Le - Institut kurde de Paris

SUITE
«Nous ne négocierons jamais avec le président Saddam Husseiü »
déclare M. Ja/al Talabani, chef du principal mouvement kurde irakien
LONDRES
de notre envoyé spécial
• U glnocid~ dont Ofl/ ité victim~s
I~s Arméniens en 1915 est en
Irain de se répéter au Kurdistan irakien
.• De passage à Londres,
M. Jalal Talabani, l'un des dirigeants
historiques du mouvement
nationaliste ~urde et chef de l'Union
patriotique du Kurdistan (UPK), la
principale organisation des Pechmergas
du Kurdistan irakien,
s'étonne du fait que l'opinion internationale
ne s'émeuve pas outre
mesure de ce qui se passe actuellement
dans celte pa.rtie du monde.
• Nous assiJ/ons, dit-il, à un~
véritable destruclion de tout ce qui
esl kurde dans nos régions. Au
cours du seul mois en cours, I~s Irakiens
ont eu recours aux armes
chimiqu~s à vingl-trois reprises. Il y
a eMore trois jours, plus de deux
mille Kurdes, pour la plupart
des
civils, ont perdu la vie à la suite de
bombardemefl/s à l'a,me chimiq:le.
effectués par l'aviation irakienne
dans la région de Halabja,
occupée récemment par les forces
del'UPK,
Une « rupture
irrévocable ,.
Dans ce contexte, M. Talabani
approuve-t-il les propos de
M. Amine Noshilwan, le secrétaire
général adjoint de l'UPK, qui nous
déclarait il y a pr~ d'un an souhaiter.
le dém~mb,ement de l'l,ok en
plusieu,s pelits EtaIS, ch/ite, sunniU
et ku,de. (le Monde dU:
16 avril 1987)? Cette déclaration
avait, à l'époque, suscité de vifs
remous en Irak, y compris parmi les
propres alliés de l'UPK qui y avaient
vu une sorte de provocation maladroite,
Apra!> quelques hésitations,
M. Talabani répond vaguement :
• Nous sommes pou, l'autoflOmi~
du Ku,dislan i,akim et pou, son
autodéte,minalion. Si un ,Igim~
démocratique s'inslall~ en l,ok.
nous sommes p,éts à accepte' avec
lui une fo,mule de fédération qui
'~ste à défini" Mais si l'J,ok 'est~
une dictatu,e, nous opte'ons pou, la
r,lation d'un Ku,distan ind/~ndont
~I dlmoc,atique. N'oublions
pas qu'uM pa'tie de notr~ pays a
élé att,ibuée pa' /'impé'ialism~ à
l'I,ak .•
• Nous sommes, dit-il, cont,e
toutes I~s fo,mes de diclatu,~. En
/'occurrenc~. nous sommes des victimes
du pouvoi, pe,sannel du p,ésidefl/
Saddam HusseilL La ruplu,e
en/'e nous el le numé,o un i,akien
esl définitive el irrévocable. Nous le
considé,ons comme un criminel de
guerre, el même s'il change d'avis et
nous p,opose une formule de fédé-
,ation, nous ,ejetterons son offre. JI
[out qu'il pa'te. Tous les crimes qui
sont commis au Kurdistan irakien
sanI o,donnés pa' lui el par lui seul.
Quoi qu'il arrive, nous ne négocierons
jam!1;s avec lui .•
Le chef de l'UPK affirme qu'il a
reçu fin février une proposition de
Bagdad lui demandant de reprendre
les négociations qui avaient été
engagées en décembre 1983 dans le
but de réviser la loi d'autonomie du
Il mars 1974 qui régit les relations
de Bagdad avec les Kurdes d'Irak;
Apr~ quatorze mois de discussions
laborieuses émaillées de multiples
incidents, les pourparlers avaient
échoué en janvier 1985, au moment
où ils étaient sur le point d'aboutir.
M. Talabani se livre à une sortet
d'autocritique en admettant qu'il
avait à l'époque cru en la bonne fol
des négociateurs de Bagdad, alorS
que ces derniers, admet-il mainte~
nant, ne cherchaient qu'à gagner du
temps pour mieux pouvoir faire face
au danger principal venant de Téhéran.
Il reconnaît cependant que
l'UPK souhaitait, à la même époque,
une trêve pour permettre à ses
unités, épuisées par la longue lutte
qu'elles menaient presque sans interruption
depuis 1975, de reprendre
leur forces,
Il est prêt, ajoute-t-i1 toutefois. à
dialoguer avec les Irakiens si le président
est remplacé par. quelqu'un
d'aut'~ ' .• Je suis disposé, dit-il, à
,ep,end,e les négociations interrompues
en 1985 pa' exemple avec
M. Izzet Ib,ahim EI-Dou,; (le vice:-
président du Conseil de la révolution
souvent considéré comme le numéro
deux du régime de Bagdad, ca' j~
suis fermement pe,suadé qu'iI n'~st
pas d'accord avec ce qui se passe au
Ku,distan-i,akien. •
M, Talabani souligne avec insistance
que son hostilité à l'égard du
président Sadd am Hussein n'est pas
dictée par un quelconque esprit de
soumission à l'égard de Téhéran ni
par l'alliance qu'il a conclue en octobre
1987 avec le régime de l'imam
Khomeiny, qu'il considérait
jusqu'alors comme étant la véritable
menace contre le mouvement nationaliste
kurde.
