec un taux d’analphabétisme de 88%
chez les femmes, celles-ci sont limitées
par rapport à l’accès aux informations pour
renforcer et/ou améliorer leurs pratiques.
Il existe aujourd’hui des plateformes
paysannes, des cadres de prise de décision
sur le secteur, mais où la participation des
femmes rurales reste limitée.
- Non valorisation des capacités et
responsabilités des femmes
Les encadreurs de projets ne considèrent
pas les femmes comme des productrices
au même titre que les hommes. Elles sont
parfois exclues des formations et leurs
préoccupations ne sont pas prises en
compte, en se disant qu’elles vont trouver
la solution auprès des hommes. Cette
situation suscite des questionnements sur
le rôle des femmes dans les différentes
organisations paysannes ainsi que dans
des cadres d’orientation comme les
plateformes paysannes et les commissions
foncières à tous les niveaux. Elles sont
présentes parce que les bailleurs l’ont
exigé ou parce que c’est un effet de mode
mais pas parce que les encadreurs et
les hommes reconnaissent l’apport des
femmes dans la production.
Les femmes sont peu présentes sur le
circuit du marché, ce qui limite leurs
capacités en matière de commercialisation
des produits.
• Les muLtipLes conséquences de
ces inégaLités
Les caprices de la nature et les inégalités
de genre influencent fortement la situation
socio-économique du Niger. A cela
s’ajoutent aussi les grands changements
mondiaux car le pays est importateur sur
le plan alimentaire.
Une déféminisation de l’agriculture
en cours
Les terres cultivables se faisant de plus
en plus rares, les hommes utilisent tous
les prétextes, surtout religieux, pour
ne pas prêter de lopins aux femmes.
L’argumentaire tourne autour du «repos»,
traduisant la claustration des jeunes
femmes. Même celles qui sont cheffes
de ménage par veuvage sont obligées de
lutter pour ne pas être expulsées. «Sans
les activités agricoles, nous croulons
sous l’extrême pauvreté» répètent
régulièrement les femmes. Les femmes
vont à la recherche des terres lointaines,
ce qui accroît leurs charges, et parfois
les place dans des situations de risques
(violences, infraction à la loi par manque
62

d’information lorsqu’elles tombent sur
des aires de pâturages). Cette violation
des droits des femmes, constitue une des
principales causes d’insécurité alimentaire
que connaissent la majorité des ménages
ruraux. Comment assurer la survie des
membres du ménage dont elles ont la
charge pendant les huit ou neuf mois de
l’année ?
Les crises alimentaires
Le Sommet mondial de l’alimentation
(Rome, 1996) a défini que la sécurité
alimentaire existe lorsque tous les êtres
humains ont, à tout moment, un accès
physique et économique à une nourriture
suffisante, saine et nutritive leur permettant
de satisfaire leurs besoins énergétiques et
leurs préférences alimentaires pour mener
une vie saine et active. La faim est un état
immédiat, l’insécurité alimentaire est une
expérience et un processus comportant
une suite d’évènements.
Le Niger a connu plusieurs crises
alimentaires, mais limitons-nous à celles
de 2005, une crise qui a été fortement
médiatisée malgré le refus des autorités
du pays. La crise alimentaire de 2005
a aggravé la pauvreté dans toutes ses
dimensions. Les conditions de vie des
populations se sont nettement détériorées
en milieu rural comme urbain. Depuis
la situation empire avec les déficits
alimentaires annoncés pour l’année 2009,
causant les évènements suivants :
• La rareté des aliments de base incite à
la spéculation.
• La hausse des prix : les prix des différentes
céréales constituant l’alimentation de
base des Nigériens, ne cessent d’augmenter.
La hausse des prix des aliments
de base se répercute vite sur toutes les
denrées alimentaires, vestimentaires
et autres, c’est la cherté de la vie,
conduisant plusieurs ménages à ne pas
pouvoir disposer des trois repas de la
journée (cas d’un repas dans la journée
mais d’autres jours, sans poser leur
propre marmite).
• L’accès aux aliments de base devient
difficile, pas de disponibilité sur les
marchés.
• L’insécurité alimentaire gagnant
de plus en plus de ménages engendre
plusieurs évènements : instabilité dans
le ménage avec le départ en exode du
mari et qui revient avec le VIH/SIDA.
Ce sont surtout les jeunes femmes
qui en parlent; avec les risques de
contamination, le départ du mari
n’est plus un engouement pour elles.
En l’absence du mari, la femme se fragilise
et s’adonne à la recherche de nourriture
pour ses enfants, encourant le risque
du VIH (parfois exode temporaire).
L’incapacité de la mère à nourrir ses
enfants fait surgir la malnutrition, ce
qui contribue à l’accroissement du taux
de mortalité infantile (81% en 2006).
L’accroissement du taux de mortalité
maternelle, la non scolarisation ou
déscolarisation des enfants, le mariage
forcé et précoce, l’exploitation des
enfants (cas de mise en place auprès
d’un marabout pour la connaissance
et l’apprentissage religieux) entrainent
la mendicité dans les grandes villes
du pays. Les conflits entre éleveurs et
agriculteurs ne sont pas épargnés.
• La vie chère peut entrainer l’instabilité
politique : la crise de 2005 a créé un
mouvement citoyen nigérien. Suite à
l’adoption de la loi de finances 2005 par
le parlement, les ONG de défense des
63

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
droits des consommateurs se sont organisées
pour créer une coalition Equité/
qualité contre la vie chère au Niger, qui
a vu l’adhésion de toutes les centrales
syndicales du pays. Le lancement des
activités de cette coalition a été fait le
15 mars 2005, accompagné d’une forte
mobilisation nationale autour de la lutte
contre la vie chère. La coalition est active
dans le pays, malgré ses faibles
moyens; elle joue son rôle d’interface
entre les consommatrices/consommateurs
et le gouvernement. Cette prise de
conscience a lancé les débats sur le droit
à l’alimentation, qui n’a pas de loi dans
la Constitution. Un consortium d’ONG
est né, comprenant des organisations
de défense des droits de l’homme et
des organisations de producteurs/productrices
(ANDDH, Alternatives, AREN,
MOORIBEN et TIMIDRIA), il organise
des actions de sensibilisation auprès des
communautés, des plaidoyers, car il a
déjà réalisé ne proposition de loi à intégrer
dans la Constitution du pays.
• Le Gouvernement, avec l’appui des
partenaires, a mis en place un dispositif
de coordination et de suivi de la situation
alimentaire du pays, qui a été renforcé
avec la crise de 2005. Cette situation
a favorisé l’installation d’une véritable
économie de l’aide d’urgence, annulant
souvent les acquis de développement
de longue haleine.
La flambée des prix des aliments de base
pénalise toute la population défavorisée
avec pour conséquence, un endettement
majeur des ménages, particulièrement
des femmes qui ont la charge de la survie
quotidienne du ménage. La crise a aussi
rendu l’accès des pauvres aux services
de santé difficile voire impossible. Les
conditions de vie des femmes se sont
particulièrement dégradées du fait de
leur faible contrôle des ressources des
ménages avec des conséquences néfastes
sur la santé des enfants.
• p ropositions de pistes
D’ACTIONS
• Réaliser des études et analyses des
coutumes du pays afin de les adapter
aux besoins actuels des femmes. Ce
travail pourrait aussi aider le processus
d’élaboration du code de statut de la
famille.
• Disposer de données de base fiables et
désagrégées, ceci constitue un point de
départ essentiel pour une gouvernance
équitable du secteur développement
rural. Le gouvernement vient de faire
un pas avec le Recensement Général de
l’Agriculture et du Cheptel. Il faudrait
penser à le renforcer par des analyses
qualitatives de genre pour aborder les
différentes dimensions au niveau d’une
exploitation familiale. La constitution de
cette base de données doit être conjuguée
avec un monitoring régulier.
• Echanger les expériences et le savoir
pour soutenir et valoriser la contribution
des femmes en matière de sécurité
alimentaire. Ce qui nécessite la prise
en compte de la capitalisation dès la
conception d’un projet/programme.
Utiliser les moyens modernes de
communication comme les radios
communautaires, car ils permettent
d’échanger un savoir-faire local avec
d’autres réseaux et sont aussi une
possibilité de donner l’occasion aux
«sans voix», c’est-à-dire en particulier
les femmes, de s’exprimer.
• Soutenir des actions de création et de
64

enforcement des compétences féminines
et masculines en genre, pour multiplier
la sensibilité dans l’encadrement, la
formation et le suivi des producteurs/
productrices. Pour plus d’efficacité,
conjuguer avec un accompagnement
pratique des partenaires (services
étatiques, société civile). La prise en
compte de la dimension genre exige des
compétences, des outils et des moyens
financiers.
• Appliquer les quotas sur les surfaces
irriguées pour en faciliter l’accès aux
femmes.
• Développer d’avantage d’actions d’appui
financier adaptées aux capacités et
conditions des femmes (ex: système de
warrantage).
• Soutenir les productrices sur toute la
chaîne de production (exploitation,
transformation/conservation et commercialisation)
sur les deux secteurs,
agriculture et élevage.
• Renforcer les capacités des productrices
au sein des différentes organisations
paysannes et à tous les niveaux, en vue
de leur autonomisation.
• Soutenir les actions des organisations
pour la défense du droit à l’alimentation
et la lutte contre la vie chère.
BIBLIOGRAPhIE
Diarra M. et Monimart M. (2006), «Femmes
sans terre, femmes sans repères ? Genre,
foncier et décentralisation au Niger», IIED,
dossier n° 143.
Kadi Oumarou M., Président du Collectif
pour la défense du droit à l’Energie,
membre coalition Equité/Qualité au Niger,
«Les raisons de la colère, rapport de la
mobilisation de lutte sur la vie chère au
Niger».
Institut National de la Statistique (INS)
(2007), «Rapport national sur les progrès
vers l’atteinte des OMD au Niger».
Institut National de la Statistique (INS)
(2008), «Recensement Général de
l’Agriculture et du Cheptel au Niger».
Ministère du Développement de l’Agriculture
(2009), «Rapport d’évaluation de la campagne
2008-2009 et résultats définitifs».
Ministère de la Promotion de la Femme
et de la Protection de l’Enfant (2008),
«Politique Nationale de Genre».
Rapport d’atelier FAO-Dimitra (2008),
«Accès à la terre en milieu rural en Afrique:
stratégies de lutte contre les inégalités de
genre».
65

