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MICROBIOLOGIE ET COQUILLAGES - ifremer

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1<br />

Direction des Opérations<br />

Laboratoire Environnement Ressources-Concarneau<br />

Patrick Monfort<br />

<strong>MICROBIOLOGIE</strong> <strong>ET</strong> <strong>COQUILLAGES</strong><br />

1 – Les Toxi-Infections alimentaires<br />

Les coquillages, consommés crus ou peu cuits, peuvent être à l’origine de toxiinfections<br />

alimentaires (TIA), comme l’ensemble des denrées alimentaires dont les<br />

symptômes sont le plus souvent de nature digestive. Quand deux cas groupés<br />

apparaissent, on parle alors de Toxi-Infections Alimentaires Collectives (TIACs).<br />

La surveillance sanitaire effectuée par l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS)<br />

permet de disposer des données épidémiologiques qui soulignent une relative<br />

constance du nombre de foyers de TIAC entre 1991 et 2000 (Figure 1). En moyenne<br />

sur ces dix années prises en référence, 520 foyers d’origine alimentaire ont été<br />

déclarés soit aux Directions Départementales des Affaires Sanitaires et Sociales<br />

(DDASS) soit à la Direction des Services Vétérinaires (DSV).<br />

700<br />

650<br />

600<br />

Nombre de foyers<br />

550<br />

500<br />

450<br />

400<br />

350<br />

300<br />

1991 199 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000<br />

Figure 1 : Evolution du nombre de foyers de TIAC en France entre 1994 et 2003<br />

toutes sources alimentaires confondues (source : INVS)


2<br />

Parmi ces 520 foyers de Toxi-Infections Alimentaires Collectives, 51(9.8 %) ont<br />

concerné les produits marins dont 13 (2.5%) mettaient en cause les coquillages.<br />

Sur la période 1995 – 2001, les données acquises par l’INVS montrent que les<br />

bactéries et virus sont les agents le plus souvent impliqués dans les TIACs<br />

engendrées par la consommation de coquillages (figure 2).<br />

Ces statistiques ne doivent cependant pas faire oublier que bon nombre de TIA<br />

familiales non déclarées, voire non diagnostiquées, échappent à ces recensements.<br />

Ainsi, les experts estiment que ces statistiques officielles ne représentent que 1% à<br />

10% des cas réels de salmonelloses (Mossel 1989, Desenclos 1996).<br />

Figure 2 : Importance respective des agents pathogènes dans les TIACs liées aux<br />

coquillages entre 1995 et 2001(source : INVS).<br />

Par ailleurs, certains travaux se sont intéressés à l’incidence économique, financière<br />

et sociale de ces épisodes infectieux. Ainsi, Archer et Kvenberg (1985) déterminent<br />

les coûts induits annuellement par les salmonelloses aux USA entre 1.9 et 2.3<br />

milliards de dollars. Roberts (1988) quant à lui évalue le coût des toxi-infections<br />

bactériennes aux USA à 4.8 milliards de dollars pour l’année 1987. Ces constats<br />

devraient tout naturellement conduire à privilégier les actions de prévention tant<br />

chez les professionnels de l’alimentation que chez les consommateurs.<br />

2 – Germes pathogènes et coquillages<br />

Les microorganismes pathogènes (samonelles, listeria, vibrios, virus de l’hépatite A,<br />

entérovirus,…) dans l’environnement sont le plus souvent des germes allochtones au<br />

milieu marin dont l’origine est à rechercher dans l’intestin de l’homme et des animaux<br />

à sang chaud. On parle alors de bactéries entériques. Toutefois, la recherche de ces


3<br />

microorganismes pathogènes, présents en faible quantité, est coûteuse et les<br />

techniques d’identification complexes. Aussi, pour évaluer le risque de contamination<br />

d’origine fécale, les hygiénistes ont retenu au sein du groupe des coliformes, une<br />

espèce, Escherichia coli, comme indicateur de contamination fécale en raison de leur<br />

spécificité fécale, de la résistance comparable d’E.coli et des pathogènes entériques<br />

dans le milieu extérieur et de la sensibilité des méthodes analytiques. La validité des<br />

Escherichia coli pour estimer la présence de bactéries pathogènes dans les eaux et<br />

les coquillages a donné lieu à de nombreuses contreverses (Thomas et Jones 1971,<br />

Andrews et al. 1975, Marjori et al. 1977, Fraiser et Koburger 1984). Une synthèse<br />

des données finistériennes sur l’occurrence des salmonelles dans les coquillages<br />

