Journal du 17 janvier 2011 - Département de sociologie - UQAM
Journal du 17 janvier 2011 - Département de sociologie - UQAM
Journal du 17 janvier 2011 - Département de sociologie - UQAM
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Le Poids-Lu<br />
Le journal étudiant au premier cycle <strong>de</strong> <strong>sociologie</strong> à l’UQÀM<br />
Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> <strong>janvier</strong> <strong>2011</strong>, volume 6, numéro 1, 8 pages, 300 exemplaires<br />
Ulrich Beck<br />
La société <strong>du</strong> risque<br />
Saskia Sassen<br />
The Global City<br />
Anthony Gid<strong>de</strong>ns<br />
La constitution <strong>de</strong> la société<br />
Rentrée <strong>2011</strong><br />
Chloé Lavigne<br />
Redécouvrir notre histoire...<br />
quʹen pensez vous?<br />
Ceci est un chaton et il n’a strictement rien à voir avec la <strong>sociologie</strong>.<br />
Décidément, le journal souffre <strong>de</strong> l’absence d’un graphiste.
INTRO<br />
Mot <strong>du</strong> coordo<br />
Vous tenez entre vos mains la toute première édition<br />
<strong>de</strong> l’année <strong>2011</strong>. L’équipe <strong>du</strong> journal s’est fixée<br />
comme objectif <strong>de</strong> faire paraître trois éditions pour<br />
la session d’hiver. Nous comptons donc naturellement<br />
sur votre participation. En effet, afin<br />
d’atteindre notre but, il nous faudra recevoir<br />
plusieurs textes <strong>de</strong> votre part. D’ailleurs, je suis heureux <strong>de</strong> voir <strong>de</strong><br />
nouveaux noms apparaître dans cette édition <strong>de</strong> votre bien‐aimé<br />
journal étudiant. De plus, les femmes sont passées <strong>de</strong> la<br />
sous‐représentation à la surreprésentation, on ne peut que s’en<br />
réjouir! Il s’agit soit d’un enthousiasme libre et débridant pour la<br />
cause poids‐lusienne, soit <strong>du</strong> résultat d’un entêtement féroce <strong>du</strong><br />
coordo pour inciter <strong>de</strong>s étudiantes à la rédaction. Peu importe, le<br />
résultat est le même. Nous avons donc une belle édition <strong>de</strong> 8 pages<br />
et il me ferait chaud au coeur <strong>de</strong> pouvoir vous en offrir une <strong>de</strong> 12<br />
pages la prochaine fois, comme le veut la tradition. Pour ce faire, il<br />
me faudra compter, évi<strong>de</strong>mment sur ceux et celles qui ont<br />
déjà participé au journal, mais aussi sur <strong>de</strong> jeunes recrues.<br />
En page 3, vous aurez la chance <strong>de</strong> lire pour la première fois un<br />
texte <strong>de</strong> Laurence Cazabon‐Sansfaçon. Cette <strong>de</strong>rnière nous parle<br />
<strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> porter un regard critique et sociologique sur le<br />
militantisme étudiant.<br />
À la page suivante, je vous offre un petit article faisant la critique<br />
<strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> «citoyen <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>».<br />
À la 5e page, vous retrouverez votre toujours très fidèle François<br />
Gagnier. Son texte porte sur l’ironie.<br />
En page 6, <strong>de</strong>ux étudiantes nous récidivent avec leur secon<strong>de</strong> et<br />
prestigieuse publication dans Le Poids‐Lu. Sabrina Paillé nous<br />
invite à un festival <strong>de</strong> film LGBT afro‐caribéen et Chloé Lavigne<br />
commente un roman <strong>de</strong> Yann Martel portant sur l’Holocauste.<br />
À la septième page, vous pourrez lire Mélanie Beauregard, une<br />
autre nouvelle au journal. Son article porte sur l’épineux rapport<br />
entre les Occi<strong>de</strong>ntaux et les Thaïlandaises.<br />
Pour ce qui est <strong>de</strong> la toute <strong>de</strong>rnière page, vous aurez le bonheur<br />
<strong>de</strong> retrouver la rubrique «Commérage socio!» Faites‐moi plaisir et<br />
nourrissez‐la <strong>de</strong> vos observations épicées. Une succulente recette<br />
<strong>de</strong> len<strong>de</strong>main <strong>de</strong> veille vous est aussi offerte sur un plateau<br />
d’argent par le grand chef international qu’est François Gagnier.<br />
Je me suis permis <strong>de</strong> faire une petite annonce pour le compte <strong>de</strong><br />
l’école d’été à Berlin à laquelle une vingtaine d’étudiants et<br />
d’étudiantes en <strong>sociologie</strong> participeront l’an prochain. Vous<br />
pourrez la voir à la <strong>de</strong>rnière page. Madame la charte <strong>du</strong> Poids‐Lu,<br />
soyez in<strong>du</strong>lgente, il ne s’agit pas d’une véritable publicité.<br />
Bonne lecture et bonne session à tous!<br />
MATHIEU FORCIER<br />
Bloc technique<br />
Équipe:<br />
‐ Mathieu Forcier<br />
‐ François Gagnier<br />
‐ Mathieu Lévesque<br />
‐Émilie Larouche<br />
Nous <strong>de</strong>vons remercier tous ceux<br />
et celles qui ont participé au<br />
journal.<br />
Chaque texte reflète l’opinion <strong>de</strong><br />
son auteur‐e et n’engage en rien<br />
le journal.<br />
Le monitorat à votre département<br />
Le monitorat est un service offert à tous les étudiants et étudiantes <strong>du</strong> premier cycle<br />
en <strong>sociologie</strong>. Que vous ayez besoin d’ai<strong>de</strong> pour vos travaux, vos lectures, vos choix<br />
<strong>de</strong> cours et bien plus, les <strong>de</strong>ux étudiants et moniteurs Mathieu Forcier et François<br />
Gagnier sont là pour vous.<br />
‐ Local : A‐5025<br />
‐ Courriel : monitorat@hotmail.com<br />
‐ Téléphone : (514) 987‐3000 poste 4309<br />
‐ Horaire session Automne 2010<br />
Lundi : 9 h 30 à 12 h 30<br />
Mardi : 13 h à 16 h<br />
Mercredi : 10 h à 13 h<br />
Jeudi : 10 h à 13 h<br />
Si vous avez un problème pour un cours ou pour une lecture en particulier, veuillez<br />
s’il vous plaît d’abord nous en aviser par courriel <strong>de</strong> façon à ce que nous soyons le<br />
plus apte à vous venir en ai<strong>de</strong>.<br />
Dépôt légal, Bibliothèque et<br />
Archives nationales <strong>du</strong> Québec.<br />
Monté à Varennes<br />
(avec un peu <strong>de</strong> vino et <strong>de</strong> porto)<br />
2<br />
journalsocio@hotmail.com<br />
Prochaine session:<br />
date <strong>de</strong> tombée:<br />
4 mars <strong>2011</strong><br />