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
3.3 LES INTERDITS ALIMENTAIRES EN RéPUBLIQUE
DéMOCRATIQUE DU CONGO
françoise KAT KAmBOL
Qu’il nous soit de prime abord permis
de remercier la CFD qui nous a invités à
venir partager les premiers résultats de
l’enquête que nous avons menée sur les
interdits alimentaires chez la femme enceinte
dans trois institutions hospitalières
(Cliniques Universitaires, Centre de Santé
Bongonga, Hôpital Général de Référence
de la Katuba) fonctionnant dans la ville de
Lubumbashi, province du Katanga.
Notre contribution à ce séminaire axé sur
la sécurité alimentaire s’articule autour de
la thématique «Interdits alimentaires chez
la femme enceinte et sécurité alimentaire».
Outre l’introduction et la conclusion, notre
communication est subdivisée en quatre
parties, les unes et les autres s’articulant
comme suit :
- la première partie planchera sur l’aperçu
géographique de la province du Katanga;
- la deuxième, quant à elle, sera axée sur
les interdits alimentaires;
- la présentation des premiers résultats de
l’enquête menée sur les interdits alimentaires
chez la femme enceinte bouclera
la troisième partie;
- et enfin, la quatrième est inhérente à
l’examen de la thématique «femme enceinte,
sécurité alimentaire, interdits alimentaires
et leurs conséquences sur la
santé.
• a perçu géographique de La
pROvINCE DU KATANGA
Le Katanga est l’une des onze provinces
de la République Démocratique du Congo.
Elle a une superficie de 496.877 km². Sa
population est estimée à 105.228.338 hab.
Elle est limitée par :
- à l’Est : la rivière Luapula, le lac Moero
qui nous sépare de la République de la
Zambie;
- au Sud -Est : la République de la Zambie;
- au Sud- Ouest : la République d’Angola;
- au Nord –Ouest : la rivière Lulua, la
rivière Lubilanji et les deux Kasaï;
- au Nord –Est : le lac Tanganyika qui
nous sépare de la République de la
Zambie, un peu plus au nord;
- au Nord : les provinces du Sud Kivu et
le Maniema.
Sur le plan administratif, la province
compte quatre districts, vingt-deux territoires,
trois villes et trente et une cités.
Nous signalons en passant que Lubumbashi
est la deuxième ville de la RDC en
termes d’importance, la première étant
bien entendu Kinshasa.
• Les interdits aLimentaires
La tradition africaine reconnaît l’existence
de nombreux interdits imposés à tous les
membres de la communauté. Ces interdits
accompagnent l’homme de la naissance à
la mort, déterminent toute la vie humaine,
et risqueraient même de la prendre en
otage.
En effet, ces restrictions règlent la vie
quotidienne. Et dans la plupart des cas, les
individus s’y conforment malgré eux. Ceci
se vérifie aussi bien dans leurs relations
avec les autres hommes qu’avec leur
milieu ambiant (Bolakang, 1989).
Ces interdits sont une réponse aux exigences
d’un environnement socioculturel
bien déterminé. Celui-ci se transmet de
père en fils, de mère en fille, bref de génération
en génération. La transgression
par un individu des interdits alimentaires
66

entrainerait des conséquences non seulement
pour lui, mais aussi pour toute la
communauté.
Ainsi, les interdits alimentaires frappent
particulièrement les enfants, les jeunes
filles, les femmes, particulièrement les
femmes enceintes et allaitantes, les chasseurs,
les pêcheurs, les guerriers, les chefs
coutumiers etc. Les interdits alimentaires
chez les hommes sont liés à leur profession,
à leur pouvoir, etc., tandis que ceux
des femmes sont liés à leur état physiologique
(biologique) (Kapend, 2010).
Dans la présente communication, nous
n’avons nullement la prétention de parler
de tous les interdits alimentaires existant
dans la société africaine en général et en
République Démocratique du Congo. Notre
attention sera focalisée sur les interdits
alimentaires que les femmes enceintes
issues des différents groupes ethniques
de la RDC et vivant au Katanga observent
dans la ville de Lubumbashi.
Présentation des résultats de l’enquête
Les interdits alimentaires que nous présentons
ici comme illustrations proviennent de
l’enquête que nous avons menée auprès
des 168 femmes enceintes qui venaient
en consultation prénatale dans trois formations
hospitalières citées ci-dessus.
A la question de savoir quels sont les aliments
à éviter pendant la période de leur
grossesse, les réponses se sont articulées
comme suit : les unes confirment le fait
qu’elles agissent conformément à la coutume,
tandis que les autres sont influencées
par le qu’en-dira-t-on véhiculé par les
femmes d’une part, les femmes enceintes
d’autre part, dans leur milieu ambiant et
au dispensaire lors des séances de consultation
prénatale.
Les tableaux 1 et 2 présentent les différents
aliments interdits à la femme enceinte au
Katanga, leurs noms scientifiques, leurs noms
vernaculaires et l’explication de l’interdiction.
TABLEAU 1. Aliments végétaux interdits à la femme enceinte
N° Nom Aliment Nom vernaculaire Explication
1 Oseille Ngai ngai La femme va trembler lors de l’accouchement
et aura des convulsions
2 Piment Pili-pili L’enfant aura des problèmes d’yeux
3 Cucurbitacée Bibwaba L’enfant va commencer à trop parler
4 Aubergine Nyanya Hémorroïdes
5 Manioc Moko Beaucoup de sécrétions vaginales et
possibilité d’un avortement
6 Arachide Kalanga Beaucoup de sécrétions vaginales
7 Soja Soya Poids exagéré de l’enfant
8 Patate douce Bilashi Poids exagéré de l’enfant
67

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
TABLEAU 1 (suite). Aliments végétaux interdits à la femme enceinte
N° Nom Aliment Nom vernaculaire Explication
9 Feuille de manioc Sombe L’enfant aura un mauvais esprit
10 Feuille de patate
douce
Matembele
L’enfant aura des douleurs au ventre
11 Canne à sucre Muwa Eruption cutanée
12 Maïs grille Mihindi ya ku kalanga L’enfant aura tendance à trop pleurer
13 Basilic sauvage La femme aura des maux de ventre à
l’accouchement
14 Tshilibwalwenyi Peut entrainer la folie chez la femme
15 Légumes verts Bilombolombo, Koni
mutenyela, Tshikota
Provoque l’avortement. L’enfant peut
naître prématuré
16 Igname Kihama Retarde l’accouchement
TABLEAU 2. Aliments animaux interdits à la femme enceinte
N° Nom Aliment Nom vernaculaire Explication
1 Viande de Chien Nyama ya imbwa Apporte de la malchance
2 Viande de Chat Nyama ya Punchi Apporte de la malchance
3 Viande du Chacal Nyama ya imbwa ya pori Apporte de la malchance
4 Œuf Mayayi L’enfant naitra sans cheveux
5 Viande de singe Nyama ya ya Makaka Grimaces et turbulence chez l’enfant
6 Viande de porc Nyama ya Ngulube La femme n’aura pas facilement de
contractions (contractions lentes)
7 Crocodile Mamba L’enfant naîtra avec des écailles sur
tout son corps
8 Hippopotame Kiboko Respiration difficile
9 Civette La femme enceinte peut avoir ses
règles
10 Hibou Nfuifi L’enfant aura des mauvais rêves
11 Gorille Makaka Animal sacré qu’il ne faut manger. C’est
un animal pour les rituels
68

TABLEAU 2 (suite). Aliments animaux interdits à la femme enceinte
N° Nom Aliment Nom vernaculaire Explication
12 Escargot (moule) Kikolokofyo Raison culturelle
13 Chenille Bilulu L’enfant aura un caractère caché
14 Lapin Kalulu L’enfant naîtra avec des grandes
oreilles
15 Agneau Nkondolo L’enfant aura des lèvres rouges
16 Tortue Bandakwe L’enfant sera hypocrite
17 Antilope Kasha L’enfant aura des démangeaisons
18 Sanglier Phacochère L’enfant sera mendiant ou voleur
19 Pintade Kanga L’enfant sera un grand parleur
20 Vache Ngombe Petits boutons rougeâtres sur le corps
de l’enfant
21 Varan Samba L’enfant aura tendance à gratter ses
amis
22 Guépard Pas de dents chez l’enfant
23 Rat de Gambie Pombofuko La femme aura des difficultés lors de
l’accouchement
24 Boa Moma Ressemblance avec un serpent
25 Silure Kabambale Fragilité des os de l’enfant
26 Canard Mbata L’enfant ne sera pas malin
27 Écureuil Maigreur de l’enfant
Il se dégage à travers ces interdits
alimentaires, le souci vital qui anime les
africains de donner à l’être à venir une vie
saine, garante d’une longévité largement
souhaitée.
D’après certaines croyances et coutumes,
les africains refusent toute ressemblance
négative entre l’enfant attendu et tout
autre animal ou végétal, c’est–à-dire qu’ils
souhaitent voir chez l’enfant à venir un
état de pureté et presque de perfection.
C’est là une preuve supplémentaire de
la valeur suprême qu’ils accordent à
la descendance et à la vie elle-même.
Les interdits alimentaires relèvent de
l’expression symbolique et sont souvent
liés à la pensée religieuse. Ils sont
l’expression de la représentation de
l’ordre cosmique et doivent être compris
comme des facteurs garantissant l’ordre
social et celui de l’univers. (Tshiseleke
Fehla Ndjinda T., 1986)
69

3. ANALySE DES fACTEURS D’INSECURITE ALImENTAIRE ET DES STRATEGIES DES fEmmES
pOUR UNE SECURITE ALImENTAIRE
• f emme enceinte, sécurité
aLimentaire, interdits
ALImENTAIRES ET LEURS
conséquences sur La santé.
La FAO définit la sécurité alimentaire
comme étant une situation telle que chacun
peut à tout moment avoir matériellement
et économiquement accès à une
alimentation sûre, nutritive et suffisante
pour satisfaire ses préférences et besoins
alimentaires et ainsi mener une vie active
et saine.
Malheureusement, il existe certaines
croyances et coutumes qui empêchent la
femme enceinte de consommer tel ou tel
aliment nécessaire à sa santé et à celle de
l’enfant qu’elle porte en son sein.
Femme enceinte par rapport à
La sécurité
alimentaire
• A des besoins
alimentaires très
croissants surtout
en qualité
Interdits
alimentaires
• Distribution
alimentaire
inégale au sein de
la famille
• Refus d’accès aux
aliments de qualité
et en quantité
suffisantes
répondant à ses
besoins.
Conséquences
• Malnutrition
• Affaiblissement
• Mauvaise croissance du fœtus
• Faible ou manque d’immunité aux
infections et maladies
• Accouchement prématuré
• Faible poids de la mère et de l’enfant
• Mortalité maternelle et infantile
• A des préférences
alimentaires instables
et compliquées
• Non respect
des préférences
alimentaires
liées à son état
physiologique
• Malnutrition
• Affaiblissement
• Etc.
70

CONCLUSION
En conclusion, nous pouvons dire que
tout interdit alimentaire quel que soit sa
nature, son explication, est une violation
du droit à l’alimentation tel que stipulé
dans la Déclaration Universelle des Droits
Humains en son article 25 «Toute personne
a droit à un niveau de vie suffisant
pour assurer sa santé et son bien-être
ainsi que ceux de sa famille…».
Cette situation est encore plus grave pour
la femme enceinte à cause de ses besoins
et de ses préférences physiologiques. Les
interdits alimentaires imposés à la femme
enceinte posent un sérieux problème de
santé dans la mesure où la plupart des
aliments interdits sont riches en protéines,
en fer et en vitamines. Bien plus, ils
sont parmi les plus disponibles dans
l’environnement physique et s’achètent
parfois à bas prix.
Il sied aussi de relever le fait que le taux
d’analphabétisme étant élevé parmi les
femmes enceintes qui sont victimes de
ces interdits alimentaires, il leur arrive
de «gober» sans discernement toute
information alimentaire relative à leur
état physiologique. Même certaines
intellectuelles observent scrupuleusement
ces interdits au nom de la coutume.
Eu égard à ce qui précède, il est
impérieux d’organiser des campagnes de
sensibilisation auprès des filles, des femmes,
des leaders traditionnels d’opinion pour un
changement de comportement. Il importe
aussi que les infirmiers et infirmières qui
assurent les consultations prénatales et
qui s’occupent de l’éducation nutritionnelle
puissent s’engager à aider les femmes
enceintes à opérer des changements dans
les habitudes alimentaires.
BIBLIOGRAPhIE
Bolakang, B. (1989), «Les tabous
alimentaires chez les femmes Sakata», in
Annales Aequatori No 10, pp 25-35.
Déclaration Universelle des droits humains
Kapend M.B. (2010), «Communication sur
Genre et Sécurité Alimentaire»,
Tshiseleke fehla ndjinda T. (1986), «Les
interdits relatifs à la femme chez les Chokwe»,
Zaïre-Afrique, no 2001, pp 149-257.
www.france.org!spip.php%3F article 7479+
71

