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POLYZÊTAS STRICTS, LARGES ET PONDÉRÉS par Jacky Cresson

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<strong>POLYZÊTAS</strong> <strong>STRICTS</strong>, <strong>LARGES</strong> <strong>ET</strong> <strong>PONDÉRÉS</strong><br />

<strong>par</strong><br />

<strong>Jacky</strong> <strong>Cresson</strong><br />

Résumé. — Nous explicitons des formules de passage entre les polyzêtas stricts et larges. On<br />

utilise le formalisme des séries formelles non-commutatives. Ces formules reposent sur la définition<br />

de la substitution de deux séries formelles non-commutatives.<br />

Abstract. — We derive explicit formulae connecting large and strict multiple zeta values. We use<br />

the formalism of non-commutative formal power series and a non-commutative analogue of the usual<br />

substitution for formal power series.<br />

Table des matières<br />

Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1<br />

1. Séries formelles non-commutatives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2<br />

2. Autour d’un résultat d’Ulanskiĭ. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4<br />

3. Symétries des polyzêtas larges. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5<br />

4. Régularisation des polyzêtas larges. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5<br />

5. Formules de passage entre ζ et ζ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6<br />

6. Les polyzêtas pondérés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7<br />

Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8<br />

Introduction<br />

Une généralisation de la fonction zêta de Riemann ζ(s) est donnée <strong>par</strong> les séries polyzêtas,<br />

définies pour tout entier p ≥ 1 et tout p-uplet s = (s 1 , s 2 , . . . , s p ) d’entiers ≥ 1, avec s 1 ≥ 2, <strong>par</strong><br />

∑<br />

1<br />

ζ(s 1 , s 2 , . . . , s p ) =<br />

k s1<br />

1 ks2 2 · · · .<br />

ksp p<br />

k 1>k 2>···>k p≥1<br />

Les entiers p et s 1 + s 2 + · · · + s p sont respectivement la profondeur et le poids de ζ(s 1 , s 2 , . . . , s p ).<br />

La nature arithmétique de ces séries est aussi peu connue que celle des nombres ζ(s). On renvoie<br />

à [11] pour un survol du sujet.<br />

On connait néanmoins un certain nombre de résultats diophantiens sur les nombres zêtas de<br />

Riemann, i.e en profondeur 1 :<br />

(i) Le nombre ζ(3) est irrationnel (Apéry [1]) ;


2 JACKY CRESSON<br />

(1)<br />

(ii) La dimension de l’espace vectoriel engendré sur Q <strong>par</strong> 1, ζ(3), ζ(5), . . . , ζ(A) (avec A impair)<br />

croît au moins comme log(A) ([3, 14]) ;<br />

(iii) Au moins un des quatre nombres ζ(5), ζ(7), ζ(9), ζ(11) est irrationnel (Zudilin [19]).<br />

Ces résultats peuvent être obtenus <strong>par</strong> l’étude de certaines séries de la forme<br />

∞∑<br />

k=1<br />

P (k)<br />

k A (k + 1) A · · · (k + n) A z−k<br />

avec P (X) ∈ Q[X], n ≥ 0, A ≥ 1 et |z| ≥ 1.<br />

Les divers choix de P conduisent à des séries hypergéométriques généralisées (voir [2, 15]).<br />

Dans ([7, 8]) nous proposons une généralisation de cette méthode hypergéométrique en profondeur<br />

quelconque en considérant a priori des séries multiples de la forme<br />

∑ P (k 1 , . . . , k p )<br />

(2)<br />

(k 1 ) A1<br />

n · · · (k z −k1<br />

1+1 p) Ap 1 · · · zp −kp ,<br />

n p+1<br />

k 1≥···≥k p≥1<br />

avec P (X 1 , . . . , X p ) ∈ Q[X 1 , . . . , X p ], des entiers A j ≥ 2 et n j ≥ 0 et |z 1 | ≥ 1, . . . , |z p | ≥ 1, et où<br />