date <strong>de</strong> parution:<br />
7 mars <strong>2011</strong><br />
Le Poids‐Lu et sa diffusion<br />
Archives en ligne<br />
Vous pouvez avoir accès à<br />
toutes les anciennes parutions<br />
<strong>du</strong> Poids‐Lu en ligne!<br />
Sur le site <strong>du</strong> département,<br />
allez sous l’onglet<br />
«Vie étudiante»<br />
Distribution à l’<strong>UQAM</strong>:<br />
‐A‐2470, local <strong>de</strong> l’asso <strong>de</strong> socio<br />
‐ Devant les escaliers <strong>du</strong> premier<br />
étage <strong>du</strong> pavillon Hubert‐Aquin<br />
‐ Un peu partout<br />
Le Poids-Lu- Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> <strong>janvier</strong> 11, vol. six, num. un - journalsocio@hotmail.com
L<br />
e choix <strong>de</strong> se vouer à l’exercice <strong>de</strong>s sciences sociales<br />
doit avant tout être motivé par la passion.<br />
La vocation <strong>de</strong> sociologue n’offre pas un chemin<br />
tracé bien en évi<strong>de</strong>nce <strong>de</strong>vant soi. La <strong>sociologie</strong><br />
n’est pas un domaine offrant <strong>de</strong>s débouchés qui<br />
vont <strong>de</strong> soi, comme la mé<strong>de</strong>cine ou le génie civil par exemple. Bien<br />
sûr, chaque discipline peut être interprétée ou utilisée comme<br />
chacun l’entend, mais disons que la‐le sociologue doit être<br />
particulièrement créatif.<br />
La <strong>sociologie</strong>, donc, est une passion. Elle l’est pour <strong>de</strong> multiples<br />
raisons : à mes yeux, elle permet <strong>de</strong> nourrir à la fois la curiosité<br />
intellectuelle et l’aspiration à la rigueur. Lorsque Max Weber, dans<br />
sa conférence <strong>de</strong> 1919 sur la vocation <strong>de</strong> savant, énonce ce que la<br />
science peut apporter à la vie pratique et personnelle, il me semble<br />
que c’est précisément ce que l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la <strong>sociologie</strong> apporte : <strong>de</strong>s<br />
connaissances permettant <strong>de</strong> mieux appréhen<strong>de</strong>r et comprendre le<br />
mon<strong>de</strong>, <strong>de</strong>s outils et métho<strong>de</strong>s pour mieux utiliser ces<br />
connaissances, une certaine lucidité et une meilleure prescience <strong>de</strong><br />
ce que tout choix intellectuel et pratique peut impliquer. Au sta<strong>de</strong><br />
où j’en suis dans mes étu<strong>de</strong>s, je suis incapable <strong>de</strong> penser en termes<br />
<strong>de</strong> carrière ou <strong>de</strong> métier. Pour l’instant, la <strong>sociologie</strong> nourrit<br />
surtout chez moi une réflexion importante sur l’implication<br />
sociale et, plus profondément, sur le militantisme.<br />
En ce sens, la relation entre science et politique soulevée par<br />
Weber m’apparaît fondamentale. L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> la <strong>sociologie</strong> a initié<br />
pour moi une expérience <strong>de</strong> déconstruction d’idéaux que je<br />
croyais bien ancrés; processus qui s’est avéré être en fait le grand<br />
plaisir <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette discipline. L’acquisition <strong>de</strong><br />
connaissances, <strong>de</strong> théories, <strong>de</strong> concepts scientifiques a fait en sorte<br />
que ma critique, mon regard sur le mon<strong>de</strong> ont profondément<br />
changé. En fait, je crois que mes étu<strong>de</strong>s en <strong>sociologie</strong> me font<br />
apercevoir, justement, cette multitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> dieux dont Weber<br />
parlait, mais également ce qu’il y a <strong>de</strong> critiquable en chacun.<br />
J’ai pris conscience assez tôt <strong>de</strong> nombreux déchirements <strong>du</strong><br />
mon<strong>de</strong> dans lequel nous vivons. Plutôt que <strong>de</strong> laisser cette prise <strong>de</strong><br />
conscience se transformer uniquement en cynisme ou en<br />
frustration, j’ai préféré miser sur l’implication citoyenne. Cette<br />
implication se transforme peu à peu en militantisme,<br />
particulièrement dans le milieu étudiant. Pourtant, je me rends<br />
compte que le développement <strong>de</strong> mon goût pour la rigueur<br />
scientifique m’empêche <strong>de</strong> militer <strong>de</strong> façon aveugle, attitu<strong>de</strong> que<br />
Laurence Cazabon‐Sansfaçon<br />
SOCIOLOGIE ET MILITANTISME<br />
CHRONIQUE<br />
j’ai parfois pu observer dans le milieu étudiant. Je ressens le besoin<br />
<strong>de</strong> conserver une certaine distance critique, afin <strong>de</strong> rester<br />
vigilante, luci<strong>de</strong>, <strong>de</strong> m’assurer que le sens et la portée <strong>de</strong> mon<br />
action correspon<strong>de</strong>nt toujours à mes valeurs, au sens que je veux<br />
leur donner. Dans cette perspective, les connaissances que<br />
j’acquiers, les outils méthodologiques, critiques que je commence à<br />
maîtriser, non seulement me permettent, mais m’obligent à<br />
remettre constamment en question les gestes militants que je pose.<br />
J’ai assisté récemment à une conférence <strong>de</strong> Dan O’Meara,<br />
professeur au département <strong>de</strong> Sciences politiques <strong>de</strong> l’<strong>UQAM</strong>, qui<br />
exposait les 10 comman<strong>de</strong>ments <strong>de</strong> la lutte antiapartheid dans le<br />
cadre <strong>de</strong> la conférence <strong>de</strong> BDS (Boycott, désinvestissement et<br />
sanctions) en octobre <strong>de</strong>rnier. Le 6e comman<strong>de</strong>ment dont il a<br />
discuté concernait la nécessité, pour les militant‐e‐s, <strong>de</strong> maintenir<br />
une rigueur que l’on pourrait qualifier <strong>de</strong> scientifique. Il expliquait<br />
l’importance <strong>de</strong> pro<strong>du</strong>ire <strong>de</strong>s recherches, d’accumuler un savoir<br />
sur la lutte menée, tant pour le mouvement lui‐même que pour<br />
pouvoir réfuter les arguments <strong>de</strong> ses opposant‐e‐s.<br />
La lecture <strong>de</strong> la vocation <strong>de</strong> savant <strong>de</strong> Weber m’a fait penser à<br />
cette conférence. Le militantisme ne se fait pas, et ne doit pas se<br />