Après l'échec des négociations
avec Bagdad, affirme-t-il, les Iraniens
nous ont offert leur aide à la
condition que nous débarrassions
nos • territoi,es libé,és • des différents
mouvements kurdes d'opposilion
au régime de Téhéran .• Nous
avons ,épandu que not,e vocation
n'élail pas de comballre nos f,êres
kurdes, el il a fallu prês de deux
ans pou, qu'ils se fassent à celle
idée. oJ
UneaUiance
purement tactique
M. Talabani estime que l'alliance
conclue entre l'UPK, le Parti démocratique
du Kurdistan (PDK) de
Massoud Barzani et les Iraniens est
de nature purement tactique.
• Nous avons, dit-il, le droit el le
d~voi, de nous allier avec ceux qui
combatt/!flt fIOSennemis mais sans
mettre en cause fIOt,e indépendance.
JI est v,ai que nous n'aidons plus
nos f,ê,es ku,des d'l'an qui combattent
le ,égime de Téhé,an, mais
nous ,efusons de leu, faire /0
guerre . .,
Mais comment justifier une
alliance, même tactique, qui nie le
concept d'autonomie sous prétexte
qu'il est incompatible avec l'islam?
M. Talabani répond évasivement en
affirmant que le régime de Téhéran
ne se livre à aucun excas anti-kurde
comparable à ce qui se passe au
Kurdistan irakien et que son mouvement
garde une indépendance totale
à l'intérieur même de l'Irak à
l'égard des islamistes groupés au
sein du Conseil suprême de la révolution
islamique d'Irak mis en place
Jl3r Téhéran ..
• lA seule o'ganisation islamiqu~
avec laquelle nous collabo,ons,
prkise-t-il. est le. mouvement d~s
musulmans du Ku,distan i,akien,
une (J,gan/sotion sunnite ifll!éJ!l!ndante
de Téhé,an, qui 'econnaÎI
ouve'tem~nt le d,ail à l'autodétermination
du peuple kurde .•
En conclusion, M. Talabani
regrette amèrement que les autorités
françaises ne lui aient pas accordé
un visa d'entrée en France. Après
tout M, Chirac n'est-il pas un très
bon ami de M. Saddam Hussein?
dit-il en souriant. Il exprime aussi
l'espoir que les rumeurs persistantes
concernant la construction avec
l'aide de techniciens français d'un
nouveau réacteur atomique irakien.
cette rois-ci au Kurdistan, à Karatchouk,
enlre Kirkouk et Mehmour,
ne correspondent pas à la vérité.
JEAN
GUEYRAS.
LA CROIX 19,03.88
REVERS IRAKIEN AU KURDISTAN
L'IRAK ET L'IRAN SE SONT ENGAGÉS DANS UNE ESCALADE SANS PRÉCÉDENT SUR TERRE ET SUR MER
L'offensive iranienne« Aurore
10 1I lancée mercredi dans la
région du Kurdistan irakien
de Suleimaniyeh s'est traduite
jeudi par un grave rev.ers
pour Bagdad, avec la chute de
deUI villes ~des : Halab~a et, Khor-.
.ma1, aUI mams des forces Jr8lllennes:
Pour la preIilière fois depuis la
chute de la ville de Fao (aü sud du
,pays) et l'occupation d'une partie de
la péninsule par l'armée iranienne en
février 1986, l'Irak reconnaît avoir
l'
essuyé une défaite, L'Iran annonce l'aviation de Bagdad de la ville de
que les Gardiens de la révolution ont Halabja,
« libéré 1I au totall02 localités dans
le secteur du Kurdistan irakien et . Pour amener l'Iran à relâcher sa
occupent 800 km 2 du territo~ ira- pression sur le front, l'Irak a pourkien.'
'Selon le communiqué,. suivi jeudi le bombardement des vil.
8000 soldats. irakiens' 'ont été mis les iraniennes dont Téhéran. La capihots
de combat et 3 400 autres cap"' tale iranienne, durement touchée
turés depuis le début. de l'offensice depuis la re'prise de la guerre des
« Aurore 10 lI, TéhéraD affirme par villes le 28 fevrier dernier (81 missi.
ailleurs ..que 4000 personnes ont les en 18 jours), a été évacuée par un
trouvé la mort mercredi dans le bom- grand nombre de ses habitants et.
b~ement à 'l'arme. chimique 1Ii!.... offre désormais le visage d'une ville.
morte,
.L'armé!! irakienne est invitée par
Radio:Bagdad à transformer les
frontières en un Ii grand ciinetière
iranien »et l'état-major irakien a
indi?ué qu'il poursuivrait ses tirs sur
Téhéran en déclarant: « Nous verrons
bien laq,~~ des d~ capitales,
Bagdad'Oil Téheran, sumvra, 1I .•
. . . .
D~ èes co~dition8, lés appels trés.
fermes du Conseil de sécurité des
NationaUnies, exhortant les deux.
belligérants à mettre fin à la « guerre