(α) m = α(α + 1) · · · (α + m − 1) désigne le symbole de Pochhammer.<br />

Lorsque z 1 = · · · = z p = 1 ces séries sont des combinaisons linéaires à coefficients dans Q de<br />

polyzêtas larges définis <strong>par</strong><br />

∑<br />

1<br />

(3) ζ(s 1 , s 2 , . . . , s p ) =<br />

k s1<br />

1 ks2 2 · · · .<br />

ksp p<br />

On renvoie à [7] pour plus de détails.<br />

k 1≥k 2≥···≥k p≥1<br />

Via des calculs élémentaires on peut décomposer tout polyzêtas larges ζ suivant les polyzêtas<br />

stricts ζ (voir <strong>par</strong> exemple [16]). La formule de décomposition est <strong>par</strong> ailleurs explicite (voir le<br />

§.2). Les polyzêtas stricts possèdent de nombreuses propriétés algébriques (voir [17]). On peut se<br />

demander comment ces propriétés sont transformées <strong>par</strong> passage aux polyzêtas larges.<br />

Pour aborder cette question, nous explicitons la formule de passage entre les polyzetas stricts<br />

et larges via les séries génératrices associées. Le cadre de travail est celui des séries formelles noncommutatives.<br />

On introduit à cette occasion l’opération de substitution de deux séries formelles<br />

non-commutatives. Ce formalisme nous permet de mieux mettre en évidence la manière dont<br />

les symétries satisfaites <strong>par</strong> les polyzetas stricts sont modifiées. L’étude de ces symétries nous<br />

conduit à introduire une modification naturelle des polyzetas stricts, les polyzêtas pondérés, dont<br />

les symétries sont d’une complexité minimale.<br />

1. Séries formelles non-commutatives<br />

Soit Y = {y i } i∈N un alphabet. On note Y ∗ l’ensemble des mots construis sur Y , comprenant<br />

le mot vide noté ∅. Un élément de Y ∗ est noté y s = y s1 . . . y sp , p ≥ 1, s i ∈ N ∗ . L’entier p est la<br />

longueur de y s , notée aussi l(s). La concaténation de deux mots y s et y u de Y ∗ avec s = (s 1 , . . . , s p ),<br />

u = (u 1 , . . . , u q ), est le mot noté y s y u défini <strong>par</strong> y su où su = (s 1 , . . . , s p , u 1 , . . . , u q ).<br />

Soit K un anneau, on note K〈Y 〉 l’ensemble des séries formelles non-commutatives à coefficients<br />

dans K construites sur Y .<br />

Étant donnée une application L : Y ∗ → K, on note L s l’évaluation de L sur le mot y s ∈ Y ∗ . Ce<br />

type d’applications est un exemple de moule dans la terminologie de Jean Ecalle [6].


<strong>POLYZÊTAS</strong> <strong>STRICTS</strong>, <strong>LARGES</strong> <strong>ET</strong> <strong>PONDÉRÉS</strong> 3<br />

À toute application L : Y ∗ → K, on associe l’élément de K〈Y 〉, noté Φ L et défini <strong>par</strong><br />

Φ L = ∑<br />

y s∈Y ∗ L s y s ,<br />

appelé série génératrice de L.<br />

On associe à toute lettre y s ∈ Y un poids, noté | y s | et défini <strong>par</strong> | y s |= s. Le poids d’un mot<br />

y s ∈ Y ∗ est défini <strong>par</strong> | y s |= s 1 + · · · + s p .<br />

L’ensemble K〈Y 〉 est gradué <strong>par</strong> le poids. Cette graduation respecte l’opération de concaténation<br />

des mots. Une composante homogène de degré r ∈ N ∗ d’une série non-commutative Φ =<br />