faire, dans une salle <strong>de</strong> cours. Il doit s’exercer sur la place<br />
publique, là où, comme le dit Weber, les opinions peuvent<br />
s’affronter librement. Cependant, la rigueur scientifique ne doit<br />
pas non plus être confinée à la salle <strong>de</strong> cours. L’action militante<br />
doit être accompagnée d’une réflexion, poussée par un savoir<br />
objectif. Cette réflexion est trop peu effectuée. Elle n’est pas<br />
suffisamment ancrée dans les habitu<strong>de</strong>s militantes. Elle est<br />
présente dans les discussions, mais pas assez profon<strong>de</strong> et<br />
rigoureuse.<br />
Dans le contexte <strong>de</strong> l’escala<strong>de</strong> <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> pression<br />
actuellement en court en réaction à l’imminente possibilité d’une<br />
importante hausse <strong>de</strong>s frais <strong>de</strong> scolarité, je crois que cette réflexion<br />
est plus que jamais essentielle. Cette réflexion ne peut pas être<br />
effectuée uniquement par un milieu militant restreint et, disons‐le,<br />
parfois hermétique. Elle doit être élargie à l’ensemble <strong>de</strong> la<br />
communauté étudiante, elle doit être active et s’accompagner d’un<br />
savoir, d’une compréhension toujours grandissante <strong>de</strong>s enjeux qui<br />
nous concernent. Alors, soyons proactifs et proactives et réfléchissons!<br />
Pour participer au journal Le Poids‐Lu<br />
Écrivez‐nous au journalsocio@hotmail.com<br />
Thème <strong>de</strong> la prochaine édition: «É<strong>du</strong>cation»<br />
Faites‐nous parvenir vos textes avant le 7 mars <strong>2011</strong>.<br />
*En respect <strong>de</strong> la charte, veuillez féminiser vos textes.<br />
Le Poids-Lu- Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> <strong>janvier</strong> 11, vol. six, num. un - journalsocio@hotmail.com<br />
3
LES ENJEUX DE MATHIEU<br />
Dans le roman Cosmopolis <strong>de</strong> l’écrivain états‐unien<br />
Don Delillo, un gol<strong>de</strong>n boy riche à craquer et selfma<strong>de</strong>‐man<br />
<strong>de</strong> surcroît épouse une jeune femme<br />
membre d’une gran<strong>de</strong> famille fortunée. Cette <strong>de</strong>rnière<br />
fait valoir que cette union s’apparente aux<br />
grands mariages princiers <strong>de</strong> la vielle Europe. Eric,<br />
l’époux, rétorque alors « sauf que je suis un citoyen <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> avec<br />
<strong>de</strong>s couilles new‐yorkaises.(1) » Mais à quoi renvoie donc cette<br />
désignation <strong>de</strong> citoyen <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>? Qu’est‐ce qui unit les membres<br />
<strong>de</strong> l’organisation Citoyens <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>, que l’on pourrait qualifier<br />
aujourd’hui d’altermondialistes, à ce que Samuel Huntington<br />
appelait la culture <strong>de</strong> Davos(1) regroupant, banquiers, p.d.g., journalistes<br />
et intellectuel‐e‐s discutant économie <strong>de</strong> marché et démocratie<br />
libérale en langue anglaise? En vérité, si être citoyen‐e <strong>du</strong><br />
mon<strong>de</strong> n’implique qu’être humain habitant la planète Terre, cela<br />
apparaît comme étant, d’une part, fort peu utile, et, d’autre part,<br />
fourvoyant.<br />
En effet, s’il était question d’être habitant et habitante <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>,<br />
certes ce serait toujours aussi inutile comme trait d’auto‐définition<br />
en ce qu’il s’agirait <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification à un peuple abstrait dénué<br />
<strong>de</strong> capacités d’auto‐législation, mais au moins aucune contradiction<br />
interne ne serait impliquée. Lorsque l’on parle <strong>de</strong> citoyenneté<br />
mondiale, c’est bien le terme citoyenneté qui pose problème, car,<br />
ultimement, cela mène à une négation <strong>de</strong> la citoyenneté. Une définition<br />
élémentaire veut que le citoyen soit « une personne qui,<br />
dans un pays donné, jouit <strong>de</strong> tous ses droits politiques(3) ». Il s’agit<br />
donc d’un terme fondamentalement politique, impliquant bien sûr<br />
<strong>de</strong>s droits indivi<strong>du</strong>els, mais aussi <strong>de</strong>s <strong>de</strong>voirs, ne serait‐ce que<br />
celui <strong>de</strong> se mêler <strong>de</strong>s affaires publiques en exerçant son droit <strong>de</strong><br />
vote. De même, le citoyen et la citoyenne ne peuvent se prévaloir<br />
d’un tel statut que si un État leur octroie et leur reconnaît leur<br />
citoyenneté. A‐t‐on besoin ici <strong>de</strong> rappeler qu’aucun appareil politique,<br />
juridique et administratif n’octroi <strong>de</strong> statut établissant une<br />
citoyenneté mondiale? Une telle citoyenneté est donc apolitique en<br />
ce qu’elle ne peut s’appuyer sur aucun levier politique à l’échelle<br />
<strong>de</strong> ses prétentions transnationales. S’il ne s’agissait que d’une<br />
dénomination humaniste et cosmopolitique, nul besoin il y aurait<br />
<strong>de</strong> la critiquer, elle serait même plutôt salutaire. Or, elle <strong>de</strong>vient<br />
autrement plus problématique lorsqu’elle suppose une posture<br />
plus naïve qu’utopique <strong>de</strong> mon<strong>de</strong> sans frontières où, non seulement,<br />
le citoyen <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> ne peut participer à un processus d’autodétermination<br />
au niveau mondial, mais adopte une attitu<strong>de</strong> passive<br />
au niveau étatique où sa qualité <strong>de</strong> citoyen est réelle et effective<br />
sous prétexte que son statut <strong>de</strong> citoyen mondial appelle le<br />
dépassement <strong>de</strong>s frontières nationales.<br />
Il n’est pas question d’aller à l’encontre <strong>du</strong> cosmopolitisme et <strong>de</strong><br />
se replier à l’intérieur <strong>du</strong> cadre national, au contraire tous <strong>de</strong>ux<br />
doivent se nourrir mutuellement et non pas s’exclure. Par exemple,<br />
je ne critique pas en tant que tel le stage d’initiation à la coopération<br />
internationale que j’ai fais au Sénégal il y a <strong>de</strong> cela cinq ans,<br />