(Monfort et al 1997) a permis de mettre en évidence une relation hautement<br />

significative (p10000<br />

6.4<br />

Classes<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5.98<br />

17.2<br />

11.98<br />

non Fouisseurs<br />

Fouisseurs<br />

0.92<br />

1 2 3 4<br />

Classes d''Escherichia coli<br />

Figure 3 : Pourcentage d’isolements de salmonelles dans les coquillages du<br />

Finistère par classe d’E.coli (source : IFREMER Concarneau).<br />

33.6<br />

Ces germes font l’objet d’une dissémination dans l’environnement , induite par les<br />

rejets des effluents urbains (station d’épuration, poste de relèvement, assainissement<br />

autonome) et industriels ou encore par l’épandage des effluents d’élevages agricoles<br />

utilisés à des fins fertilisatrices (figure 4).<br />

S’il paraît vain de vouloir éradiquer ces germes pathogènes de notre environnement<br />

et des salmonelles en particulier en raison de la complexité du cycle de<br />

contamination (figure 5), du moins pouvons nous tenter de limiter les effets délétères<br />

des toxi-infections alimentaires en mettant en place les mesures préventives à tous<br />

les niveaux (réduire les pressions anthropiques sur le bassin versant, assurer une<br />

purification efficace des coquillages, contrôler la qualité sanitaire des produits finis,


4<br />

conserver les coquillages dans des conditions optimales du producteur au<br />

consommateur, prendre les mesures d’hygiène appropriées,…).<br />

Figure 4 : 0rigines des sources potentielles de contamination fécale des eaux et des<br />

coquillages (source : http://www.<strong>ifremer</strong>.fr/envlit/).<br />

Figure 5 : Cycle potentiel de transmission des salmonelles.


5<br />

3 – Origines de la contamination microbiologique des eaux<br />

3.1 – Origine urbaine<br />

3.1.1 – Assainissement collectif<br />

Avec le développement de l’urbanisation et de l’industrialisation, les rejets d’eaux<br />

usées ont considérablement évolués tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Pour ne<br />

pas hypothéquer les usages de l’eau en aval de ces rejets, des réglementations<br />

européennes (Directive Eaux Résiduaires Urbaines – 21/05/1991) et nationales (Loi<br />

sur l’eau – 3/01/1992, décret – 03/06/1994, Arrêtés – 06/05/1996 et 21/06/1996) ont<br />

été édictées. Elles fixent les obligations des communes et des particuliers et définit le<br />

rôle de l’Etat.<br />

Ces réglementations définissent la notion d’Equivalent-Habitant (EH) qui est<br />

l’estimation de la quantité de pollution journalière rejetée par un habitant (tableau 2 ).<br />

L’équivalent-habitant permet ainsi d’exprimer, à l’aide d’une unité commune, des<br />

types de rejets différents et de pouvoir en conséquence les comparer.<br />

Paramètres<br />

Equivalent - Habitant<br />

Volume consommé<br />

150 litres<br />

Demande Biologique en Oxygène sur 5 jours (DBO5)<br />

60 g<br />

Demande Chimique en Oxygène (DCO)<br />

120 g<br />

Matières en suspension (MES)<br />

90 g<br />

Matières azotées (Azote total –NTK)<br />

15 g<br />

Matières phosphorées (phosphore total – PT)<br />

4 g<br />

Escherichia coli (cf. 3.2) 2.14 10 9<br />

Tableau 2 : Pollution émise journellement par un habitant<br />

D’après le recensement de la population en 1999, 97% des logements disposaient<br />

d’un système d’assainissement et 80% des logements étaient raccordés à un réseau<br />

collectif d’assainissement.<br />

L’épuration des eaux usées domestiques fait appel à différents systèmes alternatifs<br />

(lagunage, filtres plantés de roseaux, lits bactériens, boues activées) dont la mise en<br />

place sera effective en fonction des contraintes locales (capacités épuratrices,<br />

disponibilité de terres,…). Pour les stations d’épuration de plus de 10000<br />

Equivalents-habitant , 50% d’entre elles sont construites sur le principe des boues<br />

activées qui est décrit ci-dessous (figure 6).<br />

Prétraitements<br />

Le Dégrillage consiste à éliminer les déchets les plus grossiers.<br />

Le dessablage et le Déshuilage consistent à faite passer l’effluent dans<br />

un bassin où la réduction de la vitesse d’écoulement va permettre une décantation<br />

des sables et une flottaison des graisses. L’injection de microbulles d’air assure une<br />