4. EXEMPLES
DE PRATIQUES ET
STRATEGIES A LA BASE

4.1. L’ACCèS ET LE CONTRÔLE DES RESSOURCES PAR LES
FEMMES : UN DéFI POUR LA SéCURITé ALIMENTAIRE
Tiné Ndoye
Vous me permettrez d’abord de vous
présenter le Réseau National des Femmes
Rurales du Sénégal que j’ai eu l’honneur
de diriger. Ce réseau a été fondé en 2001
dans le but de contribuer à la promotion
du dialogue et de l’échange d’information
entre les organisations féminines de base,
les organisations d’appui, les institutions
de recherche et tous les acteurs du
développement en général, suite à la 1ère
phase du projet FAO-Dimitra.
Le réseau comporte actuellement 130 organisations
de base composées d’associations
d’environ et chaque association comporte
50 à 80 membres.
L’atelier sous-régional donnera suite
à l’atelier organisé par le Réseau des
Femmes Rurales en février 2003 sur le
foncier, renforcé par un film documentaire
«Accès des femmes rurales au foncier :
entre lois et réalités».
Entre autres recommandations, il fallait
développer les stratégies d’intégration des
femmes dans les instances de décisions
afin de pouvoir défendre leur cause. Aussi,
l’un des objectifs de l’atelier organisé par
les radios communautaires et les NTIC
en avril 2005 sur les femmes rurales, a
été de renforcer les recommandations
en ces termes : recueillir les propositions
des femmes pour une meilleure utilisation
des radios qui favoriserait leur accès
à l’information et qui leur offrirait une
tribune d’expression et de communication.
L’analyse de la place de la femme africaine
dans la vie socio-économique de nos pays
présente un intérêt majeur et stratégique.
En effet, malgré l’importance considérable
de leur nombre au sein de la population et
le rôle prépondérant qu’elles jouent dans
l’économie de notre pays, les femmes
rurales restent encore très insuffisamment
impliquées dans les politiques de
développement et surtout, sont sousinformées.
Le thème de la journée mondiale de
l’alimentation de 1998 «les femmes
nourrissent le monde» exprime toute
l’importance de la contribution pluridimensionnelle
des femmes à l’agriculture
et à la sécurité alimentaire. La production
alimentaire est largement dans les mains
des femmes (les femmes paysannes et
ouvrières sont responsables de 70% de
cette production. Dans les régions les
plus pauvres des pays touchés par la
faim, sept producteurs agricoles sur dix
sont des femmes).
• p robLèmes rencontrés par Les
femmes en généraL
Notre principal rôle est de défendre les
intérêts et l’amélioration des conditions
d’existence des femmes rurales, non
seulement au niveau de la localité, mais
aussi à travers tout le territoire national,
ce qui n’est pas du tout un travail aisé
car le monde rural souffre de plusieurs
manquements dans presque tous les
domaines.
Accès à la terre et à la bonne terre
L’absence de droit et de sécurité pour les
femmes concernant la terre est un des
obstacles les plus sérieux à l’accroissement
de la production ouvrière et des revenus
des femmes rurales. De plus, l’accès inégal
73

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
aux facteurs de production - dont la terre
- est aussi un obstacle à l’accroissement
de la production vivrière et des revenus de
femmes rurales.
Le problème est encore plus difficile
pour les femmes veuves. Dans la plupart
des pays, selon les systèmes fonciers
traditionnels et les lois coutumières, qui
restent en vigueur malgré l’existence d’un
droit moderne, la femme n’a pas le droit
d’hériter des terres de son mari ou de
son père. Les veuves sont donc exclues
des systèmes de propriété de terres et ne
peuvent pas fournir les garanties exigées
pour un prêt.
Les femmes ont un droit d’usage régi
par l’homme. Elles doivent compter sur
leur mari, frère(s) ou belle-famille pour
obtenir une terre à cultiver. Les terres
attribuées aux femmes par les familles
ou par la communauté sont généralement
de piètre qualité, de surface réduite et
souvent éloignées des villages. Il faut
noter qu’elles n’ont souvent pas le droit,
le temps ni les moyens nécessaires d’y
pratiquer des cultures commerciales, ce
qui limite sérieusement leurs revenus. Sur
ces lopins de terres, elles font pousser
des cultures vivrières, nécessaires pour
l’alimentation de la famille et travaillent
aussi sans rémunération dans le champ de
leur mari.
Dans bien des cas, le respect de ce droit
dépend des disponibilités foncières et est
soumis à la règle fondamentale d’affecter
les meilleures terres aux chefs de familles
en priorité.
Quand la famille s’agrandit et que les
terres doivent être redistribuées, le chef
de famille commence d’abord par amputer
la part des femmes.
Le droit d’usage de la terre est très
précaire pour beaucoup de femmes.
Traditionnellement, la femme occupe une
place prépondérante dans l’agriculture
sénégalaise. C’est elle qui s’occupe de la
préservation des semences, des semis,
de la récolte, qui pratique ses cultures
de case (niébé, bissap, etc. jouant
ainsi un rôle important dans la sécurité
alimentaire de la famille). En réalité, en
milieu rural, c’est elle qui s’occupe de la
chaîne alimentaire (de la production à la
consommation) et qui pratique en plus
des cultures vivrières.
Force est donc est de constater qu’il y
a une relation étroite entre la femme,
l’agriculture et la sécurité alimentaire.
Malgré cette contribution à toutes les
activités de productions agricoles et la
sécurité alimentaire mondiale, des millions
de femmes rurales dans le monde n’ont
pas de droits d’occupation, de contrôle et
d’utilisation sur les ressources foncières
très limitées; cela provient des traditions
locales et de la religion musulmane.
Auparavant, les femmes ne jouissaient
pas de tous leurs droits, surtout en ce
qui concernait l’accès à la terre alors
qu’elles l’exploitaient effectivement mais
de manière informelle. Elles devaient alors
soit emprunter de l’argent soit louer, tout
en sachant qu’elles ne pouvaient engager
aucun investissement, même si elles en
avaient les moyens.
La notion d’accès à la terre fait allusion
aux mécanismes institutionnels publics
et privés qui permettent aux individus
74

d’acquérir le droit de posséder, d’utiliser
et de transférer la terre. Leur manque
de contrôle et d’accès découragent les
femmes à faire des investissements à
long terme sur des terrains. Dès lors,
elles préfèrent s’engager dans des projets
plus prometteurs. De plus, pendant la
saison de culture, les femmes travaillent
plus de 16 heures par jour, dont la moitié
est consacrée aux cultures agricoles. Les
études d’utilisation du temps montrent
que les femmes travaillent 1 à 3 heures de
plus que les hommes.
• s tratégies déVeLoppées pour
une sécurité aLimentaire
A partir de 1976, l’année de la sécheresse,
nous autres productrices ne pratiquions
plus de cultures de rente. Depuis l’année
dernière, avec l’insécurité alimentaire qui
a touché le monde entier, nous sommes
retournées aux cultures de niébé, de
manioc, d’arachide de bouche et de bissap
pour assurer notre nourriture.
Suite à la hausse des prix de denrées
alimentaires, notre petit déjeuner se
compose principalement de couscous,
préparé avec du mil. Nous utilisons l’huile
d’arachide et le riz local qui est moins cher
que le riz importé.
Mon expérience
Quand je suis arrivée dans le Diender en
1982 avec pour ambition de défendre les
intérêts des femmes, je suis entrée en
contact avec le responsable politique de
la zone, feu Selle Ndoye. La communauté
rurale de Diender était la zone test du
Sénégal, où est né le premier groupement
féminin du Sénégal.
Plusieurs raisons justifient mon entrée en
politique :
Premièrement, il y a le développement de
ma localité qui est un sacerdoce pour moi.
J’ai compris que la décentralisation, qui
a comme finalité la gestion de proximité
des affaires publiques, est le meilleur
cadre pour apprécier la participation du
citoyen sans distinction de sexe. Elle est
instituée par l’article 102 de la constitution
qui dispose que «les collectivités locales
constituent le cadre institutionnel de la
participation des citoyens à la gestion
des affaires publiques. Elle s’administrent
librement par des assemblées élues».
C’est ainsi que j’ai milité activement dans
un parti jusqu’à devenir la deuxième
conseillère rurale de la communauté
rurale de Diender, et j’ai siégé durant trois
mandats.
Même depuis que Cayar est devenu
commune rurale j’ai continué le combat,
et présentement je suis conseillère
municipale et j’étais la deuxième mairesse
adjointe du Maire sortant.
La deuxième raison justifiant mon
entrée en politique est la défense de la
cause des femmes. En effet, elles sont
sous-représentées dans les instances
décisionnelles et cette inégalité au pouvoir
politique est inadmissible. Car le véritable
pouvoir est politique : c’est le pouvoir
de légiférer, de décider, de délibérer et
d’exécuter. Il est alors inconcevable de
laisser aux hommes la prérogative de
mener à leur guise le destin des femmes.
Avec Enda-PRONAT qui est notre principal
partenaire, nous avons organisé plusieurs
activités d’information sur la gestion des
terres au Sénégal et particulièrement
dans la zone des Niayes, où se trouve la
75

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
fédération des agro pasteurs de Diender.
Nos principales activités sont les cultures
pluviales et le maraîchage.
Diversification de la production
Pour diversifier ma production, cette année
j’ai cultivé de l’arachide contre saison et
pluviale, du niébé et du manioc en plus de
mes cultures maraichères : chou, tomate,
gombo, aubergine, etc. J’étais très fière
en voyant que mes voisines avaient semé
et récolté (bénéficié de ces récoltes) en
améliorant les besoins nutritifs de leur
famille.
Accès à l’eau
Le problème le plus récurent pour les pays
en voie de développement est en général
celui de l’eau. Les femmes rurales sont
les plus exposées à ce phénomène et en
souffrent énormément.
Au Sénégal, la mise en place de nouveaux
programmes d’aménagement hydro
agricole est encore vivace. En effet, aussi
bien dans la vallée du fleuve Sénégal que
dans celle dans l’Anambé, région de Kolda,
ce sont uniquement les chefs de ménage
masculins qui bénéficient des périmètres
aménagés et sont chargés de les distribuer
aux membres des deux sexes de leur
famille.
Problème de commercialisation
Il se pose un véritable problème de commercialisation
pour les productions agricoles
des femmes qui peuvent parfois être très
prometteuses. Notamment des problèmes
liés aux transports des produits mais aussi
des problèmes pour trouver un marché pour
écouler tous les produits cultivés.
Problème de conservation
A ces problèmes de commercialisation
s’ajoute celui de la conservation des
produits en périodes de fortes productions.
Si la conservation se révèle impossible,
cela entraîne une grande perte causant
une baisse de revenus pour les femmes.
Manque de matériel
Dans les zones rurales, le manque de
services de base comme la fourniture d’eau,
les centres de santé, les transports et les
moulins, augmente considérablement le
temps que les femmes doivent consacrer
aux travaux domestiques. L’insuffisance de
temps réduit l’attention qu’elles peuvent
porter aux activités productives et les
visites aux centres de santé.
Il incombe aux femmes de travailler sur
les parcelles de terres du mari et de la
famille et de s’occuper des enfants, ce qui
limite leur capacité à établir des priorités
dans leur emploi du temps.
Conservation et commercialisation
Par manque d’unité de conservation, j’ai
procédé au séchage de mon surplus de
récolte de tomates, que je transforme en
poudre pour l’utilisation ultérieure dans
l’alimentation. Une partie de ce produit
a fait l’objet de troc avec les femmes de
la Fédération sœur -Yaakar Niani Wulide
Koussanar, qui elles, possédaient un
surplus de maïs.
Les acquis
Au niveau de notre organisation, la
fédération des agro pasteurs de Diender, et
au niveau du Réseau National des Femmes
76