∑<br />

y s∈Y ∗ M s y s , M s ∈ K notée Φ r est donnée <strong>par</strong><br />

Φ r =<br />

∑<br />

y s∈Y ∗ , |y s|=r<br />

M s y s .<br />

L’ensemble K〈Y 〉 possède une structure d’algèbre, analogue non-commutatif de la structure<br />

d’algèbre sur les séries formelles commutatives.<br />

La graduation permet de définir un analogue non-commutatif de la substitution des séries formelles<br />

de la manière suivante :<br />

Définition 1. — Soient Φ M et Φ N deux séries de K〈Y 〉. On note Φ M ◦ Φ N la série génératrice<br />

définie <strong>par</strong><br />

(4) Φ M ◦ Φ N = ∑ ∑<br />

M s (Φ N ) s1 . . . (Φ N ) sp ,<br />

r≥0 s=(s 1,...,s r), s i∈N ∗<br />

dans K〈Y 〉, où (Φ N ) s , s ∈ N est la composante homogène de poids s de Φ N .<br />

Il est possible de calculer explicitement les coefficients de la série Φ M ◦ Φ N notés (M ◦ N) s .<br />

Lemme 1. — Pour tout s = (s 1 , . . . , s r ), s i ∈ N ∗ on a<br />

(5) (M ◦ N) s = ∑<br />

M (|s 1 |,...,|s |)N k s 1 . . . N s k,<br />

s 1 ...s k =s<br />

où k ≥ 1 et s i ≠ ∅ et | s |= s 1 + · · · + s p pour tout s = s 1 . . . s p .<br />

Démonstration. — L’équation (4) est équivalente à<br />

⎛<br />

⎞ ⎛<br />

⎞<br />

(6) Φ M ◦ Φ N = ∑ ∑<br />

∑<br />

∑<br />

M u<br />

⎝<br />

N s y s<br />

⎠ . . . ⎝<br />

N s y s<br />

⎠ .<br />

r≥0 u=(u 1,...,u r), u i∈N ∗ y s∈Y ∗ , |y s|=u 1 y s∈Y ∗ , |y s|=u r<br />

Un mot y s étant fixé, toute <strong>par</strong>tition de y s de la forme y s = y s 1 . . . y s k, k = 1, . . . , l(s), intervient<br />

dans la somme (6) avec un coefficient de la forme<br />

(7) M (u1,...,u k )N s 1 . . . N s k,<br />

où u i =| s i |. En regroupant ces termes, on obtient la formule (5) pour le coefficients de Φ M ◦ Φ N<br />

en y s .<br />

Remarque 1. — L’opération ◦ n’est pas usuelle dans l’étude combinatoire des séries formelles<br />

non-commutatives (voir [13] pour une présentation des techniques habituelles). La formule (5)<br />

intervient dans le formalisme des moules développé <strong>par</strong> Jean Écalle comme loi de composition sur<br />

les moules (voir [6]).<br />

Lemme 2. — L’élément neutre pour la loi ◦ est la série I = ∑ s∈N<br />

y s .


4 JACKY CRESSON<br />

La démonstration est immédiate en utilisant (5).<br />

On peut caractériser les séries inversibles pour ◦, ce qui nous sera utile dans la suite.<br />

Lemme 3. — Les éléments inversibles de K〈Y 〉 pour la loi ◦ sont les séries Φ M =<br />

∑<br />

M s y s<br />

y s∈Y ∗<br />

telles que M ∅ = 0, M s ≠ 0 pour tout s ∈ N ∗ .<br />

Démonstration. — Soit Φ M =<br />

∑<br />

M s y s un élément inversible de K〈Y 〉. Il existe donc Φ N =<br />

y<br />

∑<br />

s∈Y ∗<br />

N s y s telle que I = Φ M ◦ Φ N . Les coefficients de la série Φ N se déterminent <strong>par</strong> récurrence sur<br />

y s∈Y ∗<br />

la longueur des suites s. En effet, en appliquant la formule (5), on a pour toute suite s :<br />

∑<br />

M |s| N s = I s −<br />

M (|s1 |,...,|s |)N k s 1 . . . N s k.<br />

s 1 ...s k =s, k>1<br />

Le membre de droite contient des coefficients N s ′ sur des suites s ′ de longueur strictement inférieure<br />

