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Plante du mois<br />
L’ÉRYSIMUM<br />
La plante de votre gorge<br />
et de votre voix !<br />
L’érysimum, dont l’autre nom est « l’herbe aux chantres »,<br />
est une plante bien connue pour soigner la voix des chanteurs<br />
et on la retrouve à ce titre dans plusieurs spécialités<br />
pharmaceutiques indiquées en cas d’enrouements.<br />
Au début du XVI e siècle déjà,<br />
le médecin et naturaliste<br />
français Guillaume Rondelet<br />
utilisait l’érysimum (Sisymbrium<br />
officinalis) pour soigner les enrouements.<br />
Jacques Daléchamp, son élève<br />
et auteur de Historia generalis plantarum,<br />
une compilation de toutes les<br />
connaissances botaniques de l’époque,<br />
le raconte : « Rondelet, mon<br />
précepteur, fut le premier que je sache<br />
qui le mit en usage, par la seule<br />
décoction duquel il me souvient qu’il<br />
rendit la voix gaillarde et claire à un<br />
enfant de chœur qui l’avoit du tout<br />
cassée et quasi perdue avec le souffle<br />
mesme. ». Et contrairement à de nombreuses<br />
plantes qui ont été oubliées<br />
au fil des siècles, l’érysimum, lui, a<br />
continué son chemin. Le Dr Leclerc,<br />
chef de file de l’école de phytothérapie<br />
en France au début du XX e siècle,<br />
soignait, avec cette plante, nombre de<br />
ses patients dont la voix était mise à<br />
rude épreuve. Il affirmait qu’ils obtenaient<br />
un réel soulagement en cas<br />
d’enrouements, de maux de gorge,<br />
d’inflammation du pharynx et de trachéite.<br />
De l’essence allylique<br />
L’érysimum est une plante qui contient<br />
une forte proportion d’essence allylique,<br />
une essence sulfurée sans doute<br />
grandement responsable de ses bienfaits<br />
! De la famille des crucifères, elle<br />
est considérée comme la plante spécifique<br />
des cordes vocales.<br />
Surtout frais<br />
On emploie la plante entière et, plus<br />
elle est fraîche, plus elle semble efficace.<br />
Il suffit de la préparer en infusion.<br />
Comptez deux cuillerées à<br />
soupe pour une tasse d’eau bouillante<br />
et laissez infuser 20 minutes (sous un<br />
couvercle). Buvez-en trois ou quatre<br />
tasses dans la journée. Vous pouvez<br />
aussi employer la plante sèche,<br />
mais pour qu’elle ait un maximum<br />
d’efficacité, préparez-la de la manière<br />
suivante : comptez 40 à 60 g de<br />
plante sèche pour un litre d’eau tiède.<br />
Laissez macérer toute la nuit. Passez<br />
le matin et buvez votre litre dans la<br />
journée, en quatre ou cinq fois, entre<br />
les repas. Faites à chaque fois tiédir la<br />
macération et sucrez avec du miel.<br />
Où trouver l’érysimum<br />
Cette plante très commune pousse le<br />
long des haies, au bord des chemins et<br />
dans les terrains en friche. Ses feuilles<br />
vert foncé toutes déchiquetées poussent<br />
sur des tiges squelettiques désordonnées.<br />
Et les petites fleurs jaunes à<br />
quatre pétales sont typiques des crucifères,<br />
disposées en épis le long des<br />
rameaux. Elles s’épanouissent de mai<br />
à septembre, puis viennent de longues<br />
et minces gousses.<br />
Un délicieux sirop<br />
Vous pouvez aussi fabriquer votre<br />
sirop : faites bouillir 30 g de feuilles<br />
et de fleurs d’érysimum et 10 g<br />
de réglisse (sauf si vous souffrez<br />
d’hypertension) dans un litre d’eau<br />
jusqu’à réduction du tiers. Ajoutez<br />
200 g de miel et faites chauffer<br />
au bain-marie jusqu’à obtenir la<br />
consistance d’un sirop. Mettez en<br />
flacon. Prenez-en 4 à 5 cuillerées à<br />
dessert par jour en cas d’enrouements,<br />
d’extinction de voix ou de mal de<br />
gorge plus généralement.<br />
Sophie Lacoste<br />
16
Sophie Lacoste<br />
De Racine à Boileau<br />
Plusieurs auteurs rapportent ce que Racine écrivait à<br />
son ami Boileau atteint d’une extinction de voix : « Le<br />
sirop d’érysimum n’est point assurément une vision.<br />
M. Dodart, à qui j’en parlai il y a trois jours, me dit et<br />
m’assura en conscience que M. Morin, qui m’a parlé<br />
de ce remède, est sans doute le plus habile médecin<br />
qui soit dans Paris et le moins charlatan. Ce médecin<br />
m’a assuré que si les eaux de Bourbonne ne vous guérissent<br />
pas, il vous guérirait infailliblement. Il m’a<br />
cité l’exemple d’un chantre de Notre-Dame, à qui un<br />
rhume avait fait perdre entièrement la voix depuis six<br />
mois, et il était prêt à se retirer. Ce médecin l’entreprit,<br />
et avec une tisane d’une herbe qu’on appelle, je<br />
crois, érysimum, il le tira d’affaire en telle sorte que<br />
non seulement il parle, mais il chante, et a la voix<br />
aussi forte qu’il l’ait jamais eue. J’ai conté la chose<br />
aux médecins de la cour ; ils avouent que cette plante<br />
d’érysimum est très bonne pour la poitrine. »<br />
BS N° 129 - Octobre 2010 17