Rurales du Sénégal que je préside, nous
avons vécu des expériences sur l’accès
des femmes à la terre et sur l’information
et la communication qui nous ont apporté
un changement positif.
Les femmes rurales jouent un rôle
important dans l’agriculture : elles assurent
la moitié de la production alimentaire
mondiale et dans beaucoup de pays en
voie de développement leur contribution
va de 60 à 80%.
Aujourd’hui, nous connaissons des avancées
très fortes. Dans la zone de Diender, y
compris la commune de Cayar, et même la
communauté rurale de Keur Moussa avec
qui nous faisons le même travail, nous
avons réussi à ce que l’héritage des terres
soit appliqué après le décès d’un propriétaire
foncier (mari, père, mère, etc.). La
répartition de ses biens est faite selon les
conditions de la religion musulmane. Ce
n’est pas entièrement gagné mais c’est
une avancée importante pour nous. Certaines
femmes font des économies et parviennent
à acheter leurs propres terres.
Toujours avec l’appui du projet Dimitra-
FAO, le Réseau National des Femmes Rurales
a pu organiser un atelier sous-régional
à Mbour, Sénégal du 3 au 5 juillet 2007,
sur le thème : «Quelles stratégies pour
améliorer l’accès au pouvoir des femmes
rurales pour une pratique des politiques de
développement de leur terroir ?».
Nous avons aussi organisé avec Enda-Pronat
et Dimitra-FAO un atelier sous-régional
sur le thème «Femmes et droit foncier».
Ainsi, nous avons fait beaucoup de
rencontres avec les femmes et les
hommes, notamment avec la fédération
des agro-pasteurs de Diender dont je suis
membre, sur la gestion foncière et l’intérêt
d’une culture saine et durable.
Je reviens à cette courte phrase pleine de
sens de la FAO «les femmes nourrissent le
monde», car elle souligne le rôle fondamental
que joue la femme dans la production
agricole, dans le secteur de la pêche mais
aussi dans la sylviculture à travers le monde.
Il convient de rappeler qu’au Sénégal,
c’est au début des années 80 grâce à
plusieurs conférences et à la «Décennie
de la femme» décrétée par les Nations
Unies, mais aussi grâce aux injonctions
des bailleurs de fonds quant à la nécessité
d’intégrer la dimension genre dans les
politiques de développement, que les
femmes ont commencé à devenir de
véritables actrices du jeu économique.
C’est-à-dire que les femmes ont commencé
à être mieux encadrées et qu’elles
jouent aujourd’hui un rôle de premier plan
dans le développement des activités économiques.
La force due à leur nombre et
leur dynamisme économique ont favorisé
l’émergence de quelques femmes leaders.
Les femmes ont encore plus de difficultés
à accéder, et moins de temps à consacrer,
aux technologies que les hommes, à la
formation, à l’information, au savoir-faire
et aux intrants agricoles.
Je lance un appel en faveur d’une mondialisation
des efforts et des initiatives pour un
changement social et économique durable.
Aujourd’hui plus que jamais, nous sommes
partantes pour un entreprenariat, pour une
solidarité Nord-Sud en vue d’un changement
durable en faveur du monde rural.
77

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
4.2. FEMMES ET SéCURITé ALIMENTAIRE AU MALI
Djénébou Dembélé
L’agriculture qui nourrit plus de 80% de
la population malienne est confrontée
à des problèmes de crise liée soit aux
conditions climatiques, soit aux systèmes
de production, soit à l’organisation de la
commercialisation des produits.
Elle se manifeste par une baisse des
rendements dans les zones de production
qui entraîne du coup la paupérisation
des agriculteurs qui non seulement
ne produisent pas suffisamment pour
satisfaire les besoins alimentaires des
familles, mais aussi ne disposent pas de
ressources financières suffisantes pour
payer les céréales disponibles sur les
marchés avec les commerçants.
Elle se fait surtout ressentir dans les zones
rurales et touche particulièrement les
femmes et les enfants. La participation des
femmes dans la recherche de la sécurité
alimentaire, bien qu’invisible, n’est pas
négligeable. Cette participation se faisait
surtout dans l’exploitation familiale dans
le seul but de satisfaire les besoins de
consommation du ménage.
Aujourd’hui les femmes sont devenues
de véritables actrices du secteur agricole
rural. Elles sont présentes tout le long
de la chaîne agricole, du labour à la
transformation et à la commercialisation.
Elles travaillent aussi bien dans le champ
commun de la famille que sur les parcelles
de leurs ménages et leurs propres parcelles
de terre.
Ainsi l’état Malien à travers une loi dénommée
«La Loi d’Orientation Agricole
au Mali» donne une place de choix à la
femme pour l’accès aux terres aménagées.
L’article 83 de cette loi stipule
que «L’Etat veille à assurer un accès
équitable aux ressources foncières
agricoles, aux différentes catégories
d’exploitants agricoles et promoteurs
d’exploitation agricoles. Toutefois,
des préférences sont accordées aux
femmes, aux jeunes et aux groupes
déclarés vulnérables dans l’attribution
des parcelles au niveau des zones aménagées
sur des fonds publics». Il est à
souligner que l’application de cette loi
s’avère difficile car les parcelles sont
données la plupart du temps aux chefs
de ménage qui sont généralement les
hommes.
Malgré leur forte implication dans les
activités agricoles et dans le souci
d’assurer la sécurité alimentaire de leurs
familles, les femmes rencontrent beaucoup
de contraintes qui ne leur permettent
pas d’accroitre leur production et leur
productivité.
• présentation généraLe du maLi
- La géographie et
Le découpage administratif
Le Mali, vaste pays continental d’environ
1 241 238 km 2 , est situé en Afrique de
l’Ouest. Le Mali est découpé en régions administratives,
en cercles et en communes.
La structure administrative du pays est la
suivante :
- 8 régions administratives et le District de
Bamako la capitale;
- 49 cercles;
- 703 communes composées de villages et
de quartiers.
78

Le Mali est un pays de plaines et de bas
plateaux. Son relief est peu élevé et peu
accidenté. Du Nord au Sud, le pays se
caractérise par sa diversité climatique:
désertique au Nord, sahélienne et
soudanienne au centre, et pré guinéenne
au Sud et à l’Ouest.
- LA pOpULATION
La population du Mali est estimée à
12 051 020 habitants en 2006. Elle est
inégalement répartie sur le territoire
national et est d’une faible densité
(10 habitants au km²). Son taux
d’accroissement moyen est de 2,2% par
an. 67,6% de cette population est rurale,
50,5% est féminine, 49% a moins de
15 ans, soit une population très jeune. Les
religions les plus pratiquées sont l’islam, le
christianisme et l’animisme.
- L’économie
Cette économie, qui reste dominée par le
secteur primaire (environ 40% du PIB),
est tributaire des aléas climatiques et
des prix des matières premières sur le
marché international. Ainsi, la crise dans
le secteur du coton en 2000 a fortement
ralenti l’activité économique en 2001.
De ce fait, la croissance économique a
évolué en dents de scie entre 2002 et
2006 et reste dépendante du climat et
des prix des matières premières sur le
marché international. Le taux le plus
faible enregistré sur cette période, 2,2%
en 2004, résulte donc, d’une part, des
mauvaises performances de la campagne
agricole 2004-2005 liées à un déficit
pluviométrique et à l’invasion acridienne
(criquets pèlerins) et, d’autre part, de la
baisse de la production d’or, de l’évolution
défavorable des cours du coton, de la
hausse de ceux du pétrole et des effets de
la crise ivoirienne.
• f emme et production
ALImENTAIRE
Les actions de développement de
l’agriculture avaient principalement comme
cibles les grandes parcelles cultivées par
les hommes et non les lopins de terre des
femmes. Les programmes de formation,
de crédit, de production et de coopération
n’ont pas toujours atteint les femmes.
Au Mali, il ressort qu’en 2006 les branches
agricoles ont enregistré la participation de
63,7% des femmes actives âgées de 15 ans
et plus (ELIM 2006).
Ainsi cette marginalisation se caractérise
par l’accès difficile des femmes aux
facteurs de production.
- L’ACCèS DES fEmmES à LA TERRE
La terre cultivée est généralement une exploitation
familiale dont l’homme, en tant
que chef de ménage, est le chef d’exploitation
et détient le titre de propriété.
Le tableau ci-après montre clairement que
plus la taille de l’exploitation augmente,
moins on trouve de femmes propriétaires
d’exploitations (seules 6% des femmes
exploitantes ont plus de 5ha).
79

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
Répartition du nombre d’exploitations selon la taille en superficie et le sexe du
chef d’exploitation
Classe
taille
sans
parcelle
moins
de 1 ha
1 à
2 ha
2 à
3 ha
3 à
5 ha
5 à
10 ha
10 à
20 ha
20 ha
et plus
Masculin Féminin Total
Nombre
d'exploitations
%
Nombre
d'exploitations
%
Nombre
d'exploitations
108 348 14 2 287 9 110 635 13,7
131 646 17 13 315 54 144 961 18,0
105 063 13 3 935 16 108 998 13,5
77 488 10 1 388 6 78 876 9,8
108 604 14 2 157 9 110 761 13,8
141 710 18 1 221 5 142 932 17,8
78 733 10 332 1 79 065 9,8
28 967 4 28 967 3,6
Total 780 559 100 24 635 100 805 195 100,0
%
Source: Recensement Général de l’Agriculture 2004
- L’ACCèS AUx INSTRUmENTS
mODERNES DE pRODUCTION :
intrants, équipements
L’accès aux intrants constitue un aspect
très important dans l’activité des femmes
exploitantes agricoles car il influence
leurs interventions dans la production et
détermine leur poids.
Les intrants qui intéressent les femmes
sont surtout ceux utilisés dans les activités
d’exploitations agricoles. Il s’agit des semences,
des engrais chimiques, des insecticides,
des herbicides et des fongicides.
Selon les résultats du RGA 2004, la répartition
se fait plus au bénéfice des hommes
exploitants agricoles que des femmes exploitantes
agricoles :
- Semences améliorées : 28% d’exploitants
bénéficiaires dont 7% de femmes
contre 21% d’hommes;
- Engrais : 45% de bénéficiaires dont
14% de femmes et 31% d’hommes;
- Insecticides : 27% de bénéficiaires
dont 6,7% de femmes;
- Fongicides : 5,0% de bénéficiaires dont
3% de femmes;
- Herbicides : 20,2% de bénéficiaires
dont 4% de femmes.
80