à l(s). Cette équation détermine donc N s si et seulement si M |s| ≠ 0. Comme | s |∈ N ∗ , on en déduit<br />

le lemme.<br />

2. Autour d’un résultat d’Ulanskiĭ<br />

Dans ([16, p. 577, Proposition 2]) Ulanskiĭ donne une formule de décomposition qui peut se<br />

formuler comme suit :<br />

Lemme 4. — Pour toute suite s = (s 1 , . . . , s r ), s i ∈ N ∗ , s 1 ≥ 2, on a<br />

ζ s =<br />

∑<br />

ζ |s1 |,...,|s |, k<br />

où k ≥ 1, s i ≠ ∅.<br />

s 1 ,...s k =s<br />

Démonstration. — La démonstration repose sur l’étude des polyzêtas mixtes de la forme<br />

avec i = 1, . . . , l(s).<br />

⊗<br />

ζ s (i) =<br />

∑<br />

n s1<br />

n 1>···>n i≥n i+1≥...n p≥1<br />

1<br />

1 . . . ,<br />

nsp p<br />

On a ⊗ ζ s (1) = ζ s et ⊗ ζ s (l(s)) = ζ s . Un simple calcul donne<br />

(8)<br />

⊗<br />

ζ s1...s p<br />

(i) = ⊗ ζ s1...s p<br />

(i + 1)+ ⊗ ζ s1,...,s i−1,s i+s i+1,s i+2,...,s p<br />

(i),<br />

pour i < p.<br />

On démontre <strong>par</strong> récurrence sur la longueur des suites la formule<br />

⊗<br />

(9)<br />

ζ s=s1...s r<br />

(i) =<br />

∑<br />

s 1 ...s k =s i,...,s r<br />

ζ s1,...,s i−1,|s 1 |,...,|s k |.<br />

On remarque que la formule (4) ressemble beaucoup à une opération de composition. Mais<br />

pour écrire correctement cette composition il est nécessaire de définir ζ pour tous les s, i.e. sur<br />

les divergents où s 1 = 1. Pour ce faire, nous allons étudier les symétries des polyzêtas larges et<br />

expliciter une formule de régularisation combinatoire.


<strong>POLYZÊTAS</strong> <strong>STRICTS</strong>, <strong>LARGES</strong> <strong>ET</strong> <strong>PONDÉRÉS</strong> 5<br />

3. Symétries des polyzêtas larges<br />

On note Y c le sous-ensemble de Y ∗ constitué des mots y s = y s1 . . . y sr<br />

dire tels que ζ s et ζ s soient convergents.<br />

tels que s 1 ≥ 2, c’est à<br />

L’écriture sous la forme de série des polyzêtas stricts permet de mettre en évidence des symétries,<br />

appelées symétries de battage contractant (voir [17]). On a <strong>par</strong> exemple<br />

(10) ζ s ζ u = ζ s,u + ζ u,s + ζ s+u .<br />

La généralisation de cette formule pour des suites quelconques fait intervenir le produit stuffle,<br />

noté ⋆ sur les lettres, défini <strong>par</strong> récurrence via les relations y s ⋆ ∅ = y s , ∅ ⋆ y s = y s et<br />

(11) y s y s ⋆ y u y u = y s (y s ⋆ y u y u ) + y u (y s y s ⋆ y u ) + y s+u (y s ⋆ y u ).<br />

On a pour tout y s ∈ Y c et y u ∈ Y c<br />

(12) ζ(y s ) ζ(y u ) = ζ(y s ⋆ y u ).<br />

Les polyzêtas larges vérifient aussi une relation de symétrie, beaucoup moins jolie, et qui s’obtient<br />

<strong>par</strong> transport de la loi ⋆ <strong>par</strong> l’isomorphisme linéaire φ défini <strong>par</strong> φ(y s ) = y s pour tout s ∈ N et<br />

pour tout p ≥ 2.<br />

φ(y s1 . . . y sp ) = y s1 φ(y s2 . . . y sp ) + φ(y s1+s 2<br />

y s3 . . . y sp ),<br />

Cette relation traduit la relation de récurrence (8) sur les polyzêtas mixtes. On a donc pour tout<br />

mot y s de Y c :<br />

(13) ζ(y s ) = ζ(φ(y s )).<br />

On note ⋆ φ la loi tordue sur R〈Y 〉 définie <strong>par</strong><br />

(14) φ(y s ⋆ φ y u ) = φ(y s ) ⋆ φ(y u ).<br />

Le symétrie stuffle (12) pour les polyzêtas stricts et la relation de structure (13) impliquent :<br />