accélération de la flottaison des graisses.<br />

Traitements primaires physico-chimiques


6<br />

Les traitements primaires s’intéressent aux matières particulaires<br />

décantables. Pour cela ils utilisent des traitements physico-chimiques qui permet<br />

d’agglomérer les particules par adjonction d’agents coagulants et floculants (sels de<br />

fer ou d’alumine) qui sont séparés par décantation ou flottaison.<br />

Traitements secondaires biologiques<br />

Ce traitement biologique permet d’extraire des eaux usées les polluants<br />

dissous que ce soit le carbone, l’azote ou le phosphore en favorisant la multiplication<br />

de bactéries aérobies c’est à dire qui se développent en présence d’air, capables de<br />

transformer le carbone en CO2, l’azote en nitrates puis en azote gazeux (N2) soit de<br />

stocker le phosphore. La séparation de l’eau traitée et de la masse des bactéries que<br />

l’on appelle « les boues » se fait au sein d’un clarificateur. Pour conserver une masse<br />

bactérienne suffisante dans le bassin des boues activées une partie de ces boues<br />

est réinjectée dans ce bassin. Ces boues qui contiennent une part des bactéries et<br />

virus amenés à la station d’épura tion sont ensuite égouttées, puis éliminées le plus<br />

souvent par épandage sur les sols agricoles.<br />

Figure 6 : Principe de fonctionnement d’une station d’épuration à boues activées<br />

(source : http://www.<strong>ifremer</strong>.fr/envlit/).<br />

Pour les différents types de traitement des eaux usées domestiques il est<br />

communément admis les abattements bactériens moyens suivants (tableau 3)<br />

Type de traitement<br />

Abattement bactérien<br />

(1Log= une puissance de 10)<br />

Lagunage naturel<br />

3 à 4 Log<br />

Boues activées+membranes filtrantes<br />

6 Log<br />

Boues activées<br />

2 à 3 Log<br />

Lits bactériens<br />

1 Log<br />

Tableau 3 : Types de traitement épuratoire et performances d’élimination<br />

bactériennes


7<br />

3.1.2 – Assainissement autonome<br />

L’assainissement autonome non maîtrisé est également un vecteur potentiel de<br />

contamination bactériologique du milieu naturel. Afin de satisfaire à une démarche<br />

globale de restauration de la qualité des eaux sur les bassins versants, la loi sur l’eau<br />

a prévu la création d’un Service Public d’Assainissement Non Collectif (SPANC) à<br />

l’échelle locale pour contrôler ces installations chez les particuliers.<br />

3.2 – Origine agricole<br />

La définition officielle d’équivalent-habitant n’intègre pas le paramètre relatif au rejet<br />

bactérien, ce qui nous a contraint de rechercher dans la bibliographie les données<br />

disponibles sur ce sujet. Les études menées par Geldreich 1978, Weather et al. 1979<br />

et Mara et Oragui 1983 mettent en évidence une variabilité importante de la<br />

contamination fécale animale. Toutefois pour satisfaire aux exigences de<br />

comparaison des sources potentielles de pollution sur les territoires, l’IFREMER<br />

utilise les valeurs suivantes (figure7), retenues initialement dans le cadre de l’étude<br />

rejets agricoles et bactériologie (Dupray et al.1999).<br />

Espèces Flux/j d’E. coli Equivalent-Habitant<br />

2.14 10 9 1<br />

5<br />

30<br />

0.06<br />

Figure 7 : Comparaison inter espèces de la contamination fécale journalière<br />

Ces contaminations bactériologiques peuvent avoir diverses origines qui sont<br />

déclinées ci-dessous :<br />

• La présence d’écoulements aux sièges d’exploitations qui, de fossés<br />

en ruisseaux, peuvent aboutir à l’estuaire.


8<br />

• L’épandage des effluents agricoles, et tout particulièrement les lisiers,<br />

qui réalisé dans des conditions défavorables (pluviométrie, sol gelé),<br />

peut s’avérer fort dommageable pour la qualité de l’eau.<br />

• Les points d’abreuvage ainsi que le passage des animaux dans les<br />

rivières s’avèrent des foyers de contamination non négligeables en<br />

période pluvieuse (figure 8). Cette figure souligne ainsi l’ augmentation<br />

significative de la contamination bactériologique en concentration<br />

(x1400) et en flux (x4600) après un épisode pluvieux de 17.3 mm.<br />

Figure 8 : Contamination de l’eau en aval d’un point d’abreuvage sur le bassin<br />