mais plutôt le chandail que je portais sur lequel était simplement<br />
écrit citoyen <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> alors qu’il était pro<strong>du</strong>it par l’ACDI<br />
(Agence canadienne <strong>de</strong> développement international), ce qui est<br />
un non‐sens manifeste. Pour qu’il soit effectif, l’altermondialisme<br />
4<br />
Citoyen <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>?<br />
MATHIEU FORCIER<br />
ne doit pas exclure les arènes politiques<br />
étatiques. L’horizon peut bien être mondial,<br />
mais il n’en <strong>de</strong>meure pas moins que<br />
les transformations sociales sont possibles<br />
par le politique qui lui, malheureusement<br />
peut‐être, n’a pas encore su<br />
suivre une extension mondiale comparable<br />
à celle <strong>de</strong> l’économie. Pour certaine‐s,<br />
l’altermondialisme « ressemble <strong>de</strong><br />
plus en plus à l’embryon <strong>de</strong> ce qu’on<br />
pourrait nommer une citoyenneté mondiale(4)<br />
». En constituant une société<br />
civile mondiale, il participerait à la revitalisation<br />
<strong>de</strong> la démocratie à l’échelle mondiale. Cependant, pour<br />
ce faire, encore faudrait‐il avoir <strong>de</strong>s institutions juridiques et politiques<br />
d’une ampleur analogue et il est évi<strong>de</strong>nt que les droits <strong>de</strong><br />
l’homme ne sauraient être suffisants. En effet, comme le rappelle<br />
le philosophe Yves Cusset, ils « ne fon<strong>de</strong>nt pas une citoyenneté,<br />
i.e., l’exercice concret <strong>de</strong> droits et la jouissance <strong>de</strong> droits subjectifs<br />
en <strong>de</strong>hors d’un cadre juridique déjà donné […] qui, lui, fon<strong>de</strong> déjà<br />
un statut <strong>de</strong> citoyen(5) ». Une structure politique apparaît alors<br />
inévitable.<br />
Pour Jürgen Habermas, il est impératif que les États en viennent<br />
à s’intégrer sous la forme d’un réseau transnational <strong>de</strong> façon à ce<br />
que puisse s’élaborer une politique intérieure mondiale. Une telle<br />
communauté politique supranationale lierait juridiquement <strong>de</strong>s<br />
citoyens mondiaux. De même, le politique pourrait rattraper l’économie<br />
mondialisée et ainsi entamer un désenchâssement <strong>de</strong> la<br />
sphère économique. Habermas ne manque pas <strong>de</strong> noter que la<br />
citoyenneté <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> s’exprime sur un mo<strong>de</strong> essentiellement<br />
négatif et réactif, c’est‐à‐dire qu’elle se fait jour lorsque <strong>de</strong>s droits<br />
<strong>de</strong> l’homme élémentaires sont bafoués. Ainsi, s’il est indéniablement<br />
souhaitable que la solidarité civique développée au sein <strong>de</strong><br />
l’espace national puisse s’étendre au niveau mondial, selon<br />
Habermas, « ce qui manque à la culture politique <strong>de</strong> la société<br />
mondiale, c’est la dimension commune, d’ordre éthico‐politique,<br />
qui serait nécessaire à la formation équivalente d’une communauté<br />
et d’une i<strong>de</strong>ntité à l’échelle <strong>de</strong> la planète(6) ». Pour pallier ce<br />
manque d’i<strong>de</strong>ntité narrative, cette citoyenneté <strong>de</strong>vrait prendre<br />
appui sur le droit cosmopolitique international. Celui‐ci instituerait<br />
<strong>de</strong>s sociétaires libres et égaux et conforterait la légitimité d’une<br />
démocratie post‐nationale sur laquelle une certaine citoyenneté<br />
mondiale doit jeter ses bases. Bref, la citoyenneté mondiale, pour<br />
aspirer à sa réalisation doit s’inscrire dans un projet établissant<br />
juridiquement une citoyenneté mondiale – nécessairement politique<br />
–, condition <strong>de</strong> la solidarité.<br />
1. Don Delillo, 2003, Cosmopolis, Actes Sud, coll. « Babel », trad. Marianne Véron,<br />
p. 37.<br />
2. Samuel P. Huntington, Le Choc <strong>de</strong>s civilisations, Paris, Odile Jacob, p. 71.<br />
3. Philippe Boudreau et Clau<strong>de</strong> Perron, 2006, Lexique <strong>de</strong> science politique,<br />
Montréal, Chenelière é<strong>du</strong>cation, 2e éd., p. 32.<br />
4. Gilbert Wasserman, « L’embryon d’une citoyenneté mondiale », Mouvements,<br />
n°25, <strong>janvier</strong>‐février, 2003, p. 31.<br />
5. Yves Cusset, « Peut‐on désutopiser le cosmopolitisme? Réflexions sur la citoyenneté<br />
mondiale », Raisons politiques, n°32, 2008, p. 141.<br />
6. Jürgen Habermas, 2000, Après l’État‐nation. Une nouvelle constellation politique,<br />
Paris, Fayard, pp. 118‐119.<br />
Le Poids-Lu- Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> <strong>janvier</strong> 11, vol. six, num. un - journalsocio@hotmail.com
Le temps <strong>de</strong>s fêtes a été un moment privilégié pour moi<br />
<strong>de</strong> revoir ma famille et <strong>de</strong> vieilles connaissances que je<br />
vois trop peu souvent <strong>de</strong>puis que j’habite à Montréal.<br />
Cette pério<strong>de</strong> a donc été un moment <strong>de</strong> célébration où<br />
l’alcool coulait à profusion, créant ainsi <strong>de</strong>s discussions<br />
très animées où chacun croyait pouvoir régler le sort <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> et<br />
ses misères. Au cours <strong>de</strong> ces discussions, je me suis trop souvent<br />
amusé à user d’ironie afin <strong>de</strong> faire réagir parents, amis et amies qui<br />
ne sont pas accoutumé‐e‐s avec ma façon d’user <strong>de</strong> cette rhétorique.<br />
En fait, mon humour a maintes fois été mal interprété et m’a<br />
obligé à <strong>de</strong>voir m’expliquer sur la réelle visée <strong>de</strong> mes propos, ce<br />
qui m’a amené à réfléchir sur les raisons pour lesquelles j’usais<br />
couramment <strong>de</strong> l’ironie et c’est à ce moment que je me suis remémorer<br />
un texte <strong>de</strong> Hugh Dalziel Duncan, Communication and Social<br />
Or<strong>de</strong>r, qui traitait <strong>de</strong> la fonction <strong>de</strong> l’ironie dans la société. Dans cet<br />
article, je vous propose donc <strong>de</strong> revoir la « fonction sociale <strong>de</strong><br />
l’art.» selon Duncan. Tout d’abord, si l’on veut comprendre sa théorie<br />