Lemme 5. — Pour tous mots y s , y u de Y c on a ζ(y s )ζ(y u ) = ζ(y s ⋆ φ y u ).<br />

Démonstration. — On a ζ(y s )ζ(y u ) = ζ(φ(y s ))ζ(φ(y u )). Comme ζ vérifie la symétrie ⋆, on obtient<br />

ζ(y s )ζ(y u ) = ζ(φ(y s ) ⋆ φ(y u )). Le lemme découle alors de (14).<br />

La symétrie ⋆ φ est beaucoup complexe que la symétrie ⋆. En suivant la démarche ci-dessus,<br />

on peut introduire une famille à un <strong>par</strong>amètre d’isomorphismes linéaires φ λ , λ ∈ R et déformer<br />

continuement la symétrie des polyzêtas stricts, pour passer <strong>par</strong> exemple d’une symétrie stuffle à<br />

une symétrie shuffle (voir §.6). On obtient alors les algèbres de Hoffman tordues [18].<br />

4. Régularisation des polyzêtas larges<br />

Nous avons pour le moment travaillé sur le sous ensemble des mots convergents Y c ⊂ Y ∗ .<br />

L’existence d’une symétrie ⋆ φ permet, comme dans le cas strict (voir [12]), de donner un sens aux<br />

polyzêtas larges divergents.<br />

Lemme 6. — Soit γ ∈ R. Il existe une unique extension ζ ⋆φ<br />

ζ ⋆φ<br />

(y s ⋆ φ y u ) = ζ ⋆φ<br />

(y s )ζ ⋆φ<br />

(y u ).<br />

de ζ sur Y ∗ telle que ζ ⋆φ<br />

(y 1 ) = γ et<br />

Démonstration. — La démonstration repose sur le calcul de y 1 ⋆ φ y n 1 y s , pour n ≥ 0, y s ∈ Y c . Pour<br />

tout n ≥ 0, on a<br />

(15) y 1 ⋆ φ y n 1 y s = φ −1 (φ(y 1 ) ⋆ φ(y n 1 y s )).


6 JACKY CRESSON<br />

Comme φ(y 1 ) = y 1 , et φ −1 (y u ) = y u + . . . , où . . . représente des mots de longueur < l(y u ), on en<br />

déduit que l’équation (15) s’écrit<br />

(16) y 1 ⋆ φ y n 1 y s = y n+1<br />

1 y s + . . . ,<br />

où . . . représente des mots de Y c ou de la forme 1 i y v avec i ≤ n et y v ∈ Y c .<br />

Soit ζ ⋆φ<br />

(y 1 ) = γ, γ ∈ R une constante. En utilisant l’équation (16), il est possible de déterminer<br />

<strong>par</strong> récurrence la valeur de ζ ⋆φ<br />

(y1 n y s ) pour tout y s ∈ Y c . En effet, supposons que ζ ⋆φ<br />

soit déterminé<br />

sur tous les mots de la forme y1y i u avec i ≤ n et y u ∈ Y c . On obtient, en supposant que ζ ⋆φ<br />

conserve<br />

la symétrie ⋆ φ ,<br />

ζ ⋆φ<br />

(y 1 )ζ ⋆φ<br />

(y1 n s) = ζ ⋆φ<br />

(y1 n+1 y s ) + . . . ,<br />

où . . . est une somme de termes sur lesquels ζ ⋆φ<br />

est connue. On a donc<br />

ζ ⋆φ<br />

(y n+1<br />

1 y s ) = ζ ⋆φ<br />

(y 1 )ζ ⋆φ<br />

(y n 1 s) + . . . .<br />

On définit donc ζ ⋆φ<br />

de manière unique, une constante γ ∈ R étant fixée pour ζ ⋆φ<br />

(y 1 ).<br />

Pour être complet, il nous reste à com<strong>par</strong>er la régularisation directe que nous venons d’obtenir<br />