versant du Bélon en 2005 (source : IFREMER Concarneau).<br />

3.3 – Origine liée aux activités de loisirs<br />

Les activités liées au littoral, et la plaisance notamment, peuvent induire une<br />

dégradation microbiologique des eaux en raison du déversement des eaux noires<br />

des bateaux. Afin de limiter l’impact des rejets de cette activité de loisir, une<br />

réglementation européenne va imposer à terme la mise en place de bac de vidange<br />

dans les ports de plaisance de la communauté européenne.<br />

4 – Contamination des eaux estuariennes<br />

Si les rejets directs (urbain, agricole, industriel) ou diffus (épandage des lisiers et des<br />

boues de station d’épuration) dans l’environnement sont une condition nécessaire à<br />

la contamination microbiologique des eaux estuariennes, elle n’est nullement une<br />

condition suffisante. En effet, les microorganismes rejetés sur le bassin versant, pour<br />

parvenir au littoral, seront sous la dépendance d’un certains nombre de facteurs<br />

naturels (pentes, pluviométrie, importance du réseau hydrographique,…) et humains


9<br />

(pratiques agricoles,…) qui faciliteront leur transit du point de rejet à l’estuaire (figure<br />

8).<br />

Figure 8 : Recensement des facteurs susceptibles d’influer sur la<br />

contamination ultime des eaux estuariennes.<br />

Parmi ces différents facteurs, la pluviométrie est sans aucun doute celui qui occupe<br />

une place primordiale dans cette contamination à l’échelle du bassin versant. Il n’en<br />

est pour s’en convaincre que de se référer aux résultats obtenus dans le cadre du<br />

projet Cycleau (Monfort et al. 2006). Ceux-ci font apparaître une perte d’une à deux<br />

classes de qualité sur le paramètre microbiologique à la suite d’épisodes pluvieux<br />

(figure 9).


10<br />

Figure 9 : Concentrations bactériennes dans les eaux superficielles du Bélon en<br />

périodes sèches et pluvieuses (source : IFREMER Concarneau).<br />

5 – Survie des bactéries en mer<br />

Les bactéries et virus, hôtes habituels de l’intestin de l’homme et des animaux à sang<br />

chaud, qui arrivent dans le milieu marin, se retrouvent dans un milieu hostile peu<br />

propice à leur croissance. Incapables de se multiplier dans cet environnement, ces<br />

microorganismes vont y survivre plus ou moins longtemps en fonction des<br />

paramètres physiques, chimiques et biologiques du milieu (figure 10). Les<br />

microorganismes sont soit libres dans la masse d’eau, soit associés à des particules<br />

organiques ou minérales. Suivant le poids de ces particules, les microorganismes<br />

vont être soumis à une dilution tout au long de l’estuaire ou à une sédimentation<br />

favorable à leur concentration. Ainsi on estime que les sédiments sont de 100 à 1000<br />

fois plus contaminés que l’eau environnante (Gerba 1976, Smith 1978, Labelle et al.<br />

1980) et vont constituer un réservoir potentiel pour une recontamination ultérieure<br />

des eaux à la faveur de la remise en suspension des microorganismes lors des<br />

phénomènes naturels (crues, tempête) ou d’activités humaines (dragages). Le temps<br />

de survie des microorganismes est défini par le temps nécessaire à la disparition de<br />

90% de la population initiale, exprimé par le T90. De quelques heures à quelques<br />

jours pour les bactéries, cette survie est prolongée, pour les virus, de plusieurs<br />

semaines à plusieurs mois.


11<br />

Figure 10 : Paramètres physiques, chimiques et biologiques influençant la survie des<br />

germes en milieu marin (source : M. Pommepuy – IFREMER)<br />

La lumière<br />

L’action bactéricide des rayons ultra-violets (UV) de la lumière solaire est connue<br />

depuis longtemps et la variabilité saisonnière (hiver – été) de la survie des germes<br />

peut être observée en fonction de la présence ou de l’absence de la couche<br />

nuageuse.<br />

Une turbidité élevée de l’eau limite la pénétration des rayons UV dans l’eau et<br />

contribue également à réduire l’efficacité des rayons UV vis à vis des cellules<br />

microbiennes. Ainsi dans une eau peu chargée en matières en suspension (1mg/l),<br />

environ 80% de l’intensité lumineuse est transmise dans les cinq premiers mètres<br />

alors que dans une eau plus turbide (10mg/l) ce pourcentage n’est plus que de 20%<br />

(Pommepuy et al. 1991).<br />

La température<br />

D’une manière générale, on observe un allongement de la durée de survie des<br />

microorganismes à basse température, induite par un ralentissement de leur<br />

métabolisme. Ainsi, dans le cadre d’une étude de la survie des listeria et des<br />

salmonelles dans l’environnement marin (Monfort et al. 2000), nous avons enregistré<br />

respectivement en eau de mer des T90 de 9 et de 14 heures à 18°C et de 67 et<br />

167 heures à 5°C (figures 11 et 12 ).


