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I,1 - LUCRECE Commentaire

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SEQUENCE I, TEXTE 1 – <strong>LUCRECE</strong> De natura rerum<br />

<strong>Commentaire</strong><br />

Introduction<br />

Entrée en<br />

matière<br />

Auteur<br />

Contenu et<br />

portée de<br />

l’œuvre<br />

Annonce du plan<br />

du commentaire<br />

• Extrait du De natura rerum, écrit en par Lucrèce, long poème à visée philosophique qui<br />

décrit le monde selon les principes d’Epicure.<br />

• Lucrèce (vers 98 av. J.-C.- 55 ap. J.-C.) : on ne sait pas grand-chose de la vie de cet<br />

auteur.<br />

• Lucrèce est le premier romain à se lancer dans une telle entreprise, un texte en vers. Son<br />

ouvrage est divisé en trois fois deux livres dont les deux grands titres sont « les atomes » et « le<br />

vide ».<br />

• Dans cet extrait, Lucrèce présente la vaine activité de l’homme qui ne sait pas réaliser ses<br />

désirs et s’épuise à vivre.<br />

I- Un discours de persuasion<br />

1. Un texte poétique au service de la démonstration<br />

> Comme il est dit en introduction, le De natura rerum constitue une innovation dans l’art de persuader. Lucrèce<br />

emploie l’hexamètre dactylique pour écrire son poème et dès le premier vers, le rythme et la scansion mettent en<br />

avant la problématique : la coupe penthémimère met en valeur la conditionnelle et le terme « homines » qui est au<br />

cœur du texte puisqu’il s’agit de faire réfléchir l’homme sur lui-même.<br />

> Pour rédiger, Lucrèce avoue lui-même avoir à travailler le matériau langue afin de palier la pauvreté de la langue<br />

romaine : « Si pauvre est notre langue et nouveau mon sujet. » On pourra noter l’emploi d’un terme peu utilisé<br />

comme « mannus » (v.11) qui peut tout aussi bien servir l’équilibre du vers que la compréhension du texte comme<br />

nous le verrons plus tard. La poésie nourrit donc la réflexion par la richesse des possibilités qu’elle offre.<br />

2. Une démonstration bien menée<br />

> Le texte présente trois moments caractéristiques : une présentation du sujet des vers 1 à 8, un exemple précis des<br />

vers 9 à 15 et une conclusion des vers 16 à 18. Le texte débute par une conditionnelle qui pose le problème : « si<br />

possent homines noscere » si l’homme savait et l’homme doit savoir ; puis le démonstratif « ille » (v.8) indique que<br />

l’auteur va se référer à un exemple bien précis (analysé en deuxième partie) ; enfin Lucrèce revient à la réflexion en<br />

liant son exemple à un discours plus théorique « hoc modo ».<br />

> Lucrèce nous propose donc une démonstration illustrée par un exemple. Il cherche donc à toucher au cœur<br />

l’homme et il est intéressant de regarder la manière de s’adresser à son lecteur. D’abord il fait référence aux<br />

hommes en général « homines » puis il change de cible avec « quisque » (v.6). Il nous renvoie ainsi à chacun de<br />

nous par un effet d’entonnoir. A noter que ce changement brusque dans la syntaxe de la phrase crée une hésitation<br />

qu’il n’est pas évidente à rendre en français. Vient ensuite logiquement le pronom « ille » (v.8) pour désigner le<br />

sujet d’étude et enfin Lucrèce revient à l’emploi de « quisque » (v.16). On pourra relever aussi un verbe à la 2 ème<br />

personne du pluriel « uidemus » (v.5) qui fait le lien entre auteur et lecteur. Ces différentes modalités de<br />

présentation du sujet traité, l’homme, visent donc à engager d’avantage le lecteur, le « ille » apparaissant comme un<br />

contre-exemple qu’il convient d’analyser.<br />

II- L’homme pressé<br />

1. Le mouvement, sans cesse ou l’inactivité<br />

> Si l’homme pris en exemple par Lucrèce est un contre-exemple, son activité permanente apparaît d’emblée<br />

comme un défaut majeur. On ainsi relever la présence d’un champ lexical du mouvement et de la précipitation : on<br />

peut distinguer des verbes « exit » (à noter la présence de ce terme en début de vers 8), « reuertit » (v.9), « currit »<br />

(v.11), « agens » (v.11), « instans (v.12), « tetigit » (v.13), « properans » (v.15), « petit » (v.15), « reuisit » (v.15),<br />

et des adverbes « subito » (v.9), « extemplo » (v.13), « praecipitanter » (v.11).<br />

> Par opposition quand l’homme s’arrête, l’inactivité le gagne, mettant ainsi en avant l’excès des réactions. On peut<br />

ainsi relever un parallélisme de construction intéressant (aut… atque…) dans les vers 14 et 15 : une fois qu’il est<br />

posé soit il baille (« oscitat »), s’endort (« abit ») et plonge dans l’oubli (« obliuia quaerit »), soit il reprend sa<br />

course (« petit » et « revisit »). Cette réflexion sur le mouvement trouve toute sa signification au vers 16 quand<br />

Lucrèce reprend son analyse : « hoc se quisque modo fugit ». Il nous renvoie ainsi à chacun de nous « quisque » et<br />

rappelle par le verbe de mouvement accompagné du réfléchi « se … fugit » que l’homme ne veut pas se retrouver<br />

face à lui-même, mais cela est impossible « effugere haud potis est » (v.17).