avec celle que l’on peut définir via la régularisation ζ ⋆ de ζ.<br />

Théorème 1. — Soit γ ∈ R, on note ζ ⋆ et ζ ⋆φ<br />

ζ ⋆ (y 1 ) = ζ ⋆φ<br />

(y 1 ) = γ. On a la relation<br />

les régularisés de ζ et ζ respectivement tels que<br />

(17) ζ ⋆φ<br />

(y s ) = ζ ⋆ (φ(y s )).<br />

Autrement dit, on peut effectuer la régularisation soit sur les ζ, soit sur leurs décompositions<br />

suivant les ζ.<br />

Démonstration. — Il suffit de démontrer que l’application ζ ⋆ ◦ φ est un élément qui vérifie les<br />

hypothèses du lemme 6. Comme l’extension de ζ est unique, on en déduira facilement l’identité<br />

(17).<br />

On note P (y u ) = ζ ⋆ (φ(y u )) pour tout y u ∈ Y ∗ . On a P (y s ) = ζ(y s ) pour tout s ∈ Y c et<br />

P (y 1 ) = ζ ⋆ (φ(y 1 )) = ζ ⋆ (y 1 ) = γ <strong>par</strong> hypothèse. Par ailleurs, pour tout y s , y u ∈ Y ∗ ,<br />

P (y s )P (y u ) = ζ ⋆ (φ(y s ))ζ ⋆ (φ(y u )) = ζ ⋆ (φ(y s ) ⋆ φ(y u )) = P (y s ⋆ φ y u ).<br />

Par conséquent, P réalise bien une extension de ζ sur les divergents respectant la symétrie ⋆ φ . Par<br />

unicité, on en déduit P = ζ ⋆φ<br />

.<br />

5. Formules de passage entre ζ et ζ<br />

On considère les séries génératrices de ζ et ζ définies <strong>par</strong><br />

Φ ζ = ∑<br />

y s∈Y ∗ ζ s y s et Φ ζ<br />

= ∑<br />

y s∈Y ∗ ζ s y s ,<br />

où ζ s (resp. ζ s ) est la valeur régularisée définie au <strong>par</strong>agraphe précédent.<br />

Le lemme 4 et son extension via le théorème 1 se traduit <strong>par</strong> la relation suivante sur les séries<br />

génératrices :<br />

Théorème 2. — On a Φ ζ<br />

= Φ ζ ◦ 1.<br />

En effet, le coefficient de Φ ζ ◦ 1 est donné <strong>par</strong><br />

(18) (Φ ζ ◦ 1) s<br />

= σ ∑<br />

s 1 ...s k =s<br />

Comme 1 s = 1 pour toute suite s, on en déduit le résultat.<br />

ζ |s1 |,...,|s k |1 s 1 . . . 1 s k.


<strong>POLYZÊTAS</strong> <strong>STRICTS</strong>, <strong>LARGES</strong> <strong>ET</strong> <strong>PONDÉRÉS</strong> 7<br />

On peut inverser cette formule. En effet, on vérifie via le lemme 3 que la série 1 est inversible<br />

pour la loi ◦. Précisément, on a :<br />

Lemme 7. — La série 1 a pour inverse de composition la série<br />

1 ◦−1 = ∑<br />

y s∈Y ∗ (−1) l(ys)+1 y s ,<br />

où l(y s ) désigne la longueur de y s .<br />

Démonstration. — Elle se fait <strong>par</strong> récurrence sur la longueur des suites. Pour une suite de longueur<br />

1, on a 1 ◦−1<br />

s 1 s = 1, soit 1 ◦−1<br />

s = 1 pour tout s ∈ N. Par ailleurs, la relation 1 ◦−1 1 = I donne pour<br />

toute suite s de longueur l(s) ≥ 2 :<br />

∑<br />

1 ◦−1<br />

s +<br />

1 ◦−1<br />

|s 1 |,...,|s k | = 0.<br />

Soit p ≥ 2. Supposons 1 ◦−1<br />

s<br />

une suite s de longueur p + 1<br />

s 1 ...s k =s, 1≤k


8 JACKY CRESSON<br />

On note Exp la série dite exponentielle définie <strong>par</strong><br />

Exp = ∑<br />

y s∈Y ∗ 1<br />

l(s)! y s.<br />

Lemme 8. — Soit Φ M ∈ K〈Y 〉 une série telle que ∆ ∗ (Φ M ) = Φ M ⊗ Φ M , alors la série Φ M,p =<br />