12<br />

Figure 11 : Evaluation de la survie bactérienne des salmonelles et des listeria en<br />

laboratoire à 18°C (source : IFREMER Concarneau).<br />

Figure 12 : Evaluation de la survie bactérienne des salmonelles et des listeria en<br />

laboratoire à 5°C (source : IFREMER Concarneau).<br />

La salinité<br />

Parmi les stress subis par les bactéries d’origine entérique arrivant en milieu<br />

marin, l’un des principaux est exercé par la salinité (Pommepuy et al.1991). Ces<br />

auteurs montrent qu’à une concentration de 10g/l 100% des souches d’E.coli<br />

croissent en milieu minimum alors qu’à 20g/l, 25% des souches bactériennes ont<br />

disparu. Ils soulignent également que la présence de particules organiques permet<br />

aux microorganismes de lutter plus efficacement contre le stress salin.<br />

Autres<br />

La compétitivité entre cette flore fécale et la flore bactérienne autochtone au<br />

milieu marin, leur prédation par d’autres organismes ainsi que l’absence de nourriture<br />

(oligotrophie) sont autant de facteurs supplémentaires qui concourent à la disparition<br />

des bactéries entériques apportées au littoral.


13<br />

6 – La contamination des coquillages<br />

Outre la présence de germes dans l’eau, inhérente aux activités et aux usages<br />

anthropiques, le risque de Toxi-Infection Alimentaire est intimement lié à la<br />

physiologie des mollusques bivalves filtreurs (figure 13). En effet, pour satisfaire<br />

leurs exigences nutritionnelles et respiratoires, les coquillages filtrent des volumes<br />

d’eau importants. Ce faisant, ils ingèrent le phytoplancton, base essentielle de leur<br />

nourriture mais concentrent également dans leur tractus digestif et leurs tissus, les<br />

polluants chimiques et les microorganismes présents dans le milieu naturel. Aussi,<br />

les coquillages présentent ils une plus grande sensibilité analytique et des<br />

fluctuations temporelles moins marquée que l’eau dans laquelle ils sont élevés<br />

(figure 14), ce qui leur confèrent un rôle de sentinelle de l’environnement, mis à profit<br />

dans la surveillance des eaux littorales que ce soit aux Etats-Unis (mussel watch) ou<br />

en France (Réseau microbiologique-REMI).<br />

Figure 13 : La filtration, un impératif physiologique à double tranchant<br />

Figure 14 : Evolution des concentrations en E. coli dans les moules et dans l’eau<br />

environnante au cours d’un cycle de marée (source : IFREMER Concarneau).


14<br />

Facteurs agissant sur l’accumulation<br />

Cette accumulation de microorganismes dans les bivalves, liée à leur activité<br />

physiologique de filtration, est conditionnée par divers paramètres.<br />

• L’espèce et la taille des coquillages est un facteur important de<br />

différenciation d’enrichissement. Au sein de l’espèce, On note<br />

également une variabilité individuelle plus marquée chez l’ huître<br />

creuse que chez la moule.<br />

• La filtration optimale des coquillages se situe le plus souvent entre 18 et<br />

22°C. A l’extérieur de cette fourchette, la filtration est ralentie tandis<br />

qu’en dessous de 10°C et au dessus de 27°C, elle est fortement<br />

perturbée (Rowse and Fleet 1984).<br />

• L’optimum de salinité est variable selon les espèces considérées mais<br />

elles supportent en général de large gradient de salinité (espèces<br />

euryhalines). Une forte et brutale dessalure peut toutefois entraîner une<br />

mortalité importante des coquillages.<br />

• Les bivalves utilisent l’oxygène dissous dans l’eau de mer pour<br />

satisfaire leurs besoins respiratoires. En dessous des valeurs situées<br />

entre 28 et 35 mg/l (His et Cantin 1995), on observe une perturbation<br />

de l’activité physiologique et donc une moindre capacité de filtration.<br />

• Une turbidité de l’eau excessive entraîne un ralentissement du<br />

pompage par le coquillage et donc une filtration moindre.<br />

• L’état physiologique des coquillages (Le Bec et al. 2002).<br />

L’accumulation des bactéries dans les tissus des bivalves se traduit par un<br />

enrichissement bactérien par rapport à l’eau environnante (tableau 4 ). L’observation<br />

de valeurs différentes dépend non seulement du germe de référence mais également<br />

des conditions d’étude (in vivo ou in vitro), des conditions environnementales de<br />

l’expérience (Température, salinité,…) mais aussi l’état physiologique du coquillage.<br />