2. Une image dérisoire de l’homme<br />

> C’est donc une vision bien ridicule qui nous est donnée de l’homme, vision renforcée par une pointe d’humour de<br />

Lucrèce. Il compare, dans le vers 12, l’activité de cet homme à l’empressement que l’on pourrait avoir en cas<br />

d’urgence. L’ironie se retrouve ainsi dans l’adverbe « quasi ».<br />

> Le sujet d’étude de Lucrèce semble vivre dans un profond ennui qui contraste avec les conditions sociales qui<br />

semblent être les siennes. En effet ce dernier dispose de tout le confort d’un homme aisé : il dispose d’une grande<br />

demeure en ville, « magnis ex aedibus » (v.8), d’une villa à la campagne « uillae » (v.13). Il possède aussi un<br />

attelage comme le laisse sous-entendre le terme « mannos » : mais si on se réfère au Gaffiot, il est fait référence à<br />

des « petits chevaux ». Une manière de ridiculiser un peu plus cet homme qui court dans tous les sens ou un simple<br />

effet de style dû aux contraintes poétiques ?<br />

> L’exemple choisit par Lucrèce est donc riche de sens. On pourra penser au fameux adage grec « rien de trop »<br />

(nequid nimis en latin) que les épicuriens ont repris à leur compte. La richesse n’y fait rien ; il faut donc chercher<br />

ailleurs les clefs du bonheur.<br />

III- Le « taedium vitae »<br />

1. Le dégoût de la vie<br />

> Littéralement le « taedium vitae » signifie le dégoût de la vie, il renvoie à un mal de vivre, à un ennui existentiel,<br />

lequel n’est pas engendré par une affection précise (maladie, état de pauvreté, honneur blessé). Ce sentiment<br />

généralisé de crise intérieure non identifiée s’est répandu à Rome parmi l’élite à l’époque des guerres civiles. C’est<br />

ce que décrit bien Lucrèce par l’exemple qu’il propose et plus précisément dans son analyse.<br />

> On relèvera ainsi un vocabulaire lié à la sensation de poids (le verbe sentir se retrouve d’ailleurs dès le premier<br />

vers « sentire ») : « pondus » (v.2), « grauitate » (v.2), « constet » (v.4), « onus » (v.7). La richesse du vocabulaire<br />

utilisé marque la difficulté à exprimer un sentiment généralisé. La poésie peut, à ce titre, aider à cela.<br />

2. L’épicurisme comme solution<br />

> La solution que propose le philosophe est une prise de conscience de sa condition humaine. C’est ce que met en<br />

avant l’opposition des verbes « noscere » (v.3) et « nescire » (v.6). Le dernier vers est, à ce titre, révélateur. La<br />

« maladie » de l’homme vient de son ignorance de sa propre condition, la coupe penthémimère met d’ailleurs en<br />

valeur le terme « morbi ». L’homme n’a d’autre choix que de se tourner vers lui-même et réfléchir à ses propres<br />

besoin.<br />

> Sans évoquer directement l’épicurisme, le texte permet de lire en filigrane la doctrine que défendait Lucrèce. La<br />

critique de la société telle qu’elle existait à l’époque, et en particulier d’une certaine catégorie de personnes met en<br />

avant des excès qui ne rendant pas l’homme plus heureux. Les épicuriens prônent la satisfaction du corps par le<br />

contentement des besoins simples et naturels. L’homme est amené à un regard distancié sur le monde qui l’entoure<br />

et donc sur lui-même. Il est à l’écoute de la nature et des choses de la nature, référence à la suite du texte et au titre<br />

de l’ouvrage.<br />

Conclusion<br />

Bilan du<br />

commentaire<br />

Ouverture<br />

• Lucrèce nous amène donc à suivre progressivement sa thèse, toute emprunte<br />

d’épicurisme. Il le fait de manière détournée. La poésie est son premier appui : les mots ont un<br />

sens qui dépasse le simple traité philosophique. La finesse de l’argumentation finit d’emporter<br />

l’adhésion du lecteur.<br />

• Il n’est donc pas surprenant que, en des temps difficiles, les élites intellectuelles aient pu<br />

trouver un terreau fertile dans les idées développées par Lucrèce dont la philosophie pouvait<br />

apparaître comme un début de solution au malaise d’une époque.

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