Φ M ◦ Exp vérifie ∆(Φ M,p ) = Φ M,p ⊗ Φ M,p .<br />

On renvoie à [6] pour la démonstration.<br />

Autrement dit, la composition <strong>par</strong> la série exponentielle Exp d’une série diagonale pour le coproduit<br />

∆ ⋆ donne une série diagonale pour le coproduit ∆. La lettre p indique que cette composition<br />

pondére <strong>par</strong> la longueur des mots le regroupement trivial Φ M ◦ 1. Précisément, nous avons la<br />

formule<br />

⎛<br />

⎞<br />

(22) Φ M,p = ∑ ∑<br />

⎝<br />

1<br />

l(s 1 )! . . . l(s 2 )! M ⎠<br />

|s 1 |,...,|s k | y s .<br />

y s∈Y ∗<br />

s 1 ...s k =s, k≥1<br />

Le coproduit ∆ est bien connu puisqu’il correspond à celui des algèbres de Hopf [13]. Dans ce cas,<br />

on montre que les éléments diagonaux vérifient la symétrie shuffle, notée x et définie <strong>par</strong> récurrence<br />

sur la longueur des mots de Y ∗ via les relations y s x∅ = y s , ∅xy s = y s et<br />

y a y s x y b y u = y a (y s xy b y u ) + y b (y a y s xy u ).<br />

On remarque que cette symétrie est bien moins complexe que la symétrie stuffle (11) satisfaite <strong>par</strong><br />

les polyzêtas stricts.<br />

Nous sommes donc naturellement conduit à la définition des polyzêtas pondérés.<br />

Définition 2. — Pour toute suite d’entier s, on appelle polyzêta pondéré en s la quantité notée<br />

•<br />

ζ s et définie <strong>par</strong><br />

•<br />

ζ s =<br />

∑<br />

s 1 ...s k =s, k≥1<br />

1<br />

l(s 1 )! . . . l(s k )! ζ |s 1 |,...,|s k |.<br />

Le lemme 8 donne immédiatement que, pour tout mot y s , y u ∈ Y ∗ , on a<br />

•<br />

ζ (y s ) • ζ (y u ) = • ζ (y s xy u ).<br />

Les polyzêtas pondérés sont utilisés <strong>par</strong> Jean Ecalle ([9, p. 418]) dans l’étude du prolongement<br />

méromorphe des multizêtas.<br />

Bibliographie<br />

[1] R. Apéry, Irrationalité de ζ(2) et ζ(3), Astérisque 61 (1979), 11–13.<br />

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[3] K. Ball et T. Rivoal, Irrationalité d’une infinité de valeurs de la fonction zêta aux entiers impairs,<br />

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<strong>POLYZÊTAS</strong> <strong>STRICTS</strong>, <strong>LARGES</strong> <strong>ET</strong> <strong>PONDÉRÉS</strong> 9<br />

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[18] M. Waldschmidt, Twisted Hoffman algebras, Report 12/2003, Colloque « Elementare und analytische<br />

Zahlentheorie », Oberwolfach, 2003.<br />

[19] W. Zudilin, Arithmetic of linear forms involving odd zeta values, J. Théor. Nombres Bordeaux 16<br />

(2004), 251–291.<br />

7 novembre 2006<br />

<strong>Jacky</strong> <strong>Cresson</strong>, Laboratoire de Mathématiques appliquées de Pau, Bâtiment I.P.R.A, Université de Pau et<br />

des Pays de l’Adour, avenue de l’Université, BP 1155, 64013 Pau cedex, France<br />

E-mail : jacky.cresson@univ-pau.fr

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