Des facteurs de 10 à 30, communément admis pour Escherichia coli, sont utilisés<br />

dans les modèles prédictifs de dispersion des rejets polluants afin d’évaluer leurs<br />

impacts sur la contamination des zones conchylicoles. Des études menées au<br />

laboratoire de Concarneau ont permis de noter une variabilité importante de ce<br />

facteur d’enrichissement chez la moule, non seulement entre les sites mais<br />

également au cours du cycle de marée (figures 13 et 14).


15<br />

Références Bivalve Conditions Groupe<br />

bactérien<br />

Facteur<br />

d’enrichissement<br />

Cabelli et<br />

Heffernan 1970 M. mercenaria expérimentales E. coli 6.5 – 8.5<br />

Cooke 1976 E. coli 3.2<br />

Mazières et al.<br />

1980 Huîtres Coliformes 30<br />

Perkins et al.<br />

1980 Huîtres<br />

Delattre et<br />

Delesmont 1981 Huîtres et<br />

coques<br />

naturelles<br />

Coliformes<br />

fécaux 3 - 16<br />

Coliformes<br />

fécaux<br />

Streptocoques<br />

fécaux<br />

Plusquellec et<br />

al.1983 Moules Naturelles Coliformes<br />

fécaux<br />

Streptocoques<br />

fécaux<br />

Timoney and<br />

Abston 1984 M. mercenaria Expérimentales E.coli<br />

Plusquellec et<br />

al. 1990 Moules Naturelles<br />

Salmonella<br />

Coliformes<br />

fécaux<br />

E. coli<br />

10<br />

150<br />

13.2<br />

250<br />

Expérimentales<br />

9.8<br />

Chamelea<br />

gallina expérimentales E.coli 1.6<br />

Nishio et al<br />

1980<br />

Tableau 4 : Données bibliographiques concernant l’enrichissement bactérien dans<br />

les bivalves (source :Prieur et al. 1990).<br />

3<br />

3<br />

20<br />

Figure 13 : Evolution du facteur d’enrichissement (E. coli) chez la moule par faible<br />

coefficient de marée selon le site d’étude (source : IFREMER Concarneau).


16<br />

Figure 14 : Evolution du facteur d’enrichissement (E. coli) chez la moule par fort<br />

coefficient de marée selon le site d’étude (source : IFREMER Concarneau).<br />

7– Bibliographie<br />

Andrews W.H., Diggs C.O., Presnel M.W., Miescer J.J., Wilson C.R., Goodwin<br />

C.P., Adams W.N., Furfari S.A. and Musselman J.F. 1975<br />

Comparative validity of the total coliform and fecal coliform groups for indicating the<br />

presence of Salmonella in the eastern oyster Crassostrea virginica.<br />

J. Milk Food Technol. 38 (8) : 453 - 456<br />

Archer and Kvenberg 1985<br />

Incidence and cost of foodborne diarrehal diseases in Canada and the US<br />

J. Food Prot. 47, p. 322 – 328.<br />

Desenclos JC., Bouvet P., Pirre V., Brisabois A., Frémy S., Lahelléc C., Grimont<br />

F., et Grimont P.A.D 1996.<br />

Epidémiologie des infections à salmonella : tendances récentes en France et en<br />

Europe.<br />

Bull. Soc. Fr. Microbiol. 11(3), p. 209 – 215<br />

Dupray E. 1999<br />

Rejets agricoles et bactériologie<br />

Rapport final IFREMER rédigé dans le cadre du programme Bretagne eau pure, 71<br />

p.


17<br />

Fraiser M.B. and Koburger J.A. 1984<br />

Incidence of Salmonella in clams, oysters, crabs and mullets<br />

J. Food Prot. 47 (5) : 343 – 345<br />

Geldreich E.E. 1978<br />

Bacterial populations and indicator concepts in feces, sewage, stormwater and solid<br />

wastes<br />

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