L’accès aux équipements des exploitants
agricoles selon le sexe est aussi inégalitaire
que celui des intrants. Dans les différentes
localités d’enquêtes, il a été constaté que
les instruments de production modernes
appartiennent à la famille, pas à un individu.
Mais le problème qui se pose aux femmes
est l’accès aux dits instruments, notamment
les charrues et multicultures. Ne sachant
pas les utiliser, elles n’y accèdent que quand
les hommes n’en ont plus besoin ou elles
ont recours à des prestataires en dehors
de la famille, moyennant une rémunération
journalière de 5000 à 7500 francs CFA.
L’accès des femmes aux ressources définit
leur degré d’autonomie financière et de
vulnérabilité.
- L’accès des femmes au crédit
AGRICOLE
L’accès au crédit a toujours été un
problème crucial pour les femmes. Les
conditions des banques, notamment la
garantie et le taux d’escompte élevé, ne
favorisent pas les femmes du milieu rural
et celles évoluant dans le secteur informel.
• En milieu rural, la femme ne dispose
d’aucune des ressources (terre, maison,
équipements agricoles) pouvant lui servir
de garantie auprès des banques et/ou des
établissements de crédits.
• Les banques et établissements de crédits
sont très éloignés de la population cible,
surtout de celle du milieu rural.
• Le manque de comptabilité caractéristique
du secteur informel, pose le problème
de base d’évaluation de la bonne
santé des activités pour l’obtention du
crédit.
Il existe une forme de crédit dont
bénéficient uniquement les exploitants
agricoles appelé le crédit agricole. Ces
crédits sont soit en nature soit en espèces.
Il s’agit de crédit d’équipement ou de
campagne. Ainsi, suivant les données du
RGA 2004, seulement 8% des femmes
exploitantes agricoles avaient bénéficié de
ce crédit contre 22% des hommes.
• f emmes et gestion de La
pRODUCTION AGRICOLE
Outre le rôle prépondérant qu’elles
jouent dans la production alimentaire, les
femmes apportent d’autres contributions
importantes à la sécurité alimentaire:
- f emmes et gestion des banques
de céréaLes (bc) au maLi
Pour faire face aux situations de crise,
l‘Etat malien, avec l’aide des organismes
internationaux et de tous les acteurs
au développement, a entrepris depuis
plusieurs années des actions en faveur de
la sécurité alimentaire.
Ainsi, en 2007, les autorités maliennes
ont installé une banque de céréales dans
chacune des 703 communes que compte le
pays. Le décret d’application de l’installation
de ces banques de céréales a prévu la
participation d’au moins une femme pour
le comité de gestion de cinq membres.
De plus, les ONG ont aussi installé des
BC dans les zones les plus déficitaires.
L’installation de ces banques de céréales
est généralement inscrite dans des projets/
programmes et est particulièrement destiné
aux femmes et aux enfants. Dans les
différentes stratégies d’intervention, il est
81

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
le plus souvent défini que ces BC installées
doivent être gérées par les femmes qui en
sont les principales bénéficiaires.
Selon les initiateurs, cela est fondé sur
le fait que les femmes sont les premières
concernées dès que le ménage vient à
manquer de vivres. Elles se battent corps
et âme pour trouver de la nourriture pour
les enfants qui ont faim.
Le réseau YIRIBA SUMA, un collectif
d’associations et d’ONG féminines au Mali, a
entrepris avec l’appui financier de GECOZA
NORVEGE, une étude sur la participation
des femmes à la gestion des BC. Au vu
de quelques constats dans les différentes
régions du Mali, le réseau Yiriba Suma, à
travers ses ONG membres, s’est aperçu
que la gestion de ces BC est assurée dans
la plupart des cas par des hommes.
Cette pratique a favorisé une discrimination
dans les conditions d’accès des femmes
aux céréales, car la plupart du temps, elles
ne disposent pas de ressources financières
nécessaires pour s’acheter le minimum
de quantité imposé par les hommes (50
à 100 kg). Elles sont peu satisfaites aussi
par la qualité des céréales vendues dans
les banques.
A ceci s’ajoute une gestion malsaine de ces
infrastructures qui a conduit à leur fermeture
progressive dans plusieurs zones de la
deuxième région. La fermeture des banques
de céréales se fait plus sentir chez les femmes
car elles sont plus vulnérables quand les
céréales manquent dans les ménages. 15
L’expérience d’AMAPEF
Dans la mise en œuvre de son programme
financé par le partenaire Allemand « Pain
pour le Monde », AMAPEF a accompagné
des groupements de femmes pour la
gestion des banques céréalières dans la
commune de Dombila.
Dans le cadre de la recherche-action
sur l’Economie sociale et solidaire initié
par l’ONG ATOL, nous avons développé
des méthodes et outils pour améliorer
notre accompagnement, pour renforcer
la participation des femmes à la gestion
des BC, et pour les gérer comme une
entreprise et pas seulement comme une
activité sociale et communautaire.
Au début de la recherche, les constats
étaient les suivants :
- le contrat de financement est
signé par les femmes (donc les BC
appartiennent aux femmes);
- le comité mis en place pour la gestion
comprend 13 personnes dont
3 femmes;
- la nature des céréales à acheter est
choisie par les hommes qui assurent
l’approvisionnement;
- la gérance est assurée par un homme;
- la décision de fixer la période de vente
des céréales vient des hommes, en
l’occurrence le chef de village;
- la non prise en compte des aspects
d’amortissement dans le calcul du
prix de vente;
- les céréales sont achetées sans tenir
compte des périodes d’abondance;
- les femmes ne cherchent pas
d’informations auprès de différents
fournisseurs pour faire le bon choix.
Les actions entreprises afin de favoriser
la participation des femmes et la démarche
dans un esprit d’entreprise :
- recyclage des femmes sur la gestion
des BC;
15
Rapport d’étude sur la participation de la femme à la gestion des banques de céréales 2009.
82

- changement des heures d’ouverture de
la BC;
- vulgarisation des statuts et règlement
intérieurs;
- des réunions d’information sur la nécessité
de faire participer les femmes
aux activités de la BC;
- fixation du prix de vente en tenant
compte du prix d’achat et de l’amortissement
du matériel et équipement;
- achat des céréales au moment des récoltes.
Résultats obtenus :
- amélioration du niveau de connaissance
des femmes sur la gestion des BC;
- une femme est gérante suppléante;
- les décisions sont prises en réunion
du comité de gestion ou en AG avec la
participation des femmes;
- une meilleure responsabilisation des
femmes;
- la prise en compte de l’amortissement
du bâtiment.
Malgré ces efforts, il faut encore souligner
que la participation des femmes pose
toujours des problèmes :
- difficultés pour les femmes d’assurer la
gérance pour des raisons de disponibilités
(travaux domestiques);
- refus pour certains hommes d’accepter
le déplacement de leurs épouses pour
l’approvisionnement des banques;
- une sous information des femmes
membres du comité à cause de leur
faible niveau d’instruction.
- fEmmES ET TRANSfORmATION -
COmmERCIALISATION DES
denrées aLimentaires
Les femmes sont aussi attirées par la
transformation agroalimentaire. Il s’agit
de petites unités de production informelle
(UPI) dont la taille moyenne ne dépasse
pas en général 1,4 emploi par unité. L’auto
emploi est la règle dans près de quatre
établissements sur cinq. Ces activités
agroalimentaires couvrent tout le territoire
national et portent sur :
- la transformation des produits locaux
en jus de fruits ou confitures;
- le conditionnement des condiments (pâte
d’arachide, l’échalote)
En plus, les femmes occupent une place
prépondérante dans la commercialisation
des denrées alimentaires.
Expérience de GAAS Mali
Dans le cadre de notre recherche-action,
nous pouvons citer l’exemple d’une
autre ONG malienne, GAAS Mali du Pays
Dogon, qui a pu contribuer au renforcement
de la participation des femmes
dans l’organisation du travail de la transformation
et la commercialisation de
l’échalote, ainsi que dans les prises de
décisions et le partage des bénéfices de
ce produit. Ceci nous amène à présenter
la situation d’un groupe mixte de producteurs
d’échalotes.
Anciennes pratiques :
- pas d’alternance (pas de renouvellement
du bureau);
- déficit de communication (l’information
est détenue par quelques leaders);
- décisions prises par les leaders (en
majorité les hommes);
- faible prise en compte de la dimension
genre dû au poids de la tradition et à la
mauvaise compréhension du concept;
- absence de pouvoir de décision et de
contrôle des femmes au sein des comités;
- les produits des unités de transformation
sont pesés et vendus par les hommes;
83

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
- seuls les hommes savent lire et écrire;
- seuls les hommes bénéficient des
formations relatives à la gestion des
unités de transformation du fait de
l’analphabétisme.
Actions entreprises :
- suivi de l’application des règlements
intérieurs;
- renforcement des capacités des femmes :
ouvertures de centres d’alphabétisation;
- assistance technique et financière envers
les femmes.
Pratiques actuelles :
- une meilleure participation des femmes
dans les prises de décisions en assemblée
générale : choix des activités,
choix des leaders…;
- Grâce aux différentes sensibilisations,
les femmes occupent des postes de
responsabilité au sein des comités :
présidente, vice présidente, trésorière,
commissaire aux comptes;
- l’exécution des tâches et la répartition
des rôles et responsabilités sont faites
sans distinction de sexe, d’ethnie, de
classe sociale de religion et d’âge;
- égalité de chances dans la participation
aux ateliers de formation entre hommes
et femmes grâce à l’ouverture de centres
d’alphabétisation pour les femmes au niveau
des villages abritant les unités;
- une répartition équitable des bénéfices
tirés de l’entreprise entre les différents
membres.
Expérience d’AOPP
AOPP est l’Association d’Organisations
Professionnelles Paysannes. Dans le
cadre de l’accompagnement du volet maraîchage
du projet d’appui aux initiatives
féminines, la mise en relation entre les
productrices (offre) et les commerçants
(demande) de légumes de Bamako fut
entamée par l’animatrice et 2 responsables
de la coopérative.
Lors d’une première action de mise
en relation ayant pour objectif la prise
de contact avec les commerçants en
vue d’échanger sur les possibilités de
partenariat d’affaire, il a été constaté que
les commerçants et les consommateurs
n’apprécient pas la qualité des produits
maraîchers. En effet, ces produits en
provenance des localités de production se
situant dans un rayon de 60 km autour
de Bamako ont une mauvaise réputation
à cause de l’utilisation d’eaux usées par
certains maraîchers. Les maladies issues
de cette pratique (fièvre typhoïde par
exemple) sont connues de tous.
Pour remédier à ce problème, un atelier de
concertation regroupant les maraîchères
de la coopérative, les commerçants, et
quelques consommateurs de légumes
de Bamako, a été organisé. L’objectif
était d’amener les commerçants et les
consommateurs à s’enquérir des conditions
de production maraîchère de la coopérative,
en vue d’établir un climat de confiance
entre eux.
Le résultat de cette action est le début d’instauration
d’un climat de confiance entre
maraîchères, commerçants et consommateurs-trices,
et qui a même conduit à un
partenariat d’affaire. La mise en œuvre de
la démarche a été facilitée par la volonté
et le dynamisme des femmes à trouver un
marché pour leurs produits, et aussi par
l’adhésion des leaders dans la démarche
de l’économie sociale et solidaire.
84

Conclusion
Les femmes se retrouvent principalement
dans les activités agricoles de façon informelle.
Les disparités enregistrées entre les hommes
et les femmes dans leurs occupations agricoles
ne sont que la conséquence logique
de la division sexuelle du travail, née de
l’organisation patriarcale qui maintient les
femmes dans des fonctions de reproduction
dans la société. Cette organisation confère
également le rôle de chef de ménage, de
chef d’exploitation, à l’homme qui gère et
contrôle, de ce fait, des ressources productives
(terres, équipements et intrants) et
des revenus issus de l’activité.
La sous-estimation des activités féminines
dans les statistiques actuelles constitue
également une contrainte à laquelle les
femmes sont confrontées car elle ne
permet pas de valoriser leur contribution
réelle dans la sécurité alimentaire.
Les expériences des ONG partenaires de
la recherche-action en collaboration avec
ATOL prouvent qu’avec une telle démarche
d’analyse, de partage de méthodes et
d’outils, un travail d’expérimentation et
de partage d’expériences, il est possible
d’améliorer la participation des femmes à
la sécurité alimentaire.
Des contraintes demeurent également par
rapport à l’accessibilité des femmes au
crédit et ne favorisent pas la promotion de
leurs activités : exigences fortes sur le dépôt
initial, taux d’intérêts élevés, délai de
remboursement trop court, faible niveau
des montants prêtés.
85