sur l’ironie, il faut préalablement partir <strong>de</strong> sa conception <strong>de</strong><br />
l’art, puis <strong>de</strong> la comédie pour ensuite voir comment l’ironie est un<br />
outil efficace <strong>de</strong> mise en doute dans les sociétés démocratiques, car<br />
elle permet <strong>de</strong> questionner ce système politique sans nécessairement<br />
le rejeter totalement.<br />
Pour Duncan, la religion et l’art étaient souvent confon<strong>du</strong>s parce<br />
qu’ils jouaient un rôle déterminant dans le social. En fait, l’art agit<br />
comme médiateur symbolique <strong>de</strong> la « vérité » religieuse(1). C’est<br />
pourquoi ces <strong>de</strong>ux formes culturelles étaient confon<strong>du</strong>es. L’art est<br />
la voie communicationnelle <strong>du</strong> divin religieux qui permet <strong>de</strong> glorifier<br />
ses symboles(2), ou <strong>du</strong> moins il permet <strong>de</strong> donner forme aux<br />
diverses émotions qui se retrouvent dans le religieux. Toutefois,<br />
pour Duncan, il est erroné d’affirmer que l’art est encore dépendant<br />
<strong>de</strong> la religion. En effet, le tragique qui est une forme d’art qui<br />
est traditionnellement présent dans l’univers chrétien n’est, à présent,<br />
plus nécessairement lié à celui‐ci. Dans le mon<strong>de</strong> d’aujourd’hui,<br />
l’art vit pour lui‐même et Duncan voit en la comédie un<br />
exemple très éloquent. Autrefois, c’est surtout le tragique qui était<br />
la forme préconisée à cause <strong>de</strong> son lien intime avec le religieux,<br />
mais maintenant les vertus <strong>du</strong> comique ne sont plus à démontrer.<br />
Pour illustrer ce propos, Duncan cite <strong>de</strong>s auteurs qui ont excellé<br />
dans la comédie tels que Shakespeare, Chaplin, Mozart et plusieurs<br />
autres(3). Il n’y a donc pas <strong>de</strong> formes plus nobles entre le<br />
tragique et la comédie. Tout comme le tragique, la comédie a donc<br />
son rôle social, toutefois celui‐ci est autre : « Jokes serve as a resistance<br />
against the authority and as escape from its pressure(4)». La possibilité<br />
<strong>de</strong> critiquer l’ordre établi à partir <strong>de</strong> la comédie est très<br />
bénéfique pour une société. Or, bien que la comédie permette <strong>de</strong><br />
critiquer, jamais il n’est question <strong>de</strong> renverser cet ordre. Il explique<br />
cela en prenant l’exemple <strong>de</strong>s « comics » américains entre 1880 et<br />
1930 : « He rejects the Puritain ethic of earning, but not the plutocratic<br />
ethic of spending(5) ». Il y a donc une critique qui peut être formulée,<br />
mais il n’y a pas une remise en doute <strong>du</strong> système global.<br />
Pour Duncan, l’une <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> la comédie qui use <strong>de</strong> la raison<br />
est l’ironie. L’ironie est un style comique qui ne va ni accepter ni<br />
rejeter l’ordre social, mais va plutôt en douter. Cela va donc nécessiter<br />
<strong>de</strong> confronter nos vices et non simplement <strong>de</strong> les éviter ni<br />
même <strong>de</strong> les nier. Pour Duncan, l’ironie peut être employée si l’un<br />
La fonction sociale <strong>de</strong> l’ironie<br />
FRANÇOIS GAGNIER<br />
IRONIC STORY<br />
<strong>de</strong> ces trois phénomènes est effectif : 1‐ lorsque le doute est<br />
considéré comme <strong>de</strong> la faiblesse et <strong>de</strong> l’hérésie 2‐ lorsqu’il y une<br />
trop grosse différence (gaps) entre les conditions <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />
classes 3‐ lorsque la raison n’est pas une valeur(6). L’ironie est une<br />
forme d’humour à un double sens, c’est‐à‐dire que lorsque l’ironiste<br />
exprime un propos, il veut dire le contraire <strong>de</strong> ce qui l’affirme.<br />
C’est pourquoi la raison est une valeur essentielle pour la compréhension<br />
<strong>de</strong> l’ironie. Elle représente un moyen <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r la<br />
société flexible et ouverte au changement, « Comedy, and espacially<br />
ironic comedy, instutionalizes doubt and question(7) ». Néanmoins, ces<br />
critiques sont loin d’être radicales parce que comme l’explique<br />
Duncan, les différentes autorités sont questionnées dans la comédie,<br />
non pas l’autorité même(8). Il est aussi possible <strong>de</strong> rire d’un<br />
fait social temps et aussi longtemps que celui‐ci est accepté par la<br />
société, « We laugh at the immigrants so long as we are secure in<br />
the glory of our principles of social or<strong>de</strong>r »(9).....................................<br />
« L’ironisme rend joyeux les gens conscients(10) », avec ces<br />
quelques mots, Yvan Moreau exprime exactement pourquoi j’adore<br />
cette forme comique.<br />
Variation sur les chatons, quadriptyque, huile sur toile, 150 X 150 cm, collection<br />
nationale, musée <strong>de</strong>s Beaux Arts <strong>du</strong> Québec, François Gagnier<br />
1. Hugh Dalziel Duncan. (2002) «Communication and Social Or<strong>de</strong>r», New Brunswick<br />
(USA)/Londres : Transaction Publishers, p.374<br />
2. Ibid.<br />
3. Id. p.375<br />
4. Id. p.376<br />
5.Id. p.379<br />
6. Id. p.381<br />
7.Id. p.387<br />
8 Ibid.<br />
9.Id. p.389<br />
10.Yvan Moreau. (2000) « Une petite dose d’ironie », ETC, n° 51 p.15<br />
Le Poids-Lu- Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> anvier 11, vol. six, num. un - journalsocio@hotmail.com<br />
5
ARTICLE<br />
Festival MassiMadi ‐Rendre visible l’invisible : l’homosexualité et les<br />
communautés noires dans le cinéma<br />
A<br />
rc‐en‐ciel d’Afrique, organisme sans but lucratif<br />
oeuvrant <strong>de</strong>puis maintenant six ans à la lutte contre<br />
l’homophobie dans les communautés noires <strong>de</strong><br />
Montréal et <strong>du</strong> Québec ainsi qu’à la lutte contre<br />
l’isolement chez les personnes gaies, lesbiennes,<br />
bisexuelles et transgenres d’origine africaine et<br />
antillaise, organise pour la troisième année consécutive le festival<br />
<strong>de</strong> films MassiMadi, <strong>du</strong> 6 au 12 février <strong>2011</strong>.<br />
Contraction <strong>de</strong>s mots créoles «massisi» et « madivinèz », termes<br />