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
4.3. EXPéRIENCE EN GENRE DE LA CAPAD
Annick Sezibera
La Confédération des Associations des
Producteurs Agricoles pour le Développement,
«CAPAD» en sigle, a été créée en
2000 par des groupements des productrices
et producteurs agricoles qui voulaient
créer un espace de défense de leurs
intérêts socio-économiques.
La CAPAD est structurée de la base au niveau
national et regroupe 21.130 ménages
de paysannes et paysans.
C’est depuis 2005 que la CAPAD a commencé
à intégrer le genre dans ses structures
mais également dans ses interventions.
• s ituation aVant L’intégration
DU GENRE
La CAPAD, devenue une organisation majoritairement
de femmes (environ 70% des membres
sont des femmes), s’est rendu compte en 2005
que les organes de décision, les comités exécutifs
et les comités de surveillances de la base au
niveau national, étaient dirigés à plus de 85%
par les hommes, et que le nombre de femmes
faisant partie de ces comités était très réduit,
environ 15%.
Des séances d’auto analyse selon le
genre ont été organisées dans toutes
les coopératives membres de la CAPAD.
Les causes identifiées de ce déséquilibre
entre les hommes et les femmes sont les
suivantes :
- La culture qui pèse lourdement sur
les rapports entre les hommes et les
femmes.
- Le partage des activités au sein du
ménage qui laisse plus de temps libre à
l’homme qu’à la femme.
- L’éducation des filles : au sein de la
CAPAD, 48% des membres sont analphabètes
et 68% d’entre eux sont des
femmes.
- La discrimination mais aussi l’auto
discrimination des femmes.
- Le non accès aux ressources pour les
femmes, qui crée leur dépendance
financière envers l’homme, et leur non
participation dans la prise de décision au
sein du ménage et des communautés.
Ici nous signalerons que la succession
de la terre se fait de père en fils et que
la fille n’hérite pas de la terre et des
biens de ses parents.
• c hangement opérés pour
intégrer Le genre
Après ce diagnostic, la CAPAD a développé
des actions visant à améliorer et à changer
la situation. Ces actions et ces changements
sont les suivants :
- Mise en place d’une politique de genre
adaptée à l’organisation paysanne.
- Les textes législatifs des coopératives
membres et ceux de la CAPAD ont été
modifiés en vue d’y ajouter les closes
relatives à la participation équitable
des femmes et des hommes dans les
organes de décisions. Ainsi depuis
2006, au sein des coopératives et au
sein de la CAPAD, dans les organes de
prise de décision de la base au niveau
national, on a 50% de femmes et 50%
d’hommes.
- Les réunions s’organisent pendant les
moments qui conviennent aux femmes,
86

elles participent au choix des moments
et des lieux de réunions.
- Création des associations à caractère
social et économique au sein des coopératives
pour permettre aux femmes
d’accéder aux petits crédits, réaliser
leurs micros projets et petit à petit,
devenir autonomes financièrement : le
programme de MUSO (Mutuelle de Solidarité),
est un programme d’épargne
et de crédit, il permet aux hommes et
femmes membres de réaliser des activités
génératrices de revenus.
C’est à travers ce programme que les
femmes peuvent disposer d’argent propre
dont elles assument la libre gestion.
Le Burundi étant un pays ou les femmes
n’ont pas accès à la terre, il est difficile
pour une femme rurale d’accéder à un
crédit sans l’aval de son mari, la femme
manque de garantie pour ce crédit. Dans
une société patriarcale comme la nôtre,
c’est souvent l’homme qui dirige et qui
décide de tout.
- La séparation des mutuelles de
solidarité pour les femmes et pour les
hommes, permet aux femmes d’avoir
beaucoup plus d’espace de décision,
mais aussi ces MUSO constituent des
écoles de leadership féminin, des
espaces d’échange, de discussion et de
traitement des questions concernant
les femmes ainsi que les questions
sociales et de développement.
- L’introduction d’un programme d’alphabétisation
et de renforcement des capacités
des femmes à travers les Mutuelles de
Solidarité, permet aux femmes d’acquérir
des connaissances en gestion des associations
et en gestion d’activités génératrices
de revenus.
- Les Coopératives constituent actuellement
des assemblées où les femmes et
les hommes se rencontrent pour échanger,
planifier et évaluer les saisons
culturales.
- Tous les projets et les programmes
développés par les coopératives ou
la CAPAD sont élaborés, exécutés et
suivis par les femmes et les hommes
membres.
- La CAPAD a mis en place un règlement
de recrutement du personnel qui donne
les mêmes chances aux femmes et
hommes, les femmes et les hommes
ont donc les mêmes droits et les mêmes
avantages.
• i mpact de cette intégration
- AU NIvEAU DE LA GESTION INTERNE :
- Au sein du secrétariat exécutif, sur
les 7 Cadres du bureau élargi de prise
de décision, 3 sont des femmes.
- Au sein des organes nationaux de
prise de décision, sur 10 membres,
5 sont des femmes.
- Au sein des organes de prise de
décision dans les coopératives, sur
362 membres, 174 sont des femmes.
- AU NIvEAU DES pROGRAmmES :
- Les interventions sont destinées équitablement
aux femmes et aux hommes.
- Les hommes et les femmes participent
à l’élaboration, l’exécution, le
87

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
suivi et l’évaluation des projets et
programmes développés par les coopératives
et la CAPAD.
- a u niVeau des ménages :
- Les femmes membres des Mutuelles
de Solidarité affirment qu’elles
possèdent leur argent avec lequel elle
peuvent s’acheter ce qu’elles veulent
sans demander à leur mari.
- Ces mêmes femmes assurent des
activités qui génèrent des revenus
dont elles sont les gestionnaires sans
que leur époux dictent comment elles
doivent faire.
- Les rapports au sein du ménage s’améliorent
et les femmes sont de mieux
en mieux considérées et consultées
par leur époux pour l’une ou l’autre
question.
- L’analphabétisme des adultes en milieu
rural, en particulier des femmes,
limitent l’accès à l’information et à la
communication.
- Le non accès des femmes à la terre et
autres ressources est en lien avec la
pauvreté.
• Les perspectiVes
Pour faire face à ces défis, en cette année
2010, la CAPAD vient de réactualiser sa
politique genre et de nouvelles actions
sont proposées pour que l’intégration du
genre au sein de la confédération soit
effective. La CAPAD travaille aussi en
synergie avec d’autres organisations pour
faire du lobbying pour que la femme rurale
accède aux ressources et en particulier, ait
le droit d’hériter de la terre.
- a u niVeau des communautés :
- Dans les coopératives, les femmes
n’ont plus peur de prendre la parole
et d’exprimer leurs opinions ou suggestions.
- Les hommes membres des Coopératives
reconnaissent le rôle
incontournable des femmes dans
le développement.
• Les défis
- La culture et les coutumes ne favorisent
pas l’émergence des femmes.
- Le manque d’accès à la santé de la
reproduction, le planning familial,
constituent un frein à la promotion de
la femme rurale.
88

4.4. VOEDSELTEAMS
Lea Claes
(texte publié sur le site de Voedselteams) 16
En 1995, Lea Claes et son conjoint, Marcel
Stas, ont repris l’entreprise fruitière du père
de Marcel. Sur une superficie de 5,5 ha, ils
cultivent surtout des pommes (biologiques)
et des poires (de culture intégrée), mais aussi
des prunes et des cerises. Ils ont choisi
de planter petit à petit différentes variétés
de pommes en les mélangeant les unes aux
autres, ce qui favorise la pollinisation et garantit
en même temps une offre variée. Ils
y vendent des pommes et des poires, mais
également des jus de fruits et du sirop. Afin
que la petite entreprise continue d’être rentable,
ils essaient de vendre un maximum de
fruits directement au consommateur, que ce
soit via l’asbl Voedselteams, via la vente à
domicile ou encore sur le marché.
L’asbl Voedselteams
Un «voedselteam» est un groupe de personnes
provenant d’un même quartier qui achètent
en commun des légumes frais, des fruits, de
la viande, du pain, des produits laitiers, des
produits Fair Trade des magasins du monde,…
chez des producteurs de la région. Tout le
monde peut devenir membre après avoir reçu
d’un responsable local un mot d’introduction
sur les principes et l’approche. En tant que
membre, vous pouvez commander toutes les
semaines via la boutique en ligne, vous allez
récupérer vos commandes au dépôt situé pas
loin de chez vous et payez la facture mensuelle
au moyen d’un virement à la banque. L’adhésion
à l’asbl coûte 10€ par an, par famille.
En groupe, vous déterminez ce que vous
allez acheter, chez qui vous allez l’acheter
et quels sont les critères importants. Vous
vous réunissez au moins une fois par an
pour discuter du fonctionnement et visitez
ou recevez la visite de producteurs qui approvisionnent
votre groupe. Vous collaborez
pour cela avec le responsable régional. Tous
les groupes d’achats sont différents et les
régions et provinces flamandes connaissent
elles aussi des dynamiques distinctes. Nous
veillons toutefois à avoir une administration
uniforme des groupes.
historique
L’asbl Voedselteams organise des groupes
d’achats locaux en Flandre depuis 1996: il
s’agit de groupes de personnes issues d’un
même quartier qui, ensemble, achètent de la
nourriture, directement auprès d’agriculteurs
et de producteurs locaux ou régionaux. Ces
groupes d’achats ont été créés en réponse à la
méfiance de bon nombre de consommateurs
quant à la qualité de notre nourriture. Or, le
contact direct avec les producteurs d’aliments
locaux restaure cette confiance. Ces groupes
d’achats cherchent en outre à promouvoir
l’économie régionale. Une manière pour nous
de contribuer à une agriculture durable.
En collaboration avec Vredeseilanden, une
organisation du tiers monde organisation
du tiers monde, et avec Wervel, une
organisation pour une agriculture juste et
durable, le centre Elcker-ik s’est basé sur
le modèle japonais du Seikatsu Club (une
coopérative de consommateurs japonaise)
pour lancer les Voedselteams. Ce modèle
offrait en effet une alternative d’action
concrète dans laquelle tous les aspects du
développement durable étaient abordés.
Prudents et armés d’une bonne dose de
courage, une poignée de consommateurs
et quelques producteurs ont lancé ce
nouveau système dans le Brabant flamand
en 1996. Entre-temps, ce petit mouvement
16
http://www.voedselteams.be/ (novembre 2010)
89