péjoratifs signifiant « gai » et «lesbienne», dont la réappropriation<br />
par la communauté LGBT noire tra<strong>du</strong>it une volonté d’affirmation<br />
d’une fierté i<strong>de</strong>ntitaire, MassiMadi est un festival <strong>de</strong> films LGBT<br />
afro‐caraïbéen organisé dans le cadre <strong>du</strong> Mois <strong>de</strong> l’Histoire <strong>de</strong>s<br />
Noirs. Comme il règne toujours dans les communautés africaines<br />
et caraïbéennes en Amérique <strong>du</strong> Nord l’idée que l’homosexualité<br />
n’existe pas chez les Noirs, qu’il s’agit d’un phénomène occi<strong>de</strong>ntal<br />
ou encore d’une «maladie <strong>de</strong> blancs », le mois <strong>de</strong> février <strong>de</strong>vient,<br />
avec le festival MassiMadi, le mois où les gais, lesbiennes,<br />
bisexuel(le)s et transgenres issus <strong>de</strong>s communautés africaines et<br />
caraïbéennes prennent possession <strong>de</strong> la place qui leur est <strong>du</strong>e sur<br />
l’espace réservé à toutes les communautés noires et sortent <strong>de</strong> leur<br />
invisibilité pour affirmer leur existence au sein d’une société dans<br />
laquelle ils font face à <strong>de</strong> multiples discriminations, tant pour la<br />
couleur <strong>de</strong> leur peau que pour leur orientation sexuelle.<br />
Arc‐en‐ciel d’Afrique innove avec MassiMadi car il s’agit <strong>du</strong> seul<br />
1939, Hitler, la Deuxième Guerre mondiale, l’Holocauste,<br />
la Shoah, la solution finale, Anne Frank. Tant <strong>de</strong> mots ne<br />
rappellent qu’une pério<strong>de</strong>, qu’un évènement. Mille fois<br />
repris, mille fois expliqué, exposé, décrit, traité. Tragique<br />
et honteux comme épiso<strong>de</strong> historique c’est d’ailleurs,<br />
entre autres, pour ces raisons que l’on doit se rappeler <strong>de</strong> ce<br />
moment, le conserver dans un coin <strong>de</strong> notre mémoire à l’abri <strong>de</strong><br />
tout dommage que le temps inflige à tout sans exception. Le temps<br />
est parfois cruel : la pierre s’effrite, <strong>de</strong>s ri<strong>de</strong>s apparaissent, la<br />
nourriture pourrit, le blanc <strong>de</strong>vient gris. Ce n’est que dans un petit<br />
recoin <strong>de</strong> notre tête que <strong>de</strong> tels événements trouvent refuge. Ils<br />
marquent notre existence, notre manière <strong>de</strong> penser, <strong>de</strong><br />
comprendre et <strong>de</strong> saisir le mon<strong>de</strong> qui nous entoure. Que ce soit un<br />
film, un essai, un roman, toutes les formes d’art ont su abor<strong>de</strong>r le<br />
sujet, mais toujours d’une manière plutôt conventionnelle<br />
c’est‐à‐dire, en rappelant <strong>de</strong>s faits véridiques historiques, en<br />
montrant explicitement au public quel est le sujet <strong>de</strong> l’oeuvre à<br />
laquelle il fait face évitant tout état <strong>de</strong> choc. Yann Martel, auteur <strong>de</strong><br />
l’Histoire <strong>de</strong> PI, reprend les évènements <strong>de</strong> la Deuxième Guerre<br />
mondiale subtilement, <strong>de</strong> manière flui<strong>de</strong>, faisant appel à notre<br />
imaginaire afin <strong>de</strong> représenter différemment cet événement<br />
tragique <strong>de</strong> l’histoire. Il nous offre, en fait, la possibilité <strong>de</strong> voir<br />
plus loin, <strong>de</strong> voir autrement. L’extrait suivant démontre bien le fil<br />
con<strong>du</strong>cteur <strong>de</strong> ce roman que j’ai tenté <strong>de</strong> vous transmettre :<br />
«Ce terrible événement a été en très gran<strong>de</strong> partie représenté par une seule<br />
école: le réalisme historique. [...] Pourquoi cette méfiance <strong>de</strong> l’imagination,<br />
6<br />
SABRINA PAILLÉ<br />
événement cinématographique au mon<strong>de</strong> traitant exclusivement<br />
<strong>de</strong>s réalités LGBT dans les communautés afro‐caraïbéennes et il<br />
permet aux Québécoises et aux Québécois <strong>de</strong> toutes origines <strong>de</strong><br />
découvrir tant <strong>de</strong>s documentaires que <strong>de</strong>s œuvres <strong>de</strong> fiction sur<br />
ces réalités réalisés aux quatre coins <strong>du</strong> mon<strong>de</strong>.<br />
Des réfugiés LGBT d’origine africaine à Montréal à la violence<br />
conjugale chez les lesbiennes, en passant par l’homophobie en<br />
milieu scolaire, l’activisme queer en Ouganda, la difficulté<br />
d’affirmer une i<strong>de</strong>ntité gaie dans la diaspora jamaïcaine au<br />
Royaume‐Uni et plus encore, l’édition <strong>de</strong> cette année s’annonce<br />
riche en thématiques. Le film <strong>de</strong> clôture <strong>du</strong> festival, «Une vie<br />
interdite», qui sera projeté à l’ONF le 12 février, sera une première.<br />
Il s’agit d’un documentaire réalisé à Montréal par un cinéaste<br />
d’origine camerounaise, Honoré Noumabeu, qui confronte<br />
brillamment et sans détour un grand tabou en se penchant sur la<br />
manière dont l’homosexualité et la transsexualité sont perçues au<br />
sein <strong>de</strong> la communauté africaine au Québec.<br />
Les projections <strong>de</strong>s trois premières journées <strong>du</strong> festival, les 6, 7 et<br />
8 février, auront lieu à l’<strong>UQAM</strong>. Elles se poursuivront à l’ONF et à<br />
l’Université Concordia les journées suivantes jusqu’au 12 février.<br />
L’entrée est gratuite, avec un don suggéré <strong>de</strong> cinq dollars. La<br />
programmation complète <strong>de</strong> l’édition <strong>2011</strong> <strong>du</strong> festival est<br />
disponible sur le site web d’Arc‐en‐ciel d’Afrique à l’adresse suivante<br />
: www.arcencieldafrique.org/massimadi.htm<br />
Redécouvrir notre histoire... quʹen pensez vous?<br />
CHLOÉ LAVIGNE<br />
pourquoi cette résistance à la métaphore artistique? Une oeuvre d’art est<br />
efficace parce qu’elle est vraie, pas parce qu’elle est réelle. [...] L’art comme<br />
valise, légère, facile à porter, essentielle ‐ est‐ce qu’un tel traitement n’était<br />
pas possible, n’était pas, en fait, nécessaire pour la plus gran<strong>de</strong> tragédie <strong>de</strong>s<br />