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
des Voedselteams a grandi jusqu’à compter
aujourd’hui une nonantaine de groupes et
une septantaine de producteurs répartis à
travers toute la Flandre.
Encouragé pour ce vif succès, ce mouvement
a relevé le défi en 2001 de devenir
une organisation indépendante. Maintenant
dotés d’une structure d’asbl démocratique,
producteurs et consommateurs
déterminent désormais ensemble la manière
dont Voedselteams va continuer de
se développer.
En plus de ses objectifs écologiques, économiques
et sociaux, l’asbl Voedselteams
a l’ambition d’également exercer une pression
au niveau politique concernant divers
aspects de la production alimentaire. L’asbl
offre un emploi stable à 2 ETP.
Le concept
Il existe une différence entre le supermarché
en tant que machine hyper bien huilée et
un groupe d’achats. En faisant partie d’un
groupe, de nombreuses occasions vous
sont offertes de connaître l’origine de vos
aliments d’une manière vivante et c’est en
tant que personne que vous agissez et non
plus en tant que simple consommateur.
Dans le cas d’un groupe d’achats, il peut
aussi arriver qu’un problème se produise
lors de la commande ou de la livraison. Cela
dit, les membres ne râlent pas à propos de
ces petites imperfections mais essaient au
contraire d’améliorer le système en en parlant.
Les membres d’un groupe d’achats peuvent
se faire une meilleure idée du processus
de production grâce au contact qu’ils ont
avec les producteurs. Ce contact se fait par
le biais de courriels, de communications
jointes dans les paniers de légumes, de
visites mutuelles, de nouvelles publiées sur
le site Internet. Via leur mot de passe, les
membres ont en outre accès aux résultats
d’une évaluation des producteurs en matière
de durabilité. Cette évaluation est faite par
les responsables régionaux et porte sur
l’application de méthodes agricoles durables
ainsi que sur les intentions d’entreprendre à
l’avenir d’autres mesures dans ce domaine.
Grâce à ce contact, les membres voient à
quel point l’agriculture, à l’heure actuelle, n’a
rien d’évident. Ils acceptent par ailleurs les
éventuelles petites imperfections résultant de
mauvaises conditions climatiques ou autres.
L’engagement
Un groupe d’achats achète sur base de ses
besoins et de l’appréciation qu’il a des producteurs
et de leur produit. Personne n’est obligé
d’acheter toutes les semaines, une chose
dont nous ne voulons pas non plus nous mêler.
Nous demandons toutefois aux membres
d’acheter régulièrement car les producteurs
adaptent leurs perspectives de ventes (et intentions
de semis) au nombre de membres.
Il arrive parfois qu’un producteur demande
à un groupe d’acheter pour un montant
minimum. Sans un chiffre d’affaires
minimum, ce n’est en effet pas rentable pour
les producteurs, sans parler des kilomètres
parcourus inutilement pour transporter les
produits alimentaires. Il n’est toutefois pas
rare que les producteurs s’organisent pour
assurer ensemble le transport et ainsi limiter
encore davantage le nombre de kilomètres
parcourus par les aliments.
Vous le constatez vous-même: opter
délibérément pour des groupes d’achats
demande un effort, ne fût-ce que minime.
Mais la récompense, c’est que vous
achetez une alimentation saine qui, en
90

plus d’apporter un soutien à l’agriculture
à petite échelle de votre région, offre la
possibilité aux agriculteurs du Sud de
développer leur propre agriculture.
Les raisons pour lesquelles nous le
faisons
Nous optons pour le panier de légumes:
une grande variété de légumes sains
et appétissants aux noms et aux goûts
parfois surprenants, cultivés de manière
biologique, avec la possibilité de choisir
entre un mini, un petit ou un grand panier.
Nous savons d’où viennent nos aliments.
Nous avons un lien avec nos agriculteurs.
Nous optons pour une qualité saine : pas de
pesticides, d’hormones ni d’agents conservateurs
dans notre assiette. Nous optons
pour le respect des plantes et des animaux.
Nous mangeons des produits de saison.
Nous savons ce que nous payons : un prix
honnête, sans les coûts des nombreux
emballages ou du commerce intermédiaire
et sans perte en cours de route. Nous optons
pour les agriculteurs locaux et achetons
des produits de notre propre région.
Le fonctionnement
Notre structure est basée sur différents
principes de la participation démocratique.
Au niveau local, il y a les groupes d’achats
qui s’organisent de manière autonome. Pour
cela, nous faisons un partage des différentes
tâches bénévoles, désignons une personne de
contact ainsi que d’autres responsables pour
se charger des finances, des commandes,
du dépôt,... Ces groupes dressent ensemble
leur propre liste de commande sur base d’une
sélection d’agriculteurs et de producteurs de
leur région et de leur offre de produits.
Au niveau régional, on trouve les noyaux qui
sont constitués de membres des groupes, de
producteurs et de collaborateurs. Les régions
n’ont pas toutes des noyaux actifs; il est tout à
fait courant de se réunir à l’initiative d’une des
parties concernées et pour une raison concrète.
En Flandre, nous avons le Conseil d’Administration
et l’Assemblée générale. Les
deux sont constitués de représentants des
régions, de producteurs et de membres.
Le fonctionnement journalier est assuré
grâce à une collaboration entre le coordinateur
et les responsables régionaux. À côté
de ces fonctions rémunérées, il y a les bénévoles
supra locaux. Ces derniers contribuent
au système de commande via Internet, à la
rédaction et à l’entretien du site Internet, à
la gestion administrative et veillent en outre
à assurer une permanence aux stands ou
lors d’autres activités publiques.
L’asbl Voedselteams est établie à Louvain.
Nous ne visons aucun but commercial, mais
sommes plutôt le lien entre les groupes
d’achats communs (les Voedselteams) et
les producteurs.
Le financement se fait en partie sur fonds
propres, grâce à la cotisation annuelle de tous
les membres et la contribution des producteurs,
à savoir 3% de leur chiffre d’affaires.
À côté de cela, ce travail est rendu possible
grâce aux subsides octroyés par le
Ministère de la Culture qui a reconnu l’asbl
comme un mouvement. Chaque année,
nous leur présentons un rapport sur notre
travail dans trois domaines: la sensibilisation,
l’éducation et l’activation sociale.
Bouger, c’est ensemble que nous le faisons
: les membres des groupes d’achats,
les producteurs et l’asbl Voedselteams.
L’agriculture (bio) durable est un point primordial,
mais nous accordons tout autant
d’importance aux groupes en tant que fait
social.
91

4. exempLes de pratiques et strategies a La base
4.5. RDC : L’ACCèS ET LE CONTRÔLE DE RESSOURCES PAR
LES FEMMES, UN DéFI POUR LA SéCURITé ALIMENTAIRE
Résumé de l’intervention d’Angèle mBOmBO
KATChIUNGA du 10 octobre 2010
La sécurité alimentaire est un défi que
la RDC peine à relever. La population
congolaise est en train de traverser un des
moments les plus durs de son histoire et la
situation est accentuée par des décennies
de conflit. En dépit de quelques progrès
enregistrés sur la période 2006-2009,
résultant de la campagne de sensibilisation
de la population « Agriculture priorité des
priorités » menée par le Gouvernement de
la République et par les gouvernements
provinciaux, la situation demeure précaire.
On observe, notamment chez les enfants
de moins de cinq ans et chez les mères,
des taux élevés de malnutrition chronique
et aigüe. Prise dans le cercle vicieux de la
pauvreté, la population congolaise n’a pas
la possibilité d’investir dans l’avenir car les
patrimoines des familles sont revendus
pour assurer la survie du foyer. La sécurité
alimentaire en RDC est, à ce jour, loin
d’être garantie !
A cet égard, il est indispensable de mettre
en lumière le rôle de la femme dans la
sécurité alimentaire. Les femmes travaillent
toute la journée dans les champs, vont
puiser de l’eau, préparent les repas : elles
sont un pilier de la sécurité alimentaire.
Cependant, elles agissent avec peu de
moyens. Dans la pratique, l’égalité des
sexes est l’un des objectifs les plus difficiles
à atteindre pour diverses raisons. L’accès
des femmes aux ressources et aux terres
est limité. Dans la culture traditionnelle,
les terres se transmettent de père en fils,
privant ainsi les filles et les femmes d’un
héritage précieux. Subissant l’héritage
de traditions patriarcales, les femmes
congolaises ont peu de chance de pouvoir
s’émanciper, notamment en milieu rural.
A ceci s’ajoutent l’insécurité au sein de
leur foyer et sur leur lieu de travail qui
contribue à les fragiliser et empêche leur
développement personnel. Par ailleurs, le
faible taux d’alphabétisation des filles et
des femmes aggrave la situation car il limite
leur action et les prive de responsabilités
quant au contrôle des ressources et des
terres.
L’intégration du genre en milieu rural est
nécessaire pour atteindre l’objectif de
sécurité alimentaire. Depuis sa création en
2001, notre organisation, le CEDI (Centre
d’Encadrement pour le Développement
Intégré) DIKOLELA s’intéresse à ce sujet.
Notre expérience confirme qu’il est possible
de changer et de défier les traditions.
Plaidant la cause des femmes auprès des
chefs traditionnels, notre organisation
a réussi à obtenir une concession de
3000 ha. Les chefs traditionnels ont ainsi
transmis l’autorisation aux autorités
politico-administratives qui ont émis un
procès-verbal de vacance de terre. Ce
procès verbal a ensuite servi à effectuer
les démarches nécessaires d’obtention des
documents officiels délivrés par les titres
fonciers après bornage par les services de
cadastre. Chaque femme s’est ensuite vue
délivrer une parcelle de 100m x 100m.
Les bénéficiaires de notre projet ont ainsi
pu cultiver (maraîchage) et disposer des
revenus de leur récolte. Ainsi, grâce à une
production plus conséquente, les femmes
ont dégagé des revenus qui leur ont permis
de produire plus et d’augmenter leur
revenu. En conséquence, elles peuvent
contribuer à couvrir une partie des
dépenses de leur foyer. Notre expérience
nous montre, une fois de plus, que l’accès
des femmes aux terres et aux ressources
92

est crucial pour atteindre l’objectif de
sécurité alimentaire. Il faut cependant
noter que dans l’exemple de CEDI, nous
restons sur des surfaces agricoles très
réduites, l’augmentation du revenu est
donc assez relative.
L’objectif 1b des OMD vise à « réduire de
moitié la faim d’ici 2015 ». A ce jour, la RDC
compte environ 60 millions d’habitants
et seuls 10% de la population mangent
deux repas par jour. Face à ce constat
alarmant, il convient de souligner que les
droits civils, politiques et économiques
des femmes, tels que décrits dans les
différents instruments juridiques tant
nationaux qu’internationaux, sont loin
d’être garantis.
Une meilleure synergie au niveau national
est nécessaire pour promouvoir un
développement basé sur les droits humains
des enfants, des femmes et des hommes.
Atteindre la sécurité alimentaire en RDC
nécessite de mobiliser les ressources
et de promouvoir les projets efficaces
qui intègrent la dimension genre. Une
attention toute particulière doit également
être placée sur l’appui à l’agriculture
informelle, familiale qui constitue 54,3%
des agriculteurs. Appuyer l’agriculture
familiale, en aidant par exemple les
agriculteurs-trices à adopter un outillage
plus performant, à avoir accès à des
semences de qualités, etc. contribuerait
à accroître la production et donc, à
contribuer à la sécurité alimentaire.
93

5. CONCLUSION ET
RECOMMANDATIONS

VERS UNE SéCURITé ALIMENTAIRE : DES INéGALITéS à
COMBATTRE
• Le rôLe des femmes dans La
sécurité aLimentaire
Ces dernières années, que ce soit la
crise des matières premières (produits
agricoles, pétrole…), la crise financière ou
la crise environnementale (changements
climatiques), ces crises ont eu des impacts
sur la sécurité alimentaire mondiale. En 2009,
le nombre de personnes ayant faim dans
le monde a augmenté jusqu’à 1,02 milliard,
le chiffre le plus élevé depuis 1970. Depuis
l’année passée, plus de 100 millions de
personnes ayant faim se sont ajoutées.
Le plus grand paradoxe est que 70 % de
ceux qui ont faim vivent en zones rurales.
Et les plus touchés sont les femmes et les
enfants.
Pourtant, les femmes produisent 60 à 80 %
des aliments dans les pays du Sud et sont
responsables de la moitié de la production
alimentaire mondiale (FAO, 2009).
Par leur rôle socioculturel, les femmes
sont responsables des cultures vivrières
(les produits que l’on retrouve chaque jour
sur la table), de l’approvisionnement en
eau et de la collecte et/ou production des
plantes médicinales. Ce sont également
elles qui préparent les repas et cherchent à
équilibrer la diète alimentaire de la famille.
En outre, en milieu urbain, elles contribuent
considérablement au budget alimentaire
du ménage grâce à leurs activités
rémunératrices. Malgré cela, un peu partout
dans le monde et notamment en Afrique,
ces femmes jouissent généralement de
moins de droits que les hommes : comme
par exemple l’accès et le contrôle de la
terre (ou encore la sécurité de garder cette
terre), l’accès aux moyens financiers, aux
moyens de productions, etc.
Aussi les femmes sont acculées à chercher
des terres lointaines, ce qui accroît leurs
charges, et parfois les place dans des
situations de risques (violences, victimes
d’infractions par manque d’information
lorsqu’elles tombent sur des aires de
pâturages,…).
L’accès et le contrôle des moyens
financiers sont restreints : pour les pays
africains, seuls 10 % des crédits agricoles
sont octroyés aux femmes. Elles ont peu
d’accès aux intrants agricoles, que ce
soit aux produits (semences améliorées,
pesticides, etc.) ou aux outils car elles ne
bénéficient pas de services de vulgarisation
ou manquent de moyens.
De plus, l’accès et le contrôle du temps et de
la main d’œuvre sont aussi problématiques.
Les femmes doivent combiner les charges
liées à la reproduction de la famille et
le travail productif, ce qui fait que leurs
journées sont souvent surchargées.
Enfin, les femmes ont peu d’accès à
l’information, à la formation et à la prise
de décision et souvent, leurs besoins
pratiques et leurs intérêts ne sont pas pris
en cause car elles sont trop peu ou pas
assez représentées dans les instances de
prise de décision.
Le défi à relever consiste à atteindre
l’égalité entre les femmes et les hommes
dans l’accès et le maintien des ressources
leur permettant ainsi de contribuer
ensemble à la sécurité alimentaire, dont
les trois éléments centraux sont : la
disponibilité des aliments, c’est-à-dire une
production alimentaire suffisante, l’accès
économique et physique aux denrées
alimentaires exploitables et enfin la sécurité
95

5. CONCLUSION ET RECOmmANDATIONS
nutritionnelle. Les femmes remplissent
des fonctions importantes dans l’apport
de ces trois éléments indispensables à la
sécurité alimentaire.
• L’empowerment des femmes
comme stratégie durabLe
Durant cette dernière décennie, le thème
de la sécurité alimentaire a reçu de plus
en plus d’attention et les stratégies pour
relever ce défi ont de fait évolué. La démarche
d’empowerment des femmes
s’inscrit donc logiquement comme piste
de solution, au niveau individuel et au
niveau des organisations. Quatre composantes
sont prises en compte: AVOIR (le
pouvoir économique) – SAVOIR (le pouvoir
des connaissances) – VOULOIR (le
pouvoir interne) – POUVOIR (le pouvoir
social et politique).
C’est pourquoi la Commission Femmes et
Développement recommande à tous les
niveaux d’acteurs* de mettre en priorité
ces quatre composantes dans les politiques
de développement.
AVOIR
L’objectif de l’avoir suppose l’égalité
dans l’accès et le contrôle des femmes
aux ressources, à la terre, au temps,
aux crédits, aux marchés et aux
technologies leur permettant de
produire les aliments.
Promulguer et appliquer les lois qui
accordent des droits égaux de propriété
aux femmes et aux hommes
– notamment les lois relatives à
l’héritage des terres -; sensibiliser
les chefs traditionnels ainsi que les
populations à la base pour que ces
lois soient appliquées.
Encourager la production et la
diversification des cultures vivrières
grâce à plus d’informations, à des
recherches-actions et à d’autres
activités de vulgarisation.
Encourager le développement des
techniques d’allègement des tâches,
encourager la répartition égale des
tâches entre hommes et femmes et
entre garçons et filles.
Mettre en place des services sociaux
(garderies d’enfants, etc.)
Assurer l’approvisionnement en eau
potable, en électricité et en énergies
renouvelables.
Améliorer l’accès aux soins de santé
et de nutrition.
Favoriser la création de mutuelles
d’épargne et de crédit à des conditions
accessibles à toutes et à tous.
Encourager et accompagner les
activités génératrices de revenus
comme la transformation de produits
agricoles vivriers et la création de
micro-entreprises rurales.
Impliquer les hommes et les femmes
dans la gestion et l’organisation des
travaux aux champs ainsi que des
greniers en Afrique de l’Ouest.
Améliorer les infrastructures de
transport.
Améliorer l’accessibilité et la qualité
des marchés par une meilleure
mobilité (en termes d’accès,
temps, moyens et permission) et
par une promotion du commerce
équitable.
96

Améliorer les infrastructures de
stockage et les techniques de
conservation.
Promouvoir la certification des produits
biologiques.
SAVOIR
L’objectif du savoir est la création, la diffusion
et le partage des connaissances ainsi
que l’élaboration de données statistiques
sur l’agriculture qui prennent en considération
les inégalités femmes/hommes.
S’assurer que dans les recherches,
diagnostics et collectes de données,
toutes les informations soient
différenciées par sexe.
S’assurer que les recherches tiennent
compte des questions spécifiques au
genre (violence, accès et contrôle des
ressources, accès aux aliments, identification
des discriminations alimentaires,
répartition de la diète alimentaire
au sein de la famille, identification
des pratiques coutumières favorables
et défavorables aux femmes).
Développer des recherches-actions
qui tiennent compte des spécificités
des hommes et des femmes notamment
sur des thèmes comme:
> Les rôles des hommes et des
femmes dans l’agriculture
> La production et la conservation
de semences
> L’impact des changements climatiques
sur la sécurité alimentaire
> L’impact des politiques de coopération
sur la sécurité et la souveraineté
alimentaire.
Impliquer hommes et femmes dans
la formation et les campagnes de
sensibilisation sur : le genre, les lois
et les droits, la nutrition, le fonctionnement
des services techniques,
les cultures vivrières et durables,
l’alphabétisation fonctionnelle, économique
et politique.
Renforcer les capacités des services
techniques au niveau national et
décentralisé en matière de sécurité
alimentaire.
Développer et soutenir des systèmes
de communication accessibles aux
populations rurales, périurbaines
et urbaines prenant en compte les
thématiques ayant trait aux accès et
contrôle des ressources, à la nutrition,
aux discriminations alimentaires et
aux droits des femmes.
Organiser des visites d’échanges d’expériences
pour femmes et hommes
afin de valoriser des approches innovatrices
sur le plan technique et sur
le plan social (changement des rôles
hommes/femmes).
Encourager la valorisation et la
capitalisation des connaissances
des femmes et des hommes sur les
écosystèmes et les cultures traditionnelles.
Collecter des données différenciées
par sexe sur l’agriculture et sur
les trois piliers de la sécurité
alimentaire:
> Disponibilité/Production
> Accessibilité/Marchés
> Utilisation/Nutrition
et les mettre au service des planificateurs,
techniciens et décideurs.
97

5. CONCLUSION ET RECOmmANDATIONS
VOULOIR
L’objectif du vouloir c’est le changement
des mentalités vers des normes et coutumes
favorables à tous les membres de
la famille, ainsi que l’appui au leadership
féminin.
Appuyer la sensibilisation de tous
les acteurs concernés (autorités
locales, religieuses et coutumières,
hommes, femmes et enfants) au
respect des droits des femmes.
Assurer un environnement de sécurité
physique pour permettre
aux femmes d’assumer leurs fonctions
en tant que productrices,
gestionnaires, transformatrices,
commerçantes…
Travailler sur l’estime de soi des
femmes et appuyer l’émergence de
femmes leaders.
Mettre en œuvre les réglementations
visant à lutter contre toute forme de
discrimination envers les femmes
pour ce qui concerne l’accès et le
contrôle des ressources (la terre et
les moyens de production), la répartition
de la diète alimentaire au sein
de la famille et les tabous alimentaires.
Mettre en place des réseaux d’organisations
de femmes.
Former les hommes et les jeunes au
respect des femmes et aux bonnes
règles de vie (santé, alimentation,
etc.).
POUVOIR
L’objectif du pouvoir est que la société civile
-notamment les groupements de femmesparticipe
à l’élaboration des politiques en
matière de sécurité alimentaire. C’est-à-dire
soutenir une autonomie des Etats pour qu’ils
assurent une sécurité alimentaire et qu’ils
soutiennent une agriculture familiale durable.
Reconnaître le rôle fondamental des femmes
dans la sécurité alimentaire et rendre les lois
en matière de genre effectives.
Examiner et réorienter les politiques
agricoles et alimentaires afin qu’elles
défendent une agriculture familiale
durable et prennent en compte les
intérêts particuliers des femmes
dans l’exploitation familiale, qui
n’est pas un tout homogène.
Réguler la filière agroalimentaire
afin de protéger une agriculture
locale dans les pays où la sécurité
alimentaire n’est pas assurée.
Renforcer le pouvoir politique des
Etats pour réguler les marchés afin
de garantir le droit à l’alimentation
et des prix rémunérateurs et stables
pour les producteurs et productrices
dans un contexte de forte volatilité
et de défis climatiques.
Appuyer l’intégration des femmes
dans les structures de pouvoir ainsi
que leur participation effective au
développement rural et aux stratégies
de sécurité alimentaire.
Veiller à la prise en compte de la dimension
du genre lors de l’élaboration
des budgets (genderbudgeting)
98

des ministères techniques concernés
(agriculture, économie/finances, développement
rural, environnement) et
leur attribuer un budget adéquat.
Impliquer le ministère en charge
de la promotion de la femme dans
l’analyse et l’élaboration des politiques
nationales agricoles et de sécurité
alimentaire. Faire des liens entre les
ministères tels que l’agriculture, le
développement rural, l’environnement
et le ministère de la femme notamment
à travers des espaces interministériels
réservés à une analyse de genre.
Elaborer des lois qui garantissent
un accès équitable aux ressources
naturelles, productives et à l’alimentation
(droit à l’alimentation).
Revoir les textes fondamentaux en
vigueur (Constitution), vérifier leur
application afin de garantir un accès
et un contrôle équitables aux ressources
naturelles (eau, terre, biodiversité,
etc.), à la connaissance, aux
crédits et aux infrastructures.
Promouvoir les organisations de
femmes (organisations agricoles et
d’économie solidaire liées à l’agroalimentaire).
Renforcer la participation effective
des femmes dans l’organisation et la
gestion financière de la production,
du stockage et de la commercialisation
des produits agricoles au sein
des organisations agricoles et des
organisations faitières.
Encourager une plus grande participation
des femmes quant à la prise
de décisions au sein des ménages.
* acteurs à qui sont adressées
les recommandations
= Etat :
gouvernements nationaux, locaux,
services techniques, ministères de
l’Agriculture et ministères en charge
de la promotion féminine,
institutions internationales.
= Autorités coutumières :
autorités coutumières, religieuses et
traditionnelles.
= Organismes de recherche :
universités, instituts nationaux
statistiques, écoles agricoles.
= Société civile :
organisations paysannes, ONG,
groupements de femmes, familles,
médias.
99

Commission Femmes et Développement
DGD, Direction Générale de la Coopération au Développement
SPF Affaires étrangères, Commerce extérieur et Coopération au développement
Rue des Petits Carmes 15 (Na 59 – B305) - 1000 Brussel
Tel. +32 2 501.44.43 - Fax +32 2 501.45.44
cvo-cfd@diplobel.fed.be
http://diplomatie.belgium.be/fr/politique/cooperation_au_developpement/CFD/