Juifs.d’Europe (1)»..................................................................................<br />
Son roman, Béatrice et Virgile, est donc l’histoire d’un auteur<br />
célèbre, Henry, qui amorce cette gran<strong>de</strong> entreprise; celle d’abor<strong>de</strong>r<br />
un sujet <strong>de</strong> manière fondamentalement différente. S’ouvre alors<br />
les portes d’un voyage dans la vie d’un homme cherchant une<br />
nouvelle vocation dans les rues <strong>de</strong> Londres en compagnie <strong>de</strong> sa<br />
femme enceinte. La lettre d’un lecteur, un taxi<strong>de</strong>rmiste, lui<br />
quémandant <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> afin <strong>de</strong> poursuivre et <strong>de</strong> terminer une pièce<br />
<strong>de</strong> théâtre qu’il écrit <strong>de</strong>puis si longtemps constitue un moment<br />
tournant dans l’histoire. Henry renoue ainsi doucement, au fil <strong>de</strong>s<br />
pages, avec son idée <strong>de</strong> parler <strong>de</strong> l’Holocauste <strong>de</strong> manière<br />
artistique afin <strong>de</strong> frapper <strong>de</strong> plein fouet l’imaginaire. Un peu<br />
innocemment, nous nous laissons transporter à travers les mailles<br />
d’une toile élégamment tissée, se laissant embarquer dans un<br />
univers à la fois connu et inconnu, dérangeant et rassurant, triste<br />
et intriguant. Ce roman s’empoigne d’une partie <strong>de</strong> notre<br />
imaginaire et le marque à jamais. L’art une valise? Certainement, la<br />
valise <strong>de</strong> l’imaginaire collectif, <strong>de</strong> la mémoire collective. Pourtant<br />
toute petite, une pelletée d’évènements y entre...................................<br />
1. Yann Martel, 2010, Béatrice et Virgile, édition XYZ, Montréal, p.14‐15<br />
Le Poids-Lu- Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> <strong>janvier</strong> 11, vol. six, num. un - journalsocio@hotmail.com
À la recherche d’un mari occi<strong>de</strong>ntal?<br />
E<br />
n Thaïlan<strong>de</strong>, <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> jeunes femmes sont<br />
à la recherche d’un mari occi<strong>de</strong>ntal. Ce phénomène<br />
se développe parallèlement à la prostitution et au<br />
tourisme sexuel. Bien souvent, c’est par le biais <strong>du</strong><br />
tourisme sexuel que <strong>de</strong> jeunes femmes travaillant à<br />
Bangkok rencontrent <strong>de</strong>s Occi<strong>de</strong>ntaux. Ces hommes leur inspirent<br />
alors la richesse ainsi que la possibilité d’améliorer leur condition<br />
<strong>de</strong> vie et leur statut social. Un documentaire disponible sur<br />
YouTube réalisé par Monika Garnsey, Girlfriend for sell (1), illustre<br />
bien cette situation.<br />
Le documentaire permet <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong>ux jeunes femmes vivant<br />
dans <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie précaires à travers lesquelles elles sont<br />
contraintes d’élever leurs enfants. Pour elles, se marier avec un<br />
étranger représente la possibilité d’une vie meilleure. Une <strong>de</strong>s<br />
jeunes femmes, Fon, travaille dans un bar où elle est payée pour<br />
s’amuser avec les clients (2). C’est grâce à son emploi qu’elle a<br />
rencontré son petit ami, « un étranger » qu’elle espère marier.<br />
L’emploi qu’elle occupe n’est pas très bien vu dans son village.<br />
Toutefois, les gens sont conscients que très souvent le seul moyen<br />
pour ces jeunes femmes voire les jeunes hommes et même les<br />
enfants d’obtenir <strong>de</strong> l’argent et d’avoir une vie considérée comme<br />
étant plus décente se fait par le travail au sein <strong>de</strong> l’in<strong>du</strong>strie <strong>du</strong><br />
tourisme sexuel et <strong>de</strong> la prostitution (3). Une <strong>de</strong>uxième jeune<br />
femme, Lek, tente désespérément <strong>de</strong> rencontrer un mari en ligne.<br />
Il est alors possible <strong>de</strong> remarquer la quantité <strong>de</strong> sites <strong>de</strong> rencontre<br />
entre étrangers (hommes occi<strong>de</strong>ntaux) et femmes thaïes<br />
disponibles sur le web (4).<br />
Ce phénomène <strong>de</strong> mariage entre les hommes occi<strong>de</strong>ntaux et les<br />
femmes thaïes ainsi que ceux <strong>de</strong> la prostitution et <strong>du</strong> tourisme<br />
sexuel illustrent bien la situation contraignante à travers laquelle<br />
les Thaïlandaises et Thaïlandais évoluent. Dans le cas <strong>de</strong>s jeunes<br />
femmes, se trouver un mari occi<strong>de</strong>ntal est parfois la seule solution.<br />
Le mariage permet alors d’améliorer la vie <strong>de</strong> celles‐ci et <strong>de</strong> leur<br />
famille. En effet, elle quitte donc le village pour aller rejoindre son<br />
mari dans un pays occi<strong>de</strong>ntal (5) où elle espère avoir <strong>de</strong> meilleures<br />
conditions <strong>de</strong> vie. Sinon, le mari vient rejoindre sa nouvelle famille<br />
en Thaïlan<strong>de</strong> et y fait bâtir une gran<strong>de</strong> maison (6). Celles‐ci sont<br />
beaucoup plus gran<strong>de</strong>s que les autres maisons <strong>du</strong> village créant<br />
ainsi <strong>de</strong> la jalousie et <strong>du</strong> désir chez les autres femmes. De plus, en<br />
attendant le mariage, le futur mari fournit une somme d’argent<br />
permettant alors aux femmes thaïes <strong>de</strong> quitter le milieu <strong>de</strong> la<br />
prostitution (7). Ce <strong>de</strong>rnier apporte, bien sûr, son niveau <strong>de</strong> honte<br />
et d’humiliation, les autres villageoises et villageois n’adhérant pas<br />
à cette manière d’agir. Toutefois, pour Formoso, docteur en<br />
ethnologie, les indivi<strong>du</strong>s comprennent que parfois il n’y a pas<br />
MÉLANIE BEAUREGARD<br />
CHRONIQUE<br />
d’autres solutions et sont amenés à tolérer leurs pratiques : « Selon<br />
le point <strong>de</strong> vue alors le plus courant, les filles qui ‘‘ven<strong>de</strong>nt leur<br />
corps’’ se comportent certes mal, mais <strong>du</strong> fait <strong>de</strong> la pauvreté <strong>de</strong><br />
leur milieu, elles n’ont pas d’autres moyens pour améliorer la<br />
situation <strong>de</strong> leur famille. (8) »<br />
Un autre effet <strong>de</strong> la recherche d’un mari occi<strong>de</strong>ntal est la<br />
contrainte chez les jeunes femmes à revêtir une i<strong>de</strong>ntité<br />
particulière. En effet, Lek tente <strong>de</strong> trouver un mari par le biais<br />
d’Internet et personne ne lui accor<strong>de</strong> beaucoup d’attention. Elle<br />
essaie d’attirer les hommes en mettant en ligne <strong>de</strong>s photos d’elle où<br />
elle est habillée dans <strong>de</strong>s vêtements traditionnels (9). Elle<br />
personnalise alors la parfaite femme thaïe. Sans le vouloir, elle<br />
participe au mythe entourant les femmes thaïes qui attirent<br />
beaucoup d’Occi<strong>de</strong>ntaux. Pour l’anthropologue Franck Michel,<br />
une idéologie s’est développée autour <strong>de</strong>s femmes thaïes leur<br />
imposant <strong>de</strong>s caractéristiques particulières auxquelles elles<br />
doivent correspondre si elles désirent se trouver un petit ami :<br />
« [...] parmi les étrangers, les Occi<strong>de</strong>ntaux ont notamment<br />
développé une mythologie incroyablement fécon<strong>de</strong> autour <strong>de</strong>s<br />
vertus inestimables <strong>de</strong> la femme thaïlandaise. (10)» Nous pouvons<br />
donc comprendre que les Occi<strong>de</strong>ntaux se sont créé <strong>de</strong>s attentes<br />
vis‐à‐vis <strong>de</strong>s femmes thaïlandaises, celles‐ci sont alors contraintes<br />
<strong>de</strong> leur correspondre si elles désirent plaire à ces <strong>de</strong>rniers pour<br />
ensuite se marier avec eux.<br />
Enfin, la situation est beaucoup plus complexe qu’expliquée ici.<br />
Toutefois, le documentaire permet d’illustrer à quel point ces<br />
mariages sont porteurs d’espoir et que ces jeunes femmes (<strong>de</strong><br />
même que les jeunes hommes et les enfants qui ne sont pas<br />
abordés dans le documentaire) sont dans <strong>de</strong>s positions<br />
contraignantes. Certaines disent qu’elles ont le choix, Lek illustre<br />
cette position puisqu’elle refuse <strong>de</strong> se prostituer, mais elle tente<br />
tout <strong>de</strong> même <strong>de</strong> rencontrer quelqu’un par internet. Il ne faut alors<br />
pas critiquer leurs choix, mais essayer <strong>de</strong> comprendre leur situation<br />
pour apporter <strong>de</strong>s solutions.<br />
1. Monika Garnsey (réal). 2007. Girlfriend for sell: part 1. Documentaire en ligne.<br />
Gran<strong>de</strong>‐Bretagne: Channel 4, 9 min. 41 sec.<br />
http://www.youtube.com/watch?v=STCpKDAmKSs. Consulté le 2 <strong>janvier</strong> <strong>2011</strong>.<br />
2. Ibid., 4 min. 47 sec.<br />
3. Ibid., 3 min. 14 sec.<br />
4. Ibid., 8 min.<br />
5. Bernard Formoso, « Corps étrangers: tourisme et prostitution en Thaïlan<strong>de</strong> ».<br />
Anthropologie et Sociétés. 2001, vol. 25, n°2. p.59.<br />
6. Monika Garnsey, Op. cit., 5 min. 03 sec.<br />
7. Ibid.,1 min. 30 sec.<br />
8. Bernard Formoso., Op. cit., p. 64.<br />
9. Monika Garnsey, Op. cit., 0 min. 15 sec.<br />
10. Franck Michel, « Le tourisme sexuel en Thaïlan<strong>de</strong> », Théoros, Vol.22, n°1, (printemps<br />
2003) p.23. Dans Repère.<br />
Le Poids-Lu- Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> <strong>janvier</strong> 11, vol. six, num. un - journalsocio@hotmail.com<br />
7
Billets <strong>de</strong> tirage pour une paire <strong>de</strong> billets<br />
Montréal‐Boston au centre Bell<br />
le 8 mars <strong>2011</strong> : 5$<br />
Pour financer le voyage d’étu<strong>de</strong> à Berlin <strong>de</strong>s étudiant‐e‐s en <strong>sociologie</strong>. Vous<br />
pouvez vous procurer <strong>de</strong>s billets au monitorat lors <strong>de</strong>s heures d’ouverture!<br />
Pour participer au journal Le Poids‐Lu<br />
Écrivez‐nous au journalsocio@hotmail.com .<br />
Faites‐nous parvenir vos textes avant le 7 mars <strong>2011</strong>.<br />
Thème <strong>de</strong> la prochaine édition: «É<strong>du</strong>cation»<br />
*En respect <strong>de</strong> la charte, veuillez féminiser vos textes.<br />
‐ Un professeur <strong>de</strong> <strong>sociologie</strong> entre dans une classe avec une moue interrogative. Il <strong>de</strong>man<strong>de</strong> à la classe s’il s’agit bel et bien <strong>du</strong> cours<br />
d’« Analyse statistique ». Un étudiant lui répond par la négative, il répond alors, sourire en coin : « PARFAIT, je suis à la bonne<br />
place »!<br />
‐ Un étudiant <strong>du</strong> cours <strong>de</strong> <strong>sociologie</strong> <strong>de</strong>s médias et <strong>de</strong> l’information aurait visionné un épiso<strong>de</strong> <strong>de</strong> la fameuse télé‐série Mégabogues<br />
(Reboot) <strong>du</strong>rant le cours.<br />
‐ Un professeur fortement grippé lors <strong>du</strong> premier cours <strong>de</strong> l’année avertit la classe que le cours ne <strong>du</strong>rera pas les trois heures parce<br />
sinon, dit‐il, « vous allez me sortir d’ici sur une civière avec un soluté »<br />
‐ Une étudiante se serait plainte <strong>du</strong> caractère sexiste <strong>de</strong> la section «commérage socio!». L’équipe <strong>du</strong> journal aurait su remédier à la situation<br />
à grands coups <strong>de</strong> pilosité.<br />
LE DÉGRISEUR<br />
Ingrédients :<br />
‐Votre Chili personnel préféré<br />
‐Bacon<br />
‐Patate frite<br />
‐Œuf mollet (un œuf non cuit)<br />
‐Cheddar râpé<br />
Préparation :<br />
Mettre le chili dans une assiette allant au four, y déposer sur le <strong>de</strong>ssus le<br />
bacon préalablement cuit. Ajouter <strong>de</strong>s patates frites. Mettre <strong>de</strong>s œufs<br />
mollets sur le tout. Ajouter le cheddar sur tous les ingrédients puis faire gratiner le tout.<br />
Effectivement, cela peut sembler malsain, mais avec une pinte <strong>de</strong> Stout votre <strong>de</strong>rnière soirée vous paraîtra comme<br />
une histoire ancienne.<br />
Bonne étu<strong>de</strong>!<br />
François Gagnier<br />
Recette prise <strong>du</strong> Pub : MC Carold<br />
8<br />
Commérage socio!<br />
Gastronomie estudiantine!<br />
Le Poids-Lu- Édition <strong>du</strong> <strong>17</strong> <strong>janvier</strong> 11, vol. six, num. un - journalsocio@hotmail.com